M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 48 rectifié bis est présenté par MM. Leconte, Yung et Sutour, Mmes Yonnet, Jourda et Espagnac et M. Durain.
L'amendement n° 80 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 174 rectifié est présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 37 et 38
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à supprimer l’instauration d’un délai de recours de quarante-huit heures seulement contre les OQTF prises à l'encontre des personnes étrangères détenues, car un délai si bref, s’il était adopté, priverait automatiquement ces personnes du délai de départ volontaire, ce qui serait contraire à la directive 2008/115/CE.
Une telle disposition porte gravement atteinte aux droits de la défense, au droit à un procès équitable et au droit à être entendu, et elle constitue une entrave au droit à l'accès au juge. Aussi, il convient de revenir sur cette disposition, qui privera tous les détenus du droit à un recours effectif.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 80.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement identique est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 174 rectifié.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement est également défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer des dispositions insérées dans le texte à l’Assemblée nationale et prévoyant que, pour les détenus faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, le régime contentieux est bien celui des personnes retenues ou assignées à résidence, soit quarante-huit heures pour contester la mesure et, pour le juge, soixante-douze heures pour statuer.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 rectifié bis, 80 et 174 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Article 14 bis (nouveau)
Après l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 511-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 511-1-1. – Ne peut être regardée comme une garantie de représentation effective propre à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l’article L. 511-1 que l’attestation d’hébergement, signée par l’hébergeant, accompagnée des pièces justificatives déterminées par décret en Conseil d’État et présentée pour validation au maire de la commune du lieu d’hébergement ou, à Paris, Lyon et Marseille, au maire d’arrondissement, agissant en qualité d’agent de l’État. »
M. le président. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung, Mme Yonnet, M. Durain et Mme Lepage, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Le présent amendement vise à supprimer l’article 14 bis ajouté par la commission des lois du Sénat et qui confie au maire le rôle de garantir l’hébergement d’un étranger assigné à résidence chez un tiers. Cet article prévoit que l’attestation d’hébergement sera désormais « présentée pour validation au maire de la commune du lieu d’hébergement ».
Cette disposition, si elle était adoptée, aurait pour effet de surcharger les services municipaux, qui ont déjà du mal à libérer du personnel afin de valider les attestations d’accueil signées par l’hébergeant pour les demandes de visa de court séjour et qui sont également sollicités dans le cadre de la vérification des conditions de ressources des personnes déposant une demande de regroupement familial.
Alors que les mairies ont déjà beaucoup à faire, le rôle du maire n’est pas de garantir l’hébergement d’un étranger assigné à résidence chez un tiers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Permettez-moi de revenir sur un constat : le taux d’éloignement des personnes assignées à résidence est de 19 %, contre 57 % pour celles qui sont placées en rétention. Telle est la réalité. Cela signifie que, actuellement, la très grande majorité des personnes assignées à résidence fuient. (M. Philippe Kaltenbach s’exclame.) On n’éloigne pas 80 % d’entre elles.
L’objectif de cet article est de sécuriser juridiquement la procédure d’assignation à résidence, d’une part, en instaurant un cautionnement et, d’autre part, en permettant de vérifier la réalité du lieu déclaré par la personne assignée à résidence, ainsi que sa présence. La solution la plus simple est de demander au maire de la commune d’établir une attestation d’hébergement. On assurerait ainsi des garanties de représentation. J’insiste sur ce point, car en l’état actuel l’assignation à résidence est un outil qui ne fonctionne pas et qui n’est donc pas utile.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je m’autoriserai une petite escapade législative en présentant dès à présent l’amendement n° 193. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, qui porte lui aussi sur l’assignation à résidence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
J’en profite pour dire à M. le rapporteur que si le taux d’exécution des assignations à résidence n’est pas satisfaisant, c’est parce qu’il fallait clarifier le rôle des forces de l’ordre dans ce dispositif. C’est ce que nous faisons à l’article 18 et à l’article 22. Ce n’est pas en renvoyant la responsabilité sur les maires, dont ce n’est pas la mission, que nous allons régler le problème.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Que l’on veuille s’assurer de la réalité de l’hébergement, quoi de plus normal ? Mais que, une fois encore, on en charge les maires me paraît pour le moins contestable. Alors que nous passons notre temps ici à dénoncer les transferts de charges aux communes, on en rajoute : c’est tout de même quelque peu paradoxal !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je rappelle que le dispositif que nous proposons est identique à celui qui existe déjà pour les visas.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas une raison pour en rajouter !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Par ailleurs, s’agissant des moyens de police, la commission a renforcé le dispositif amorcé par le Gouvernement. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Les forces de police peuvent ainsi intervenir au domicile de l’hébergeant de la personne assignée à résidence.
