Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ce sous-amendement vise à clarifier les dispositions relatives au contrat de projet que tend à insérer dans le code du travail l’amendement que vient de défendre notre collègue Catherine Procaccia. Il tend à préciser que ce contrat doit être obligatoirement établi par écrit et à modifier les dispositions relatives à son terme.
La réalisation du projet pour lequel ce contrat aura été conclu emporterait sa rupture et ne s’analyserait pas comme un licenciement, comme lors de l’acceptation par un salarié du contrat de sécurisation professionnelle en cas de licenciement pour motif économique. Un délai de prévenance d’au moins deux mois devra toutefois être respecté.
Il est évident aujourd'hui que la rigidité des modalités de rupture d’un contrat de travail constitue un frein à l’embauche et à l’activité. Une des solutions à ce problème passe, comme l’a dit notre collègue, par la généralisation du contrat de projet tel qu’il a été proposé.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° 910 rectifié bis.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement étant identique à l’amendement n° 742, il est défendu.
J’indique que je partage l’avis de la commission spéciale et que je suis favorable aux précisions qu’elle souhaite apporter. Je me rallierai donc à l’amendement n° 742, modifié par le sous-amendement n° 1784.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 1784, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 742.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Ces deux amendements identiques, ainsi que le sous-amendement de Mme la corapporteur, visent à étendre le contrat à durée déterminée à objet défini expérimenté à la suite de l’ANI de 2008, lequel est réservé, je le rappelle, au recrutement d’ingénieurs et de cadres principalement, dans le cadre d’un projet tout à fait spécifique, que l’on sait définir.
Le CDDOD, qui a été pérennisé dans la loi relative à la simplification de la vie des entreprises, sur proposition du Sénat, est destiné à un public très qualifié, exerçant des tâches justifiant ce type de contrat et dans le cadre de missions définies. Ce contrat est très encadré par l’ANI de 2008 : il ne peut être d’une durée supérieure à trente-six mois et ne peut pas être renouvelé.
Je dois dire que la généralisation de ce type de contrat me pose problème à ce stade, et ce pour trois raisons.
Premièrement, ce contrat, s’il est adapté aux catégories de salariés les plus qualifiés, ne l’est pas à la grande majorité des salariés, sauf à en faire une voie de contournement.
Deuxièmement, je rappelle qu’une conférence économique et sociale réunissant les PME-TPE aura lieu au début du mois de juin prochain. Sans préempter ici les résultats de cette conférence, je dis d’emblée que ce type de contrat ne fera pas partie des voies de sortie.
Troisièmement, et cette raison est la plus importante à mes yeux, je suis profondément convaincu que ce n’est pas en créant de nouveaux types de contrats ou en étendant certains types de contrats existants que nous parviendrons à régler les problèmes que nous rencontrons aujourd'hui sur le marché du travail ; cela ne ferait qu’ajouter de la complexité et susciter des interrogations méthodologiques ou juridiques. Je pense qu’il vaut mieux traiter le cœur même du problème et s’interroger sur les raisons pour lesquelles, alors que 90 % des embauches se font en CDD, quelque 80 % du stock des emplois sont tout de même toujours des CDI aujourd'hui.
Nous devons nous orienter vers un contrat unique, qui s’appelle le CDI. Il nous faut, d’une part, trouver des moyens de le rendre plus attractif, et, d’autre part, responsabiliser les entreprises, afin qu’elles proposent moins de contrats courts et plus de CDI. Tel sera le défi que nous devrons collectivement relever lors de la prochaine négociation de la convention UNEDIC. Nous devons redéfinir les modalités du CDI, en particulier ses modalités de rupture.
Cette piste de réflexion me paraît bien plus porteuse d’espoir que l’extension des contrats exceptionnels ou la création d’un nouveau type de contrat, comme le proposent parfois certains.
Je pense que la loi relative à la sécurisation de l’emploi, les accords de maintien dans l’emploi dit « défensifs », les négociations prochaines sur l’AME défensif – je ne reviens pas sur la distinction que je fais entre AME défensif et AME offensif – et les réflexions sur le CDI constituent des pistes qui permettront une amélioration probante du marché du travail.
