compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaire :
M. Jackie Pierre.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la santé.
Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
3
Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. Lors de sa réunion du 7 octobre 2015, conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un vote favorable sur le projet de nomination de M. Michel Cosnard aux fonctions de président du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (37 voix pour, 0 voix contre).
Acte est donné de cette communication.
4
Candidatures à trois organismes extraparlementaires
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Gilbert Barbier.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
M. le Premier ministre a également demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires.
La commission des affaires économiques a proposé les candidatures :
– d’une part, de M. Gérard César pour siéger au conseil d’administration de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) ;
– d’autre part, de M. Joël Labbé pour siéger comme titulaire au sein de l’Observatoire des espaces naturels agricoles et forestiers.
Les candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
5
Conventions internationales
Adoption en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.
Je vais donc les mettre successivement aux voies.
accord entre la communauté européenne et l'afrique du sud
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part, modifiant l'accord sur le commerce, le développement et la coopération, signé à Kleinmond le 11 septembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Afrique du Sud, d’autre part, modifiant l’accord sur le commerce, le développement et la coopération (projet n° 561 [2014-2015], texte de la commission n° 704 [2014-2015], rapport n° 703 [2014-2015]).
(Le projet de loi est adopté définitivement)
accord de partenariat économique entre la côte d'ivoire et la communauté européenne
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord de partenariat économique d'étape entre la Côte d'Ivoire, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part (ensemble deux appendices, deux annexes, un protocole), signé à Abidjan le 26 novembre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de partenariat économique d’étape entre la Côte d’Ivoire, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part (projet n° 560 [2014-2015], texte de la commission n° 706 [2014-2015], rapport n° 705 [2014-2015]).
(Le projet de loi est adopté définitivement)
6
Droit des étrangers en France
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France (projet de loi n° 655 [2014-2015], texte de la commission n° 717 [2014-2015], rapport n° 716 [2014-2015]), avis n° 2.
Nous poursuivons l’examen du texte de la commission.
TITRE Ier (SUITE)
L’ACCUEIL ET LE SÉJOUR DES ÉTRANGERS
Chapitre II (SUITE)
La carte de séjour pluriannuelle
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre Ier, à l’article 13 quinquies.
Article 13 quinquies
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 134, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article L. 316-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, l'autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” à l'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-13 du code civil en raison de la menace d'un mariage forcé. Cette carte de séjour temporaire arrivée à expiration est renouvelée de plein droit à l'étranger qui continue de bénéficier d'une telle ordonnance de protection. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet amendement vise à rétablir l'article 13 quinquies relatif à la protection en cas de mariage forcé, supprimé par la commission des lois au motif que ces personnes sont éligibles à la protection subsidiaire, voire au statut de réfugié.
Il existe pourtant une jurisprudence fournie du Conseil d'État – il s’agit des arrêts du 3 juillet 2009 et du 7 décembre 2011 – qui considère que « les femmes qui ont quitté leur pays de naissance afin d'échapper à un mariage forcé, n'appartiennent pas à un groupe social victime de persécutions au sens de l'article 1er de la convention de Genève et ne peuvent, par conséquent, bénéficier de la qualité de réfugié ». C’est la raison pour laquelle l’adoption de cet amendement est importante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les victimes de menace d’un mariage forcé sont éligibles à la protection subsidiaire – c’est la décision n° 11008510 C de la Cour nationale du droit d’asile, ou CNDA, en date du 9 novembre 2011 –, car il s’agit d’un « traitement dégradant » au sens de l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA.
Ces personnes reçoivent sur ce motif la protection de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et un titre de séjour spécifique.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Le Gouvernement émet un avis favorable, car il s’agit d’une avancée dans la protection de ces personnes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, je vous rappelle qu’une décision de la Cour nationale du droit d’asile ne fait pas jurisprudence.
M. le président. En conséquence, l’article 13 quinquies demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 13 quinquies
M. le président. L'amendement n° 78, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 13 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 171 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Desessard, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 316-3 du même code, les mots : « commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son » sont remplacés par les mots : « exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement est la reprise de l’article 13 sexies nouveau du projet de loi transmis au Sénat, article que la commission des lois du Sénat a supprimé sur proposition du rapporteur.
Les dispositions proposées s’attachent à permettre à l’autorité administrative de délivrer une carte de séjour temporaire à la personne étrangère victime de violences au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire de PACS ou un ancien concubin.
Le CESEDA ne prévoit aujourd’hui que les cas de violences de la part du conjoint, du partenaire lié par PACS ou du concubin.
