Sommaire
Présidence de Mme Isabelle Debré
Secrétaires :
MM. Jean Desessard, Serge Larcher.
2. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 668 rectifié de M. Claude Kern. – Retrait.
Amendement n° 1463 de M. Didier Guillaume. – Adoption.
Amendement n° 1048 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1425 de M. Pierre Médevielle. – Retrait.
Amendement n° 1464 rectifié de M. Didier Guillaume. – Rejet.
Amendement n° 670 rectifié bis de M. Claude Kern. – Retrait.
Amendement n° 669 rectifié de M. Claude Kern. – Retrait des deux amendements.
Amendement n° 313 rectifié de M. Maurice Antiste. – Retrait.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 1049 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 362 rectifié de M. Michel Vaspart. – Retrait.
Amendement n° 200 rectifié de M. Alain Bertrand. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 9
Amendement n° 1460 de M. Didier Guillaume. – Retrait.
Amendement n° 1689 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnels après l’article 9 bis A
Amendement n° 255 rectifié de M. Alain Bertrand. – Rejet.
Amendement n° 675 rectifié de M. Georges Patient. – Retrait.
Amendement n° 1465 rectifié de M. Didier Guillaume. – Rejet par scrutin public.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 9 ter
Amendement n° 436 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 291 rectifié bis de M. Maurice Antiste. – Retrait.
Amendement n° 822 rectifié bis de M. Jacques Cornano. – Retrait.
Article additionnel après l'article 9 quater
Amendement n° 1467 de M. Didier Guillaume. – Retrait.
Suspension et reprise de la séance
Mme Éliane Assassi ; Mme la présidente.
Amendement n° 1052 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 192 rectifié bis de M. Michel Raison. – Retrait.
Amendement n° 848 rectifié de M. Jean Bizet. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Amendement n° 1053 de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l'article 10 B
Amendement n° 849 rectifié de M. Jean Bizet. – Retrait.
Amendement n° 1054 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 277 rectifié de Mme Élisabeth Lamure. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 10 C
Amendement n° 730 rectifié de M. Pierre Camani. – Rejet.
Amendement n° 808 de M. Jean Bizet. – Retrait.
Amendement n° 598 rectifié bis de M. Charles Revet. – Retrait.
Amendement n° 599 rectifié bis de M. Charles Revet. – Retrait.
Amendement n° 437 de M. Jean Desessard. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1549 rectifié du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1055 de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1056 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 1550 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article 10 bis – Adoption.
Article additionnel après l’article 10 bis
Amendement n° 441 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 1551 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 1743 du Gouvernement
Demande de réserve du vote de l’amendement n° 1743 et de la suite de l’article 10 ter après l’article 106. – M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale ; M. Emmanuel Macron, ministre ; Mme la présidente. – La réserve est ordonnée.
Articles additionnels après l’article 10 ter
Amendement n° 395 de M. Roger Madec. – Rejet.
Amendement n° 579 rectifié bis de M. Alain Fouché. – Retrait.
Amendement n° 1691 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 10 quinquies – Adoption.
Article additionnel après l'article 10 quinquies
Amendement n° 978 bis de M. Jean-Marc Gabouty. – Retrait.
Amendement n° 11 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1552 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
3. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
5. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 872 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 492 rectifié bis de M. Claude Nougein. – Retrait.
Amendement n° 873 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 1370 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 1695 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 874 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 246 rectifié de M. Alain Bertrand. – Retrait.
Amendement n° 985 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty et sous-amendement n° 1744 du Gouvernement
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale
Suspension et reprise de la séance
Sous-amendement n° 1744 du Gouvernement. – Irrecevabilité déclarée par la commission.
Amendement n° 985 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Adoption par scrutin public.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 11
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale
Amendement n° 1451 rectifié bis de M. Philippe Dallier. – Retrait.
Article 11 bis AA (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l’article 11 bis A
Amendement n° 746 de Mme Élisabeth Lamure. – Retrait.
Amendement n° 1554 du Gouvernement. – Rectification.
Amendement n° 1554 rectifié du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement 832 rectifié bis de M. Jacques Cornano. – Devenus sans objet.
Amendement n° 1057 de M. Paul Vergès. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l'article 11 bis B
Amendement n° 1431 rectifié de M. François Zocchetto. – Retrait.
Amendement n° 831 rectifié bis de M. Jacques Cornano. – Retrait.
Amendement n° 260 rectifié de M. Didier Guillaume. – Rejet par scrutin public.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 12 de Mme Éliane Assassi. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Amendement n° 1558 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
Rejet de l’article.
Amendement n° 504 rectifié ter de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.
Amendement n° 1469 de Mme Leila Aïchi. – Retrait.
Adoption de l'article.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale ; M. Emmanuel Macron, ministre ; Mme Éliane Assassi ; M. Requier ; la présidente.
Articles additionnels après l'article 11 ter
Amendement n° 1118 rectifié de M. Paul Vergès. – Rejet.
Amendement n° 442 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Article 11 quater A (supprimé)
Amendement n° 1560 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Amendement n° 1058 de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1059 de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.
Article 11 quater B (supprimé)
Amendement n° 1562 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Adoption de l’article.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
M. Serge Larcher.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission spéciale.
TITRE Ier (Suite)
LIBÉRER L’ACTIVITÉ
Chapitre Ier (suite)
Mobilité
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier, à l’article 9.
Article 9
I (Non modifié). – L’intitulé du chapitre 1er du titre 2 du livre 2 du code de la route est ainsi rédigé : « Vérification d’aptitude, délivrance et catégories ».
I bis. – (Supprimé)
II. – Le même chapitre Ier est complété par des articles L. 221-3-1A à L. 221-8 ainsi rédigés :
« Art. L. 221-3-1A. – L’organisation des épreuves suivantes est assurée par l’autorité administrative ou par des personnes agréées par elle à cette fin :
« 1° Toute épreuve théorique du permis de conduire ;
« 2° Toute épreuve pratique des diplômes et titres professionnels du permis de conduire d’une catégorie de véhicule du groupe lourd.
« Les frais pouvant être perçus par les organisateurs agréés auprès des candidats sont réglementés par décret pris après avis de l’Autorité de la concurrence.
« Art. L. 221-3-1. – (Supprimé)
« Art. L. 221-4. – L’organisateur agréé d’une épreuve du permis de conduire présente des garanties d’honorabilité, de capacité à organiser l’épreuve, d’impartialité et d’indépendance à l’égard des personnes délivrant ou commercialisant des prestations d’enseignement de la conduite.
« Il s’assure que les examinateurs auxquels il recourt présentent les garanties mentionnées à l’article L. 221-6.
« Art. L. 221-5. – L’organisation des épreuves du permis de conduire répond au cahier des charges défini par l’autorité administrative, qui en contrôle l’application. L’autorité administrative a accès aux locaux où sont organisées les épreuves.
« Art. L. 221-6. – Les épreuves du permis de conduire sont supervisées par un examinateur présentant des garanties d’honorabilité, de compétence, d’impartialité et d’indépendance à l’égard des personnes délivrant ou commercialisant des prestations d’enseignement de la conduite.
« Art. L. 221-7. – I. – En cas de méconnaissance de l’une des obligations mentionnées aux articles L. 221-4 à L. 221-6, l’autorité administrative, après avoir mis l’intéressé en mesure de présenter ses observations, peut suspendre, pour une durée maximale de six mois, l’agrément mentionné à l’article L. 221-3-1A.
« II. – En cas de méconnaissance grave ou répétée de l’une des obligations mentionnées aux articles L. 221-4 à L. 221-6, l’autorité administrative, après avoir mis l’intéressé en mesure de présenter ses observations, peut mettre fin à l’agrément mentionné à l’article L. 221-3-1A.
« III. – En cas de cessation définitive de l’activité d’organisation d’une épreuve du permis de conduire, il est mis fin à l’agrément mentionné à l’article L. 221-3-0-1A.
« Art. L. 221-8. – Les modalités d’application des articles L. 221-3-1A à L. 221-7 sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II bis. – (Supprimé)
II ter. – (Supprimé)
III. – Après l’article L. 213-8 du même code, il est inséré un article L. 213-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 213-9. – Les établissements agréés au titre de l’article L. 213-1 rendent publics, pour chaque catégorie de véhicule, dans des conditions fixées par voie réglementaire, les taux de réussite des candidats qu’ils présentent aux épreuves théoriques et pratiques du permis de conduire rapportés au volume moyen d’heures d’enseignement suivies par candidat. »
IV. – L’article L. 312-13 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le passage de l’épreuve théorique du permis de conduire peut être organisé, en dehors du temps scolaire, dans les locaux des lycées et établissements régionaux d’enseignement adapté, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 214-6-2 du présent code, au bénéfice des élèves qui le souhaitent et qui remplissent les conditions fixées par le code de la route pour apprendre à conduire un véhicule à moteur en vue de l’obtention du permis de conduire. »
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l’article.
M. Michel Le Scouarnec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’article 9, le Gouvernement entend réformer les modalités de passage des épreuves du permis de conduire, afin de réduire le temps et le coût de cette épreuve.
Le permis de conduire est un élément indispensable d’intégration sociale et professionnelle, mais les délais d’attente restent extrêmement longs, ce qui rend son obtention d’autant plus chère.
Nécessaire, il est difficile d’accès pour les jeunes, lesquels, rappelons-le, sont particulièrement touchés par la précarité et le chômage et n’ont pas toujours les moyens de financer ce permis.
Nous partageons donc la volonté de réduire les délais d’attente et le coût du permis de conduire, mais sommes en revanche opposés à une externalisation faisant intervenir des acteurs privés.
Si les délais d’attente sont aujourd’hui de 98 jours en moyenne, ils peuvent aller jusqu’à cinq mois dans certains départements. Cependant, le recours à une nouvelle profession réglementée agréée par l’État ne nous paraît pas constituer la solution appropriée.
Seuls 1 300 inspecteurs du permis de conduire recrutés sur concours et répartis dans 700 centres assument aujourd’hui la fonction d’examinateur. Si les délais d’attente sont trop longs, c’est que le nombre des examinateurs est sans doute insuffisant.
Le recrutement de nouveaux examinateurs semble donc la solution logique, plutôt que la délégation au privé et la libéralisation de ces missions, comme vise à l’instaurer cet article.
L’article 9 a été largement épuré par la commission spéciale. Ainsi, le recours à des agents de la fonction publique non formés pour faire passer cet examen a été supprimé, ce dont nous nous félicitons.
D’autres dispositions ont été supprimées de manière plus regrettable. En effet, bien qu’elles ne relèvent pas nécessairement du domaine de la loi, elles méritent à notre sens d’être envisagées.
Il en est ainsi de l’inscription dans la loi du permis en tant que service universel. Certes, l’arrêté du 22 octobre 2014 fixant la méthode nationale d’attribution des places d’examen du permis de conduire prévoit déjà que tout candidat au permis de conduire se voit proposer une place d’examen, qu’il se présente en candidat libre ou par l’intermédiaire d’un établissement. Toutefois, l’inscription dans la loi de ce principe l’aurait renforcé.
Je souhaite par ailleurs évoquer la conduite supervisée sans condition de durée, dispositif introduit par l’Assemblée nationale mais supprimé par la commission spéciale du Sénat, qui nous paraît suffisamment intéressant pour être renforcé. Actuellement ouvert aux jeunes d’au moins dix-huit ans, il permet la conduite sous surveillance constante et directe d’un accompagnateur, après validation de la formation initiale par l’enseignant de conduite. Généraliser sa pratique après l’échec d’une première tentative, par exemple dans l’attente du second passage, permettrait de diminuer le coût du permis de conduire.
Vous le voyez, les dispositifs alternatifs sont nombreux. Ainsi, le recours à une externalisation privée de la gestion des épreuves du permis peut être évité, ce que nous souhaitons.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 668 rectifié, présenté par M. Kern, Mme Gatel et MM. Marseille et Médevielle, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :
I bis. – Au début du même chapitre Ier, il est ajouté un article L. 221-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 221-1 A. – L’accès aux épreuves théoriques et pratiques du permis de conduire est un service universel. Tout candidat se présentant librement ou par l’intermédiaire d’un établissement ou d’une association agréé au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7, et ayant déposé une demande de permis de conduire se voit proposer une place d’examen, sous réserve d’avoir atteint le niveau requis. L’aptitude est vérifiée par la délivrance d’une attestation de fin de formation initiale dans des conditions de réalisation précisées par décret. »
La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Cet amendement vise à rétablir et à compléter certaines dispositions supprimées par la commission spéciale, qui tendaient, d’une part, à qualifier de « service universel » l’accès aux épreuves théoriques et pratiques du permis de conduire et, d’autre part, à donner valeur législative aux dispositions réglementaires selon lesquelles tout candidat au permis de conduire se voit proposer une place d’examen, qu’il se présente en candidat libre ou par l’intermédiaire d’un établissement.
L’amendement tend à conditionner l’accès à l’épreuve pratique du permis de conduire à la réalisation d’une attestation de fin de formation initiale, qui permettra de vérifier que le niveau de compétences du candidat est suffisant.
Ces dispositions, dont l’objet est la diminution du coût du permis pour les candidats, sont essentielles. En effet, elles permettront de réduire le délai d’attente et, donc, le coût de la formation, sachant qu’un mois d’attente supplémentaire représente un coût de 200 euros pour l’élève. À titre indicatif, si les délais d’attente sont ramenés à 45 jours, soit le délai moyen européen, chaque élève pourra économiser de 400 à 600 euros.
Mme la présidente. L'amendement n° 1463, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :
Au début du même chapitre Ier, il est ajouté un article L. 221-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 221-1 A. – L’accès aux épreuves théoriques et pratiques du permis de conduire est un service universel. Tout candidat se présentant librement ou par l’intermédiaire d’un établissement ou d’une association agréée au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7, et ayant déposé une demande de permis de conduire se voit proposer une place d’examen, sous réserve d’avoir atteint le niveau requis. »
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Cet amendement vise à définir l’accès aux épreuves du permis de conduire comme un service universel.
La commission spéciale a considéré que le renvoi à cette notion n’était pas approprié, en raison du caractère public de l’organisation des épreuves du permis de conduire et de l’absence de portée normative de cette mention.
Par ailleurs, elle a estimé la mesure superflue au regard de l’arrêté du 22 octobre 2014 fixant la méthode nationale d’attribution des places d’examen du permis de conduire.
Par le présent amendement, il s’agit de consacrer dans la loi le fait que l’accès au permis de conduire est un service universel, accessible équitablement, c'est-à-dire de la même façon sur tout le territoire, dans les mêmes délais et à un prix raisonnable.
L’inégalité est d’abord territoriale, ensuite financière, puisque le coût est en moyenne de 1 500 à 1 600 euros. Faire de l’accès au permis de conduire un service universel, c’est rétablir l’équité territoriale et répondre au problème des délais.
Dans cet esprit, le projet de loi a sa cohérence. C’est la raison pour laquelle il convient de rétablir dans la loi une telle affirmation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Je dirai en préambule que la commission spéciale partage le même objectif de réduction des délais de passage aux épreuves pratiques du permis de conduire, délais qui sont inacceptables puisqu’ils varient, selon les départements, de 98 jours à 200 jours entre deux présentations.
Dans le cadre de ses travaux, la commission spéciale a estimé, compte tenu de l’ampleur du projet, que le législateur n’était pas à même de voter des mesures dérogatoires au droit commun. À ce sujet, nous reviendrons sur la question du recours à des agents contractuels, qui mériterait d’être étayée par certains éléments, dont nous ne disposons pas. Mais peut-être, monsieur le ministre, êtes-vous en possession d’une étude d’impact que vous pourrez nous transmettre.
Bien que proches, ces amendements ne sont pas identiques. Certes, en termes de communication, affirmer que l’accès aux épreuves du permis de conduire est un service universel, cela sonne plutôt bien.
La notion de service universel est utilisée dans les secteurs des industries de réseau et de communication, notamment les services postaux et d’électricité, pour imposer la fourniture d’un service public minimal dans un environnement concurrentiel. Or le présent projet de loi conserve, me semble-t-il, le caractère public de l’organisation des épreuves du permis de conduire.
De plus, la portée normative d’un tel concept est limitée.
À quoi sert donc cette affirmation ? Ouvrira-t-elle la possibilité de se retourner contre l’État si les délais de présentation au permis sont trop longs ? Je ne le crois pas ! Au demeurant, si tel était le cas, nous nous engagerions dans des dépenses d’indemnisation des candidats.
Si l’objectif est simplement de proclamer que l’accès aux épreuves doit être assuré dans des conditions convenables pour chacun, nous pouvons ériger beaucoup d’autres services publics en services universels : l’accès à la carte grise, le renouvellement des papiers d’identité, l’état civil, le passage du baccalauréat ou l’accès à un conseiller de Pôle emploi…
L’enjeu, réel, est de réduire dans les faits les délais de présentation aux épreuves et non pas d’édicter des affirmations déclaratoires.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission spéciale a émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 668 rectifié, au bénéfice de l’amendement n° 1463, sur lequel il émet un avis favorable.
L’amendement n° 668 rectifié vise à rétablir, d’une part, la notion de service universel et, d’autre part, la notion d’équité sur l’ensemble du territoire, sur laquelle je reviendrai. Toutefois, il prévoit également quelques contraintes supplémentaires, en particulier la création d’une attestation de fin de formation initiale, qui ne nous paraît pas opportune.
Quant à l’amendement n° 1463, il vise à rétablir la notion de service universel, ce qui, pour ce qui concerne l’accès aux épreuves théoriques et pratiques, conserve du sens, la réforme prévoyant également une externalisation de certains de ces examens.
Par ailleurs, il tend à poser le principe suivant : « Tout candidat se présentant librement ou par l’intermédiaire d’un établissement ou d’une association agréée […] se voit proposer une place d’examen ». Ainsi, au-delà du simple concept de service universel, qui nous paraît particulièrement fort et utile, il s’agit de poser le principe, insuffisamment appliqué sur le territoire, d’une présentation libre ou par l’intermédiaire d’un établissement.
Service universel et service public sont des notions proches, mais distinctes. L’argument qui consiste à dire que l’inclusion dans la sphère publique vide de son sens la notion de service universel n’est pas pleinement valide.
Par conséquent, le fondement de votre argument – le service universel est en réalité un service public ; nous n’en avons donc pas besoin – ne me semble pas devoir être retenu.
En revanche, il est vrai que la portée de la notion de service universel, considérée à l’aune du seul article 9, n’est pas complètement normative. C’est que le détail pratique se situe dans l’article qui prévoit le recours à des agents publics, article sur lequel nous reviendrons. Nous nous donnons donc, dans la suite du texte, les moyens de donner un contenu à ce service.
Dès lors, premièrement, poser d’abord le principe dans l’article 9 et revenir ensuite sur les modalités pratiques paraît utile et pertinent.
Deuxièmement, préserver la notion d’inscription équitable sur l’ensemble du territoire à l’examen du permis de conduire me paraît important. En effet, dans de nombreux endroits du territoire, on l’a vu, l’équité n’est pas pleinement respectée. Il y a encore de nombreux endroits où les personnes se présentant en candidat libre, ce qui peut arriver, notamment pour celles qui ont suivi une formation plusieurs années avant, ne sont pas inscrites dans les mêmes conditions que celles qui passent par une auto-école. Il nous semblait donc essentiel de rétablir, par la loi, cette égalité d’accès à l’examen.
C’est pour ces deux raisons que le Gouvernement émet un avis favorable à l’amendement n° 1463.
M. Jean-Jacques Filleul. Merci, monsieur le ministre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je voudrais réagir aux propos tenus à l’instant par M. le ministre.
Je me félicite d’abord qu’il considère le principe dont nous parlons comme n’ayant pas de portée normative.
Je rappelle, ensuite, les dispositions de l’arrêté du 22 octobre 2014, fixant la méthode nationale d’attribution des places d’examen au permis de conduire, lesquelles prévoient déjà que tout candidat au permis de conduire se voit proposer une place d’examen, qu’il se présente en candidat libre ou par l’intermédiaire d’une auto-école.
Dès lors, la précision que tend à introduire l’amendement n° 1463 ne me semble pas nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. C’est un sujet important, sur lequel, madame la corapporteur, vous avez tenu une argumentation purement juridique. Vous avez notamment évoqué l’indemnisation qui pourrait être demandée à l’État par le candidat ne pouvant passer le permis, si l’accès à celui-ci était érigé en service universel.
Ces dispositions, madame la corapporteur, ne sont pas seulement déclamatoires ; elles fixent un principe. Il faut regarder la réalité en face : pour beaucoup de jeunes, notamment pour les moins aisés, passer le permis, c’est comme avoir un diplôme.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Bien sûr !
Mme Nicole Bricq. Le permis, c’est même souvent le seul diplôme que ces jeunes obtiendront jamais !
Avec le service militaire, beaucoup d’hommes ont pu passer le permis de conduire, et parfois même le permis poids lourds.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !
Mme Nicole Bricq. Cela leur offrait la possibilité de trouver un emploi à la sortie du service militaire.
Cela n’existe plus dorénavant. Le principe de l’universalité de l’accès aux épreuves me paraît donc vraiment important. Il n’est pas normal, en effet, que la situation varie en fonction des territoires.
Je fais partie d’une génération qui n’a pas réellement connu de problèmes pour passer son permis. J’étais de la campagne et, je le dis, je ne pouvais pas faire autrement que de le passer dès mes dix-huit ans. Mais c’était, j’en conviens, il y a très longtemps…
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Mais non !
Mme Nicole Bricq. Aujourd’hui, les inégalités territoriales en la matière sont effrayantes, sans parler du coût.
Pour d’autres professions réglementées, la commission spéciale a adopté des amendements qui rappelaient la nécessité du diplôme. Or, en l’espèce, il s’agit bien, pour tous ces jeunes, d’un diplôme d’entrée dans la vie, dont le coût est prohibitif.
Je ne comprends pas votre attitude, mesdames, monsieur les corapporteurs. Comme le disait un homme célèbre, les faits sont têtus. Vous ne voyez pas la réalité, et, en nous sortant une argumentation purement juridique, d’ailleurs contestable, vous ne faites pas preuve de pragmatisme. (Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Madame Bricq, je m’étonne que vous reprochiez implicitement aux corapporteurs, à mots certes châtiés, de tenir un raisonnement juridique.
Mme Nicole Bricq. « Purement juridique », ai-je dit !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Nous sommes ici pour écrire la loi. Le rôle des corapporteurs est d’éclairer la Haute Assemblée. Dominique Estrosi Sassone l’a fait excellemment, en rappelant le sens des dispositions contenues dans l’amendement auquel le Gouvernement est favorable.
La notion dont nous parlons n’a bizarrement pas de traduction juridique. Elle est donc, en l’espèce, purement déclamatoire. Sans reprendre l’excellent raisonnement tenu à l’instant par Mme la corapporteur, il est normal que le Sénat soit éclairé sur la portée du principe proposé.
On pourrait très bien élever au rang de service universel d’autres prestations fournies par l’administration et utiles à nos concitoyens.
Pour sa part, la commission spéciale a eu tendance à considérer que cet aspect déclamatoire avait une valeur plus esthétique que juridique.
M. Didier Guillaume. Il faut penser aux jeunes !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Mme la corapporteur a donc indiqué que l’introduction de ces dispositions ne semblait pas particulièrement opportune. M. le ministre l’a reconnu de manière implicite, si on voulait traduire ses propos, en indiquant qu’il s’agissait d’un principe fort : ces dispositions ont surtout servi à ressouder les troupes dans une autre assemblée… (Sourires. –M. le ministre proteste.)
Plutôt que de proclamer des intentions difficilement suivies d’effets, nous essayons de bien mettre les choses en place d’un point de vue juridique, de bien écrire la loi, et d’éviter les dispositions déclamatoires dépourvues de toute traduction juridique.
C’est tout le sens des propos tenus à l’instant par Mme la corapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne comptais pas reprendre la parole, mais l’intervention de M. le président de la commission spéciale m’y oblige. Il ne faut pas tirer d’interprétation psychologique de mes propos ! La loi n’est pas faite pour ressouder les troupes, pas plus que pour porter des principes abstraits.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr que non !
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit là, en l’espèce, d’un principe important, dont nous déclinons l’ensemble des modalités dans la suite des articles. Je regrette d’ailleurs que la commission spéciale ait décidé, par esprit de cohérence, de supprimer également les modalités permettant l’application de ce service universel.
Ce principe crée, cela a été dit, un droit opposable. Cette idée prospérera. On fait ainsi porter sur les pouvoirs publics – je l’assume d’ailleurs totalement – l’obligation de respecter la limite des quarante-cinq jours, soit la moyenne européenne. Peut-on en effet se satisfaire des quatre-vingt-dix-huit jours d’attente, la moyenne dans notre pays ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Non, bien sûr…
M. Emmanuel Macron, ministre. Nous sommes-nous totalement donné les moyens de lutter contre cette situation jusqu’à aujourd’hui ?
Le ministre de l’intérieur a entamé, il y a quelques mois, une réforme qui n’avait pas été entreprise depuis des années. Cette réforme tend à créer les voies et moyens d’améliorer cet examen et son accès.
Les dispositions dont nous discutons permettent de dégager les enjeux, de poser un principe. Nous mettons les pouvoirs publics face à une obligation de résultat : l’attente ne pourra excéder quarante-cinq jours. Les choses vont donc changer : avec ce principe, nous créons une dynamique.
Par ailleurs, le principe de l’égalité d’accès à la formation est également posé, et la notion de service universel est complétée par le dispositif de l’amendement n° 1463, qui fait référence à l’égalité d’accès à l’inscription. (Mme Nicole Bricq acquiesce.)
Les évolutions sont en cours. Au-delà du principe de l’égalité d’accès à l’inscription posé dans cet article – je reconnais bien, monsieur le président de la commission spéciale, qu’il ne s’agit que d’un principe, mais il est ensuite décliné en diverses mesures juridiques –, les dispositions qu’il contient fixent les contraintes qui pèseront sur les pouvoirs publics.
Le choix du Gouvernement, qui s’est rangé sur ce point à une proposition émanant du Parlement, a été d’aller au bout de cette logique, et de prendre ses responsabilités.
Nous devons faire face, aujourd’hui, à une situation d’échec collectif. Je regrette de le dire, mais on ne peut pas reprocher au Gouvernement, dont l’ambition n’est pas de ressouder les troupes ni de défendre des principes seulement généraux, de prendre ses responsabilités et d’essayer d’être efficace là où beaucoup, jusqu’ici, avaient échoué.
Les faits sont têtus, en effet : en France, l’attente entre les deux premiers passages du permis est de quatre-vingt-dix-huit jours en moyenne ; elle est même de plus de deux cents jours pour la plupart des métropoles. Ce n’est pas excusable. Vous savez d’ailleurs quels sont ces délais dans le territoire que vous connaissez bien, monsieur le président de la commission spéciale ; vous ne pouvez donc que ressentir une profonde empathie pour le principe dont nous discutons, et pour les modalités qui en découlent. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Je ne sais pas le nombre de fois où, dans cet hémicycle, nous avons voté des articles, des amendements ou autres dispositions d’ordre déclamatoire. Je ne suis pas sûr, en tout cas, que le principe dont nous discutons soit le premier !
Mme Sophie Primas. Justement !
M. Didier Guillaume. Ce que je sais, en revanche, c’est que nous sommes, mes chers collègues, une assemblée politique.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Didier Guillaume. Or une telle assemblée doit essayer de donner du sens, de s’adresser aux citoyens, en l’occurrence aux jeunes.
Le service universel est une notion qui devrait tous nous rassembler. Pour reprendre – en beaucoup moins bien, naturellement – l’expression utilisée par Nicole Bricq, le permis de conduire est souvent le premier diplôme de certains jeunes ; il est même, pour certains, le seul.
Dans les territoires ruraux, un gamin de dix-huit ans sans permis de conduire est « ratatiné ».
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Didier Guillaume. Il ne peut pas se déplacer, il ne peut pas chercher de travail ; en somme, il ne peut rien faire !
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. Cela n’a rien à voir !
M. Didier Guillaume. Bien sûr que si ! Il y a aujourd’hui une inégalité terrible devant l’accès au permis de conduire.
Le service universel de l’éducation nationale implique que l’on ne peut pas empêcher une personne de passer une épreuve pour obtenir un diplôme. On ne peut pas l’empêcher de passer le bac à quarante ans, ou le BEPC à vingt-cinq ans. Or la situation est différente pour le permis de conduire. C’est un vrai problème !
Que le Sénat, assemblée des territoires, adopte une disposition selon laquelle tous les jeunes, dans tous les territoires de France, doivent avoir accès au permis, voilà qui vaudrait la peine que nous nous retrouvions tous ! Si tel n’était pas le cas, ce serait dommage.
Nous devons envoyer ce signe à la population, et notamment aux jeunes. Il y a tellement peu de signes envoyés, par les temps qui courent, que ce geste serait vraiment le bienvenu. (Mme Nicole Bricq et M. Jean-Jacques Filleul applaudissent. – M. Joseph Castelli applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je le répète, la commission spéciale partage ces objectifs sur le fond. Nous ne contestons pas, bien sûr, que les délais de passage aux épreuves pratiques du permis de conduire sont beaucoup trop longs.
Cela dit, pardonnez-moi, mes chers collègues, mais les propos que j’ai entendus sont démagogiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas mon genre !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Nous ne comprenons pas la méthode que vous voulez employer.
Selon vous, faire de l’accès au permis de conduire un service universel permettrait aux jeunes d’obtenir leur premier diplôme, parfois le seul qu’ils auront jamais. Or la création d’un tel service universel ne garantira pas l’obtention du diplôme !
Mme Nicole Bricq. Au moins, les jeunes pourront s’inscrire !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Par ailleurs, vous n’avez pas répondu à une question, monsieur le ministre : que se passera-t-il quand le candidat constatera que le délai de passage aux épreuves pratiques du permis de conduire dépasse le seuil des quarante-cinq jours ? Vous dites que les pouvoirs publics seront mis devant leur responsabilité. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Quelle sera l’indemnisation retenue ? Comment tout cela sera-t-il mis en place ?
Toutes ces questions sont loin d’être tranchées. Attention à ne pas connaître une situation similaire à celle que nous avons rencontrée avec le droit au logement opposable, qui part d’un principe que personne, pourtant, ne remet en cause. On voit aujourd’hui les difficultés que son application pose aujourd’hui dans les territoires.
Vous le savez bien, monsieur le ministre, l’objectif de réduction à quarante-cinq jours du délai de passage entre les deux premières épreuves ne peut pas être atteint aujourd’hui. Il n’est d’ailleurs atteint dans aucun autre pays.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il faut être pragmatique ; ériger l’accès au permis de conduire en service universel risquerait de poser beaucoup plus de problèmes que l’objectif de réforme de cet examen ne l’exige.
M. François Pillet, corapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. On parle d’envoyer un « signe », ou de suivre une « méthode » ; personnellement, je pense qu’il s’agit plutôt de faire preuve d’engagement.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Patrick Abate. Il faut s’engager sur ces principes d’égalité, en s’obligeant à rendre ce service accessible à tous.
Je ne comprendrais pas que ces dispositions ne fassent pas l’unanimité. Pour le groupe CRC, en effet, elles marquent, au sein du présent projet de loi, un progrès.
