M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à rendre effective l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu’une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux jusqu’à seize heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
10
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
L’auteur de chaque question dispose de deux minutes, y compris la réplique.
La durée de deux minutes s’applique également à la réponse des membres du Gouvernement, même si M. le Premier ministre bénéficie d’une « horloge spéciale »… (Sourires.)
aide juridictionnelle
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.
M. Jacques Mézard. Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame le garde des sceaux, l’immense majorité des barreaux sont, aujourd’hui, en grève. Les avocats de ce pays plaident non seulement pour eux, mais aussi pour les justiciables, notamment pour ceux d’entre eux qui ont le plus de difficultés.
Ma question est simple : quelle réponse entendez-vous apporter à la position adoptée par la quasi-totalité des barreaux et par le Conseil national des barreaux ? Comptez-vous maintenir les dispositions concernant l’aide juridictionnelle que vous avez cru devoir insérer dans le prochain projet de loi de finances ou allez-vous les modifier ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier. Bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Mézard, je présume que vous avez conservé du temps de parole pour la réplique, car vous n’avez pas donné suffisamment de précisions pour éclairer ceux de vos collègues qui ne seraient pas au fait de ces questions, s’il en existe… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle que, depuis une quinzaine d’années, des rapports successifs, dont un du Sénat de 2006, soulignent que le système de l’aide juridictionnelle est à bout de souffle et qu’il va imploser.
Deux possibilités s’offraient à nous : ne rien faire – ce qui fut le cas pendant de nombreuses années – ou engager une réforme courageuse de progrès et de justice. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’aide juridictionnelle vise à permettre l’accès au droit et à la justice pour des justiciables disposant de revenus faibles. Alors que le plafond de ressources pour accéder à ce dispositif était inférieur au seuil de pauvreté, nous avons décidé de le relever, ce qui permettra à 100 000 personnes supplémentaires de bénéficier de l’aide juridictionnelle à 100 %.
Nous avons également décidé de relever les unités de valeur, qui n’avaient pas évolué depuis 2007. Par ailleurs, nous avons proposé que ces unités de valeur, qui servent de bases à la fixation des tarifs de toutes les prestations juridiques, soient encore augmentées pour tenir compte des particularités de certains territoires.
Nous avons engagé cette réforme avec l’ensemble de la profession : depuis trois ans, nous discutons avec ses représentants nationaux, à savoir le Conseil national des barreaux, le barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers.
M. Alain Gournac. Ce sont pourtant eux qui sont en grève !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons pris en compte les propositions qu’ils ont formulées.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
M. François Grosdidier. Elle n’a encore rien dit !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est l’une de ces propositions qui a été introduite dans le projet de loi de finances que le Sénat examinera bientôt. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour la réplique.
M. Jacques Mézard. Madame le garde des sceaux, vous dites avoir entériné les propositions émises par la profession, mais je constate que celle-ci est quasiment unanime – ce qui est rare – pour exprimer son désaccord avec votre réforme. (Bien sûr ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’ai cru comprendre que vous n’alliez pas changer de position. Je vous rappelle que notre collègue Sophie Joissains et moi-même avons commis un rapport sur l’aide juridictionnelle il y a quelques mois. Le Gouvernement n’en a tenu aucun compte : chacun est responsable de ses choix !
Madame la ministre, vous avez décidé de ponctionner plusieurs millions d’euros sur les caisses de règlement pécuniaire des avocats, c’est-à-dire de faire payer une partie du fonctionnement de l’aide juridictionnelle à la profession !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment !
M. Dominique Bailly. Mais ce n’est pas leur argent !
M. Jacques Mézard. Certes, vous avez raison de relever les plafonds : il s’agit d’une mesure sociale. Vous avez également raison de relever le montant des unités de valeur.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jacques Mézard. En revanche, maintenir votre position aura des conséquences néfastes pour les justiciables, ainsi que pour les avocats ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
cruauté animale dans les abattoirs
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, la semaine dernière ont été diffusées des images abominables sur les techniques d’abattage employées à l’abattoir d’Alès.
