M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous en arrivons à un article important de ce projet de loi, à savoir l’article 45, relatif à l’action de groupe.
Les victimes d’une défaillance du système de santé ont actuellement deux voies de recours à leur disposition : elles peuvent soit engager une action individuelle, soit s’inscrire dans l’un des régimes spécifiques de réparation des dommages médicaux au titre de la solidarité nationale, suivant une procédure de recours amiable.
Or ces voies d’action se sont révélées peu adaptées à la réparation des dommages sériels causés par la défectuosité ou le mésusage des produits de santé, comme cela a pu être le cas dans l’affaire du Mediator.
Dans le but de remédier à ces insuffisances, il est ici proposé de mettre en place une action de groupe en matière de santé.
Cette action, sous réserve des adaptations rendues nécessaires par la nature corporelle des dommages à indemniser, est conçue sur le modèle de l’action de groupe en matière de consommation.
Elle présente quatre grandes caractéristiques.
En premier lieu, la procédure commune ne pourra être engagée que par une association d’usagers du système de santé agréée, qui jouera un rôle de filtre.
En deuxième lieu, cette action visera à élargir la responsabilité d’un produit de santé dans la survenue de dommages sériels de nature exclusivement corporelle.
En troisième lieu, la procédure sera articulée en deux phases : la première permettra d’établir la responsabilité de l’exploitant ou du prestataire, tandis que la seconde visera à l’indemnisation des victimes et à la réparation individuelle des préjudices.
En quatrième et dernier lieu, la phase de réparation des préjudices pourra être amiable ou contentieuse.
La commission des affaires sociales a adopté neuf amendements à cet article, dont huit sur proposition de M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Je reprendrai maintenant les principales modifications apportées à l’issue des travaux de la commission.
Tout d’abord, la qualité à agir dans le cas d’une action de groupe en matière de santé a été limitée aux seules associations d’usagers du système de santé agréées au niveau national. Cette limitation, qui rapproche cette action de groupe de celle qui existe en matière de consommation, permettra de donner les meilleures chances de succès au requérant, en s’assurant que les acteurs qui porteront l’action de groupe disposeront de l’expérience et des moyens suffisants pour faire face à une procédure souvent longue et complexe.
Ensuite, la commission a raccourci de cinq à trois ans le délai maximal pendant lequel l’adhésion au groupe des victimes est possible. Il s’agit ainsi de limiter la durée de la situation d’incertitude à laquelle sont exposés les professionnels susceptibles d’être poursuivis, sans pour autant léser les droits des victimes.
Enfin, la commission a choisi de réserver au juge ayant statué sur la responsabilité dans le cadre de la première phase de l’action du groupe la charge de se prononcer sur la réparation individuelle des préjudices lors de la deuxième phase. Il s’agit ainsi de limiter les risques de divergence d’appréciation d’une juridiction à une autre, ce qui pourrait porter atteinte à l’égalité des justiciables.
Voilà donc l’équilibre du texte qui vous est présenté par la commission, équilibre que nous souhaitons pouvoir conserver.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Comme Mme la rapporteur vient de le rappeler, l’article 45 ouvre la possibilité d’actions de groupe, initiées par des associations agréées d’usagers du système de santé, pour des dommages subis du fait de produits de santé défaillants.
Cette possibilité nouvelle constitue – je tiens à le dire d’emblée – une avancée indiscutable, qui mérite d’être saluée. Néanmoins, nous regrettons son caractère trop limité. La rédaction actuelle exclut en effet de l’action de groupe les victimes d’autres préjudices sanitaires. Il est extrêmement regrettable que les victimes de l’amiante, sujet particulièrement important à nos yeux, soient ainsi exclues.
Je pense également aux préjudices d’origine environnementale, qui tendent à se développer. Là encore, il est dommage que les victimes ne puissent faire usage de ce dispositif.
Dès lors, cette limitation très stricte des possibilités d’action de groupe réduit considérablement la portée de l’avancée, même si celle-ci reste marquante.