Ensuite – Mme la corapporteur a raison –, nous pourrons nous demander comment réagir si nous ne parvenons pas, immédiatement, à satisfaire ce principe de service universel. Mais, en fait, la question ne se posera pas car nous allons nous donner les moyens de faire de ce service universel une réalité. Ce sera l’objet des prochaines discussions. D’ailleurs, ma crainte à ce sujet est que, pour atteindre cet objectif, nous bradions un certain nombre d’autres grands principes, notamment ceux qui sont liés à la qualité de la formation, des formateurs ou des examinateurs.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Patrick Abate. Nous évoquerons ces questions ultérieurement. Mais, pour les membres du groupe CRC, il serait incompréhensible que la disposition ne recueille pas l’unanimité. Je ne peux pas imaginer que, pour des questions de signal envoyé ou des problèmes de méthode, la Haute Assemblée refuse de prendre un tel engagement vis-à-vis de notre jeunesse, sur un sujet aussi important que celui du permis de conduire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’ai été très sensible aux arguments de M. Didier Guillaume et, par conséquent, je voterai l’amendement n° 1463, tout en rappelant à mon collègue que j’ai déposé, après l’article 10 ter, un amendement n° 379 rectifié septies sur le gâchis alimentaire qui est, lui aussi, un amendement de principe. J’espère donc que tous ces bons principes se concrétiseront également autour de mon amendement ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
M. Hervé Marseille. Pour ma part, je retiens plutôt l’argumentation de Mme la corapporteur, car on voit bien la portée et les conséquences juridiques que peuvent avoir certains mots. Prenons l’exemple du droit au logement opposable, le DALO. Une fois ce droit – reconnu sur toutes les travées – énoncé, il a fallu créer des commissions de médiation pour tenter de régler une question insoluble, recourir au préfet, puis en passer par les tribunaux administratifs pour aboutir au versement d’indemnisations, ce qui a mobilisé des moyens importants en termes tant humains que financiers.
Je m’interroge donc, non pas sur l’idée en elle-même, une idée sympathique que nous pourrions effectivement tous partager, mais sur les conséquences de l’institution d’un service dit universel. Dans un monde qui tend à se judiciariser, on risque malheureusement de voir des usagers saisir les autorités préfectorales ou, à tout le moins, les juridictions administratives pour obtenir le respect d’un droit qu’on leur aura reconnu.
S’il ne s’agissait que de reconnaître ce droit entre nous, pourquoi pas ! Mais tels que ces amendements sont formulés, nous nous dirigeons tout droit vers l’instauration d’un système d’indemnisations et donc, nécessairement, de toute une organisation administrative visant à donner corps à ce service universel.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je tiens simplement à indiquer que le groupe écologiste votera les amendements nos 668 rectifié et 1463.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Pour la clarté de nos débats, je voudrais resituer un certain nombre de problématiques.
Comme M. le ministre et Mme la corapporteur l’ont parfaitement souligné, l’affirmation de ce service universel pose une question de principe.
Nous verrons quelles peuvent en être les conséquences en termes de droit. J’interrogerai précisément M. le ministre sur ce point, car je pense qu’il importe d’éclairer nos débats à ce sujet. Le droit opposable au logement vient d’être évoqué : s’agit-il, dans son esprit, à ce stade de la discussion, d’instaurer un véritable droit opposable ou pas ?... Nos débats faisant l’objet d’un compte rendu intégral, cette précision me semble importante pour permettre un juste commentaire de la loi.
Mais je tiens tout de même à insister sur le principe. Tout à l’heure, monsieur le ministre, vous avez parlé d’empathie. Celle-ci est naturelle dans cette assemblée, et je vous remercie de l’avoir souligné. Toutefois, plus que de l’empathie envers ceux qui rencontrent des difficultés dans nos territoires, c’est un sentiment de solidarité qui nous anime. Nous essayons de trouver des solutions concrètes.
Voilà pourquoi Mme la corapporteur vous a questionné. Il s’agissait pour elle d’approfondir notre compréhension juridique de l’amendement n° 1463, déposé par le groupe socialiste.
Nous estimons que de réelles questions pratiques se posent, et tout le travail mené par la commission spéciale et les corapporteurs consiste précisément à s’intéresser à ces questions pratiques. Comment faire progresser cette problématique du passage du permis de conduire ? Il faudra, me semble-t-il, que nous nous intéressions à ces aspects du projet de loi.
Par ailleurs, s’agissant de l’affirmation de ce principe à laquelle vous nous invitez, monsieur le ministre, il me semble que nos concitoyens sont un peu fatigués d’entendre des déclamations, y compris des déclamations inscrites dans la loi, qui ne sont pas suivies d’effets. Tel principe est affirmé, mais les jeunes, tout particulièrement, ne croient plus la classe politique, ni le législateur lorsqu’il consacre un principe dans la loi sans que cela ait une quelconque conséquence pratique.
Tout le travail que nous avons réalisé au sein de la commission spéciale, tout le travail que les corapporteurs vous invitent à mener consiste à nous appesantir sur les dispositions de ce projet de loi qui vont entraîner de réelles évolutions. Mais on ne peut se contenter d’affirmer que le choix de cette belle expression de « service universel » suffira à changer le quotidien des jeunes. À cela, les jeunes ne croient plus !
Au-delà du sujet, majeur, qui nous intéresse ici, une vraie question de principe se pose donc à la classe politique : doit-elle continuer à employer des mots qui n’ont aucune conséquence ? Pour le coup, c’est tout l’édifice qui se casse la figure ! La construction démocratique n’a alors plus aucun sens, notamment aux yeux des jeunes. Le questionnement soulevé par Mme la corapproteur s’attaque précisément à cette problématique.
Mais j’en reviens, monsieur le ministre, à la question que je souhaitais vous poser. Nous avons cru vous entendre évoquer la notion de droit opposable. Il serait utile au débat que vous précisiez si, dans votre esprit, il est question de créer ou pas un droit opposable. Cette clarification serait bienvenue.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. La question qui nous occupe a fait l’objet de longs débats au sein de la commission spéciale.
Je suis frappé de constater que nous sommes tous d’accord sur la nécessité de donner aux jeunes, mais aussi à d’autres personnes - les jeunes ne sont pas les seuls à avoir besoin d’un permis de conduire ! –, une possibilité d’accès à ce permis, constituant un véritable passeport pour la formation et l’emploi, pour la vie sociale et familiale. Nous nous accordons donc sur ce point et, en réalité, nous nous heurtons à des mots. Dans d’autres enceintes, j’aurais pu utiliser une expression triviale, que beaucoup ont à l’esprit : en fait, nous sommes en train de « hacher menu » des mots et de voir comment les placer dans le texte, afin de tenter de satisfaire une opinion publique, notamment au sein de notre jeunesse, qui est en attente de mesures concrètes.
Comme l’a souligné M. Vincent Capo-Canellas, se contenter d’introduire la notion de service universel pour régler le problème, c’est tout de même abuser quelque peu toutes ces personnes qui attendent de nous des mesures concrètes.
En outre – M. le président de la commission spéciale a parfaitement raison de le signaler –, cette notion génère des droits. L’expression « service universel » est employée dans bien des cas. Si l’on prend l’exemple de La Poste, croyez-vous vraiment, mes chers collègues, que le fait d’en avoir fait, dans la loi, un service universel a permis d’obtenir un fonctionnement satisfaisant ? Certainement pas !
La position de Mme la corapporteur et de la commission spéciale, à laquelle j’appartiens et dont je suis solidaire, consiste donc à trouver des mesures concrètes, satisfaisantes, sans chercher à se réfugier, simplement pour se donner bonne conscience, derrière des mots qui, j’y insiste, sont un peu vides de sens.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je tiens à apporter trois éclaircissements.
Première clarification, dans le cas de La Poste, exemple cité à l’instant par M. Lenoir, la notion de service universel nous permet effectivement de faire très concrètement peser sur l’établissement public un certain nombre de contraintes, comme des contraintes d’aménagement, qui valent ensuite compensation. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous discutons au moins une fois par an de ces sujets avec La Poste. Donc, oui, cette notion permet d’imposer certaines contraintes et d’induire des changements en matière d’organisation.
Deuxième clarification, les fameux 45 jours ne sont pas une invention et un chiffre inatteignable, puisqu’ils correspondent à la moyenne européenne. Fixer un tel objectif dans le cadre de ce texte ne me paraît donc pas déraisonnable.
Troisième clarification, il n’est pas question d’un droit opposable individuellement, ce qui me permet de répondre aussi en creux à votre question, monsieur Marseille. Le projet de loi ne prévoit pas de voie de recours et nous ne créons donc pas un risque de contentieux par ce truchement. En d’autres termes, le mécanisme qui serait créé diffère du dispositif DALO. Il permet simplement de faire pression sur les pouvoirs publics et sur toutes celles et tous ceux qui vont contribuer à l’organisation de l’examen pratique du permis de conduire. L’objectif est donc la création d’un engagement inscrit dans la loi, permettant d’organiser beaucoup plus efficacement l’accès à cet examen.
J’insiste surtout sur ce point : au-delà de la notion de service universel, l’amendement n° 1463 porte un principe d’équité et d’accès à l’examen sur tout le territoire, qui, aujourd’hui, n’est pas une réalité. Affirmer ce principe, surtout au moment où, justement, on cherche à modifier l’organisation de l’examen pour plus d’efficacité, représente un engagement important.
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 668 rectifié.
M. Pierre Médevielle. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 668 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1463.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
Mme la présidente. Je suis saisie de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1048, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 3 à 20 de l’article 9 du projet de loi qui, selon nous, rendent possible une orientation vers une libéralisation des épreuves du permis de conduire et du code de la route. Il n’est pas certain que cette direction, au regard de ce que nous venons d’adopter ensemble, soit la bonne ! Ces alinéas permettent en effet à toute structure privée agréée par l’État de faire passer l’épreuve théorique et pratique du permis de conduire.
Nous partageons bien – nous n’allons pas le redire – l’objectif de réduction des délais de passage du permis de conduire, mais la pénurie d’inspecteurs, si elle est réelle et problématique, ne doit pas non plus se traduire par un transfert au privé des missions que nous considérons devoir relever de l’État.
Ces alinéas offrent pourtant bien la possibilité, pour l’autorité administrative, de se décharger sur des personnes extérieures agréées pour l’organisation des épreuves, en contournant ainsi le passage par les inspecteurs du permis de conduire. J’ai évoqué précédemment cette question des moyens et du danger que représentait leur possible détournement.
Cette mesure, pour contestable qu’elle soit, paraît d’ailleurs d’autant moins nécessaire qu’un certain nombre de mesures ont été engagées récemment et devraient permettre de réduire le temps d’attente du passage des épreuves du permis de conduire.
Le constat d’un délai de passage du permis trop long – 90 jours en moyenne, voilà dix-huit mois – a effectivement débouché, et c’est fort heureux, sur un certain nombre de mesures correctives. Celles-ci n’ont pas encore donné de résultats concrets, mais devraient tout de même porter leurs fruits.
Depuis juin ou juillet dernier, ce sont ainsi 72 000 places d’examen supplémentaires qui ont été ouvertes, avec, en parallèle, un engagement de l’État d’utiliser enfin tous les moyens de la loi de finances pour les inspecteurs du permis, ce qui représente une cinquantaine de postes environ. In fine, 120 000 places d’examen supplémentaires devraient être créées. Vous le voyez, mes chers collègues, nous n’hésitons pas à reconnaître, quand c’est le cas, les avancées positives !
L’Assemblée nationale, lors de ses débats, a estimé les besoins à environ 200 000 places supplémentaires.
Il nous semble donc que c’est la voie à suivre. Il faut poursuivre cet effort, plutôt que de nous appuyer sur les dispositions des alinéas 3 à 20 de l’article 9, qui relèvent, à notre sens, davantage d’une posture idéologique et d’une volonté de réduire le plus possible les missions de l’État dans ce domaine que d’un véritable outil visant à réduire les délais d’attente.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de ces alinéas 3 à 20.
Mme la présidente. L'amendement n° 1425, présenté par M. Médevielle, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Toute épreuve pratique en vue de l’obtention du permis de conduire de la catégorie B ;
La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Le permis de conduire est aujourd'hui l’examen le plus présenté en France : 3,3 millions de présentations, dont 1,3 million pour le seul permis B.
Le corollaire de cette popularité tient au coût du permis. Selon certaines estimations, ce coût s’élèverait jusqu’à 3 000 euros dans les cas où le candidat échouerait au premier passage après un apprentissage classique. Ce coût très important est gonflé par les délais d’attente avant l’examen final. En 2013, le ministère de l’intérieur avait estimé à quatre-vingt-six jours, en moyenne, le délai d’obtention du permis en cas de réussite au premier passage.
Le délai moyen pour repasser le permis de conduire après un échec serait, quant à lui, de quatre-vingt-dix-huit jours, soit trois mois. En région parisienne, il pourrait même atteindre cent trente-cinq, voire deux cents jours. À titre de comparaison, ce délai n’est que de trente à quarante-cinq jours dans les pays européens voisins. Cette attente oblige donc l’apprenti conducteur à prendre d’autres heures de conduite, ce qui élève la facture. En 2014, certains ont estimé que chaque mois d’attente coûtait 200 euros au candidat.
Ces délais et les coûts associés sont liés, avec d’autres facteurs, bien évidemment, à la pénurie d’inspecteurs. Nous avons parlé de l’instauration d’un service universel : il convient de nommer des inspecteurs pour que cela puisse devenir un service universel !
Aussi, dans la perspective du présent article 9, cet amendement prévoit d’externaliser l’épreuve pratique du permis de conduire afin d’élargir l’accès au permis de façon plus équitable pour l’ensemble de nos concitoyens.
Mme la présidente. L'amendement n° 1464 rectifié, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :
Le chapitre 1er du titre 1er du livre 2 du code de la route est complété par des articles L. 211-2 à L. 211-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 211-2. – L’apprentissage de la conduite sur les voies ouvertes à la circulation publique est effectué dans un véhicule spécialement équipé à cette fin sous la supervision directe du titulaire d’une autorisation d’enseigner, ou d’un accompagnateur ayant suivi une formation le préparant à cette fonction.
« Art. L. 211-3. – Par dérogation à l’article L. 211-2, les candidats justifiant d’au moins vingt heures d’apprentissage dans les conditions prévues au même article L. 211-2 peuvent également apprendre la conduite des véhicules légers sur les voies ouvertes à la circulation publique sous le contrôle d’un accompagnateur. Cet accompagnateur est soumis à la seule obligation d’être titulaire du permis de conduire ces véhicules depuis un délai minimal.
« Cet apprentissage est effectué dans un véhicule spécialement équipé, au sens dudit article L. 211-2, sauf lorsqu’il s’intègre dans les formations qui sont définies par voie réglementaire.
« Art. L. 211-4. – L’apprentissage de la conduite avec un accompagnateur dans le cadre des formations mentionnées au second alinéa de l’article L. 211-3 n’est soumis à aucune condition de durée ou de distance parcourue minimales si le candidat a atteint l’âge de la majorité légale ou suit une formation professionnelle en vue de l’obtention d’un diplôme de l’éducation nationale permettant la délivrance du permis de conduire.
« Art. L. 211-5. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Le présent amendement vise à rétablir certaines dispositions supprimées par la commission spéciale. Il s’agit d’introduire des mesures concrètes, comme le propose à juste titre notre collègue Jean-Claude Lenoir.
En effet, la commission spéciale a disjoint du texte l’intégralité du II bis de l’article 9 du projet de loi alors qu’il comportait à mon sens des mesures utiles.
Il est proposé de rétablir la suppression des limites horaires et kilométriques imposées dans le cadre de la conduite supervisée et de la conduite encadrée. En effet, ces limites ne sont justifiées que dans le cadre de l’apprentissage anticipé de la conduite compte tenu de son public, en particulier des mineurs.
Il s’agit aussi de rétablir la mesure relative à la location de véhicule double-commande en retenant, toutefois, une approche encadrée et en limitant cette possibilité aux élèves ayant déjà effectué vingt heures de conduite en auto-école, comme cela se pratique déjà sur le terrain depuis quelques années.
Ces mesures permettront le développement des apprentissages alternatifs à la conduite afin d’augmenter le taux de réussite des candidats, de réduire la mortalité des jeunes sur les routes et de diminuer le coût de l’enseignement. Par ailleurs, les jeunes pourront sans doute trouver un emploi plus rapidement.
En revanche, il n’est pas suggéré de revenir sur le choix de la commission spéciale de ne pas rétablir la suppression de l’exigence des vingt heures de formation pour se présenter à l’examen.
Pour ces raisons, le présent amendement vise à introduire de nouveaux articles au titre 1er du livre 2 du code de la route.
Le premier article tend à rappeler le principe selon lequel l’apprentissage de la conduite s’effectue sous la double condition suivante : dans un véhicule double-commande avec un moniteur d’auto-école ou avec un proche ayant suivi une formation dédiée, actuellement d’une durée de quatre heures et dispensée dans une auto-école.
Le deuxième article vise à préciser les conditions dans lesquelles le candidat ayant déjà effectué vingt heures de formation peut recourir à un dispositif plus souple. Il s’agit de prévoir la possibilité déjà existante de recourir à un véhicule double-commande en étant accompagné, l’accompagnateur ne devant désormais qu’être un titulaire expérimenté du permis de conduire. Il s’agit également de pouvoir utiliser un véhicule sans double-commande, à condition toutefois que cette démarche s’intègre dans les modules de formation définis par l’État.
Le troisième et dernier article tend à préciser que les formations avec accompagnateur ne peuvent pas prévoir des conditions de durée ou de distance parcourue minimales lorsque le candidat est majeur – conduite supervisée – et lorsqu’il suit une formation professionnelle permettant la délivrance du permis de conduire – conduite encadrée.
Il s’agit de mesures qui bouleverseraient bien évidemment quelque peu la délivrance du permis de conduire. Néanmoins, elles sont conformes aux attentes des apprentis conducteurs, en particulier des mineurs.
Mme la présidente. L'amendement n° 670 rectifié bis, présenté par MM. Kern, Détraigne, Marseille, Médevielle et Gabouty, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Après l’article L. 213-7 du même code, il est inséré un article L. 213-7-… ainsi rédigé :
« Art. L. 213-7-... – Les établissements et associations agréés au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7 s’engagent dans des démarches d’amélioration de la qualité des prestations de formation qu’ils délivrent et dans des démarches d’obtention d’une garantie financière permettant de garantir un sérieux économique de l’établissement. La labellisation ou la certification par un organisme accrédité peuvent faire accéder ces établissements à des droits ou des dispositifs particuliers.
« La labellisation, la certification d’une démarche qualité et la garantie financière de l’établissement sont des éléments à préciser sur le contrat défini à l’article L. 213-2.
« Ces établissements sont tenus de transmettre, dans les meilleurs délais, les renseignements et documents relatifs à l’organisation et à la qualité de la formation aux examens théoriques et pratiques du permis de conduire qui leur sont demandés par le comité d’apprentissage de la route mentionné au chapitre IV du titre Ier du livre II.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière. »
La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Le présent amendement vise à rétablir des dispositions supprimées par la commission spéciale en les complétant afin de garantir le « sérieux économique » des écoles de conduite, dans un souci de protection du consommateur.
Au-delà des démarches de qualité concernant les prestations pédagogiques, cet amendement vise ainsi à protéger économiquement le consommateur des dérives des établissements qui ferment leurs activités alors que des versements ont déjà été effectués par plusieurs apprentis conducteurs. Pour éviter ces situations, seule la garantie financière peut assurer la protection économique et financière du consommateur.
Aussi l’établissement devra-t-il préciser les conditions d’obtention de sa labellisation, de sa certification et de sa garantie financière.
Mme la présidente. L'amendement n° 596 rectifié, présenté par M. Revet, Mmes Gruny et Hummel et MM. Magras, P. Dominati, G. Bailly, de Nicolaÿ et Houel, est ainsi libellé :
Alinéas 19 et 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Le taux de réussite des candidats aux épreuves théoriques et pratiques du permis de conduire n’est pas toujours représentatif de la qualité de l’enseignement, certains apprenants nécessitant des accompagnements plus longs pour réussir cet examen. Cela peut pénaliser notamment les agences installées dans des quartiers défavorisés, où les candidats ne maîtrisent pas forcément la langue française, où l’apprentissage est donc nécessairement plus long, et le taux de réussite souvent plus bas.
Il est nécessaire de tenir compte de ces situations pour établir des comparaisons. À défaut, le risque encouru serait de dissuader les exploitants d’auto-école de s’installer dans ces quartiers.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 590 est présenté par M. Grand.
L'amendement n° 669 rectifié est présenté par MM. Kern, Détraigne et Médevielle.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 19 et 20
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
III. – Après l’article L. 213-7 du même code, il est inséré un article L. 213-7-... ainsi rédigé :
« Art. L. 213-7-... – Les établissements et associations agréés au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7 s’engagent dans des démarches d’amélioration de la qualité des prestations de formation qu’ils délivrent.
« La labellisation ou la certification par un organisme accrédité peuvent faire accéder ces établissements à des droits ou des dispositifs particuliers. Ces établissements sont tenus de transmettre, une fois par an, les renseignements et documents relatifs à l’organisation et à la qualité de la formation aux examens théoriques et pratiques du permis de conduire et d’en faire l’affichage dans leurs locaux, mention dans les contrats et tous supports d’information les concernant.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière. »
L’amendement n° 590 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Pierre Médevielle, pour présenter l'amendement n° 669 rectifié.
M. Pierre Médevielle. Cet amendement vise à changer de prisme pour l’évaluation des écoles de conduite, en passant d’une logique du chiffre à une démarche globale de qualité.
En effet, l’affichage obligatoire des taux de réussites théorique et pratique en fonction du volume horaire dispensé se révélera une mesure contreproductive, et ce pour trois raisons.
Premièrement, il s’agit d’une mesure discriminatoire qui amènera les écoles de conduite à sélectionner les meilleurs élèves et à laisser de côté les élèves en difficulté.
Deuxièmement, il s’agit d’une mesure non contrôlable, les écoles de conduite peu scrupuleuses pouvant afficher des chiffres erronés et ainsi tromper le consommateur.
Troisièmement, il s’agit d’une mesure incomplète et injuste. Si l’on considère que le taux de réussite peut représenter un critère de choix pour les futurs élèves, alors il faut que la transparence soit totale et que l’affichage du taux de réussite de l’école de conduite en fonction du volume horaire soit complété par le taux de réussite en fonction des résultats des examinateurs. Au sein d’une même école, ces derniers peuvent en effet varier de 30 % à 70 % !
Face à ce constat, nous proposons, par le présent amendement, et dans le sens d’une meilleure protection du consommateur, d’inciter les écoles de conduite à entrer dans une démarche de qualité.
Cette démarche simple permettra au consommateur d’identifier tout au long de son parcours de formation les différents critères de satisfaction qui vont au-delà du simple taux de réussite : qualité de l’accueil, locaux, moyens et méthodes pédagogiques, délai et organisation de la formation, durée moyenne de la formation.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 586 est présenté par Mme Doineau, MM. Détraigne, Kern, Guerriau, Bonnecarrère, Longeot et Roche, Mme Billon, MM. Namy et Tandonnet et Mme Férat.
L'amendement n° 674 rectifié est présenté par MM. Patient et Antiste, Mme Claireaux et M. S. Larcher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 20
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 213-9. – Les départements rendent publics, dans des conditions fixées par voie réglementaire, la moyenne départementale des taux de réussite et le volume moyen d’heures d’enseignement par cursus d’apprentissage. »
La parole est à M. Henri Tandonnet, pour présenter l’amendement n° 586.
M. Henri Tandonnet. Dans un souci de transparence, le projet de loi prévoit de rendre publics les taux de réussite au permis de conduire par auto-école. L’objectif affiché est d’inciter les auto-écoles à une démarche de qualité dans leurs enseignements.
Même si je partage l’ambition, la méthode ne me semble pas la bonne. En effet, les taux de réussite ne dépendent pas seulement des auto-écoles. D’autres éléments sont à prendre en compte dans l’analyse. Je pense, notamment, au lieu du centre d’examen. En effet, les taux de réussite varient du simple au double entre une zone rurale ou une zone urbaine dense. L’exigence de l’inspecteur et les capacités de l’élève sont d’autres variables explicatives.
Ainsi, en l’espèce, le texte risque de stigmatiser, d’une part, les élèves en difficulté – ces derniers auront par ailleurs du mal à trouver une auto-école les acceptant, ce qui est déjà le cas avec les dossiers errants d’élèves ayant changé d’auto-école après un échec –, d’autre part, les auto-écoles opérant dans des zones difficiles, qui réalisent un travail, notamment social, important, le public passant le permis de conduire étant très hétéroclite.
Par conséquent, je propose de substituer à la publicité des taux de réussite par auto-école l’affichage de la moyenne départementale des taux de réussite, ainsi que le volume moyen d’heures d’enseignement par cursus d’apprentissage.
Une telle disposition permettra d’effectuer une véritable promotion de l’apprentissage anticipé de la conduite. Cette méthode présente en effet d’excellents taux de réussite, avec un volume horaire réduit. Elle offre le mérite de limiter les coûts du permis en parallèle. Or l’apprentissage anticipé de la conduite ne représente que 30 % des cursus. Il convient donc de le promouvoir sans inciter à une stigmatisation des élèves et des auto-écoles.
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 674 rectifié.
M. Maurice Antiste. Rendre publics les taux de réussite par auto-école vise à inciter les auto-écoles à adopter une démarche de qualité dans leurs enseignements.
Si les taux de réussite des auto-écoles sont en effet fonction de la qualité de l’enseignement, il ne faut pas oublier non plus qu’ils dépendent également du lieu du centre d’examen – les taux de réussite varient du simple au double entre une zone rurale ou une zone urbaine dense –, de l’exigence de l’inspecteur dont la sensibilité propre ne doit pas être questionnée, et des capacités de l’élève.
Voilà pourquoi une telle proposition risque de stigmatiser les élèves en difficulté, qui auront du mal à trouver une auto-école les acceptant, ce qui est déjà le cas avec les dossiers errants d’élèves ayant changé d’auto-école après un échec. On risque aussi de stigmatiser les auto-écoles opérant dans des zones difficiles, qui réalisent un travail important, notamment social.
Afficher la moyenne départementale permettra, en revanche, d’assurer une réelle promotion de l’apprentissage anticipé de la conduite, cursus qui présente des taux de réussite excellents pour un volume horaire réduit, ce qui permet de diminuer le coût du permis. L’apprentissage anticipé de la conduite ne représente aujourd’hui que 30 % des cursus.
Mme la présidente. L'amendement n° 313 rectifié, présenté par MM. Antiste, Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Patient et Mme Jourda, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout manquement au présent article est sanctionné dans les conditions prévues à l’article L. 111-6 du code de la consommation. »
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Si le texte de la commission spéciale a renforcé l’information des consommateurs en instaurant une obligation d’affichage par les auto-écoles des taux de réussite des candidats, il convient également de prévoir les modalités de sanction en cas de manquement à ces dispositions.
Afin de garantir l’application effective de l’obligation de publication de ces informations, et donc l’information efficace des consommateurs, cet amendement vise à assortir de sanction cette obligation, pour dissuader les professionnels de manquer à leurs nouvelles obligations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale considère que l’externalisation de l’épreuve théorique prévue dans le texte initial du Gouvernement constitue une bonne mesure. Voilà la preuve que, lorsque le texte envisage des évolutions de fond, avec des conséquences pratiques à la clé, la commission spéciale y est favorable. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1048.
La commission spéciale est réservée sur l’amendement n° 1425. L’externalisation des épreuves pratiques du permis de conduite à des personnes privées – cette question a fait l’objet d’importants débats à l’Assemblée nationale – reviendrait à rendre le passage du permis de conduite payant alors qu’il est aujourd'hui gratuit. Par ailleurs, il n’est pas certain que l’initiative privée soit suffisante pour mailler l’ensemble du territoire, notamment dans les zones rurales. La commission a donc émis un avis défavorable.
L’amendement n° 1464 rectifié vise à introduire dans le texte des dispositions qui sont de nature réglementaire et qui existent déjà. Voilà pourquoi la commission spéciale n’y est pas favorable.
Personne ne peut être contre la promotion de la conduite accompagnée. Nous ne contestons pas le fait que ce type de formation permet au candidat d’obtenir de meilleurs résultats à un moindre coût. Ce que nous contestons, c’est la méthode qui consiste à dire que, pour promouvoir la conduite accompagnée, il faut l’inscrire dans la loi. Si de telles dispositions figuraient dans la loi, le pouvoir exécutif se priverait, à l’avenir, de la possibilité de les modifier de façon souple. Je suis quelque peu surprise que les membres du groupe socialiste ne fassent pas plus confiance au Gouvernement...
Je crains que cette méthode ne soit in fine contre-productive. Pourquoi figer absolument le droit sur des sujets dont on sait qu’ils évoluent au cours du temps ? Le Gouvernement a proposé d’abaisser à quinze ans l’âge à partir duquel il est possible de suivre un apprentissage anticipé de la conduite, ce qui nous semble une bonne chose. Il n’aurait sans doute pas pu le faire aussi facilement si l’âge minimal avait été inscrit dans la loi.
L’amendement n° 670 rectifié bis vise à rétablir des dispositions relatives à la labellisation et à la certification des auto-écoles. Nous ne sommes pas opposés, bien au contraire, à la promotion de démarches d’amélioration de la qualité dans les auto-écoles. Je rappelle d’ailleurs que la certification de la qualité de la formation à la conduite figure parmi les mesures du comité interministériel de la sécurité routière du 13 janvier 2009 relatif à la réforme du permis de conduire. Nous estimons cependant que la labellisation ou la certification n’exigent pas nécessairement de dispositions législatives et doivent rester une démarche volontaire des auto-écoles. Or cet amendement tend à les rendre obligatoires.
Par ailleurs, je ne vois pas en quoi ces démarches doivent être « précisées » dans le contrat qui serait signé entre l’élève et l’auto-école. L’amendement fait de surcroît référence au comité d’apprentissage de la route, que nous avons supprimé hier soir.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande de retirer votre amendement, monsieur Médevielle. À défaut, la commission spéciale, à laquelle vous appartenez, maintiendra son avis défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 596 rectifié. Tous les arguments ont été avancés pour que les auto-écoles échappent à l’affichage obligatoire des taux de réussite des élèves au permis de conduire rapportés au nombre d’heures d’enseignement suivies, mesure nécessaire à la transparence et à l’information du consommateur. On nous a d’abord dit qu’une telle mesure pourrait conduire les auto-écoles à sélectionner leurs candidats, ce qui est interdit : une auto-école n’a pas le droit de refuser l’inscription d’un élève, quand bien même ce serait un mauvais élève. On nous dit maintenant que les auto-écoles vont refuser de s’installer dans les quartiers défavorisés.
Cet affichage vise à donner une idée du nombre d’heures nécessaires pour réussir le permis de conduire. Il dissuadera, nous semble-t-il, les dérives tarifaires observées dans certaines auto-écoles qui proposent des forfaits de vingt heures de formation à des tarifs très avantageux mais surfacturent ensuite les heures supplémentaires. Or, nous le savons, la durée moyenne de formation est souvent plus proche de trente à trente-cinq heures que de vingt heures.
Cette mesure réduira également la tentation que peuvent avoir certaines auto-écoles de retarder la présentation de leurs élèves aux épreuves pratiques qu’ils sont pourtant prêts à passer. Que cette pratique soit avérée ou non, la transparence acquise par cette mesure lèvera en tout cas le doute à ce sujet.
Enfin, pour répondre précisément aux préoccupations de l’auteur de l’amendement, la concurrence n’est à mon avis pas si élevée entre les auto-écoles situées dans des quartiers éloignés les uns des autres. Les élèves n’ont pas nécessairement envie de passer deux heures dans les transports pour suivre une heure de conduite. Ils compareront les auto-écoles situées dans les mêmes périmètres. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission spéciale sera défavorable.
Pour les raisons que je viens d’exposer longuement, la commission spéciale a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 669 rectifié.
