M. Thani Mohamed Soilihi. Le présent amendement vise à modifier les mesures transitoires de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, s’agissant de la mise en œuvre de la réduction de huit à sept ans de la durée maximale des plans de surendettement prévue par cette même loi.
Je serai bref car cet amendement a reçu les faveurs de la commission. Afin d’éviter un double traitement des dossiers de surendettement, tant par les commissions que par les juridictions, et donc un retard de traitement nécessairement préjudiciable au justiciable, il est proposé d’indiquer que le critère d’application de la loi nouvelle aux procédures en cours est celui de la date de saisine du juge. Si le juge est saisi avant la date d’entrée en vigueur de la loi, il statue conformément à la loi ancienne, y compris si sa décision intervient après le 1er juillet 2016. Puisque je vois que Mme la garde des sceaux acquiesce, je ne poursuivrai pas plus avant mes explications.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement vise à préciser les conditions d’entrée en vigueur de la réduction de huit à sept ans, sauf exceptions précisément définies, de la durée maximale d’un plan de surendettement. Cette réduction a été adoptée dans le cadre de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. Ces précisions sont utiles et cohérentes. Elles présentent un lien avec le présent texte.
Néanmoins, en réunion de commission, hier matin, un doute subsistait, d’un point de vue technique, sur la date d’entrée en application de la disposition de la loi de 2014 prévoyant la réduction de la durée du plan, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel ayant censuré certains articles de ce texte relatifs au registre national des crédits aux particuliers.
Depuis, ce point a été vérifié. Aussi, rien ne s’oppose, me semble-t-il, à l’adoption de cet amendement. Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 51.
Chapitre II
Des habilitations
Article 52
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures de nature législative :
1° Nécessaires à la mise en place du tribunal des affaires sociales, prévu à l’article 8, et à la suppression des tribunaux des affaires de sécurité sociale, des tribunaux du contentieux de l’incapacité, des commissions départementales d’aide sociale, de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail et de la Commission centrale d’aide sociale ;
2° Tendant, d’une part, à supprimer la participation des magistrats de l’ordre judiciaire, des membres du Conseil d’État et des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel aux commissions administratives lorsque leur présence n’est pas indispensable au regard des droits ou des libertés en cause et, d’autre part, à modifier, le cas échéant, la composition de ces commissions pour tirer les conséquences de cette suppression ;
3° Nécessaires pour assurer la compatibilité de la législation, notamment du code de la propriété intellectuelle, avec le règlement (UE) n° 1257/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2012, mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet et du règlement (UE) n° 1260/2012 du Conseil, du 17 décembre 2012, mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction ;
4° Nécessaires pour mettre en œuvre l’accord international relatif à une juridiction unifiée du brevet signé le 19 février 2013 et assurer la compatibilité de la législation, notamment du code de la propriété intellectuelle, avec celui-ci ;
5° Nécessaires à la création d’un statut de consultant juridique étranger définissant, d’une part, les conditions dans lesquelles les avocats inscrits aux barreaux d’États n’appartenant pas à l’Union européenne, liés à celle-ci par un traité international le prévoyant, ainsi que les personnes exerçant dans ces États, s’agissant du conseil juridique, une activité équivalente, peuvent être autorisés à donner des consultations juridiques et à rédiger des actes sous seing privé pour autrui dans des domaines juridiques prédéterminés, et d’autre part, les modalités d’exercice de ces activités.
II (Non modifié). – Les ordonnances prévues au I sont prises dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.
III (Non modifié). – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication des ordonnances mentionnées au I.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 233, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par six alinéas ainsi rédigés :
1° Nécessaires pour mettre en œuvre les dispositions de l’article 8 et pour en tirer les conséquences afin de regrouper, dans l’intérêt des justiciables, les contentieux qu’elles mentionnent, en prévoyant notamment :
a) La suppression des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l’incapacité ;
b) La suppression de la compétence de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail pour connaître en appel des décisions des tribunaux du contentieux de l’incapacité, et le maintien de sa compétence prévue à l’article L. 143-4 du code de la sécurité sociale ;
c) La composition des formations du tribunal de grande instance et de la cour d’appel auxquelles sont transférés les contentieux mentionnés à cet article, ainsi que le mode de désignation et, le cas échéant, la durée des fonctions des personnes appelées à y siéger ;
d) Les conditions dans lesquelles les parties peuvent se faire représenter ou assister devant ces formations ;
e) Les dispositions transitoires tendant à déterminer les juridictions compétentes pour statuer sur les litiges pendants à la date d’entrée en vigueur de l’article 8 ;
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à rétablir les alinéas 2 à 7 de l'article 52 du projet de loi… J’étais persuadée que cet amendement était devenu sans objet, mais je veux bien qu’il soit voté. (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 233 n’a plus d’objet.
