Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est vraiment important de préciser que l’accès de la commission à l’ensemble des données sera permanent, complet et direct.
Mme la présidente. L'amendement n° 149 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 119
Compléter cet alinéa par les mots et deux phrases ainsi rédigées :
et dispose à cette fin, notamment, d’un droit d’accès direct, complet et permanent aux dispositifs utilisés pour les techniques de renseignement prévues au présent titre. Elle procède à toute mesure de contrôle de ces dispositifs. Elle est préalablement informée de toute modification qui leur est apportée et peut émettre des recommandations.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est retiré compte tenu du vote intervenu à l’instant, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 149 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 150 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 122
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Peut avoir connaissance des données décryptées issues de la plateforme nationale de cryptanalyse et de déchiffrement, ainsi que des conditions de production de ces données.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement et le suivant concernent la plateforme nationale de cryptanalyse et de déchiffrement, la PNCD, sujet important et délicat.
Cette plateforme, qui émane de la direction générale de la sécurité extérieure et qui est désormais mutualisée entre les services de renseignement, a longtemps été présentée comme n’existant pas. Il se trouve que le Gouvernement a changé de position à son sujet.
Ainsi, le 12 mai dernier, alors que les ministres de la défense et de l’intérieur étaient auditionnés conjointement par la commission des lois et par la commission des affaires étrangères, il a été demandé à M. Jean-Yves Le Drian s’il était possible que la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ait connaissance des données décryptées issues de la PNCD. À cette question, M. le ministre de la défense a répondu par la positive.
À ma connaissance, c’est la première fois que le Gouvernement apporte une telle réponse, ce qui prouve qu’il est d’accord pour que la CNCTR puisse contrôler l’ensemble des dispositifs, y compris la PNCD. Je salue cette évolution.
Nous avons déposé les amendements nos 150 rectifié et 151 rectifié, le second étant un amendement de repli, de manière que l’existence de cette plateforme et les conditions d’accès aux données décryptées qui en sont issues puissent nous être confirmées en séance publique.
Il s'agit, bien évidemment, d’amendements d’appel, visant à ce que les précisions qui ont été apportées en commission soient répétées et éventuellement développées dans l’hémicycle. Nous n’avons jamais considéré que la loi devait recenser l’ensemble des dispositifs techniques existants ou susceptibles d’exister ! Ce n’est pas sa fonction.
Nous ne demandons donc rien d’autre qu’une confirmation en séance publique de ce qui a déjà été annoncé devant la commission des lois et la commission des affaires étrangères du Sénat.
Mme la présidente. L'amendement n° 151 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 122
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Peut avoir connaissance des données décryptées issues de la plateforme nationale de cryptanalyse et de déchiffrement.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission partage le souci de Jean-Pierre Sueur de recevoir davantage d’informations du Gouvernement, à l’occasion de ce débat, sur cette plateforme nationale de cryptage et de décryptage.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le ministre de la défense a effectivement fait état, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, de l’existence du pôle national de cryptanalyse et de décryptement, dit PNCD.
Cet outil, créé en 1999, est consacré au déchiffrement, c'est-à-dire au traitement des chiffres, des codes. Ce n’est pas une plateforme, et ce n’est en aucun cas un outil de surveillance.
La rédaction du futur article L. 822-2 du code de la sécurité intérieure fait implicitement référence à l’activité de déchiffrement, mais il nous paraît finalement exclu de prévoir l’existence de cet outil dans la loi.
Par ailleurs, les données décryptées rejoignent le droit commun et sont donc accessibles à la CNCTR. Dans cette mesure, cet amendement ne nous paraît pas utile.
Dès lors, le Gouvernement vous invite, monsieur Sueur, à retirer cet amendement, sur la base des explications que je viens de donner.
Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, quel est le fondement juridique de ce dispositif ? L’ensemble des règles s’appliquant à la mise en place de traitements de données et de fichiers a-t-il été respecté conformément à la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il n’est pas besoin d’une autorisation ou d’une base juridique pour créer un service administratif dont la mission relève en quelque sorte des mathématiques et ne présente aucun caractère de surveillance, comme je l’ai dit dans ma déclaration.
Mme la présidente. Monsieur Sueur, les amendements nos 150 rectifié et 151 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Jean-Pierre Sueur. Non, je les retire, madame la présidente.