Pour les mêmes raisons qu’évoquées précédemment, je demande le retrait des amendements identiques nos 586 et 674 rectifié. À défaut, l’avis de la commission spéciale sera défavorable. Je rappelle en outre qu’un mauvais élève rapporte plus d’argent à une auto-école. Le fait d’afficher les taux de réussite ne leur limitera donc pas forcément l’accès à ces dernières.
Enfin, le dispositif prévu par l’amendement n° 313 rectifié me semble quelque peu excessif ; l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’externalisation des épreuves du permis de conduire va accroître l’efficacité de la réforme proposée par le ministre de l’intérieur.
Pour ce qui est de l’examen de passage du code, tout d’abord, examen qui ne requiert pas pour les examinateurs un niveau de compétence aussi élevé que pour les autres examens, l’externalisation permettra de dégager l’équivalent de 140 000 places pour le permis B.
Pour les épreuves pratiques de certains permis poids lourds, ensuite, nous prévoyons une externalisation dans le cadre d’un diplôme professionnel. Les épreuves pratiques des diplômes professionnels dans des filières spécifiques requièrent la présence d’autres fonctionnaires, en particulier du ministère du travail ou de l’éducation nationale. Cette mesure permettra de dégager 112 000 places pour le permis B.
L’addition de ces mesures – 140 000 plus 112 000 places, auxquelles il convient d’ajouter les 110 000 places dégagées par le passage de treize examens par jour – permettra de concentrer la présence des inspecteurs sur l’examen pratique du permis B.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 1048.
L’amendement n° 1425 développe une philosophie qui peut se comprendre. Un amendement similaire avait d’ailleurs été porté par Jean-Christophe Fromantin à l’Assemblée nationale, où il avait fait l’objet d’une discussion approfondie. Reste que Mme la corapporteur a avancé les deux arguments pour lesquels le Gouvernement n’a pas retenu ce dispositif.
L’externalisation vers un opérateur privé aurait pour effet de rendre l’examen payant, ce qui n’est pas souhaitable compte tenu de notre engagement collectif à en faciliter l’accès aux jeunes. En cherchant à réduire les délais, qui se traduisent par un surcoût en heures additionnelles de conduite, il ne faudrait pas créer un coût supplémentaire lié au passage de l’examen. C’est pourquoi nous avons privilégié, quant à nous, la possibilité de demander le concours d’agents publics ou contractuels et, dans ce but, de déléguer la mission ou de passer des contrats avec des opérateurs comme La Poste, l’État prenant à sa charge, en la compensant par exemple, la réorganisation de l’examen pratique sans en faire peser le coût sur la personne qui passe l’examen.
Lorsque l’on regarde la carte des délais d’attente, carte qu’il me paraît utile de tenir à votre disposition, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un phénomène national. Le délai est supérieur à 45 jours sur la majeure partie du territoire et atteint presque 200 jours dans certaines zones métropolitaines.
M. le député Fromantin avait cité des opérateurs privés tels que Bureau Veritas, mais ceux-ci ne disposent pas nécessairement d’un maillage sur la France entière. En Seine-Saint-Denis, département cher au président de la commission spéciale, je doute que Bureau Veritas procède à de nombreuses installations pour faire passer l’épreuve pratique du permis. Il pourrait y avoir un effet d’opportunité là où ils sont installés, mais ils ne sont pas nécessairement présents sur l’ensemble du territoire. C’est pourquoi nous nous sommes tournés vers certains opérateurs comme La Poste, qui dispose d’un maillage de bureaux bien plus dense. En termes d’organisation, le schéma que vous nous présentez, monsieur Médevielle, n’est donc pas optimal.
Pour ces deux raisons, je vous invite à retirer votre amendement, bien que j’en comprenne la finalité. À défaut, l’avis sera défavorable.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 1464 rectifié visant à rétablir les différents modes d’apprentissage de la conduite. Beaucoup de ces réformes nécessitent la modification de textes de loi. Les dispositions qui ont été supprimées par la commission spéciale et que vous souhaitez réintroduire par cet amendement, monsieur Filleul, sont donc bien de nature législative. Ce faisant, vous actez également le choix de la commission spéciale de revenir sur le forfait minimal de vingt heures de formation, ce qui me paraît sage. C’est d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement de rectification sur ce point. Je pense que cela permet à la fois d’apaiser le sujet et d’éviter toute ambiguïté sur d’éventuels compromis en termes de sécurité routière à travers cette réforme.
L’amendement n° 670 rectifié bis porte sur la démarche qualité et l’obtention d’une garantie financière. La garantie financière peut poser des problèmes et constituer une contrainte formant une barrière à l’entrée qui me paraît excessive. Je vous invite donc à retirer cet amendement, monsieur Médevielle, au bénéfice de votre amendement n° 669 rectifié, auquel le Gouvernement est favorable.
L’amendement n° 596 rectifié a pour objet de supprimer les alinéas 19 et 20 et, par conséquent, l’obligation pour les auto-écoles d’afficher les taux de réussite. Comme je l’ai déjà indiqué, le Gouvernement est défavorable à l’affichage du simple taux de réussite, qui n’est qu’une composante très imparfaite de la qualité de service. La focalisation sur ce critère unique est moins vertueuse que le dispositif retenu dans le texte initial et comporte des inconvénients : tout d’abord, ce critère ne reflète pas forcément la qualité de l’enseignement fourni puisqu’il dépend du recrutement initial ; ensuite, son affichage pourrait conduire à des pratiques de sélection. En dépit de son interdiction stricto sensu, c’est l’un des risques identifiés. La démarche qualité que nous avons privilégiée et que prévoit l'amendement n° 669 rectifié me paraît préférable. C'est la raison pour laquelle j’invite les auteurs de l’amendement n° 596 rectifié à le retirer. À défaut, l’avis sera défavorable.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 586 et 674 rectifié. Les taux de réussite départementaux sont rendus publics par l’État. Il n’y a donc pas lieu, me semble-t-il, de transférer cette mission aux départements, qui ne sont au demeurant pas compétents en matière de sécurité routière. Je souscris à l’importance de cette publicité, mais pas à sa prise en charge par le département.
Enfin, l’amendement n° 313 rectifié prévoit un dispositif de sanctions administratives en cas de non-respect par les auto-écoles de l’obligation d’affichage des taux de réussite des candidats. Je demande le retrait de cet amendement, au profit des deux amendements sur lesquels j’ai émis un avis favorable et qui me semblent suffisants en termes de démarche qualité.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Madame la présidente, je demande une suspension de séance.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à onze heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous informe que les amendements nos 1425, 670 rectifié bis et 669 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 1048.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Magras, l'amendement n° 596 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Magras. J’ai cosigné cet amendement de M. Revet, parce que j’estime qu’il est fondé, réaliste et pragmatique. Le vote de la disposition qui fait de l’accès aux épreuves théoriques et pratiques du permis de conduire un service universel ne fait que renforcer ma conviction. Nous avons ouvert une porte que nous aurons du mal à refermer…
J’ai écouté les explications de M. le ministre et de Mme la corapporteur : pour être sincère, même si leurs arguments sont certainement fondés, ils ne m’ont pas totalement convaincu. Néanmoins, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 596 rectifié est retiré.
Monsieur Tandonnet, l'amendement n° 586 est-il maintenu ?
M. Henri Tandonnet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 586 est retiré.
Monsieur Antiste, l'amendement n° 674 rectifié est-il maintenu ?
M. Maurice Antiste. Oui, madame la présidente. En revanche, je retire l’amendement n° 313 rectifié.
Mme la présidente. L’amendement n° 313 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 674 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1049, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 21 et 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je vous l’accorde, mes chers collègues, cet amendement n’est pas fondamental. Nous nous interrogeons sur la pertinence d’un passage de l’épreuve théorique du permis de conduire dans les locaux des lycées, comme l’article 9 le prévoit. Pourtant, celle qui vous parle n’a pas le permis et aimerait bien retourner à l’école… (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne m’attarderai pas sur ce point, car nous en parlons depuis le début de la séance, mais je rappelle que c'est une faculté laissée à la discrétion du président du conseil régional, après avis du conseil d’administration de l’établissement. Des garanties ont donc été prévues pour que cela ne désorganise pas les choses.
Par ailleurs, le second degré est le cadre adéquat pour la préparation du passage du code.
Enfin, ce dispositif permet de réduire les coûts.
Madame la sénatrice, si les informations complémentaires que je viens d’apporter vous ont éclairée, je vous invite à retirer votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je comprends qu’on veuille faire passer les épreuves du code dans les lycées pour des raisons pratiques, notamment parce que ça coûte moins cher. Mais le problème, c’est le symbole !
Le code est devenu une épreuve compliquée, sélective. Les questions sont incroyablement difficiles ! Je ne serais pas sûr de l’avoir… (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. Moi, il est certain que je ne l’aurais pas !
M. Jean Desessard. Plusieurs jeunes de ma famille ont passé récemment le code. Ils m’ont montré les questions posées : effectivement, c'est fou !
J’ai lu un article dans Marianne (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) – excusez-moi, mes chers collègues, j’aurais dû dire dans Le Figaro (Rires sur les travées de l'UMP.) –, bref, dans une revue, dans lequel l’auteur expliquait à quel point l’examen du code était devenu sélectif. Normalement – c’est l’idée qu’on se fait d’un service universel –, on devrait tout faire pour que cet examen soit facile à réussir…. (Protestations sur les travées de l'UMP.) L’objectif, c'est bien que tout le monde puisse conduire, non ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Roger Karoutchi. Pourtant, vous êtes contre la voiture ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Certains pensent que l’école doit être sélective. Même si je ne suis pas d’accord avec cette idée, je peux comprendre qu’on puisse voir les choses ainsi. En revanche, le permis, chacun devrait pouvoir l’obtenir. Voilà pourquoi il faut faciliter l’acquisition des connaissances. Or, aujourd’hui, les questions sont tellement compliquées – et savoir y répondre n’aide en rien la personne à mieux conduire – que l’examen rebute les jeunes. Si, en plus, on fait passer ces épreuves dans les lycées, ils auront l’impression de retourner à l’école pour passer des examens d’anglais ou d’autre chose. Or il y en a beaucoup qui s’ennuient à l’école ! Bien sûr, dans certains milieux, les jeunes ne s’ennuient pas à l’école et ont de bons résultats… Mais nombreux sont ceux qui s’y ennuient et ont de mauvais résultats, ce qui les dévalorise et leur donne un sentiment d’échec.
Mme Nathalie Goulet. On s’éloigne du sujet !
M. Jean Desessard. Non, on ne s’en éloigne pas ! Et quand bien même…
Faire passer le code dans les lycées renforcera l’aspect scolaire de l’examen, déjà qu’il est rébarbatif, avec des questions incompréhensibles... (Exclamations sur diverses travées.)
Mes chers collègues, vous connaissez sûrement mieux les jeunes que moi, et ils vous disent certainement tous que l’examen du code c’est formidable, que les questions sont faciles… Moi, je les entends dire que c'est un examen compliqué, pénible, pour ne pas employer un autre mot. L’idée du service universel, c’est de faire de la conduite un apprentissage que tout le monde doit maîtriser, comme un certain nombre de tâches quotidiennes d’ailleurs, et pas une épreuve sélective.
Je voterai donc l’amendement. Je comprends bien, monsieur le ministre, les raisons pratiques qui justifient cette disposition, mais il ne faut pas oublier l’aspect psychologique d’une telle mesure.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Mon intervention sera certainement un peu moins amusante et passionnée que celle de notre collègue Jean Desessard, mais il est important de rappeler certaines choses.
On peut parler de l’examen du permis de conduire, de son contenu et de son contenant… Mais, finalement, quand un jeune obtient son permis de conduire, on pourrait presque dire qu’il ne sait pas vraiment conduire. L’apprentissage se fait avec le temps.
Je voudrais évoquer un point que personne n’a abordé. À l’époque où il y avait encore un service national actif, les appelés passaient leur permis voiture, voire poids lourds ou transports en commun. C’était aussi une école pour l’obtention du permis, qui offrait une bonne formation.
Mme Éliane Assassi. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 1049 est retiré.
L'amendement n° 362 rectifié, présenté par MM. Vaspart et Doligé, Mme Primas, MM. Pointereau et Mandelli, Mme Lamure, MM. Calvet et Commeinhes, Mme Deseyne et MM. Laménie, de Nicolaÿ, Charon, Pierre, Revet, César et Vasselle, est ainsi libellé :
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l'élève a choisi la voie de la conduite accompagnée, les auto-écoles sont habilitées à lui délivrer, sous certaines conditions fixées par décret, un permis provisoire.
« La validité de ce permis provisoire est fixée à six mois.
« Si aucune infraction n'est commise, constatée et reconnue pendant ces six mois, l'élève est réputé avoir valablement passé son permis.
« Si une infraction est reconnue pendant ces six mois, l'élève perd le bénéfice du permis provisoire. »
La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. La commission spéciale a consolidé le cadre juridique de l'apprentissage du permis de conduire en exigeant, d'une part, que l'évaluation préalable à la signature du contrat entre une auto-école et un élève ait lieu en sa présence physique et en introduisant, d'autre part, une obligation pour les auto-écoles d'afficher leur taux de réussite. Par ailleurs, sur proposition de Mme la corapporteur, elle a supprimé le recours à des agents publics ou contractuels comme examinateurs de l'épreuve pratique du permis de conduire, introduit lors du passage du texte à l'Assemblée nationale.
Mon amendement, issu de réflexions approfondies, est inspiré par quatre objectifs, partagés, me semble-t-il, par M. le ministre : supprimer le temps d’attente pour passer le permis de conduire ; faire en sorte que celui-ci ne coûte rien de plus à l’État ; inciter à l’apprentissage par la conduite accompagnée ; diminuer le coût pour le jeune, puisqu’il n’y aurait pas ou plus à l’inciter à prendre des heures supplémentaires de conduite, voire à les lui imposer, dans l’attente du passage de l’examen.
Le permis B est un permis de travailler, spécialement dans les départements ruraux.
Le Gouvernement dit s’être engagé dans la voie d’une réforme. Or celle-ci est minimale et insusceptible de régler ce problème majeur pour l’économie.
Par conséquent, je propose de compléter l’article 9 par quatre alinéas prévoyant que, lorsque l’élève a choisi la voie de la conduite accompagnée, les auto-écoles sont habilitées à lui délivrer, sous certaines conditions fixées par décret, un permis provisoire, dont la validité est fixée à six mois. Si aucune infraction n’est commise, constatée et reconnue pendant ces six mois, l’élève est réputé avoir valablement passé son permis. Dans le cas contraire, l’élève perd le bénéfice du permis provisoire et reprend le cycle normal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’adoption de cet amendement créerait une trop forte distorsion entre les élèves suivant une formation en apprentissage anticipée de la conduite et les autres, alors que tous les jeunes n’ont pas nécessairement la possibilité de suivre ce type de formation, faute de véhicule ou encore d’accompagnateur disponible.
En raison de la grande injustice qui en résulterait, la commission spéciale a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Vaspart, l’amendement n° 362 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Vaspart. Non, je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 362 rectifié est retiré.
L'amendement n° 200 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Mézard et Requier, Mme Laborde, MM. Fortassin, Esnol, Collin, Castelli, Arnell et Collombat et Mme Malherbe, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de la route est complété par un article L. 211-… ainsi rédigé :
« Art. L. 211-... – Les personnes âgées d'au moins seize ans et pouvant justifier du contrat d'apprentissage défini aux articles L. 6221-1 et suivants du code du travail, quand ce contrat est en vigueur depuis plus de deux mois, peuvent s'inscrire à la formation d'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur en vue de l'obtention du permis de conduire. »
La parole est à M. Joseph Castelli.
M. Joseph Castelli. Cet amendement vise à abaisser l’âge d’obtention du permis de conduire à la seizième année, soit deux années avant la majorité, pour les jeunes en contrat d'apprentissage, afin de mettre en conformité l’âge auquel il est permis de travailler et celui auquel il est permis de conduire.
Les chiffres sont éloquents : la mobilité, notamment l’auto-mobilité, qui passe par la détention du permis de conduire, est un facteur d’embauche dans 65 % des cas.
L’obtention du permis de conduire arrive aujourd’hui, le plus souvent, en même temps que la majorité légale et coïncide, dans la conception la plus courante, avec la fin du lycée, le passage du baccalauréat et une sorte d’émancipation du jeune adulte. Comme l’a bien souligné le rapport du député Jean-Michel Bertrand, « les adultes ont une perception du permis (un passage à l’âge adulte, à l’âge des responsabilités au moment où l’on se voit offrir le droit de vote) en décalage avec celle des jeunes (une contrainte financière pour trouver un emploi, un stage, voir ses amis, être mobile…) ».
Or cette limitation d’âge peut constituer un frein à la mobilité et, ainsi, se révéler une « double peine » pour les jeunes adultes qui se trouvent en contrat d'apprentissage dès leur seizième année. Pour obtenir un contrat d’apprentissage, on demande souvent aux jeunes d’être titulaires du permis de conduire, dont l’obtention leur est interdite.
Dans les champs et sur les exploitations, la conduite des engins agricoles est possible dès l’âge de quatorze ans pour les élèves en formation professionnelle agricole, dans le cadre d’un stage obligatoire ou en alternance, et à partir de quinze ans pour les apprentis. À ce titre, certaines régions, comme Languedoc-Roussillon,…
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Joseph Castelli. … ont mis en place des aides financières pour les étudiants en contrat d’apprentissage,…
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Les étudiants !
M. Joseph Castelli. … afin de leur faciliter le passage du permis.
L’adoption de la disposition que nous proposons contribuera à résoudre les problèmes liés à la mobilité des jeunes apprentis, lorsque ceux-ci vivent, notamment, dans les zones rurales, mais aussi dans les zones périurbaines et les autres zones où les transports publics peuvent s’avérer insuffisamment développés pour répondre aux besoins de mobilité constants en matière de travail, de formation, de recherche d’emploi ou même de sociabilité.
Nous proposons de sécuriser ce dispositif, en précisant que l’inscription dans une auto-école ne sera possible qu’à l’issue d’un certain délai après la signature du contrat d’apprentissage définitif : celui-ci devra être en vigueur depuis plus de deux mois.
Par ailleurs, il faut préciser que le temps que le jeune apprenti mettra à passer son permis de conduire – environ un an en moyenne – le conduira à être titulaire du permis de conduire à l’âge de dix-sept ans.
Cette question est éminemment économique : elle touche aussi, à ce titre, à l’égalité des chances économiques.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Joseph Castelli. Certains pays permettent d'ores et déjà le passage du permis de conduire à un âge plus précoce. Le Canada permet, par exemple, le passage du permis de conduire à seize ans ; l’Allemagne l’autorise dès dix-sept ans. Jusqu’à quand la France va-t-elle accumuler du retard en matière de mobilité des jeunes ?
Nous invitons le Sénat, assemblée des sages, à donner l’impulsion en la matière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le texte de l’amendement ne correspond pas à l’objet présenté, car, dans les faits, son dispositif n’abaisse pas l’âge d’obtention du permis de conduire. Du coup, je ne comprends pas très bien l’objectif de ses auteurs…
Tous les jeunes de plus de seize ans peuvent déjà apprendre à conduire un véhicule à moteur, qu’ils soient ou non en apprentissage. C’est même possible à partir de quinze ans, dans le cadre de l’apprentissage anticipé de la conduite. Cet amendement est donc déjà satisfait.
Quant à l’abaissement de l’âge d’obtention du permis de conduire à seize ans, évoqué dans l’objet de l’amendement, il est contraire au droit européen. En effet, la directive européenne sur le permis de conduire fixe à dix-huit ans l’âge minimum d’obtention du permis de conduire pour les véhicules de catégorie B, cet âge pouvant être abaissé à dix-sept ans.
Enfin, je ne vois pas pourquoi on créerait une discrimination au profit des apprentis. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
M. Dominique de Legge. Très bien !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le problème du permis de conduire, comme nous l’avons rappelé à maintes reprises, concerne tous les jeunes.
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Dans ces conditions, la commission spéciale a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Joseph Castelli, pour explication de vote.
M. Joseph Castelli. Compte tenu des explications de Mme la corapporteur, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 200 rectifié est retiré.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 335 rectifié est présenté par Mme Gruny, MM. Calvet et Chasseing, Mme Deromedi, M. Commeinhes, Mme Mélot et MM. Milon, Revet et Vasselle.
L'amendement n° 584 rectifié est présenté par Mme Doineau, MM. Guerriau, Détraigne et Gabouty, Mme Férat, MM. Luche, Delahaye, Kern, Bonnecarrère, Longeot, Cigolotti et Roche, Mme Billon et MM. Namy, Jarlier, Tandonnet, Marseille et Pozzo di Borgo.
L'amendement n° 676 rectifié est présenté par MM. Patient et Antiste, Mme Claireaux et M. S. Larcher.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le 2° de l’article L. 213-3 du code de la route est ainsi rédigé :
« 2° Avoir obtenu le certificat de qualification professionnelle ; »
La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 335 rectifié.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement vise à rendre obligatoire, pour tout candidat à l’exploitation d’un établissement d’enseignement de la conduite automobile, la détention d’un certificat de qualification professionnelle, obtenu à l’issue d’un stage de formation à la capacité de gestion. C’est simplement un gage de sérieux pour les futures écoles de formation des conducteurs d’automobile.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour présenter l'amendement n° 584 rectifié.
M. Henri Tandonnet. La représentation syndicale et patronale de l’éducation routière s’est dotée d’un certificat de qualification professionnelle pour l’obtention de l’agrément d’exploitant d’un établissement d’enseignement de la conduite automobile.
Ce certificat de qualification professionnelle à la gestion, délivré par l’Association nationale pour la formation automobile, l’ANFA, prévoit cent vingt-six heures de formation et comporte sept modules à valider. Il a vocation à remplacer le stage de formation à la capacité de gestion. Il serait obtenu à l’issue d’un examen final diplômant, gage de sérieux et de qualité pour les futures écoles de formation des conducteurs d’automobile.
Tout est prêt, aujourd'hui, pour valider ce diplôme, raison pour laquelle le présent amendement vise à inscrire le certificat de qualification professionnelle dans le code de la route.
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 676 rectifié.
M. Maurice Antiste. Le certificat de qualification professionnelle, délivré par l’ANFA, est un diplôme sanctionnant la validation de la formation pour tout candidat à l’exploitation d’un établissement d’enseignement de la conduite automobile.
Mis au point après un accord paritaire de la branche professionnelle, il donne accès au répertoire national des qualifications des services de l’automobile. Il a vocation à compléter et à sanctionner le stage de formation à la capacité de gestion et serait obtenu à l’issue d’un examen final diplômant, gage de sérieux et de qualité pour les futures écoles de formation des conducteurs d’automobile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Aujourd'hui, la capacité à gérer un établissement d’enseignement de la conduite est précisée par la voie réglementaire, à l’article R. 213-2 du code de la route. Elle est réputée obtenue soit par l’obtention d’un diplôme d’État, soit par le suivi d’une formation agréée spécifique.
Remettre en cause ce dispositif, en imposant le certificat de qualification professionnelle, rendrait caducs les agréments d’un certain nombre d’auto-écoles, avec des répercussions qui seraient certainement négatives pour les élèves qui y sont inscrits. En outre, il s'agit d’une mesure de nature réglementaire.
La commission spéciale a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 335 rectifié, 584 rectifié et 676 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article additionnel après l’article 9
Mme la présidente. L'amendement n° 543 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa et Duvernois, Mme Kammermann, M. Cadic, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Charon, Commeinhes et Magras, Mme Mélot et M. Milon, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre 2 du code de la route est complété par un titre 5 ainsi rédigé :
« TITRE 5
« DISPOSITIONS RELATIVES AUX FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE
« Art. L. 251-1 – Les consulats sont habilités à délivrer aux Français établis hors de France :
« 1° le permis de conduire international ;
« 2° un duplicata du permis de conduire français en cas de perte ou de vol ;
« 3° le relevé d’information restreint délivré en cas de perte ou de vol du permis français.
« Art. L. 251-2 – Lorsqu’un Français a son domicile hors de France, il peut également obtenir la délivrance d’un duplicata de son permis de conduire auprès de la préfecture dans laquelle il a conservé une résidence ou dans la préfecture du département où il est inscrit sur une liste électorale.
« Art. L. 251-3 – Pour tout renouvellement de permis de conduire à validité limitée pour raison médicale, la visite médicale a lieu auprès d’un médecin agréé par la préfecture ou par le consulat.
« Art. L. 251-4. – Lorsqu’un Français qui a fixé sa résidence habituelle à l’étranger échange son permis français avec un permis local, la délivrance de ce titre local entraîne la conservation du titre français.
« Art. L. 251-5 – Un décret détermine, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent titre. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement concerne le permis de conduire des Français établis hors de France. En effet, le droit en vigueur ne tient pas compte des spécificités liées à une expatriation à l'étranger.
Nos compatriotes expatriés rencontrent de telles difficultés pratiques que l'Assemblée des Français de l'étranger a adopté à l'unanimité une résolution à ce sujet lors de sa dernière session, en mars 2015, sur le rapport de M. Ronan Le Gleut.
Dans cette résolution, l’AFE demande au Gouvernement de permettre aux postes consulaires de délivrer des duplicatas de permis de conduire en cas de vol ou de perte, des relevés d'information restreints – les RIR –, ainsi que des permis de conduire internationaux. Elle demande également une simplification de la procédure de « rétablissement des droits à conduire » pour les Français qui ont été titulaires d'un permis de conduire français et qui reviennent en France.
L’AFE demande encore que les échanges réciproques de permis de conduire soient favorisés, notamment dans les États ou provinces de pays fédéraux, et que l'échange du permis moto soit étendu quand l'échange du permis voiture existe déjà.
Enfin, elle demande qu'un fascicule d'information et une rubrique du site internet du ministère des affaires étrangères abordent tous les cas de figure et soient régulièrement mis à jour.
Notre amendement tend à étendre aux consulats les prérogatives des préfectures en matière de délivrance de duplicatas de permis de conduire français, de RIR ou de permis de conduire international. Il a également pour objet de permettre aux Français établis dans l’un des pays avec lesquels il n'existe pas d'accord de réciprocité et qui doivent passer les examens du permis de conduire de ce pays de retrouver leur permis de conduire français à leur retour en France.
Pour résoudre ces difficultés, la parution d'un décret a été promise par les gouvernements successifs depuis au moins 2003, comme en témoignent les réponses ministérielles à plusieurs questions écrites de notre ancien collègue Christian Cointat et de notre collègue Richard Yung – on le voit, c'est un sujet transpartisan. Malheureusement, les promesses n'ont pas été tenues.
Lors de la discussion d'un amendement de MM. Frédéric Lefebvre et Thierry Mariani à l'Assemblée nationale, le 30 janvier dernier, vous avez promis, monsieur le ministre, la prise en compte de ces difficultés, une réunion de travail à la mi-février 2015 et la parution d'un décret « avant la fin du mois de mars » de cette année. Cette parution est attendue avec impatience par nos compatriotes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement met en exergue des difficultés réelles rencontrées par les Français résidant à l’étranger. En effet, lorsqu’un expatrié échange son permis de conduire français contre un permis de conduire de son pays de résidence, il est obligé de repasser le permis de conduire français s’il revient en France.
Comme vous l’avez souligné, ma chère collègue, lorsque cette question a été abordée à l’Assemblée nationale, le ministre a annoncé la publication d’un décret d’ici à la fin du mois de mars. Nous avons interrogé son cabinet à ce sujet, mais nous n’avons pas obtenu de réponse… Dans ces conditions, comme je m’y étais engagée en commission spéciale, j’émets un avis favorable sur cet amendement. Toujours est-il que si M. le ministre veut nous apporter une réponse, celle-ci est la bienvenue…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Un décret visant à permettre à un consulat de délivrer aux Français expatriés un nouveau permis de conduire en cas de perte ou de vol de celui-ci est en cours d’élaboration. Les réunions nécessaires ont eu lieu, et il devrait être publié cet été.
Le projet de décret étend cette possibilité à quatre nouveaux cas : les Français vivant à l’étranger, mais ayant conservé une résidence en France, les Français installés à l’étranger depuis moins de 185 jours, ceux ayant le statut d’étudiant et les membres du corps diplomatique. Dans ces quatre cas de figure, le consulat ayant reçu une demande de renouvellement de permis de conduire pourra demander à la préfecture compétente de renouveler le titre, celui-ci sera ensuite envoyé au consulat afin d’être remis à l’intéressé.
S’agissant des personnes qui sont dans l’impossibilité de justifier d’une résidence en France, le ministère de l’intérieur étudie la possibilité de les autoriser à demander un permis de conduire auprès d’un consulat, au regard notamment de l’article 12 de la directive 2006/126/CE relative au permis de conduire, qui définit la notion de « résidence normale ».
Cependant, deux incertitudes juridiques doivent encore être levées : dès lors qu’il s’agit d’un permis de conduire européen, la directive précitée s’applique-t-elle quel que soit le lieu de la demande, y compris dans un État non membre de l’Union européenne ? Cette question a d’ailleurs été soulevée par l’un de vos collègues à l’Assemblée nationale. En cas de réponse positive, les dispositions de l’article 12 obligent-elles le demandeur d’un permis de conduire à justifier d’un domicile dans le pays où la demande a été déposée ?
Les conclusions juridiques seront rendues au cours du mois d’avril, et le projet de décret sera modifié en conséquence s’il s’avère que les Français ne justifiant plus d’une résidence en France peuvent demander un permis de conduire français. Ce projet de décret sera ensuite soumis dans les meilleurs délais aux ministères concernés, en particulier au ministère des affaires étrangères et du développement international, ainsi qu’aux instances consultatives obligatoires, dont, bien entendu, le Conseil d’État.
Le présent amendement sera donc satisfait, dans le respect de la directive précitée, par voie réglementaire. C’est pourquoi, en espérant vous avoir donné les éléments de réponses attendus, j’en sollicite le retrait.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Voilà un problème que nous connaissons bien et qui constitue une sorte d’impasse juridique : lorsque certains perdent leur permis de conduire, il leur est impossible d’en obtenir un nouveau, à moins, bien entendu, de repasser l’examen.
Mme Nicole Bricq. Il nous reste bien des questions à examiner...
M. Richard Yung. Je sais bien qu’il y a des problèmes plus graves dans le monde, ma chère collègue, mais ce sujet concerne les Français établis hors de France, que nous représentons.
Monsieur le ministre, vos propos montrent que nous allons dans la bonne direction. Il faut en effet distinguer entre permis de conduire européen et permis de conduire non européen. Il faut surtout que la procédure soit la plus simple possible, afin d’éviter que nous ne nous retrouvions face à une machinerie compliquée avec un tas de conditions et de papiers à remplir. En tout cas, personnellement, je voterai l’amendement.
Mme Nicole Bricq. Moi aussi !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.
Article 9 bis A
(Non modifié)
I. – Au 13° du III de l’article L. 141-1 du code de la consommation, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».
II. – Le chapitre III du titre Ier du livre II du code de la route est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 213-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La présentation du candidat aux épreuves organisées en vue de l’obtention du permis ne peut donner lieu à l’application d’aucuns frais. Les frais facturés au titre de l’accompagnement du candidat à l’épreuve sont réglementés dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce. » ;
2° Après le même article L. 213-2, il est inséré un article L. 213-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 213-2-1. – Sont passibles d’une amende administrative, dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale, les manquements aux dispositions des trois premiers alinéas de l’article L. 213-2.
« L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l’autorité compétente pour prononcer, dans les conditions prévues à l’article L. 141-1-2 du code de la consommation, ces amendes administratives. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1460, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. L'amendement n° 1689, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
organisées en vue de l'obtention
et après le mot :
permis
insérer les mots :
de conduire
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1460.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 1689 est rédactionnel.
