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Communication du conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 14 avril 2015, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État avait adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du f du 3° du 3 de l’article 158 du code général des impôts (Revenu imposable ; 2015 473 QPC).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la Séance.
Acte est donné de cette communication.
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Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission spéciale.
TITRE Ier (SUITE)
LIBÉRER L’ACTIVITÉ
Chapitre V (SUITE)
Urbanisme
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre V du titre Ier, à un amendement portant article additionnel après l’article 23 bis A.
Article additionnel après l'article 23 bis A
M. le président. L'amendement n° 1374, présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 23 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé
Le deuxième alinéa de l’article 18 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce décret peut comporter une mesure temporaire de gel des loyers dans les zones tendues au sens de l’article 232 du code général des impôts. »
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Durant les débats qui se sont tenus au sein de la commission sur le deuxième alinéa de l’article 18 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, il nous a été répondu que notre amendement était satisfait par l’encadrement de la hausse des loyers, tel que le prévoyaient ces dispositions. Nous ne le pensons pas, mais si tel est le cas, nous souhaitons simplement que le texte soit plus explicite sur la notion de gel des loyers.
Nous proposons donc une nouvelle rédaction de l’article 18 précité : « Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de concertation, fixe annuellement le montant maximum d'évolution des loyers des logements vacants et des contrats renouvelés. Ce décret peut comporter une mesure temporaire de gel des loyers dans les zones tendues au sens de l’article 232 du code général des impôts ».
Un gel des loyers nous paraît indispensable, car cette mesure d’urgence pour le logement permettrait de redonner du pouvoir d’achat aux ménages fortement touchés par les hausses importantes des loyers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Le présent amendement vise à rendre possible une mesure temporaire de gel des loyers dans les zones tendues.
La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », a encadré l’évolution des loyers sans en prévoir le gel. Elle a ainsi modifié les règles de révision des loyers dans les zones tendues, dans lesquelles on constate de sérieuses difficultés d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers et des prix d’acquisition des logements anciens ou par le nombre important de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social.
Il est ainsi prévu que le loyer du nouveau contrat de location ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire, sauf exception telle qu’un loyer manifestement sous-évalué ou la réalisation de travaux d’amélioration.
Le dispositif en vigueur permet déjà d’apporter des réponses adaptées aux difficultés que rencontrent nombre de nos concitoyens pour trouver un logement à un prix abordable, particulièrement dans les zones tendues.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. La loi du 6 juillet 1989 qui a été modifiée par la loi ALUR permet à la fois d’encadrer l’évolution des loyers et leur plafond.
Dans les zones tendues, il n’est pas opportun d’empêcher cette évolution sous la forme d’un gel, car ces loyers ont été fortement encadrés par la loi ALUR. En outre, une telle mesure serait certainement inconstitutionnelle, car elle serait disproportionnée au regard du principe du droit de propriété et de l’objectif visé par le législateur, qui n’est pas celui qui figure dans le présent amendement.
J’ajoute qu’il est important d’assurer une certaine prévisibilité sur le marché du bâtiment, de l’immobilier et de la construction. Il s’agit d’un délicat équilibre à trouver entre la protection du pouvoir d’achat des locataires, qui est essentiel, et la préservation de ce secteur, qui est source de croissance et d’emploi lorsque sont réunies les conditions favorables à l’investissement. Tel est le sens de l’action du Gouvernement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Aujourd’hui, entre 25 % et 30 % des revenus de nos concitoyens, voire davantage chez les plus modestes, sont consacrés au logement. Cette situation est particulièrement injuste, vous en conviendrez, madame la secrétaire d’État, d’autant que, outre une augmentation de 50 % en dix ans, les loyers ont augmenté de 23 % pour la seule période de 2002 à 2007. En dépit d’un ralentissement tout récent, le niveau des loyers reste extrêmement élevé.
Le logement est d’ailleurs au cœur des préoccupations de l’immense majorité des Français, vous le savez pertinemment, mes chers collègues. Il est devenu une source majeure d’exclusion et d’inégalités. Permettez-moi à cet égard de vous rappeler quelques chiffres : plus de trois millions de personnes sont touchées par le mal-logement, parmi lesquelles quelque 150 000 sont sans abri, dont nombre de familles, surtout des femmes et des enfants.
