M. Louis Nègre. C’est insuffisant !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. À n’en pas douter, monsieur le secrétaire d’État, les choix que vous arrêterez auront une traduction budgétaire sur le compte spécial « Services nationaux de transport conventionné de voyageurs », dont je suis le rapporteur spécial au nom de la commission des finances.
C’est la raison pour laquelle il faut, selon moi, approfondir cette question lors de l’examen du budget pour 2016, car, aujourd’hui, le débat ne fait que s’engager. Nous étudierons alors précisément quelle est la position du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Percheron.
M. Daniel Percheron. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, disposant de quatre minutes de temps de parole, je ne pourrai certes pas prononcer un discours digne de Cicéron, mais j’ai envie, brièvement et sincèrement, de m’exclamer : « Vive le rail ! »
Je ne me prends pas non plus pour Jean Gabin, mais un président de région est aussi, depuis plusieurs années, en quelque sorte un chef de gare ! Et si, aujourd’hui, les casquettes des chefs de gare régionaux sont uniformément roses, les choses évolueront, bien entendu (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.), sans rien retirer toutefois à l’expérience, à la lucidité et à l’efficacité de ces girondins qui ont fait le pari du rail.
Nous savons donc de quoi nous parlons. Dans le Nord-Pas-de-Calais en particulier, le train, c’est plus que le train ! Les TGV représentent la modernité – n’écoutez pas la Cour des comptes, elle se trompe, comme souvent ! –, les TER sont un succès indiscutable et les TET restent les TET : les trains Corail sont certes un peu vieillissants et surannés, mais ils peuvent s’améliorer.
Si je vous le dis, c’est parce que je viens de signer d’une main ferme, en toute confiance, une convention de dix ans avec la plus grande entreprise ferroviaire du monde, la SNCF ! La concurrence restera la concurrence – c’est la bible de l’Europe, et c’est peut-être aussi un peu ce qui explique que nous sortions de l’Histoire sur la pointe des pieds –, mais, dans une région qui concentre la moitié de l’industrie ferroviaire française, soit 10 000 emplois, et qui épouse sa géographie grâce au train et au hub ferroviaire, nous nous sentons capables de régler le problème des TET.
En investissant 250 millions d’euros, soit 0,2 % du PIB régional, nous ne faisons pas de folies avec le rail, surtout lorsqu’il s’agit de transporter 120 000 personnes par jour, de décloisonner les bassins de vie et d’unifier les bassins d’emplois. Rapportons maintenant ces quelque 300 millions d’euros au PIB national et demandons-nous exactement ce que nous voulons, et comment nous pouvons l’obtenir !
Mme Évelyne Didier. Très juste !
M. Daniel Percheron. J’évoquerai bien entendu principalement les TET qui me concernent, notamment la ligne Paris-Saint-Quentin-Maubeuge. À Maubeuge, où le taux de chômage est de 16 % – le plus élevé de France –, le train, c’est tout un symbole ! Et l’on voudrait abandonner les TET, la liaison, par certains aspects indispensable, de cette ville, de ce vieux bassin industriel avec Paris ? Ce n’est pas sérieux !
Quant à la ligne Paris-Amiens-Boulogne, la naissance de la grande région, avec la Picardie, va lui donner un nouvel élan.
Ce rapport, que nous attendions, est formidable ; il rassemble des faits, des analyses et des chiffres, qui ne nous surprennent pas. Nous finançons le TER à 80 %. Mais ces données doivent être rapprochées des 100 millions d’euros de subventions pour 1 million de spectateurs de l’Opéra de Paris : d’une certaine manière, c’est un peu l’opéra ferroviaire que nous venons les uns et les autres de constater, voire de dénoncer. (Sourires.)
Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, comment faire ? Très simplement, en décentralisant ! Je vous connais et, même si je vous trouve un peu plus prudent qu’hier, vous avez toujours des lunettes roses… (Nouveaux sourires.)
Le Gouvernement a voulu, de manière chaotique, sans concertation, créer la grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Cette décision étant prise, nous sommes prêts désormais à assumer la charge des deux TET qui nous concernent, à condition que le précédent « Marini » s’applique. En effet, quand nous avons envisagé la construction du canal Seine-Nord, le maire de Compiègne a proposé qu’un centime d’euro supplémentaire de taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, vienne participer au financement des grandes infrastructures durables.