Madame la ministre, à l’Assemblée nationale, vous avez approuvé la rapporteur, lorsqu’elle a déclaré « qu’il n’était pas opportun d’étendre ce champ, car se poserait alors la question de la possibilité d’une action de groupe sans qu’il y ait manquement ou faute ou responsable identifié ». Nous estimons au contraire qu’il est nécessaire d’ouvrir les actions de groupe à ces autres préjudices, et ce le plus rapidement possible.
De la même manière, nous regrettons que cet article réserve aux seules associations agréées la possibilité d’engager une action de groupe, alors que les victimes pourraient vouloir intervenir directement.
Pour cette raison, nous avons déposé plusieurs amendements concernant les dommages sanitaires d’origine environnementale et les préjudices sanitaires subis dans le cadre du travail, ainsi qu’un amendement visant à permettre à plusieurs personnes victimes de dommages causés par des produits de santé défectueux d’agir en justice à l’encontre d’un producteur, d’un fournisseur ou d’un prestataire, via une association d’usagers du système de santé agréée.
Nous reviendrons donc plus longuement dans le débat sur ces sujets, même si j’ai bien entendu Mme la rapporteur nous indiquer que la commission souhaitait maintenir l’équilibre trouvé. Il n’empêche, nous essaierons de vous convaincre et défendrons nos amendements !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans ce projet de loi, la démocratie sanitaire n’est pas un vain mot ; elle ne tient pas de la formule ou de l’affichage. Ce texte reconnaît aux représentants des usagers une place réelle dans l’élaboration de la politique de santé et renforce la capacité des personnes à faire valoir leurs droits.
En instaurant l’action de groupe pour les victimes de produits de santé, cet article 45 constitue l’un des aspects essentiels d’une approche globale, collective et solidaire de la réparation des dommages qui peuvent résulter de l’administration de médicaments. Un tel dispositif est indispensable aux victimes isolées et dénuées des moyens nécessaires pour contrebalancer les capacités judiciaires, techniques et financières des producteurs.
Je comprends donc mal les modifications apportées par notre commission au texte issu de l’Assemblée nationale ; elles ont pour objet, à mon sens, de réduire les possibilités offertes aux victimes d’accéder à l’action de groupe.
En effet, la réduction de cinq à trois ans du délai requis pour l’adhésion au groupe et la limitation de l’accès à cette procédure aux seules associations reconnues au niveau national sont autant de restrictions apportées à l’indemnisation des victimes.
Si je désapprouve l’amendement n° 297, qui tend à supprimer l’article et, partant, ce nouveau droit, je lui reconnais du moins la qualité de la franchise. En effet, soit l’on admet la légitimité de l’action de groupe – dans ce cas, pourquoi multiplier les entraves à son exercice ? – ; soit on la réfute. Mais l’entre-deux dont témoignent les propositions de la commission n’est pas satisfaisant, et ce d’autant moins qu’il ne suffit pas d’adhérer au groupe pour être indemnisé, puisqu’il appartiendra encore au juge de remplir son office en appréciant la réalité du dommage et le lien de causalité. La commission ne l’ignore pas.
C’est pourquoi, pour notre part, nous proposerons la suppression de ces restrictions à l’exercice de ce nouveau droit.
M. le président. L'amendement n° 297, présenté par M. Grand, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 482, présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8, première phrase
Supprimer les mots :
au niveau national
II. – Alinéa 18, seconde phrase
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
cinq
III. – Alinéa 59
Supprimer les mots :
au niveau national
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Je placerai mes propos dans le droit fil de ceux de mon collègue Yves Daudigny.
L’article 45 instaure l’action de groupe dans le domaine de la santé, une procédure très attendue par les associations d’usagers du système de santé.
Ce type d’actions doit permettre de regrouper dans une seule procédure les demandes de réparation concernant un grand nombre de patients. Cela constitue une avancée majeure, puisque les patients victimes, grâce à cette nouvelle voie de recours plus efficace, ne seront plus seuls face à la puissance de certaines industries.