Le coût du logement grève de façon considérable le pouvoir d’achat des ménages. De plus, la mauvaise qualité du bâti est souvent à l’origine d’une précarité énergétique qui se répercute sur son coût.
Parmi les grands axes d’intervention permettant de lutter contre la crise du logement, la Fondation Abbé Pierre préconise la régulation des marchés et la maîtrise du coût du logement. Cet objectif, que nous partageons, est particulièrement pertinent dans les zones tendues, qui se trouvent sur tout le territoire, et pas seulement dans l’agglomération parisienne et les autres grandes villes.
Le gel des loyers, au travers de cet amendement, permettrait de redonner du pouvoir d’achat à des ménages fortement affectés par la crise et le niveau très élevé des loyers. Ce serait une mesure à la fois de justice sociale et d’efficacité économique.
C’est pourquoi les arguments que vous nous avez opposés, madame la secrétaire d’État, madame le corapporteur, ne nous ont pas convaincus. Il est important d’apporter à ce problème une réponse efficace, peut-être un peu plus audacieuse politiquement. De notre point de vue, le gel y répond.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1374.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n 144 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 29 |
Contre | 310 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 23 bis B
(Non modifié)
Après le I de l’article 5 de la loi n° 2010-238 du 9 mars 2010 visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Les propriétaires ayant signé un contrat d’achat des détecteurs au plus tard au 8 mars 2015 sont réputés satisfaire à l’obligation prévue à l’article L. 129-8 du code de la construction et de l’habitation, à la condition que le détecteur de fumée soit installé avant le 1er janvier 2016. »
M. le président. L'amendement n° 1078, présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« I bis. – Les propriétaires sont réputés satisfaire à l’obligation prévue à l’article L. 129-8 du code de la construction et de l’habitation, à la condition que le détecteur de fumée soit installé avant le 1er janvier 2016. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement de clarification a pour objet l’installation des détecteurs de fumée. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Nous souscrivons pleinement à l’exigence de sécurité conduisant à étendre ces dispositifs à tous les lieux d’habitation. Nous souscrivons également à l’idée selon laquelle il revient aux propriétaires de satisfaire à cette obligation. À nos yeux, cette condition est la garantie d’une égalité de tous face au risque d’incendie.
À travers cet amendement, nous cherchons uniquement à rendre cette obligation plus claire et plus simple. Nous proposons de modifier la rédaction de cet article en supprimant la précision selon laquelle cette obligation est imposée aux propriétaires « ayant signé un contrat d’achat des détecteurs au plus tard au 8 mars 2015 ». Le présent texte gagnerait à mentionner la seule obligation, faite à tout propriétaire, d’installer un détecteur avant le 1er janvier 2016.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement vise à repousser l’obligation d’installation des détecteurs de fumée au 1er janvier 2016, ce sans aucune condition.
Monsieur Bocquet, vous en conviendrez, cette disposition ne clarifie pas le dispositif en question. A contrario, si cette modification était adoptée, elle créerait une incohérence avec le premier paragraphe de l’article 5 de la loi du 9 mars 2010, lequel fixe l’entrée en vigueur de cette obligation au 8 mars 2015.
En conséquence, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur Bocquet, je relève qu’il ne s’agit pas d’un simple amendement rédactionnel.
Mme Nicole Bricq. Eh non !
Mme Annie David. Il s’agit d’une clarification !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En effet, vous proposez de reporter l’entrée en vigueur de l’obligation d’installation des détecteurs de fumée dans les logements.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Or ces équipements constituent un levier essentiel pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Souvenez-vous de la campagne de sensibilisation menée par le Gouvernement en partenariat avec les sapeurs-pompiers : « Bien équipé, bien préparé, je suis en sécurité ».
M. Jean-Patrick Courtois. Certes !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. L’enjeu est simple : il faut lutter contre les 250 000 incendies domestiques qui se déclarent chaque année en France.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. C’est une chose de répondre aux enjeux de stockage et d’équipement que soulèvent les détecteurs. C’en est une autre de reporter la mise en œuvre de cette obligation. Nous ne souhaitons pas suivre cette voie. Au cas où un bailleur n’aurait pas satisfait à ses obligations légales, une franchise lui est applicable par l’assureur. Ce dispositif doit entrer en vigueur à la date initialement déterminée par la législation !