M. le président. L'amendement n° 193, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
Ne peut être regardée comme une garantie de représentation effective propre à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 551–1 que l'attestation d'hébergement, signée
par les mots :
Pour valoir garantie de représentation effective propre à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 551–1, une attestation d'hébergement doit être signée
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les raisons que j’ai exposées voilà un instant.
M. le président. Je mets aux voix l’article 14 bis, modifié.
(L'article 14 bis est adopté.)
Article 14 ter (nouveau)
Après l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 511-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 511–1–2. – Constitue une garantie de représentation effective propre à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l’article L. 511-1 le dépôt d’une garantie financière dont le montant est fixé par l’autorité administrative dans des conditions déterminées par décret. Lors du dépôt de la garantie financière, l’autorité administrative remet en échange un récépissé. La garantie financière est restituée au départ de l’étranger. Si l’étranger se soustrait à la mesure d’éloignement, la somme déposée en garantie est versée au Trésor public. »
M. le président. L'amendement n° 139, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement vise à supprimer l’article 14 ter introduit par la commission des lois et qui prévoit qu’un étranger peut être assigné à résidence contre une garantie financière au lieu d’être placé en rétention.
Ce système de caution, outre le fait qu’il crée une distorsion entre étrangers selon qu'ils ont des moyens financiers ou pas, risquerait de produire des effets pervers. Le risque est grand qu’il encourage les étrangers à se tourner vers des filières qui paieraient pour eux et dont ils deviendraient par la suite les obligés.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Philippe Kaltenbach. Celui qui a les moyens financiers paierait une caution et serait assigné à résidence, tandis que celui qui ne les aurait pas serait placé en centre de rétention. C’est une logique à laquelle nous ne pouvons adhérer.
Aussi, nous vous proposons de supprimer cet article.
M. Philippe Dallier. Les cautions existent déjà !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer une disposition introduite par la commission et visant à permettre à un étranger en instance d’éloignement de pouvoir déposer une garantie financière comme garantie de représentation, l’objectif étant évidemment d’éviter les risques de fuite. Cette faculté est ouverte par la directive Retour, au 3. de son article 7.
Il ne m’a pas paru opportun de prévoir un système de tiers garant, comme cela existe dans d’autres pays européens, précisément pour prévenir le risque que signalent les auteurs de l’amendement, à savoir des détournements de cette possibilité au profit des groupes mafieux.
En tout état de cause, il reviendra au préfet de définir au cas par cas, puisque c’est lui prend la décision d’assignation à résidence, le niveau de la garantie financière.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 14 ter.
(L'article 14 ter est adopté.)
Article 15
I (Non modifié). – Le 3° de l’article L. 511-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société. »
II (Non modifié). – Après le même article L. 511-3-1, il est inséré un article L. 511-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 511-3-2. – L’autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l’obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l’article L. 511-3-1 d’une interdiction de circulation sur le territoire français d’une durée maximale de trois ans.
« L’autorité administrative peut à tout moment abroger l’interdiction de circulation sur le territoire français. Lorsque l’étranger sollicite l’abrogation de l’interdiction de circulation sur le territoire français, sa demande n’est recevable que s’il justifie résider hors de France depuis un an au moins.
« Cette condition ne s’applique pas :
« 1° Pendant le temps où l’étranger purge en France une peine d’emprisonnement ferme ;
« 2° Lorsque l’étranger fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2.
« Les quatre derniers alinéas de l’article L. 511-3-1 sont applicables. »
III. – Le livre V du même code est ainsi modifié :
1° L’intitulé du titre Ier est ainsi rédigé : « L’obligation de quitter le territoire français, l’interdiction de retour sur le territoire français et l’interdiction de circulation sur le territoire français » ;
2° L’intitulé du chapitre Ier du même titre Ier est ainsi rédigé : « Cas dans lesquels un étranger peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, d’une interdiction de retour sur le territoire français et d’une interdiction de circulation sur le territoire français » ;
3° L’article L. 512-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du I et au premier alinéa du II, après les mots : « retour sur le territoire français », sont insérés les mots : « ou d’interdiction de circulation sur le territoire français » ;
b) Le premier alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même de l’étranger qui, ayant bénéficié d’un délai de départ volontaire en application de l’article L. 511-3-1, fait l’objet de l’interdiction de circulation sur le territoire français prévue à l’article L. 511-3-2. » ;
c) (Supprimé)
3° bis À la première phrase du second alinéa de l’article L. 512-4, les mots : « , la décision de placement en rétention » sont supprimés ;
4° L’intitulé du chapitre III du titre Ier est ainsi rédigé : « Exécution des obligations de quitter le territoire français, des interdictions de retour sur le territoire français et des interdictions de circulation sur le territoire français » ;
5° Au II de l’article L. 513-1, après le mot : « retour », sont insérés les mots : « ou d’une interdiction de circulation » ;
6° À la seconde phrase de l’article L. 552-4, après les mots : « retour sur le territoire français en vigueur, », sont insérés les mots : « d’une interdiction de circulation sur le territoire français en vigueur, ».
