Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 182 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 189 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 103 et 176.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 106 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 177 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 21
Remplacer les mots :
qui est un mineur non accompagné
par les mots :
identifié comme vulnérable en application de l’article L. 744-6
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 106.
Mme Esther Benbassa. Le projet de loi précise que seuls les mineurs non accompagnés ne peuvent voir leur demande d’asile traitée selon la procédure accélérée.
Or, le Comité directeur pour les droits de l’homme rappelle que la recommandation 1471 de 2005 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe concernant les procédures d’asile accélérées dans les États membres stipule explicitement que « certaines catégories de personnes en raison de leur vulnérabilité et de la complexité de leur cas, notamment les enfants séparés ou mineurs non accompagnés, les victimes de torture, de violences sexuelles ou de la traite, ainsi que les cas qui posent des problèmes en vertu des clauses d’exclusion de la convention de 1951 sur les réfugiés, sont exemptées des procédures d’asile accélérées ».
Nous considérons donc que ces catégories de personnes doivent toutes échapper à la procédure accélérée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour défendre l'amendement n° 177.
Mme Cécile Cukierman. Pour les raisons qui viennent d’être exposées, il nous semble à nous aussi restrictif de préciser que seuls les mineurs non accompagnés ne pourront voir leur demande d’asile traitée en procédure accélérée. Il convient d’exempter également de cette dernière les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladie grave ou souffrant de troubles mentaux, etc.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques visant à prohiber le recours à la procédure accélérée pour l’examen des demandes émanant de toutes les personnes vulnérables.
Ces amendements opèrent un renvoi à l’article L. 744-6 du CESEDA, ce qui signifie que la vulnérabilité prise en compte relève de la seule vulnérabilité objective constatée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII. Cela est contraire à l’esprit même du texte, qui tend à distinguer vulnérabilité objective et vulnérabilité subjective, celle-ci relevant de l’OFPRA. Ce dernier peut s’appuyer sur l’ensemble des données dont il dispose, y compris celles qui sont fournies par l’OFII, pour décider de modalités particulières d’examen des demandes des personnes vulnérables.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit d’ores et déjà, aux termes de l’alinéa 25 de l’article 7, que l’OFPRA peut décider, en raison de la vulnérabilité du demandeur, de recourir à la procédure prioritaire. Cela permet un examen très attentif et assez rapide du dossier.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 106 et 177.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié bis, présenté par Mme Létard, MM. Guerriau et Bonnecarrère, Mme Loisier, MM. Delahaye, Médevielle, Longeot, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 24
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application du premier alinéa, l’office tient compte des informations sur la vulnérabilité qui lui sont transmises en application de l’article L. 744-6 et des éléments de vulnérabilité dont il peut seul avoir connaissance au vu de la demande ou des déclarations de l’intéressé.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. La commission des lois a supprimé cette disposition relative aux conditions d’examen de la vulnérabilité du demandeur, estimant que cette question relève du pouvoir réglementaire.
Or, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, la prise en compte de la vulnérabilité, inspirée par la nécessité de transposer la directive Procédures, constitue l’une des avancées les plus notables du projet de loi. Ainsi, l’OFPRA pourra, à quelque stade que ce soit de la procédure, définir les modalités particulières d’examen pour l’exercice des droits d’un demandeur en raison de sa vulnérabilité.
Cette approche différenciée permettra aussi de statuer prioritairement sur certaines demandes a priori appelées à recevoir une réponse favorable. Cela démontre que le recours à une procédure accélérée, loin d’être nécessairement négatif, peut intervenir dans l’intérêt même des demandeurs. Cette démarche permettra de consacrer une pratique de l’OFPRA consistant à assurer un traitement adapté des demandes en fonction de leur contenu.
Le présent amendement vise à permettre à l’OFPRA de pouvoir tenir compte des informations qui lui auront été transmises par l’OFII, tout en continuant à s’appuyer également sur ses propres informations.
