Mme Aline Archimbaud. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 38 est retiré.
La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 34 et 44.
M. Gérard Roche. En cas de signalement, il me semble que les équipes pluridisciplinaires interviennent déjà.
Si tel est le cas, pourquoi l’inscrire dans la loi ? À moins que cette mesure ne soit pas appliquée dans l’ensemble des départements, auquel cas je voterai ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Si nous souhaitons apporter cette précision dans la loi, c’est parce qu’un certain nombre de départements ne font pas appel à une équipe pluridisciplinaire.
Ce sont les professionnels eux-mêmes qui nous demandent d’étendre cette mesure à l’ensemble des départements. L’adoption de ces amendements ne portera donc aucun préjudice à ceux qui ont déjà recours aux équipes pluridisciplinaires et permettra aux autres de réfléchir à leur mise en place.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 34 et 44.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 AA est rétabli dans cette rédaction.
Article 5 AB
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 35, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le I de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « République », sont insérés les mots : « aux fins de saisine du juge des enfants » ;
2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Que ce danger est grave et immédiat, notamment dans les situations de maltraitance. »
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. L’article 5 AB avait pour objet de permettre au président du conseil départemental de saisir sans tarder l’autorité judiciaire dans les situations de danger grave et de faciliter la saisine du juge des enfants.
Les présidents ou anciens présidents de conseil départemental ici présents me rappelleront probablement que l’autorité judiciaire peut déjà être saisie. Toutefois, cette saisine ne peut se faire que dans trois cas identifiés : si la mesure administrative a échoué, si la famille refuse de collaborer ou si l’évaluation est impossible.
La concertation nous a montré que ces trois cas étaient trop restrictifs. Il arrive par exemple que les services sociaux s’épuisent à prouver l’absence de collaboration de la famille afin que le président du conseil départemental puisse saisir l’autorité judiciaire. Comme je suis très soucieuse de la bonne utilisation des ressources humaines des services des départements, il m’a semblé utile de prévoir une quatrième hypothèse, celle du danger grave et immédiat.
L’article 5 AB visait également à permettre au président du conseil départemental de saisir le procureur aux fins de saisine du juge des enfants. Nous avons en effet constaté que le procureur qui engage des poursuites pénales ne saisit pas forcément le juge des enfants. Or l’objet d’une telle procédure n’est pas simplement de poursuivre pénalement les parents ; c’est surtout de protéger l’enfant, d’où la nécessité de saisir le juge des enfants.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le I de L’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « République », sont insérés les mots : « aux fins de saisine du juge des enfants » ;
2° Le quatrième alinéa est complété par les mots : « et dans les situations de danger grave et immédiat, notamment les situations de maltraitance, dès lors que le développement physique, affectif, intellectuel, et social de l’enfant est gravement compromis ».
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement voisin vise à rétablir l’article 5 AB, qui a été supprimé en commission. Il tend à clarifier les critères de saisine de l’autorité judiciaire, afin de renforcer le dispositif de repérage des situations de maltraitance.
Le président du conseil départemental pourrait ainsi aviser le procureur de la République lorsqu’un jeune mineur est en danger, lorsque son développement physique, affectif, intellectuel et social est gravement compromis. Ce dernier critère de développement social n’est pas souvent cité. Il nous semble pourtant tout à fait opportun de l’ajouter à la liste des effets de la maltraitance sur les enfants.
Par ailleurs, l’amendement précise que la finalité de la saisine du parquet est la mise en œuvre des mesures de protection décidées par le juge des enfants, ce qui nous paraît aller dans le sens d’un renforcement du rôle de l’autorité judiciaire, puisqu’il s’agit d’être réactif face à une situation particulièrement grave.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Personnellement, je suis favorable au rétablissement de l’article 5 AB, car il clarifie la finalité de la saisine du juge des enfants par le procureur de la République. Si cette clarification n’est pas nécessaire pour les magistrats eux-mêmes, elle permettrait cependant d’améliorer la compréhension de la procédure pour l’ensemble des autres acteurs de la protection de l’enfance.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L’article 5 AB a été supprimé par la commission des affaires sociales sur l’initiative de la commission des lois. Si les précisions qu’il apporte ne sont pas effroyables sur le fond, elles nous paraissent toutefois inutiles. Si l’enfant est en danger, le juge naturellement compétent est le juge des enfants. C’est donc lui qui doit être saisi par le procureur de la République.