L’amendement n° 1460 est en effet un amendement de coordination avec l’amendement n° 1459, que le Sénat n’a pas adopté. Par cohérence, l’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 1460 et émet un avis favorable sur l’amendement n° 1689.
Mme la présidente. Monsieur Filleul, l'amendement n° 1460 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Filleul. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1460 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1689.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9 bis A, modifié.
(L'article 9 bis A est adopté.)
Articles additionnels après l’article 9 bis A
Mme la présidente. L'amendement n° 255 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Mézard, Arnell, Barbier, Castelli, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collin, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6231-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … Favorisent le passage de l’examen du permis de conduire, en informant les apprentis sur les aides existantes et les modalités de passage, en lien avec leur formation, et en encourageant le passage durant la formation d’apprentissage. »
La parole est à M. Joseph Castelli.
M. Joseph Castelli. Cet amendement se situe dans le droit fil de la promotion du permis de conduire comme outil de développement et d’égalité des chances économiques.
Toutes les études montrent que le permis de conduire est un enjeu déterminant pour les personnes cherchant un emploi. Un rapport de 2013 consacré à la mobilité inclusive et intitulé Mobilité, insertion et accès à l’emploi : constats et perspectives a ainsi souligné que « les ménages pauvres sont deux fois plus nombreux que la moyenne à se déplacer à pied, et ils utilisent plus fréquemment les transports en commun. Dans les enquêtes menées, la moitié des personnes en insertion n’ont pas le permis de conduire, et seul un tiers dispose d’un véhicule. Un quart des répondants déclarent ne disposer d’aucun moyen pour se déplacer. […] Une approche croisant niveau de vie, minima sociaux perçus et situation professionnelle permet d’estimer entre 6 et 8 millions de personnes la fourchette de population en âge de travailler concernée par ces difficultés de mobilité ».
Afin de prendre en compte l’importance que peut revêtir le permis de conduire pour les jeunes travailleurs, cet amendement vise à inscrire dans les missions des centres de formation d’apprentis l’incitation, pour les apprentis, à passer leur permis. Certes, ces centres de formation disposent déjà de la possibilité de faire la promotion du permis de conduire, mais nous souhaitons que cette dernière fasse partie de leur priorité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale a émis un avis défavorable, car nous pensons qu’il n’y a pas lieu d’inscrire cette mesure dans la loi.
Comme vous l’avez vous-même rappelé, mon cher collègue, les régions peuvent déjà mener des campagnes d’information et de sensibilisation dans les centres de formation d’apprentis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 585 est présenté par Mme Doineau, MM. Guerriau et Détraigne, Mmes Loisier et Férat, MM. Luche, Delahaye, Kern et Longeot, Mme Billon et MM. Roche et Namy.
L'amendement n° 675 rectifié est présenté par MM. Patient et Antiste, Mme Claireaux et M. S. Larcher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 9 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’opportunité que représente le permis à un euro par jour pour la démarche qualité dans laquelle les établissements d’enseignement de la conduite se sont engagés, le financement du permis de conduire des personnes les plus démunies et sur les freins actuels à ce financement.
L’amendement n° 585 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 675 rectifié.
M. Maurice Antiste. Le dispositif « permis à 1 euro par jour » est une aide au financement de la formation à la conduite et à la sécurité routière pour tous les candidats au permis de conduire de moins de vingt-six ans. Il est aujourd’hui sous-utilisé, puisqu’il ne représente que 15 % des permis, faute de financement par les établissements financiers.
Pour être conventionnés, les établissements d’enseignement de la conduite agréés doivent fournir un certain nombre de garanties, gage de solidité de leur activité et de qualité de l’enseignement dispensé : garantie financière, charte de qualité… En cela, le permis à 1 euro par jour représente une double opportunité : garantir le service universel du permis en assurant son financement et obtenir un premier pas concret dans le cadre de la démarche qualité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale est défavorable à cette demande de rapport.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le dispositif du permis à 1 euro par jour est en effet important pour favoriser l’accessibilité au permis de conduire. Dans le cadre de la réforme du permis de conduire, le ministre de l’intérieur a lui-même annoncé le renforcement de ce dispositif. Le permis à 1 euro par jour a été rendu accessible dès l’âge de quinze ans dans le cadre de l’apprentissage anticipé de la conduite par le décret du 3 mars 2015. En outre, le montant maximum du prêt sera porté à 1 500 euros et une possibilité de financement complémentaire sera ouverte en cas d’échec à l’épreuve pratique.
Le Gouvernement souhaite inciter les écoles de conduite à s’engager dans une démarche qualité. Le conventionnement du permis à 1 euro par jour est une première étape.
Par ailleurs, un groupe de travail a été constitué par le ministre de l’intérieur dans le cadre de la concertation avec les organisations professionnelles.
Comme vous le voyez, monsieur Antiste, le Gouvernement met d’ores et déjà en œuvre vos préconisations. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Antiste, l'amendement n° 675 rectifié est-il maintenu ?
M. Maurice Antiste. Non, je le retire, mais, soyez-en sûr, monsieur le ministre, je reviendrai sur ce sujet à l’heure du bilan. (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1465 rectifié, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 213-4 du code de la route, il est inséré un article L. 213-4-... ainsi rédigé :
« Art. L. 213-4-... – La répartition des places d’examen au permis de conduire attribuées aux établissements d’enseignement de la conduite et de la sécurité routière est assurée dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, ne portant pas atteinte à la concurrence entre ces établissements. Ces places sont attribuées de manière à garantir l’égal accès des candidats libres à une place d’examen.
« La méthode nationale de répartition est définie par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière. »
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Le présent amendement a pour objet de rétablir l’article 9 bis relatif à la répartition des places d’examen au permis de conduire afin d’affirmer que cette répartition est assurée dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires. Il s’agit de poser des principes généraux et normatifs et non de se fonder sur l’arrêté du 22 octobre 2014, comme le souhaite la commission spéciale, qui n’est pas aussi explicite sur ce point.
La disposition introduite par l’Assemblée nationale à l’article 9 bis vise à répondre aux difficultés que soulève actuellement la méthode d’attribution des places fondée sur la « clause de grand-père », génératrice de distorsion de concurrence préjudiciable au développement et à la modernisation de la profession.
L’article 9 bis apporte également une garantie aux candidats libres – ne les oublions pas ! –, qui sont actuellement pénalisés, de façon discriminatoire, par des délais d’obtention de places d’examen rédhibitoires.
Madame la corapporteur, j’espère que vous allez revenir sur votre premier jugement en commission spéciale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Au risque de vous décevoir, mon cher collègue, l’avis de la commission spéciale reste défavorable, car la portée normative de cette disposition semble limitée.
L’arrêté du 22 octobre 2014, auquel vous avez fait référence, fixant la méthode nationale d’attribution des places d’examen du permis de conduire prévoit déjà un accès des candidats libres aux épreuves du permis de conduire dans les mêmes conditions que les candidats inscrits dans les auto-écoles. Il dispose en effet que « le nombre de places d’examen accordées mensuellement aux candidats libres est établi afin que le délai d’attente pour les candidats libres entre la première présentation et la deuxième soit égal au délai d’attente moyen constaté dans le département ».
Je me demande pourquoi vous insistez tellement pour rétablir cet article compte tenu des arguments que je viens de vous donner. Doit-on y voir une défiance à l’égard du pouvoir exécutif actuel ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. On joue notre rôle de parlementaire, c’est tout !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je tiens à rassurer Mme la corapporteur : le Gouvernement ne voit aucune défiance dans cet amendement, dont l’objet est, d’abord, de proposer une méthode objective, transparente et non discriminatoire et, ensuite, de se conformer au droit de la concurrence.
Il est absolument fondamental de lutter contre toute forme de discrimination à l’encontre des candidats libres. Inscrire ce principe dans la loi permettra de le faire respecter partout.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. L’existence de la « clause de grand-père » défavorise les nouveaux entrants au détriment de la concurrence. Or c’est justement ce que les auteurs de cet amendement entendent rectifier. Le quota de quatre places, voire six, réservé aux nouveaux entrants le premier mois ne suffit pas pour pénétrer ce marché et accroître l’offre.
Par ailleurs, le nombre de places d’examen dépend du nombre de candidats présentés antérieurement par les auto-écoles, ce qui tend aussi à préserver certaines situations acquises.
Je ne peux donc que m’étonner de ne pas retrouver pour les auto-écoles la volonté d’ouverture des marchés aux nouveaux entrants dont a fait preuve la commission spéciale pour d’autres secteurs.
L’adoption de cet amendement, en posant des règles plus claires et plus ouvertes, permettrait d’améliorer l’offre et d’accroître l’accès à ce marché. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement, dans lequel, je le répète, il ne voit aucune marque de défiance. Bien au contraire, j’y vois la marque d’une responsabilité collective, d’une volonté d’ouvrir ce secteur afin d’améliorer l’offre et d’obtenir de meilleurs résultats.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Encore une fois, monsieur le ministre, ce n’est pas une méthode : il suffit de changer le règlement.
Mme Nicole Bricq. La force de la loi est supérieure à celle du règlement !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Certes, mais un arrêté existe, et il contient déjà le dispositif que vous proposez.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1465 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 130 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 150 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, l'article 9 bis demeure supprimé.
Article 9 ter
(Supprimé)
Articles additionnels après l'article 9 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 436, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 417-1 du code de la route, il est inséré un article L. 417-… ainsi rédigé :
« Art. L. 417-... – À compter du 1er janvier 2016, le conducteur d’un véhicule à moteur, à l’exception des véhicules d’intérêt général, doit éteindre le moteur après cinq minutes à l’arrêt ou en stationnement.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à obliger les conducteurs à éteindre le moteur de leur véhicule après cinq minutes à l’arrêt ou en stationnement. Allez-y, dites-le, c’est encore un truc d’écolo ! (Rires.)
Mme Élisabeth Lamure. On peut le dire !
M. Jean Desessard. D’accord, mais une telle législation existe déjà – excusez du peu ! – au Canada et en Suisse…
M. Jean Desessard. … afin de lutter contre la marche au ralenti du moteur. Cette mesure permettrait aux particuliers et aux entreprises de faire des économies, puisque la marche au ralenti, à l’arrêt, revient à gaspiller du carburant.
M. Roger Karoutchi. Ça, c’est vrai !
M. Jean Desessard. Elle serait également bénéfique aux voisins, aux piétons…
Par ailleurs, cette mesure inciterait les constructeurs automobiles à développer davantage l’installation de dispositifs d’arrêt automatique du moteur,…
M. Roger Karoutchi. Bigre !
M. Jean Desessard. … qui existent d'ores et déjà sur certains véhicules. Enfin, l’obligation d’arrêter le moteur, et c’est le plus important…
M. Roger Karoutchi. Ah oui ?
M. Jean Desessard. Je vous remercie, monsieur Karoutchi, de rythmer mon intervention comme vous le faites !
M. Roger Karoutchi. C’est que je n’ai pas le permis de conduire, moi !
M. Jean Desessard. L’obligation d’arrêter le moteur, disais-je, permet de diminuer les émissions de gaz à effet de serre.
En commission spéciale, madame la corapporteur, vous avez indiqué privilégier la prévention à l’instauration de nouvelles normes. Malheureusement, dans le domaine des atteintes à l’environnement – comme dans d’autres domaines d’ailleurs –, bien souvent, la prévention ne suffit pas.
Après les pics de pollution à Paris, il est plus que jamais urgent d’utiliser tous les outils législatifs à notre disposition pour lutter contre cette pollution. C’est notre responsabilité ! Tel est le sens de notre amendement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Faut-il en passer par la loi pour encourager les comportements vertueux ? Nous ne le pensons pas.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il a bien fallu en passer par la loi pour instaurer la parité !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Pourquoi rajouter une norme, alors que celles existantes ont déjà permis de beaucoup améliorer les choses ? Nous avons vu à propos des autocars, par exemple, l’efficacité des normes européennes.
Par ailleurs, de nombreuses innovations – je songe, par exemple, au véhicule deux litres aux cent kilomètres – voient le jour, poussées par le Gouvernement au travers des programmes d’investissements d’avenir. Nous incitons précisément les constructeurs à améliorer tout ce qui permet de réduire le caractère polluant de leurs véhicules : conditions d’émission, modalités de freinage, pneumatiques…
Imposer une telle obligation ne nous semble ni efficace ni incitatif. L’éco-conduite, par exemple, laquelle rapporte des points au permis de conduire, est une mesure concrète plus incitative que punitive.
La manière la plus adaptée de traiter le problème n’est pas de rajouter une norme venant compliquer le jeu entre nos constructeurs, mais bien d’inciter non seulement les entreprises à améliorer et innover, mais aussi les conducteurs à adapter leurs pratiques. Or c’est justement ce que le Gouvernement s’efforce de faire.
Je vous invite donc à retirer cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint, comme à l’Assemblée nationale sur un amendement similaire, d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 436 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
M. Hervé Marseille. Je salue l’inventivité de notre collègue Jean Desessard et de son groupe. Cependant, je m’interroge : comment les agents chargés de faire respecter la norme, au demeurant tout à fait sympathique, que nous sommes susceptibles de créer constateront-ils que le délai de cinq minutes est écoulé ? Se pencheront-ils au-dessus du pot d’échappement ? Cela me fait un peu penser au sketch de Fernand Raynaud et au fût du canon qui met un certain temps pour refroidir. (Sourires.)
J’aimerais que l’on m’explique comment il est possible de faire respecter le dispositif que vise à mettre en place cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je voudrais seulement signaler que, dans la cour du Sénat, les moteurs des voitures à l’arrêt des ministres et d’un certain nombre d’autres personnes continuent de tourner, non pas cinq minutes mais vingt minutes, voire une heure ou une heure et demie !
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Catherine Procaccia. Cet été, les moteurs tourneront à nouveau pour maintenir la climatisation des véhicules, en attendant que les ministres sortent du Sénat.
J’espère, monsieur le ministre, que vous donnerez des consignes pour que les véhicules de votre ministère soient exemplaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Lamure. Ce sujet suscite le débat !
Mme Éliane Assassi. Un débat de fond !
M. Patrick Abate. Il s’agit en effet d’un débat de fond. La norme a souvent été nécessaire pour faire prévaloir la vertu. Je pense notamment à la loi sur la parité.
Cela étant, je souhaiterais obtenir une précision. Cet amendement, qui exclut les véhicules d’intérêt général, s’appliquera-t-il aux autocars ? Si oui, cette mesure pourrait créer une forme de compensation aux émissions supplémentaires de CO2 qui résulteront de la libéralisation du trafic des autocars.
À vrai dire, il n’est pas très compliqué de faire respecter ce dispositif : il suffit qu’un gendarme reste cinq minutes à côté de l’autocar ! (Rires.)
Monsieur Desessard, nous voterons votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Comme mon collègue Marseille, je ne sais pas non plus comment cet amendement pourra s’appliquer. Les automobilistes qui sont bloqués dans des embouteillages – nous qui sommes Parisiens savons que cela dure bien plus de cinq minutes – seront-ils eux aussi obligés de couper leur moteur ? Si oui, cela risque de devenir très compliqué !
Mme Nicole Bricq. Mais on peut le faire !
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. L’intention de notre collègue Desessard est tout à fait louable, et je la soutiens totalement. Néanmoins, je pense que ce sont les constructeurs automobiles qui doivent développer cette technique. Pour ma part, je possède une voiture dont le moteur se coupe immédiatement à l’arrêt et non pas cinq minutes après. Certains taxis disposent aussi de ce type de moteur, qui n’est d’ailleurs pas réservé qu’aux grosses voitures.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Les cars, ceux de tourisme par exemple, sont bien concernés par le dispositif de mon amendement. Il est vrai que les autocars laissent souvent leur moteur allumé pour maintenir la climatisation en été ou le chauffage en hiver. Il serait nécessaire de concevoir un système de chauffage ou de climatisation qui fonctionnerait autrement.
M. Roger Karoutchi. Vous avez raison !
M. Jean Desessard. Mon amendement vise les véhicules à l’arrêt, par exemple lorsqu’ils stationnent. Il ne concerne donc pas ceux qui sont coincés dans un embouteillage, car on peut considérer qu’ils roulent tout de même.
Chers collègues, n’avez-vous jamais vu de voitures stationnées dix, quinze ou vingt minutes ?
Mme Catherine Procaccia. Si, dans la cour du Sénat !
M. Jean Desessard. Si ce délai de cinq minutes figure dans mon amendement, c’est pour éviter que des automobilistes qui stationnent vingt ou trente secondes pour attendre une personne ne soient verbalisés. Son objet est d’interdire cette pratique, de montrer qu’elle n’est pas souhaitable. L’idée n’est pas de verbaliser les gens, mais de les inciter à adopter un comportement vertueux.
Mme Procaccia a fourni la réponse à votre interrogation, madame la corapporteur. Nous-mêmes ne sommes pas capables de montrer l’exemple : certains dans la cour du Sénat laissent tourner le moteur de leur voiture très longtemps. Je ne pense pas là aux chauffeurs du Sénat, mais aux chauffeurs « extérieurs », à ceux des ministères, des conseils départementaux ou des conseils régionaux.
Je rappelle que cette mesure existe déjà au Canada et en Suisse. Ce ne sont pas des pays stupides ! Ils sont parvenus à le faire ! Pourquoi n’y arriverions-nous pas ?
M. Patrick Abate. La Suisse est spécialiste de la circulation… des capitaux !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiens complètement cet amendement de Jean Desessard, qui contribue à la lutte contre la pollution. Il nous faut montrer l’exemple face à ce gâchis, à ce gaspillage.
Je rejoins tout à fait notre collègue Évelyne Didier : il existe des constructeurs, comme le groupe PSA, dont les voitures – je possède moi-même une modeste Citroën C3 – sont équipées d’un moteur qui s’arrête automatiquement.
Pour l’anecdote, lorsque j’ai acheté ma voiture, je trouvais étrange que le moteur stoppe brutalement. C’est un peu surprenant… Au travers de ce dispositif exemplaire, j’ai ainsi découvert une forme d’économie d’énergie. Les constructeurs automobiles que l’on défend en France, en particulier le groupe PSA, vont dans le bon sens.
Mme Nicole Bricq. Renault construit aussi de telles voitures !
M. Richard Yung. Dommage !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 291 rectifié bis, présenté par MM. Antiste, Desplan, J. Gillot, Mohamed Soilihi, Patient, Cornano et S. Larcher et Mme Jourda, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport destiné à évaluer la possibilité et l’opportunité de supprimer les surcharges sur le carburant ou les composantes tarifaires appliquées par les compagnies aériennes françaises.
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. La promotion de la mobilité, notamment par la levée des obstacles financiers à l’utilisation des moyens de transports collectifs, constitue l’une des priorités du projet de loi pour la croissance et l’activité, qui lui consacre symboliquement son chapitre Ier. Or les outre-mer sont pénalisés par le coût élevé du transport aérien dont ils sont pourtant tributaires, puisque 4 000 à 20 000 kilomètres les séparent de la métropole. À titre d’exemple, les prix des billets d’avion au départ de la Martinique ont augmenté de 6,2 % au cours de l’année 2014, contre une hausse de 1 % en France métropolitaine, selon la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC.
Afin d’améliorer l’attractivité économique des outre-mer et le pouvoir d’achat de leurs habitants, les compagnies aériennes devraient être incitées à modérer leur politique tarifaire, dont les surcharges sur le carburant sont une composante importante. En effet, ces surcharges, qui ont été créées pour compenser les variations à la hausse du prix du pétrole, ne sauraient être maintenues, compte tenu du net recul du coût du baril. Selon l’Association internationale du transport aérien, l’AITA, leur suppression concourrait à diminuer de 7,1 % le coût moyen du billet d’avion sans détériorer la situation financière des compagnies aériennes, du fait de la baisse du prix du pétrole et de la hausse de 7 % du trafic des passagers depuis 2014.
Aussi, il semble souhaitable de supprimer ces surcharges pour répondre aux préoccupations exprimées de manière récurrente par nos concitoyens ultramarins : le maintien de la continuité territoriale avec la métropole, la lutte contre la vie chère et la dynamisation de l’activité touristique.
Dans cette perspective, il apparaît utile que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur la possibilité et l’opportunité de parvenir à l’extinction progressive des surcharges sur le carburant appliquées par les compagnies aériennes françaises.
Mme la présidente. L'amendement n° 822 rectifié bis, présenté par MM. Cornano, Antiste, Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Patient, est ainsi libellé :
Après l'article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport sur les surcharges carburant et les surcharges transporteur appliquées par les compagnies aériennes en complément du prix des billets d’avion.
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. À l’heure où le prix du baril de pétrole chute à moins de 50 dollars, le poids des surcharges sur le carburant appliquées par les compagnies aériennes sur le prix des billets d’avion apparaît de moins en moins justifié. Ces compagnies affectent systématiquement des surcharges carburant aux billets sur lesquels apparaissent les codes YQ ou YR.
À tout moment de l’année, en complément du prix des billets d’avion et pour compenser les variations à la hausse du prix du pétrole, singulièrement dans les outre-mer, cette taxe grève ainsi tant le pouvoir d’achat des passagers que l’attractivité et le dynamisme économiques de ces territoires à fort potentiel touristique. Or, selon l’AITA, qui représente près de 84 % des compagnies aériennes mondiales, l’effet conjugué de la chute de 53 % du prix du baril depuis janvier 2014 et de la croissance soutenue du trafic passager, estimée à 7 % en 2015, pourrait laisser envisager la fin des surcharges sur le carburant.
Ainsi, en 2015, le prix moyen d’un billet aller-retour par avion pourrait diminuer de 5,1 % par rapport à son niveau de 2014, notamment en cas de suppression de la surcharge sur le carburant, sans compromettre pour autant les bénéfices du secteur aérien qui pourraient, toujours selon l’AITA, bondir de 26 % pour atteindre un niveau record de 25 milliards de dollars avant impôt en 2015.
Si le coût du carburant répercuté sur le prix des billets n’est pas uniquement lié au prix du brut, il apparaît opportun de proposer dans ce texte, qui vise à préserver le pouvoir d’achat des Français, un amendement demandant la remise d’un rapport au Parlement sur la possibilité d’envisager une suppression de cette surcharge sur le carburant.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable, car il s’agit de demandes de rapport.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je pense utile de clarifier un ou deux points.
Je comprends votre réaction, messieurs les sénateurs, et vous avez raison de rappeler la part que représente la surcharge sur le carburant dans le prix du billet. Toutefois, l’obligation d’affichage est une mesure de sensibilisation utile. Or certaines compagnies ont d’ores et déjà décidé, pour des raisons commerciales, de ne plus procéder à cet affichage.
Je ne voudrais pas que l’on tombe collectivement dans une forme de pensée magique. Supprimer l’obligation d’affichage ne conduira pas mécaniquement les compagnies aériennes à ne plus facturer cette surcharge. Malheureusement, les critères de rentabilité de ces compagnies, et plus largement l’âme humaine que nous connaissons relativement bien toutes et tous, font que la suppression de l’obligation d’afficher le prix du carburant sur le billet n’entraînera pas nécessairement la disparition d’une tarification en conséquence.
Le principe de l’affichage de la surcharge sur le carburant doit donc être distingué du mode de tarification du billet. C’est pourquoi j’ai quelques difficultés à comprendre votre demande de rapport. Il me semble plutôt sain de conserver la possibilité d’afficher sur le billet le tarif de la surcharge, dans une logique de sensibilisation aux prix des carburants.
Travaillons plutôt sur les moyens pour les compagnies aériennes d’accroître leur efficacité énergétique et réfléchissons aussi à des compensations pour les populations, qui, notamment dans les collectivités d’outre-mer, doivent régulièrement prendre l’avion. On ne réglera pas le problème à travers le seul prisme de la transparence de la surcharge sur le carburant. En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de ces deux amendements. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.
M. Maurice Antiste. Un seul élément en ce bas monde échappe totalement aux lois de la gravité : le prix des billets d’avion. En effet, si les tarifs s’envolent avec une extrême rapidité lorsque les prix du pétrole augmentent, ils décroissent particulièrement lentement lorsque ceux-ci diminuent. Je ne m’explique pas cette asymétrie.
Je vous incite donc, monsieur le ministre, à être très attentifs à ces mouvements et à les observer de façon beaucoup plus fine qu’ils ne peuvent l’être actuellement. Je vous invite aussi à venir passer un mois outre-mer – nous pourrions peut-être même tenir une séance du Sénat à la Martinique, madame la présidente (Sourires.) – afin que vous puissiez observer les bizarreries des mouvements tarifaires du transport aérien.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. La question soulevée par nos deux collègues représente en réalité une partie d’un problème plus vaste.
Je ne pense pas que l’on puisse supprimer la « surcharge sur le carburant » – sauf erreur de ma part l’appellation a changé –, variable d’ajustement offerte aux compagnies aériennes pour leur permettre d’équilibrer leur budget. En effet, les compagnies ne peuvent pas savoir à l’avance combien de sièges elles vendront dans l’année, et les budgets des transporteurs aériens sont construits sur les résultats des années précédentes. Cette variable que constitue la surcharge sur le carburant leur permet donc d’ajuster leurs tarifs moyens en dépit des fluctuations du commerce, du dollar et du prix des carburants.
J’ai réalisé, pour le compte du Gouvernement, dans le cadre de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, la CNEPEOM, un rapport sur la continuité territoriale, en particulier aérienne, numérique et maritime. Or ce dernier a mis en lumière des abus en matière de fixation des tarifs aériens : en effet, il faut ajouter à cette surcharge sur le carburant différentes taxes, dont certaines – je le dis publiquement – ne se justifient pas ou sont en totale inadéquation avec la réalité de ce qu’elles sont supposées financer. Le problème est donc réel. Dans ce rapport, nous recommandions notamment de lancer un audit et, surtout, d’en confier la réalisation à un organisme neutre, sans lien direct ou indirect avec l’État.
La formation des prix dans le transport aérien pose réellement problème, en particulier sur les longues distances. Je rappelle qu’une réunion s’est tenue au Sénat en présence de représentants de toutes les compagnies aériennes et que ce problème a été peu ou prou reconnu par tous les participants.
Vous avez donc raison de soulever cette question, mes chers collègues. Toutefois, je ne suis pas certain que ce texte soit le bon véhicule pour prendre des décisions. Je ne soutiendrai donc pas la demande de rapport figurant dans ces amendements, mais j’invite le Gouvernement à se saisir du sujet. Car il faudra résoudre le problème tôt ou tard !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Cornano, pour explication de vote.
M. Jacques Cornano. Il serait temps que nous nous penchions sérieusement sur la question de la continuité territoriale. C’est une demande que nous formulons depuis longtemps. Le Président de la République s’y était engagé lorsqu’il nous a rendu visite.
Le caractère archipélagique de la Guadeloupe – sa situation diffère de celle de la Martinique et de La Réunion – doit être pris en compte. Je pense notamment aux liaisons vers les îles du sud.
Je souhaite donc qu’un groupe de travail soit créé pour examiner les problèmes liés à l’insularité et à la question des transports.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je comprends que l’élasticité plus rapide des prix à la hausse qu’à la baisse interpelle.
Nous devons avoir des éléments objectifs d’appréciation, sur le modèle de ce que nous avons fait en matière de transparence des prix à la pompe avec les enquêtes renforcées de la DGCCRF. Nous allons donc mettre en place un dispositif similaire de contrôle, piloté par la DGCCRF et la DGAC, de façon à observer très concrètement les oscillations des prix et la façon dont la baisse du prix des carburants est répercutée.
Je m’engage, non pas à rédiger un rapport, mais à vous rendre compte dans les meilleurs délais, avec mon collègue Alain Vidalies, des éléments d’information recueillis.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Pour prolonger les propos de M. le ministre, je pense que le groupe d’études sur l’aviation civile du Sénat pourrait peut-être se saisir de cette question, tout comme la commission du développement durable, qui comprend en son sein un rapporteur pour avis du budget de l’aviation civile, lequel est également examiné par un rapporteur spécial de la commission des finances. Vous pourriez d’ailleurs être associés à cette réflexion, si vous le souhaitez, mes chers collègues. Cette façon de procéder, me semble-t-il, répondrait mieux à vos attentes qu’un rapport. Comme l’a souligné Mme la corapporteur, nous essayons autant que possible d’éviter leur multiplication.
Sur le fond, je précise juste que les compagnies aériennes souscrivent des assurances qui permettent d’amortir les fluctuations des prix des carburants, à la hausse comme à la baisse.
Cela étant, j’indique que nous avons examiné ce matin vingt-huit amendements. Lorsque Jean Desessard a évoqué les moteurs qui tournent à l’arrêt, je me suis dit que nous pourrions aussi penser au bilan carbone de nos travaux. (Sourires.) Si nous pouvions les poursuivre à un rythme un peu plus soutenu…
Mme la présidente. Monsieur Antiste, l'amendement n° 291 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Maurice Antiste. Non, je le retire, car M. le ministre vient de s’engager, comme jamais il ne l’avait fait devant nous auparavant, à faire le nécessaire pour nous permettre de réfléchir collectivement à cette question.
Mme la présidente. L'amendement n° 291 rectifié bis est retiré.
Monsieur Cornano, l'amendement n° 822 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jacques Cornano. Non, je le retire, tout en manifestant ma volonté d’être associé à une mission destinée à régler la problématique de la continuité territoriale liée à l’insularité.
Mme la présidente. L'amendement n° 822 rectifié bis est retiré.
Article 9 quater
(Supprimé)
Article additionnel après l'article 9 quater
Mme la présidente. L'amendement n° 1467, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 9 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 612-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « aux 1° et 2° » est remplacée par la référence : « aux 1° à 3° » et sont ajoutés les mots : « ou de protection de l’intégrité physique des personnes » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« En outre, les personnes exerçant l’activité mentionnée au 2° de l’article L. 611-1 peuvent transporter, dans les conditions des articles L. 613-8 à L. 613-11, tout bien, objet ou valeur. » ;
2° À l’article L. 613-9, les mots : « les fonds sont placés dans des dispositifs garantissant qu’ils peuvent être détruits ou rendus impropres à leur destination et transportés » sont remplacés par les mots : « le transport est effectué ».
II. - Le présent article est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Cet amendement, qui s’inscrit parfaitement dans le cadre d’un projet de loi abordant de nombreux sujets, vise à moderniser deux aspects du transport de fonds. Nous demandons au Sénat d’être attentif à ce sujet, qui touche en particulier la sécurité.
Les modalités des transports effectués par les entreprises de transport de fonds sont prévues par une réglementation qui vise expressément les fonds, les bijoux et les métaux précieux. Pour l’ensemble de ces biens, il est précisé que les convoyeurs effectuant leur mission en véhicule blindé sont armés, l’armement étant en revanche interdit dans le cadre de transports effectués en véhicule banalisé.
Or le transport non armé de biens autres que les fonds, bijoux et métaux précieux offre des opportunités de braquages aisées pour les malfaiteurs. Sont concernés des biens tels que les matériels de haute technologie, les œuvres d’art, les produits de luxe. Toutefois, la question de la sécurisation de certains transports au moyen de véhicules blindés avec un équipage armé se pose particulièrement pour le transport des scellés judiciaires sensibles tels que les armes et les stupéfiants.
L’objectif de la mesure est donc de permettre aux entreprises exerçant l’activité réglementée de transport de fonds, bijoux ou métaux précieux de transporter d’autres biens dans les mêmes conditions d’armement. Au-delà de la préservation de l’ordre public par la sécurisation du transport de ces biens, la mesure permettra le désengagement définitif des escortes des forces de l’ordre pour le transport des objets placés sous main de justice des greffes vers les centres de destruction. En effet, le recours à ces escortes s’est prolongé alors qu’un protocole relatif à la sécurisation des juridictions, signé le 6 janvier 2011 par le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur, précisait que le ministère de la justice ne sollicitera plus les services de police ou de gendarmerie afin d’assurer le transport sécurisé des scellés judiciaires sensibles.