Dès la semaine prochaine, je proposerai que notre région prenne en charge les TET sur la base d’un centime d’euro de TIPP supplémentaire par ligne. Pour la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, cette mesure rapporterait 30 millions d’euros, voire même 32 millions d’euros en cas de forte circulation.
Mes chers collègues, comme l’a fait à l’époque le rapporteur général Philippe Marini, qui avait ce jour-là la pochette plus convaincante que d’habitude (Sourires.), vous pouvez décider de voter une telle disposition dans la prochaine loi de finances.
Je crois en la régionalisation – le TER est un formidable succès – et je crois au TGV – que serait la France sans ses TGV ? Au moment où l’on remontait la dernière gaillette de charbon, on faisait la jonction du tunnel sous la Manche et les TGV apportaient la modernité dans le Nord-Pas-de-Calais. Alors oui, les TGV, c’est la France !
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. Daniel Percheron. Et si vous le décidez, monsieur le secrétaire d’État, si le dialogue avec les régions est équilibré, les TET prendront le même chemin !
Je suis très heureux d’avoir pu vous poser toutes ces questions en quelques minutes, monsieur le secrétaire d’État. Je vous connais, je sais que vous allez dire « oui » ! (Sourires.) Un bon geste, répondez positivement, et nous resterons les meilleurs frères d’armes du monde… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Commeinhes.
M. François Commeinhes. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer l’initiative du groupe CRC, qui a proposé d’organiser un débat sur ce sujet capital pour nos collectivités comme pour nos administrés que sont les trains d’équilibre du territoire, aujourd’hui lourdement remis en cause par la commission Duron.
La liaison Bordeaux-Nice est particulièrement visée, comme le rappelait notre collègue Jean-Claude Requier.
M. Louis Nègre. Absolument !
M. François Commeinhes. Dans le détail, les projets concernant la transversale Sud, le département de l’Hérault et la zone urbaine de Sète sont particulièrement inquiétants, puisque les arrêts à Sète et Arles seraient supprimés, de même que les trains Intercités entre Marseille et Nice, quand il ne s’agit pas de remplacer les trains par des cars entre Bayonne et Toulouse.
Pourtant, dans le projet de réduction des dessertes des trains interrégionaux, si les considérations économiques sont explicites, la dimension d’aménagement du territoire n’a-t-elle pas été oubliée ?
En matière d’aménagement des quartiers autour des gares – celles-ci peuvent être desservies ou non par les TET, mais elles sont de toute façon desservies par des rabattements de TER ou des « antennes TGV » –, il est nécessaire d’inverser la logique de rétention de l’État.
Comme au niveau institutionnel pour les villes moyennes, les TET représentent l’ossature et, donc, l’équilibre du territoire. « L’organisation » de la disparition des TET consacrerait une France à deux vitesses : celle des métropoles et des régions, celle de la grande vitesse ferroviaire et des TER.
Le retrait de la SNCF des transports régionaux a déjà été lourdement financé par les contribuables. Les Français et les élus des territoires ne veulent pas, de nouveau, être tributaires d’une politique hiératique entre « tout TGV » et liaisons grandes lignes peu soucieuses de l’équité régionale. Les politiques de transport sont plus que jamais des vecteurs d’aménagement, de solidarité et d’équité.
Dès lors, c’est bien la question du financement qui est posée et, sur ce point, le rapport Duron est vierge.
Les financements innovants, les recours aux délégations de service public ont, hier, permis le maintien de l’investissement des collectivités. Pourquoi se contraindre, demain, à renoncer à un outil efficace pour maintenir un maillage cohérent et placer les villes moyennes et le périurbain en dialogue avec le fait métropolitain ? Non seulement l’État encourage ou avalise les suppressions de trains Intercités proposées par la SNCF, mais il favorise la concurrence, plus récente, des services d’autocars à longue distance, comme si le car pouvait remplacer le train sur les distances concernées, s’agissant des problématiques tant de mobilité que d’équilibre des territoires.