Pour ces trois raisons, j’émettrai un avis défavorable sur les amendements identiques nos 742 et 910 rectifié bis, ainsi que sur le sous-amendement n° 1784.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je partage l’avis de M. le ministre sur ces contrats à objet défini ; comme quoi, tout arrive ! (Sourires.)
Je me souviens des débats que nous avions eus voilà quelques années dans cet hémicycle sur les contrats à durée déterminée et à objet défini : M. Xavier Bertrand représentait alors le Gouvernement, et nous n’étions déjà pas favorables à ces contrats qui étaient destinés principalement aux cadres ingénieurs et censés favoriser notre recherche universitaire. Nous n’avions pas été convaincus par les arguments avancés à l’époque. Nous sommes donc bien évidemment opposés à la généralisation de ces contrats !
J’ai bien entendu aussi la volonté de M. le ministre de rechercher, sur les CDI, un équilibre entre les intérêts des salariés et la possibilité pour les entreprises de s’adapter à leur charge de travail.
Quoi qu’il en soit, nous sommes opposés à ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Nous avons déjà eu ce débat à la fin de l’année dernière, lors de l’examen du projet de loi de simplification de la vie des entreprises. Nous avions alors soutenu la pérennisation des contrats à objet défini, notamment pour les chercheurs, qui la réclamait. En revanche, chers collègues, nous ne pouvons aujourd’hui souscrire à la généralisation de ces contrats que vous proposez au travers de ces amendements.
Plus largement, il existe à droite une espèce de croyance mythique : le contrat de travail à durée indéterminée bloquerait l’embauche et expliquerait notre taux de chômage massif. Chers collègues, vous savez bien que, chez ceux qui s’intéressent au marché du travail, les avis sont partagés, y compris du côté du patronat. Quoi qu’il en soit, on ne réglera pas ce problème par une solution unique.
Lorsqu’on observe le nombre de CDD qui sont signés, la place de l’intérim et les quelque 900 000 ruptures conventionnelles intervenues l’an passé – un dispositif instauré par la droite auquel nous n’avons pas touché –, on mesure que les entreprises ne sont pas pieds et poings liés par ce fameux CDI.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Il existe déjà des souplesses dans l’économie, et l’on ne peut pas rendre le CDI responsable de tous les maux qui nous affectent. Nous savons bien que l’origine du chômage massif réside principalement dans la panne de l’économie et dans son manque de compétitivité.
Nous voterons donc contre le dispositif que nous propose la majorité de la commission spéciale.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Monsieur le ministre, j’entends bien vos arguments. Toutefois, sur le terrain, nous rencontrons des chefs d’entreprise qui ont à la fois des besoins en termes d’embauche et des craintes par rapport à la situation actuelle.
Si des évolutions interviennent ultérieurement, nous ne pourrons que nous en réjouir, et nous ne les bloquerons pas. Toutefois, nous souhaitons dès à présent mettre en place un outil qui puisse être rapidement opérationnel pour les entreprises.
Ce week-end, je lisais la revue de presse de mon département : la chute du nombre d’entreprises, TPE ou PME, dans certains secteurs d’activité est considérable !
Mme Annie David. Ce n’est pas la faute du CDI !
Mme Catherine Deroche. Bien entendu, le CDI n’est pas seul responsable, mais notre objectif au travers de ce texte est de donner des moyens aux entrepreneurs.
M. Vincent Delahaye. Je retire l’amendement n° 910 rectifié bis, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 910 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 742, modifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 98 A.
L'amendement n° 744, présenté par Mme Procaccia, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Charon, Commeinhes et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Emorine, Fouché, B. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Paul, Pellevat, Pierre, Poniatowski et Portelli, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 98 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre V du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est complété par des articles L. 5125–8 à L. 5125–10 ainsi rédigés :
« Art L. 5125-8. – Un accord de branche peut déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur d’une entreprise de la branche peut, en contrepartie de l’engagement de maintenir ou développer les emplois pendant la durée de l’accord, aménager, pour les salariés occupant ces emplois, la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ainsi que la rémunération au sens de l’article L. 3221–3.
« Art. L. 5125-9. – Par dérogation à l’article L. 2232-6, la validité de l’accord mentionné à l’article L. 5125-8 est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l’audience prévue au 3° de l’article L. 2122-5 ou, le cas échéant aux élections visées à l’article L. 2122-6, au moins 50% des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants.
