M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Ces amendements tendent à supprimer l’habilitation prévue à l’article 57 du projet de loi pour, d’une part, transposer la directive du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession et, d’autre part, à cette occasion, harmoniser et simplifier les règles applicables aux divers contrats de concession.
Les discussions au moment de la négociation de la directive puis celles qui ont suivi sur les modalités de sa transposition ont suscité de grandes inquiétudes de la part, en particulier, des élus locaux. En effet, les élus sont habitués au régime juridique issu de la loi dite Sapin du 25 janvier 1993 et craignent qu’il ne soit remis en cause, à la faveur de la transposition de la directive, qui ne concerne que certains types de contrats de concession, au-delà d’un certain montant.
De son côté, le Gouvernement poursuit une œuvre utile de codification et d’harmonisation du droit de la commande publique, par ordonnance, à l’occasion de la transposition de directives.
Une première ordonnance devrait être prochainement publiée, sur les marchés publics. Cette ordonnance présenterait d’ailleurs le mérite de reconnaître enfin la valeur législative des principes de l’ensemble du droit des marchés publics, mettant fin à une situation juridique contestable.
L’ordonnance prévue par le projet de loi sur les concessions est le second volet de ce travail qui doit, à terme, aboutir à l’édiction d’un véritable code de la commande publique.
La question qui nous est posée est donc celle de l’inquiétude quant à la remise en cause éventuelle de la loi Sapin en dehors du champ d’application de la directive sur les concessions. En audition, cher Rémy Pointereau, j’ai reçu M. Philippe Laurent, vice-président de l’AMF, et interrogé les représentants du Gouvernement, qui ont indiqué que telle n’était pas leur intention – ce que semble d'ailleurs contredire l’amendement que le Gouvernement présente à l’article 57, mais nous y reviendrons.
Dans ces conditions, pour rassurer tout le monde, j’ai proposé à la commission de bien préciser l’habilitation sur ce point, de façon à lever toute ambiguïté et à éviter toute querelle inutile. Avec le texte de la commission spéciale, l’habilitation du Gouvernement est encadrée, de telle manière que l’ordonnance à venir rassure totalement les élus locaux.
La commission ayant accepté l’habilitation ainsi précisée, les amendements de suppression de l’habilitation sont évidemment contraires à sa position.
J’ajoute que mes propos doivent être de nature à vous rassurer définitivement, puisque je m’opposerai tout à l'heure à l'amendement du Gouvernement visant à revenir au texte initial.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable aux amendements nos 56 et 149 pour plusieurs raisons, dont certaines viennent d’être exposées par M. le rapporteur.
La transposition par ordonnance – aujourd’hui, nous n’en sommes qu’au stade de l’habilitation, il reste encore beaucoup de travail à accomplir – reste l’option la plus sûre afin de respecter les délais de transposition, qui sont très contraints. La directive doit être impérativement transposée avant le 18 avril 2016, c’est-à-dire dans moins d’un an, soit un délai extrêmement court en matière de débat législatif. Or chacun connaît les sanctions pécuniaires qui pourraient menacer la France pour défaut de transposition.
Les dispositions de la directive, précises et d’une très grande technicité, laissent peu de marge de manœuvre aux États membres, qui doivent s’y conformer. Les seules options laissées ouvertes par la directive concernent des dispositifs favorables aux entreprises, plus particulièrement aux PME, qu’il n’est pas envisageable de remettre en cause.
J’ai bien entendu les inquiétudes qui se sont exprimées sur les principes que le Gouvernement entend suivre. Je vous le dis de manière très claire : le Gouvernement entend préserver les spécificités du modèle concessif français, sans remettre en cause, bien sûr, ni la notion de service public, ni la liberté des autorités publiques, quelles qu’elles soient, dans le mode de gestion de leur service public. Les acquis issus de la loi Sapin seront ainsi maintenus pour les contrats qui ne relèvent pas du champ d’application de la directive.
L’habilitation donnée par le Parlement doit permettre à tous les contrats de concession de bénéficier des nouvelles souplesses contenues dans la directive. Il n’est en effet pas envisageable de maintenir en droit français des dispositifs plus contraignants que les mesures européennes, par exemple dans les relations entre personnes publiques ou pour permettre la modification des contrats – nous y reviendrons probablement ultérieurement.