Dans le dessein d’assurer une meilleure protection des personnes étrangères victimes de violences au sein du couple, la notion de « couple » doit être élargie aux anciens conjoints, anciens partenaires liés par un PACS ou anciens concubins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, rejoignant l’avis – une fois n’est pas coutume – de la commission des lois de l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Cet amendement visant à renforcer la protection des personnes, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 171 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 13 sexies demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 13 sexies
M. le président. L'amendement n° 188, présenté par MM. Doligé et Yung, est ainsi libellé :
Après l’article 13 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 4-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Les visas uniformes délivrés aux étrangers dans les chancelleries diplomatiques et consulaires en application du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire pour les visas. »
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Richard Yung et moi-même menons actuellement, en tant que rapporteurs spéciaux, des travaux de contrôle budgétaire sur la procédure de délivrance des visas.
Cet amendement de simplification administrative a pour objet de supprimer l’obligation de signature des vignettes-visas apposées par l’administration consulaire sur les visas délivrés aux étrangers.
En effet, le projet de loi relatif au droit des étrangers doit être également l’occasion d’améliorer les conditions d’accueil des étrangers qui sollicitent un visa pour venir en France dans le cadre d’un séjour touristique.
Or, la durée de la procédure d’attribution de visa, qui est un élément-clé de l’attractivité de notre pays, est allongée par des tâches inutiles d’instruction dans les postes consulaires. En particulier, les vignettes-visas apposées lors de la délivrance d’un visa uniforme « Schengen » de court séjour sont ensuite signées par une autorité consulaire.
Cette obligation de signature crée ainsi un goulet d’étranglement au sein de la phase d’instruction, en particulier lorsque l’une ou l’autre des personnes ayant délégation de signature est absente.
Or comme vous le savez, une restructuration des consulats est en cours. Il y a donc parfois relativement peu de personnel, ce qui peut poser des problèmes de signature des visas.
Pourtant, cette signature n’est pas rendue obligatoire par le droit communautaire. Comme toujours, nous ajoutons des contraintes supplémentaires ! Nos homologues, en particulier allemands, ont déjà supprimé l’obligation de signature, la remplaçant par une impression sur la vignette du nom de la personne décisionnaire.
En outre, cette signature n’apporte pas de garantie supplémentaire en termes de contrôle de la décision ou de réduction du risque de fraude.
En conséquence, Richard Yung et moi-même préconisons de supprimer l’obligation de signature des vignettes-visas, afin d’accélérer le traitement des demandes de visas déposées dans les consulats, d’améliorer la productivité des services consulaires et, ainsi, de renforcer l’attractivité touristique de la France.
Cet amendement s’inspire d’un des constats que, en tant que rapporteurs spéciaux, nous avons dressés dans le cadre de nos travaux de contrôle budgétaire en cours sur la procédure de délivrance des visas. Nous avons en effet pu constater que, dans certains consulats, cette remarque était faite systématiquement par les personnels, lesquels regrettent de perdre un temps fou sur un travail qui n’est pas nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. En tant que secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification, je salue l’intention louable qui motive cet amendement.
Cette intention rejoint celle du Gouvernement, puisqu’une politique de simplification concernant l’ensemble du champ des procédures de l’État est actuellement menée. « France visa » est ainsi en préparation, et ce programme sera mis en place au début de l’année 2017. Et il est prévu que la suppression de cette signature des vignettes-visas intervienne à ce moment-là.
Cette suppression étant inscrite dans les nouveaux processus à mettre en œuvre, alors que, pour le moment, la signature intervient à l’issue de la procédure et de tous les contrôles qui sont effectués, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable, étant entendu que les choses sont de toute façon amenées à changer. Ce point est en effet déjà inscrit dans notre calendrier.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Voici un visa néerlandais ! (M. Richard Yung brandit la copie d’un visa) Il n’y a pas de signature car, selon les règles communautaires, ce n’est pas obligatoire !
La France met toujours ceinture et bretelles ! Chacun sait que cette procédure de visa est une chaîne très lourde, extrêmement bureaucratique, qui se termine chez le consul ou le consul-adjoint. Or tout cela ne sert absolument à rien ! C’est du temps perdu !
Les autres pays apposent un tampon, qui n’est pas falsifiable et présente toutes les garanties.
Il y a donc une mesure extrêmement simple à prendre, qui relève du bon sens. Je ne sais pas ce que va décider mon collègue Éric Doligé, mais le retrait de cet amendement ne me semble pas constituer une bonne idée. Ne peut-on pas avancer dans le bon sens ?
