M. Georges Labazée. C’est assez...
Mme Corinne Imbert. J’ai bientôt terminé, mon cher collègue, rassurez-vous !
Madame la ministre, ne cassez pas la motivation des professionnels de santé. Ils n’exercent pas un métier par défaut ; ils l’exercent avec dévouement et passion dans l’intérêt de leurs patients ! Souvenez-vous aussi de ce que tous les étudiants en santé ont entendu au cours de leurs études : surtout, et d’abord, ne pas nuire ! S’il vous plaît, ne nuisez pas à notre système de santé que beaucoup de pays nous envient ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe UDI-UC, j’aimerais aborder cette discussion de manière résolument positive, car l’organisation de la santé est l’affaire de tous.
Le texte qui nous est soumis est le fruit d’un véritable travail de colégislation. C’est donc dans une optique de collaboration constructive entre le Gouvernement et le Parlement que nous l’envisageons.
De fait, pour l’heure, chaque étape de la navette législative a apporté sa pierre à l’édifice. Nous espérons bien, madame le ministre, pouvoir y ajouter la nôtre au cours de cette lecture.
Cette loi de santé était attendue par les professionnels, par les patients et, plus généralement, par l’ensemble des citoyens. On en connaît les raisons. On observe aujourd’hui une discordance entre la qualité des services prodigués et les difficultés d’accès aux soins dans les territoires. De plus, la société a changé : elle a vieilli, tandis que des problèmes spécifiquement liés à la santé des jeunes se sont fait jour. Enfin, il ne faut pas oublier le problème lancinant du coût de la santé.
Ce que l’on attendait était donc une loi-cadre qui modernise le système principalement dans trois directions : le développement de la prévention, l’amélioration de l’accessibilité des soins et la simplification globale du parcours de soins. Ce sont bien les thèmes qui sont abordés par le projet gouvernemental. Ils ne sont donc pas éludés.
Ces orientations générales sont louables, mais émaillées de dispositions fortement contestées sur lesquelles nous reviendrons, bien sûr, au fil de nos longs – et peut-être même très longs - débats.
On peut même légitimement se demander si certains des sujets abordés n’auraient pas dû faire l’objet de lois à part entière plutôt que d’être ainsi survolés par le biais d’amendements, tant ils nous paraissent importants.
Sur cette base, nos collègues députés se sont emparés du texte pour le faire quadrupler de volume. Pour être honnête, comment les en blâmer ? On ne peut pas, d’un côté, défendre l’initiative parlementaire et, de l’autre, la fustiger lorsqu’elle trouve à s’exprimer. Mais c’est ce qui a donné à cette loi-cadre des faux airs de loi fourre-tout.
À ce stade du travail parlementaire, il fallait un juge de paix. C’est le rôle qu’entend jouer le Sénat aujourd’hui, sous la houlette du président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, ainsi que des rapporteurs Catherine Deroche et Élisabeth Doineau dont je salue, au passage, le travail très important réalisé en amont.
Après son examen en commission, le texte est plus équilibré, mais certainement pas détricoté. Il demeure tout de même encore trois fois plus volumineux que le projet initial. Notre commission a en effet conservé nombre des apports de l’Assemblée nationale.
Sur le fond, l’effort de colégislation se retrouve dans chacune des grandes parties du projet.
En matière de prévention, nous ne pouvons que nous féliciter de voir abordés des sujets aussi importants que la lutte contre l’alcoolisme, l’obésité, l’anorexie, le tabagisme, la drogue, et même les cabines de bronzage.
Pour ne parler que de l’une des mesures les plus emblématiques du texte, l’expérimentation des salles de shoot, je crois pouvoir dire que nombre de parlementaires étaient au départ sceptiques. Or les médecins addictologues, unanimes pour soutenir l’expérimentation, ont su convaincre certains de nos collègues.
Mme Catherine Procaccia. Pas tous !
M. Gérard Roche. Dans le même temps, nous ne pouvons que soutenir l’effort fourni par notre commission pour tempérer l’ardeur du Gouvernement sur le paquet neutre.
Pourquoi surtransposer la directive européenne avant même de disposer de l’évaluation des expériences menées à l’étranger ? La même question peut se poser pour l’article 11 quater, qui interdit la présence de bisphénol A dans les jouets et amusettes. Là encore, il y a sur transposition de directive...