M. le président. Je mets aux voix l'article 23 bis B.
(L'article 23 bis B est adopté.)
Article 23 bis
(Non modifié)
I. – Le chapitre Ier du titre préliminaire du livre III du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 301-3, après les mots : « location-accession », sont insérés les mots : « , de celles en faveur des logements intermédiaires définis à l’article L. 302-16, de celles en faveur des logements faisant l’objet d’une convention mentionnée à l’article L. 321-4 » ;
2° L’article L. 301-5-1 est ainsi modifié :
a) Au 1° du IV, le mot : « et » est remplacé par les mots : « , au logement intermédiaire et en faveur de la location-accession ainsi que » ;
b) La première phrase du deuxième alinéa du VI est complétée par les mots : « , ainsi que les conditions d’attribution des aides en faveur du logement intermédiaire et de la location-accession » ;
3° Après la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 301-5-2, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Elle fixe les conditions d’attribution des aides en faveur du logement intermédiaire et de la location-accession, ainsi que les conditions de la signature des conventions mentionnées à l’article L. 321-4. »
II. – Au 1° du I de l’article L. 3641-5, au 1° du II de l’article L. 5217-2 et au 1° du VI de l’article L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « social », sont insérés les mots : « , au logement intermédiaire et en faveur de la location-accession ».
III. – Les conventions conclues en application des articles L. 301-5-1 et L. 301-5-2 du code de la construction et de l’habitation, dans leur rédaction antérieure à la promulgation de la présente loi, peuvent faire l’objet d’un avenant pour prendre en compte les mêmes articles L. 301-5-1 et L. 301-5-2, dans leur rédaction résultant de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en prenant la parole sur le présent article, je tiens à évoquer le sujet de l’accession à la propriété.
La promotion du logement intermédiaire et de la location-accession assurée via cet article 23 bis ne doit pas nous conduire à détourner notre attention de la véritable urgence qui se fait jour dans ce domaine : le mal-logement, qui, dans notre pays, touche plus de 3,5 millions de personnes.
Je le dis et je le répète : le logement intermédiaire n’est pas du logement social pur. Il ne répondra pas, à lui seul, aux enjeux d’égal accès au logement.
En revanche, le logement intermédiaire peut être un levier complémentaire en faveur de la mixité sociale. Il est très demandé par les jeunes couples qui débutent dans la vie, et en particulier par ceux d’entre eux qui s’installent au cœur des agglomérations. Au reste, bien des quartiers de centre-ville souhaitent conserver ces jeunes ménages, ne serait-ce que pour maintenir les classes de leurs écoles.
La demande de logements intermédiaires est forte, notamment du fait des prix élevés du foncier.
Bien souvent, les communes mènent des politiques volontaristes pour garder les familles jeunes et actives. Toutefois, il faut rester très vigilant pour que les ménages concernés ne s’endettent pas trop. Le total des remboursements et des charges ne doit pas les placer dans une situation financière trop tendue. En effet, comment parler d’accession à la propriété en dehors de toute considération humaine ?
Aujourd’hui, pour devenir propriétaire, il faut non seulement disposer des ressources suffisantes mais aussi témoigner d’une certaine stabilité dans son parcours professionnel. Comment se porter acquéreur d’un logement alors que le pouvoir d’achat est en berne ? Les propriétaires, comme les locataires, doivent faire face à des dépenses courantes de logement qui augmentent plus vite que leurs revenus. Je songe notamment aux charges locatives.
Selon la lettre Conjoncture logement, pour devenir propriétaire de son logement en France, il vaut mieux être jeune ou vieux,…
M. Roland Courteau. Même si nous, nous sommes tous jeunes ! (Sourires.)
M. Michel Le Scouarnec. … mais en disposant de revenus supérieurs à la médiane des salaires français. Dès lors, seule une minorité de nos concitoyens peut prétendre au statut de propriétaire. Les chiffres sont accablants : entre 2009 et 2012, l’accession à la propriété des personnes à revenu moyen a reculé de 37 % !