M. le président. Monsieur Doligé, l’amendement n° 188 est-il maintenu ?
M. Éric Doligé. Je partage l’avis de mon collègue Richard Yung. Nous avons d’ailleurs, je le répète, travaillé ensemble.
Le Gouvernement nous a confirmé que cet amendement était intéressant, indiquant que la suppression de la signature interviendrait dans un certain temps… Toutefois, dans l’intervalle, nous allons demeurer dans la complication, dans les délais, dans les coûts inutiles, avec de moins en moins de capacités de gérer cette problématique dans les consulats.
En outre, un certain nombre d’étrangers qui disposent d’un pouvoir d’achat important et que l’on aimerait accueillir dans le cadre d’un séjour touristique sont souvent freinés dans leur démarche du fait de complexités administratives n’ayant aucun sens. Il faut donc supprimer le plus tôt possible l’obligation de cette signature plutôt que d’attendre une hypothétique décision gouvernementale.
C’est pourquoi je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 13 sexies.
Article 13 septies (nouveau)
À l’article L. 411-1 du même code, les mots : « dix-huit mois » sont remplacés par les mots : « vingt-quatre mois ».
M. le président. L'amendement n° 140, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, MM. Courteau, Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. La commission des lois a repoussé de dix-huit à vingt-quatre mois le délai à l'issue duquel un étranger peut présenter une demande de regroupement familial, alors même qu’il a été souligné à plusieurs reprises que la vie familiale est l’une des conditions d’intégration de toute la famille.
Tel est l’objet de cet amendement visant à rétablir le texte initial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous nous sommes déjà expliqués hier sur la question de l’immigration familiale.
Permettez-moi simplement de rappeler que la possibilité de relever la durée de résidence de dix-huit à vingt-quatre mois est prévue par la directive européenne, qui laisse évidemment chaque État membre libre de déterminer la durée de séjour nécessaire pour être éligible au regroupement familial, dans la limite de vingt-quatre mois maximum.
Par ailleurs, l’allongement de la durée ne fait pas obstacle au droit des étrangers à mener une vie familiale normale.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. L’amendement n° 140 vise à réduire le délai exigé pour la reconnaissance du droit au regroupement familial.
Il s’agit d’un principe constitutionnel : notre pays est engagé par le bloc de constitutionnalité et les conventions – je n’y reviens pas.
Certes, il est possible, aux termes de la directive européenne, de prévoir un délai maximal de vingt-quatre mois pour présenter une demande de regroupement familial. Toutefois, je tiens à rappeler que la représentation nationale s’est prononcée, en 2006, de façon consensuelle, pour une période de dix-huit mois. Aussi le Gouvernement ne voit pas ce qui justifierait aujourd'hui un retour en arrière.
C’est un principe constant : si la règle européenne s’applique, rien n’empêche un État membre d’adopter des dispositions plus favorables.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 140.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je suis quelque peu étonné par les explications de M. le rapporteur : comme la directive européenne permet d’aller jusqu’à vingt-quatre mois, il faut prévoir un tel délai. Mais alors, qu’il aille jusqu’au bout de ses convictions ! Qu’il nous dise ce qu’il pense du regroupement familial !
Le regroupement familial fait-il, oui ou non, partie non seulement des droits des étrangers, mais aussi des moyens permettant à un étranger, à une famille de s’intégrer en France le plus vite possible ?
Si le rapporteur repousse le délai à l’issue duquel un étranger peut présenter une demande de regroupement familial, c’est bien parce qu’il pense que le regroupement n’est pas utile à l’intégration. Sinon il conviendrait plutôt de débattre de la question de savoir s’il faut raccourcir ce délai.
Je le répète, je suis un peu étonné. Cela nous donne l’impression que vous appliquez le délai maximum prévu par la directive européenne parce que, au fond, vous ne voulez pas du regroupement familial. Or refuser le regroupement familial, c’est refuser l’intégration !
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas si simple !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mon cher collègue, vous ne pouvez pas tenir de tels propos !
Dès le début de notre débat, dans le cadre de l’examen de l’amendement présenté par notre excellent collègue Roger Karoutchi, nous avons tenu compte non seulement du droit d’asile, mais aussi du regroupement familial.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Aucun de nos collègues ne remet en cause le principe du regroupement familial ! Bien sûr, on peut parler des modalités de ce regroupement, et on a parfaitement le droit de le faire. On peut avoir une conception plus ou moins large de la famille. On peut considérer que le mot « famille » ne signifie pas la même chose sur tous les continents.