En ce qui concerne la simplification et l’amélioration de la lisibilité du système, la systématisation des lettres de liaison entre la ville et l’hôpital, la relance nécessaire du dossier médical personnalisé, le DMP, et la réinscription dans la loi du service public hospitalier sont des avancées notables.
Je voudrais toutefois insister sur le fait que, si une réorganisation territoriale de l’offre de soins est indispensable, elle ne peut être réalisée que de façon coordonnée et concertée avec les professionnels de santé et les élus. Par exemple, bon nombre de médecins généralistes que j’ai rencontrés souhaitent que l’organisation des soins primaires et celle des soins de second recours soient nettement individualisées dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé.
C’est aussi la condition de la réussite du groupement hospitalier de territoire, le GHT, créé par l’article 27 du présent texte. Or nous sommes inquiets de constater que des GHT commencent, d’ores et déjà, à se constituer avant même que la loi soit votée...
J’en terminerai par l’amélioration de l’accès aux soins.
À ce sujet, le débat a été focalisé, et je dirais même pollué, par la généralisation du tiers payant.
Que le tiers payant bénéficie aux assurés les plus modestes, nous y sommes, bien sûr, totalement favorables. Or c’est déjà le cas en partie, puisque le tiers payant bénéficie à toutes les personnes dont le niveau de revenu est inférieur ou égal au seuil de pauvreté monétaire. Dans certains cabinets médicaux, m’a-t-on dit, cela représente actuellement 30 % des consultations.
Peut-être aurait-on pu élargir la tranche des bénéficiaires du tiers payant à d’autres personnes aux revenus encore trop modestes. Mais l’étendre à tous les assurés conduit à une banalisation de l’acte. C’est alimenter la « bobologie » qui plombe l’activité médicale.
Ce que les médecins attendent, c’est une reconnaissance de leur profession. Leur mission consiste en effet, dans la réalité des faits, en une prise en charge globale des personnes, et même des familles : le médecin est celui qui soigne, qui écoute, qui conseille...
De plus, dans le fond, certains praticiens vivent le tiers payant comme un moyen détourné d’annoncer la fin de l’exercice libéral. Pourtant, et c’est un fait nouveau, nombre d’entre eux accepteraient cette évolution en contrepartie de conditions de travail compatibles avec la qualité de vie à laquelle ils aspirent.
À nos yeux, la participation du bénéficiaire relève beaucoup plus de la moralisation du système et la question de l’accessibilité des soins dépasse de loin le débat sur la généralisation du tiers payant.
Le texte porte certaines mesures encourageantes.
Ainsi en est-il de l’article 12 bis qui, tel que modifié par la commission, revient à renforcer les pôles de santé pour regrouper les professionnels du premier recours en coordination avec ceux du second recours.
C’est aussi le cas de l’article 15, lequel, encore une fois amendé par la commission, crée un numéro véritablement unique tout en préservant l’activité des médecins libéraux regroupés en associations de permanence des soins – SOS médecins, pour ne pas le nommer –, qui se sentaient menacés par le dispositif initialement proposé.
L’accès aux soins, c’est aussi la question du temps médical, qui induit les problèmes des délégations d’actes entre professionnels, et de l’émergence de nouvelles professions. Ici encore, le texte va dans le bon sens, même si cette tendance, inévitable à terme, n’est encore qu’esquissée. Nous pensons qu’il faudra aller plus loin.
Enfin, on ne peut parler d’accès aux soins sans aborder le débat sur la désertification médicale. Nous l’aurons à l’occasion de l’examen de l’article 12 quater A, par lequel notre commission crée une obligation de négocier sur le conventionnement des médecins souhaitant s’installer en zones sous-denses et sur-denses. C’est une piste. Certains de nos collègues ont une position beaucoup plus contraignante, qui a déjà été exposée au cours de cette discussion générale.
On peut toutefois d’emblée regretter que le texte n’ait pas davantage mis l’accent sur l’orientation des étudiants en médecine vers la médecine généraliste et l’exercice regroupé. En effet, même s’il s’agit du plus beau métier du monde, son exercice solitaire pose de plus en plus problème. Or c’est bien le médecin généraliste qui constitue la porte d’entrée du parcours de soins auquel, madame la ministre, vous tenez tant ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, mesdames, monsieur les rapporteurs, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans un contexte de transformations majeures en matière de santé publique. L’ouverture en juin dernier à Paris – vous étiez présente, madame la ministre – d’un nouveau centre de recherche et développement consacré aux maladies rares par le laboratoire Alexon à l’Institut Imagine, pôle européen qui associe recherche et soins des maladies génétiques, confirme l’excellence de la recherche médicale et scientifique française, que concrétisent le grand nombre de brevets déposés et de premières mondiales réalisées dans nos centres hospitaliers universitaires.