L'amendement n° 125 rectifié, présenté par MM. Bignon, Masclet, Grosdidier et Vasselle, Mmes Gruny et Cayeux et M. Lefèvre, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 164, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. L’article 52 prévoit d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour assurer la compatibilité du code de la propriété intellectuelle avec le règlement mettant en œuvre une coopération renforcée en matière de brevet, ainsi que les mesures destinées à mettre en œuvre l’accord international relatif à une juridiction unifiée du brevet.
Cependant, comme le souligne M. le rapporteur, les sujets concernés sont importants pour la compétitivité des entreprises françaises et européennes. Nous aurions donc souhaité un véritable débat devant le Parlement à l’occasion de l’adaptation de la législation française.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer cette habilitation législative.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’émets bien sûr un avis défavorable, car cet amendement vise à supprimer des alinéas par lesquels le Gouvernement demande au Parlement de l’habiliter à prendre les dispositions juridiques et techniques appropriées.
Il n’existe pas de désaccord de fond. Je comprends votre position de principe de parlementaires, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, signataires de l’amendement. Cependant, nous avons suffisamment échangé sur ce point pour que vous sachiez tout le bien que j’en pense, mais aussi toutes les nécessités qui me conduisent à vous solliciter.
Mme la présidente. Madame Cukierman, l'amendement n° 164 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 58 rectifié, présenté par M. Frassa, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
5° Permettant aux avocats inscrits aux barreaux d’États n’appartenant pas à l’Union européenne, liés à celle-ci par un traité international le prévoyant, d’être autorisés à donner des consultations juridiques et à rédiger des actes sous seing privé pour autrui dans les domaines relevant de leur compétence en matière de droit étranger ou de droit international.
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Cet amendement porte sur l’alinéa 6 de l’article 52.
La rédaction initiale de cet alinéa habilitait le Gouvernement à créer par ordonnance un statut de consultant juridique étranger.
Or, lorsque l’on connaît les débats récurrents sur le statut d’avocat en entreprise ou la confidentialité des avis des juristes d’entreprise, il est vrai que cette habilitation peut laisser perplexe : elle semble vouloir reconnaître à des ressortissants étrangers la faculté de réaliser des consultations juridiques que l’on refuserait aux juristes français.
Comme nous le relevions, MM. Delebarre et moi-même, dans notre excellent rapport d’information (Sourires.) rédigé au nom de la commission des lois et intitulé Droit des entreprises : enjeux d’attractivité internationale, enjeux de souveraineté, le défaut de toute confidentialité accordée aux avis juridiques échangés au sein de l’entreprise constitue, pour les entreprises françaises, un désavantage compétitif, qui peut peser sur la décision d’une société d’opter pour le droit français ou d’implanter en France sa direction des affaires juridiques.
La création du statut de consultant juridique étranger, permettant à des avocats étrangers ou à des personnes exerçant des activités équivalentes, de donner des consultations juridiques et de rédiger des actes sous seing privé dans des domaines déterminés, comporte un risque de voir ce désavantage français encore accentué, si ces consultants étrangers ne sont pas soumis aux mêmes contraintes, en termes de confidentialité, que celles qui pèsent sur les juristes d’entreprise soumis au droit français.
Avant de créer un tel statut pour les consultants étrangers, il semble donc indispensable de mener à leur terme les réflexions sur la mise en place d’un privilège de confidentialité ou sur la création d’un statut d’avocat en entreprise adapté aux conditions de l’exercice salarié, et d’instaurer, en droit interne, un mécanisme permettant d’assurer la confidentialité des échanges au sein des entreprises françaises.