« Art. L. 5125-10. – Les II, III et IV de l’article L. 5125-1, ainsi que les articles L. 5125-2 et L. 5125-3 sont applicables aux entreprises de la branche qui appliquent l’accord mentionné à l’article L. 5125-8. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement tend à ouvrir la possibilité de mettre en place des accords offensifs et défensifs en faveur de l’emploi au niveau de la branche, alors que cette possibilité n’est pour l’instant ouverte qu’au niveau de l’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous avons axé notre réflexion sur les accords de maintien ou de développement de l’emploi à l'échelle des entreprises, considérant que c’était le niveau le plus pertinent pour négocier.
Cet amendement vise à donner un outil supplémentaire aux entreprises, qui pourraient se référer à une sorte d’accord-cadre au niveau de la branche. Toutefois, si l’accord de branche s’applique directement au niveau de l’entreprise, il devra être décliné et adapté.
En conséquence, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Qu’ils soient offensifs ou défensifs, de tels accords conclus à ce niveau ne répondraient pas à l’objectif des accords de maintien de l’emploi. En effet, la situation économique de l’entreprise ne peut pas s’apprécier à l’échelon de la branche ! Ou alors ces accords obéiraient à une logique très différente.
Je me souviens d’ailleurs que vous appeliez vous-même, madame la sénatrice, la semaine dernière, à faire preuve de cohérence lorsque nous faisions référence à la mission Combrexelle. Pour la même raison, je vous inviterai donc, à retirer cet amendement, dont les dispositions viendraient détricoter la hiérarchie des normes sans en avoir posé les principes.
Mme Catherine Procaccia. Je le retire, monsieur le président !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Quel ministre persuasif ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 744 est retiré.
Article 98
(Non modifié)
L’article L. 1233-5 du code du travail est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Pour les entreprises soumises à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63, le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements peut être fixé par l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1 ou par le document unilatéral mentionné à l’article L. 1233-24-4.
« Dans le cas d’un document unilatéral, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d’emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emploi.
« Les conditions d’application de l’avant-dernier alinéa du présent article sont définies par décret. »
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le code du travail définit des critères d’ordre à appliquer en cas de licenciement.
Ces critères, objectifs, prennent notamment en compte les charges de famille, en particulier pour les parents isolés, l’ancienneté, la situation des salariés, notamment pour celles et ceux qui présentent des caractéristiques sociales rendant difficile leur réinsertion professionnelle – seniors, personnes en situation de handicap, etc. – et les qualités professionnelles.
Or la loi du 14 juin 2013, qui fait suite à l’accord national interprofessionnel, permet à l’employeur, après consultation du comité d’entreprise, de fixer les critères d’ordre des licenciements. Cette loi permet également aux entreprises, par accord collectif, de privilégier un critère par rapport à un autre, ou encore de définir un périmètre d’application de ces critères inférieur à celui de l’entreprise.
Cet article, tel qu’il a été présenté à l’Assemblée nationale, proposait d’étendre cette possibilité à l’ensemble des entreprises soumises à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi, ou PSE, avec ou sans la conclusion d’un accord collectif.
Autrement dit, cela permettait aux entreprises de cibler leurs licenciements. En effet, elles ont la possibilité d’établir elles-mêmes les critères d’ordre des licenciements, et l’article leur proposait de réduire leur périmètre d’application, par exemple au niveau d’un atelier ou d’un service.
Bien entendu, de notre point de vue, ce n’est pas acceptable. C’est pour cette raison que l’Assemblée nationale a introduit la notion de « zones d’emploi », selon la définition de l’INSEE. Il s’agit d’un compromis entre l’entreprise et l’établissement, ou l’atelier. Pour autant, nous ne sommes pas satisfaits.
Tout d’abord, l’intention première du Gouvernement, même si elle a été revue par l’Assemblée nationale, nous choque profondément.
Ensuite, cet article constitue une ingérence du législateur dans les contentieux en cours devant les tribunaux administratifs. Il nous est proposé de faire fi de tout un pan jurisprudentiel.