L’innovation française est en pointe grâce aux professionnels et aux personnels de santé qui la font vivre au quotidien, et au Gouvernement, qui y prend toute sa part. Il vient notamment de financer, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, plusieurs projets de recherche de grande ampleur dans le domaine de la santé associant la recherche fondamentale, la recherche clinique et les entreprises.
Les nouvelles thérapies ont aussi un coût que nous ne connaissions pas jusqu’alors : nous y avons été confrontés très récemment s’agissant du traitement de l’hépatite C. Il est aussi de la responsabilité de l’État, parce que la nation est constitutionnellement garante de la protection de la santé, au sens large où la définit l’OMS, d’en assurer l’accès à tous les patients.
À cet égard, le projet de loi ne comporte pas de dispositions financières, que la cohérence budgétaire réserve, à juste titre, aux lois de financement de la sécurité sociale. Toutefois, la situation de nos comptes sociaux conditionne, bien sûr, la viabilité de nombre de mesures qu’il comporte, de même qu’elle conditionne l’accès de tous aux nouveaux traitements et à l’innovation, que seul un système de financement solidaire permet.
Je mentionne simplement – nous y reviendrons de manière précise en novembre prochain – qu’en 2014 tous les soldes des branches se sont améliorés par rapport à 2013 et que le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse a été réduit de moitié. Ce contexte globalement plus favorable doit être souligné. Rappelez-vous quelle était la situation en 2009 au moment de l’adoption de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST. Les perspectives étaient alors extrêmement sombres et nous avons changé cela, il n’est pas inutile de le rappeler.
Aux impératifs d’adaptation et de transformation de notre système de santé que nécessite l’investissement dans la recherche et l’innovation, à ceux que nous imposent les mutations démographiques et épidémiologiques que nous connaissons s’ajoute un impératif plus catégorique encore : celui de la justice sociale. C’est ce à quoi le présent projet de loi entend répondre.
Le rapport statistique annuel du Secours catholique, le rapport de la DREES, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, sur l’état de santé de la population, l’enquête de l’Observatoire de l’égalité d’accès aux soins de mai 2015 établissent le même constat : si l’état de santé en France est globalement bon, il comporte de nombreuses et notables disparités entre territoires et catégories sociales. L’existence et l’importance des problèmes de santé sont d’abord liées à la position sociale et au niveau d’études. Ainsi, ce sont souvent les mêmes populations les moins favorisées qui cumulent les facteurs défavorables. Selon la hiérarchie sociale, le gradient social de santé diminue ou augmente, de même que les inégalités de recours aux soins : la vision non corrigée ou mal corrigée est aussi corrélée au niveau de vie et à des facteurs socioéconomiques.
Dans un tel contexte, ne pas soutenir le principe de la généralisation du tiers payant constitue un grave déni de réalité et de justice.
Pour répondre au défi majeur de l’accès aux soins et dans le cadre des orientations fixées par la stratégie nationale de santé, ce projet de loi fait de la prévention le socle de la politique publique, structure le parcours de santé autour des soins primaires, fait évoluer les métiers et favorise la recherche, clarifie la gouvernance de la politique de santé, renforce la transparence et la démocratie sanitaire.
Santé scolaire, contraception, dépistage, refondation du service public hospitalier, pratiques avancées, droit à l’oubli, action de groupe : une très grande part de ce projet est approuvée par les Français, et, quoi qu’elle en dise, également par notre commission des affaires sociales, au-delà des suppressions qui ont été évoquées, puisqu’il est mentionné dans le rapport que « plus d’une centaine d’articles » ont été adoptés « sans modification ou moyennant de simples précisions rédactionnelles ».
La généralisation du tiers payant a essentiellement focalisé l’attention. Il est vrai que la perspective des élections professionnelles du 12 octobre prochain prête à la surenchère. Elle n’explique ni ne justifie toutefois d’autres excès proches de la caricature s’agissant des salles de consommation à moindre risque ou de la suppression du délai de réflexion pour l’IVG. Il est vrai aussi qu’il n’y a pas si longtemps certains demandaient le rétablissement du délit d’auto-avortement et la prison pour ces femmes en détresse.