M. Alain Fouché. Bravo !
Mme Marie-Christine Blandin. Par leur cruauté, ces images ont fait fortement réagir et nous amènent à nous interroger sur le suivi des recommandations adressées à la France.
Alès n’est peut-être pas un cas isolé. En effet, en 2013, l’Office alimentaire et vétérinaire européen dénonçait de graves non-conformités, des insuffisances de personnel et de formation, un manque de contrôles, une protection animale défaillante et des risques sanitaires dans les abattoirs de volailles et de lapins.
En avril 2015, un nouveau rapport critiquait l’ensemble de la filière d’abattage, en pointant notamment l’absence de contrôles. Les réponses apportées par les autorités sont faibles, compte tenu de la gravité des faits !
M. Alain Fouché. C’est vrai !
Mme Marie-Christine Blandin. D’ailleurs, dans le cas de l’abattoir d’Alès, un contrôle sanitaire effectué le 4 septembre dernier avait établi l’existence de graves manquements.
Ces actes intolérables ne doivent plus se reproduire : il faut davantage de vétérinaires et des infrastructures mieux adaptées, afin d’écarter des contraintes de rendement qui contribuent à la commission de ces actes effroyables.
Je suis de celles qui pensent que le respect de la vie animale éduque au respect de la vie humaine.
Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager à ce que la législation en matière de contrôles et de sanctions soit enfin appliquée, non seulement pour les abattoirs, mais également en matière d’élevage et de transports ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Blandin, il est vrai que les images publiées sur internet ont choqué, y compris le ministre que je suis. En matière de bien-être animal, mon rôle est de faire respecter des règles claires, établies aux échelons européen et national.
Or, pour cela, il faut réaliser des contrôles. Dans le cas d’espèce, l’abattoir d’Alès avait été contrôlé au début du mois de septembre ; un nouveau contrôle après mise en demeure devait intervenir en novembre prochain, soit deux mois plus tard, conformément aux règles que j’évoquais à l’instant.
M. François Grosdidier. Cela n’a rien changé !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le maire d’Alès a pris entre-temps la décision de fermer cet abattoir municipal.
Il incombe à l’État de faire respecter les règles relatives au bien-être animal, voire d’améliorer les dispositions qui contribuent à ce bien-être. Je le souhaite comme vous, madame la sénatrice.
Dans cette perspective, les services vétérinaires doivent être en mesure de mener des contrôles efficaces. Je rappelle que c’est moi qui ai mis un terme, en 2013, aux suppressions de postes dans les services vétérinaires, qui avaient perdu 440 postes auparavant. En 2014 puis en 2015, nous avons créé 60 postes supplémentaires, et nous avons prévu la création de 60 autres postes dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Il en ira de même en 2017. Les services vétérinaires disposeront donc au total de près de 240 postes supplémentaires pour faire respecter et appliquer les règles.
En parallèle, nous examinerons comment améliorer les choses. Dans cet esprit, j’ai demandé à la direction générale de l’alimentation d’engager un travail de négociation avec les professionnels, dont les conclusions seront publiées au début de l’année 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour la réplique.
Mme Marie-Christine Blandin. Dans le cadre de l’examen du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, les écologistes avaient déposé un amendement tendant à « garantir » le bien-être animal. Le Gouvernement a préféré maintenir le verbe « veiller ». Nous venons de montrer que veiller au bien-être animal n’est pas suffisant ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mmes Françoise Férat, Françoise Laborde et Catherine Troendlé applaudissent également.)
route du littoral à La Réunion
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour le groupe CRC.
Mme Évelyne Didier. Cette question de mon collègue et ami Paul Vergès porte sur le projet très controversé de création d’une route littorale de douze kilomètres sur l’île de La Réunion, pour un coût initial de 1,6 milliard d’euros, soit 133 millions d’euros par kilomètre.
Ce projet cumule les anomalies.
Premièrement, malgré des demandes répétées, il n’a jamais fait l’objet d’une mission d’expertise économique et financière, ou MEF. Le Gouvernement peut-il confirmer que les financements sont assurés pour la part qui le concerne ?