L’objectif de libéralisation totale du transport par autocar, inclus dans le fameux projet de loi Macron, accompagne celui de réduire le service public de transport ferroviaire de voyageurs en supprimant des lignes et des dessertes au mépris de l’aménagement du territoire, ce qui aggrave la situation des petites villes, des villes moyennes et des départements déjà fortement pénalisés par la fuite en avant dans la mise en concurrence des territoires.
Si les conclusions du rapport Duron étaient suivies, et pour les raisons que je viens d’évoquer, on peut déjà s’imaginer l’impact que cette décision aurait sur la mobilité et les déplacements, l’aménagement et les solidarités territoriales.
Par conséquent, je demande à M. le secrétaire d’État de bien vouloir confirmer ces annonces et les intentions du Gouvernement en la matière. Si celles-ci étaient avérées, je lui demanderais de bien vouloir y surseoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapport rédigé par le député socialiste Philippe Duron ne laisse pas indifférents les sénateurs que nous sommes. Je tiens tout d’abord à remercier le groupe CRC d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour.
Monsieur le secrétaire d’État, l’objectif que vous aviez fixé à la commission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire, présidée par M. Duron, était de clarifier l’offre faite aux usagers et de doter les trains d’équilibre du territoire d’une stratégie d’avenir.
La commission Duron, qui vient de rendre son rapport, a opté pour la rentabilité, au détriment de nos territoires. En effet, elle préconise l’abandon par l’État de nombreuses lignes, trains Intercités et trains de nuit.
Au cas par cas, la commission a choisi soit le renforcement de l’offre pour les liaisons les plus fréquentées, soit la suppression radicale de certaines lignes.
Deux solutions ont été envisagées pour maintenir les lignes supprimées.
Le rapport prévoit, en premier lieu, un transfert de la compétence aux régions, certaines lignes aujourd’hui sous l’autorité directe de l’État passant dans le giron des trains régionaux. Ce transfert est irréaliste, et nous le savons tous. L’offre actuelle des TER est déjà dégradée et les équipements sont vétustes. Chez moi, en Rhône-Alpes, jusqu’à un TER sur quatre accuse un retard sur certaines lignes. De plus, par manque de moyens et d’actions, les agressions et outrages ont été multipliés par trois en sept ans.
En second lieu, le rapport envisage de remplacer certains trains par des bus. Cette proposition est une aberration écologique qui va à l’encontre de nos engagements environnementaux,…
Mme Fabienne Keller. C’est bien vrai !
M. Cyril Pellevat. … sans oublier que les routes et autoroutes sont déjà aujourd’hui à saturation sur de nombreux tronçons. Je suis de ceux qui considèrent que le basculement du trafic ferroviaire sur les routes est un mauvais choix.
Permettez-moi, dans un second temps, monsieur le secrétaire d’État, d’aborder les mesures du rapport Duron qui concernent précisément ma région, la nouvelle région Rhône-Alpes-Auvergne.
La commission a opté pour la suppression de nombreuses liaisons Intercités, qu’il propose de transférer aux régions, notamment au départ de Clermont-Ferrand.
Elle préconise également la suppression de la ligne dite Paris-Savoie, reliant Paris à Saint-Gervais et à Bourg-Saint-Maurice. Il s’agit là de trains de nuit qui desservent les stations de ski. Certes, de jour, une offre alternative via le TGV existe. Mais la fermeture de ces trains de nuit est inquiétante. L’activité touristique est intense, surtout en hiver, dans les deux départements de Savoie et Haute-Savoie, et la suppression de cette ligne serait préjudiciable. Supprimer ces trains encombrerait énormément les dessertes de jour. Il conviendrait alors de véritablement renforcer l’offre de jour.
Je profite également de ce débat pour vous alerter sur l’insuffisance et le besoin de modernisation du transport ferroviaire en Pays de Savoie. Améliorer la desserte et moderniser le rail seraient fortement utile au tourisme, à l’industrie et, bien sûr, à la population savoyarde.
Certes, chaque région a les mêmes demandes ; aucun territoire ne souhaite être mal desservi. Toutefois, à mon sens, lorsqu’il s’agit de l’aménagement du territoire, l’État doit se donner les moyens d’agir.