Ainsi, quand les employeurs ne sont pas satisfaits des décisions judiciaires, la loi est changée en leur faveur. C’est le cas quand vous proposez que l’annulation de l’homologation des PSE par la justice administrative ait une portée plus limitée. C’est également le cas concernant les juridictions prud’homales, affaiblies parce qu’elles constituent un dernier recours pour les salariés, afin de faire valoir leurs droits.
Dans le cas présent, cet article répond au problème rencontré par la société Mory Ducros. Celle-ci a en effet annoncé son dépôt de bilan en novembre 2013. Son actionnaire principal, Arcole, a alors proposé de racheter l’entreprise, en conservant quelque 2 100 emplois sur 5 000. Or, la société Mory Global, née de la reprise de Mory Ducros, vient également d’annoncer la suppression de l’ordre de 2 000 postes…
Alors que le ministre du travail qualifie cette annonce de « drame social », le présent projet de loi prévoit une mesure qui arrangerait fortement l’entreprise Mory Ducros.
En effet, la justice a annulé l’homologation du PSE de Mory Ducros, au motif que le document unilatéral ne pouvait pas procéder à l’application des critères de l’ordre de licenciement au niveau de chacune des quatre-vingt-cinq agences appartenant à la société Mory Ducros sur le territoire national. Elle a estimé que la définition d’un tel périmètre d’application des critères méconnaît l’article L. 1233-5 du code du travail, dès lors que sa détermination à un niveau inférieur à celui de l’entreprise n’est envisageable que dans le cadre d’un accord collectif. Cette décision a été rendue par la cour administrative d’appel de Versailles et la Cour de cassation.
Cet article vient directement remettre en cause la décision jurisprudentielle, et ce dans un contexte pour le moins compliqué, puisque l’actionnaire qui avait repris Mory Ducros supprime à nouveau des milliers d’emplois.
Nous ne pouvons bien entendu que nous opposer à une telle mesure, comme d’ailleurs nous nous sommes opposés aux mesures prévues par l’ANI, visant à laisser l’employeur fixer les critères d’ordre des licenciements.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 88 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 172 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux et MM. Durain et Cabanel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 88.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet article 98 autorise les employeurs qui définissent unilatéralement le plan de sauvegarde de l’emploi à fixer le périmètre d’application des critères relatifs à l’ordre des licenciements à un niveau qui ne peut être inférieur à la zone d’emploi d’un établissement.
Officiellement, il s’agirait de mettre fin aux divergences d’analyse des juridictions qu’aurait mises en exergue l’affaire Mory Ducros.
Vous avez en réalité mis à profit des interprétations antinomiques de la justice administrative et l’insécurité juridique qui en découle pour remettre en cause la règle selon laquelle l’ordre des licenciements doit s’appliquer à l’échelle du personnel de l’entreprise.
D’après l’étude d’impact, le problème viendrait des difficultés pour les entreprises dont l’un seulement des établissements fait l’objet d’une restructuration. En autorisant l’employeur à déterminer unilatéralement l’ordre des licenciements sur ce périmètre extrêmement flou qu’est la « zone d’emploi », on aboutit à un véritable mépris de la démocratie sociale !
La zone d’emploi est, selon le vocabulaire de l’INSEE, « un espace géographique à l’intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent, et dans lequel les établissements peuvent trouver l’essentiel de la main-d’œuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts ».
Faire de la zone d’emploi l’espace minimal d’application des critères d’ordre des licenciements est une avancée par rapport au texte initial. Cette notion demeure toutefois difficile à apprécier. En remplaçant la logique organisationnelle de l’entreprise par une notion territoriale, les difficultés d’interprétation de la justice administrative ne semblent pas terminées.
Pour encadrer la détermination unilatérale par l’employeur de la « zone d’emploi », des critères objectifs devront être fixés pour savoir si les entités de tel établissement ou de telle agence sont intégrées ou non dans le PSE.
Le constat partagé est un renforcement du pouvoir de l’employeur dans le choix des salariés qui seront licenciés lors des plans de sauvegarde de l’emploi.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 98 autorise les employeurs qui définissent unilatéralement un plan de sauvegarde de l’emploi ou PSE à fixer le périmètre d’application des critères relatifs à l’ordre des licenciements à un niveau qui ne peut être inférieur à la zone d’emploi du ou des établissements.