Il est essentiel que les entreprises de transport de fonds puissent être sollicitées pour le transport de biens liés à l’activité de l’État, autant que pour des biens tels que les matériels de haute technologie, les œuvres d’art, les produits de luxe, etc. À cette fin, il convient de revoir les conditions d’exclusivité grevant l’activité des entreprises de transport de fonds.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Vous conviendrez, mon cher collègue, que l’objet de l’amendement est rédigé de façon particulièrement succincte, puisqu’il se réduit à une phrase.
Mme Nicole Bricq. M. Filleul vient de l’expliquer en détail !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement prévoit plusieurs modifications du régime applicable aux convoyeurs de fonds – un sujet que nous n’avions pas encore abordé jusque-là – sans véritablement expliquer à quels objectifs elles répondent. En l’absence d’éléments permettant d’apprécier davantage leur impact, la commission spéciale a émis un avis défavorable.
Ce n’est pas au détour d’un amendement déposé en séance que l’on peut se pencher sur des sujets aussi importants que le port d’armes.
M. Jean-Jacques Filleul. Il a été présenté en commission, mais examiné bien trop rapidement !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le sujet est en effet important. Cet amendement entend ouvrir la possibilité aux transporteurs de fonds de convoyer autre chose que des fonds, des bijoux ou des métaux précieux.
Je veux rassurer Mme la corapporteur : il ne s’agit pas d’élargir le périmètre de la profession en autorisant le port d’armes aux employés de sociétés autres que celles assurant actuellement le transport de fonds. Il s’agit d’introduire davantage de flexibilité dans les modalités de fonctionnement des entreprises de transport de fonds et de libéraliser l’exercice de certaines activités pour répondre à des besoins.
On peut accompagner un convoi transportant de l’argent liquide – c’est même une obligation –, mais il arrive que les malfaiteurs s’attaquent à des convois transportant des chèques déjeuner, car ces derniers ont une valeur. Or ces convois n’ont pas la possibilité d’être escortés par des transporteurs de fonds. La haute technologie, la bagagerie de luxe, les œuvres d’art, ou encore certains objets placés sous main de justice – armes, stupéfiants – sont d’autres exemples.
Il existe aujourd'hui un besoin non couvert par la législation. C’est ce qui justifie cet amendement. Il ne s’agit pas d’ouvrir un débat de fond – madame la corapporteur, vous avez raison de souligner qu’un tel débat dépasserait le cadre du présent projet de loi – sur la délivrance de permis de port d’armes au personnel de sociétés qui ne possèdent pas d’habilitation. Il s’agit simplement d’élargir le périmètre d’activité des entreprises de transport de fonds à certaines marchandises.
En outre, comme l’a souligné Jean-Jacques Filleul, ce serait un bon moyen de libérer les forces de sécurité de certaines tâches logistiques qui les mobilisent alors qu’elles pourraient relever du secteur privé. Nous voulons généraliser le recours au secteur privé.
Le dispositif proposé ne remettrait pas en cause la logique de la profession de transporteur de fonds ni les exigences de sécurité qui la caractérisent, et améliorerait le fonctionnement de nombreux domaines. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. J’entends les arguments de M. le ministre, mais Mme la corapporteur a souligné que l’objet de l’amendement était particulièrement succinct. Sur un sujet pareil, il aurait été légitime que la commission spéciale conduise des auditions en amont. Or nous avons été contraints par des délais très brefs, car nous avions plus de 1 700 amendements à examiner. Avec l’aide des services, les corapporteurs ont fait un travail remarquable sur chacun des amendements.
Le transport de fonds est un sujet à rebondissements, avec de nombreux recoins. Mme la corapporteur a raison, on ne peut légiférer sur un tel sujet au détour d’un amendement parlementaire ; je précise que mon propos n’a aucune visée péjorative. Le Gouvernement affirme qu’il s’agit d’un dispositif très éclairé, mais, s’il avait lui-même déposé un amendement et fourni, via ses services, des éléments d’information à la commission spéciale, le débat aurait été facilité. Ce serait faire preuve de légèreté que de statuer en ayant si peu d’informations, de dernière minute, qui plus est.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président de la commission spéciale, j’ai du mal à comprendre votre rigidité. Votre seul argument est que l’objet écrit de l’amendement n° 1467 est succinct. J’ai quelques années d’expérience parlementaire, or c’est la première fois que j’entends un tel argument. La séance publique a pour objet d’éclairer les débats. Il existe encore un Journal officiel, même s’il ne paraîtra bientôt plus en format papier ; ce document est très utile, notamment pour établir la jurisprudence en cas de contentieux.
Je pense que nous faisons notre travail de parlementaires. Cet amendement du groupe socialiste a été déposé dans le délai fixé par la conférence des présidents. Il a donc été examiné par la commission spéciale.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Succinctement !
Mme Nicole Bricq. En effet, la commission spéciale l’a étudié très rapidement, comme c’est souvent le cas pour les amendements dits « extérieurs ». Il ne tenait qu’à vous, madame la corapporteur, d’y consacrer davantage de temps ; vous l’avez sans doute fait à propos d’autres amendements. Ce n’est pas forcément à l’exécutif de se rapprocher de la commission.
En déposant le présent amendement, nous avons fait notre travail en tant que membres d’un groupe du Sénat. Avant son dépôt, nous avons cherché à savoir – c’est tout à fait possible à l’heure d’internet – s’il était envisageable qu’il recueille sinon un avis favorable, du moins l’écoute de votre cabinet, monsieur le ministre. Il s’agit d’un sujet important, mais, comme vous l’avez indiqué, notre proposition ne remet pas en cause l’économie générale de la profession concernée.
Nous n’avons pas retardé les débats depuis le début de l’examen du projet de loi. Il a souvent été fait appel au bon sens. Alors examinons cet amendement. Je rouspète souvent lorsque nous faisons du travail de commission en séance publique, mais on peut tout à fait consacrer un certain temps – combien de fois est-ce arrivé ? – à l’examen d’un sujet dont l’importance justifie des amendements, voire des sous-amendements. C’est le jeu parlementaire. Nous faisons notre travail !
Mme Éliane Assassi. Je suis ravie de vous l’entendre dire !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je comprends bien la nécessité de cet amendement, mais je suis incapable de savoir s’il s’agit d’un bon ou d’un mauvais amendement. Je rejoins l’argumentation de Mme la corapporteur, même si le fait que l’objet soit succinct ne me dérange pas, car cela arrive tous les quatre matins. Je fais tout à fait confiance au dispositif proposé. Certes, il nous permettrait d’économiser, en quelque sorte, des forces de police et de gendarmerie, mais nous ne disposons d’aucune donnée pour juger de son bien-fondé. Je ne pourrai donc pas voter en faveur du présent amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. J’aurais tendance à abonder dans le sens de Nathalie Goulet. Cet amendement semble sensé, mais où place-t-on le curseur ? Si on élargit les missions des sociétés de transport de fonds, jusqu’où ira-t-on ? L’amendement est relativement flou sur ce point. Je souhaiterais que nous ayons davantage d’éléments avant de statuer sur ce sujet, qui n’est pas banal.
M. Jean Desessard. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Filleul. Le débat parlementaire nous a permis d’enrichir la réflexion. En réalité, cet amendement est simple.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Trop simple !
M. Jean-Jacques Filleul. Non, il n’est pas trop simple : juste simple. Il vise à autoriser les transporteurs de fonds à transporter d’autres richesses, ce qui permettrait également d’économiser le recours à la force publique. Le dispositif me semble tout à fait intéressant. J’estime qu’il devrait être soutenu.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis sensible aux arguments qui ont été développés. Je comprends que des incertitudes subsistent. Jean-Jacques Filleul vient cependant de rappeler l’importance du dispositif. Je vous suggère donc, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement, en m’engageant à en déposer un sur le même thème, toujours au Sénat et dans le cadre du présent projet de loi. J’essaierai de vous apporter des éléments plus précis, à la lumière de notre discussion, afin que notre débat soit plus serein. Nous pourrons ainsi avancer de manière pragmatique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. J’approuve bien volontiers la suggestion de M. le ministre.
Mme la présidente. Monsieur Filleul, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. Jean-Jacques Filleul. Oui, madame la présidente, au vu des précisions de M. le ministre.
Mme la présidente. L'amendement n° 1467 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Rappel au règlement
Mme Éliane Assassi. Mon rappel au règlement a trait à l’organisation de nos travaux.
Mes chers collègues, comme vous le savez, le présent projet de loi aborde des questions fort diverses. La commission spéciale, ou du moins sa majorité, a adopté un certain nombre d’amendements qui viennent en discussion au fur et à mesure de l’avancée de nos travaux.
L’une de ces propositions est importante, car elle remet en cause l’une des trop rares avancées sociales réalisées sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault : le compte pénibilité.
J’ai cru comprendre que les représentants du groupe socialiste à la commission spéciale avaient voté contre le texte modifié par ladite commission. Or je découvre aujourd’hui que M. Rebsamen, ministre du travail, a déclaré hier, devant une assemblée de patrons du bâtiment, qu’il prenait « le pari qu’il n’y [aurait] pas de fiche individuelle à remplir par les petites entreprises à partir du mois de juin ». Il a poursuivi ainsi : « S’il faut supprimer des critères inapplicables, on les supprimera ». Puis il a conclu en affirmant : « Il nous faut de la simplicité. »
Monsieur le ministre, vous qui participez activement au débat sur l’ensemble des sujets que nous abordons avec ce projet de loi, y compris sur les questions sociales – nous vous en remercions d’ailleurs –, que pensez-vous des affirmations de M. Rebsamen ? Nous avons besoin, pour préparer les débats de la semaine prochaine, de connaître votre attitude : confirmation du compte pénibilité ou renoncement ?
Peut-être M. Rebsamen a-t-il suivi vos conseils, vous qui déclariez à Berlin, voilà quelques jours : « Le fait que la France soit l’un des pays qui protège le plus ses travailleurs est l’une des explications de son taux de chômage à 10 % ». Vous enfonciez le clou en indiquant : « Protéger des salariés peut aussi tuer des opportunités pour les autres. »
Alors, monsieur le ministre, vos propos ont-ils été déformés – après tout, c’est possible – ou bien, finalement, doit-on s’attendre à un soutien de votre part aux propositions de la commission spéciale de remettre en cause le compte pénibilité ou de relever les seuils sociaux, par exemple, ce qui ne me semble pas correspondre aux orientations du parti socialiste ?
Mme la présidente. Acte est donné de votre communication, ma chère collègue.
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, au chapitre II.
Chapitre II
Commerce
Article 10 A
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1052, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 21 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie, les sénateurs de gauche, dans leur totalité, avaient dénoncé avec force la libéralisation des relations commerciales, plus particulièrement l’institution de la libre négociabilité des conditions générales de vente prévue à l’article 21 de ce texte.
À l’époque, mes collègues du groupe socialiste avaient souligné que s’en remettre à la concurrence pour faire baisser les prix consistait à faire le choix du laisser-faire, c’est-à-dire le choix de laisser opérer les lois naturelles du marché à la place d’une véritable politique de revenus. Si l’on pense qu’il n’existe pas de meilleur modèle économique que celui de la concurrence libre et loyale pour servir une société de progrès pour l’homme, on est dans la pensée magique !
Par ailleurs, dans un rapport d’information, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat en 2009, Mme Lamure dressait un bilan peu satisfaisant de la réforme des relations commerciales, soulignant « un déséquilibre persistant des relations entre fournisseurs et distributeurs : ces derniers divergent sur l’interprétation des règles en matière de négociabilité des tarifs ».
C’est pourquoi nous vous proposons tout simplement de supprimer l’article 21 susvisé. En société, il y a toujours une règle du jeu précisant ce que l’on a ou pas le droit de faire. En matière d’économie, il appartient à l’État de la définir. Il ne faudrait pas l’oublier !
Mme la présidente. L'amendement n° 1646, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le livre III du code de commerce est complété par un titre IV ainsi rédigé :
« TITRE IV
« DES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION COMMERCIALE
« Art. L. 341-1. – L’ensemble des contrats conclus entre, d’une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants, autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier du présent code, ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l’article L. 330-3 et, d’autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d’un tiers, au moins un magasin de commerce de détail, ayant pour but commun l’exploitation d’un de ces magasins et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice par cet exploitant de son activité commerciale prévoient une échéance commune.
« La résiliation d’un de ces contrats vaut résiliation de l’ensemble des contrats mentionnés au premier alinéa du présent article.
« Le présent article n’est pas applicable au contrat de bail dont la durée est régie par l’article L. 145-4.
« Art. L. 341-2. – Toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite.
« Art. L. 341-3. – Les contrats mentionnés à l’article L. 341-1 ne peuvent être conclus pour une durée supérieure à neuf ans. Ils ne peuvent être renouvelés par tacite reconduction.
« Art. L. 341-4. – Les règles statutaires et les décisions collectives adoptées conformément aux dispositions législatives relatives aux associations et aux sociétés civiles, commerciales ou coopératives ne peuvent déroger aux articles L. 341-1 à L. 341-3. »
II. – Le I s’applique à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date de promulgation de la présente loi s’agissant des contrats en cours dont la durée restant à courir est supérieure à six ans à la même date. Le même I s’applique quatre ans après la promulgation de la présente loi aux contrats dont la durée restant à courir est inférieure à six ans à la date de cette promulgation.
III. – Un décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, définit, en tant que de besoin, les seuils de chiffre d’affaires en deçà desquels il peut être dérogé au I.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à rétablir, dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, l’article 10 A, qui encadre les modalités d’engagement dans les réseaux de distribution composés de magasins indépendants.
L’objectif du Gouvernement, inspiré en cela par plusieurs études réalisées tant par ses services que par l’Autorité de la concurrence, est de corriger les pratiques observées dans certains réseaux de distribution, où les contrats d’engagement extrêmement longs peuvent conduire certains franchisés et certains concessionnaires à se sentir prisonniers. Cette situation ne permet pas la mobilité entre les différentes franchises et conduit ces franchisés et concessionnaires à subir des conditions parfois excessives imposées par le franchiseur.
Le Gouvernement a bien pris note de ce problème, et un dialogue s’est noué avec plusieurs de ces franchiseurs, en particulier les coopératives. J’en suis bien conscient, la rédaction du présent amendement ne saurait être la rédaction finale, les réseaux de distribution coopératifs ayant des caractéristiques bien spécifiques. Or cette rédaction pourrait conduire à des conséquences dommageables en termes de statut.
La volonté du Gouvernement est en tout cas de mieux encadrer les durées d’engagement en matière financière, commerciale, comme de franchise. Celles-ci ne sauraient être de vingt-cinq ans, parfois de trente ans, voire même s’enchevêtrer, ce qui rend la mobilité du franchisé ou du coopérant quasi impossible. Ce n’est évidemment pas de bonne pratique.
En même temps, le Gouvernement ne veut pas que cette réforme puisse avoir des conséquences sur la stabilité financière de ces coopératives et de ces groupes. Des corrections doivent donc être apportées à ce régime juridique. Comme je l’ai indiqué, un dialogue est en cours pour tenter d’améliorer la rédaction du présent amendement, mais supprimer l’article 10 A revient à renoncer à corriger une pratique, qui, elle non plus, n’est pas souhaitable.
C’est pourquoi le Gouvernement veut restaurer cet article dans sa rédaction initiale, tout en s’engageant à la corriger dans les prochaines semaines, de manière certaine d’ici à la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, pour prendre en compte les points que je viens d’évoquer.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1700, présenté par MM. Guillaume, Vaugrenard, F. Marc et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Amendement n° 1646
I - Alinéa 5
Remplacer les mots :
autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier du présent code, ou
par les mots :
autre que celles visées à l’article L. 341-4 et
II - Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 341-4. – Les dispositions de l’article L. 341-1 ne sont pas applicables aux personnes morales de droit privé mentionnées aux chapitres IV, V et VI du titre II du livre Ier du présent code, ainsi qu’aux associations, sociétés civiles, sociétés commerciales ou coopératives regroupant des commerçants ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l'article L. 330-3, lorsque ces personnes sont majoritairement détenues, directement ou indirectement, par des personnes exploitant pour leur compte ou pour le compte d'un tiers au moins un magasin de commerce de détail sous l'une des enseignes de l'association, la société civile, la société commerciale ou la coopérative concernée. »
La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le ministre, j’ai bien pris note de votre volonté de voir le dialogue aboutir. Votre amendement tend à rétablir une mesure supprimée par la commission spéciale afin de renforcer la concurrence dans le secteur de la grande distribution, en facilitant les changements d’enseigne par les magasins indépendants. Nous sommes toutefois un peu surpris de ce rétablissement à l’identique.
Même si nous partageons la volonté de garantir la liberté d’exercice de leur activité par les commerçants liés à un réseau, nous sommes nombreux, au Sénat, à constater les dysfonctionnements provoqués par cette mesure, notamment l’inadaptation de celle-ci, si elle reste en l’état, pour les magasins organisés sous forme de coopérative. Vous venez d’ailleurs d’exprimer vos doutes sur ce point.
Nous continuons de penser qu’il serait préférable d’adopter des dispositions moins perturbatrices et mieux adaptées au commerce associatif et coopératif. C’est la raison pour laquelle nous proposons, à ce stade, d’exclure les coopératives du dispositif présenté par le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’article 21 de la loi de modernisation de l’économie, la LME, de 2008 avait modifié l’article L. 441-6 du code de commerce relatif aux délais de paiement, avec pour objectif de réduire les délais de paiement interentreprises et de mieux sanctionner les abus.
Le rapport d’information fait par le Sénat en 2009 sur l’application de la LME montrait plutôt une incidence positive de cette nouvelle disposition. Aussi la commission spéciale pense-t-elle que revenir à la situation antérieure à 2008 constituerait une régression. C’est la raison pour laquelle elle émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1052.
Monsieur le ministre, votre amendement n° 1646, sans surprise, ne tend qu’à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, en limitant à neuf ans la durée des contrats conclus au sein des réseaux de distribution commerciale. Il vise également à prévoir que la résiliation du contrat d’affiliation entraîne la résiliation de l’ensemble des autres contrats qui y sont liés, afin d’améliorer la concurrence en matière d’affiliation des magasins indépendants à des grandes enseignes.
La commission spéciale, après de longs débats, a voté la suppression de l’article 10 A, car elle a identifié plusieurs problèmes qu’il était susceptible de poser. Pourtant, l’idée de renforcer la concurrence entre enseignes pour obtenir l’affiliation des commerçants indépendants est sans doute bonne.
Quels sont ces problèmes ?
Tout d’abord, le dispositif limite à neuf ans la durée d’affiliation pour l’ensemble des magasins, et pas seulement pour le commerce alimentaire, alors que, s’agissant du dispositif Lefebvre, l'Autorité de la concurrence ciblait plus spécifiquement son application aux commerces de grande distribution alimentaire. En l’occurrence, il y a une extension du champ concerné, puisque tout le commerce de détail serait concerné, alors que c’est dans le commerce alimentaire que se concentrent les difficultés. Or, à l’évidence, nous n’avons pas suffisamment de retour, ni d’étude d’impact pour pouvoir véritablement évaluer les effets de ce mécanisme sur les autres types de commerce.
Ensuite, je ne suis pas sûre que le dispositif change véritablement la donne. En effet, il ne me semble pas que le fait de remplacer une enseigne par une autre soit de nature à modifier vraiment les conditions de la concurrence. Je vous rappelle que l’Autorité de la concurrence a la possibilité, si une enseigne est en situation de position dominante, de la contraindre à céder certains points de vente.
Par ailleurs, les dispositions figurant dans l’amendement n° 1646 n’auront aucune conséquence sur les grands groupes de commerce intégrés, vous l’avez souligné. À l’inverse, elles perturberont le fonctionnement des groupes coopératifs, créant une distorsion de concurrence entre ces deux ensembles.
En outre, la durée d’affiliation est connue à l’avance par les acteurs. Si elle ne correspond pas aux investissements collectifs du groupe, les pénalités de sortie anticipée pourront être réduites, voire annulées, par le juge, qui, en cas de litige, veillera à l’équilibre des obligations des parties.
J’en viens au dernier point que la commission spéciale a voulu soulever concernant la concordance des durées des différents contrats : elle a observé que le cadre juridique actuel permettait déjà de la prévoir.
Je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, que la commission spéciale, lorsqu’elle a décidé de supprimer l’article 10 A, avait souhaité que les échanges puissent se poursuivre avec toutes les parties prenantes, afin d’aboutir à la présentation, en séance publique, d’un texte comportant des dispositions plus ciblées et moins perturbatrices pour le commerce franchisé, le commerce associatif et le commerce coopératif. Visiblement, en déposant un amendement tendant à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale, vous manifestez votre refus de tout dialogue sur ce sujet. Vous comprendrez donc que la commission spéciale émette un avis défavorable sur cet amendement.
Pour ce qui concerne enfin le sous-amendement n° 1700, je reconnais qu’il pourrait paradoxalement recueillir un avis favorable de la commission spéciale. Malheureusement, celle-ci n’a pas pu l’examiner, vous le savez bien, puisque vous en êtes membre, monsieur Vaugrenard.
Ce sous-amendement tend à exclure les coopératives et les associations du champ de l’article L. 341-1 qu’il est proposé d’introduire dans le code de commerce et qui impose un terme commun à tous les contrats liant un commerçant à son réseau d’affiliation. Un traitement spécifique doit en effet être réservé aux coopératives et aux associations de commerçants dont la forme juridique particulière n’est pas prise en compte par la rédaction proposée pour l’article précité. Ce sous-amendement vise donc à répondre à l’une des critiques formulées par la commission spéciale à l’encontre du dispositif adopté par l’Assemblée nationale que M. le ministre souhaiterait rétablir.
Ce type de réseau de distribution recourt parfois à des contrats à durée indéterminée ou à des contrats à durée déterminée tacitement reconductibles, accessoires à la qualité de sociétaire. Or cette forme de contrat est rendue impossible par la rédaction proposée pour l’article L. 341-1, raison pour laquelle elle n’est pas satisfaisante. Néanmoins, ce sous-amendement pose certaines difficultés, car il tend à exonérer purement et simplement les associations et les coopératives de l’interdiction de proposer à leurs membres une pluralité de contrats dont les termes ne coïncideraient pas. C’est pourquoi la commission spéciale, qui s’est opposée à l’adoption d’amendements visant à instaurer un dispositif analogue, s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1052 et le sous-amendement n° 1700 ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 1052, à défaut il émettra un avis défavorable.
En effet, la loi de modernisation de l’économie a tout de même permis, d’une part, de corriger la pratique des marges arrière observée auparavant et, d’autre part, de stabiliser les prix dans l’intérêt des consommateurs. J’en conviens, nous avons assisté, ces dernières années, dans un contexte déflationniste, à une guerre des prix parfois extrêmement nuisible aux fournisseurs, en particulier aux producteurs les plus fragiles.
Néanmoins, revenir sur la négociabilité des prix ne nous semble pas la bonne méthode, car cela nous ramènerait aux pratiques de la période antérieure, c’est-à-dire aux marges arrière qui n’étaient pas plus satisfaisantes pour les fournisseurs.
Avec la loi relative à la consommation, le Gouvernement a plutôt cherché à donner des marges de manœuvre aux fournisseurs en cours d’année. En effet, la négociabilité des prix empêchait de renégocier les prix, en particulier lorsque les cours des matières premières changeaient dans l’année. La loi susvisée prévoyait l’adoption d’un décret, qui a été publié : depuis le 1er mars dernier, les fournisseurs peuvent renégocier les prix dans l’année, dans un cadre bien défini, lorsque des changements substantiels du cours des matières premières interviennent. Cette disposition était très demandée par les fournisseurs, car elle permet de corriger l’un des effets pervers de la négociabilité des prix telle qu’elle existait.
Par ailleurs, la loi relative à la consommation nous a dotés de tous les moyens de contrôle permettant de détecter les dysfonctionnements potentiels intervenant dans le cadre de l’application de la loi de modernisation de l’économie. Ces moyens de contrôle ont été renforcés et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, a été pleinement mobilisée sur ce sujet. Plusieurs contrôles ont donné des résultats, que j’ai communiqués aux intéressés, et des assignations ont été délivrées contre deux groupes de distribution auxquels nous reprochons des pratiques qui ne sont pas conformes à la loi.
Aujourd’hui, nous sommes parvenus à un équilibre qui n’est pas « moins-disant », si vous me permettez l’expression, mesdames, messieurs les sénateurs, par rapport à celui qui prévalait avant 2008. Nous avons amélioré les conditions de surveillance et pris en compte l’intérêt des producteurs et des fournisseurs avec l’aménagement introduit par le décret du mois de mars 2014.
Pour toutes ces raisons, j’invite les auteurs de l’amendement n° 1052 à le retirer, parce que revenir au statu quo ante en supprimant la négociabilité des prix nous ramènerait à la pratique antérieure des marges arrière, ce qui ne serait pas une bonne solution.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 1700, j’ai eu l’occasion d’expliquer, en présentant l’amendement n° 1646, que j’approuvais votre démarche, monsieur Vaugrenard. Néanmoins, vous dépassez les objectifs que le Gouvernement s’est fixés, puisque vous excluez en totalité de la mesure le commerce associé ; or celui-ci doit, comme l’ensemble des secteurs visés par l’article initial, être concerné. Si je vous ai bien compris, comme le Gouvernement, vous estimez que cette mesure ne doit pas déstabiliser le fonctionnement du commerce associé et ses spécificités, en particulier les règles statutaires et le caractère d’adhérent à la coopérative.
Le Gouvernement continue à négocier – je veux rassurer sur ce point Mme la corapporteur –, en toute transparence, avec la Fédération des enseignes du commerce associé, la FCA, et l’ensemble des acteurs du secteur. Cependant, ces négociations n’ont pas encore permis d’aboutir à des résultats techniques pleinement satisfaisants. Je vous invite donc à retirer votre sous-amendement, monsieur le sénateur, tout en m’engageant à ce que la rédaction finale prenne en compte vos préoccupations et n’ait pas de conséquences négatives sur le fonctionnement de ces coopératives.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’amendement n° 1052.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je partage l’analyse globale de la commission spéciale sur l’article 10 A. En effet, on ne peut pas comparer le commerce associé avec le commerce franchisé. Les franchisés sont locataires de services et de savoir-faire qui appartiennent au franchiseur. Les commerçants associés sont copropriétaires et deviennent donc codécideurs des choix stratégiques effectués par le groupe ; ils se portent aussi caution de toute une série d’engagements financiers pris par l’association des commerçants : ils sont par conséquent parties liées en termes de responsabilité commerciale ou financière, en cas de sortie d’un associé du réseau. Il faut donc traiter différemment sur le plan juridique la question des franchises et celle des commerces associés.
Dans les commerces associés, on trouve le sous-ensemble que constitue le fait coopératif, lequel, vous le savez, monsieur le ministre, est protégé par un droit européen, conforté en France par la loi relative à l’économie sociale et solidaire.
À cet égard, un vieux débat opposait l’Autorité de la concurrence au monde coopératif, car cette autorité, culturellement, considère trop souvent que les coopératives assurent des prestations de services qui peuvent être mises en concurrence entre les coopérateurs, ces derniers entrant et sortant comme ils veulent du système. L’Autorité de la concurrence refusait donc de reconnaître la spécificité de ce droit coopératif. Avec la loi relative à l’économie sociale et solidaire, nous avons insisté sur les clauses de retrait des coopérateurs, car ceux-ci ne peuvent pas être obligés de rester dans la coopérative : il faut par conséquent trouver un équilibre entre la liberté d’entrer et la liberté de sortir.
Un autre élément doit être pris en compte : du fait de l’affectio societatis, la liberté de sortie doit être prévue par les statuts, le règlement intérieur ou des systèmes de négociation, afin de garantir que l’affectio societatis des autres coopérateurs n’est pas menacée. C’est là que réside la difficulté du dispositif et c’est la raison pour laquelle je pense que la durée maximale de neuf ans est particulièrement courte, quand la coopérative engage des investissements importants au nom de ses membres.
J’ai bien compris que vous étiez conscient, monsieur le ministre, de la nécessité de traiter différemment ces sujets. Néanmoins, chat échaudé craint l’eau froide ! J’ai vu l’Autorité de la concurrence plaider plus souvent contre le droit coopératif qu’en sens inverse. Permettez-moi de vous dire que, si le Sénat maintenait la suppression de l’article 10 A, vous auriez ainsi l’occasion de travailler avec le monde coopératif. J’observe au passage que le Conseil supérieur de la coopération n’a pas été consulté sur cette disposition. J’espère que le Gouvernement pourra, en cas de nouvelle lecture, déposer à l’Assemblée nationale un amendement rédigé avec toutes les parties prenantes et je ne doute pas que bon nombre de mes collègues députés y seront sensibles, de même que le Sénat.
En l’état actuel des choses, monsieur le ministre, je le répète, l’Autorité de la concurrence et votre administration – du moins les services en charge de la concurrence et non pas ceux qui s’occupent de l’économie sociale et solidaire – ont toujours arbitré contre les spécificités du droit coopératif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Lamure. Il a été question de la loi de modernisation de l’économie et je me sens donc un peu concernée, puisque j’ai eu le plaisir d’être le rapporteur de ce texte en 2008.
Je voulais préciser que nous n’avions pas l’intention, en adoptant cette loi, de libéraliser à tout prix les relations entre fournisseurs et distributeurs. Nous avons voulu fixer un cadre, en apportant toutefois une certaine souplesse pour éviter de tomber dans l’économie administrée. Néanmoins, il fallait intervenir pour rendre les relations plus saines, notamment en supprimant les marges arrière, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.
Au mois de décembre 2009, soit un an et demi après l’adoption de la loi, j’ai rendu un rapport qui montrait que les résultats n’étaient pas satisfaisants. Deux raisons expliquaient ce constat : tout d’abord, notre pays venait de traverser une crise très grave qui avait particulièrement affecté son économie ; ensuite, les distributeurs ont fait preuve d’énormément de talent pour imaginer de multiples stratégies de contournement.
Aujourd’hui encore, les relations entre fournisseurs et distributeurs sont singulièrement dégradées ; nous aurions donc tout intérêt à adopter un certain nombre des amendements déposés sur le présent texte pour y remédier. En effet, la doctrine de la grande distribution se résume essentiellement au diktat des prix bas, ce qui fragilise et appauvrit l’ensemble de la chaîne économique.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1700.
M. François Marc. Nous sommes face à deux positions.
D’un côté, il y a celle de la commission spéciale. J’ai bien entendu les arguments de Mme la corapporteur, qui a expliqué les raisons pour lesquelles il était opportun de surseoir et de ne pas retenir le dispositif issu des travaux de l’Assemblée nationale. Je partage l’essentiel de son argumentation.
De l’autre côté, vous nous proposez, monsieur le ministre, de rétablir sans changement un dispositif qui, vous l’avez reconnu vous-même, n’est pas satisfaisant. Il traite en effet à l’identique le statut des franchisés simples et celui des commerçants coopérateurs et associatifs.
Si l’article 10 A était adopté dans la rédaction retenue par l’Assemblée nationale, on sait bien que les conséquences seraient néfastes pour le modèle coopératif.
Je le rappelle, les commerçants associatifs ou coopératifs, par opposition aux franchisés, qui sont de simples utilisateurs des services de leur franchiseur, investissent dans leurs outils et partagent les risques en tant que copropriétaires de ces investissements, lesquels sont essentiels au fonctionnement de leur réseau.
