M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends très bien la préoccupation exprimée par Mme Gillot et je partage son objectif et sa volonté. Il serait effectivement très utile que, dans chaque lieu de vie étudiante, soient mis en place des structures ou, en tout cas, des programmes d’accompagnement pour que les conduites addictives soient limitées au maximum.
La rédaction qui a été adoptée dans le texte qui vous est proposé correspond aussi à l’acception relativement large de la santé qui était partagée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, c’est-à-dire avoir une vision globale de la santé des étudiants sans entrer dans chacune des catégories.
J’émets un avis de sagesse, pour marquer l’intérêt que j’éprouve à l’égard de votre amendement, madame Gilllot, tout en justifiant la rédaction initiale.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je suis toujours très attentif à l’avis de Mme la rapporteur, qui s’est exprimée une fois de plus dans l’esprit de ce qui a été défendu tout à l’heure par M. le président de la commission. Il me semble, madame la ministre, que cela relève plus d’une circulaire adressée aux présidents des universités que de la loi.
À mon sens, la sagesse voudrait que le Sénat rejette cet amendement et vous invite à rédiger une telle circulaire pour aller un peu plus loin que ce qui se pratique aujourd’hui en la matière.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Puisque Mme la ministre prescrit la sagesse, je vais me permettre d’insister un peu.
Effectivement, dans la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, figure une préoccupation particulière en vue de l’amélioration des conditions de vie étudiante portant notamment sur le logement, la culture et la prévention en matière de santé.
Actuellement, les établissements sont en train de rédiger leurs contrats de site qui doivent intégrer cette partie. Pour siéger dans plusieurs conseils d’administration, je me rends compte que l’acception de prévention en matière de santé recouvre un périmètre différent suivant les établissements. Or je vous rappelle que les établissements sont autonomes et qu’une circulaire ne peut pas venir prescrire de manière beaucoup plus importante l’acception de ces termes-là.
C’est pourquoi, en tant que rapporteur de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, il m’a paru nécessaire, dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre système de santé, d’introduire cette précision pour encourager les établissements à prévoir, dans leur contrat de site, des programmes qui se préoccupent de la consommation d’alcool, de produits psychoactifs et de tabac et de prévention en matière de santé de manière beaucoup plus précise.
Je vous encourage donc à voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Il est important que, compte tenu de l’autonomie des établissements, nous puissions acter ensemble un engagement fort pour faire reculer notamment l’alcoolisation et la consommation de certains autres produits.
Il est intéressant d’avoir un tel débat à ce moment. En effet, celui que nous avons eu cet après-midi s’est révélé assez navrant – nous avons alors assisté à des attaques en règle notamment contre la loi Evin – et n’a pas donné une bonne image de notre représentation nationale. On a eu l’impression que l’on était plus sensible au lobbying…
M. Roland Courteau. Mais non !
Mme Laurence Cohen. … qu’à la santé et à la prévention en direction des jeunes. Car, je le rappelle, c’est dans le cadre de la prévention que cet article a été modifié.
Aussi, nous soutiendrons avec enthousiasme le présent amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 510 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 quinquies A
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Laborde, Billon et Blondin, MM. Bonnecarrère et Détraigne, Mme Gatel, MM. Guérini, Guerriau, L. Hervé et Houpert, Mmes Jouanno et Jouve, M. Kern et Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 1 du chapitre III du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 223-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 223-2-1. – Le fait de provoquer une personne à rechercher une maigreur excessive en encourageant des restrictions alimentaires prolongées ayant pour effet de l’exposer à un danger de mort ou de compromettre directement sa santé est puni d’un an d’emprisonnement et de 10 000 € d’amende. »
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Dans la logique de l’amendement proposé à l’article 5 quater, cet amendement tend à rétablir l’article 5 quinquies A supprimé par la commission des affaires sociales, pour que soit puni par le code pénal d’un an d’emprisonnement et de 10 000 euros d’amende le fait de provoquer une personne à rechercher une maigreur excessive.