Il n’est pas acceptable que nous ayons, en France, des territoires riches, bien desservis et, a contrario, des pays éloignés, isolés, avec une offre de service dégradée ayant un impact négatif en termes économique, touristique et démographique.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Cyril Pellevat. En tant que représentants des collectivités territoriales, nous ne pouvons accepter une telle fracture territoriale, que ce rapport aggrave profondément. En l’état, celui-ci n’engage certes pas le Gouvernement, qui entame désormais une concertation avec les régions. Mais nous tenions ici à vous alerter et à vous faire part de nos inquiétudes, monsieur le secrétaire d’État.
Pouvez-vous nous garantir que l’État va réinvestir dans le transport ferroviaire, tout en veillant au respect des territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le groupe CRC de l’inscription à l’ordre du jour de ce débat, qui fait suite aux auditions de M. Philippe Duron devant les commissions du développement durable des deux assemblées, et qui permet à chaque groupe parlementaire de s’exprimer en séance sur ce dossier d’importance.
Je tiens à rappeler le contexte dans lequel s’inscrit ce débat.
C’est en 2010 que l’État est devenu autorité organisatrice des trains d’équilibre du territoire. Une convention a alors été signée avec la SNCF pour organiser le service de ces trains.
Aujourd’hui, force est de constater que cette convention n’a pas apporté de réponse satisfaisante et durable. En effet, l’offre est très hétérogène, ce qui rend difficile la définition même des TET – j’observe d’ailleurs que personne parmi vous ne s’est vraiment aventuré à les définir. On y retrouve à la fois aujourd’hui des trains de nuit, des lignes de transport du quotidien – proches cousins des TER –, des lignes à fréquence hebdomadaire, et même une ligne qui est considérée comme TER la semaine et TET le samedi, avec un matériel roulant identique.
Cette hétérogénéité prive cette offre de cohérence, notamment commerciale. La qualité de service, et en particulier la ponctualité, n’est pas, pour être modéré, au niveau attendu par les voyageurs. Le matériel roulant utilisé approche de sa fin de vie et n’offre pas tous les services attendus, ce qui prive les TET d’une image attractive. Le parc, composé en très grande majorité de locomotives et de voitures Corail, a aujourd’hui un âge moyen de trente-cinq ans. Les locomotives thermiques, utilisées sur plusieurs lignes TET comportant des sections non électrifiées, ont, quant à elles, quarante-trois ans en moyenne.
Enfin, le modèle économique des TET est à reconstruire, dans un contexte de contraintes financières pour l’État. Il faut rappeler que l’exploitation des TET représente pour le budget de l’État une dépense annuelle de 800 millions d’euros, en augmentation significative. En 2014, 450 millions d'euros ont été affectés au financement de péages à SNCF Réseau pour l’activité TET, ce qui correspond à la redevance d’accès au réseau, et 330 millions d'euros ont été affectés au financement du déficit d’exploitation de SNCF Mobilités, ce qui inclut la révision et la rénovation du matériel roulant.
Comme cela est rappelé dans le rapport, le déficit d’exploitation de SNCF Mobilités pourrait, si nous ne faisons rien, atteindre 450 millions d'euros en 2016 et 500 millions d'euros en 2025. Je veux bien entendre toutes les positions, mais, franchement, je ne m’attendais pas à ce que certains voient du libéralisme exacerbé dans l’objectif de maîtrise de ce déficit, pour le ramener à 200 ou 300 millions d'euros. On peut être un défenseur du service public et vouloir maîtriser le déficit des finances publiques. (M. Jean-Jacques Filleul applaudit.)
Je rappelle que nous parlons de 340 trains et 100 000 voyageurs par jour, avec une mission d’aménagement du territoire, sur une activité ferroviaire totale de 13 500 trains et 5 millions de voyageurs – dont 3,5 millions en Île-de-France – quotidiens. Les TET posent un problème spécifique, que tous les gouvernements ont connu, mais il ne faut pas caricaturer la situation en prétendant qu’il n’y a pas de politique ferroviaire ou qu’il n’y a pas de trains ni de voyageurs.