La commission des affaires sociales a adopté neuf amendements à cet article, dont la majorité à l’initiative de la commission des lois. Parmi ceux-ci, certains, comme M. Daudigny vient de le dire, restreignent la portée de l’action de groupe.
C’est pourquoi notre amendement vise à rétablir le dispositif initial sur deux points particuliers.
Le I et le III de l’amendement ont pour objet de rétablir la possibilité pour toute association agréée, que ce soit au niveau régional ou au niveau national, de porter une action de groupe. En effet, des accidents sériels peuvent revêtir un caractère localisé : les associations de victimes créées à cette occasion au niveau local doivent pouvoir conduire cette action.
Le II vise quant à lui à rétablir le délai de cinq ans offert aux victimes pour adhérer au groupe. Ce délai est plus favorable aux victimes, car il permet de prendre en compte le temps que certaines conséquences d’accidents liés aux soins mettent à se manifester ainsi que le temps souvent nécessaire pour imputer un dommage à une cause précise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. J’ai déjà expliqué dans mon propos préalable sur l’article quel avait été l’esprit dans lequel la commission des affaires sociales et la commission des lois avaient travaillé sur cet article. Vous ne serez donc pas surprise que nous donnions un avis défavorable à cet amendement, ma chère collègue.
Pourquoi avons-nous choisi d’autoriser les seules associations agréées au niveau national à engager une action de groupe ? Nous l’avons fait parce que cela permet d’augmenter les chances de succès des actions. Les associations agréées au niveau national disposent en effet généralement mieux que les associations locales des moyens nécessaires et de l’expérience suffisante pour faire face aux difficultés procédurales de l’action de groupe en matière de santé – une action sans doute complexe, longue et coûteuse.
Bien sûr, certaines associations peuvent être constituées au niveau local pour représenter les victimes d’accidents localisés. Pour autant, rien n’interdit à ces associations d’adhérer à des associations nationales, et notamment à des collectifs d’associations, qui disposeront de moyens bien plus importants et de meilleures chances de succès en cas d’action de groupe. Cette adhésion est d’ores et déjà une réalité : il suffit de regarder la composition du collectif interassociatif sur la santé, le CISS.
Quant au raccourcissement de cinq à trois ans du délai d’adhésion, la commission a considéré qu’il permet de limiter la situation d’incertitude d’une entreprise sur le risque auquel elle est exposée, sans pour autant léser les victimes. Celles-ci disposeront toujours, en effet, d’un délai important – trois ans - et de la possibilité, par ailleurs, d’engager une action individuelle.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement donnera un avis favorable sur cet amendement, dont la logique répond à la sienne.
Je relève que la position de la commission concernant l’action de groupe diffère significativement du projet du Gouvernement sur deux points, sans d’ailleurs remettre en cause ni l’organisation ni les objectifs de cette action : le caractère national des associations agréées susceptibles d’engager l’action de groupe et le délai dans lequel l’action de groupe peut être engagée.
Sur le premier point, rappelons tout d’abord que certains dommages ou accidents sont très localisés. Il en est des exemples très connus, tels les irradiés d’Épinal ou ceux de Toulouse.
Face à cet enjeu local, des associations locales se sont créées. Pourquoi leur demander d’adhérer à une structure nationale, alors que celle-ci risque de devenir une association de principe et de se lancer dans des procédures systématiques qui seront dupliquées les unes sur les autres, ce que certains cherchent justement à éviter ?
Dans l’affaire du Mediator, des associations locales auraient pu se mobiliser, même s’il est vrai que, dans ce cas précis, elles auraient pu adhérer à une confédération nationale, puisque le problème a été identifié sur l’ensemble du territoire. Néanmoins, tous les dommages n’apparaissent pas systématiquement sur tout le territoire.
Par ailleurs, le délai de trois ans paraît court au regard de la procédure judiciaire engagée, à la prise de conscience et aux démarches individuelles entreprises. Il faut au préalable un jugement sur la responsabilité pour que les éventuelles victimes réalisent qu’elles entrent dans le champ de ce jugement, prennent conscience des dommages qu’elles ont subis, se rapprochent d’associations.