Les dégâts considérables causés par les restrictions alimentaires subies principalement par des jeunes filles pour suivre les diktats de la mode justifient que la loi réprime énergiquement toute incitation dans ce domaine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je me suis déjà exprimée tout à l’heure sur ce sujet, lors de la discussion du précédent amendement.
La délégation aux droits des femmes constate avec raison « les dégâts considérables causés par les restrictions alimentaires subies par des jeunes filles pour suivre les diktats de la mode ».
Néanmoins, la mesure supprimée par la commission et que cet amendement tend à rétablir a une portée bien supérieure à cette simple incitation. Ainsi que l’avait montré le rapport de notre collègue Patricia Schillinger, si cette disposition était adoptée, elle aboutirait principalement à pénaliser les jeunes filles souffrant d’anorexie et qui s’expriment sur internet.
Donc, s’il n’est pas question pour nous de nier les problèmes liés à l’incitation à la maigreur, nous ne souhaitons pas que ce soit les personnes atteintes de cette pathologie mentale, qui sont des victimes, subissent les effets du délit d’incitation à la maigreur excessive.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à la réintroduction de dispositions adoptées à l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Mme la rapporteur a bien expliqué que j’avais rédigé un rapport sur ce point. Il faut en rester à ce que nous avions voté à l’époque. Je suivrai donc Mme la rapporteur et ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Je trouve au contraire que ces dispositions sont beaucoup plus précises que celles de l’article 5 quater. De plus, les personnes évoquées par Mme la rapporteur étant victimes elles-mêmes, elles ne peuvent pas être également incitatrices. N’éprouvant donc aucune gêne de ce point de vue, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous sommes quelque peu perplexes face à cet amendement. Les explications données par Mme Gatel nous semblent tout à fait convaincantes. Néanmoins, j’ai le souvenir du rapport qu’avait présenté Patricia Schillinger à la commission des affaires sociales et dans lequel elle exprimait déjà ce qu’elle vient de dire à l’instant.
Je serai plutôt tentée de suivre ce que nous dit Patricia Schillinger, puisque son rapport avait été approuvé à l’unanimité par la commission. Ne pas aller dans ce sens aujourd’hui équivaudrait à revenir sur le contenu même de ce rapport.
Le groupe CRC s’abstiendra sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. À mon sens, sur ce sujet très difficile, il faut distinguer clairement deux types de situations.
Un certain nombre de personnes atteignent une maigreur excessive, par souci de répondre à certains critères esthétiques actuels. Parallèlement, d’autres sont victimes d’une maladie mentale, qui s’appelle l’anorexie mentale.
Il me semble important de pénaliser les personnes qui incitent à de tels comportements de maigreur excessive : il s’agit là d’un véritable fléau social. Mais il faut séparer ce qui relève de la maladie et ce qui relève du désir de se conformer à tel stéréotype de beauté. Nous ne sommes plus à l’époque de Rubens ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Mes chers collègues, permettez-moi de vous le rappeler : l’important rapport rédigé par Patricia Schillinger,…
M. Gilbert Barbier. Excellent rapport !
M. Alain Milon, corapporteur. … a été voté à l’unanimité par la commission des affaires sociales.
De surcroît, sur ce sujet, nous avons entendu l’avis des psychiatres, dans le cadre d’une audition importante à laquelle plusieurs commissaires des affaires sociales ont pris part. Ces praticiens nous ont mis en garde au sujet de cette mesure. « Surtout, nous ont-ils dit, ne votez pas une telle disposition. » Ils ont insisté sur le danger que cette mesure représentait pour les patients, qui sont souvent des patientes, victimes d’anorexie mentale. Ces personnes risqueraient d’être punies, alors qu’elles s’expriment au sujet de leur maladie dans le but de s’en sortir.
Aussi, je vous demande de suivre l’avis de Mme la rapporteur, les conclusions établies par Patricia Schillinger, et surtout – pardonnez-moi d’insister sur ce point – l’avis que nous ont donné les psychiatres : n’instaurez pas une telle mesure !
