Mme Patricia Schillinger. Quelle que soit leur taille, seul un échange constructif et permanent entre la direction et le personnel garantit le bon développement des entreprises. Il permet aussi aux orientations nécessaires d’être acceptées ou modifiées, de clarifier les problèmes internes et d’aborder ensemble les défis à relever.
Cet échange permanent et constructif est le terreau nécessaire au dynamisme d’une entreprise dans l’intérêt mutuel de tous.
La création des CPRI pour les salariés des TPE répond précisément à ce besoin.
Néanmoins, on peut comprendre les craintes que ces commissions suscitent pour les patrons de TPE. Au sein de l’artisanat, lorsque des commissions du même ordre y ont été créées, ces craintes ont déjà été exprimées.
Plus de quatre ans après leur mise en place, le bilan des CPRI dans l’artisanat est positif et reconnu comme tel. Qu’il s’agisse d’accès à l’emploi, de la connaissance des métiers par les jeunes pour faciliter les recrutements, de l’apprentissage, de l’amélioration des conditions de travail et d’une meilleure approche de la sécurité : tous ces aspects ont été abordés au sein de ces instances de dialogue.
Dans de nombreuses régions, des comités des œuvres sociales et culturelles ont été mis en place. Ils permettent aussi bien aux employeurs qu’aux salariés d’avoir accès à des offres dans des conditions préférentielles, comme c’est le cas dans les grandes entreprises.
Tous ces éléments sont favorables à l’image des petites entreprises. Il est donc particulièrement regrettable d’en rester à une vision négative du dialogue social, considéré comme une source de contraintes et de tracasseries.
Cette manière de voir est dépassée et contre-productive. La proportion de conflits aux prud’hommes qui concernent des petites entreprises est à cet égard révélatrice. Le dialogue social est, au contraire, une opportunité d’évaluer les problèmes, les potentielles sources de conflits avant qu’ils ne dégénèrent, et de rétablir la cohésion et l’esprit d’entreprise.
En outre, les craintes soulevées par la création de treize commissions, c’est-à-dire une commission par région, relèvent du fantasme. Comment peut-on imaginer et surtout faire croire à des entrepreneurs que des syndicalistes brandiront l’étendard de la révolte dans leur entreprise ?
Comme nous l’avons souligné, l’expérience dans l’artisanat et dans d’autres branches démontre l’inverse : ces commissions sont des facilitatrices. Il est donc primordial qu’elles soient créées sur l’ensemble du territoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 127 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Pour des raisons qu’a très clairement énoncées à l’instant notre collègue, nous proposons, par cet amendement, de revenir à la rédaction initiale du projet de loi et de confier à la loi le soin de créer les CPRI.
M. le ministre avait d’ailleurs indiqué à l’Assemblée nationale qu'un tel amendement serait conforme au préambule de la Constitution de 1946, puisqu’il vise à assurer la représentation de tous les salariés dans toutes les entreprises.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 275.
M. François Rebsamen, ministre. Cet amendement tend à rétablir la possibilité de créer une CPRI même en l'absence d'accord, afin d'assurer l'égalité de tous les salariés, conformément à la proposition de la commission. En effet, si ces instances représentatives peuvent être mises en place uniquement à la condition d’un accord préalable, l’ensemble du dispositif s’en trouvera affaibli et l’égalité entre les salariés se trouvera remise en cause, même involontairement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Ces trois amendements – dont un du Gouvernement, fort logiquement – tendent à revenir à la rédaction de cet alinéa tel qu’il avait été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.
Cette position est contraire à celle de la commission, qui souhaite, comme je l’ai expliqué tout à l’heure, confier au dialogue social le soin de définir les modalités de représentation des salariés au sein des TPE, au lieu de créer un cas à part dans la loi pour ces entreprises.
Comme l’a souligné M. le président de la commission des affaires sociales, si la représentation des salariés au sein des commissions paritaires interprofessionnelles se fonde sur un accord, celles-ci fonctionneront d’autant mieux.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 81, 127 rectifié et 275.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 212 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 156 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 187, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
au niveau régional
par les mots :
au niveau départemental
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Le dialogue social est incontestablement un facteur d’efficacité économique. À cet égard, la création de commissions paritaires pour les TPE de moins de onze salariés pourrait créer un droit universel à représentation pour 4,6 millions de salariés.