Deuxièmement, en matière environnementale, le Conseil national de protection de la nature a émis un avis défavorable sur l’ouvrage. Malgré cela, un arrêté en date du 19 décembre 2013 autorise le conseil régional de La Réunion à déroger aux interdictions de destruction, d’altération ou de dégradation de sites de reproduction ou d’aires de repos de nombreuses espèces marines, animales et végétales.
Par ailleurs, on ne prend pas en compte les récentes évaluations relatives à la question de l’élévation du niveau de la mer dans le futur.
Troisièmement, pour la réalisation de cette route, quelque 18 millions de tonnes de roches sont nécessaires. Or la question de l’approvisionnement n’est pas résolue à ce jour.
En outre, une enquête menée par le parquet national financier sur l’attribution des marchés publics est en cours.
Le Gouvernement est-il prêt à lancer enfin, en urgence, les expertises nécessaires pour assurer une pleine information, afin que tous les décideurs puissent mesurer les enjeux et se déterminer en toute connaissance de cause ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, il s’agit en effet d’un projet extrêmement important, dont le coût est de 1,6 milliard d’euros. Sa réalisation est indispensable car, actuellement, la route dite « de la falaise » supporte un trafic de 50 000 véhicules par jour et connaît des effondrements, représentant 10 000 tonnes de roches par an. Un vrai risque existe donc, y compris celui d’un effondrement de la falaise.
Sur le plan financier, je rappellerai que c’est la région de La Réunion qui assure la maîtrise d’ouvrage, et non l’État. Ce dernier n’intervient que dans le financement. À ce propos, je vous confirme, madame la sénatrice, que l’État respecte le protocole signé en 2010.
Aujourd’hui, nous faisons face à une difficulté, que vous avez d’ailleurs signalée : à la fin du mois d’août, nous avons été informés de la nécessité d’importer 200 000 tonnes de roches de Madagascar pour pouvoir poursuivre les travaux. Certains, considérant que ce n’était pas prévu initialement, estiment qu’il faut renoncer au projet.
Les expertises que nous avons commandées montrent que si les travaux d’enrochement ne sont pas menés avant la période des cyclones, nous courrons le risque d’un effondrement, lequel provoquerait une pollution massive de l’océan.
Alertée par le préfet, Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a donc délivré des prescriptions extrêmement précises pour permettre l’acheminement de ces 200 000 tonnes de roches.
S’agissant des procédures en cours, madame la sénatrice, il ne s’agit que d’enquêtes préliminaires et nous sommes évidemment très attentifs à l’évolution du projet, sur les plans environnemental et financier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour la réplique.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le secrétaire d’État, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un projet quelque peu pharaonique et que l’on pourrait très bien revoir la question. Je rappelle que Paul Vergès avait proposé la création d’un tram-train, solution sans doute moins coûteuse.
Le protocole de 2010 comportait effectivement des engagements à la fois financiers et écologiques. Or je n’ai pas l’impression que ce projet soit très performant sur le plan de l’environnement et du développement durable ! C’est pourquoi le groupe CRC continue d’affirmer que réaliser ce projet n’est pas nécessairement la bonne solution. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
incidences de la demi-part des personnes veuves sur la fiscalité locale
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Yannick Vaugrenard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le Gouvernement vient d’alléger la charge fiscale pour 9 millions de ménages et s’apprête à en faire autant pour quelque 3 millions d’autres dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), ce qui est juste et apprécié, notamment par les foyers modestes.
Le gouvernement précédent avait, quant à lui, fait le choix budgétaire et social de supprimer la demi-part fiscale accordée aux veuves et aux veufs ayant élevé au moins un enfant. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Or cette mesure prise par Nicolas Sarkozy pèse très lourd sur la vie quotidienne des personnes concernées. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) En effet, de manière très concrète, la simple augmentation de leur revenu fiscal de référence risque de les amener à devoir payer beaucoup plus d’impôts, en particulier au titre de la taxe d’habitation et de la taxe foncière.