Reconnaissons à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes un courage certain pour avoir résisté à la violence verbale et aux attaques auxquelles il a été donné libre cours. Jusqu’où serait-on allé si le projet avait comporté, comme certains le proposaient, une installation déconventionnée en zone sur-dotée, la suppression des régimes spéciaux ou l’unification du régime général et des complémentaires ?
En réalité, ce projet n’a pas suscité, comme le soulignent les rapporteurs de la commission, « une réaction de profond rejet » : nombre de représentants des professions de santé que nous avons auditionnés nous ont dit en approuver l’essentiel. Chers collègues de la majorité sénatoriale, un effet d’optique médiatique vous aura fait prendre une partie pour le tout.
Madame la ministre, à vos côtés, nous avancerons dans ce débat de manière pragmatique et sereine, avec la même ambition pour la justice et la République sociale que celle que vous avez exprimée dans votre propos ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je tiens d’abord à remercier l’ensemble des intervenants pour la qualité de leurs interventions et de leurs interpellations. Je ne répondrai pas dans le détail aux diverses interrogations relatives à l’ensemble des sujets que comporte ce projet de loi ; nous aurons l’occasion d’entrer dans des débats plus approfondis au moment de l’examen des articles.
Je souhaite rassurer M. Barbier : si mes calculs arithmétiques, qui diffèrent des siens, sont justes, c’est près de soixante-quinze heures que nous devrions passer ensemble dans cet hémicycle, ce qui nous donnera largement le temps de débattre de tous les sujets !
Je veux, bien évidemment, remercier tout particulièrement Catherine Génisson, Yves Daudigny et Aline Archimbaud non seulement d’avoir apporté, au nom de leurs groupes, leur soutien à ce projet de loi, mais aussi d’avoir mis en évidence la logique et la cohérence des objectifs de ce texte et le caractère structurel de toute une série de mesures.
Je dois le dire, j’ai été quelque peu étonnée de la longue présentation de M. Bas, laquelle visait à montrer que le projet de loi était, au fond, inutile sur un certain nombre de points : il est assez osé d’expliquer que les mesures qui ont été supprimées n’avaient pas de caractère normatif, lorsqu’on se rappelle qu’elles visaient la généralisation du tiers payant, la mise en place du paquet neutre, la suppression du délai de réflexion pour l’interruption volontaire de grossesse, le rétablissement du service public hospitalier, l’action de groupe en santé – j’en passe et des meilleures ! Lorsqu’il a estimé qu’il ne s’agissait pas de mesures normatives, que ces mesures ne portent pas une vision de notre système de santé, j’ai eu un peu de mal à le suivre, ainsi que les autres intervenants qui sont allés dans cette direction.
J’assume pleinement, au nom du Gouvernement et en mon nom propre, le fait qu’il y ait des différences de visions, d’approches, de conceptions de ce que doit être un projet de santé au service de notre société, de la solidarité, de nos concitoyens, pour l’accès aux soins.
Il ne suffit pas de dire à une tribune ou ailleurs que l’on est favorable à la prévention. Je l’ai dit, la prévention est sans doute le mot le plus largement utilisé et partagé dans notre pays. Mais encore faut-il être capable de se retrouver sur des instruments concrets qui permettent de décliner cet objectif. Je suis moi aussi favorable à la responsabilité de nos concitoyens : je ne crois pas du tout qu’en matière de santé l’État puisse se substituer à la volonté des citoyens d’avoir des comportements favorables à leur santé.
Néanmoins, je veux récuser avec la plus grande force l’idée que la responsabilité tomberait du ciel, sans qu’il soit tenu compte des réalités sociales et culturelles et des incitations de groupe.
Où est la responsabilité d’un « gamin » – je choisis ce terme volontairement – de 12 ans qui commence à fumer à la sortie du collège pour faire comme ses copains, comme le groupe social auquel il appartient ? En agissant de la sorte, il tombe sous la dépendance du tabac, puisque la nicotine rend dépendant, dont il sera ensuite très difficile de sortir. À ce niveau-là, il n’y a pas de responsabilité.
Où est la responsabilité des hommes et des femmes qui, pour des raisons culturelles, ne savent pas décrypter les indications, d’ailleurs incompréhensibles, figurant sur les paquets alimentaires ?