De plus, la rédaction de cet article est assez restrictive et introduit une ambiguïté. En effet, avant de saisir le juge des enfants, le procureur de la République peut prendre des mesures d’urgence telles que le placement provisoire. Or le texte laisse penser qu’il n’en aurait plus la possibilité.
Quant à la référence aux situations de maltraitance, il n’est pas justifié de citer certaines situations particulières. Si l’on dresse une liste, on risque fort d’oublier des situations dangereuses.
Reste la question du signalement sans délai, par le président du conseil départemental au procureur de la République, des situations de danger grave et immédiat. La commission des lois considère que cette hypothèse – c’est dire si nous n’allons pas à l’encontre de vos objectifs, madame la secrétaire d’État – est d’ores et déjà couverte par l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles.
Si la commission des lois a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, c’est donc pour des raisons de précision rédactionnelle. J’ajoute que, si se présentait une quelconque difficulté d’interprétation, le juge aurait la possibilité de se référer au débat parlementaire. Une telle remarque milite encore un peu plus contre le rétablissement de cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 39 ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. D’abord, tout ce qui concerne le développement physique, affectif, intellectuel et social de l’enfant est traité dans d’autres articles. Ensuite, les termes « dès lors que » me posent problème. Ils signifient que le président du conseil départemental serait dans la nécessité de prouver que le développement physique, intellectuel et social de l’enfant est gravement compromis. Or nous visons une situation de danger grave et immédiat, ce qui permettra de couvrir les situations ne relevant pas des trois cas explicitement cités à l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles. Je préfère donc notre rédaction à la vôtre, madame Archimbaud. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez raison, et moi aussi… En effet, depuis le début de l’examen de ce texte, toute notre discussion a trait à la diversité des pratiques, des situations, des politiques, des professionnels, des départements, des juges, des procureurs. J’ai donc essayé de recenser toutes les situations dans lesquelles la loi n’est pas appliquée, parce qu’elle ouvre une fenêtre pour ne pas l’être, sans qu’aucune volonté ou malveillance soit exercée de la part de ceux qui ne l’appliquent pas.
Vous avez évoqué l’intention du législateur à laquelle le juge pourra se référer. Mais il ne s’agit pas d’un domaine dans lequel se multiplient les contentieux. Ni les parents, ni les enfants, ni personne ne s’engagent dans une procédure contentieuse s’agissant de la protection de l’enfance.
Certes, le procureur peut prendre une mesure d’urgence, comme une ordonnance de placement provisoire. Le juge des enfants est alors saisi postérieurement. Or nous préférerions qu’il soit saisi dès la saisine du procureur, parce qu’il est le juge compétent pour les mesures de protection de l’enfance.
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 39 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Dans la mesure où les termes « développement physique, affectif, intellectuel et social », qui nous semblaient importants, sont évoqués ailleurs dans la proposition de loi, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 39 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 35.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 AB est rétabli dans cette rédaction.
Article 5 A
(Non modifié)
L’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au 2°, le mot : « celles » est remplacé par les mots : « des actions de prévention spécialisée » ;
2° Après le 6°, sont insérés des 7° et 8° ainsi rédigés :
« 7° Veiller à la stabilité du parcours de l’enfant confié et à l’adaptation de son statut sur le long terme ;
« 8° Veiller à ce que les liens d’attachement noués par l’enfant avec ses frères et sœurs soient maintenus, dans l’intérêt de l’enfant. »
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, sur l'article.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Je veux souligner combien il est essentiel de veiller au maintien des liens entre l’enfant et ses frères et sœurs ou tout autre membre de sa famille, notamment ses grands-parents. Ces liens sont essentiels à la construction et à l’équilibre de l’enfant, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un enfant placé par le service de l’aide sociale à l’enfance.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 A.
(L'article 5 A est adopté.)