M. le président. En conséquence, l’article 5 quinquies A demeure supprimé.
Article 5 quinquies B
(Supprimé)
Article 5 quinquies C
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 707, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin, Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre II du titre unique du livre II bis de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 3232-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 3232-10. – La politique de santé contribue à la prévention, au traitement et à la lutte contre la dénutrition, notamment au cours du traitement du cancer, des maladies chroniques et en péri-opératoire, dans tous les établissements de santé, les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes, en situation ambulatoire et à domicile. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Mes chers collègues, il s’agit là d’un sujet qui, je le sais, a déjà fait l’objet de longs débats en commission.
Avant de détailler les arguments de fond, je tiens à apporter cette précision : c’est à l’invitation d’un professeur de médecine que j’ai déposé le présent amendement. Ce nutritionniste, que je connais personnellement, centre ses recherches sur le problème du diabète chez les personnes âgées. Il a souhaité attirer mon attention sur ce sujet. Les dispositions de cet amendement ne sont donc, en aucun cas, une invention de ma part.
Avant son examen par la commission des affaires sociales du Sénat, le présent projet de loi indiquait, par l’article que le présent amendement tend à rétablir : « La politique de santé contribue à la prévention, au traitement et à la lutte contre la dénutrition, notamment à travers le suivi nutritionnel des établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes », les EHPAD.
Cet article reconnaissait l’existence d’un problème de santé publique majeur, la dénutrition, et ciblait particulièrement les personnes âgées.
La dénutrition est un état pathologique qui touche près de 800 000 personnes en France et constitue l’un des principaux facteurs de perte d’autonomie chez les personnes âgées. En l’occurrence, nous sommes donc face à un réel problème de santé publique. Voilà pourquoi le rôle de l’État doit être précisé et affirmé dans la loi. C’est là le souhait exprimé par le médecin nutritionniste que je viens d’évoquer.
Pour la période 2006–2010, le rapport d’évaluation du programme national nutrition santé, le PNNS, dressait déjà ce constat : entre 4 % et 10 % des 10 millions de personnes âgées de plus de soixante-cinq ans vivant, en France, à leur domicile souffrent de dénutrition. Ce taux atteint même 25 % à 30 % pour celles d’entre elles qui souffrent de perte d’autonomie – cette situation se double, souvent, d’une perte de repères.
À travers son axe 3, le PNNS 2011–2015 prévoit d’organiser le dépistage et la prise en charge du patient en dénutrition, afin de réduire la prévalence de celle-ci.
Quant à nous, par cet amendement, nous vous proposons de rétablir l’article 5 quinquies C dans une rédaction plus large. La lutte contre la dénutrition et la prévention de ce phénomène doivent devenir des objectifs en cours de traitement, pour le cancer comme pour les maladies chroniques et empiriques opératoires, ce dans tous les établissements de santé et y compris, bien entendu, au sein des EHPAD.
En effet, si la prise en charge de la dénutrition est cruciale chez le sujet âgé, elle représente également un enjeu majeur au titre des pathologies chroniques comme l’insuffisance respiratoire, l’insuffisance rénale et les maladies neuromusculaires.
Les médecins qui se trouvent dans cet hémicycle ne me contrediront pas : pour un patient atteint d’un cancer, la dénutrition est un facteur pronostique de perte de chances majeur.
À cet égard, il ne s’agit pas de faire la révolution ! Il s’agit simplement d’inscrire dans le code de la santé publique un objectif de lutte contre la dénutrition, pour déterminer, mettre en œuvre et coordonner les politiques de santé publique.