Il semble que c’est l’imprécision de l’habilitation qui est ici en cause. Aussi, pour lever ces ambiguïtés d’interprétation, il convient de supprimer toute idée de « statut de consultant juridique étranger ».
De plus, l’objectif qui transparaît de l’étude d’impact est de permettre l’exercice en France d’avocats étrangers, sans examen d’aptitude, dans certaines conditions précisément encadrées, ce qui suppose un statut juridique proche de celui des avocats français.
Le présent amendement va donc dans le sens de l'étude d'impact en habilitant le Gouvernement à permettre aux avocats inscrits aux barreaux d’États n’appartenant pas à l’Union européenne, liés à celle-ci par un traité international le prévoyant, de donner des consultations juridiques et de rédiger des actes sous seing privé pour autrui dans les domaines relevant de leur compétence en matière de droit étranger ou de droit international.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ce refus d’habilitation.
M. Christophe-André Frassa. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à la suppression de l’alinéa 6 prévoyant de demander au Parlement une habilitation.
M. Christophe-André Frassa. Mais non !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il s’agit de « supprimer l’habilitation donnée au Gouvernement pour créer par ordonnance un statut de consultant juridique étranger ».
Mme la présidente. Nous examinons l’amendement n° 58 rectifié. Vous n’avez pas la bonne version, madame la garde des sceaux !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai effectivement travaillé sur l’amendement n° 58. Je reçois à l’instant l’amendement n° 58 rectifié.
Ayant travaillé sur l’amendement de suppression, je m’apprêtais à vous expliquer les conditions et le contexte dans lesquels le statut de consultant juridique étranger a été élaboré. Il s’agit d’un engagement multilatéral entre l’Union européenne et différents États, encadrant – vous l’avez d’ailleurs dit dans votre intervention – les limites fixées aux consultations que ce professionnel pourrait donner.
Vous nous soumettez maintenant un amendement qui réécrit l’alinéa 6. Venant à l’instant d’en prendre connaissance, je n’ai évidemment pu l’examiner auparavant.
M. Christophe-André Frassa. Il vous a été distribué !
M. Yves Détraigne, rapporteur. Il a été examiné par la commission.
Mme la présidente. Cet amendement a été distribué en temps opportun, et non à l’instant, madame la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je dis que je n’en ai pas pris connaissance. Par conséquent, sur une matière aussi technique qui doit être conforme aux engagements pris par les signataires de cette convention multilatérale, je ne suis pas en mesure, telle que je conçois l’élaboration du droit, d’approuver au nom du Gouvernement la façon dont vous avez rédigé cet alinéa.
J’émets donc un avis défavorable, car je ne peux engager le Gouvernement sur cette rédaction.
Mme la présidente. Si je comprends bien, la commission est très favorable à cet amendement, et Mme la ministre n’a pas pu étudier cette version.
Monsieur Frassa, l'amendement n° 58 rectifié est-il maintenu ?
M. Christophe-André Frassa. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Des éléments du débat m’ont peut-être échappé, mais il me semble que M. le rapporteur a émis un avis favorable sans expliquer pourquoi. Je suppose qu’il s’en remet aux explications de notre collègue Christophe-André Frassa. Or, et je ferai preuve en la matière de la même prudence que Mme la garde des sceaux, ces règles relatives à la profession d’avocat, qui est une profession réglementée, doivent être modifiées avec précaution, notamment au regard de la déontologie relative à cette profession.
Je serai plus que réservé face à cet amendement.
Mme la présidente. Cet amendement a été examiné en commission…
M. Yves Détraigne, rapporteur. … et rectifié comme elle l’a souhaité.
Mme la présidente. Un premier amendement a donc été déposé. Il a ensuite été rectifié en commission, transmis au cabinet, qui n’a peut-être pas eu le temps de l’étudier.
Je mets aux voix l’amendement n° 58 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 52, modifié.