Article 5 B
Après l’article L. 221-2 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 221-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-2-1. – Lorsqu’un enfant est confié au service de l’aide sociale à l’enfance sur un autre fondement que l’assistance éducative, le président du conseil départemental peut décider, si tel est l’intérêt de l’enfant et après évaluation de la situation, de le remettre à un tiers, dans le cadre d’un accueil durable et bénévole. Le service de l’aide sociale à l’enfance informe, accompagne, dirige et contrôle le tiers à qui il remet l’enfant. Un référent désigné par le service est chargé de ce suivi et de la mise en œuvre du projet pour l’enfant prévu à l’article L. 223-1-2. Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret. »
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, sur l'article.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Je me félicite qu’un article tende à consolider l’accueil de l’enfant par un tiers digne de confiance.
Ce mode d’accueil doit être développé et consolidé dans l’intérêt de l’enfant. C’est pourquoi il me paraît essentiel de permettre d’abord aux membres de la famille de se positionner. C’est un moyen efficace de maintenir des liens d’attachement.
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 2, troisième phrase
Remplacer la référence :
L. 223-1-2
par la référence :
L. 223-1-1
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 B, modifié.
(L'article 5 B est adopté.)
Article 5 C
Le titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 221-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’accomplissement de sa mission de protection de l’enfance, le président du conseil départemental peut demander au président du conseil départemental d’un autre département des renseignements relatifs à un mineur et à sa famille quand ce mineur a fait l’objet par le passé, au titre de la protection de l’enfance, d’une information préoccupante, d’un signalement ou d’une prise en charge dans cet autre département. Le président du conseil départemental ainsi saisi transmet les informations demandées. » ;
2° Au début de la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 226-3-2, sont ajoutés les mots : « En l’absence d’informations sur la nouvelle adresse de la famille, s’il considère que le mineur qui fait l’objet d’une information préoccupante en cours d’évaluation ou de traitement et dont la famille est bénéficiaire d’une prestation d’aide sociale à l’enfance hors aide financière, ou d’une mesure judiciaire de protection de l’enfance est en danger ou risque de l’être, ». – (Adopté.)
Article 5 D
Après l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 222-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 222-5-1. – Un entretien est organisé par le président du conseil départemental avec tout mineur accueilli au titre des 1°, 2° ou 3° de l’article L. 222-5, un an avant sa majorité, pour faire un bilan de son parcours et envisager les conditions de son accompagnement vers l’autonomie. Dans le cadre du projet pour l’enfant, un projet d’accès à l’autonomie est élaboré par le président du conseil départemental avec le mineur. Il y associe les institutions et organismes concourant à construire une réponse globale adaptée à ses besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources.
« L’entretien peut être exceptionnellement renouvelé afin de tenir compte de l’évolution des besoins des jeunes concernés. » – (Adopté.)
Article 5 EA
(Non modifié)
L’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au 1° du présent article devenus majeurs et aux majeurs mentionnés à l’avant-dernier alinéa, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée. »
M. le président. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Canayer, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert, Savary et Mandelli, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. J’ai déjà évoqué cet article au cours de la discussion générale qui vise à faire obligation aux départements de continuer à prendre en charge les jeunes qui entrent dans leur majorité pour leur permettre de poursuivre leurs études.
Sur le fond, personne ne conteste l’objectif. Il serait en effet complètement ridicule de les aider jusqu’à dix-huit ans, puis de tout arrêter. Le problème est : qui finance ? En effet, l’accompagnement et l’entretien des jeunes majeurs sont à la charge de l’État. Or tel qu’est rédigé cet article, introduit, je le rappelle, par l’Assemblée nationale, rien n’est précisé.
Tous les présidents ou anciens présidents de conseil départemental ou de conseil général ici présents ont été confrontés à la charge considérable occasionnée par la prise en charge des mineurs isolés étrangers. Certains ont été obligés de poursuivre cette opération pour les jeunes majeurs. S’ajoutaient également les incertitudes concernant le passage de la majorité à la minorité.