Néanmoins, la prise en compte de la vulnérabilité d’un demandeur est un élément essentiel, qui déterminera l’ensemble de l’examen de son dossier. Sachant qu’il a été choisi, en particulier en inscrivant des délais précis dans le projet de loi, d’introduire au niveau législatif des éléments pouvant relever du niveau réglementaire, il me semble important, la propreté du texte dût-elle en souffrir, d’insérer cet alinéa, qui précise les conditions dans lesquelles l’OFPRA appréciera les éléments permettant d’évaluer la situation de vulnérabilité d’une personne. S’il est vrai que cet élément peut paraître relever du domaine réglementaire, il sera déterminant pour l’appréciation de chaque situation individuelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois tient à une certaine rigueur ! Il n’est point de réunion de commission où l’on n’invoque la nécessité de légiférer moins, de s’en tenir strictement à notre « cœur de métier », à savoir la rédaction de la loi, en évitant d’introduire dans celle-ci des dispositions d’ordre réglementaire.
En tant que rapporteur, j’ai essayé de me conformer à ce principe dans l’examen du présent texte. Sur le fond, il n’y a pas de divergence entre nous, mais la commission des lois a considéré que cette disposition relève du domaine réglementaire et a émis un avis défavorable sur l’amendement.
J’aimerais donner satisfaction à Mme Létard, mais nous devons respecter les règles que nous nous sommes fixées…
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. À titre personnel, je suis assez sensible aux propos de Mme Létard.
De fait, gardienne de la frontière entre le domaine de la loi et le champ du pouvoir réglementaire, la commission des lois ne pouvait qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement. Cela étant, pour ma part, je le voterai, en espérant que mes collègues de la commission ne m’en feront pas reproche…
Mme Valérie Létard. Merci !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je salue la prise de position du président de la commission des lois. Je suis moi aussi très favorable à cet amendement visant à réintroduire, au bénéfice des publics les plus vulnérables, une disposition qui figurait dans le texte issu de l’Assemblée nationale. La commission des lois l’a supprimée pour des raisons de droit, non pour des raisons de fond, et encore moins pour des raisons politiques ! Je souhaite que cet amendement puisse être adopté à la plus large majorité.
M. Robert del Picchia. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 31, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’inscription dans la loi des éléments qui pourront être fournis par le demandeur –documents concernant son âge, son histoire personnelle, y compris celle de sa famille, son identité, sa ou ses nationalités, ses titres de voyage, les pays et les lieux où il a résidé auparavant, ses demandes d’asile antérieures, son itinéraire, ainsi que les raisons justifiant sa demande – semble contre-productive, d’autant qu’il est précisé à l’alinéa suivant qu’« il appartient à l’office d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande ».
Ces dispositions, outre qu’elles sont d’ordre réglementaire, nous paraissent superflues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une disposition au motif qu’elle serait d’ordre réglementaire. Intellectuellement, un tel argument me convient ! Il semblerait cependant que cette disposition soit nécessaire pour assurer la transposition de la directive.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, dont l’adoption altérerait la portée de la transposition de la directive ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Requier, l'amendement n° 12 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Devant le peu de soutien que reçoit cet amendement, je le retire, madame la présidente ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 12 est retiré.
L'amendement n° 251, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 33
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« À titre expérimental, peut être créé par décret en Conseil d’État un service déconcentré de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides compétent pour statuer dans les conditions prévues aux titres Ier et II du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sur les demandes d’asile introduites par les personnes domiciliées dans le ressort géographique de ce service.
« Le décret mentionné à l’alinéa précédent définit les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation. Il précise, après avis du directeur général de l’office, le lieu d’implantation et le ressort géographique du service déconcentré de l’office ainsi que les conditions dans lesquelles cette expérimentation est évaluée. L’expérimentation est d’une durée de deux ans à compter de la date fixée par ce décret.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cet amendement vise à reprendre un amendement très intéressant de Mme Létard, qui semble avoir été déclaré irrecevable au titre des dispositions de l’article 40 de la Constitution.
Il s’agit d’autoriser la création, par décret et à titre expérimental, d’un service déconcentré de l’OFPRA pour une durée de deux ans, à l’issue de laquelle un bilan sera effectué. Les enseignements de cette expérimentation seront incontestablement utiles pour réfléchir plus avant aux meilleures modalités d’organisation de l’examen des demandes d’asile dans notre pays.