Enfin, cette habilitation ouvre le temps du travail autour de l’ordonnance ; celle-ci sera bien évidemment bâtie avec un travail de concertation efficace ouvert à l’ensemble des parties prenantes, notamment les associations d’élus que vous avez évoquées. Dès lors que l’habilitation est votée, le travail peut s’engager. Cette méthode, qui associe tous les acteurs intéressés, offrira à ces derniers une vision plus claire et plus cohérente du dispositif global.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 et 149.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 1541, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
, dans le seul champ d’application de la directive
II. – Alinéa 3
1° Remplacer les mots :
assurer la cohérence
par le mot :
unifier
2° Supprimer les mots :
, sans remettre en cause les règles applicables aux contrats n’entrant pas dans le champ de la directive précitée
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Cet amendement vise à rétablir le texte de l’article 57, qui habilite le Gouvernement à transposer la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 par voie d’ordonnance, dans sa rédaction adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement vous présente cet amendement parce qu’il lui paraît important de ne pas limiter strictement l’habilitation aux seuls contrats couverts par le champ de la directive. Cela ne permettrait pas d’assurer la cohérence de l’ensemble des contrats ni de faire bénéficier les contrats de concession exclus du champ de la directive pour des questions de seuil, par exemple, des souplesses nouvelles que la France s’est battue pour introduire dans le texte de la directive.
La directive permet à plusieurs collectivités publiques de coopérer entre elles sans que cette coopération soit soumise aux procédures de mise en concurrence. Ces règles vont être introduites en droit national pour les concessions d’un montant supérieur au seuil européen déterminant le champ d’application de la directive ; il ne serait pas normal que les collectivités ne puissent en bénéficier lorsqu’elles passent des concessions qui seraient inférieures à ce seuil.
La directive assouplit également les règles de quasi-régie et les conditions de passation des avenants par rapport au droit interne actuel. Là aussi, les collectivités qui passent des concessions sous les seuils européens doivent pouvoir en bénéficier.
Il ne serait donc pas logique de maintenir en droit français, pour des contrats d’un faible montant, des dispositions plus contraignantes que celles qui seront mises en place pour des contrats plus importants entrant dans le champ de la directive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement constitue tout de même une modification importante par rapport aux propos qui ont été tenus concernant les amendements précédents. Le Gouvernement reconnaît qu’il veut se limiter aux stricts effets des précisions apportées par la directive. Or, au travers de cet amendement, vous semblez dire qu’il est légitime, possible d’aller plus loin ; c’est la raison pour laquelle vous proposez de revenir au texte de l’habilitation adopté par l’Assemblée nationale, moins étroit.
J’avoue que cet amendement me laisse assez perplexe parce que, ce faisant, vous annihilez les effets du travail de la commission spéciale, qui a dissipé toutes les inquiétudes des élus. Ce simple changement de position, ce contre-pas du Gouvernement réanime l’inquiétude des élus. J’émettrai donc un avis défavorable sur l'amendement n° 1541, pour en rester aux assurances que j’ai données tout à l’heure pour répondre aux légitimes interrogations de mes collègues.
J’ajoute qu’il sera toujours possible d’amender le texte lorsque vous reviendrez devant le Parlement dans le cadre de l’ordonnance. Employer votre technique, c’est relancer l’inquiétude des élus que la commission spéciale a voulu apaiser en limitant strictement l’habilitation du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. Si l’Association des maires de France a été consultée par la commission, et je m’en félicite, elle ne l’a pas été au moment de la rédaction du texte, qui comporte tout de même un certain nombre de points importants pour les élus.
Je constate que la transposition des directives européennes est à géométrie variable. Le cas de l’énergie hydraulique, pour lequel les Allemands ont légèrement contourné la directive européenne, a été évoqué. Nous allons nous-mêmes souvent un peu plus loin qu’il ne le faut… L’objet de votre amendement ne précise-t-il pas : « À l’occasion de cet exercice de transposition, le Gouvernement ne procédera à aucune sur-transposition – ce qui signifie que c’est généralement le cas – et préservera les spécificités du modèle concessif français » ?
C’est pour cela que nous nourrissons des craintes quant à la manière dont vous allez mener la transposition. Peut-être faut-il faire comme les Allemands et taper du poing sur la table de temps en temps pour obtenir d’en négocier les termes ? Notre pays – c’est un problème franco-français – cherche toujours à laver plus blanc que blanc !