Le texte prévoit la création de commissions paritaires régionales pour ces salariés à compter du 1er juillet 2017. Si nous nous réjouissons de la création d’instances représentatives pour les salariés des TPE, nous ne pouvons cependant que déplorer l’échelle régionale choisie pour ces instances, qui nuit à la représentation effective des salariés, de surcroît au regard du redécoupage des nouvelles grandes régions que vous avez imaginées.
En définitive, à travers ces commissions paritaires régionales, ce sont dix membres par commission multipliés par treize régions, soit 130 salariés de TPE, qui auront pour tâche de représenter les 4,6 millions de salariés de ces entreprises, ce qui leur accordera une disponibilité de six secondes par salarié, comme je l’ai déjà dénoncé lors de la présentation de la motion tendant à opposer la question préalable.
De plus, les vingt malheureux représentants de ces TPE, si l’on ajoute les dix représentants d’employeurs, seront confrontés aux visages multiformes de ces immenses régions.
Prenons la fusion des régions Bourgogne et Franche-Comté, par exemple.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Très belles régions !
Mme Laurence Cohen. Je savais que j’attirerais ainsi votre attention ! (Sourires.)
Je disais donc que les points communs sont peu nombreux entre le bassin industriel de Montbéliard et le sud de la Nièvre. Il s’avère alors difficile de représenter en même temps les salariés des TPE de ces deux territoires, qui vivent selon des logiques différentes.
À cause de la disparité, de l’étendue des territoires et du manque de moyens, les commissions paritaires régionales ne représenteront pas une avancée sociale telle que vous la décrivez. Or la création d’instances représentatives est une demande des salariés et des employeurs de ces entreprises. C’est pourquoi nous vous proposons d’y répondre efficacement, à une autre échelle, en instaurant des commissions départementales pour que les uns et les autres puissent enfin prétendre à une représentation et à des conseils sur leurs droits et obligations.
Tel est le sens de notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Comme vous venez de le souligner, madame Cohen, l’échelle des futures grandes régions limitera effectivement les capacités d’action des CPRI ; je l’avais d’ailleurs souligné tout à l’heure. Toutefois, eu égard aux missions qui leur sont confiées, à savoir du conseil juridique et de la réflexion sur les problématiques propres aux TPE, il n’est pas nécessaire que ces commissions soient présentes à un niveau géographique aussi bas. De surcroît, les inquiétudes des très petites entreprises sont grandes à ce sujet : créer ces commissions dans treize régions ou dans une centaine de départements, ce n’est pas la même chose ; il s’agit de deux échelles bien différentes !
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Madame la sénatrice, le niveau régional est celui qui permettra aux commissions de remplir un vrai rôle de réflexion et de prospective sur des sujets très importants pour les salariés, qu’il s’agisse de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences en plus d’autres missions de proximité. Il existe d’ailleurs aujourd’hui nombre d’instances de concertation à l’échelon régional. Par conséquent, rien n’empêche certains secteurs de mettre en place, par accord, des commissions au niveau départemental, comme cela a déjà été le cas dans le domaine de la production agricole. Cette question sera clarifiée un peu plus tard au cours de nos débats.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Gilles, Calvet, Saugey, Vasselle, Laménie et Revet, Mme Gruny et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 16
Remplacer les mots :
en respectant
par les mots :
en veillant à favoriser
II. – Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. La règle définie par l’expression « en respectant la parité » risque de rendre inatteignable l'objectif visé, à savoir une représentation équilibrée d’hommes et de femmes parmi les représentants des petites entreprises au sein des commissions paritaires interprofessionnelles.
La mention « en veillant à favoriser » une telle parité semble plus appropriée, car plus souple en l’occurrence.
L’alinéa 17 est trop contraignant s’agissant de petites entreprises, qui ne trouveraient pas toujours aisément un nombre égal d’hommes et de femmes pour désigner les membres des commissions concernées. Il faut en tenir compte.