Cette expérimentation s’inscrit dans le prolongement des missions temporaires déconcentrées que l’OFPRA conduit depuis maintenant deux ans. Le Gouvernement veillera naturellement à ce que l’expérimentation s’effectue dans des conditions pleinement respectueuses du bon fonctionnement de cet organisme, notamment au regard de son indépendance fonctionnelle et de la situation de ses agents.
Alors que ce projet de loi a pour objet d’établir un hébergement directif et de mieux répartir les demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire de la République, il paraît tout à fait pertinent de chercher à repositionner les institutions chargées de l’asile au plus près des demandeurs d’asile et des territoires.
C’est vrai pour l’OFPRA, ce peut l’être aussi pour la CNDA. C’est également vrai pour les préfectures et les directions territoriales de l’OFII, qui travaillent d’ores et déjà de concert à la création de guichets uniques régionaux. L’asile est une compétence de l’État, mais celle-ci doit être exercée au plus près des territoires.
Si cet amendement a été déclaré irrecevable par la direction de la séance du Sénat, dont je salue la vigilance et l’attachement au bon usage des deniers publics, que j’ai pu apprécier dans des fonctions antérieures, il ne nous semble pas faire peser une charge déraisonnable sur les finances publiques. Dans ce cas, le Gouvernement ne l’aurait pas repris.
Au contraire, la disposition présentée ouvre une possibilité d’expérimentation à laquelle le Gouvernement recourra naturellement en fonction des données budgétaires. Ce mode d’organisation pourrait être de nature à réduire les délais de procédure, à limiter les déplacements des demandeurs d’asile, financés en partie sur deniers publics, et, ainsi, à engendrer des économies. Les missions foraines de l’OFPRA génèrent des frais : il peut être plus économique, dès lors qu’une région connaît une forte demande en matière d’asile, d’y créer un service permanent.
Sur le plan budgétaire, je pense donc que nous avons intérêt à mettre en place cette expérimentation. J’ajoute que cela ouvrirait des possibilités de mobilité territoriale aux agents de l’OFPRA, ce qui ne peut être mauvais. Le bilan de l’expérimentation sera à tous égards très intéressant. D’ailleurs, si cet amendement est adopté, je proposerai que le Parlement soit tenu régulièrement informé des conditions dans lesquelles elle sera mise en œuvre.
Cette expérimentation va dans le sens d’une modernisation de l’action publique et d’une meilleure mise en œuvre du service public de l’asile. Elle permettra en outre des économies budgétaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a eu un débat de fond sur cet amendement avant qu’il ne soit déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
Personne ne conteste l’idée qu’il faille donner des moyens suffisants à l’OFPRA pour traiter les demandes d’asile. Concernant la mise en place d’une expérimentation de la déconcentration des services de l’OFPRA, certains membres de la commission ont estimé qu’il n’appartenait pas au législateur de décider de l’organisation des services de l’État, qui relève de l’administration, donc d’une décision gouvernementale. D’autres ont souligné qu’il convenait de veiller à l’unité de traitement des demandes d’asile sur l’ensemble du territoire, la priorité étant sans doute, à ce titre, de renforcer l’OFPRA et de mettre en œuvre une politique cohérente. D’autres encore ont expliqué qu’ils étaient d’accord avec cette proposition et que la mise en place de missions complémentaires entre l’OFPRA et l’OFII pouvait être envisagée.
Par ailleurs, il a été observé sur le terrain que, dans des territoires comme la région Rhône-Alpes, l’OFPRA conduisait sur une durée limitée des missions foraines assez efficaces. En outre, on a fait remarquer que la loi permet déjà de recourir à la visioconférence et que l’OFPRA pouvait utiliser ce moyen sur le territoire national.
Enfin, d’aucuns ont souligné le coût d’une telle expérimentation.