On le constate clairement, en dehors d’une politique sociale ambitieuse, il sera bien difficile de faciliter l’accession à la propriété. À ce jour, l’on dénombre 1,3 million de demandeurs de logement. À mon sens, cet article 23 bis ne répond pas à l’urgence vécue et ressentie par nos concitoyens en matière de logement. Pour ces derniers, cet enjeu constitue pourtant une priorité ! L’accès au logement social est durci et les bailleurs sont contraints de céder une partie de leur parc au nom de l’accession sociale à la propriété.
Le logement ne devrait plus être considéré comme une marchandise comme les autres, et les pouvoirs publics seraient bien inspirés de mettre en place une politique publique et un service public du logement à la hauteur des enjeux ! Cette action s’appuierait sur la mobilisation de l’ensemble des outils disponibles : prêt à taux zéro, éco-prêt, politique foncière, définition du rôle des banques et intervention publique. À nos yeux, il est primordial de revenir à un équilibre plus sain entre l’aide à la pierre et l’aide à la personne.
M. le président. L'amendement n° 1375, présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Mes chers collègues, cet article 23 bis a été introduit en commission par le biais d’un amendement du Gouvernement et n’a donc pas été soumis à l’étude d’impact. Il délègue aux métropoles, aux EPCI compétents en matière d’habitat et aux départements les compétences de l’État dans le domaine des aides en faveur du logement intermédiaire et de la location-accession.
Vous le savez, la loi de finances pour 2014 a créé des avantages fiscaux en faveur du logement intermédiaire. D’une part, les opérations comprenant au moins 25 % de logements sociaux bénéficient d’un taux de TVA à 10 %. D’autre part, les logements intermédiaires neufs font l’objet d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, pour une durée de vingt ans.
L’octroi de ces deux avantages fiscaux est soumis à la délivrance d’un agrément par le préfet de département. Il en va de même des opérations de location-accession, qui peuvent bénéficier du prêt social location-accession, d’un taux réduit de TVA et d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ans.
Le présent article permet à l’État de déléguer la compétence d’attribution de ces aides.
À nos yeux, cette mission doit rester du ressort de l’État. Cet article acte, hélas ! le désengagement budgétaire de celui-ci. Il s’inscrit dans la droite ligne de la dernière loi de finances, qui a accentué ce mouvement.
En la matière, on déplore une nouvelle fois l’absence d’une ambition nécessaire à la mise en œuvre d’une politique réellement novatrice. Tournant le dos à cette logique, le Gouvernement mise sur l’initiative privée et sur la territorialisation en vue de développer l’offre immobilière pour le plus grand nombre.
Souvenons-nous qu’au titre de la loi de finances pour 2015, le niveau global des aides à la pierre s’établit à peine à 160 millions d’euros en crédits de paiement, alors que 1,9 milliard d’euros sont prévus pour le logement intermédiaire, dont 1 milliard d’euros au titre du budget de l’État.
Au regard du nombre de demandeurs de logements accessibles ou aidés, de la situation économique qui conduit à l’exclusion d’un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens, la politique du logement doit rester une politique nationale. En outre, la construction de véritables logements sociaux doit demeurer prioritaire.
Mes chers collègues, voilà pourquoi nous vous demandons de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement tend à supprimer un article que la commission spéciale a adopté sans aucune modification. Aussi, je ne puis qu’émettre un avis défavorable.
Monsieur Bosino, je vous suis lorsque vous dénoncez le désengagement de l’État en matière de logement. Ce mouvement est bien réel. Toutefois, contrairement à vous, je ne pars pas du principe que l’attribution des aides au logement intermédiaire doit demeurer du ressort de l’État, bien au contraire : ce transfert relève de la simplification administrative et permettra d’accroître l’efficacité des politiques locales de l’habitat. En effet, le délégataire de cette compétence aura à sa disposition tous les leviers lui permettant d’intervenir, pour la gestion des aides financières et pour la définition du programme local de l’habitat, le PLH.
Nous allons, à n’en pas douter, examiner longuement le dossier du logement intermédiaire. Aussi, j’ajoute à l’intention de M. Le Scouarnec, qu’il serait bon de fixer d’emblée les termes du débat.
Cher collègue, il faut bien distinguer le logement intermédiaire du logement social sur lequel, je le sais, vous aurez à cœur de revenir régulièrement.