IV (Non modifié). – À l’avant-dernier alinéa de l’article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, après la référence : « L. 511-3-1, », est insérée la référence : « L. 511-3-2, ».
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi, de Legge et Gilles, Mme Canayer, MM. Lemoyne et Frassa, Mme Hummel, MM. Joyandet et B. Fournier, Mme Lopez, MM. Pierre et Vasselle, Mme Procaccia, MM. Charon, Cambon, Milon, Vogel, Chasseing et Dufaut, Mmes Giudicelli et Duchêne, MM. Dassault, Kennel, D. Laurent, Houpert, A. Marc, Grand, de Raincourt, Chaize et Houel, Mme Mélot, MM. Nègre, J. Gautier, Savary, Danesi et Husson, Mme Gruny et MM. Gremillet, Pellevat, Genest, Darnaud, Pointereau et Gournac, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société
par les mots :
un trouble à l’ordre public ou une menace pour la sécurité publique
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. À la réflexion, monsieur le président, je vais me rallier à la rédaction de la commission et donc retirer cet amendement.
J’indique juste que je m’interroge sur la formulation retenue dans le texte de la commission. Si je sais ce que sont l’ordre public et la sécurité publique, je ne comprends pas bien ce qu’est la mise en cause d’un « intérêt fondamental de la société » pouvant conduire à restreindre la liberté de circulation d’un ressortissant européen, même si je vois bien l’idée, mais je suis sûr que M. le rapporteur ou M. le président de la commission vont me l’expliquer.
Cela étant dit, nous n’allons pas débattre de ce sujet en détail. Je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 175 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le II de l’article 15 prévoit la possibilité d’assortir une obligation de quitter le territoire français frappant un ressortissant de l’Union européenne de l’interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée maximale de trois ans.
Cette possibilité est ouverte si l’intéressé a abusé de sa liberté de circulation ou bien s’il constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société française.
Les motifs sur lesquels se fonde cette décision me semblent très flous. En effet, la référence à l’abus de liberté de circulation est très imprécise, voire dangereuse, tout comme la référence à la menace à l’ordre public. Aucune précision n’est apportée pour définir la menace à l’ordre public alors même que l’article 27.2 de la directive 2004/38/CE impose de respecter le principe de proportionnalité, et la nécessité de se fonder exclusivement sur le comportement personnel de l'individu pour assortir les décisions d’éloignement et d’interdiction du territoire.
Le présent amendement vise à supprimer les alinéas 3 à 22 de l’article 15. L’objectif est de ne pas interdire la circulation des Européens sur le territoire français pendant une durée maximale de trois ans au motif qu’ils auraient abusé de leur liberté de circulation ou qu’ils constitueraient une menace pour l’ordre public.
M. le président. L'amendement n° 83, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Notre amendement vise à supprimer les alinéas 3 à 9.
Le 23 avril 2013, les ministres allemand, anglais, autrichien et néerlandais en charge des affaires intérieures ont envoyé une lettre à la présidence irlandaise de l’Union européenne dans laquelle ils expliquent que certains ressortissants d’autres États membres abusent de leur droit à la libre circulation pour bénéficier des avantages sociaux et ils proposent de modifier le droit existant afin de prévoir des sanctions plus fortes, telle l’interdiction de retour après une décision d’éloignement.
La France, qui n’a pas pris part à cette initiative, se trouve pourtant à l’avant-garde puisqu’elle instaure dans le présent projet de loi une interdiction de circulation sur le territoire français d’une durée maximale de trois ans pour les personnes qui en seront éloignées pour « abus de droit » ou pour des motifs d’ordre public. Cette interdiction de circulation pourrait néanmoins être abrogée par l’autorité administrative l’ayant prononcée, à condition que l’intéressé démontre être hors du territoire français depuis au moins un an.
Il est difficile de ne pas considérer que cette disposition vise en réalité les citoyens roumains et bulgares, d’origine rom réelle ou supposée, comme le soulignent le Défenseur des droits et les représentants de toutes les associations de ce secteur.
Ainsi, le gouvernement français se place dans la continuité des politiques restrictives appliquées aux droits des citoyens de l’Union.
Après la loi du 16 juin 2011 et l’introduction dans notre droit interne de la notion d’abus de droit, des citoyens de l’Union pourront, si le présent texte est adopté, être éloignés et interdits de circulation sur le territoire français, si l’on estime qu’ils ont abusé de leur droit de circulation ou qu’ils constituent une menace pour l’ordre public, menace qui doit être réelle, actuelle et suffisamment grave, portant atteinte à un intérêt fondamental de la société .