Le ministère des affaires sociales nous indique d’ailleurs ceci : « Les entreprises de moins de cinquante salariés n’ont pas l’obligation d’être couvertes par un accord collectif ou un plan d’action. Elles sont tenues de prendre en compte les objectifs en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et les mesures permettant de les atteindre. »
Cet amendement tend donc à prendre en considération l’objectif de parité dans les petites entreprises, tout en lui conservant une certaine souplesse fondée sur la réalité du terrain.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’obligation de parité au sein des CPRI. Je souhaite effectivement développer l’égalité et de la parité en matière professionnelle.
C’est un fait que l’application de ce principe au sein des diverses instances concernées se heurtera à de nombreuses difficultés. Néanmoins, dès lors que cette obligation de parité dans les CPRI entre les dix membres s’applique à chaque organisation qui doit désigner plus d’un représentant, la commission a estimé qu’elle sera plus facile à mettre en œuvre. C’est la raison pour laquelle elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Au demeurant, à titre personnel, j’estime que l’emploi de la formule « en veillant à favoriser », à l’image de ce qui s’est fait dans le domaine politique, ne bouleverserait pas fondamentalement la donne et suffirait à donner corps à un positionnement en faveur de la parité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Les situations sont parfois complexes. Pour ma part, je préfère une règle claire à une formule qui pourrait rester incantatoire. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 82, présenté par Mmes Schillinger, Bricq et Emery-Dumas, MM. Bérit-Débat et Caffet, Mmes Campion, Claireaux et Génisson, MM. Daudigny, Durain, Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Yonnet, MM. Tourenne, Vergoz et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer les mots :
et dans les régions dans lesquelles elles ont été instituées
Cet amendement de coordination avec l’amendement n° 81 n’a plus d’objet.
L'amendement n° 189, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les organisations syndicales de salariés candidates au scrutin mentionné à l’article L. 2122-10-1 ont accès, dès la clôture de la période de dépôt des candidatures, à la liste des entreprises et des électeurs concernés par ledit scrutin.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement a pour objet de donner aux organisations syndicales de salariés candidates, afin de pouvoir mener campagne, accès à la liste des entreprises et des salariés concernés par l’élection.
Il s’agit d’une demande expresse des organisations syndicales, qui ont fait le constat que, en l’absence d’habilitation légale, l’administration générale du travail n’a pas été juridiquement en mesure de communiquer ces informations aux organisations syndicales de salariés lors de l’élection au sein des très petites entreprises de décembre 2012.
Cette précision permettrait de donner les moyens aux organisations de mener leurs campagnes électorales. Elle aurait également pour conséquence de réduire l’abstention lors des scrutins des futures élections professionnelles au sein des très petites entreprises.
En 2012, je vous le rappelle, la participation s’était élevée à 10,4 % seulement, soit près de 500 000 salariés sur les 4,7 millions de salariés d’entreprises de moins de onze salariés ou employés à domicile qui étaient appelés à voter.
Contrairement à ce que d’aucuns ont pu dire voilà quelques heures, nous sommes bien sûr ouverts aux progrès technologiques. Toutefois, l’argument de la dématérialisation du vote ne résout pas la question de la participation, puisque seulement 20 % des votants s’étaient prononcés par internet.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous appelons à voter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission s’est montrée très réservée sur cet amendement : pourquoi les organisations syndicales voudraient-elles disposer de la liste des salariés concernés alors que, comme pour toute opération électorale nationale, c’est l’administration qui envoie la propagande électorale ?
Par ailleurs, les dispositions de cet amendement suscitent des interrogations quant à la confidentialité des données personnelles et à la réutilisation à laquelle elles pourraient donner lieu.
Sauf erreur de ma part, les organisations syndicales ne demandent pas à disposer des adresses personnelles que détiennent les entreprises. Avec le dispositif actuel, on est déjà sûr que la propagande électorale parviendra à ses destinataires.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Monsieur le sénateur, les organisations syndicales ont déjà accès aux listes électorales. En outre, leur propagande est adressée aux salariés des TPE lors de chaque scrutin. De surcroît, leur accès aux employés de ces entreprises est déjà assuré.
Mme la rapporteur vient de l’indiquer : permettre à ces organisations syndicales d’accéder aux listes des entreprises poserait des problèmes juridiques liés à la protection des données.