Notre objectif est de faire évoluer la convention actuelle pour améliorer la qualité du service rendu aux usagers et assurer dans la durée les objectifs de maintien du droit à la mobilité et d’aménagement du territoire dans le contexte budgétaire que j’ai évoqué. J’ai donc décidé, en novembre dernier, de lancer le chantier de la clarification de l’avenir des TET. À cette fin, j’ai demandé à une commission présidée par Philippe Duron et composée de parlementaires de tous les groupes, d’élus régionaux et d’experts, de formuler des propositions sur la base d’un diagnostic complet.
La commission m’a remis ses conclusions le 26 mai dernier. Je tiens à remercier l’ensemble de ses membres, et notamment les trois représentants du Sénat – Annick Billon, Jean-Jacques Filleul et Jean-Vincent Placé – qui ont participé activement à ses travaux. La commission a eu à cœur de disposer de constats précis. Elle s’est déplacée dans plusieurs pays européens pour observer comment nos voisins gèrent cette question. Elle s’est appuyée sur une expertise technique très fine et a réalisé un travail de concertation très important, qui l’a amenée à auditionner de multiples acteurs représentatifs, et même, au-delà, à recueillir 6 000 contributions du grand public. Chacun doit prendre la mesure de la solidité et de la qualité de ce travail.
Le débat est désormais engagé. Je ne suis pas de ceux qui vont chercher la responsabilité de l’un ou l’autre dans le déficit actuel, mais je ne suis pas non plus de ceux qui s’abritent derrière des discours de posture.
J’ai entendu ce soir les différentes positions exprimées. Certains présentent l’ouverture à la concurrence comme une solution aux difficultés commerciales et économiques des TET.
M. Louis Nègre. Cela marche en Allemagne et en Grande-Bretagne !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je citerai Malraux : il faut transformer l’expérience en conscience. Au vu des conséquences de l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, vous pourriez être un peu moins certain des résultats d’une ouverture à la concurrence, surtout si elle n’est pas préparée. Cette solution est loin de résoudre toutes les difficultés.
M. Louis Nègre. Cela dépend des conditions de mise en œuvre !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Nous parlons de lignes pour lesquelles le déficit public est de 265 euros par voyageur et par voyage. Si vous payez les frais – moi, je ne le ferai pas ! –, je suis d'accord pour organiser un appel d’offres, mais je connais le résultat à l’avance : il ne se présentera pas beaucoup de candidats… Si l’ouverture à la concurrence consiste à n’introduire de la concurrence que sur les lignes TET rentables sans s’occuper des autres, elle ne peut être une réponse satisfaisante aux questions qui se posent en matière d’aménagement du territoire.
M. Louis Nègre. Il ne faut pas être caricatural !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. L’ouverture à la concurrence n’est pas un choix, puisqu’elle est déjà inscrite dans le calendrier européen ; c’est un horizon. Encore faut-il que, préalablement, les étapes prévues par la loi portant réforme ferroviaire, et notamment la négociation de la convention collective et du décret socle, soient respectées. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs : il s’agit en premier lieu de concrétiser les engagements de la loi susmentionnée.
Les conditions de mise en œuvre de la concurrence doivent être précisées dans le volet politique du quatrième paquet ferroviaire, car ce n’est pas la même chose d’ouvrir la concurrence avec un libre accès ou d’utiliser des appels d’offres dans le cadre de délégations de service public. J’appelle à la plus grande prudence ceux qui pensent que ce débat est déjà tranché dans les autres pays européens. Ce n’est pas vrai ! Le débat persiste non pas sur l’objectif, mais sur ses conditions de mise en œuvre.
Mme Évelyne Didier. Tout à fait !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Par ailleurs, comment justifier que l’État verse jusqu’à 265 euros de subvention pour certains voyages ? Est-ce que quelqu'un peut se satisfaire de cette situation ? Aucun Français, même attaché au service public, ne peut la considérer comme acceptable.
M. Rémy Pointereau. Caricature !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je retiens, dès à présent, plusieurs points du rapport sur lesquels le Gouvernement pourra s’appuyer pour prendre ses prochaines décisions.