J’avais voulu prévoir – c’était le bon sens – une obligation de prise en charge par l’État, conformément à l’article 72-2 de la Constitution, selon lequel l’État doit compenser à l’euro près aux départements les charges qu’il impose. On m’a opposé à juste raison l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution.
Dans ces conditions, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous prendre l’engagement devant la Haute Assemblée que l’application de l’article 5 EA, s’il était voté, fera l’objet d’une compensation auprès des départements, à l’euro près, comme le prévoit l’article 72-2 de la Constitution ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement de suppression de l’article 5 EA. À titre personnel, j’y suis très défavorable, car j’estime que cet article introduit une mesure nécessaire. En effet, l’accompagnement des jeunes pris en charge par l’ASE au terme de leur minorité afin de leur permettre de poursuivre leur année scolaire, voire leur année universitaire, me semble constituer un élément supplémentaire pour éviter ce qu’on appelle les ruptures de parcours.
Il s’agit d’empêcher que les jeunes concernés soient laissés à eux-mêmes à la date de leur majorité, sinon l’ensemble des ressources investies en leur faveur le serait à fonds perdus. Il paraît donc souhaitable qu’un accompagnement dont le contenu et les modalités devront être définis par les services du département soit prévu durant les quelques mois nécessaires à l’achèvement de l’année scolaire engagée.
Au demeurant, monsieur Cardoux, contrairement à ce qui est écrit dans l’objet de l’amendement, la prise en charge des jeunes majeurs est déjà prévue par l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Nous pouvons constater que nous sommes tous choqués à l’idée qu’un jeune puisse être privé de soutien et d’accompagnement à la date de sa majorité. C’est d’ailleurs une question de bon sens : lorsqu’on investit sur un jeune, la cohérence de cet investissement exige de lui donner toutes ses chances et donc, a minima, de lui laisser finir l’année scolaire.
Quant à la question de la prise en charge, il ne vous aura pas échappé, monsieur le sénateur, que l’article 5 EA évoque l’accompagnement des jeunes et non leur prise en charge. L’accompagnement n’est pas la prise en charge : il entre bien dans le cadre de la compétence générale d’action sociale des départements. À ce titre, le président du conseil départemental conserve toute latitude et toute souplesse pour apprécier la nature des modalités d’accompagnement les mieux adaptées à la situation du jeune. Il peut évidemment décider de continuer d’appliquer au jeune majeur les mesures de protection de l’enfance – nombre de départements, fort heureusement, le font déjà. Il peut également décider de lui fournir un accompagnement social, un accompagnement vers le logement, un accompagnement vers l’emploi, de mobiliser le fonds départemental d’aide aux jeunes, le fonds de solidarité pour le logement, la Garantie jeunes ou lui trouver une place dans un foyer de jeunes travailleurs.
Bref, notre panoplie sociale comprend un grand nombre d’outils permettant aux départements de continuer d’accompagner le jeune majeur jusqu’à la fin de son année scolaire, sans que cela pèse sur les finances des collectivités ou constitue une entorse à la clause générale de compétence, et donc à la Constitution. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement.
J’invite le Sénat à bien réfléchir au message qu’il enverrait en décidant d’interrompre la scolarité d’un jeune au motif qu’il a atteint sa majorité au cours de l’année scolaire.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je comprends le relatif embarras de notre collègue M. Cardoux au moment de présenter cet amendement. Dans une logique républicaine – je ne désigne pas par là le groupe politique des Républicains, mais les valeurs républicaines –, nous sommes réunis ici pour veiller à ce que ces enfants puissent eux aussi bénéficier d’un contexte affectif et de conditions d’entrée dans la vie adulte leur permettant de s’épanouir en surmontant les aléas dramatiques qu’ils auraient eu à connaître.
Ce serait leur infliger une claque terrible, pardonnez-moi cette expression, que de leur dire à la date de leur majorité – à quelques mois ou à quelques semaines près, cette date peut intervenir au milieu de l’année scolaire – qu’ils n’ont pas le droit de terminer leur année de lycée, d’apprentissage ou d’université. Alors que nous cherchons toutes les solutions possibles et imaginables pour aider les jeunes en difficulté, notamment ceux qui se trouvent en situation de décrochage scolaire – je pense qu’il n’y a aucune divergence entre nous sur le sujet –, nous déciderions tout à coup d’exclure certains d’entre eux du cycle de l’école ? L’école est pourtant le lieu social le plus puissamment intégrateur !