Ainsi, une personne veuve âgée de quatre-vingt-deux ans que j’ai rencontrée paiera désormais 1 200 euros de taxe d’habitation et de taxe foncière – cela représente pour elle un mois de pension –, alors qu’elle ne payait rien auparavant ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Martial Bourquin. C’est vrai ! Beau travail !
M. Yannick Vaugrenard. Je sais que de nombreux membres de notre assemblée ont eu connaissance de telles situations difficiles, souvent douloureuses.
Ces aînés de condition modeste ne sont pas coupables des errements financiers du passé : aussi ne devraient-ils pas avoir à assumer une trop grande part des difficultés des temps présents.
Monsieur le Premier Ministre, je sais que le Gouvernement ne peut malheureusement pas tout faire, étant donné que nous avons hérité d’un État en faillite, pour reprendre les propres termes de François Fillon. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Bertrand. Il a raison !
M. Yannick Vaugrenard. Néanmoins, je souhaite que le Gouvernement s’engage à faire en sorte que, a minima, la suppression de la demi-part des personnes veuves n’ait aucune incidence sur leur contribution fiscale locale.
La gauche et le Gouvernement, soucieux de justice sociale, se doivent de réparer ce dommage, legs – parmi tant d’autres – de la période Sarkozy. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous avez raison. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes confrontés dans nos permanences à des cas douloureux semblables à celui que vous avez mentionné. Ils sont le résultat, mesdames, messieurs les sénateurs de droite, de décisions prises sous un gouvernement que vous souteniez ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Aujourd’hui, nous nous efforçons d’y remédier. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2016 aborde directement un certain nombre de questions intéressant les personnes âgées les plus modestes.
Nous avons modifié la taxation du diesel et de l’essence,…
M. Éric Doligé. C’est irresponsable !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. … ce qui permettra une recette supplémentaire de plus de 240 millions d’euros, que nous entendons mettre au service des retraités les plus modestes à partir de 2016. Le Président de la République et le Premier ministre se sont engagés en ce sens. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) Plus de 100 000 personnes supplémentaires seront exonérées de taxe d’habitation, pour un avantage moyen de 660 euros par foyer.
M. Hubert Falco. Et que prévoyez-vous pour les communes ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Il s’agit de contribuables âgés de plus de soixante ans, veufs et veuves, en situation d’invalidité ou de handicap, ou dont les revenus sont peu élevés. J’espère que cet allégement global de 100 millions d’euros sera voté sur toutes les travées ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous souhaitons également, toujours dans le cadre de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, revaloriser les seuils de revenus de plus de 2 %, afin d’exonérer d’impôt sur le revenu d’autres contribuables encore.
Ce sont là, monsieur le sénateur, des dispositions précises, concrètes. Plus des deux tiers des foyers verront leur impôt sur le revenu diminuer cette année. Les retraités seront particulièrement concernés par cette politique d’aide et de soutien aux ménages modestes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE. –Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation de l’entreprise Vallourec
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe de l'UDI-UC.
Mme Valérie Létard. Ma question s'adresse à M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
Un sénateur du groupe Les Réublicains. Il n’est pas là !
Mme Valérie Létard. J’espère néanmoins obtenir une réponse !
Après l’annonce, le 29 avril dernier, de la suppression de 550 emplois en France hors aciérie, le groupe Vallourec, leader mondial de la fabrication de tubes en acier, qui compte 5 000 salariés dans notre pays, vient d’engager trois plans de sauvegarde de l’emploi pour ses usines du Nord, de la Côte-d’Or et de la Seine-Maritime. Ces plans prévoient la suppression de 319 emplois dans les deux sites du Nord.
Parallèlement, Vallourec recherche toujours un actionnaire majoritaire pour son aciérie de Saint-Saulve, afin de tenter de la sauver, ainsi que ses 360 emplois.
Certes, la concertation animée par le préfet de région témoigne de l’esprit de responsabilité des dirigeants de Vallourec, des services de l’État, des élus locaux et, surtout, des partenaires sociaux.
Cependant, face à la dégradation des marchés pétroliers et à la concurrence asiatique, l’inquiétude grandit chez les salariés devant le risque de fermeture de certains sites de production et de transformation d’acier. Je partage cette inquiétude, ainsi que nombre de mes collègues élus.