C’est sur la base de l’ensemble de ces éléments que la commission des lois a émis un avis défavorable sur l’amendement déposé par Mme Létard. Il me semble que l’on gagnerait sans doute à privilégier un usage plus large de la visioconférence, technique qui paraît efficace et fonctionne remarquablement bien à la Cour nationale du droit d’asile, ainsi que les membres de la commission ont pu le constater sur place. Pour l’heure, je confirme l’avis défavorable de la commission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Je remercie M. le ministre d’avoir pris la peine de s’intéresser à un amendement qui n’a pas prospéré, l’article 40 de la Constitution lui ayant été opposé.
Cet amendement était le fruit d’un long travail de concertation avec de nombreux acteurs de la politique de l’asile, mené sur le terrain aux côtés de mon collègue député Jean-Louis Touraine. Cette concertation a rassemblé des services de l’État, des associations, l’OFPRA, en particulier son directeur, des membres de la Cour nationale du droit d’asile ou du Haut-Commissariat aux réfugiés. Cela nous a donné l’occasion de mesurer combien la territorialisation de l’action de l’OFPRA pouvait être d’une remarquable efficacité.
M. le rapporteur a rappelé un certain nombre d’objections avancées en commission. La commission des finances s’est, quant à elle, inquiétée du coût d’une telle expérimentation.
Aujourd’hui, dans les régions où les demandeurs d’asile sont nombreux, l’OFPRA conduit déjà des missions foraines : des personnels parisiens se rendent dans ces territoires pour procéder à des auditions. Cette démarche est d’une réelle efficacité et permet une réduction immédiate des délais d’instruction. Mais ces missions foraines ont elles aussi un coût ! On les met pourtant en œuvre, parce qu’elles permettent de remédier aux situations d’engorgement à l’origine des difficultés qui nous conduisent aujourd’hui à légiférer.
Cela montre que, ne serait-ce que de ce point de vue, la territorialisation de l’action de l’OFPRA peut se révéler intéressante. Il s’agit non pas de supprimer cet organisme, mais seulement d’organiser une expérimentation de sa déconcentration dans les territoires, afin d’étudier sa pertinence, en termes de coût et d’efficacité. Ce n’est qu’ensuite que l’on pourra envisager, le cas échéant, sa généralisation.
Par ailleurs, chaque année, il est demandé à 65 000 demandeurs d’asile de se rendre à Paris pour être entendus par l’OFPRA. Il est recouru à la visioconférence pour l’outre-mer, mais, nous le savons, cette solution n’est pas pleinement satisfaisante et ne peut être que complémentaire. Au travers de ce projet de loi, on opte pour une orientation directive des demandeurs d’asile, avec une territorialisation des demandes. Dans cette perspective, il serait logique et intéressant d’expérimenter la territorialisation de l’action de l’OFPRA. Cela engendrerait une économie significative, car déplacer 65 000 personnes à Paris chaque année est coûteux.
Ce dispositif permettra à la fois de réduire les délais et de conduire l’instruction des dossiers dans de bonnes conditions, au bénéfice des demandeurs d’asile. On aura beau augmenter les moyens octroyés à la Cour nationale du droit d’asile et à l’OFPRA, il restera très difficile de réduire les délais, de gagner en efficacité et de réaliser des économies si les demandeurs d’asile ont du mal à accéder à l’instance chargée d’instruire leur dossier.
Personne n’ayant la science infuse, il paraît intéressant d’autoriser l’expérimentation de la déconcentration de l’action de l’OFPRA dans deux régions. Nous jugerons sur pièces ! Il me semble qu’adopter une telle disposition ne nous engage pas outre mesure, mais peut permettre d’améliorer le service rendu aux demandeurs d’asile et de rendre l’État plus efficace, tout en réalisant des économies.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je remercie M. le rapporteur d’avoir retracé fidèlement la teneur des débats que nous avons eus en commission. Un certain nombre de réserves avaient en effet été exprimées lors de l’examen de l’amendement de Mme Létard, portant en particulier sur le fait que les compétences géopolitiques ne peuvent guère se diviser. Il serait déjà souhaitable qu’elles soient mieux partagées entre l’OFPRA et la CNDA. J’ai eu l’occasion de formuler une telle observation dans un rapport d’information.