Nous prenons acte de la déclaration du ministre de la défense dont M. le ministre de l’intérieur vient de nous faire part.
Mme la présidente. Les amendements nos 150 rectifié et 151 rectifié sont retirés.
L'amendement n° 23 rectifié bis, présenté par MM. Malhuret et Commeinhes, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, Delattre, Falco et Fouché, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lenoir et de Legge, Mme Morhet-Richaud, MM. Bignon et Milon, Mmes N. Goulet et Cayeux, MM. Vial, Laufoaulu, Cadic et Kern, Mmes Imbert et Deroche et MM. Dériot, Carle et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 123
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 833-3-… – I. – La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement réalise l'agrément des dispositifs mettant en œuvre les techniques de renseignement prévues aux chapitres Ier à III du titre V, afin de vérifier leur conformité aux restrictions techniques imposées par les dispositions du présent livre.
« II. – Seuls les modèles de dispositifs agréés par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement peuvent être utilisés pour les finalités prévues aux chapitres Ier à III du titre V.
« III. – Les I et II entrent en vigueur un an après la promulgation de la loi n° … du … relative au renseignement.
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Nous avons déjà examiné hier des amendements voisins tendant à ce que les dispositifs d’interception de type IMSI catchers et autres soient agréés par un organisme indépendant, à savoir la CNIL.
Le Gouvernement et notre rapporteur nous ont répondu qu’une telle garantie n’était pas nécessaire, car un service – l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI – était déjà chargé de cet agrément.
Mais si l’on ne précise pas ce qu’est l’ANSSI, d’aucuns pourraient croire qu’il s’agit d’une autorité indépendante. Or c’est tout le contraire : cette agence, qui a succédé en 2001 à la Direction centrale de la sécurité des systèmes d’information, dépend du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. L’ANSSI est donc rattachée au Premier ministre.
Depuis le début de nos débats, vous ne cessez de dire, monsieur le ministre de l’intérieur, que les plus grandes précautions ont été prises pour éviter tout risque de dérapage en matière d’interceptions de sécurité. À vous entendre, tout serait sous le contrôle de la CNCTR, y compris le mécanisme d’autorisation préalable.
Or si la CNCTR n’a connaissance ni des procédures d’interception ni – plus important encore – des caractéristiques et des paramétrages du matériel d’interception, les autorisations qu’elle délivre et les contrôles qu’elle effectue perdent beaucoup de leur poids. Il s’agit d’une condition essentielle au bon exercice de sa mission.
Il est primordial que ce ne soit pas un service de l’exécutif, mais bien cette autorité indépendante – dont on nous dit qu’elle est la garante de tout le dispositif –, qui agrée les matériels, qui puisse en connaître et en approuver les caractéristiques et l’usage, qui en suive les évolutions et qui vérifie leur conformité aux restrictions techniques imposées par les dispositions du présent livre.
Hors ces conditions, tous les discours sur l’efficacité de la CNCTR et la confiance que nous pouvons avoir dans les garanties qu’elle apporte ne sont que paroles en l’air.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises. Ce n’est pas la vocation de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement que d’agréer des matériels.
Elle est chargée de porter une appréciation beaucoup plus délicate qu’une évaluation technique, celle de savoir si les finalités d’intérêt général invoquées par les services sont suffisantes pour justifier des mesures de surveillance mobilisant des techniques de renseignement énumérées dans le texte dont nous discutons.
Dans la mesure où existe déjà une commission – prévue par le code pénal – chargée de l’examen des configurations et des qualifications nécessaires de ces matériels, il n’est pas nécessaire de changer la vocation de la CNCTR.
La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 184, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 126
Supprimer cet alinéa.
II. - Alinéa 130
Supprimer les mots :
, y compris dans le cadre du II de l’article L. 854-1,
III. - Alinéa 131
Supprimer cet alinéa.