Il s’agirait ainsi de l’atteinte maximale portée à l’exercice d’un droit qualifié, tant par la Cour de justice de l’Union européenne que par le Parlement européen, de « liberté fondamentale ».
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer ces alinéas.
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié bis, présenté par MM. Leconte, Yung et Sutour et Mmes Jourda, Espagnac et Lepage, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les références :
des 2° et 3°
par la référence :
du 2°
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. À travers cet amendement, c’est la même préoccupation qui est exprimée.
La directive semble ouvrir la possibilité d’interdire l’entrée et la circulation de ressortissants de l’Union européenne sur le territoire français, uniquement pour des motifs d’ordre public.
Mes collègues ont déjà souligné la difficulté qui se fait jour dans cette affaire : le droit interne et la jurisprudence européenne diffèrent quant aux notions de menace à l’ordre public et d’abus de droit.
Si nous conservons le texte tel qu’il est rédigé, nous serons donc, dans tous les cas, hors des clous eu égard à la jurisprudence européenne. Mieux vaut l’éviter.
Le recours au motif d’ordre public figure très clairement dans la directive, même s’il y est défini de manière restrictive. En revanche, le motif de l’abus de droit n’est pas prévu. Il est donc préférable d’en rester à une rédaction qui ne nous exposerait pas à des problèmes au regard du droit et de la jurisprudence européenne. Il ne sert à rien d’aller à l’encontre de celle-ci : on ne ferait que susciter des contentieux inutiles !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces amendements tendent à supprimer l’interdiction de circulation qui permet d’interdire l’accès au territoire national de citoyens ressortissants de l’Union européenne pour des motifs d’ordre public ou d’abus de droit.
Aux yeux des auteurs de ces amendements, ce second motif ne serait pas autorisé par la directive européenne. Cet argument est inexact : la directive précise expressément que l’abus de droit a pour effet de faire disparaître les droits conférés par son intermédiaire, et donc la libre circulation sur le territoire européen.
M. le ministre de l’intérieur l’a utilement souligné au cours de la discussion générale : si l’on veut que les OQTF et les mesures d’éloignement bénéficient d’une réelle efficacité – en la matière, les statistiques parlent d’elles-mêmes –, il est nécessaire de les assortir d’une interdiction de revenir sur le territoire national.
Voilà pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. L’article 15 du projet de loi assure une transposition exacte et proportionnée des dispositions de la directive de 2004. Il rend effectives et plus dissuasives les OQTF prises à l’égard de ressortissants de l’Union européenne qui ne respectent pas les prescriptions de liberté de circulation.
L’État doit être à même de prononcer une mesure d’éloignement, en s’assurant que le citoyen européen considéré ne se contente pas de faire un aller-retour vers un autre pays membre de l’espace Schengen, dans le but de jouir à nouveau d’un droit de circulation faisant abstraction totale de son comportement.
Étant donné que la mesure se fonde sur des considérations d’ordre public, l’intérêt de s’opposer au retour des individus concernés sur le territoire national s’impose de lui-même.
Quant au motif de l’abus de droit, il est bien mentionné à l’article 35 de la directive, lequel indique : « Les États membres peuvent adopter les mesures nécessaires pour refuser, annuler ou retirer tout droit conféré par la présente directive en cas d’abus de droit ou de fraude, tels que les mariages de complaisance. »
L’interdiction de circulation sera bien sûr exceptionnelle. Elle sera contrôlée par le juge, au regard des dispositions de la directive de 2004, qui, je tiens à le rappeler, sont très protectrices des libertés fondamentales.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements. À travers la mesure qu’ils visent à supprimer, il s’agit de réprimer les détournements que subit le droit de libre circulation. Or, je le répète, ces cas d’abus de droit sont rares et ne peuvent être sanctionnés que par des restrictions à la liberté de circulation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l'amendement n° 49 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la secrétaire d’État, vous précisez vous-même que, dans la directive, l’abus de droit est mentionné à l’article 35. Or l’ordre public figure à l’article 15. Si ces deux motifs emportaient les mêmes conséquences, ils seraient placés dans le même article.
Au demeurant, il me semble que les mariages de complaisance sont sans lien avec les abus de droit commis au titre de la liberté de circulation.
On n’a pas attendu la transposition de cette directive pendant plus de dix ans pour s’exposer, aujourd’hui, à un risque de contentieux : les notions d’abus de droit et de menace à l’ordre public ne sont pas les mêmes en droit européen et dans notre droit interne. Par conséquent, cette interprétation de la directive en fonction de notions strictement françaises risque de nous exposer à un certain nombre de risques juridiques.