Pour autant, les arguments avancés par Mme Létard sont tout à fait recevables. Dès lors que l’on met en place un hébergement directif des demandeurs d’asile, la déconcentration de l’action de l’OFPRA a du sens en termes d’efficacité, de coût et de délais.
J’attire l’attention sur le fait que si, en Allemagne, l’homologue de l’OFPRA est fortement déconcentré à l’échelon des Länder, les fonctions remplies sont différentes. Il a été choisi de confier à l’OFII la responsabilité de l’accueil des demandeurs d’asile. Or il aurait pu être intéressant, pour se rapprocher du modèle allemand, d’attribuer cette mission à l’OFPRA, ce que ne permettra pas l’expérimentation. Je tenais à souligner ce point, sur lequel nous reviendrons au cours des débats.
Quoi qu’il en soit, le principe de cette expérimentation est intéressant, et nous voterons l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. L'amendement n° 109, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 34, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Nous considérons que la dernière phrase de l’alinéa 34 est pour le moins vague et sujette à interprétation.
En effet, s’il était adopté, son dispositif conduirait à rejeter ou à écarter les demandes d’asile formées par des personnes dont on suppose qu’elles pourraient solliciter la nationalité d’un pays susceptible de leur fournir une protection.
S’ajoutant aux notions déjà sujettes à caution d’asile interne et de pays d’origine sûrs, ce double degré d’incertitude laisse trop de place à la spéculation, n’offre aucune sécurité juridique et engendre un risque d’atteinte au principe de non-refoulement. Il convient donc de supprimer cet alinéa.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa prévoyant que lorsque l’OFPRA instruit une demande, il prend en compte le fait que le demandeur peut se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il est en droit de revendiquer la nationalité. Il ne s’agit pourtant là que de l’application stricte de l’article 1er de la convention de Genève.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je voudrais apporter à Mme Benbassa, dont je comprends la préoccupation, quelques garanties sur les objectifs visés par le Gouvernement.
Cet amendement tend à supprimer la mention selon laquelle l’OFPRA, lorsqu’il statue sur une demande d’asile, tient compte de la possibilité, pour le demandeur, de se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il peut revendiquer la nationalité.
Cette disposition n’est en réalité que la transposition de l’article 4-3-E de la directive Qualifications. Dans le respect de l’économie générale de la convention de Genève, la protection internationale ne trouve à s’appliquer que lorsque la protection nationale fait défaut. Il va de soi que ce principe est appliqué et continuera de l’être de façon très restrictive. Il ne s’agit aucunement de renvoyer un demandeur vers une nationalité hypothétique. Conformément à l’arrêt Spivak du Conseil d’État de 1997, il concerne des demandeurs pouvant obtenir une citoyenneté sur simple demande, comme c’est le cas par exemple pour la citoyenneté arménienne ou sud-coréenne. Dans de tels cas, le demandeur doit indiquer les raisons pour lesquelles il refuse de se prévaloir de la nationalité qu’il peut obtenir.
J’espère que ces éclaircissements vous auront convaincue, madame la sénatrice. Si c’est le cas, je vous invite à retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Benbassa, l'amendement n° 109 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 109 est retiré.
L'amendement n° 110, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 35
Après les mots :
subir des atteintes graves
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Nous considérons que la fin de l’alinéa 35 est elle aussi pour le moins vague et sujette à interprétation.
En effet, l’adoption de cette disposition conduirait à instaurer une présomption de crédibilité de la demande d’asile sur le fondement d’indices qui, articulés à une spéculation, pourraient également servir à la rejeter. Cela créerait une trop grande insécurité juridique et constituerait un risque certain d’atteinte au principe de non-refoulement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission considère que l’OFPRA doit pouvoir apprécier, outre la situation dans laquelle se trouve le demandeur en raison de ce qu’il a vécu, les évolutions possibles de celle-ci.
La rédaction actuelle du texte lui paraissant satisfaisante, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 111 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 178 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 36
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 111.