(L'article 52 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 52
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par M. Reichardt, Mmes Imbert, Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Grosdidier, Danesi et Doligé, Mmes Di Folco et Gruny et MM. Delattre, Lefèvre, César, Laménie, Laufoaulu, Houpert et Masclet, est ainsi libellé :
Après l’article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’article 74-2, il est inséré un article 74-… ainsi rédigé :
« Art. 74-... – Si les nécessités de l’enquête portant sur un crime ou un délit flagrant puni d’au moins trois ans d’emprisonnement l’exigent, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention d’une requête motivée tendant à ce que la personne soit, à l’issue de sa garde à vue, astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent insuffisantes, à son assignation à résidence avec surveillance électronique. À titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique sont insuffisantes, elle peut être placée en détention provisoire pour une durée d’un mois renouvelable une fois.
« Il est alors procédé conformément aux dispositions de la section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier.
« L’avocat choisi ou le bâtonnier est informé, par tout moyen et sans délai, de la date et de l’heure du débat contradictoire. L’avocat peut, à tout moment, consulter le dossier et s’entretenir avec son client.
« Si la personne se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention pour que celui-ci décerne mandat d’arrêt ou d’amener à son encontre. Il peut également, par requête motivée, saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire. Quelle que soit la peine d’emprisonnement encourue, le juge des libertés et de la détention peut décerner, à l’encontre de cette personne, un mandat de dépôt en vue de sa détention provisoire, sous réserve des dispositions de l’article 141-3. Les dispositions de l’article 141-4 sont applicables ; les attributions confiées au juge d’instruction par cet article sont alors exercées par le procureur de la République.
« La mise en liberté peut être ordonnée d’office par le procureur de la République.
« La personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté. La demande de mise en liberté est adressée au procureur de la République. Sauf s’il donne une suite favorable à la demande, le procureur de la République doit, dans le délai de cinq jours à compter de sa réception, la transmettre au juge des libertés et de la détention avec son avis motivé. Ce magistrat statue dans le délai de trois jours prévu à l’article 148.
« À l’issue de l’enquête, si la personne est toujours détenue, le procureur de la République peut procéder conformément aux dispositions du paragraphe 3 de la section 1 du chapitre 1er du titre II du livre II. » ;
2° L’article 143-1 est ainsi modifié :
a) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Lorsqu’il est fait application de l’article 74-3 à l’encontre de la personne mise en cause. » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « à l’article » sont remplacés par les mots : « aux articles 74-3 et ».
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. En l’état actuel du droit, la détention provisoire est décidée par le juge des libertés et de la détention, le JLD, sur les demandes, conjointes ou séparées, du juge d’instruction et du procureur de la République, dans le seul cadre de l’information judiciaire diligentée sous le contrôle d’un juge d’instruction. Cette détention n’existe pas dans les enquêtes menées sous le contrôle du parquet.
Le présent amendement tend à instaurer un nouveau régime d’enquête dans lequel le procureur, tout en gardant le contrôle de la procédure, pourrait solliciter du JLD le placement en détention provisoire pour un délai limité à un mois, renouvelable une fois.
Les droits de la défense seraient préservés par le renvoi aux mêmes garanties que celles entourant la détention provisoire dans le cadre d’une information judiciaire – assistance d’un avocat, accès à la procédure, débat contradictoire, critères restrictifs autorisant la détention, etc.
Ce nouveau régime juridique donnerait des gages aux citoyens quant à l’efficacité recouvrée du système judiciaire français. En l’occurrence, le but est de modifier la procédure pénale pour plus de réalisme et d’efficacité, tout en préservant le haut niveau de garantie des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui caractérise le système judiciaire français et forme l’assise de notre démocratie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Ma chère collègue, le Gouvernement nous a assuré qu’il présenterait bientôt un projet de loi relatif à la procédure pénale. Or c’est bien de ce sujet qu’il s’agit.
Aussi, je vous invite à retirer cet amendement, dont il sera possible de débattre de nouveau à la faveur de ce texte à venir.
Madame la garde des sceaux, pouvez-vous nous indiquer avec plus de précision quand sera examiné ce projet de loi relatif à la procédure pénale ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, je peux en toute honnêteté vous assurer que ce texte sera soumis au Parlement, non dans quelques mois, mais dans quelques semaines.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Dans ce cas, je confirme ma demande de retrait !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai détaillé hier les travaux menés par la mission Cotte, les conclusions du rapport Beaume et les résultats du groupe de travail réuni par le ministère de l’intérieur depuis un an.