IV. - Alinéa 133
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination, suite aux dispositions adoptées hier par la Haute Assemblée relatives à la surveillance internationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 85 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 191, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 145
Après le mot :
communiquées
insérer les mots :
par le Premier ministre
II. - Alinéa 149
Compléter cet alinéa par les mots :
et des fichiers intéressant la sûreté de l'État
III. - Alinéa 155
1° Remplacer les mots :
en premier et dernier ressort, des contentieux résultant de
par les mots :
dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant
2° Remplacer le mot :
certains
par le mot :
les
3° Supprimer la troisième occurrence du mot :
et
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est un amendement de précision et d’harmonisation rédactionnelle. Avis favorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié quater, présenté par Mme Morin-Desailly, M. L. Hervé, Mme Goy-Chavent et MM. Roche, Bignon et Kern, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 141
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - d’utilisation des dispositions des articles L. 821-5-2, L. 852-1, L. 853-1, L. 853-2 et L. 854-1 ;
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Cet amendement tend à compléter les informations qui figureront dans le rapport public de la CNCTR.
Il s’agit d’y ajouter : le nombre d’utilisations des techniques de recueil de renseignements par les services, à l’encontre d’un magistrat, d’un avocat, d’un parlementaire ou d’un journaliste ou concernant leurs véhicules, bureaux ou domiciles ; le nombre d’utilisations des dispositions techniques d’interceptions de sécurité ; le nombre d’utilisations des dispositifs techniques de sonorisation de certains lieux et véhicules, et de captation d’images et de données informatiques ; le nombre d’utilisations des mesures de surveillance internationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Une partie des éléments que les auteurs de cet amendement proposent de faire obligatoirement figurer dans le rapport de la CNCTR est déjà mentionnée à l’article L. 833-4 du code de la sécurité intérieure.
Les autres éléments que cet amendement tend à faire inscrire dans le rapport concernent des techniques de renseignement appelées à ne jouer qu’un nombre très limité de fois par an, ce qui pourrait avoir pour effet – nous a-t-on expliqué – de dévoiler plus que ce que les services de renseignement ne devraient publiquement révéler.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Kern, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement et d’accepter de vous contenter de la rédaction actuelle de l’article L. 833-4.
Mme la présidente. Monsieur Kern, l'amendement n° 14 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Claude Kern. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié quater est retiré.
L'amendement n° 172, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 143
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’aurais proposé d’adopter cet amendement en lieu et place de l’amendement présenté à l’instant par M. Kern, s’il n’avait été retiré. L’objectif est comparable, mais s’appuie sur un dispositif juridique plus solide.
Cet alinéa prévoit que le rapport de la CNCTR porte sur des statistiques présentées par techniques de recueil et par finalités.
Le Gouvernement ne peut que partager le dessein de transparence de l’amendement précédent et souhaite que les citoyens soient informés le plus largement possible des modalités de mise en œuvre de la présente loi.
Toutefois, rendre publiques les statistiques par techniques de recueil serait inapproprié, car le croisement des données sur des nombres pouvant être faible, il est susceptible de révéler des techniques d’enquêtes privilégiées. Il est donc préférable de s’en tenir au nombre de demandes et d’avis, de réclamations, de recommandations et de leurs suites, d’observations, ainsi que d’utilisation des procédures d’urgence.
Par ailleurs, Jean-Pierre Raffarin a déposé un sous-amendement n° 208 à l’amendement n° 205 de M. Bas, à l’article 13. Ce sous-amendement tend à ce que soient communiquées à la délégation parlementaire au renseignement les statistiques détaillées sur l’utilisation des techniques de renseignement.
L’adoption de ce sous-amendement permettra de satisfaire cette préoccupation sans mettre en péril les opérations en cours et les impératifs de sécurité nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Cette matière a été étudiée de manière très approfondie par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, notamment par son président, Jean-Pierre Raffarin.
Je sais que ce dernier a été sensible aux préoccupations exprimées par le Gouvernement sur l’alinéa 143 tel qu’adopté par la commission des lois, sur proposition de la commission des affaires étrangères.
Ce dialogue très constructif mérite de se poursuivre dans cet hémicycle, raison pour laquelle il serait bon que Jean-Pierre Raffarin nous donne l’avis de sa commission avant que la commission des lois ne se prononce définitivement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour avis. Je comprends les préoccupations du Gouvernement.
Il est vrai que ces données figurent aujourd’hui dans le rapport public de la CNCIS. Il serait assez utile de disposer, par finalités et par techniques, de ces informations et statistiques qui nous permettraient de développer cette culture du renseignement dont le pays a besoin pour dissiper les fantasmes.