À titre personnel, je me sens particulièrement concernée par ce problème. Je compte, dans mon entourage, plusieurs personnes âgées dépendantes. Or leur premier signe de faiblesse a été le fait qu’elles se nourrissent beaucoup moins bien. Lorsque, alarmée par de petites écorchures ou des plaies variqueuses qui ne guérissaient pas, je me suis tournée vers un médecin, ce dernier m’a répondu : cette personne âgée se nourrit mal. En dépit des médicaments, ces plaies ne guérissaient pas !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a supprimé l’article 5 quinquies C, qui, alors, était plus strictement centré sur les EHPAD. À nos yeux, ses dispositions ne relevaient pas du domaine de la loi, mais des bonnes pratiques à promouvoir au niveau des établissements.
Cet amendement tend à rétablir cet article, en élargissant son champ à d’autres pathologies, aux soins à domicile, à la médecine ambulatoire.
Madame Didier, la commission est pleinement consciente de l’importance que revêtent les problèmes de dénutrition. À travers cet amendement, vous souhaitez assurer un affichage. Mais, je le répète, ces mesures relèvent des soins à apporter aux malades ou aux personnes âgées. Nous ne voyons pas l’intérêt de cibler spécifiquement ce problème au sein du présent projet de loi.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je note à mon tour que cet amendement ne tend pas simplement à rétablir des dispositions précédemment discutées : y figurent également des mesures nouvelles.
Je comprends parfaitement la logique suivie. Toutefois, la dénutrition fait déjà l’objet de mesures spécifiques dans le cadre du programme national nutrition santé. Ensuite, et surtout, des dispositions de cette nature figurent déjà dans le rapport introductif au projet de loi, actuellement en discussion, relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Ce texte d’orientation fixe un cadre. Il est assorti d’un très long rapport introductif, où sont résumés tous ces éléments.
En conséquence, le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Mme Didier l’a souligné à très juste titre : les personnes dénutries sont souvent affligées d’escarres. Pour guérir ces plaies et, plus généralement, améliorer leur état de santé, le meilleur moyen est souvent de leur donner des protéines.
Pour les personnes âgées résidant dans les EHPAD, l’ensemble des intervenants, notamment les infirmières, sont vigilants face à ces problèmes. Les médecins y sont très attentifs. Ils prescrivent systématiquement des hyperprotidiques lorsque telle ou telle personne éprouve des difficultés pour s’alimenter, notamment pour déglutir.
A contrario, les personnes âgées vivant à leur domicile peuvent prendre plus ou moins bien les repas qui leur sont apportés. Dès lors, outre les personnes qui se chargent de la livraison des repas, il est nécessaire que des intervenants spécifiques se rendent au domicile de ces personnes âgées, avec pour mission d’identifier telle ou telle fragilité.
Dès lors, on entre dans un problème social. La famille doit être présente. À défaut, les instances de coordination ou les référents doivent être informés de l’aggravation de l’état, de la fragilité de telle ou telle personne âgée.
Je le répète, en l’occurrence, nous sommes face à un problème social, qui ne relève pas nécessairement de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je souscris pleinement aux précisions que M. Chasseing vient d’apporter : aussi, je n’ajouterai rien sur ce point. Je me contenterai d’apporter une précision.
Je ne nie nullement le bien-fondé de cet amendement. Je comprends les préoccupations exprimées par notre collègue, qui me semblent tout à fait justifiées.
Cela étant, il convient d’attirer l’attention du Gouvernement sur une nécessité : surveiller plus attentivement le fonctionnement de certains établissements d’hébergement pour personnes âgées ou adultes handicapés. En effet, diverses structures font face à des problèmes de maltraitance passive.
À mon sens, les conseils départementaux comme les services de sécurité sociale ne sont pas suffisamment attentifs aux modes de fonctionnement de ces établissements.
Il y a quelques années, notre ancien collègue M. Julhiard s’était rendu, au titre d’un rapport d’information, dans divers établissements pour handicapés, en vue d’enquêter sur les cas de maltraitance active. À cette occasion, il avait dressé ce constat : contrairement à la maltraitance active, qui peut être détectée assez facilement, la maltraitance passive est souvent due à la négligence ou au manque d’attention de la part des intervenants travaillant au sein de ces structures.