M. Macron avait pris l’engagement qu’il n’y aurait aucune fermeture de site et aucun licenciement au sein de ce pôle d’excellence industrielle, mais nous attendons toujours des réponses à nos questions : quelles mesures concrètes le Gouvernement va-t-il prendre pour tenir cet engagement et contribuer à assurer la pérennité du groupe en France ? Quel rôle l’État entend-il jouer, en sa qualité d’actionnaire du groupe Vallourec, dans le futur actionnariat de l’aciérie de Saint-Saulve ?
M. Roger Karoutchi. Aucun !
M. le président. Il faut conclure !
Mme Valérie Létard. Répondre à ces questions constitue pour l’État une occasion unique d’inscrire le soutien à Vallourec et à ses salariés dans une véritable stratégie visant à maintenir en France une capacité de production et de transformation de l’acier compétitive et durable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, permettez-moi d’abord d’excuser l’absence d’Emmanuel Macron, qui se trouve cet après-midi avec le Président de la République. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous partageons évidemment sans réserve l’analyse et l’engagement qui sont les vôtres. Dès l’annonce par Vallourec de son projet de restructuration, en raison notamment du contexte international que vous avez évoqué, Emmanuel Macron a rappelé l’attachement de l’État à la préservation des capacités industrielles du groupe et souhaité que cette restructuration soit menée sans fermeture de site et sans départs contraints.
Dès le 6 mai dernier, le ministre a reçu les élus du Nord pour souligner l’attention de l’État à ce dossier. Il s’est en outre rendu sur le site de Saint-Saulve à la fin du mois de juin.
Ses services et Business France, l’agence nationale chargée de la prospection des investissements internationaux en France, travaillent avec Vallourec en vue d’offrir des perspectives industrielles à l’aciérie de Saint-Saulve. Cet outil, qui a bénéficié d’investissements massifs au cours des dernières années, dispose d’une capacité industrielle à haut potentiel.
Des contacts ont donc été pris à l’échelon international pour trouver un partenaire qui ne soit pas simplement un financier : il devra posséder de véritables compétences et une réelle ambition industrielle.
Le ministre s’était par ailleurs engagé à mettre en place un groupe de travail réunissant notamment des élus et des représentants de l’État, sous la présidence du préfet de région. Sa première réunion s’est tenue hier. Les organisations syndicales ont qualifié la discussion de « franche » et de « constructive ». (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Le Gouvernement est donc pleinement engagé pour le redressement de l’entreprise. Il accompagnera en outre les efforts entrepris en matière d’emploi, notamment la création d’un centre de services partagés dans le Valenciennois avec Vallourec. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
politique migratoire européenne et Turquie
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le 18 octobre dernier, la chancelière allemande a rencontré à Istanbul le président Erdogan, qui a fait monter les enchères en exigeant une accélération du processus de négociation en vue de l’adhésion de son pays à l’Union européenne, en contrepartie de la coopération de la Turquie sur la question des réfugiés.
Mme Angela Merkel a répondu qu’elle accepterait de plaider en faveur de la relance des discussions sur le chapitre relatif à la politique économique et monétaire et de l’ouverture d’un nouveau chapitre relatif à la sécurité et à la liberté, comme si aucune question ne se posait sur ces sujets.
Surtout, on trouve, parmi les conclusions de la réunion du Conseil européen du 15 octobre dernier, la phrase suivante, qui a donc été approuvée et votée par les représentants de la France : « Le processus d’adhésion [de la Turquie] doit être relancé. »
Monsieur le Premier ministre, le marchandage de M. Erdogan est inadmissible. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.) Il l’est d’autant plus au regard de la terrible ambiguïté d’Ankara s’agissant du combat contre l’islamisme radical. M. Erdogan est davantage préoccupé par la question kurde que par la lutte contre Daech.
Ma question est simple, et j’espère que votre réponse sera très claire : la France acceptera-t-elle ou non de faire droit à ces nouvelles exigences concernant le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Retailleau, je vais vous répondre sur ce sujet lourd et grave comme je l’ai fait tout à l’heure, à l’Assemblée nationale, à M. Fillon.