Je suis d’accord avec le rapporteur et je voterai contre cet amendement, qui en rajoute encore un peu.
M. Charles Revet. Comme toujours !
M. le président. Je mets aux voix l'article 57.
(L'article 57 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 57
M. le président. L'amendement n° 983 rectifié, présenté par MM. S. Larcher et Antiste, Mme Claireaux et MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, Patient et Vergoz, est ainsi libellé :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À titre expérimental, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, et pour une période de trois années à compter de la promulgation de la présente loi, les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices, soumis au code des marchés publics ou à l’ordonnance n° 2005–649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, peuvent réserver une partie de leurs marchés de travaux ou de services d’un montant inférieur aux seuils des procédures formalisées aux entreprises mentionnées à l’article 44 quaterdecies du code général des impôts ou accorder à ces entreprises un traitement préférentiel en cas d’offres équivalentes.
Le montant total des marchés attribués en application du premier alinéa au cours d’une année ne peut excéder 20 % du montant annuel moyen des marchés de travaux ou de services d’un montant inférieur aux seuils des procédures formalisées.
La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Le présent amendement s’appuie sur les mesures d’adaptation du droit commun aux contraintes et particularités des outre-mer prévues dans les textes : que ce soit à l’article 73 de la Constitution, qui autorise l’adaptation dans les départements et régions d’outre-mer des lois et règlements selon les caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ou à l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui prévoit des possibilités d’application spécifiques aux régions ultrapériphériques, les RUP.
À cet égard, l’amendement tend à introduire, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, un droit de préférence en faveur des entreprises implantées dans les zones franches globales d’activités pour l’attribution des marchés de travaux et de services passés par les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.
Le montant total des marchés attribués en application du premier alinéa de cet amendement au cours d’une année ne peut excéder 20 % du montant annuel moyen des marchés de travaux ou de services d’un montant inférieur aux seuils des procédures formalisées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Je demande le retrait de cet amendement, en mettant en avant des arguments purement juridiques, que notre collègue ne peut ignorer. La commission a d’ailleurs déjà écarté un amendement similaire. En effet, il est satisfait dans sa finalité par l’état du droit, tout en étant contraire au droit européen, me semble-t-il, dans sa rédaction.
Le droit commun de la commande publique s’applique aux collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, ce qui implique l’application des directives européennes, notamment celles qui concerne le marché intérieur et la concurrence.
En l’état, la rédaction de l’amendement est radicalement contraire au droit européen, car il tend à formuler des exceptions absolues à la concurrence en créant des formes de marchés réservés dans des hypothèses non prévues par les directives du 26 février 2014.
En outre, les pouvoirs adjudicateurs ont déjà la possibilité de retenir des candidats sans se fonder uniquement sur le critère du prix, pourvu que ces critères soient indiqués dans l’avis de marché et qu’ils ne provoquent pas de discrimination directe et indirecte.
Je vous remercie donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, le Sénat risquerait, s’il ne suivait pas l’avis défavorable que j’émettrai à titre subsidiaire, d’établir une norme contraire au droit européen. Ce n’est pas là une attitude qui siérait à un parlementaire !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je comprends l’esprit dans lequel cet amendement a été présenté, et je salue la volonté d’expérimentation législative, qui mériterait probablement – pas en l’espèce, malheureusement – de gagner plus souvent les textes que nous proposons et qui sont adoptés par le Parlement.
Monsieur le rapporteur, vous avez fort bien rappelé les contradictions entre le texte de cet amendement et les règles en vigueur dans l’Union européenne.
J’ajoute que le Conseil constitutionnel admet l’instauration d’un droit de préférence à égalité de prix ou à équivalence d’offre. Cependant, la situation d’égalité de prix ou d’offre se produit très rarement et le Conseil constitutionnel est très strict quant à la réservation des marchés. Celle-ci n’est possible que pour des catégories d’organismes précisément déterminées, pour une part très réduite, pour des prestations définies dans la mesure strictement nécessaire à la satisfaction des objectifs d’intérêt général ainsi poursuivis. Autrement dit, pour des motifs beaucoup plus restreints que ceux qui sont visés par le champ d’application de cet amendement, qui est trop vaste.
Aussi, je suggère le retrait de l’amendement, faute de quoi le Gouvernement devrait s’y opposer.