Selon moi, mieux vaut mettre l’accent sur cet enjeu. Cela étant, les dispositions de cet amendement nous permettent d’évoquer ce problème et d’y apporter une attention particulière.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Mes chers collègues, je le répète : les dispositions de cet amendement ont été conçues par un professeur spécialiste de la nutrition. Il ne s’agit en rien d’une invention de ma part !
Selon ce praticien, il convient d’attirer davantage l’attention des pouvoirs publics, du corps médical et, bien sûr, de l’entourage proche des personnes âgées concernées, sur le problème de la dénutrition.
On ne saurait réduire cette question à un problème social. Au sein de ma famille, nous n’avions pas conscience que telle ou telle personne âgée souffrait de dénutrition. Or, une fois que les médecins ont attiré notre attention sur ce point, nous nous sommes montrés beaucoup plus vigilants et, de ce fait, la situation s’est améliorée.
Il est important de fixer les objectifs. Ensuite, chacun fera au mieux, au sein du corps médical comme dans les familles. Mais, à mon sens, énoncer ces objectifs permet d’émettre un signal et d’exprimer une intention particulière.
Je ne voudrais pas trahir la confiance que le médecin nutritionniste avec lequel cet amendement a été élaboré avait placée en moi. Aussi, je maintiens mon amendement. Je l’avoue, je comprends mal les arguments qui m’ont été opposés.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. En commission, la pertinence de ces dispositions a déjà donné lieu à un véritable débat. Aujourd’hui, le message est clair : les diverses politiques déployées doivent inclure cet objectif.
Néanmoins, les discussions qui viennent d’avoir lieu dans cet hémicycle le montrent clairement : en définitive, on pointe du doigt des catégories et des structures. Face à ces situations délicates, veillons à ne pas mettre en cause spécifiquement les EHPAD, ou celles et ceux qui accompagnent les personnes âgées ou handicapées. Moi-même, j’ai revu mon appréciation de ce sujet au cours de la journée. Au total, il me semble que ces débats renforcent les interrogations exprimées en commission.
À mes yeux, l’argument exposé par Mme la ministre est tout à fait pertinent : cet enjeu est traité dans le projet de loi relatif au vieillissement de la population. L’inscrire, ce soir, dans le présent texte pourrait conduire à émettre un message négatif à destination d’un ensemble de professions, qui s’investissent énormément auprès des personnes âgées.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Mes chers collègues, permettez-moi de répéter, dans cet hémicycle, ce que j’ai déjà dit en commission : la dénutrition des personnes âgées est un véritable problème de santé publique. Il s’observe à la fois dans les établissements spécialisés comme les EHPAD – à ce titre, je précise qu’il frappe également les personnes handicapées – et à domicile.
Les solutions à apporter sont, pour partie, mais pas uniquement, de l’ordre des bonnes pratiques médicales.
À mon sens, ces bonnes pratiques ne relèvent pas du domaine de la loi. Mais il ne faut pas oublier non plus celles qui sont applicables par les autres personnes chargées de l’accompagnement, qu’il s’agisse du personnel soignant ou de la famille.
Prenons l’exemple, extrêmement simple, d’une personne âgée qui est en situation de perte d’autonomie plus ou moins grave, résidant dans un EHPAD ou à son domicile. Lorsque l’on pose son repas sur sa table et que l’on s’aperçoit, une demi-heure plus tard, qu’elle n’a rien mangé, le problème ne relève plus de la santé publique au sens strict : il devient un problème de comportement.
Il s’agit là d’un sujet ô combien grave. Tous les médecins, dont je suis, en mesurent la spécificité. Mais il ne me semble pas que cette question soit du ressort de la loi.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je partage à peu de choses près le point de vue de M. Amiel sur cet amendement que j’ai trouvé surprenant.
À mes yeux, cet amendement comporte deux parties : une partie sanitaire et une partie sociale. La première renvoie aux patients souffrant de pathologies lourdes – les insuffisances respiratoires ou rénales, les cancers en stades terminaux – qui entraînent un amaigrissement, voire un symptôme de dénutrition avec des complications telles que des escarres. Rongées par la maladie, ces personnes n’ont plus faim.