J’ajoute que ce sont non pas les entreprises de moins de onze salariés qui sont appelées à voter, mais bien les salariés eux-mêmes !
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je l’avoue, je peine à comprendre les arguments qui me sont opposés. À la rigueur, je peux entendre que l’on ne communique pas aux organisations syndicales la liste des adresses nominatives des salariés. Mais que les syndicats menant campagne ne disposent pas, au moins, de la liste des entreprises concernées me semble tout à fait anormal : cela les empêchera purement et simplement de frapper à la porte de ces sociétés, pour tenter de convaincre leurs employés. Cela n’a rien à voir avec la connaissance nominative de chaque salarié.
Dans cet hémicycle, on entend souvent invoquer le pragmatisme, le principe de réalité. Or, en l’espèce, nous ne faisons que tirer les conséquences de ce constat : certaines organisations syndicales nous ont indiqué qu’en décembre 2012, lors de la dernière élection professionnelle relative aux très petites entreprises, l’administration n’a pas été en mesure de leur fournir ne serait-ce que la liste des entreprises concernées par le scrutin, faute d’habilitation légale. Il s’agit là d’un véritable problème !
Mme la présidente. L'amendement n° 83, présenté par Mmes Schillinger, Bricq et Emery-Dumas, MM. Bérit-Débat et Caffet, Mmes Campion, Claireaux et Génisson, MM. Daudigny, Durain, Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Yonnet, MM. Tourenne, Vergoz et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 3° De faciliter la résolution de conflits individuels ou collectifs n’ayant pas donné lieu à saisine d’une juridiction. La commission ne peut intervenir qu’avec l’accord des parties concernées ;
La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.
Mme Anne Emery-Dumas. Cet amendement tend à rétablir, dans le présent texte, la possibilité d’une médiation par les membres des CPRI avant la saisine d’une juridiction.
Cette faculté a été inscrite dans ce projet de loi par l’Assemblée nationale. Elle permettrait de limiter la judiciarisation des conflits, coûteuse, pour les employeurs comme pour les salariés, en temps, en argent et en énergie. Toute disposition allant dans ce sens peut être considérée comme positive.
J’ajoute que les CPRI seront, par définition, des instances paritaires. Une médiation pourra donc être utilement assurée, aussi bien par un membre employeur que par un membre salarié.
Au reste, des dispositions relevant du même objectif figurent aux paragraphes 2 et 3 de l’article 83, relatif à la justice prud'homale, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Issues du texte initial du Gouvernement, ces mesures ont été adoptées conformes par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la fonction de médiation des CPRI, laquelle ne figurait pas dans la rédaction initialement présentée par M. le ministre.
Je le répète, on ne s’improvise pas médiateur d’un conflit individuel de travail, qui plus est dans une TPE. Nombre d’orateurs l’ont souligné : au sein de ces sociétés, la relation entre le salarié et son employeur est très personnelle, et bien plus étroite qu’au sein de grandes firmes.
En outre, les membres des CPRI ne deviendront pas instantanément médiateurs, sous prétexte que ces commissions ont été créées. Ils devront apprendre à exercer ces fonctions afin de faire preuve d’une totale impartialité.
Attribuer, dès l’origine, une telle compétence aux CPRI est pour le moins très prématuré. Il faut faire en sorte que ces instances vivent, quelle que soit leur forme. Mais leur confier des missions qu’elles auront du mal à exercer reviendrait peut-être à les enterrer davantage…
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui, en la matière, tend à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale.
La médiation serait une mission très positive des CPRI.
Le but est de favoriser la résolution des conflits, lorsque, bien entendu, les parties en sont d’accord. À mes yeux, ce sera là un important outil de dialogue social.
Madame la rapporteur, ce système est d’ores et déjà expérimenté dans la région Rhône-Alpes, et il fonctionne bien. J’ajoute que les CPRI seront à même de jouer un rôle de proximité, utile pour les salariés comme pour les employeurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Madame la rapporteur, il ne s’agit pas simplement de rétablir, en l’espèce, la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale : à nos yeux, ces dispositions sont importantes en tant que telles. C’est notamment pour cette raison que nous n’avons pas voté votre amendement en commission.