Après en avoir débattu avec la Chancellerie et les structures juridiques et judiciaires habilitées, il nous semble que le délai de cinq ans est à la fois raisonnable et responsable.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, rapporteur pour avis.
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Pourquoi se limiter aux associations locales alors que, dans un certain nombre de cas, celles-ci n’ont pas les moyens d’agir ni de mener à son terme une action de groupe ?
Pour avoir auditionné diverses associations en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, je puis témoigner que celles-ci n’ont pas fait montre d’une volonté excessive de jouer un rôle de premier plan dans ce cadre. Pour la commission des lois, le danger, c’est qu’une association locale se saisisse la première d’un sujet, se voie déboutée et que cela ferme la porte à toute action future.
Madame la ministre, vous avez affirmé qu’une association locale était mieux à même d’agir quand il s’agissait d’un sujet local et vous avez cité l’affaire des irradiés d’Épinal. Même dans une affaire comme celle-ci, on peut imaginer qu’une association locale demande à la structure nationale à laquelle elle se rattache d’engager l’action de groupe. Dans la mesure où l’on compte plus de cent associations nationales contre quatre cents associations locales, des rattachements sont envisageables.
Le rétablissement du délai de cinq ans ne paraît pas souhaitable, et ce pour deux raisons.
D’une part, et la commission des lois y est très attentive, cela prolongerait la situation d’incertitude liée au risque de contentieux dans laquelle serait placée l’entreprise défenderesse. Il faut trouver un équilibre raisonnable entre les droits ouverts par l’action de groupe et la nécessité pour l’entreprise de ne pas vivre dans l’incertitude trop longtemps.
D’autre part, les amendements de la commission des affaires sociales et de la commission des lois ont permis des avancées sensibles. La rédaction de l'article 45 a été modifiée pour autoriser l’engagement d’une nouvelle action de groupe, lorsque celle-ci ne porte pas sur la réparation des mêmes préjudices qu’une action précédente. C’est un progrès notable, car des victimes de seconde génération – par exemple, les victimes du Distilbène – pourront profiter d’une telle disposition. Puisqu’une deuxième action de groupe est permise, il n’est pas nécessaire de prolonger outre mesure la possibilité d’engager une action de groupe.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Pour avoir été vice-présidente de la mission commune d’information sur le Mediator, j’avoue être hostile à tout ce qui restreint l’action de groupe et ne comprends pas la frilosité dont on fait preuve à l’égard de cette possibilité, tellement attendue par les victimes.
Annie David a évoqué le cas de l’amiante. S’il y a bien un problème que l’on connaît dans l’Orne et le Calvados, avec ce que l’on appelle « la vallée de la mort », c’est bien celui-là ! Des salariés de Moulinex ne sont toujours pas indemnisés. Et c’est un problème local, mes chers collègues !
On parle d’incertitude pour les entreprises. Pour ma part, j’aimerais parler d’incertitude pour les victimes : certaines d’entre elles attendent la prise en charge de leurs problèmes médicaux dix ans ou quinze ans.
Pour toutes ces raisons, je voterai l’amendement n° 482.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. L’article 45 constitue une importante contribution à la modernisation de notre système de santé. L’action de groupe existe dans un grand nombre de pays d’Europe et aux États-Unis. Grâce à elle, le malade, le consommateur ne se retrouve pas seul devant un grand groupe, notamment pharmaceutique. Par conséquent, il ne faut pas sous-estimer la portée de cet article, qui consacre le principe d’une action de groupe à la française.
Pour ce qui est du rôle des associations, le débat s’est ouvert entre nous de savoir si sont seules autorisées à agir les associations nationales ou si cette possibilité est ouverte aux associations régionales.
Mme la ministre l’a souligné, il arrive que les problèmes de santé soient très localisés. C’est pourquoi il ne faut pas limiter l’innovation prévue à cet article ; bien au contraire, il faut lui donner toute son ampleur. L’expérience montre qu’il est utile que les malades puissent se défendre et, à ce titre, accéder à l’action de groupe.