Tout cela n’est pas simple, je le comprends bien. Si le Gouvernement, comme l’a dit M. le ministre voilà quelques instants, donne un avis favorable à notre sous-amendement n° 208, cette proposition serait satisfaite, ce dont je remercie et le Gouvernement et la commission des lois.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Dans ce type de circonstances, il me faudrait demander une suspension de séance afin de réunir la commission des lois. À titre exceptionnel, je prends sur moi de faire évoluer la position initialement retenue par la commission des lois en passant d’un avis de sagesse à un avis favorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 152 rectifié, présenté par Mme S. Robert, MM. Sueur, Delebarre, Boutant et Reiner, Mme Jourda, MM. Gorce, Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 147
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans le respect du secret de la défense nationale, la commission peut faire appel, en tant que de besoin, à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, et au Défenseur des droits.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L’édifice entier du contrôle de légalité de la mise en œuvre des techniques de renseignement va reposer sur la CNCTR avant d’éventuelles saisines du Conseil d’État.
La composition, le fonctionnement et les prérogatives de cette commission sont donc primordiaux.
Toutefois, étant donné l’activité incessante des services de renseignement, le degré de technicité des dossiers sur lesquels elle devra prendre position, la CNCTR aura d’abord besoin que ceux qui la composent soient présents et disponibles. Je tiens à le souligner, car beaucoup de parlementaires sont membres de nombreuses instances. Il serait quelquefois utile de faire le bilan de ces participations.
Toujours est-il qu’il paraît sage d’inscrire dans le projet de loi que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement pourra solliciter l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, la CNIL ou encore le défenseur des Droits autant que de besoin.
Si, au cours des débats parlementaires, le rapporteur, le ministre, voire les deux, ont déjà confirmé que cela allait de soi, je considérerai cet amendement comme satisfait.
Mme la présidente. L'amendement n° 58, présenté par Mmes Cukierman, Demessine et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 147
1° Après les mots :
des postes
insérer les mots :
, la Commission nationale de l’informatique et des libertés et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information
2° Remplacer les mots :
de celle-ci
par les mots :
de celles-ci
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Dans son rôle renforcé de contrôle de recueil des renseignements, la CNCTR devra s’entourer de multiples expertises, que les membres qui la composent, femmes et hommes à parité, aussi avisés soient-ils, ne seront pas en mesure de lui apporter, tant les techniques et les renseignements collectés sont complexes.
Aussi, en raison de ses missions transversales, elle aura besoin d’aller bien au-delà de la simple connaissance du fonctionnement des réseaux et de ce qui constitue le champ de compétence de l’ARCEP.
Pour l’essentiel, la saisine de l’ARCEP ne porterait que sur la possibilité de vérifier si la mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement par les services est détectable. Or, du point de vue du respect des droits et des libertés fondamentales, le contrôle doit aussi pouvoir s’exercer sur le recueil des données.
Toutefois, en l’état actuel du texte, il n’existe aucun moyen de vérifier avec exactitude que les fichiers qui seront constitués à partir des données collectées seront tenus conformément aux objectifs et à la durée de conservation fixés par la loi, et dont nous venons de débattre.
En effet, à la différence du régime auquel sont actuellement soumis tous les autres fichiers, qu’ils soient publics, privés ou de police, il n’est pas envisagé que la CNIL puisse exercer des pouvoirs d’inspection et de contrôle sur ces nouveaux fichiers. Il est donc nécessaire que la CNCTR puisse également disposer de conseils de la CNIL en matière de protection des données à caractère personnel.
Nous pensons en outre que l’ANSSI – Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information – devrait être sollicitée sur des thématiques relevant de la sécurité informatique.
Il conviendrait enfin que la CNCTR ait, à son tour, la possibilité de saisir ces deux autorités.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.
L’amendement n° 152 rectifié porte sur un alinéa prévoyant la possibilité, pour la Commission nationale de contrôle, de solliciter l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. En effet, s’agissant de communications électroniques, la CNCTR peut avoir besoin de demander un avis technique. La disposition prévue à l’alinéa 147 nous paraissait donc bienvenue puisqu’elle tendait simplement à lui permettre de consulter l’ARCEP : la CNCTR aurait formulé une demande sur une question d’ordre général et l’ARCEP y aurait répondu.