La commission est défavorable à la suppression de cet article, qui nous semble offrir un bon compromis pour les entreprises et les salariés.
Je rappellerai au préalable que, de l’avis de certains juristes et du ministère du travail, le droit en vigueur permet en théorie à un employeur de fixer par un document unilatéral de définition du PSE le périmètre d’appréciation de l’ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui de l’entreprise.
Toutefois, à la suite d’interprétations divergentes par les tribunaux, le Gouvernement a souhaité à juste titre clarifier les règles. La version initiale du projet de loi n’était à cet égard guère satisfaisante, car elle ne fixait aucune limite à l’employeur : rien n’aurait empêché d’appliquer cet ordre au niveau d’un atelier, d’un service, voire d’une équipe.
Le choix qu’a fait l’Assemblée nationale de retenir comme plancher le niveau de la zone d’emploi au sens de l’INSEE constitue à nos yeux un compromis acceptable entre l’échelon de l’entreprise et celui de l’établissement. Il évite tout ciblage de salariés, tout en offrant des marges de souplesse aux employeurs.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 538 rectifié ter, présenté par MM. Vincent, Antiste et D. Bailly, Mmes Cartron, Emery-Dumas et Monier et MM. Tourenne, Yung, Delebarre, Chiron et Vandierendonck, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
décret
insérer les mots :
en Conseil d’État
La parole est à M. Maurice Vincent.
M. Maurice Vincent. Il s’agit d’un amendement de précision. La référence à une zone d’emploi territoriale constitue une procédure nouvelle ; par conséquent, il nous a semblé important que le décret qui permettra sa mise en œuvre soit pris en Conseil d’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La nécessité d’un décret pris en Conseil d’État est loin d’être évidente. De surcroît, cela risquerait à nos yeux de retarder la mise en œuvre de cet article, qui constitue une mesure intéressante et attendue par les entreprises.
La commission spéciale a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 538 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 98.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 178 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 308 |
Contre | 20 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l'article 98
M. le président. L'amendement n° 1337 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 98
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1233-3 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « notamment » est remplacé par les mots : « à une cessation d’activité ou » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur doit justifier de manière précise l’ensemble des mesures prises afin de limiter la suppression d’emplois. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, si vous me le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 1310, 1311 et 1313 rectifié. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Ces amendements feront donc l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 1310, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 98
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du 1° du 1. de l’article 39 du code général des impôts, après les mots : « dépenses de personnel et de main-d’œuvre », sont insérés les mots : « à l’exception des sommes représentant le montant des cotisations versées par l’entreprise au titre de sa participation au financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale pour les risques professionnels ».
L'amendement n° 1311, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 98
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 232-12 du code de commerce il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les sommes distribuables sont au préalable, et prioritairement, affectées à la garantie de l’intégralité des salaires des travailleurs qui, tout en restant liés à leur employeur par un contrat de travail, subissent une perte de salaire imputable soit à la fermeture temporaire de l’entreprise qui les emploie, soit à la réduction de l’horaire de travail habituellement pratiqué. »
L'amendement n° 1313 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 98
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
... – Après l’article L. 1233-10 du code du travail, sont insérés deux articles L. 1233-10-… et L. 1233-10-… ainsi rédigés :
« Art. L. 1233-10-… – Outre les renseignements prévus à l’article L. 1233-10, dans les entreprises de cinquante salariés et plus, l’employeur adresse aux représentants du personnel les mesures qu’il envisage de mettre en œuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité.
« Art. L. 1233-10-... – Dans les entreprises de cinquante salariés et plus lorsque le projet de licenciement concerne moins de dix salariés dans une même période de trente jours, l’autorité administrative vérifie, dans le délai de vingt et un jours à compter de la date de la notification du projet de licenciement, que :
« 1° Les représentants du personnel ont été informés, réunis et consultés conformément aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur ;
« 2° Les obligations relatives à l’élaboration des mesures sociales prévues par l’article L. 1233-32 ou par des conventions ou accords collectifs de travail ont été respectées ;
« 3° Les mesures prévues à l’article L. 1233-32 seront effectivement mises en œuvre. »
Vous avez la parole pour les présenter, ma chère collègue.