Tout d’abord, je constate que les propositions s’inscrivent dans une logique de redynamisation de l’offre ferroviaire des TET, en la recentrant sur son champ de pertinence. Ces propositions visent une amélioration de la qualité du service proposé, afin de valoriser pleinement les avantages du ferroviaire.
Comme l’attestent les contributions du grand public auprès de la commission, la vitesse n’est plus la première priorité des voyageurs. La valorisation du temps de voyage est un atout important du mode ferroviaire, qu’il faut renforcer, par exemple en offrant aux voyageurs la possibilité de se connecter à internet.
Chacun doit en être conscient, l’atout majeur du ferroviaire reste que, contrairement à l’aérien et au routier – covoiturage ou bus –, il peut être pour le citoyen qui voyage un moment de vie pleinement occupé, à se reposer, à parler ou encore à travailler. Il s'agit d’un atout considérable. Quand on interroge les voyageurs sur les raisons de leur choix de mobilité, certains évoquent le temps de parcours – la vitesse est alors la réponse –, mais d’autres déclarent qu’ils souhaitent voyager dans les meilleures conditions : il faut que le ferroviaire puisse leur apporter une réponse.
Je ne veux pas passer sous silence la question du prix de la mobilité. La France l’a mise de côté lors du développement du low cost aérien. Le résultat, c’est que, sur les cinq millions de voyageurs supplémentaires, aucun n’utilise une compagnie française, car nous avons pensé que le low cost n’était pas digne de ce que nous faisions.
Mme Évelyne Didier. Exact !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Il faut prendre en compte ceux pour qui le prix est par obligation la question essentielle. Aujourd'hui, beaucoup de jeunes se déplacent. L’évolution des bus dans d’autres pays – nous ne sommes pas forcément en avance sur ce point – montre certes qu’il y a là un champ de croissance, mais qu’il existe aussi une complémentarité avec le ferroviaire, qui garde naturellement toute sa pertinence. Je suis même de ceux qui pensent que si nous savons valoriser son avantage particulier, le ferroviaire correspondra de plus en plus aux attentes de nos concitoyens.
Je note que les propositions de la commission veillent à maintenir une offre de transport public dans tous les territoires concernés. Il s’agit non pas de concentrer l’offre de transport sur des liaisons rentables, mais de tenir compte des enjeux d’aménagement du territoire. Toutefois, le ferroviaire n’est pas pertinent partout, notamment pour des raisons de coût et de qualité du service. Il faut trouver les solutions les mieux adaptées aux besoins.
Les propositions permettent de déterminer les services de TET répondant à un besoin d’intérêt national clairement identifié, en les distinguant des services de TER répondant à des besoins régionaux. Une telle simplification pourrait permettre à une seule autorité organisatrice d’améliorer l’offre, et donc d’optimiser son coût, sur un axe où coexistent aujourd’hui des TER et des TET desservant les mêmes destinations.
J’ai bien noté aussi que les propositions consistaient à renforcer l’exercice par l’État de ses compétences, recentrées sur les services d’intérêt national. Le rapport souligne enfin la nécessité pour la SNCF de réaliser des efforts importants afin d’améliorer la qualité du service et de maîtriser ses coûts.
Le Gouvernement présentera à la fin du mois de juin sa feuille de route, en plusieurs étapes, pour préparer l’avenir des TET. Cette feuille de route répondra à l’objectif de mettre fin à la dérive des déficits des TET et s’inscrira dans le respect des principes du maintien du droit à la mobilité et de l’aménagement du territoire. Elle retiendra la démarche d’une concertation indispensable avec les régions et les futures grandes régions.
Pour ne pas assister impuissants à l’érosion des TET et à l’explosion de leurs déficits d’exploitation, qui les condamneraient définitivement à court terme, il faut remettre l’usager au cœur de leur offre de transport.
Mme Fabienne Keller. Bonne idée ! Il faut penser aux voyageurs !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Les trains TET méritent que leur avenir soit clarifié, pour apporter un service de qualité aux usagers. Je veillerai à maintenir une offre de transport public de qualité dans tous les territoires. C’est mon objectif et celui du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « L’avenir des trains Intercités ».