Vous l’avez souligné vous-même, le logement intermédiaire ne doit pas prendre la place du logement social dont les besoins sont criants, importants et prioritaires.
Mme Annie David. Mais on supprime les aides publiques !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Pour autant, le logement intermédiaire doit être encouragé, parce qu’il s’adresse à une catégorie de population à la fois trop riche pour bénéficier d’un logement social et trop pauvre pour assumer les loyers du parc privé, ce particulièrement dans les zones tendues. Il faut garantir un équilibre pour tous les segments de l’offre de logement. Ainsi, conformément à nos vœux unanimes, le parcours résidentiel pourra redevenir une réalité.
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. À l’instar de la commission spéciale, le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En effet, nous soutenons une dynamisation de l’offre et de l’accès au logement intermédiaire. Cette politique ne nuit pas à l’accès au logement social !
Mme Annie David. Si, puisque l’on modifie le plafond d’accès !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Mme la corapporteur l’a clairement dit : il faut constater avec réalisme que certaines catégories intermédiaires de la population française n’ont pas accès au logement social et ne peuvent accéder au parc privé. (Mme Annie David s’exclame.) Ainsi, à Paris, zone tendue par excellence, le rapport entre les loyers du parc social et ceux du parc privé est de un à trois. Il convient bel et bien de répondre aux besoins des catégories intermédiaires !
À cette fin, l’échelon local est bien le niveau le plus pertinent pour mener les politiques de l’habitat : les bassins de vie se définissent à l’échelle de l’agglomération, de l’intercommunalité ou du département.
M. Jean-Pierre Bosino. Mais l’on réduit les moyens des collectivités !
Mme Nicole Bricq. Au vote !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La délégation de cette compétence à leur profit est d’autant plus logique que l’attribution des logements intermédiaires obéit à un critère de mixité sociale : le même échelon doit être compétent pour les logements sociaux et pour les logements intermédiaires.
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Dans ce texte copieux, cet article 23 bis concernant le logement est particulièrement important. Il va permettre à chaque groupe de faire part de sa volonté de le soutenir ou non.
Pour notre part, nous le soutiendrons, pour deux raisons.
Premièrement, le concept plutôt nouveau de location-accession est inscrit noir sur blanc dans la loi pour la première fois. Grâce à ce dispositif, il est possible de louer un logement pendant trois à cinq ans pour en devenir ensuite propriétaire, les premiers loyers servant d’apport initial et la barrière limitant l’accès des primo-accédants à la propriété est abaissée, par application d’un taux de TVA réduit. Cela fonctionne bien dans les communes qui l’ont mis en œuvre.
En outre, les rapports de la Cour des comptes relèvent que certains locataires devraient déjà avoir quitté le logement purement social. Cette formule leur offre une possibilité de transition entre location et accession.
Deuxièmement, s’agissant des crédits à la pierre qu’évoquait M. Jean-Pierre Bosino, ils restent à un niveau très importants, pratiquement celui de l’aide à la personne. Cet article constitue l’amorce d’une réforme en vue de privilégier les primo-accédants sur les investisseurs purs et durs, lesquels possèdent déjà leur logement.
Il est de bonne politique d’aider les jeunes couples qui s’engagent dans la vie en leur permettant de bénéficier de ce dispositif et des aides qui l’accompagnent. Nous devons tous envisager une réforme de l’aide à la pierre visant à attribuer les crédits d’État à celles et ceux qui en ont vraiment besoin, plutôt qu’aux investisseurs en quête de défiscalisation. (Mme Annie David et M. Jean-Pierre Bosino s’exclament.) Si celle-ci est nécessaire pour certains produits immobiliers, seule une telle réforme pourrait permettre de traiter sérieusement les problèmes auxquels sont confrontés les jeunes qui cherchent à accéder à la propriété.
Mes chers collègues, nous serons tous un jour retraités. Au regard de ce que seront les pensions de retraite dans dix ou vingt ans, nous avons tout intérêt à encourager l’accession sociale à la propriété. En effet, les pensions de retraite permettront très difficilement, dans de nombreuses villes, notamment en région parisienne, d’acquitter un loyer. (M. Jean-Claude Lenoir opine.) Pour une fois, nous anticiperions un véritable problème : le vieillissement de la population.