Où est la responsabilité d’hommes et de femmes qui, venus de milieux sociaux modestes, se retrouvent confrontés à des comportements alimentaires qui les conduisent, eux et leurs enfants, vers l’obésité et donc souvent le diabète ? Il n’y a pas, là non plus, de responsabilité.
C'est la responsabilité de la puissance publique de permettre à chacune et à chacun de s’informer, d’être accompagné et soutenu. C'est à cela que nous travaillons.
Par ailleurs, je tiens à dire qu’il n’est pas question avec ce projet de loi de revenir à la loi HPST, dont la page est tournée. Or ceux qui veulent remettre en cause le rétablissement du service public hospitalier veulent revenir à la loi HPST.
Lorsqu’on veut, comme l’a fait la commission, supprimer les communautés professionnelles territoriales de santé et proposer le rétablissement des pôles renforcés, c'est aussi revenir à la loi HPST, alors même que les dispositions avaient été négociées avec les professionnels eux-mêmes.
Aujourd'hui, nous devons avoir une exigence d’anticipation. Ce n’est pas en rétablissant ce qui existait il y a cinq ou dix ans que nous ferons face aux défis du moment. Nous devons nous engager à adopter des mesures nouvelles pour l’égalité territoriale, et j’entends d’ailleurs celles et ceux qui veulent davantage de dispositions favorisant une meilleure répartition des professionnels dans nos territoires. Ce matin, en Haute-Saône, le Président de la République a annoncé des objectifs encore plus ambitieux que ceux que j’avais fixés voilà quelques années en matière d’ouverture de maisons de santé, d’installation de médecins dans les territoires sous-dotés, de formation de médecins correspondants du SAMU pour faciliter l’accès aux soins urgents.
Nous pouvons faire preuve d’une volonté renforcée, car nous avons atteint plus rapidement que prévu les objectifs que j’avais fixés il y a trois ans, ce qui montre que la politique du Gouvernement produit des résultats.
Alors, faut-il aller vers des mesures qui ne seraient pas seulement incitatives, mais davantage sinon coercitives, du moins contraignantes ? Je dois dire que je ne sais plus qui je dois écouter à la droite de cet hémicycle, entre ceux qui reprochent, de manière assez idéologique, à ce projet de loi d’être un texte d’étatisation et ceux qui, dans le même élan, demandent que l’on impose aux médecins leur lieu d’exercice. Je vous laisse, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale et de l’opposition au Gouvernement, arbitrer entre vos contradictions...
Enfin, parce que la proximité est une exigence pour nous, sur laquelle nous reviendrons très longuement au cours du débat, je veux vous rassurer, madame Cohen – même si je ne suis pas certaine d’y arriver –, quant aux groupements hospitaliers de territoires. Ceux-ci sont précisément faits pour instaurer des coopérations entre les établissements afin de sauver les établissements de proximité. C'est par la mise en place de projets médicaux territoriaux que nous pourrons maintenir des hôpitaux de proximité, dont les missions seront articulées avec celles d’établissements plus importants. C'est de cette façon que nous pourrons éviter de succomber à une logique financière et faire du projet médical la priorité.
Je terminerai en répondant à Mme Imbert, qui s’inquiétait que nous remettions en cause, au travers de nos débats et de ce projet de loi, la déontologie des professionnels de santé qui interdit de nuire aux patients. Car la prohibition de la nuisance relève bien de la déontologie des professionnels de santé, et non d’un principe posé par Socrate.
Je la renvoie pour ma part à Nietzsche, autre grand philosophe, pour qui « la plus perfide façon de nuire à une cause est de la défendre intentionnellement avec de mauvaises raisons ».
Aussi, madame la sénatrice, j’espère que le débat que nous aurons au cours des prochaines semaines portera non sur la capacité de nuire ni sur la nuisance, mais au contraire sur la solidarité et sur la capacité d’aider et d’accompagner de manière bienveillante l’ensemble de nos concitoyens. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Éliane Assassi. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 36 du règlement. Je m’interroge sur le déséquilibre de la discussion générale de ce projet de loi, qui est important et dont l’examen nous conduira à siéger pendant plusieurs journées pour essayer autant que faire se peut – en tout cas, c’est notre ambition – de l’améliorer. En effet, l’ensemble des groupes politiques, tous confondus, a disposé d’une heure pour s’exprimer, alors que les rapporteurs ont disposé ensemble d’une heure et quart. Il me semble que cela doit nous faire réfléchir, notamment quant au respect du règlement.