M. le président. Monsieur Serge Larcher, l'amendement n° 983 rectifié est-il maintenu ?
M. Serge Larcher. Non, je le retire, monsieur le président. Je ne veux pas créer de précédent au Sénat français. Il n’en demeure pas moins que le problème existe. La réalité est claire : nos départements d’outre-mer sont exigus et leurs marchés sont très limités. Nous faisons face à des problèmes auxquels nous devons apporter des solutions, certes, sans doute pas en nous livrant à des contorsions législatives.
M. le président. L'amendement n° 983 rectifié est retiré.
L'amendement n° 824 rectifié bis, présenté par MM. Cornano, Antiste, Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Patient, est ainsi libellé :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les comptables publics sont responsables dans les conditions prévues à l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 des intérêts moratoires et de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévus aux articles 39 et 40 de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière s’ils sont dus par une collectivité locale, un groupement de collectivité ou un établissement public local et non-mandatés et qu’il ne les a pas transmis dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 1612-18 du code général des collectivités territoriales.
II. – Un recours de plein contentieux peut être engagé contre l’État devant la juridiction administrative par toute personne morale ou physique si le représentant de l’État n’a pas mandaté d’office les intérêts moratoires et l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévus aux articles 39 et 40 de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 précitée lorsque ces intérêts sont dus par une collectivité locale, un groupement de collectivité ou un établissement public local à la personne formant le recours. Ce recours n’est ouvert que s’il a été porté à la connaissance du représentant de l’État dans les conditions fixées à l’article L. 1612-18 du code général des collectivités territoriales que ces intérêts n’ont pas été mandatés.
La parole est à M. Félix Desplan.
M. Félix Desplan. Nous pourrions presque considérer que cet amendement a été défendu par l’intervention de M. Antiste.
Les retards dans la commande publique, malgré des avancées considérables durant la dernière décennie, restent un véritable problème économique, notamment pour les TPE et les PME.
Selon l’Observatoire des délais de paiement, auquel participe la direction générale du Trésor, le secteur public respecte dans l’ensemble ses obligations, avec toutefois des différences selon les acteurs.
Ainsi, le délai global de paiement des communes de moins de 10 000 habitants est de vingt-deux jours, pour une obligation légale de trente jours, celui des régions est passé de trente-trois jours en 2012 à quarante jours en 2013. Dans les 10 % de régions dont les délais sont les plus longs, ceux-ci atteignent presque quatre-vingts jours en 2013, alors qu’ils n’étaient que de cinquante-trois jours en 2012.
La proposition n° 2 du rapport 2014 de l’Observatoire invitait à assurer une plus grande automaticité du paiement des intérêts moratoires et de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dans le secteur public. Pour cela, l’Observatoire suggérait une meilleure transmission des informations entre les ordonnateurs et les comptables publics, qui est du ressort du pouvoir réglementaire.
Il est proposé, à travers cet amendement, de renforcer le dispositif dans le cas des retards de paiement des collectivités locales en imposant aux comptables publics et à l’État d’inscrire les indemnités légales relatives aux retards de paiement, à peine d’en assurer la responsabilité pécuniaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Le droit européen a mis en place des pénalités financières automatiques en cas de retard de paiement, de la part tant d’une personne privée que d’une personne publique, sans distinction. Ce que vous demandez existe donc déjà, dans la mesure où ces dispositions ont été transposées en droit français en 2013.
Les intérêts de retard après l’expiration du délai de paiement sont automatiquement dus et une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, de 40 euros, a même été mise en place. Ces sommes sont exigibles de droit, sans qu’il soit nécessaire de saisir quelque tribunal que ce soit, sans même que le bénéficiaire ait à les réclamer. Lors d’un paiement tardif, la personne publique en cause doit elle-même procéder à l’ajout des intérêts de retard et des frais de recouvrement.
À mon sens, le droit en vigueur est tout à fait de nature à soulager vos inquiétudes.
Vous proposez, par ailleurs, que les comptables publics soient tenus responsables des intérêts et indemnités non payés. C’est également la règle déjà en vigueur, même si la plupart des citoyens français l’ignorent. Le comptable public engage de toute façon sa responsabilité personnelle s’il ne respecte pas les dispositions législatives et réglementaires.
En revanche, si le retard résulte d’un défaut de mandatement par l’ordonnateur, il serait étrange de mettre en cause la responsabilité du comptable public.