Le soin et le respect dus à ces malades consistent à adapter la nutrition à ce manque d’appétit, et même dans certains cas au profond dégoût que provoque la nourriture, en leur proposant par exemple des compléments alimentaires.
Le vieillissement entraîne également des problèmes de nutrition, posant la question de la maltraitance passive, à domicile comme cela a déjà été dit, mais aussi dans les EHPAD dont je souhaite dire un mot.
Dans certains EHPAD ayant un GIR moyen très élevé et où sont donc pris en charge de nombreux patients dépendants, il arrive que deux soignants soient chargés de faire manger trente personnes. Or il ne suffit pas de poser le plateau devant de tels patients, il faut prendre le temps de les aider à se nourrir, ne serait-ce qu’en ouvrant un pot de yaourt. Il ne s’agit pas là de maltraitance ou de mauvaise volonté mais de manque de moyens, ce qui soulève la question du forfait journalier et du reste à charge des familles.
À mes yeux, cet aspect plus social du problème devra être repris dans le cadre du débat sur le projet de loi sur le vieillissement, par le biais d’un amendement. Pour le reste, on est dans le domaine du soin et cet aspect n’a pas sa place dans la loi.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis étonnée par les arguments avancés. J’ai le sentiment qu’il est devenu extrêmement compliqué de parler de prévention sans être accusé d’attaquer le personnel des EHPAD, et notamment les médecins.
Que met-on dans un projet de loi de modernisation du système de santé si l’on ne peut pas parler de soin, d’hôpitaux et de groupements hospitaliers territoriaux sans poser la question des moyens ? Dans le cadre actuel de restrictions budgétaires, nos propositions n’iront pas bien loin.
On nous dit que tout relève de bonnes pratiques, que les médecins ont une très bonne formation et qu’ils savent tant de choses qu’une loi serait superflue. Pardonnez-moi l’expression, mais nous marchons sur la tête !
En outre, il ne faut pas faire dire à l’amendement ce qu’il ne dit pas ! Les termes « maltraitance » ou « contrainte » n’y figurent pas, mais il est précisé que la politique de santé contribue à la prévention, au traitement et à la lutte contre la dénutrition, notamment en cours de traitement dans les différents lieux accueillant les personnes âgées, pas seulement les EHPAD. L’amendement a pour objet d’attirer l’attention sur la situation actuelle de l’allongement de la durée de vie et de sensibiliser l’ensemble de la population à cette problématique.
Madame la ministre, peut-être n’est-ce pas le bon support législatif, mais nous pensons qu’un projet de loi de modernisation de notre système de santé doit mentionner ces questions. L’article 5 quinquies C était d’ailleurs presque exactement identique à l’amendement que nous proposons, à ceci près que nous avons ajouté « domicile » et « situation ambulatoire » pour ne pas stigmatiser les EHPAD.
Pour toutes ces raisons je vous demande d’apporter votre soutien à l’amendement que nous proposons.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Cet amendement traite des problèmes de nutrition de deux publics différents : d’un côté, les malades – ce point a été explicité par notre collègue M. Gérard Roche – et, de l’autre, les personnes âgées ou handicapées.
Je suis convaincue que les auteurs de cet amendement ne souhaitaient pas stigmatiser les personnels prenant en charge les personnes dépendantes. En ce qui concerne les personnes âgées ou handicapées, mais surtout les personnes âgées, la dépendance entraîne presque automatiquement la dénutrition. Les soignants qui prennent en charge ces personnes étant extrêmement dévoués, ce ne sont pas les conditions d’accueil qui sont en cause, mais la situation de fin de vie de ces personnes qui leur fait perdre l’envie d’à peu près tout, y compris celle de se sustenter.
Cet amendement est-il dans le bon véhicule législatif, je ne sais pas, mais il attire l’attention sur des questions importantes et, il faut le reconnaître, difficiles à résoudre.