En limitant à neuf ans la durée des contrats, on fragilisera ces réseaux en créant un manque de visibilité et une incertitude sur ces investissements, lesquels pourraient porter sur des périodes supérieures à neuf ans.
Cette inquiétude appelle une réaction, laquelle nous est proposée immédiatement : vous nous suggérez, monsieur le ministre, d’améliorer la rédaction de l’amendement n° 1646. Je considère, pour ma part, que le sous-amendement n° 1700 permettrait de résoudre cette difficulté à laquelle nous essayons de trouver une solution.
Il nous faut aussi veiller à préserver la concurrence en assurant la pérennité de la diversité des enseignes. Or des craintes pèsent sur le maintien de toutes ces enseignes, qui créent cette concurrence dans la distribution et contribuent aussi, sans doute, à la baisse des prix.
Mettre en place un système qui tend à concentrer davantage les enseignes, ce qui pourrait être la conséquence de la disposition en l’état, serait sans doute préjudiciable aux consommateurs, en termes tant de politique des prix que d’emploi. Nous ne pouvons que partager cette préoccupation.
Enfin, je crois que le modèle coopératif appelle un regard particulier. Marie-Noëlle Lienemann l’a dit à l’instant, et je souscris à certains de ses arguments. Il nous faut donc être vigilants quant à la préservation de ce modèle.
Pour conclure, monsieur le ministre, je rappelle qu’ont été évoqués le manque d’étude d’impact et la difficulté à évaluer les conséquences et les incertitudes qui entourent les hypothèses futures, au travers de la mise en œuvre d’un tel dispositif. Je tiens à dire, à cet égard, que d’autres ont procédé à des anticipations et à des simulations.
Je pense en particulier à Bank of America Merrill Lynch, qui a publié la semaine passée une recommandation financière et boursière, dont vous me permettrez de citer les termes : « La loi Macron prévoit de raccourcir les contrats de franchise et d’affiliation afin d’augmenter la concurrence. Merrill Lynch considère que les groupes intégrés comme Carrefour, Casino ou Auchan ont plus à gagner dans ce contexte que les autres réseaux coopératifs ou associatifs. En effet, la mesure pourrait offrir des opportunités d’acquisition de magasins indépendants ou de franchisés pour agrandir la force de frappe des distributeurs. »
On voit bien quelles pourraient être les conséquences d’un tel dispositif, si l’on n’y prêtait pas garde : une forme de dépeçage du réseau coopératif. Le sous-amendement n° 1700 permettrait, en apportant une réponse immédiate à cette difficulté, de prévenir ce risque et de rassurer les investisseurs, qui sont aujourd’hui dans l’attente. Nous avons en effet, les uns et les autres, été interrogés à ce sujet par des investisseurs : ils souhaitent savoir ce qui adviendra dans le secteur de la distribution.
Je préconise, pour ma part, dans l’hypothèse où l’amendement du Gouvernement devait être adopté, qu’il soit sous-amendé. Ce serait une bonne manière de rassurer l’ensemble de nos interlocuteurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. L’article 10 A adopté par l’Assemblée nationale et soutenu par le Gouvernement contient plusieurs types de grandes dispositions. Les articles L. 341-1, L. 341-2 et L. 341-3, dont l’introduction est proposée dans le code de commerce, établissent l’obligation de formaliser un contrat entre tout commerçant indépendant et une personne physique ou morale mettant à sa disposition une enseigne et des services, pour une durée maximale de neuf ans. Ce contrat ne peut être renouvelé par tacite reconduction.
Cette institution d’un contrat plus ou moins unique, sur la durée duquel devraient s’aligner tous les autres contrats établis entre les parties, porte en elle une discrimination à l’égard du commerce intégré. En effet, la contrainte nouvellement créée par cet article n’affecte que très partiellement la distribution intégrée, alors qu’elle concerne la totalité des réseaux de commerçants indépendants. François Marc vient de nous lire une note, établie par un broker, qui explique cela très bien.
Si les réseaux intégrés font bien exploiter des points de vente en franchise, la part d’activité représentée par ce type d’exploitation est très minoritaire dans l’ensemble de leur chiffre d’affaires et son évolution n’a pas d’incidence notable sur le fonctionnement de leurs outils centralisés, lesquels disposent, quant à eux, de la pérennité de ce type de structure.
À l’inverse, tous les réseaux de commerçants associés, principalement des distributeurs alimentaires, mais également tous les réseaux du commerce associé – enseignes de bricolage, opticiens, pharmaciens, magasins d’articles de sport, architectes, parfumeurs... – sont concernés par cet article.
Fragiliser, voire condamner, les sociétés collectives des indépendants reviendrait à instaurer un déséquilibre flagrant au bénéfice des sociétés intégrées, qui auraient la capacité de garder intactes leurs structures, tout en s’emparant progressivement de la majeure partie des magasins indépendants, privés des éléments les plus importants de leur compétitivité. Cela nous renvoie, encore une fois, à la note précitée.
Les dispositions de l’article 10 A, outre qu’elles posent un problème de constitutionnalité, anéantiraient le travail des législateurs qui, depuis des décennies et jusqu’à l’année dernière avec la loi Hamon, ont patiemment adapté et renforcé les règles régissant l’organisation des systèmes coopératifs. C’est la raison pour laquelle cet article ne peut trouver d’aménagement partiel. Tant que les mesures qu’il comporte continueront de concerner le commerce associé, l’efficacité économique du système coopératif sera menacée. La solution ne peut donc passer que par la suppression de l’article 10 A, ou par la limitation de sa portée aux seuls cas du commerce franchisé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Au vu de ces échanges, monsieur le ministre, je pense sincèrement que rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale serait une fausse bonne idée et ne vous rendrait pas forcément service. Cela vous ôterait, en effet, toute possibilité d’avancer sur ce sujet, ô combien délicat et important, et donc toute marge de manœuvre.
Si la commission spéciale a décidé de supprimer l’article 10 A, c’est parce qu’elle a considéré que ses inconvénients étaient plus nombreux que ses avantages.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je souhaite apporter trois clarifications.
La première est relative aux notes des analystes financiers.
Je veux vous rassurer, monsieur Marc : les évaluations rédigées par Merrill Lynch ne sont ni neutres ni indépendantes. De surcroît, elles ne tiennent pas compte des études d’impact du Gouvernement. Il faut d’ailleurs toujours se demander pour qui ces notes sont rédigées : elles le sont pour les sociétés qui sont d’ores et déjà cotées ou font l’objet d’échanges de papiers d’investisseurs, c’est-à-dire plutôt les réseaux privés franchisés, comme Carrefour, par exemple. Par conséquent, méfiez-vous de ce genre d’analyses !
Ma deuxième clarification s’adresse à Mme Lienemann.
Je suis absolument conscient des réalités et de ce qui structure le monde associatif, en particulier le commerce associé, c’est-à-dire les règles de l’affectio societatis.
Je connais aussi la différence juridique, que vous avez rappelée, madame la sénatrice, entre des franchisés simples et des franchisés organisés sous forme de coopération qui sont donc coactionnaires.
Vous conviendrez néanmoins avec moi que la réalité quotidienne d’un franchisé de l’un de ces réseaux n’est pas tout à fait celle d’un codécideur. Il est donc vertueux d’aménager le système en vigueur.
Tout comme vous, je suis particulièrement attaché aux caractéristiques du modèle coopératif, à la stabilité qu’il apporte en termes de fonctionnement, aux rapports entre les coopérants, aux valeurs portées par ceux-ci et à la relation qu’ils entretiennent avec leur territoire. Il ne s’agit nullement, ici, de les remettre en cause ! J’ai d’ailleurs reconnu qu’il convenait de corriger les mesures initialement retenues, compte tenu de l’incidence qu’elles pouvaient avoir sur les statuts en vigueur dans ce secteur.
Nous constatons toutefois, dans le secteur coopératif, des pratiques, en termes d’engagements financiers et commerciaux, qui ne sont pas souhaitables et manifestent une volonté d’optimisation.
J’ai noté, madame la corapporteur, et ce sera mon troisième point, que vous aviez salué la puissance du mécanisme d’injonction structurelle que le Gouvernement a proposé. Vous êtes même allée plus loin puisque vous avez reconnu la notion de position dominante. J’en suis heureux : ainsi pourrons-nous défendre, dans la suite du débat, la puissance de cette notion pour ne pas en revenir à celle de simple abus de position dominante, laquelle n’a jusqu’à présent pas porté ses fruits.
L’injonction structurelle ne vaut que dans le cas d’une position dominante avec des prises ou des marges excessives. Un franchisé, qu’il appartienne ou non au secteur du commerce associé, peut ainsi se retrouver dans l’impossibilité de changer d’enseigne, alors même qu’il le souhaiterait, en raison de l’enchevêtrement de ces contrats et de leur durée.
Il y a donc un problème réel, bien identifié. La volonté du Gouvernement, au travers du dispositif proposé, n’est pas de déstabiliser le commerce associé, pas plus que l’ensemble des modes de la coopération.
Le dialogue est en cours. Mon cabinet et moi-même avons reçu à plusieurs reprises la FCA. La négociation continue sur ce point. Quel que soit le vote du Sénat, je m’engage à ce que vos préoccupations soient prises en compte. Le dispositif adopté in fine sera corrigé en ce sens, afin de préserver l’essence du modèle coopératif.
Mme la présidente. Monsieur Vaugrenard, le sous-amendement n° 1700 est-il maintenu ?
M. Yannick Vaugrenard. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1700.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du président de la commission spéciale.
Je rappelle que la commission spéciale s’en est remise à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 131 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 128 |
Contre | 196 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme Nicole Bricq. C’est dommage !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1646.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission spéciale est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 132 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 0 |
Contre | 324 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Quel succès, monsieur le ministre !
M. Dominique de Legge. La solitude du pouvoir !
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 192 rectifié bis, présenté par MM. Raison, César, Morisset, de Nicolaÿ, Vasselle et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Kennel, Delattre, Lefèvre, Nougein, Pointereau, Milon, Vaspart, B. Fournier, Grosperrin, Calvet, Béchu, Trillard, Joyandet et Revet, Mme Bouchart et MM. Chaize, Laménie, Perrin et Gremillet, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 441-7 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, au 2°, au 3° et à la première phrase du neuvième alinéa, les mots : « ou le prestataire de services » sont remplacés par les mots : « de commerce de détail » ;
b) Au huitième alinéa, les mots : « ou prestataire de services » sont remplacés par les mots : « de commerce de détail » ;
2° Après le I, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Au sens du I, la notion de distributeur de commerce de détail s’entend du distributeur effectuant pour plus de la moitié de son chiffre d’affaires de la vente de marchandises à des consommateurs pour un usage domestique, ou de la centrale d’achat ou de référencement d’entreprises de ce distributeur. »
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Cet amendement vise à rétablir l'article 10 B, qui modifie l’article L. 441-7 du code de commerce introduit par la loi de modernisation de l’économie de 2008. Il s’agit d’exclure les entreprises de l’approvisionnement professionnel du champ de cet article du code précité et d’indiquer que cette disposition ne s’applique qu’aux relations entre la grande distribution et ses fournisseurs.
En outre est précisée la notion de grande distribution en référence à la définition proposée par l’Autorité de la concurrence du commerce de détail dans ses lignes directrices relatives au contrôle des concentrations.
Mme la présidente. L'amendement n° 848 rectifié, présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes, de Nicolaÿ et Delattre, Mme Deromedi, MM. Doligé, Houel, L. Hervé, Laménie, Lefèvre, Longuet et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, Morisset, Perrin et Pierre, Mme Primas et MM. Raison, Trillard et Vogel, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L II de l’article L. 441-7 est abrogé ;
2° Après l’article L. 441-7, sont insérés deux articles ainsi rédigés :
« Art. L. 441-7-1. – I. – L’article L. 441-7 n’est pas applicable entre un fournisseur et un grossiste.
« Une convention écrite conclue entre le fournisseur et le grossiste indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix à l’issue de la négociation commerciale. Établie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat-cadre annuel et des contrats d’application, elle fixe :
« 1° Les conditions de l’opération de vente des produits ou des prestations de services telles qu’elles résultent de la négociation commerciale dans le respect de l’article L. 441-6 ;
« 2° Les conditions dans lesquelles le grossiste s’oblige à rendre au fournisseur, en vue de la revente de ses produits aux professionnels, tout service propre à favoriser leur commercialisation ne relevant pas des obligations d’achat et de vente, en précisant l’objet, la date prévue, les modalités d’exécution, la rémunération des obligations ainsi que les produits ou services auxquels elles se rapportent ;
« 3° Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le grossiste, en précisant pour chacune l’objet, la date prévue et les modalités d’exécution, ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à ces obligations.
« Les obligations relevant des 1° et 3° concourent à la détermination du prix convenu.
« La convention unique ou le contrat-cadre annuel est conclu avant le 1er mars ou dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier.
« « Le présent I n’est pas applicable aux produits mentionnés au premier alinéa de l’article L. 441-2-1.
« II. – Au sens du I, la notion de grossiste s’entend de toute personne physique ou morale qui, à titre professionnel, achète des produits à un ou plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d’autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs, ou à tout autre professionnel qui s’approvisionne pour les besoins de son activité.
« Sont assimilées à des grossistes au sens du premier alinéa du présent II, les centrales d’achat ou de référencement de grossistes, à l’exception de celles agissant également pour le compte de détaillants.
« Art. L. 441-7-2. – Le fait de ne pas pouvoir justifier avoir conclu dans les délais prévus une convention satisfaisant aux exigences de l’article L. 441-7 ou du I de l’article L. 441-7-1 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. L’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 465-2. Le maximum de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. »
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Cet amendement vise à lever les graves difficultés que pose aux entreprises spécialisées dans l'approvisionnement professionnel le cadre légal en vigueur en matière de formalisation de la négociation commerciale.
Rappelons que la loi Hamon a renforcé une nouvelle fois les contraintes de formalisme pesant sur les relations commerciales. Les raisons de ce renforcement sont connues et portent sur le déséquilibre particulier qui caractérise la relation entre la grande distribution et ses fournisseurs. Ce déséquilibre, les entreprises fournisseurs, qui sont à 95 % des PME, ne le connaissent pas. Elles se voient pourtant imposer les mêmes contraintes du code de commerce.
Aujourd'hui, le cadre légal est devenu quasiment impraticable, car il est totalement inadapté à la réalité des affaires. En outre, il place ces PME dans une situation d'insécurité juridique caractérisée.
Pour les dizaines de milliers d'entreprises concernées, l'adoption de cet amendement constituerait une avancée considérable. Elle mettrait un terme au cercle vicieux qui, loi après loi, impose à l'ensemble de l'économie française des contraintes qui n'ont de raison d'être que dans le cas particulier de la relation entre fournisseurs et grande distribution.
Mme la présidente. L'amendement n° 1053, présenté par Mme Assassi, M. Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport portant, dans les départements et régions d’outre-mer, sur les modalités de création et de fonctionnement de centrales d’approvisionnement et de stockage régionales qui, par mutualisation des moyens, réduiraient les coûts et permettraient aux distributeurs de mieux faire jouer la concurrence entre fabricants et intermédiaires.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Il s’agit de favoriser la création de centrales d’approvisionnement régional, revendication que les outre-mer brandissent depuis longtemps, notamment à travers une mesure issue des états généraux de l’outre-mer, reprise dans les décisions du conseil interministériel de l’outre-mer... en 2009 !
Cette préconisation est aussi celle de l’Autorité de la concurrence. En 2009 toujours, cette instance a rendu un avis relatif aux mécanismes d’importation et de commercialisation des produits de grande consommation dans les outre-mer.
Dans ces derniers, les marchés sont étroits et, par le jeu de ce que l’on pourrait appeler « colbertisme », les outre-mer s’approvisionnent généralement sur les marchés français et européens. Or ceux-ci sont éloignés – jusqu’à 10 000 kilomètres pour ce qui concerne La Réunion –, ce qui entraîne obligatoirement un coût.
Pourtant, ce n’est pas la seule raison à la vie chère outre-mer. La question des marges est très significative.
L’Autorité de la concurrence a recommandé de travailler à l’amélioration des circuits logistiques entre la métropole et les territoires domiens. Cette amélioration est indispensable quand on sait que la segmentation de l’approvisionnement entre différents opérateurs et intermédiaires empêche la réalisation d’économies d’échelle et, qui plus est, permet l’accroissement des marges à chaque stade de la chaîne d’approvisionnement.
L’Autorité de la concurrence a demandé que l’État et les collectivités locales mettent en place des centrales d’approvisionnement et de stockage régionales. Celles-ci, grâce à la mutualisation des moyens, permettraient de réduire les coûts. En outre, cela garantirait une vraie concurrence entre fabricants et intermédiaires.
Les différentes études ont montré les difficultés des outre-mer à s’insérer dans leur environnement économique et à intégrer les marchés régionaux. Bien évidemment, l’approvisionnement sur ces marchés aurait pour effet induit une baisse des coûts de transport, donc des prix de revient des produits eux-mêmes. Pour l’heure, un tel approvisionnement est restreint, du fait des contraintes imposées par les réglementations et normes européennes.
Le député martiniquais Serge Letchimy proposait, dans un rapport, de mettre en place des outils de certification pour le marquage, l’agrément des matériaux et autres produits hors CE d’origine régionale. Cela permettrait de créer des passerelles de reconnaissance d’homologation dans les différents bassins géographiques.
Quant à l’idée d’une plateforme d’achat, elle a été adoptée par la chambre de commerce et d’industrie de La Réunion qui a lancé la campagne : « Le bon produit au bon endroit ».
Les initiatives prises par les acteurs ultramarins dans ce sens doivent être encouragées. Il est bien évident que les chances de succès de telles opérations seraient confortées si les pouvoirs publics accompagnaient les démarches.
On pourrait aussi suggérer de mettre en place une mission d’étude réunissant l’État et les collectivités territoriales dans chaque région d’outre-mer, pour réfléchir à ce sujet. Le Gouvernement pourrait ainsi s’appuyer sur le résultat de ces missions pour la rédaction du rapport que tend à prévoir le présent amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 192 rectifié bis vise à rétablir l’article 10 B dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, ce qui conduirait à supprimer la convention unique pour tout un pan des relations commerciales, celles qui existent entre fournisseurs et grossistes.
Comme je l’ai déjà indiqué en commission spéciale, ce dispositif est trop simpliste, car il ne contraindrait plus les parties à respecter un formalisme juridique. Pour autant, j’en conviens, le cadre légal, du fait de sa rigidité, n’est pas en phase avec le monde des affaires. Les professionnels concernés ont donc travaillé sur un aménagement du formalisme des négociations commerciales pour les entreprises n’entrant pas dans le champ du commerce de détail et proposé un dispositif, que tend à introduire l’amendement n° 848 rectifié. C’est ce système qui a eu la préférence de la commission spéciale.
Par conséquent, la commission spéciale vous prie, monsieur Laménie, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 848 rectifié vise à inscrire dans le projet de loi, comme je viens de l’indiquer, une proposition résultant du travail de concertation effectué par les entreprises de l’approvisionnement professionnel.
Le cadre légal que tend à prévoir cet amendement pour les relations entre les fournisseurs et les grossistes déroge au régime de l’article L. 441-7 du code de commerce. Il maintient toutefois l’obligation de conclure une convention écrite et définit la notion de grossiste.
La commission spéciale a émis un avis favorable sur cet amendement, tout en considérant que le dispositif proposé pourra être enrichi au cours du travail parlementaire.
L’amendement n° 1053 tendant à prévoir la remise d’un rapport, la commission spéciale y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 192 rectifié bis vise à rétablir l’article 10 B dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Il existe désormais un consensus, y compris d’ailleurs parmi les acteurs concernés, pour rejeter la solution proposée par les auteurs de cet amendement, lequel tend à supprimer tout formalisme dans les relations entre grossistes et fournisseurs. Une telle suppression ne me paraît pas souhaitable. Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Laménie. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
La rédaction que vous proposez, madame Primas, par le biais de l’amendement n° 848 rectifié, semble plus adaptée. Si elle était retenue, elle permettrait de tenir compte des spécificités des relations entre grossistes et fournisseurs et d’introduire en l’espèce plus de transparence et de sécurité juridique. Néanmoins, elle doit encore être améliorée. À cette fin, la discussion se poursuit entre les acteurs du secteur et les services de mon ministère sur certains points essentiellement techniques, en particulier le respect du prix convenu – le non-respect de cette obligation entraînant une sanction, cette question doit être réglée.
À ce stade, je vous prie donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement.
Enfin, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 1053.
Mme la présidente. Monsieur Laménie, l'amendement n° 192 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. Non, je le retire, madame la présidente, compte tenu des avis de Mme la corapporteur et de M. le ministre.
Mme la présidente. L'amendement n° 192 rectifié bis est retiré.
Madame Primas, l'amendement n° 848 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sophie Primas. J’ai bien compris la position de M. le ministre, mais la commission ayant émis un avis favorable, je maintiens cet amendement. La rédaction proposée pourra être améliorée dans la suite du travail parlementaire.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 10 B est rétabli dans cette rédaction, et l’amendement n° 1053 n’a plus d’objet.
Articles additionnels après l'article 10 B
Mme la présidente. L'amendement n° 849 rectifié, présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes, de Nicolaÿ, Delattre, Doligé et Houel, Mme Gruny, MM. Laménie, Lefèvre, Longuet et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, Morisset, Perrin et Pierre, Mme Primas et MM. Raison, Reichardt, Trillard, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du septième alinéa du I de l’article L. 441-6 du code de commerce, après les mots : « de vente », sont insérés les mots : « , opposables dès leur date d’entrée en vigueur définie par le fournisseur, ».
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Conformément au principe de la liberté des prix et de la concurrence consacré par le droit français, tout producteur ou prestataire de services doit soumettre la vente de ses produits ou de ses prestations à des conditions générales de vente, applicables à tous ses clients sans distinction, c'est-à-dire à une même date.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi de modernisation de l’économie, le tarif fournisseur, socle de la négociation commerciale, n'est pas appliqué dans la majorité des cas. En effet, les fournisseurs sont confrontés à des demandes de conditions générales de vente dérogatoires, à des reports d'application du tarif annuel, voire à des refus de respecter le tarif de l'année sur la base duquel ont été négociés et conclus les accords commerciaux. Nous le savons tous dans cette enceinte, ces pratiques sont monnaie courante.
Force est de reconnaître que l'objectif de la LME – garantir une négociation commerciale équilibrée – est détourné depuis cinq ans. Les abus en résultant créent de véritables distorsions de concurrence entre les enseignes de la distribution dès lors que le point de départ de la négociation n'est plus identique. Rappelons que la tractation doit porter sur le prix convenu après transaction commerciale, et non sur le tarif de départ.
Il est donc nécessaire de réaffirmer que la date d'entrée d'application du tarif n'est pas négociable et qu’elle s'applique de plein droit pour ouvrir les négociations commerciales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Contrairement aux conditions particulières de vente qui varient d’un client à un autre, les conditions générales de vente constituent le socle de la négociation commerciale, aux termes de l’article L. 441-6 du code de commerce. Ces dernières conditions, qui, je le rappelle, sont un acte juridique unilatéral émanant du seul fournisseur, doivent par conséquent être identiques pour tous les clients. Si tel n’est pas le cas, le fournisseur engage sa responsabilité et est passible de sanctions.
Dans la pratique, les négociations commerciales entre l’industrie et la grande distribution sont, de l’avis de nombreux professionnels, de plus en plus difficiles : certains distributeurs refusent de négocier sur la base des conditions générales de vente et tentent d’imposer leur propre point de départ, en se référant, par exemple, aux tarifs de l’année précédente ou même à des prix inférieurs.
Je le dis avec force : on ne peut se satisfaire d’une telle situation et les pratiques abusives doivent être sévèrement sanctionnées, faute de quoi des pans entiers de nos industries de production risquent de péricliter.
Toutefois, le présent amendement va trop loin en sens inverse en faisant des conditions générales de vente non plus le socle de la négociation, mais des conditions unilatéralement opposables aux clients. En effet, inscrire dans le texte que ces conditions sont opposables dès leur date d’entrée en vigueur pourrait entraîner une confusion et apparaître comme une remise en cause de la négociabilité des prix.
Compte tenu de la liberté des prix instituée en 1986, il est difficilement envisageable que les conditions contractuelles ne puissent plus être négociées entre clients et fournisseurs. Cela reviendrait à renverser le déséquilibre des relations commerciales et non à rétablir l’équilibre.
La commission spéciale souhaite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Primas, l'amendement n° 849 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sophie Primas. Je comprends vos explications, madame la corapporteur. Le compte rendu de nos débats au Journal officiel, fût-il électronique, permettra, je l’espère, d’établir une jurisprudence et de régler une partie des conflits entre distributeurs et fournisseurs. Par conséquent, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 849 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 189 rectifié ter est présenté par MM. Raison, Bizet, Morisset, de Nicolaÿ, Vasselle et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Kennel, Lefèvre, Pointereau, G. Bailly, Béchu, Chaize, Reichardt, Milon, Vaspart, B. Fournier, Grosperrin, Perrin, Pierre, Calvet, Cornu, Trillard et Joyandet, Mme Primas, M. Revet, Mme Bouchart et MM. Laménie et Gremillet.
L'amendement n° 438 rectifié est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa du I de l’article L. 441-7 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le plan d’affaires fait partie intégrante de la convention. Il reprend les engagements réciproques, les leviers de développement, ainsi que les objectifs que les parties se sont fixés tels qu’ils sont définis par la commission d’examen des pratiques commerciales. »
La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 189 rectifié ter.
M. Marc Laménie. Cet amendement se justifie par son texte même.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 438 rectifié.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement est le premier d’une série visant à rééquilibrer les relations entre les industriels et la grande distribution.
Depuis plusieurs années, un processus de regroupement des centrales d’achat de la grande distribution est à l’œuvre en France, de sorte que, aujourd’hui, quatre centrales d’achat se partagent le marché au nom des grandes enseignes de la distribution.
Cet oligopole déséquilibre fortement le rapport de force entre industriels et distributeurs. Depuis la loi Dutreil de 2005, les négociations commerciales doivent se dérouler entre le début du mois de novembre et la fin du mois de février de chaque année. Or, de plus en plus fréquemment, les distributeurs abusent du mécanisme dit de « compensation de marges » qui permet d’exiger des industriels qu’ils mettent la main au porte-monnaie en dehors de la période annuelle de négociation dès lors que l’enseigne de la grande distribution connaît une baisse de ses marges.
Cet abus de position dominante est tel qu’il a des effets non seulement sur les petits producteurs, mais également sur les plus grands. Ainsi, dans une interview parue dans Le Figaro, le P-DG de Nestlé, Richard Girardot, évoque des « marges écrasées » par les exigences des distributeurs, mais aussi des négociations annuelles au cours desquelles ses commerciaux sont « soumis à une pression digne d’une garde à vue ».
Cette pression pourrait être justifiée si elle aboutissait à une diminution des prix sensible pour le consommateur. Or cette baisse ne représente que 2,50 euros par ménage et par mois. Il est donc temps de remédier à cette situation injustifiée.
Le présent amendement vise à prévoir que le plan d’affaires fait partie intégrante de la convention signée entre industriels et distributeurs. Ce document permet de retracer toute la négociation, depuis les conditions générales de vente jusqu’à la signature du contrat, y compris les engagements mutuels des deux parties et les contreparties. Il assure une plus grande transparence des négociations, non seulement pour les deux parties signataires, mais aussi pour les autorités de contrôle comme la DGCCRF. Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de rendre ce document obligatoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Les auteurs de ces deux amendements identiques souhaitent que le plan d’affaires soit totalement intégré dans la convention signée à l’issue de la négociation commerciale, afin de fixer les engagements des parties.
Cela serait, me semble-t-il, faire jouer au plan d’affaires un rôle qui n’est pas le sien. D’ailleurs, le contenu juridique de cette notion, qui vient du monde de la gestion et de l’économie, n’est pas précisément défini. Faire de ce plan un élément de la convention définissant les engagements entre fournisseurs et distributeurs, c’est introduire une grande insécurité juridique dans les relations commerciales, qui ont besoin d’un cadre clair.
Au demeurant, ces amendements identiques me semblent déjà en grande partie satisfaits par le droit en vigueur. Aux termes de l’article L. 441-7 du code de commerce, la convention doit mentionner les obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services, en précisant l’objet, la date prévue et les modalités d’exécution, ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à ces obligations. Vous le voyez, la loi oblige déjà à formaliser sous forme d’engagement dans la convention certains des éléments constitutifs de tout plan d’affaires.
La commission sollicite donc le retrait de ces deux amendements identiques. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 189 rectifié ter est-il maintenu, monsieur Laménie ?
M. Marc Laménie. Non, madame la présidente. Compte tenu des éléments qui viennent d’être apportés par Mme la corapporteur, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 189 rectifié ter est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 438 rectifié, madame Benbassa ?
Mme Esther Benbassa. Je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 603 rectifié n’est pas soutenu.
Article 10 C
(Non modifié)
I. – L’article L. 441-8 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il n’est pas applicable lorsque le contrat ne comporte pas d’engagement sur le prix d’une durée d’au moins trois mois. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable aux contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois portant sur la conception et la production, selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur, de produits mentionnés au premier alinéa. »
II. – À l’article L. 631-25-1 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « à l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « au quatrième ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1054, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Art. L. 611-4-2. – Un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des produits agricoles et alimentaires est instauré. Ce coefficient multiplicateur est supérieur lorsqu’il y a vente assistée.
« Après consultation des syndicats et organisations professionnelles agricoles, les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture fixent le taux du coefficient multiplicateur, sa durée d’application et les produits visés.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article et les sanctions applicables en cas de méconnaissance de ses dispositions. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. L’objet de cet amendement est implicite. Nous proposons d’instituer un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des produits alimentaires.
L’agriculture s’inscrit aujourd’hui dans de puissantes filières agrofinancières dominées en aval par l’agrobusiness et en amont par la grande distribution. Les récents scandales alimentaires témoignent des dérives de l’agro-industrie, fondée sur la recherche du moins-disant social et environnemental, où seuls les intérêts financiers priment.
Le développement des firmes en amont et en aval s’accompagne d’une captation croissante de la valeur ajoutée agricole, au détriment des agriculteurs et des consommateurs, ainsi que d’une détérioration de la qualité des aliments.
Depuis 1992, les réformes successives de la politique agricole commune menées dans le cadre de l’offensive libérale ont progressivement conduit à la suppression des outils de régulation et à l’ouverture des marchés agricoles à la spéculation financière, ce qui entraîne mécaniquement une forte volatilité des prix agricoles.
Les stratégies de marge de la grande distribution continuent d’être appliquées sans vergogne. Les différentes dispositions adoptées depuis plusieurs années dans des lois de modernisation et de régulation économique n’ont pas arrangé la situation ; elles ont même permis aux distributeurs d’avoir les coudées franches. Faute de régulation, les producteurs subissent des prix d’achat très souvent inférieurs aux coûts de production.
Pour la distribution, l’accroissement des importations vise à compresser toujours plus les prix d’achat aux producteurs. À l’autre bout de la chaîne, le ticket de caisse des consommateurs flambe.
Face aux actionnaires de ces groupes dominateurs, il ne peut pas suffire d’en appeler à leur simple « responsabilité » pour « ne pas spéculer sur une baisse des cours », comme l’a récemment indiqué M. le ministre de l’agriculture.
En la matière, la mise en place d’un coefficient régulateur constituera une première étape. Rémunérer justement les producteurs et mieux répartir la valeur ajoutée dans les filières agricoles est essentiel à toute ambition d’un nouveau type de développement agricole.
Notre amendement s’inscrit dans cette perspective. Nous proposons l’application immédiate du coefficient multiplicateur, afin d’assurer le meilleur prix aux consommateurs et de permettre aux agriculteurs de percevoir un revenu décent.