J’entends les arguments financiers avancés par notre collègue, mais compte tenu du désastre humain que pourrait entraîner la suppression de cet article ils sont difficilement admissibles. En outre, Mme la secrétaire d’État l’a bien précisé, des solutions peuvent être mobilisées par les départements afin que cet accompagnement ne constitue pas une charge pour eux.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. On nous accuse d’être sévères ou de manquer de réalisme… Mais la suppression de l’article 5 EA ne va pas introduire une rupture à la majorité : l’enfant qui fête ses dix-huit ans au mois de décembre continuera à être formé et pris en charge jusqu’à la fin de l’année scolaire !
Madame la secrétaire d’État, vous nous dites que la problématique, c’est l’accompagnement, pas la prise en charge. Nous vous répondons que nous sommes d’accord pour accompagner le jeune jusqu’à la fin de sa scolarité, mais quid de la prise en charge ?
Vous ne le savez peut-être pas, mais, quand on est sur le terrain – je l’ai vécu dans mon conseil général –, on le voit tous les jours : les enfants qui ont dix-huit ans en cours d’année peuvent finir leur scolarité, mais une fois qu’ils ont dix-neuf ans, vingt ans, vingt et un ans l’État ne fait rien. Les CAF, les caisses d’allocations familiales, l’éducation nationale ou les régions, qui sont pourtant compétentes en matière de formation, ne font rien non plus.
En réalité, on laisse pourrir les choses ! On laisse le département prendre en charge le jeune jusqu’à dix-huit ans, dix-neuf ans, vingt ans, vingt et un ans. Les départements transmettent pourtant aux préfectures les listes des enfants qui sont sur le point d’avoir dix-huit ans en précisant qu’ils continueront à être pris en charge quand ils auront dix-huit ans jusqu’à la fin de leur année scolaire mais qu’il faut commencer à prévoir des financements pour la suite de leurs études. Or rien ne bouge !
Il est trop facile de dire : « Attendons la fin de l’année scolaire ! » Mais qu’est-ce qu’on fait ensuite ? Si nous ne prenons pas aujourd’hui des positions claires, il est certain que les services de l’administration se réclameront de nos débats pour repousser la prise en charge et « laisser couler » un ou deux ans de plus. Sur ces sujets, on tourne en rond en permanence !
Nous souhaitons évidemment que les enfants soient pris en charge et suivis – les départements y réussissent d’ailleurs bien. N’oublions pas non plus le problème des mineurs isolés étrangers. On a le sentiment que l’État ne sait pas qu’à dix-huit ans on devient majeur ! Et il laisse traîner les choses le plus longtemps possible !
Nous ne sommes pas gênés, contrairement à ce que je viens d’entendre. Nous sommes d’accord pour que les enfants continuent normalement leur scolarité jusqu’à la fin de l’année scolaire, mais nous voulons qu’on clarifie leur prise en charge financière. Le Premier ministre a dit lui-même la semaine dernière en recevant les représentants des départements qu’il était très inquiet, car la situation financière des départements est tout simplement dramatique. Attention à ne pas charger la barque !
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.
Mme Claire-Lise Campion. Notre groupe ne peut accepter cet amendement de suppression d’un article qui constituera un outil supplémentaire en vue d’améliorer l’accompagnement des jeunes majeurs à leur sortie des dispositifs de protection de l’enfance.
Il faut le dire et le redire : les ruptures de parcours auxquelles doit faire face le jeune majeur sont malheureusement trop nombreuses. J’ai rappelé hier dans la discussion générale ce chiffre terrible : 40 % des personnes sans domicile fixe âgées de dix-huit à vingt-cinq ans sont issues de l’aide sociale à l’enfance.
Ces jeunes se trouvent déjà dans des situations difficiles ; n’y ajoutons pas l’interruption de leur formation au motif qu’ils auraient atteint leur majorité. Quel signal leur donnerions-nous ?