Ce vous proposez, monsieur Sueur, c’est autre chose : il serait possible de « faire appel » non seulement à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, mais aussi à la Commission nationale de l’informatique et des libertés et au Défenseur des droits.
Deux points posent problème.
Le premier est l’expression « faire appel ». Que signifie-t-elle ? « Faire appel », ce n’est pas « consulter ». Les mots ont un sens ! « Faire appel » laisse supposer qu’il pourrait y avoir un échange s’agissant d’un certain nombre de données.
Comment la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dont les travaux, en raison d’une autre disposition figurant à l’alinéa 107 du même article, « sont couverts par le secret de la défense nationale », pourrait-elle, en faisant appel à d’autres institutions administratives indépendantes, leur fournir des informations ? Certes, la rédaction de l’amendement prévoit que c’est dans le respect du secret de la défense nationale que la CNCTR pourrait faire appel à ces autorités administratives indépendantes. Toutefois, elle se trouverait dans une situation bizarre : soit elle ne pourrait pas respecter l’obligation du secret, soit elle devrait renoncer à donner aux autres autorités des éléments utiles pour que celles-ci puissent apporter un éclairage pertinent sur la question posée.
Plus importante encore est la question de savoir pour quelles raisons la CNIL ou le Défenseur des droits auraient une expertise à apporter à la CNCTR.
La CNCTR n’a jamais à se prononcer sur des fichiers. Par conséquent, la seule expertise que pourrait apporter la CNIL à la CNCTR est parfaitement étrangère aux missions de cette dernière.
Quant au Défenseur des droits, il a un rôle qui le tient tout de même très éloigné de la réalité des missions de la CNCTR. Il ne pourrait d’ailleurs pas intervenir dans des dossiers individuels concernant la CNCTR et il n’est pas non plus habilité à se prononcer sur des questions d’ordre général ayant trait à la mise en œuvre de mesures de surveillance fondées sur des finalités d’intérêt national.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
De la même manière, elle est défavorable à l’amendement n° 58, mais elle sera favorable à l’amendement n° 167 du Gouvernement, qui sera présenté ensuite.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Concernant l’amendement n° 152 rectifié, je ferai remarquer que rien n’interdit à la CNCTR d’interroger ou de solliciter des avis. Il n’y a pas nécessité d’une base législative pour que cette commission, si elle le souhaite, consulte d’autres autorités. Le Gouvernement a entendu prévoir la présence, au sein de la CNCTR, d’une personnalité qualifiée en la matière, laquelle sera désignée par l’ARCEP.
Il n’y a donc pas matière à légiférer sur la possibilité pour la CNCTR de consulter, en tant que de besoin, ces autorités.
Simplement, cela ne se ferait sans doute que dans un seul sens, et cela me permet d’en venir à l’amendement n° 58, dont l’objet précise que la CNCTR pourra répondre à des demandes de ces autres autorités. S’il devait en être ainsi, il y aurait, d’une part, une confusion des missions et, d’autre part, un changement même de la nature des prérogatives reconnues par la loi à la CNCTR. Celle-ci n’a pas à répondre à des demandes formulées par ces autorités.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 152 rectifié, considérant qu’une disposition législative n’est pas nécessaire à cet égard puisque la CNCTR pourra apprécier d’elle-même la nécessité éventuelle de consulter d’autres autorités, et il est défavorable à l’amendement n° 58, qui vise à ouvrir la possibilité, pour la CNCTR, de répondre à des demandes de ces autorités.
Mme la présidente. L’amendement n° 152 rectifié est-il maintenu, monsieur Sueur ?
M. Jean-Pierre Sueur. Vous me voyez, madame la présidente, dans une certaine perplexité, la position de M. le rapporteur n’étant pas exactement celle de Mme la ministre, ce qui n’a d’ailleurs rien d’anormal dans cette démocratie qui nous réunit tous.
En effet, monsieur le rapporteur, vous avez expliqué que l’expression « faire appel » posait problème. Dès lors, si je rectifiais cet amendement en remplaçant « faire appel » par « consulter », émettriez-vous un avis favorable ?