Mme la présidente. L'amendement n° 277 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. César, Kennel, Lefèvre, D. Laurent, Calvet, Sido, Laménie et Houel, Mme Primas et MM. P. Leroy, G. Bailly et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
article est
insérer le mot :
également
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Il s’agit d’un amendement de clarification. Nous souhaitons préciser que les dispositions de l’article 10 C s’appliquent également aux contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois et portant sur la conception et la production.
Cet amendement rédactionnel permet ainsi de lever toute incertitude quant au champ d’application de la clause de renégociation prévue à l’article L. 441-8 du code du commerce.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 1054 vise à instaurer un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente de tous les produits agricoles et alimentaires.
Aujourd’hui, la possibilité d’instaurer un tel coefficient est prévue par l’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime, uniquement en situation de crise conjoncturelle, et pour une seule catégorie de produits : les fruits et légumes frais.
Jusqu’à présent, aucun arrêté interministériel conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’économie n’est intervenu. Pourtant, nous avons connu quelques crises dans le secteur concerné.
Il apparaît que le coefficient multiplicateur n’est pas le meilleur outil de protection des producteurs. Il garantit bien plus la marge du distributeur que le revenu du producteur. Rien n’interdit d’acheter à l’étranger : pour maintenir des prix bas aux consommateurs, les distributeurs pourront se fournir de manière privilégiée auprès d’acteurs économiques de l’agriculture ou du secteur agroalimentaire hors de France.
Au final, l’adoption de cet amendement aurait pour effet d’instaurer un dispositif rigide de garantie de la marge des distributeurs, sans possibilité de concurrence par les prix. Par ailleurs, une formulation aussi générale soulève certainement un problème de constitutionnalité, dans la mesure où l’on ne précise pas clairement qu’il s’agit d’un régime d’exception.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, l’avis est favorable sur l’amendement n° 277 rectifié, qui tend à expliciter l’objet de l’article 10 C.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10 C, modifié.
(L'article 10 C est adopté.)
Articles additionnels après l'article 10 C
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 220 rectifié ter est présenté par Mme Malherbe, MM. Bertrand, Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard et Requier.
L'amendement n° 730 rectifié est présenté par MM. Camani et Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 441-2-2 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou prévoir la rémunération de services rendus à l'occasion de leur revente, propres à favoriser leur commercialisation et ne relevant pas des obligations d'achat et de vente, ou de services ayant un objet distinct » ;
2° Au deuxième alinéa, après les mots : « à la commande », sont insérés les mots : « ou prévoir la rémunération de services rendus à l’occasion de sa revente, propres à favoriser sa commercialisation et ne relevant pas des obligations d’achat et de vente, ou de services ayant un objet distinct ».
L’amendement n° 220 rectifié ter n’est pas soutenu.
La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour présenter l’amendement n° 730 rectifié.
M. Yannick Vaugrenard. Cet amendement, cher à mon collègue Pierre Camani, coprésident du groupe d’études fruits et légumes, vise à défendre les producteurs de fruits et légumes, trop souvent malmenés par la grande distribution dans les négociations de contrats-cadres annuels, où on leur impose souvent des services dont l’objet est distinct de la vente proprement dite.
La cour d’appel de Paris a d’ailleurs récemment condamné un grossiste en fruits et légumes pour des pratiques de fausse coopération commerciale destinées à passer outre la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche prohibant l’obtention de remises, rabais et ristournes lors de l’achat de fruits et légumes frais. Elle a retenu que « de telles pratiques créent un trouble à l’ordre public économique en ce qu’elles faussent le marché de la libre concurrence en créant des prix artificiels ».
Certains grossistes proposent des services annexes, comme la mise en avant des produits sur les lieux de vente, le référencement numérique ou encore la centralisation des commandes, qui ne relèvent pas de la vente et sont irréalisables en pratique, d’autant que peu de fournisseurs disposent de marques commerciales valorisables, en rayon comme sur internet.
Ce contournement est aujourd’hui rendu possible par la possibilité offerte par la loi de rémunérer des services de coopération commerciale ou des services ayant un objet distinct, sous réserve que ceux-ci soient prévus dans un contrat écrit portant sur la vente des produits par le fournisseur.
Il apparaît ainsi que certains distributeurs ont pu imposer par ce biais la rémunération de services fictifs ou disproportionnés, imposés sans négociation lors de la signature des contrats-cadres annuels. À l’heure où ces contrats se négocient, ces contournements à la règle des « 3R nets », c’est-à-dire remises, rabais, ristournes, déstabilisent le secteur des fruits et légumes au profit de la grande distribution.
Notre amendement vise donc à éviter ces contournements, en précisant la rédaction de l’article L. 441-2-2 du code de commerce, afin d’en conforter l’esprit initial, à savoir la nécessité de lutter contre les déséquilibres dans les relations commerciales entre producteurs et acheteurs.
Toutefois, il paraît essentiel d’adapter le dispositif aux réalités et nécessités de la pratique : en certaines occasions, quand ils sont négociés correctement, ces services peuvent être utiles aux deux partenaires commerciaux. Il convient donc de permettre à l’interprofession de définir les conditions dans lesquelles leur rémunération serait autorisée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement tend à interdire les conventions de coopération commerciale entre distributeurs et fournisseurs, sauf s’il existe un accord interprofessionnel les encadrant.
Or il y a déjà un dispositif permettant de sanctionner la fausse coopération commerciale, notamment dans les cas où la rémunération du distributeur est disproportionnée par rapport au service réellement rendu. Le 1° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce interdit une telle pratique.
La victime peut saisir les tribunaux pour obtenir réparation. Mais cette saisine est aussi possible par le ministre, ou, en pratique, par la DGCCRF. Le distributeur qui propose une fausse convention de coopération commerciale s’expose à une amende de 2 millions d’euros pouvant être portée au triple des sommes indûment versées.
Le secteur des fruits et légumes n’est pas celui dans lequel les conventions de coopération commerciale sont les plus fréquentes. L’intérêt d’un dispositif spécifique d’encadrement de la coopération commerciale par un accord interprofessionnel ne paraît donc pas flagrant, d’autant qu’un tel accord ne permettra pas de mettre en place un régime de sanctions : les interprofessions ne disposent pas d’un pouvoir de discipline sur leurs membres.
En outre, rien n’interdit à l’interprofession de fournir aux acteurs de la filière fruits et légumes frais un guide de bonnes pratiques concernant les conventions de coopération commerciale, guide qui aura les mêmes effets qu’un accord interprofessionnel et pourra servir de référentiel aux parties, mais aussi à la DGCCRF ; cette dernière sera ainsi en mesure d’apprécier les cas d’abus.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, qui n’est pas redondant par rapport aux dispositifs existants.
Avec un tel mécanisme, la coopération commerciale serait fortement limitée dans le secteur. Pour préserver une possibilité de négocier, il est proposé de définir par accord interprofessionnel les conditions dans lesquelles les services de coopération commerciale ou des services distincts de ces derniers pourraient être négociés entre les producteurs et leurs clients.
Le déséquilibre du rapport de forces entre les producteurs et les distributeurs au sein de la filière fruits et légumes frais avait déjà conduit en 2010 le législateur à interdire, de manière spécifique, les rabais, remises ou ristournes pour l’achat des produits en question.
La cour d’appel de Paris a récemment condamné le fait de se faire rémunérer des services fictifs de coopération commerciale en vue de contourner l’interdiction des rabais, remises ou ristournes ; je fais référence à l’arrêt rendu le 15 janvier 2015 dans le cadre de l’affaire Blampin.
Le dispositif proposé apporte un complément utile, afin de mettre un terme aux stratégies de contournement que l’on observe encore. Il semble que la pratique dans le secteur légitime une telle démarche.
Une interdiction dans un secteur particulier où la coopération commerciale est, en général, fictive sera plus efficace que le contrôle juridictionnel ex post, sans entraîner d’inconvénient économique.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.
M. Henri Tandonnet. En tant que coprésident du groupe d’études fruits et légumes du Sénat, je ne partage pas l’avis qui vient d’être exprimé par M. le ministre.
D’une part, la récente loi de modernisation agricole assainit les pratiques commerciales en matière de vente de fruits et de légumes.
D’autre part, et même si la jurisprudence de la cour d’appel de Paris montre qu’il existe encore des brebis galeuses, l’outil complémentaire de lutte contre les abus qu’il est proposé introduire me semble disproportionné. Il existe, pour les cas particuliers de la vente des fruits et légumes, des services réels, qui doivent faire l’objet d’un contrat écrit. Il n’est pas opportun de les supprimer.
J’ai été étonné que mon homologue coprésident du groupe d’études ne m’ait pas informé du dépôt de cet amendement. J’ai pris directement contact avec l’interprofession, dont le président m’a indiqué ne pas être favorable à cet amendement ; il m’a également soutenu que les accords interprofessionnels seraient élaborés en vue d’éviter les pratiques non respectueuses des producteurs.
Par conséquent, je ne voterai pas cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 382 rectifié bis est présenté par Mme Lamure, MM. Laménie, Pierre et Lefèvre, Mme Primas et MM. G. Bailly, César, Houel et Calvet.
L’amendement n° 839 rectifié bis est présenté par M. Bizet, Mmes Bouchart et Cayeux, MM. Commeinhes et de Nicolaÿ, Mme Gruny, MM. P. Leroy, Longuet et Mayet, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Reichardt, Trillard, Vaspart et Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 442-2 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Le prix d’achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat, majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport. »
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 382 rectifié bis.
Mme Élisabeth Lamure. Le seuil de revente à perte devait empêcher un commerçant de revendre un produit en dessous d’un prix raisonnable, c’est-à-dire en perdant de l’argent.
La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a permis aux distributeurs de réintégrer dans le calcul de ce seuil l’ensemble des avantages consentis aux fournisseurs en matière de vente. Cette dérégulation du seuil de revente à perte a marqué le début d’une communication agressive sur les prix, et uniquement sur les prix.
Dans cette démarche, il faut faire baisser le seuil de revente à perte toujours plus bas, en y intégrant d’abord le maximum d’avantages financiers, puis – c’est ce à quoi nous avons assisté ces dernières années – en essayant de faire baisser le tarif du fournisseur lui-même.
Cette asphyxie généralisée de la filière, qui découle d’un déséquilibre des acteurs et d’une dépendance économique des fournisseurs toujours plus forte, est très éloignée d’une situation de concurrence idéale.
Dans cette guerre des prix, tout le monde est perdant. Les producteurs et les fournisseurs, qui prennent tous les risques, voient leurs marges réduites, leurs capacités d’investissement et d’innovation rognées, donc, à terme, leur compétitivité dégradée. Mais les distributeurs ne sont pas moins touchés par ce cercle vicieux ; ils sont les premières victimes de la guerre qu’ils se livrent, au lieu de créer de la valeur.
Une déflation des produits alimentaires telle que nous la connaissons pour la première fois depuis des dizaines d’années, avec une baisse de 0,8 % aujourd’hui, n’est une bonne nouvelle pour personne, et surtout pas pour l’économie de notre pays, tant les pertes à moyen et long termes sont plus grandes que les gains éventuels à très court terme.
Pour sortir par le haut de cette situation, nous proposons de redonner au seuil de revente à perte son vrai rôle d’outil économique.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart, pour présenter l’amendement n° 839 rectifié bis.
M. Michel Vaspart. Il est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 808, présenté par MM. Bizet, Allizard, Baroin, Bignon et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Chasseing et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Duranton, MM. Falco, J.P. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Grosdidier et Houel, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Magras, Malhuret et Mandelli, Mme Mélot, MM. Milon et Pellevat, Mme Procaccia et MM. Reichardt, Savary, Sido, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 442-2 du code de commerce, les mots : « et majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport » sont remplacés par les mots : « et majoré des taxes spécifiques afférentes à cette revente, du prix du transport, affecté d’un coefficient de 1,15 et augmenté des taxes sur le chiffre d’affaires ».
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Les PME étant, nous le constatons, les victimes de la guerre à laquelle se livrent les distributeurs sur le prix des produits d’appel, nous proposons de majorer de 15 % le seuil de revente à perte de l’ensemble des produits, afin qu’aucun ne soit vendu au seuil de revente à perte tel que calculé aujourd’hui. Ainsi, le rattrapage de marges cessera.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’article L. 442-2 du code de commerce interdit la revente à perte et définit la manière de calculer son seuil.
L’article 1er de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs avait assoupli le mode de calcul.
Un commerçant ne peut pas vendre un produit moins cher que le prix auquel il l’a acheté, majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, taxe à la revente et coût du transport. Depuis 2008, le commerçant peut minorer son prix de l’ensemble des avantages que lui avait consentis son fournisseur, rapportés au prix de vente des produits. Avant 2008, il devait garder pour lui 15 % de ces avantages.
Les amendements nos 382 rectifié bis et 839 rectifié bis visent à ne plus permettre au commerçant de faire profiter à ses clients des avantages que lui consent son fournisseur. L’effet d’une telle mesure consisterait à remonter drastiquement le seuil de revente à perte, afin de lutter contre le mouvement continu de baisse des prix.
Une telle rédaction paraît donc excessive, en garantissant aux commerçants la possibilité de conserver 100 % des avantages consentis par leur fournisseur.
La commission sollicite le retrait de ces deux amendements identiques. À défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 808 s’inscrit dans la droite ligne des amendements précédents ; il porte sur le mode de calcul du seuil de revente à perte. Il vise à répercuter sur le client les remises et avantages tarifaires dont jouit le commerçant. Son dispositif prévoit aussi une majoration de 15 % du prix du produit, afin de prendre en compte les coûts fixes supportés par le commerçant. En cela, le dispositif de cet amendement vise à garantir la marge commerciale. Il appelle donc les mêmes critiques que celles que j’ai émises sur les deux amendements précédents.
Par conséquent, je demande également le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Lamure, l’amendement no 382 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Oui, je le maintiens, madame la présidente. Seule une action solide et efficace pourra enrayer la spirale des prix bas. C’est le sens de notre démarche.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 382 rectifié bis et 839 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
Mme la présidente. Madame Lamure, l’amendement n° 808 est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 808 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 381 rectifié est présenté par Mme Lamure.
L’amendement n° 840 rectifié est présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes, de Nicolaÿ, Delattre et Houel, Mme Gruny, MM. Laménie, Lefèvre, P. Leroy et Longuet, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Perrin, Pierre, Raison, Reichardt, Trillard, Vaspart et Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du I de l’article L. 442-6 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° De pratiquer à l’égard d’un partenaire économique ou d’obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achats discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ; ».
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 381 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure. Depuis quelques mois, les concentrations des distributeurs se sont accélérées ; aujourd’hui, 93 % de la puissance d’achat repose entre les mains de quatre centrales, dont dépendent des milliers de fournisseurs, qu’il s’agisse de multinationales, de PME ou de TPE.
Le balancier est désormais bloqué et penche en faveur de la distribution. La dépendance économique est devenue la situation de fait. Je ne connais pas une entreprise qui, quelle que soit sa taille, ne soit pas en situation de dépendance totale à l’égard d’un ou de plusieurs distributeurs.
Dans cette situation, la concurrence saine, celle qui entretient une compétition fondée sur le mérite et en faveur des consommateurs, n’existe plus. Il reste seulement la guerre des prix entre les enseignes pour gagner des parts de marché, et non pour créer de la valeur.
Après plus de sept ans de libre négociabilité, aucun point positif ne peut être mis au crédit du nouveau régime juridique. Au contraire, nous avons assisté à une dégradation très forte des relations au sein de la filière ; ce constat est partagé par l’ensemble des producteurs agricoles, des industriels et de nombreux distributeurs.
Il convient de réagir. Cet amendement tend à corriger la situation avant que le reste de l’économie ne soit entraîné dans la déflation. Il s’agit de rendre aux fournisseurs une prérogative qu’ils n’auraient jamais dû perdre, celle fixer la valeur de leur produit. Il s’agit par la même occasion de rendre à la négociation son vrai rôle : mettre en concurrence les fournisseurs, sur leurs produits et leurs prix, et les distributeurs, sur la qualité de leurs relations avec les consommateurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 840 rectifié.
M. Marc Laménie. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté. J’insiste sur la nécessité d’éviter la déflation et de rendre aux fournisseurs la prérogative de fixer la valeur de leurs produits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Les amendements identiques nos 381 rectifié et 840 rectifié tendent à modifier l’article L. 442-6 du code de commerce, qui fixe la liste des abus dans la relation commerciale prohibés par la loi.
Il est proposé d’ajouter une disposition interdisant d’avoir des pratiques en matière de prix, de délais de paiement ou de conditions d’achat ou de vente non justifiées par des contreparties réelles et conduisant à créer un avantage ou un désavantage dans la concurrence.
Un tel ajout serait redondant avec le droit existant. Le 1° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce dispose déjà qu’il est interdit « d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ».
L’abus dans la relation commerciale est donc bien caractérisé par un déséquilibre dans les engagements et obligations de chacune des parties. La solution réside moins dans le renforcement de l’arsenal législatif définissant l’abus que dans l’amélioration des moyens alloués au contrôle, en particulier de la DGCCRF, pour faire cesser les abus.
Au demeurant, en matière de relations commerciales, il n’est pas souhaitable de faire varier sans cesse le cadre législatif. C’est une source d’insécurité juridique pour les acteurs économiques et d’incertitude quant à l’interprétation de la loi.
La commission sollicite donc le retrait de ces amendements identiques. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Lamure, l’amendement n° 381 rectifié est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Je comprends les arguments de Mme la corapporteur.
Cela dit, même si les dispositions proposées sont redondantes avec le droit existant, il vaut peut-être mieux deux fois qu’une ! Les situations sont de plus en plus difficiles.
Par ailleurs, on ne fait plus appel qu’à la répression pour traiter ce problème. Il est dommage d’en arriver là. Combien de temps continuerons-nous à multiplier le nombre des brigades répressives de la DGCCRF pour dénoncer des pratiques que tout le monde connaît ?
Je veux bien retirer mon amendement, mais je ne suis pas satisfaite de la réponse qui m’a été adressée.
Mme la présidente. L’amendement n° 381 rectifié est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 840 rectifié, monsieur Laménie ?
M. Marc Laménie. Je le retire également, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 840 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 190 rectifié ter est présenté par MM. Raison, Bizet, Morisset, de Nicolaÿ, Vasselle et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Kennel, Pointereau, Saugey, G. Bailly, Béchu, Chaize, Milon, Vaspart, B. Fournier, Grosperrin, Pierre, Calvet, Cornu, Trillard et Joyandet, Mme Primas, M. Revet, Mme Bouchart et MM. Laménie, Reichardt, Perrin et Gremillet.
L'amendement n° 439 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase du 1° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce, le mot : « abusivement » est supprimé.
La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 190 rectifié ter.
M. Marc Laménie. En supprimant du texte de l’article L. 442-6 du code de commerce le terme « abusivement », le législateur condamnerait toute pratique visant à modifier un contrat ou un prix convenu à l’issue d’une négociation commerciale en vue de maintenir la rentabilité du distributeur, seul maître de la variable d’ajustement que constitue le prix de vente au consommateur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 439.
Mme Esther Benbassa. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Depuis la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, la pratique des compensations de marges est encadrée par l’article L. 442-6 du code de commerce. Ce texte sanctionne, de manière générale, les avantages sans contrepartie ou manifestement disproportionnés au regard de la valeur du service rendu. Les amendements identiques nos 190 rectifié ter et 439 portent plus particulièrement sur les avantages qui consistent, selon le droit en vigueur, « en une demande supplémentaire, en cours d’exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ».
Notre droit distingue donc les demandes de compensation légitimes de celles qui sont abusives et, par suite, illégales. Certes, ce critère de l’abus est difficile à démontrer et à quantifier. Toutefois, le fait de supprimer cette exigence conduirait à prohiber toute demande supplémentaire d’un opérateur, à l’exception des demandes diminuant ou n’augmentant pas sa rentabilité.
Comme la commission spéciale a déjà eu l’occasion de le souligner, cette solution s’écarte trop de la logique économique de l’entreprise, qui repose sur la recherche d’une rentabilité sous peine d’extinction.
Une solution plus pragmatique consiste sans doute à renforcer les services de la DGCCRF, qui surveille en permanence les pratiques abusives, sur la base de l’encadrement juridique français des négociations, l’un des plus perfectionnés de l’Union européenne.
Je sollicite donc le retrait de ces deux amendements identiques. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Laménie, l'amendement n° 190 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. Non, je le retire, madame la présidente. Je salue les explications de Mme la corapporteur et, plus généralement, la qualité du travail réalisé par tous les collègues membres de la commission spéciale.
Mme la présidente. L'amendement n° 190 rectifié ter est retiré.
Qu’en est-il de l'amendement n° 439, madame Benbassa ?
Mme Esther Benbassa. Je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 191 rectifié ter est présenté par MM. Raison, Bizet, Morisset, de Nicolaÿ, Vasselle et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Kennel, Delattre, Pointereau, G. Bailly, Béchu, Chaize, Milon, Vaspart, B. Fournier, Grosperrin, Pierre, Calvet, Cornu, Trillard et Joyandet, Mme Primas, M. Revet, Mme Bouchart et MM. Laménie, Reichardt, Perrin et Gremillet.
L'amendement n° 440 rectifié est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Un tel avantage peut également résulter d’une disproportion entre le tarif du fournisseur, qui constitue le socle unique de la négociation, et le prix convenu, ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. »
La parole est à Mme Sophie Primas, pour présenter l’amendement n° 191 rectifié ter.
Mme Sophie Primas. La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a instauré la libre négociabilité des tarifs et a supprimé l’interdiction de discriminer des acheteurs. Elle a introduit un certain nombre de garde-fous, dont la notion de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Il convient de compléter ce dernier garde-fou au plan juridique pour lutter contre les déséquilibres économiques pouvant, par exemple, découler de dérogations non justifiées par des contreparties.
Tel est l’objet de cet amendement. Nous faisons notamment référence à l’absence de « service commercial effectivement rendu » ou à une disproportion manifeste « au regard de la valeur du service rendu ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 440 rectifié.
Mme Esther Benbassa. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ces deux amendements identiques tendent à sanctionner le cas d’une disproportion entre le tarif du fournisseur et le prix convenu ne correspondant à « aucun service commercial effectivement rendu » ou « manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ». Ils semblent satisfaits, au moins indirectement, par le droit en vigueur.
En effet, dans la partie du code de commerce consacrée aux pratiques restrictives de concurrence, le paragraphe I de l’article L. 442-6 sanctionne le fait « d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ». En bonne logique, une réduction de prix constitue un « avantage quelconque » et le droit en vigueur exige que tout avantage corresponde à un service commercial bien réel. Le dispositif proposé apparaît donc redondant.
Je suggère le retrait de ces amendements identiques. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Primas, l'amendement n° 191 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Sophie Primas. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 191 rectifié ter est retiré.
Qu’en est-il de l'amendement n° 440 rectifié, madame Benbassa ?
Mme Esther Benbassa. Je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 598 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mmes Gruny et Hummel et MM. Magras, de Nicolaÿ, Houel et Chaize, est ainsi libellé :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 12° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce est abrogé.
La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Dans un certain nombre de secteurs, comme l’électroménager, l’automobile ou le bricolage, les fabricants sont de plus en plus soumis à la variation des cours des matières premières, telles que l’aluminium, l’acier ou encore le cuivre. Ils subissent en outre les variations de la parité entre l’euro et le dollar, leurs achats étant essentiellement effectués en dollar. Or leurs prix de vente sont souvent fixés une fois par an, et de manière intangible. Il est donc impossible de répercuter ces différentes fluctuations sur les prix. Selon nous, un prix fixe et intangible constitue donc un contresens économique.
Au demeurant, dans une note du mois d’octobre 2014, la DGCCR remet en cause la validité des contrats-cadres de distribution sans précision de prix déterminé.
Nous demandons donc la suppression du 12° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 383 rectifié est présenté par Mme Lamure.
L'amendement n° 551 rectifié est présenté par M. Bignon, Mmes Gruny et Cayeux et M. Gremillet.
L'amendement n° 597 rectifié ter est présenté par M. Revet, Mme Hummel et MM. Magras, de Nicolaÿ, Houel et Chaize.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 442-6 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le 12°, il est inséré un 13° ainsi rédigé :
« 13° De refuser, pour tenir compte de toute variation significative, au sens d’une variation supérieure ou égale à 15 %, de la parité monétaire ou du cours des matières premières, de renégocier de bonne foi le prix convenu résultant de l'application du barème des prix unitaires mentionné dans les conditions générales de vente, lorsque celles-ci ont été acceptées sans négociation par l'acheteur, ou du prix convenu à l'issue de la négociation commerciale faisant l'objet de la convention prévue à l'article L. 441-7, modifiée le cas échéant par avenant, ou de la renégociation prévue à l'article L. 441-8. » ;
2° En conséquence, le 12° est complété par les mots : « et au 13° du présent article ».
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 383 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure. Depuis quelques années, les prix de certaines matières premières connaissent une forte volatilité. Dans les secteurs de l’électroménager, de l’automobile ou encore du bricolage, les fabricants sont lourdement exposés aux variations importantes des cours de l’aluminium, de l’acier ou du cuivre.
Par ailleurs, ces entreprises subissent de plein fouet la variation de la parité entre l’euro et le dollar, leurs achats de matières premières étant majoritairement libellés en dollar. Ainsi, depuis le mois de juillet 2014, leurs coûts de revient ont augmenté de plus de 25 %.
Toutefois, les prix des produits vendus par les industriels à leurs clients distributeurs sont fixés en pratique une fois par an. Les industriels sont donc dans l’impossibilité de répercuter ces différentes fluctuations dans le prix de vente de leurs produits et se retrouvent même dans l’incapacité d’anticiper ces difficultés, les clauses de révision du prix convenu en cas de variation du cours des matières premières ou de la parité monétaire n’étant quasiment jamais mises en œuvre du fait de la puissance d’achat des acheteurs, tout particulièrement dans la grande distribution.
Afin d’éviter toute demande intempestive de la part du fournisseur tendant à une renégociation en cours d’année du prix convenu, l’amendement tend à limiter une telle faculté à une hausse significative, au sens d’une variation supérieure ou égale à 15 % de la parité monétaire ou du cours des matières premières concernées. Cette précision permettrait d’éviter tout contentieux portant sur la définition du caractère « significatif » de la variation.
Mme la présidente. L’amendement n° 551 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Magras, pour présenter l'amendement n° 597 rectifié ter.
M. Michel Magras. Il est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 599 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mmes Gruny et Hummel et MM. Magras, de Nicolaÿ, Houel et Chaize, est ainsi libellé :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 441-7 du code de commerce, il est inséré un article L. 441-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 441-7-1. – La convention écrite prévue à l’article L. 441-7 comporte une clause de renégociation du prix convenu permettant de prendre en compte la variation significative de la parité monétaire ou du cours des matières premières.
« Cette clause, définie par les parties, précise les conditions de déclenchement de la renégociation ainsi qu’un délai de renégociation qui ne peut être supérieur à deux mois.
« La renégociation du prix convenu est conduite de bonne foi dans le respect du secret en matière industrielle et commerciale et du secret des affaires.
« Le fait de ne pas prévoir une clause conforme aux deux premiers alinéas du présent article est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. L’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 465-2. Le maximum de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. » ;
2° Le 12° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce est complété par les mots : « et à l’article L. 441-7-1 ».
La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Cet amendement s’inscrit dans la même perspective que les précédents.
Il s’agit cette fois d’insérer dans le code de commerce un nouvel article L. 441-7-1, imposant la présence d’une clause de renégociation de bonne foi dans la convention annuelle prévue à l’article L. 441-7 du même code en cas de variation sensible des cours des matières premières ou de la parité monétaire, notamment de la parité entre l’euro et le dollar. L’absence d’une telle clause entraînerait une sanction administrative identique à celle qui est rattachée à la clause de renégociation sectorielle de l’article L. 441-8 du code de commerce, soit une amende d’un montant de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 598 rectifié bis vise à supprimer le 12° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce. Cela conduirait à supprimer la possibilité de sanctionner les pratiques abusives consistant, par exemple, à envoyer des factures non conformes au prix convenu entre les parties, ainsi que la sanction prévue lorsqu’une des parties n’exécute pas les clauses de renégociation.
En ne luttant pas contre les abus, on conforterait la loi du plus fort dans les relations commerciales. La loi doit s’assurer que les parties respectent bien leurs obligations. Supprimer la sanction des pratiques abusives, c’est affaiblir les plus fragiles !
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement n° 598 rectifié bis.
Les amendements identiques nos 383 rectifié et 597 rectifié ter ont pour objet d’introduire une obligation de renégociation des contrats en cas de variation des taux de change de plus de 15 %. Plusieurs arguments s’opposent à leur adoption.
D’abord, le seuil de 15 % mérite discussion. Il peut effectivement affecter différemment les producteurs selon leurs structures de coûts. Un tel seuil est susceptible d’être atteint à de nombreuses reprises dans l’année, et pour de nombreuses devises. L’obligation de renégocier risque donc de se transformer en renégociation permanente des prix.
De plus, il semble préférable, pour les productions susceptibles d’être affectées par des variations de change, de prévoir des clauses contractuelles d’adaptation du prix de vente ou de disposer de clauses de revoyure entre fournisseur et distributeur introduites volontairement dans les contrats sans que la loi y oblige.
Enfin, il existe aussi des instruments de couverture contre les risques de change. Certes, ce sont des instruments financiers coûteux, mais qui peuvent néanmoins protéger les producteurs des variations trop importantes.
Là encore, l’avis de la commission est défavorable.
Enfin, alors que l’article L. 441-8 du code de commerce impose une clause de renégociation obligatoire pour les produits dont le prix peut être affecté par la variation des cours des produits agricoles et alimentaires, l’amendement n° 599 rectifié bis vise à instaurer un mécanisme similaire pour tous les produits, en cas de variation significative de la parité monétaire. Il s’inscrit dans le même esprit que les amendements précédents et, par conséquent, soulève des difficultés assez proches. Tous les produits ne sont pas susceptibles d’être affectés de la même manière par les variations de change. Il existe d’ailleurs des instruments de couverture du risque de change. Comme je l’ai déjà indiqué, rien n’interdit d’intégrer dans les conditions générales de vente des clauses de réajustement des prix en cas de fluctuation du taux de change.
Pour les mêmes raisons que précédemment, l’avis de la commission spéciale sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Magras, l'amendement n° 598 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Magras. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 598 rectifié bis est retiré.
Qu’en est-il de l'amendement n° 383 rectifié, madame Lamure ?
Mme Élisabeth Lamure. Je le retire, madame la présidente.
Les arguments de Mme la corapporteur sont très circonstanciés. Je pense notamment à la proposition d’inclure dans les contrats différentes clauses de revoyure ou autres. Il est important que les fournisseurs se saisissent de cette possibilité, même si la procédure demeure quelque peu compliquée à mettre en œuvre et ne va pas dans le sens de la simplification de la vie des entreprises.
Mme la présidente. L'amendement n° 383 rectifié est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 597 rectifié ter, monsieur Magras ?
M. Michel Magras. Je le retire, ainsi que l’amendement n° 599 rectifié bis, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 597 rectifié ter et 599 rectifié bis sont retirés.
Article 10 D
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 361 rectifié, présenté par MM. Vaspart, Commeinhes et Calvet, Mmes Lamure et Deromedi, MM. de Nicolaÿ et Charon, Mmes Deseyne et Duchêne et MM. Laménie, César et Vasselle, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le mot : « à », la fin de la troisième phrase du deuxième alinéa du III de l'article L. 442-6 du code de commerce est ainsi rédigée : « 1 % du chiffre d'affaires réalisé en France par l'auteur des pratiques incriminées. »
La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. L'article L. 442-6 du code de commerce sanctionne certaines pratiques commerciales abusives et prévoit, parmi les réponses répressives possibles contre les pratiques commerciales abusives citées, que le ministre chargé de l'économie et le ministère public puissent demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut pas être supérieur à 2 millions d'euros.