La Turquie est un partenaire stratégique de longue date de la France et de l’Union européenne : membre de l’OTAN depuis 1952, elle est engagée dans un processus de rapprochement avec l’Union européenne et se trouve, aujourd’hui plus que jamais, au carrefour d’enjeux stratégiques majeurs.
Même si elle doit clarifier certains de ses objectifs, comme vous venez de le souligner, la Turquie est un allié en vue de parvenir à une solution politique en Syrie. Elle ne peut qu’être partie prenante à cette démarche, à l’instar d’autres États de la région, tels que l’Iran ou les pays du Golfe.
La Turquie est soumise à d’importantes pressions, liées notamment à la présence sur son sol de plus de 2 millions de réfugiés syriens. Le défi que représente l’afflux de ces réfugiés en Europe sera encore plus difficile à relever si nous ne l’aidons pas à bâtir des solutions, de même d’ailleurs que le Liban ou la Jordanie. C’est l’intérêt de la France et de l’Union européenne.
La Turquie est en outre la cible d’attentats ; celui d’Ankara en a donné malheureusement une terrible démonstration. À l’approche des élections législatives, qui auront lieu le 1er novembre, le contexte politique est très sensible.
Notre intérêt est de poursuivre le dialogue engagé depuis plusieurs années maintenant et de soutenir l’effort incontestable fourni par la Turquie pour l’accueil des réfugiés syriens.
C’est pourquoi le Conseil européen du 15 octobre a décidé la mise en place d’un plan d’action commun entre l’Union européenne et la Turquie, afin de renforcer la coopération en vue de garantir des conditions de vie dignes aux réfugiés présents sur le sol turc, de lutter contre les réseaux de passeurs qui les acheminent vers l’Europe et de renforcer le contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne.
L’Union européenne a pris, parallèlement, la décision d’apporter un soutien financier accru à la Turquie, l’aide humanitaire étant complétée par des fonds qui doivent permettre de financer l’hébergement, l’insertion et la formation des réfugiés.
Cet engagement de l’Europe est indispensable et n’affecte en rien notre position à l’égard de la Turquie, qu’il s’agisse de la libéralisation des visas ou du processus d’adhésion à l’Union. En tant que pays candidat, la Turquie est engagée dans une négociation qui se poursuit selon des règles qu’elle a elle-même acceptées et qui ne peuvent pas être modifiées.
La France souhaite que ces négociations avancent dans les domaines dans lesquels la Turquie est prête. Je rappelle que quatorze chapitres sur trente-cinq ont été ouverts, dont onze pendant la présidence de Nicolas Sarkozy, et un a été clos ; un seul chapitre a été ouvert depuis 2013.
La question de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, qui reste une perspective de très long terme, sera tranchée, le moment venu, par le peuple français.
En conclusion, il convient, monsieur Retailleau, de faire attention à deux choses.
Premièrement, nous devons respecter ce grand pays qu’est la Turquie. Cela ne nous interdit pas de faire preuve de lucidité, mais soyons attentifs à ce qui se passe dans cette région du monde.
L’une des forces de la France est de pouvoir parler avec tous. Je me trouvais voilà quelques jours en Jordanie, pays qui a bien besoin de notre soutien. Nous accueillerons le président iranien au mois de novembre. Le Président de la République a évoqué la situation au Moyen-Orient avec Vladimir Poutine et nous discutons bien sûr avec la Turquie. C’est la force de la France de n’être alignée sur personne et de tenir le même langage à chacun de ses interlocuteurs !
Deuxièmement, veillons – en l’occurrence, je fais moins référence à votre question qu’à celle qui m’a été posée aujourd'hui à l’Assemblée nationale, monsieur le sénateur – à préserver notre relation de solidarité avec l’Allemagne, qui fait face, en matière d’accueil des réfugiés, à un défi considérable. Le Gouvernement considère que la solidarité entre nos deux pays doit jouer à plein pour le relever. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du groupe écologiste et de l’UDI-UC.)