C’est pourquoi je me permets ce rappel au règlement ; toutefois, puisque la conférence des présidents a lieu demain soir, je prolongerai le débat à cette occasion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Madame la présidente Assassi, cette décision avait été adoptée lors de la précédente conférence des présidents.
Mme Éliane Assassi. Pas en ce qui concerne les rapporteurs !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la santé
TITRE LIMINAIRE
RASSEMBLER LES ACTEURS DE LA SANTÉ AUTOUR D’UNE STRATÉGIE PARTAGÉE
Article 1er
I. – Le livre IV de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1411-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-1. – La politique de santé relève de la responsabilité de l’État.
« Elle vise à assurer la promotion de conditions de vie favorables à la santé et l’amélioration de l’état de santé de chacun au meilleur coût.
« Elle concerne :
« 1° La surveillance et l’observation de l’état de santé de la population et l’identification de ses principaux déterminants ;
« 2° La réduction des risques éventuels pour la santé liés à l’environnement et aux conditions de travail, de transport, d’alimentation et de consommation de produits et de services ;
« 3° La préparation et la réponse aux alertes et aux crises sanitaires ;
« 4° La lutte contre les épidémies ;
« 5° La prévention individuelle et collective des maladies et de la douleur, des traumatismes et des pertes d’autonomie par l’information et l’éducation à la santé de chacun tout au long de la vie ;
« 6° L’organisation du système de santé et sa capacité à assurer l’accessibilité et la continuité des soins par la coopération de l’ensemble des professionnels de santé quel que soit leur mode d’exercice ;
« 7° La réduction des inégalités sociales et territoriales de santé ;
« 8° La qualité et la sécurité des soins et des produits de santé ;
« 9° La promotion des activités de formation, de recherche et d’innovation dans le domaine de la santé ;
« 10° La formation initiale et continue et la démographie des professions de santé ;
« 11° L’information de la population et sa participation, directe ou par l’intermédiaire d’associations, aux débats publics sur les questions de santé et aux processus d’élaboration et de mise en œuvre de la politique de santé. » ;
2° L’article L. 1411-1-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-1-1 – La politique de santé est conduite dans le cadre d’une stratégie nationale de santé définie par le Gouvernement.
« La stratégie nationale de santé détermine, de manière pluriannuelle, des domaines d’action prioritaires et des objectifs d’amélioration de la santé et de la protection sociale contre la maladie.
« Préalablement à son adoption ou à sa révision, le Gouvernement procède à une consultation publique sur les objectifs et les priorités du projet de stratégie nationale de santé.
« La mise en œuvre de la stratégie nationale de santé fait l’objet d’un suivi annuel et d’une évaluation pluriannuelle, dont les résultats sont rendus publics.
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article. » ;
3° L’article L. 1411-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-2. – Les organismes gestionnaires des régimes d’assurance maladie concourent à la mise en œuvre de la politique de santé dans le cadre de leurs compétences et dans le respect des conventions les liant à l’État.
« Ils poursuivent des objectifs, définis par l’État et par les agences régionales de santé en fonction des spécificités de chaque région, de continuité, de coordination, de qualité des soins et de répartition homogène de l’offre de prévention et de soins sur le territoire. » ;
4° Après le mot : « lors », la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 1411-3 est ainsi rédigée : « de l’élaboration de la stratégie nationale de santé. » ;
5° Le 1° de l’article L. 1411-4 est ainsi rédigé :
« 1° De contribuer à l’élaboration, au suivi annuel et à l’évaluation pluriannuelle de la stratégie nationale de santé ; »
6° Au premier alinéa du 1° de l’article L. 1431-2, les références : « L. 1411-1-1 et L. 1411-2 » sont remplacées par les références : « L. 1411-1 et L. 1411-1-1 ».
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les troisième et quatrième alinéas du I de l’article L. 111-2-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« En partenariat avec les organisations représentatives des professionnels de santé et les associations agréées en application de l’article L. 1114–1 du code de la santé publique, les organismes gestionnaires des régimes d’assurance maladie concourent, dans les conditions prévues à l’article L. 1411-2 du même code, à la mise en œuvre de la politique de santé définie par l’État. » ;
2° Après le mot : « des », la fin du treizième alinéa de l’article L. 161-37 est ainsi rédigée : « domaines d’action prioritaires et des objectifs de la stratégie nationale de santé mentionnée à l’article L. 1411-1-1 du code de la santé publique. »