La mesure prévue à l'amendement n° 482 a donc toute sa place et donnera à l’action de groupe sa vraie dimension. Il serait dommage de la limiter en ramenant le délai à trois ans. Surtout, il faut que les associations locales et régionales puissent lancer des actions de groupe aux côtés des malades et des consommateurs.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Pour ma part, je voterai cet amendement.
L’article 45, qui instaure cette possibilité d’action de groupe, est très important et très attendu. Cela étant, il faut tenir compte de la réalité des situations.
Dans les faits, quand il s’agit de produits de santé, les victimes sont le plus souvent des malades, c’est-à-dire des personnes affaiblies. Elles habitent parfois très loin de Paris et, isolées, peuvent ne pas disposer de tous les moyens de communication. Il convient de tenir compte de leur situation particulière et de leur laisser le choix de se faire représenter par des associations locales ou régionales, lorsque celles-ci existent et sont actives, ou de s’adresser directement à des associations nationales. N’ajoutons pas à leurs problèmes des difficultés logistiques.
De même, le délai de trois ans est trop court. Ceux qui connaissent des victimes du Mediator savent que c’est très compliqué pour elles, car elles sont malades. Trouver les bons interlocuteurs et décider d’engager les démarches prend du temps. Dans ces conditions, pourquoi ne pas sereinement conserver le délai de cinq ans ?
Il a été question de l’incertitude des entreprises, mais il faut aussi penser à la situation des victimes. Il ne faudrait pas qu’elles aient l’impression qu’on ne leur laisse pas le temps de demander justice et réparation.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Dans cette affaire, madame la ministre, mes chers collègues, le mieux risque d’être l’ennemi du bien.
Nous touchons là un domaine où l’émotionnel est extrêmement important. Comme vous le savez, la plupart des malades, quelle que soit leur affection, ont tendance à devenir médecins. Avec cet amendement, on risque de remplacer les médecins par des juges.
Pour moi, le délai de trois ans est valable. Quant aux associations, il me semble que, plus on éloigne l’organe qui alerte, plus on échappe à cette force de l’émotionnel qui est si prégnante, surtout dans le domaine de la santé. Il n’est qu’à regarder autour de nous le nombre de personnes qui veulent tout simplement savoir comment elles doivent se soigner.
Par conséquent, dans ce domaine, il ne faut pas aller trop loin. Cet amendement, très séduisant à première vue, présente des dangers importants. C’est pourquoi je ne le voterai pas.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. En toute logique, le groupe CRC votera cet amendement, comme je l’ai annoncé en m’exprimant sur l’article. À voir le résultat du travail accompli par la commission, on a la sensation que les victimes ne sont pas véritablement prises en compte.
Mme Catherine Deroche et M. Alain Milon, corapporteurs. Ce n’est pas vrai !
Mme Annie David. C’est en tout cas ce que l’on ressent.
Contrairement à ce que pense François Fortassin, réduire le délai ne permet pas d’échapper à l’émotion. En revanche, le porter à cinq ans permettra aux victimes d’être mieux reconnues et leur donnera le temps de constituer leur dossier pour être indemnisées par la suite.
Aline Archimbaud a très bien expliqué pourquoi il ne fallait pas brider les associations locales et n’autoriser que les structures nationales à engager des actions de groupe.
Il serait dommage que l'article 45 soit adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission : ce serait rogner sur la belle avancée que constituait sa version initiale, notamment en termes de droits des victimes à se faire reconnaître en tant que telles et à être indemnisées.
C’est sans doute un point de désaccord avec vous, mesdames, messieurs les rapporteurs, mais c’est bien ce que nous ressentons.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je me sens obligé de réagir à ce que je viens d’entendre. Il semble qu’il y ait un malentendu.
Relisons le texte.
L’alinéa 18 de l'article 45 précise que « le juge fixe le délai dont disposent les usagers du système de santé [...] pour adhérer au groupe à fin d’obtenir la réparation de leurs préjudices. Ce délai, qui ne peut être inférieur à six mois ni supérieur à trois ans, commence à courir à compter de l’achèvement des mesures de publicité ordonnées ». Comment, dans ces conditions, soutenir que l’on cherche à brider les victimes ?