Nous nous accordons tous à dire, par exemple, que le droit à la réunion des conjoints ne s’applique pas aux couples polygames, si l’on peut parler de « couples » ! Nous sommes tous d’accord sur ce point. Cela signifie que nous avons déjà l’habitude de distinguer les familles. Ainsi, la famille pouvant faire l’objet d’un regroupement familial correspond, d’une certaine façon, à la définition de la famille figurant dans le code civil français.
M. Jean-Yves Leconte. Ce n’est pas l’objet de mon amendement !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Sinon, on ne sait plus où s’arrêter, au nom de la famille !
Mon cher collègue, par respect pour chacun de nos collègues, vous ne pouvez pas dire que certains sénateurs seraient contre le principe du regroupement familial. Je pense que vous vous êtes laissé emporter…
M. Jean-Yves Leconte. Mais vous allez jusqu’au bout du délai prévu par la directive européenne !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. En réalité, nous sommes favorables à des restrictions concernant, notamment, la durée de séjour de la personne qui souhaite faire entrer sur notre territoire des membres de sa famille. Nous avons proposé un délai de deux ans parce que c’est une possibilité offerte par la directive européenne. Nous ne nous écartons pas du droit européen, que nous voulons respecter. Dans tout droit, il y a le droit et l’abus de droit. Nous faisons en sorte que les règles relatives au regroupement familial soient adaptées pour éviter tout abus de droit.
Ne nous mettez pas en cause en affirmant que nous sommes contre le regroupement familial ! Ce n’est pas le cas ! Nous voulons simplement éviter, je le répète, tout abus de droit.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai un peu de mal à comprendre.
De quoi s’agit-il ? Nous parlons du délai à partir duquel un étranger peut déposer une demande de regroupement familial. La seule question qui vaille est celle de savoir si la demande est recevable sur le fond. C’est tout. Pourquoi repousser le délai à vingt-quatre mois, contrairement à ce qui se fait actuellement ?
Hier soir, au cours de longs débats concernant le pouvoir d’appréciation des préfets, vous avez soutenu la thèse selon laquelle il ne fallait pas changer ce qui fonctionne. Or là, ce serait une jurisprudence inverse ! Franchement…
On aura à se prononcer sur le fond du dossier. Si les éléments du dossier ne sont pas très clairs, l’étranger n’aura pas l’autorisation de bénéficier du regroupement familial. Mais pourquoi repousser le délai à vingt-quatre mois ? Cela n’a rigoureusement aucun sens ! Et cela laisse soupçonner des choses qui sont bien évidemment fausses…
Pour la sérénité des débats, il vaudrait mieux que nous soyons favorables à cette proposition.
M. Roger Karoutchi. On serait presque convaincu ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 13 septies.
(L'article 13 septies est adopté.)
Article 13 octies (nouveau)
Le premier alinéa de l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par les mots : « , sous réserve, s’il est majeur, de s’être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge telles que définies ci-dessus, d’un droit annuel dont le montant est fixé par décret ».
M. le président. L'amendement n° 135, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à supprimer l'obligation pour l'étranger de s'acquitter d'un forfait pour pouvoir bénéficier de l'aide médicale de l'État.
L'expérience a démontré que ce forfait, supprimé par le Gouvernement en 2012, avait, d'une part, des conséquences négatives en termes de prise en charge médicale, et, d'autre part, n'avait aucun effet positif sur les comptes publics.
À cet égard, permettez-moi de citer les termes du rapport sur le projet de loi de finances pour 2015 de notre collègue Francis Delattre, rapporteur spécial sur la mission « Santé » : « Avec le recul, le bilan de la mise en œuvre du droit de timbre et de la procédure d’agrément préalable semble mitigé. Le droit de timbre a procuré une recette relativement modeste – environ 5,5 millions d’euros – sans empêcher les dépenses de progresser de 4,9 % en 2011 alors même que les effectifs connaissaient une baisse sensible – moins 8,4 %. La direction de la sécurité sociale explique ce phénomène par l’augmentation du coût moyen d’un bénéficiaire de l’AME liée à l’aggravation des pathologies et à un déport vers des soins hospitaliers en raison de prises en charge plus tardives. La procédure d’agrément pour la délivrance des soins hospitaliers coûteux a quant à elle été abrogée avant sa mise en œuvre effective. Cette disposition s’est en effet avérée très complexe à appliquer, tant par les hôpitaux que par les CPAM, et induisait une charge de gestion importante. »
On peut effectivement persister dans l’erreur, en revenant à la situation antérieure. Mais on peut aussi comparer la situation antérieure à 2012 avec la situation actuelle.
Cet amendement vise à maintenir les dispositions en vigueur.