À l’appui de votre avis défavorable, vous avancez qu’au sein des TPE, la relation entre le salarié et l’employeur est personnelle. Mais c’est précisément pourquoi une médiation peut être nécessaire. Quelquefois, ces relations sont si subjectives que le dialogue n’est plus possible. Dès lors, l’intervention d’une personne neutre devient nécessaire. Il faut mettre la situation à plat, l’« objectiviser », comme on dit aujourd’hui. Un tiers garantit souvent une résolution plus pacifique des conflits.
Par ailleurs, vous avancez qu’il n’est pas souhaitable de confier aux CPRI, dès leur création, cette mission de médiation. Vous suggérez de les laisser vivre, au moins dans un premier temps. Mais, si telle était votre intention, pourquoi ne pas avoir assorti ces dispositions, votées par l’Assemblée nationale, d’un délai d’application ?
Mes chers collègues, à mon sens, il s’agit là d’un point fort, d’une disposition substantielle de l’article 1er. Je vous invite à favoriser cette médiation, que nous valorisons dans d’autres domaines, notamment au titre de la justice prud'homale. Il s’agit là d’une étape importante. Donnons-lui les moyens de réussir !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Madame Bricq, permettez-moi de vous le rappeler : les CPRI seront mises en place en 2017. Il faudra sans doute les laisser fonctionner deux ou trois ans avant de leur confier cette mission. Soyons sérieux : inscrire aujourd’hui dans un texte de loi qu’une telle compétence s’appliquera à compter de 2020,…
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Autant dire jamais !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. … cela revient à la repousser sine die. Il faut être bien clair !
Mme Nicole Bricq. Cela n’empêche pas d’inscrire le principe !
Mme Patricia Schillinger. Tout à fait !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 83.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 213 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 155 |
Contre | 187 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L'amendement n° 190, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 31
Insérer sept alinéas ainsi rédigés :
« 5° De présenter à l’employeur toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant la protection sociale, la santé et la sécurité, ainsi que des conventions et accords applicables dans une entreprise.
« Sur leur demande, ils obtiennent une rencontre avec l’employeur afin d’exposer les réclamations individuelles ou collectives des salariés, et tenter de résoudre les conflits.
« 6° De saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l’application des dispositions légales.
« 7° De constater, notamment par l’intermédiaire d’un salarié, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché. Le membre de la commission en saisit immédiatement l’employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
« L’employeur procède sans délai à une enquête avec le membre salarié de la commission et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
« En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le membre salarié de la commission si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la forme des référés.
« Le bureau de jugement du conseil des prud’hommes peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d’une astreinte qui est liquidée au profit du salarié concerné ou, s’il n’agit pas lui-même, au profit du Trésor public.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Dominique Watrin et moi-même avons déjà eu l’occasion de le souligner : à nos yeux, la création d’une instance de représentation des salariés des TPE est positive. Il était urgent qu’un dialogue structuré puisse se nouer au sein de ces très petites entreprises.
Contrairement aux idées diffusées par les représentants patronaux, il est très compliqué de s’adresser directement à son employeur au sein d’une petite structure. Le lien de subordination et la dépendance économique constituent parfois d’immenses obstacles au fait de défendre soi-même ses revendications, face à son employeur. J’en veux pour preuve les études chiffrées constatant que les rémunérations et les avantages sociaux des salariés sont, en règle générale, plus faibles au sein de ces entreprises.
Aussi, nous souhaitons renforcer les prérogatives des représentants des salariés au sein des TPE. Les missions des CPRI ont été étoffées par l’Assemblée nationale, notamment en matière de résolution de conflits. Toutefois, nous sommes loin du droit constitutionnel à la participation, tel qu’il est décrit à l’alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946. Il s’agit là du droit de participer à la détermination de ses conditions de travail et à la gestion de son entreprise.
Avec cet amendement, il s’agit de faire un pas supplémentaire vers la satisfaction de ce droit constitutionnel à la participation, en attribuant aux CPRI des missions proches de celles qu’assume le délégué du personnel. Il convient notamment de permettre au représentant des salariés de présenter à l’employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, aux droits sociaux ou à la santé, ou encore de saisir l’inspection du travail de toute plainte ou observation relative à l’application des dispositions légales. Tel est l’objet de cet amendement.