Madame Archimbaud, les plus faibles des faibles, les humbles, ceux que, comme nous, vous souhaitez protéger, auront trois ans à compter de la mesure de publicité pour adhérer à l’action de groupe. On va donc signaler à ces personnes qu’elles peuvent adhérer ; elles n’auront même pas à se déplacer pour ce faire.
Il y a des choses que l’on peut entendre, d’autres non. De tels propos traduisent selon moi une certaine méconnaissance du dispositif tel qu’il figure dans le projet de loi.
Loin de nous l’idée de vouloir restreindre la possibilité pour qui que ce soit d’adhérer à une action de groupe. Je le répète : nous soutenons l’action de groupe. Nous avons simplement souhaité instaurer un bon équilibre entre les droits des patients d’engager une telle action et ceux de l’entreprise dont la crédibilité est mise en doute et qui, si elle sait assumer ses responsabilités, souhaite cependant voir s’éteindre un jour une affaire malheureuse la concernant.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je remercie M. le rapporteur pour avis de la commission des lois d’avoir réaffirmé le soutien de la commission à l’action de groupe.
Permettez-moi de revenir sur les associations. Il est important de réintroduire la possibilité pour les associations agrées à l’échelon régional d’engager une action de groupe.
Mme la ministre a évoqué les cas des irradiés d’Épinal et de Toulouse. Ces deux affaires gravissimes – et nous ne sommes pas là dans l’émotionnel, mon cher collègue –, avaient véritablement un caractère régional. Autoriser les associations régionales à engager une action de groupe permettrait peut-être d’éviter une certaine surenchère médiatique et de porter une affaire à un niveau auquel elle ne devrait pas être portée. De nombreux sujets sont propres à un territoire, à une région, à une zone délimitée.
Il me paraît donc important, je le répète, que les associations agrées au niveau régional puissent engager une action de groupe.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je n’en avais pas l’intention, mais le débat qui vient de s’instaurer me pousse à intervenir.
J’entends bien les arguments de M. le rapporteur pour avis, qui a indiqué que la commission avait cherché à trouver un bon équilibre entre l’intérêt des patients et celui des entreprises. Toutefois, sur le délai pendant lequel l’adhésion au groupe est possible, je ne vois pas pourquoi il faudrait le réduire à trois ans. Rien ne le justifie.
Il est vrai, comme cela a été beaucoup dit, qu’il faut du temps, lorsqu’on est touché par un drame, pour dépasser ce que l’on vit et pour oser entamer des démarches. Réduire le délai ne facilitera pas les choses. Il me paraît au contraire important de conserver le délai initialement prévu.
Soutenir les patients, c’est, pour emprunter un mot célèbre, laisser du temps au temps.
De même, il est difficile pour les patients qui vivent ces situations dramatiques de s’adresser aux seules associations nationales. Ils ont besoin d’un lien de proximité, à l’échelon régional, voire parfois à l’échelon local. Pourquoi rendre encore plus compliquées des démarches qui le sont déjà suffisamment ? C’est sur ces points que portent nos désaccords.
Pour notre part, nous soutiendrons cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Madame David, vous n’avez pas le droit de vous targuer de détenir le monopole du soutien aux victimes. Si nous ne nous étions pas du tout préoccupés de leur sort, nous aurions soutenu l’amendement de notre collègue Jean-Pierre Grand, qui visait purement et simplement à supprimer l’article !
Nous soutenons l’action de groupe en matière de santé. Nous avons simplement adapté l’article 45.
Je le rappelle, alors qu’on a voulu un temps calquer l’action de groupe en matière de santé sur l’action de groupe en matière de consommation, même si les sujets sont bien différents et si les enjeux et les conséquences ne sont pas les mêmes, le délai pour les actions de groupe en matière de consommation est de six mois, contre trois ans ici pour les actions de groupe en matière de santé.