Les grandes lignes de ce texte sont d’ores et déjà élaborées. Les consultations interministérielles seront entreprises sous peu. M. le Premier ministre lui-même s’est engagé à ce que ce projet de loi soit soumis au Conseil d’État dans quelques semaines. Ainsi, ce texte sera totalement prêt au premier trimestre 2016.
Quant à l’amendement n° 14, il appelle de la part du Gouvernement un avis défavorable.
Madame Deromedi, j’observe une disjonction entre les principes que vous énoncez, qui sont effectivement ceux de notre droit, et les dispositions que vous présentez. Vous envisagez la possibilité que des décisions de mise sous contrôle judiciaire ou de détention provisoire soient prises avant même l’engagement des poursuites.
Or, dans le même temps, vous réaffirmez le principe du contradictoire et les droits de la défense. Mais, en pareil cas, leur application serait tout simplement impossible : l’intéressé, n’étant pas poursuivi, ne peut faire l’objet d’actes de procédure qui, par exemple, seraient soumis à un juge des libertés et de la détention.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Madame Deromedi, l’amendement n° 14 est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 14 est retiré.
L'amendement n° 16, présenté par M. Reichardt, Mmes Imbert, Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Grosdidier, Danesi et Doligé, Mmes Di Folco et Gruny et MM. Delattre, Lefèvre, César, Laménie, Laufoaulu, G. Bailly, Grand, Houpert et Masclet, est ainsi libellé :
Après l’article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’avant-dernier alinéa de l’article 706-71 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Les mots : « En cas de nécessité, résultant de l’impossibilité pour un interprète de se déplacer, » sont supprimés ;
2° Après les mots : « de l’interprète », sont insérés les mots : « lors de la notification des droits, ».
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Considérant la pénurie d’interprètes et les frais de justice découlant des déplacements de ces professionnels au sein des maisons d’arrêt, dans les commissariats et brigades d’un ressort ou en centre de détention, nous proposons, via cet amendement, de faciliter le recours à l’interprétariat par téléphone, tout en l’entourant de mesures permettant de garantir les droits de la défense.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Madame Deromedi, je le répète, il sera préférable de débattre des dispositions de cette nature au titre du projet de loi relatif à la procédure pénale, qui, Mme la garde des sceaux l’a rappelé, est annoncé pour bientôt. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame la sénatrice, je vous l’indique à mon tour : ces dispositions pourront être débattues à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la procédure pénale.
Mme la présidente. Madame Deromedi, l’amendement n° 16 est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 16 est retiré.
L'amendement n° 15, présenté par M. Reichardt, Mmes Imbert, Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Grosdidier, Danesi et Doligé, Mmes Di Folco et Gruny et MM. Delattre, Lefèvre, César, Laménie, Laufoaulu, G. Bailly, Grand et Masclet, est ainsi libellé :
Après l’article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 802 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le grief ne peut pas être présumé et doit être démontré, en fait et en droit, par la partie qui l’invoque. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement a pour objet de rendre du sens au principe selon lequel il n’y a pas de nullité sans grief.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
Mme Jacky Deromedi. Le rôle de la procédure pénale est d’imposer le respect de certaines règles dans le déroulement des opérations menées à l’encontre des personnes suspectées.
L’inobservation de ces formalités substantielles est sanctionnée par une nullité, lorsqu’il en est résulté une atteinte aux intérêts de la personne mise en cause. Il faut donc caractériser un grief.
Par une construction jurisprudentielle contra legem, la Cour de cassation a établi de très nombreuses présomptions de griefs. En pareil cas, cette instance estime que tout manquement à la règle de droit est, en tant que tel, une cause de nullité de la procédure.
Cette jurisprudence mérite d’être infléchie, en ce qu’elle s’oppose à l’esprit de la loi, heurte le bon sens et contredit l’objectif d’efficacité des procédures.
En conséquence, il y a lieu de préciser la rédaction de l’article 802 du code de procédure pénale, pour exiger du demandeur soulevant la nullité qu’il justifie en fait et en droit du préjudice qu’il subit, sans quoi les pièces de procédure ne devraient pas être annulées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?