Enfin, votre amendement prévoit qu’un recours puisse être formé contre l’État – vous n’évoquez plus, ici, les autres personnes publiques. Là encore, il va de soi qu’un recours est possible en pareille hypothèse, dès lors que les intérêts moratoires comme l’indemnité forfaitaire sont exigibles et n’auraient pas, par erreur, été payés.
Je comprends les motivations qui ont présidé à la rédaction de votre amendement, mais je peux vous rassurer : l’état actuel du droit satisfait vos demandes.
Je suggère le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Desplan, l'amendement n° 824 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Félix Desplan. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 824 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 825 rectifié ter est présenté par MM. Cornano, Desplan, Karam, Mohamed Soilihi et Patient.
L'amendement n° 982 rectifié bis est présenté par MM. S. Larcher et Antiste, Mme Claireaux et MM. J. Gillot et Vergoz.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, les règles de la commande publique concilient, dans le respect des principes de transparence et de non-discrimination, l’efficacité de l’achat public avec la nécessité de faire participer les marchés publics au développement économique et au développement durable de ces collectivités, compte tenu de leurs contraintes et caractéristiques particulières, notamment leur éloignement de la métropole, la fragilité de leur écosystème, la concurrence avec les pays de leur zone géographique, le niveau du chômage structurellement élevé, la petite taille des entreprises, ainsi que leurs difficultés d’accès aux financements et la faiblesse de leurs fonds propres.
Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices soumis au code des marchés publics ou à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, peuvent se fonder sur les performances en matière de développement économique propre du territoire, selon une pondération adaptée aux enjeux économique et sociaux du marché pour la collectivité considérée.
Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Félix Desplan, pour présenter l’amendement n° 825 rectifié ter.
M. Félix Desplan. Les marchés publics ne peuvent, sans méconnaître le principe d'égalité de traitement des candidats, être attribués sur la base d'une préférence locale ou nationale.
Toutefois, tant le droit européen que le droit national ont créé des voies de droit sur lesquelles le pouvoir adjudicateur peut se fonder pour choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, en ce qui concerne l’environnement, l’insertion des publics en difficulté ou encore les approvisionnements directs de produits de l’agriculture.
Ces règles déjà existantes peuvent se conjuguer avec les possibilités offertes par l’article 73 de la Constitution d’adapter, dans les départements et régions d’outre-mer, le droit commun applicable aux contraintes et caractéristiques de ces collectivités. Cette disposition fait écho à l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui prévoit la possibilité de mesures spécifiques d’application du traité dans les régions ultrapériphériques.
Il est donc proposé de s’appuyer sur ces précédents et sur ce régime juridique pour adapter les règles applicables à la commande publique afin d’améliorer sa contribution au développement économique et au développement durable des outre-mer.
Les adaptations suggérées sont limitées et adaptées à cet objectif.
Dans le premier alinéa, nous posons le principe d’une nécessaire conciliation, dans les règles de la commande publique applicables dans les collectivités visées à l’article 73 de la Constitution, entre l’objectif d’efficacité économique de l’achat public et sa contribution au développement économique et au développement durable de ces collectivités.
Le second alinéa vise à offrir la possibilité aux pouvoirs adjudicateurs ou aux entités adjudicatrices de se fonder, dans une proportion adaptée aux enjeux du marché, sur le critère de la performance en matière de développement économique propre du territoire.
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour présenter l'amendement n° 982 rectifié bis.
M. Serge Larcher. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Une fois de plus, la commission va essayer de se montrer rassurante. Ces amendements s’apparentent à l’amendement n° 983 rectifié, qui vient d’être discuté.
Outre que leur caractère normatif est limité, je rappelle que les pouvoirs adjudicateurs dans les départements d’outre-mer ont d’ores et déjà la possibilité, dans le cadre juridique européen et national, de fixer des critères de pondération pour l’attribution d’un marché public, afin de tenir compte, en particulier, de l’impact sur le développement local, sans se fonder uniquement – c’est une règle générale, qui, d’ailleurs, n’est pas très récente – sur le critère du prix, pourvu que ces critères soient indiqués dans l’avis de marché et qu’ils ne provoquent pas de discrimination directe et indirecte.
Ces amendements sont satisfaits par le droit actuel. C’est la commission spéciale qui vous le dit ! Partez rassurés !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Daunis. « En l’espèce » !
M. le président. Monsieur Desplan, l’amendement n° 825 rectifié ter est-il maintenu ?