Les députés avaient porté l'amende à 5 % du chiffre d'affaires. La commission spéciale du Sénat a, sur la proposition de Mme la corapporteur, supprimé cette disposition, considérant à juste titre que la sanction était trop lourde.
Néanmoins, il me semble nécessaire qu’il y ait une sanction et qu’elle soit significative. Nous proposons de ramener l’amende à 1 % du chiffre d'affaires, ce taux restant normalement inférieur au résultat annuel d’une entreprise.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1663 rectifié, présenté par M. Raison et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Amendement n° 361, alinéa 2
Remplacer le taux :
1 %
par le taux :
5 %
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Nous proposons de porter le taux prévu pour l’amende à 5 % du chiffre d’affaires.
Mme la présidente. L'amendement n° 437, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le mot : « à », la fin de la troisième phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 442-6 du code de commerce est ainsi rédigée : « 5 % du chiffre d’affaires réalisé en France par l’auteur des pratiques incriminées. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à rétablir l’article 10 D, relatif aux sanctions en cas de pratiques commerciales abusives, notamment dans les relations entre industriels et distributeurs. Notre collègue en a déjà présenté les motivations.
Aujourd'hui, les distributeurs exercent une forte pression sur les industriels, suite à l’accord de la fin du mois de février. Il y a des pratiques abusives.
Le montant maximum de l’amende demandée par le ministère public ne peut pas excéder les 2 millions d’euros, ce qui est très peu pour ce type de pratiques. Jusqu’à présent, aucune sanction à l’encontre des centrales d’achat de la grande distribution n’a excédé 300 000 euros. Au vu des sommes en jeu lors des négociations de contrats entre industriels et distributeurs, qui sont de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros – j’en ai discuté avec les représentants des industriels de marques –, nous ne pouvons pas nous satisfaire de la législation actuelle. Il convient donc d’aller plus loin en adoptant un niveau de sanction plus dissuasif.
À Paris, à l’époque où le fait de ne pas mettre d’argent dans un parcmètre était passible d’une amende de onze euros, il était plus rentable de ne pas s’acquitter du stationnement, car plus intéressant de prendre une contravention de onze euros tous les trois ou quatre jours que de payer le stationnement un euro cinquante de l’heure ! Il est donc important que l’amende soit dissuasive. Elle ne doit pas être inférieure au profit tiré du délit.
C’est ce que prévoyait l’article adopté à l’Assemblée nationale. Le montant maximum de la sanction était fixé à 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise inculpée, ce qui pouvait aller jusqu’à plusieurs millions d’euros. Une telle sanction incite efficacement au respect de la loi.
Cet amendement a pour objet de rétablir une telle mesure. J’insiste sur la nécessité d’aider les industriels face à la pression des distributeurs.
Mme la présidente. L'amendement n° 1549 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La quatrième phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 442-6 du code de commerce est complétée par les mots : « ou, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d’affaires hors taxe réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques mentionnées au présent article ont été mises en œuvre ».
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à rétablir l’augmentation votée par l’Assemblée nationale du plafond de l’amende civile prononcée par le juge sur saisine du ministre de l’économie, mais en introduisant néanmoins un certain nombre de précisions.
Le texte proposé par le Gouvernement tend à garantir – c’était un souhait des professionnels, et je m’étais engagé en ce sens à l’Assemblée nationale – que l’amende soit proportionnée aux avantages tirés du manquement. Nous prévoyons donc un plafond suffisamment dissuasif pour être efficace et une amende proportionnée.
Ainsi, nous conservons l’efficacité du dispositif initialement envisagé et nous donnons plus de lisibilité aux acteurs en inscrivant dans la loi le caractère proportionné de la sanction.
En clair, nous ne proposons pas le retour à la rédaction initiale. Nous voulons rétablir le plafond de l’amende en apportant certaines précisions. C’est d’ailleurs ce qui m’amène à solliciter le retrait des amendements et du sous-amendement qui viennent d’être présentés, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 1055, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 410-2 du code du commerce, après les mots : « des mesures temporaires motivées par », sont insérés les mots : « les analyses réalisées par l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires défini à l’article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime par ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous proposons que, par dérogation au principe de liberté des prix, le Gouvernement puisse introduire par décret des mesures temporaires contre des hausses ou des baisses excessives de prix dans des situations précises.
Ces mesures d’encadrement temporaire des prix pourraient être ainsi motivées par les analyses réalisées par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, qui a pour mission d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges dans la chaîne de commercialisation.
La démarche générale des travaux de l’Observatoire consiste tout d’abord à exprimer les prix alimentaires au détail, sous la forme de la somme de la valeur de la matière première agricole incorporée dans le produit, et des « marges brutes » des stades successifs de transformation et de commercialisation.
L’Observatoire évalue ces marges brutes mensuellement pour différents produits des filières agroalimentaires à partir de données de prix provenant des services publics de statistiques – je pense au service statistique public, le SSP, et à l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE –, de sociétés de sondage, avec des panels de consommateurs pour les valeurs et quantité des achats au détail, de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, FranceAgriMer, cotations officielles, et des organisations professionnelles. Dans ce cadre, il semble juste de prendre appui sur ses recommandations et ses analyses.
Tel est le sens de cet amendement
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Pour sanctionner les pratiques restrictives de concurrence, l’article L. 442-6 du code de commerce prévoit aujourd’hui plusieurs sanctions, dont la principale est une amende civile de 2 millions d’euros. Je le précise, l’amende est dite « civile », car elle est prononcée au profit du Trésor public à l’occasion d’un procès civil, et non pénal.
L’amendement n° 361 rectifié vise à rétablir l’article 10 D du projet, que la commission spéciale a supprimé, en portant le montant maximal de la sanction à 1 % du chiffre d’affaires réalisé en France. Il s’agit, cela a été souligné, d’une atténuation par rapport au texte adopté par les députés, qui prévoyait un plafond de 5 %. En s’engageant dans cette voie, on pourrait discuter à l’infini sur le chiffre le plus approprié. Pourquoi 1 % du chiffre d’affaires ? Quelle peut être la marge entre 1 % et 5 % ?
C’est la raison pour laquelle la commission spéciale a suivi un raisonnement plus global et pragmatique. Selon nous, l’amende de 2 millions d’euros prévue par le droit en vigueur est d’ores et déjà dissuasive,…
M. Jean Desessard. Non !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. … d’autant qu’elle s’accompagne de la répétition de l’indu, de la réparation du préjudice et d’une possibilité de triplement.
Un alourdissement à hauteur de 5 %, comme l’ont souhaité les députés à l’Assemblée nationale, ou de 1 % du chiffre d’affaires réalisé en France, comme cela nous est proposé, paraît donc excessif et disproportionné. La commission a émis un avis défavorable.
La commission est également défavorable au sous-amendement n° 1663 rectifié, présenté par notre collègue Jacky Deromedi, qui vise à prévoir une sanction maximale de 5 % du chiffre d’affaires. Cet alourdissement de l’amende civile pour les pratiques restrictives de concurrence nous paraît excessif, car il se surajoute à une palette de sanctions d’ores et déjà dissuasives.
L’amendement n° 437, présenté par M. Desessard, a également pour objet de rétablir l’article 10 D du projet de loi, c’est-à-dire de porter à 5 % du chiffre d’affaires réalisé en France le montant maximal de la sanction. Au vu des arguments que je viens de développer, vous ne serez pas étonné que la commission y soit défavorable.
L’amendement n° 1549 rectifié, présenté par le Gouvernement, vise à rétablir une version atténuée de la mesure qui était prévue à l’article 10 D du projet de loi. Il s’agit de porter à 5 % du chiffre d’affaires réalisé en France le montant maximal de la sanction en exigeant – c’est l’atténuation proposée par le Gouvernement – que celle-ci soit « proportionnée » aux avantages tirés du manquement.
Deux objections peuvent être soulevées.
D’une part, cet amendement rend encore plus complexe la compréhension du droit en vigueur sur les sanctions applicables alors que celui-ci résulte d’ores et déjà de strates successives. Je les résume : une somme de 2 millions d’euros pouvant être triplés, la répétition de l’indu, la réparation du préjudice et la cessation des pratiques. Est-il législativement raisonnable d’ajouter un étage supplémentaire ?
D’autre part, que signifie exactement « de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement » ? Le double ou le quintuple sont déjà des « proportions » !
En tout cas, je note un élément : le Gouvernement admet implicitement que le plafond de 5 % du chiffre d’affaires est, en soi, excessif. Nous sommes donc d’accord sur ce point, monsieur le ministre. Mais votre proposition de substitution ne prévoit qu’une légère atténuation, d’ailleurs assez difficile à interpréter.
Au total, cet amendement rendrait notre droit encore plus complexe et imprévisible alors qu’il semble suffisamment dissuasif aujourd’hui.
Enfin, l’amendement n° 1055 vise à élargir les possibilités temporaires de contrôle des prix par décret.
Je le rappelle, par dérogation au principe de liberté des prix, l’article L. 410-2 du code de commerce prévoit que le Gouvernement peut arrêter par décret des mesures temporaires contre des hausses ou des baisses excessives de prix dans certaines situations exceptionnelles de crise, de calamité publique ou d’anomalie de marché dans un secteur déterminé.
L’amendement ne tend pas au rétablissement général du contrôle des prix, mais il prévoit que le Gouvernement peut prendre par décret des mesures de régulation sur un nouveau fondement, les analyses de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Une répartition déséquilibrée des marges peut être l’indice d’abus ou de faits de domination. Encore faut-il le démontrer de manière rigoureuse avant de fausser le jeu normal de la concurrence.
En outre, un tel élargissement du recours au contrôle administratif des prix soulèverait immanquablement de sérieuses difficultés au regard du droit de l’Union européenne. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Comme je l’ai indiqué précédemment, j’invite les auteurs des amendements autres que celui du Gouvernement à les retirer, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
Actuellement, une amende de 10 % du chiffre d’affaires peut être prononcée en cas d’abus de position dominante. Simplement - le constat est d'ailleurs partagé par la commission spéciale, qui proposera ultérieurement d’en modifier la définition -, ce dispositif est très peu appliqué aujourd’hui. C’est ce qui nous a conduits, non pas de manière spontanée et irraisonnée, mais sur la base de travaux réalisés depuis plusieurs années, en particulier le rapport Hagelsteen, à proposer de sanctionner les pratiques commerciales abusives.
Le plafond de 10 % pour abus de position dominante étant peu appliqué, nous avons prévu un plafond inférieur de moitié, soit 5 %, pour sanctionner les pratiques commerciales abusives. Il nous apparaît que la définition de ces pratiques, compte tenu des précisions figurant dans l’amendement du Gouvernement, est de nature à être plus opérationnelle que le droit en vigueur. C’est en tout cas ce que nos services, l’Autorité de la concurrence et le rapport Hagelsteen avaient permis de mettre en lumière.
J’en viens à l’amendement n° 1055. Le projet de loi prévoit aujourd’hui la possibilité pour le Gouvernement d'adopter des mesures dérogeant temporairement au principe de liberté des prix en situation de crise ou dans des circonstances exceptionnelles qui entraîneraient des hausses ou des baisses excessives. La loi laisse toute liberté pour identifier de telles situations.
Je vous renvoie aux analyses de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, qui sont certainement au nombre des éléments pouvant être pris en compte pour motiver des mesures temporaires. Toutefois, elles constituent un élément d’appréciation parmi d’autres, et il ne me semble pas pertinent de les mentionner expressément dans le code de commerce, ce qui en alourdirait la rédaction.
Je ne suis donc pas favorable à cet amendement, même si je comprends et partage les objectifs de ses auteurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1663 rectifié.
Mme Sophie Primas. Je suis très sensible aux arguments de Mme la corapporteur. Les sanctions en vigueur sont déjà très lourdes : amende de 2 millions d’euros, réparation du préjudice, répétitivité…
L’efficacité réside plutôt dans notre capacité à apporter la preuve de pratiques commerciales abusives. Or ceux qui les subissent hésitant à les dénoncer. Le problème n’est pas de sortir la kalachnikov ; il faut avant tout prouver l’existence d’une pratique abusive !
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Sophie Primas. Par conséquent, je ne voterai ni ce sous-amendement ni les différents amendements, y compris celui du Gouvernement.
Mme la présidente. Madame Deromedi, le sous-amendement n° 1663 rectifié est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1663 rectifié est retiré.
La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote sur l’amendement n° 361 rectifié.
M. Michel Vaspart. L’expérience du terrain montre que les sanctions ne sont pas suffisantes.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Michel Vaspart. En revanche, je rejoins Mme la corapporteur sur l’idée que le taux de 5 % du chiffre d’affaires est bien trop élevé.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Eh oui !
M. Michel Vaspart. Ayant été chef d’entreprise pendant vingt ans, je peux témoigner qu’un tel taux risque de mettre en péril n’importe quelle entreprise. Si l’amende est ramenée à 1 % du chiffre d’affaires, comme nous le proposons, le montant sera généralement inférieur au résultat de l’entreprise, ce qui ne met en péril ni l’entreprise ni les emplois.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Je suis un peu étonné par les arguments de Mme la corapporteur. On peut appliquer son raisonnement – « pourquoi 1 % et pas 5 % ? » – à tout : pourquoi 2 millions d’euros et pas 4 millions d’euros ?
Le dispositif, nous dit-elle, est suffisamment dissuasif. Nous savons tous que ce n’est pas vrai ; cela dépend de la puissance du groupe.
M. Jean Desessard. Évidemment !
M. Marc Daunis. Cela signifie que nous nous condamnons à l’impuissance. Lors de son audition par la commission des affaires économiques, le président de l’Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre, nous expliquait pourtant combien les pratiques en cause étaient redoutables.
Je ne pense pas que les choses puissent rester en l’état. Or c’est ce qui se passerait si nous suivions la position de Mme la corapporteur.
Il me paraît donc nécessaire de rétablir l’article dans la rédaction proposée par le Gouvernement. En privilégiant le statu quo, le législateur reconnaîtrait son incapacité à sanctionner de telles pratiques. Les amendes n’étant pas suffisamment dissuasives pour un certain nombre de groupes puissants.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je faisais partie de la commission des affaires économiques du Sénat lors de l’examen du texte sur les marges. Nous étions convaincus qu’il fallait agir, les industriels étant asphyxiés par les grands distributeurs. Comme nous l’avons vu, il existe neuf grands distributeurs, dont quatre se regroupent. Il reste donc cinq centrales d’achat, ce qui est très limité.
La loi impose que les négociations se terminent le 28 février, afin de préserver la stabilité des entreprises. Moi, j’aime l’entreprise ! J’aime l’entreprise qui voit clair, qui paie bien ses salariés, qui ne les met pas en situation de stress permanent, qui joue son rôle. Or les marges, qui supposent la renégociation continuelle, c’est l’insécurité, l’impossibilité pour l’entreprise d’embaucher à durée indéterminée faute d’être assurée de vendre au prix prévu. C’est l’instabilité totale. Ne me dites pas que l’on développe l’emploi ou la sécurité lorsqu’on renégocie constamment ! Le législateur avait prévu que les négociations entre distributeurs et fournisseur s’achèvent le 28 février pour lutter contre les marges arrière.
Madame la corapporteur, ce serait dissuasif si tout se passait bien ! Or les entreprises nous font savoir que les négociations reprennent dès le mois de mars ou dès le mois d’avril !
Un procès va avoir lieu au mois de juillet. Pourquoi faut-il prévoir un taux suffisamment élevé ? Vous avez raison, monsieur Vaspart : dans l’absolu, 1 % du chiffre d’affaires, cela paraîtrait justifié. Mais les industriels ont peur, et la peur doit changer de camp. Il faut montrer au distributeur qu’une pratique illégale est une pratique illégale !
M. André Trillard. Comme à Notre-Dame-des-Landes ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Si les industriels s’organisent pour engager un procès, il faut que cela ait un sens. S’il ne s’agit que d’un petit coup d’épingle pour les distributeurs, le procès achevé, ils se passeront le mot, et ceux qui auront osé briser la loi du silence ne pourront plus vendre leurs produits. Il faut donc témoigner d’une réelle volonté politique.
La proposition de M. le ministre me semble justifiée. Le montant de l’amende n’atteint jamais le plafond de 2 millions d’euros, atteignant au maximum 300 000 euros. Le taux de 5 % du chiffre d’affaires est un maximum destiné à montrer que l’on peut aller loin dans les marges des distributeurs. À présent, on estime également qu’il faut tenir compte de l’importance de l’infraction.
Madame la corapporteur, la situation est peut-être complexe, mais la proposition de M. le ministre, un taux à 5 % avec la prise en compte de l’importance de l’infraction, me paraît équilibrée. Je pourrais donc éventuellement envisager de retirer mon amendement et de me rallier à celui du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je comprends bien les arguments de Mme la corapporteur.
Mais on ne peut pas se satisfaire de la situation actuelle. Je serais gêné que l’on ne profite pas de ce projet de loi pour envoyer un signal. Disons-le clairement : porter l’amende à 5 % du chiffre d’affaires, c’est totalement excessif !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. C’est disproportionné !
M. Dominique de Legge. On peut faire dans la surenchère pour se faire plaisir. Mais l’objectif est tout de même de trouver une solution équilibrée.
Ne rien faire, ce serait donner un mauvais signal. Je me rallie donc à l’amendement qui a été présenté par notre collègue Michel Vaspart. Posons un acte, quitte à trouver le point d’équilibre au cours de la navette parlementaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il y a deux positions dans ce débat. D’un côté, certains défendent, à juste titre, la fixation d’une amende dissuasive de 5 % du chiffre d’affaires. De l’autre, la commission spéciale préconise d’en rester à la situation actuelle, faisant preuve d’un grand immobilisme, ce qui est assez fréquent de sa part. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique de Legge. C’est une experte qui parle !
Mme Nicole Bricq. J’ai dit « fréquent » ; je n’ai pas dit « systématique » ! Bref, la commission spéciale souhaite que l’on ne change rien.
La solution retenue par le Gouvernement, qui fixe un principe de proportionnalité – madame la corapporteur, en droit, on sait ce qu’est la proportionnalité ; c’est bien une notion juridique ! –, me semble un bon compromis. Sans cela, aucune avancée positive ne sortirait du Sénat. Or, manifestement, il y a une volonté de faire bouger le curseur et de rendre les sanctions véritablement dissuasives sur toutes les travées.
Souvenez-vous du cas, certes éloigné du sujet, des yaourts. Durant des années, tout un petit monde s’est quand même fait beaucoup d’argent sur le dos des consommateurs ! Même si un yaourt ne coûte pas cher, il y a un effet de volume massif. La peine a été jugée très lourde pour certains, mais elle était proportionnelle aux prix pratiqués pendant des années.
Le Sénat s’honorerait à trouver un bon compromis et à montrer qu’il n’est pas là pour ne rien changer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Madame Bricq, la commission spéciale ne fait pas preuve d’immobilisme. Je vous rappelle qu’elle a mené un véritable travail de coproduction du texte. Nous avons déposé des amendements pour faire bouger les lignes. C'est tout sauf de l’immobilisme !
Ayant entendu ce qu’a indiqué notre collègue Dominique de Legge, je veux bien me rallier à la position de M. Vaspart. On peut effectivement considérer que le droit en vigueur n’est pas suffisamment dissuasif et qu’une sanction à 1 % du chiffre d’affaires réalisé en France serait plus incitative pour contrer les pratiques illégales.
Dans ces conditions, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 361 rectifié. Encore une fois, nous ne sommes pas dans l’immobilisme, madame Bricq !
Mme la présidente. En conséquence, l'article 10 D est rétabli dans cette rédaction, et les amendements nos 437, 1549 rectifié et 1055 n’ont plus d'objet.
Article 10
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1056, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le 2° du I de l’article L. 121-1 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Le recours à des arguments nutritionnels portant sur des caractéristiques accessoires du produit et visant à attribuer à celui-ci des avantages et propriétés qu’il ne possède pas, ou à masquer son impact sanitaire réel, ou les arguments visant à attribuer des caractéristiques nutritionnelles sans rapport avec l’incidence sanitaire réelle selon le mode de consommation généralement pratiqué ; ».
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à compléter le code de la consommation pour ajouter une circonstance dans laquelle une pratique commerciale peut être considérée comme douteuse.
Plus précisément, il s’agit d’interdire les publicités commerciales présentant certaines caractéristiques des produits alimentaires en leur attribuant des avantages et des propriétés nutritionnelles sans rapport avec leur incidence sanitaire réelle.
Avec cet amendement, nous nous inscrivons dans une volonté partagée d’améliorer les politiques en matière de santé publique. Ce souci a d’ailleurs beaucoup progressé ces dernières années, avec des campagnes d’ampleur, comme le fameux bandeau « Manger bouger », présent sur les publicités, même si ce n’est pas la panacée, ou encore les incitations à destination du jeune public à manger cinq fruits et légumes par jour.
Certes, de telles actions vont dans le bon sens. Mais elles se heurtent bien souvent à des campagnes de communication abusives de la part des marques de distribution alimentaire, qui reprennent à leur compte de manière fallacieuse le champ lexical du bien-être et de la santé. L’objectif de ces dernières est d’utiliser comme argument de vente l’idée que tel ou tel produit serait bénéfique pour l’organisme, la perte de poids, la beauté de la peau, le développement des os ou encore le sommeil et la digestion…
Notre amendement est d’ailleurs parfaitement cohérent avec le règlement européen n° 1924/2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé.
Mme la présidente. L'amendement n° 1550, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 1 du chapitre II du titre V du livre VII du code de commerce est complétée par un article L. 752-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 752-5-... – L'Autorité de la concurrence peut être consultée, en matière d'urbanisme commercial, par le ministre chargé de l'économie ou par le représentant de l'État dans le département, sur les projets de schéma de cohérence territoriale, de plan local d'urbanisme ou de plan local d'urbanisme intercommunal ou sur les projets de modification ou de révision de ceux-ci, et par le ministre chargé de l'économie ou le représentant de l'État dans la région sur le projet de schéma directeur de la région d'Île-de-France ou sur les projets de modification ou de révision de celui-ci. L'avis doit être rendu avant l'ouverture de l'enquête publique.
« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à permettre la consultation de l’Autorité de la concurrence en matière d’urbanisme commercial par le ministre de l’économie, le représentant de l’État dans le département ou la région et l’organe délibérant localement compétent lors de la modification ou de la révision des schémas de cohérence territoriale, des plans locaux d’urbanisme, des plans locaux d’urbanisme intercommunal et du schéma directeur de la région d’Île-de-France.
Nous préférons rétablir l’article 10 plutôt que de modifier les règles d’urbanisme commercial, notamment les seuils, comme nombre de gouvernements ont pu le faire auparavant.
Les commissions départementales d’aménagement commercial, ou CDAC, et la Commission nationale d’aménagement commercial ont fait le constat que, pour avoir la meilleure animation commerciale sur nos territoires, il faut commencer par instaurer là où on le peut de la mobilité entre franchises et par éviter les positions dominantes.
Tel est l’objectif de l’article relatif à la mobilité interfranchises, dont nous avons précédemment discuté ; il s’agit de limiter dans le temps les franchises et les contrats. C’est aussi celui de la procédure d’injonction structurelle, que nous allons évoquer dans quelques instants.
Dans certains territoires, les documents d’urbanisme sont parfois trop contraignants.
Je veux ici lever toute ambiguïté : cet amendement prévoit de donner non pas un nouveau pouvoir à l’Autorité de la concurrence, mais juste la possibilité au représentant de l’État d’être éclairé sur la réalité de la situation dans certains territoires au regard du droit de la concurrence, dans le cadre du contrôle de légalité. Aujourd’hui, ce n’est possible que de manière contournée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 1056 vise à ajouter à la longue liste des pratiques commerciales trompeuses l’utilisation erronée d’allégations nutritionnelles.
Or la présentation d’un produit dans un contexte totalement différent de celui de son utilisation réelle est déjà susceptible de tomber sous le coup de l’incrimination de pratiques commerciales trompeuses.
Par ailleurs, les allégations nutritionnelles font déjà l’objet d’un encadrement communautaire contraignant prévu par un règlement européen de 2011.
Il ne me paraît donc ni nécessaire ni pertinent d’ajouter un échelon supplémentaire pour des produits sur lesquels la communication est, me semble-t-il, déjà très encadrée.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 1550. Je ne peux que regretter une fois encore le refus du Gouvernement de tout dialogue avec la Haute Assemblée dans le cadre de l’examen de ce projet de loi ! (Mouvements divers.)
Je reste en outre opposée à la saisine de l’Autorité de la concurrence pour émettre un avis sur les documents d’urbanisme en cours d’élaboration, pour des raisons de principe, en l’occurrence le respect de la liberté d’administration des collectivités territoriales, qui a tout son sens ici, et pour des raisons techniques.
Ainsi, la notion d’« urbanisme commercial » ne fait pas l’objet d’une définition dans le code de l’urbanisme. Les circonstances de la saisine et le document sur lequel porte la saisine ne sont pas clairement identifiés dans le texte proposé.
L’avis de la commission est donc défavorable. Cet amendement ne vise qu’à revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale, ce qui est un signe méfiance à l’égard des collectivités territoriales. (Mme Sophie Primas applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1056 ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le dispositif législatif et réglementaire en vigueur permet déjà d’appréhender les pratiques visées par le présent amendement.
L’objectif des auteurs de l’amendement correspond à ce que le Gouvernement cherche à mettre en œuvre. Mais le droit existant, c'est-à-dire l’article L. 121-1 2° b) du code de la consommation, ainsi que les directives en vigueur, permettent déjà de parvenir à ce résultat. Je souhaite donc le retrait de cet amendement. À défaut, sinon, j’y serai défavorable.
Je reviens sur l’amendement que j’ai défendu. Mesdames, messieurs les sénateurs, le contrôle de légalité ne me semble pas attentatoire à la libre administration des collectivités territoriales. Sinon, nous devrions aller au bout du raisonnement et le supprimer ! (M. Jean Desessard acquiesce.) En l’occurrence, il s’agit simplement d’éclairer le préfet dans l’exercice de son contrôle de légalité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le ministre, la directive européenne que vous avez évoquée a-t-elle été traduite dans notre droit ? Sous quelle forme ? Je ne suis pas aussi certaine que vous de la clarté du droit en vigueur, d’où le dépôt de cet amendement. Je suis un peu comme Saint-Thomas ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. C’est la deuxième fois que vous le citez ! (Nouveaux sourires.)
Mme Évelyne Didier. En effet ! J’ai de bonnes références ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Madame la sénatrice, à mon sens, l’article L. 121-1 2° b) du code de la consommation, qui vise précisément et sanctionne les pratiques commerciales trompeuses reposant sur des allégations, indications et présentations portant sur les caractéristiques essentielles du produit, et notamment ses qualités substantielles ou ses propriétés, vient bien transposer les dispositions de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, et plus particulièrement celles qui concernent l’interdiction des pratiques commerciales trompeuses.
Sauf erreur de ma part, la directive trouve son application dans l’article du code de la consommation que je viens de mentionner. En outre, le règlement n° 1924/2006 du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé prévoit que seules sont autorisées les allégations nutritionnelles énumérées dans l’annexe du règlement. Ce règlement est automatiquement entré en vigueur.
Cet apparatus juridique est de nature à contenter tout le monde, y compris Saint-Thomas ! (Sourires.)
Mme la présidente. Madame Didier, compte tenu des explications qui viennent d’être apportées, acceptez-vous de retirer l’amendement n° 1056 ?
Mme Évelyne Didier. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1056 est retiré.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l'amendement n° 1550.
M. Dominique de Legge. Je ne comprends pas très bien l’objectif du Gouvernement.
Aux termes de l’amendement n° 1550, l’Autorité de la concurrence « peut être consultée ». Mais, en droit positif, tout ce qui n’est pas interdit est autorisé ! Quel est donc le sens d’un tel amendement ? Est-ce que cela relève, comme je le crains, d’une pure volonté d’affichage ? J’ai bien peur que cela ne masque alors une volonté de recentralisation en matière d’urbanisme.
Une telle disposition n’a aucune portée juridique. La vraie mesure de simplification serait de confirmer la suppression de l’article 10.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, aujourd'hui, le ministre de l’économie peut tout à fait saisir l’Autorité de la concurrence ; l’article 10 ne change rien à cet égard.
En revanche, le préfet ne le peut pas. Nous souhaitons lui en donner la possibilité, mais sans rendre la saisine automatique, d’où la rédaction que nous avons retenue.
Je ne partage donc pas votre interprétation. L’article 10 ouvre un droit qui n’existe pas actuellement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je rebondis sur l’intervention très pertinente de Dominique de Legge.
Sauf erreur de ma part, le Gouvernement propose que l’avis soit publié dans le cadre de l’enquête publique ou avant celle-ci. Il s’agit donc non pas d’une « faculté », mais bien d’une obligation. Raison de plus pour en rester à la position exprimée par Mme la corapporteur ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.
M. Yannick Vaugrenard. Je ne comprends pas bien les états d’âme que cet article suscite.
Réaffirmer la nécessité d’un contrôle de légalité en matière d’urbanisme, ce n’est pas remettre en cause la libre administration des collectivités territoriales ! Ce contrôle a toujours existé. Nous en conviendrons, j’imagine, tous, la conformité des documents d’urbanisme en matière de concurrence doit être vérifiée !
En l’occurrence, l’Autorité de la concurrence disposerait seulement de la possibilité de rendre un avis sur l’ensemble du document d’urbanisme contraignant. Il ne s’agit donc pas d’une obligation.
La consultation pourra être déclenchée par une saisine du préfet. L’Autorité devra rendre son avis avant le lancement de l’enquête publique.
Ainsi, ce dispositif n’instaure en aucun cas une procédure supplémentaire obligatoire. Il ne complexifie pas l’élaboration ou la modification des documents d’urbanisme.
En fait, l’article 10 ne fait qu’offrir au préfet la possibilité de demander à l’Autorité de la concurrence un avis sur un texte d’urbanisme, afin d’être éclairé dans l’exercice du contrôle de légalité.
Honnêtement, je ne vois pas pourquoi on en fait tout un foin !
Mme la présidente. En conséquence, l’article 10 demeure supprimé.
Article 10 bis
(Non modifié)
Au dernier alinéa du 2° du I de l’article L. 752-6 du code de commerce, les références : « aux 2° et 5° » sont remplacées par la référence : « au 2° ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 10 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 441, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le mot : « animée, », la fin du premier alinéa de l’article L. 111-6-1 du code de l’urbanisme est ainsi rédigée : « est intégrée aux bâtiments affectés au commerce. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Aujourd'hui, en France, 70 000 hectares de terre agricole disparaissent chaque année, soit un département entier tous les huit ans. Ce chiffre dramatique s’explique notamment par le bétonnage des périphéries urbaines, avec l’installation de nombreuses grandes surfaces, accompagnées de vastes parkings.
La construction d’aires de stationnement sur les terres agricoles, outre qu’elle affaiblit notre filière agricole et agroalimentaire, entraîne une imperméabilisation des sols, qui provoque des phénomènes d’inondations dans de nombreuses régions.
Les conséquences humaines et économiques en sont de plus en plus lourdes : limitation des infiltrations indispensables pour l’épuration des eaux et la régénération de nos nappes phréatiques, perte de capacité de nos sols à stocker du carbone sous forme de biomasse, diminution de la biodiversité présente dans les zones agricoles, détérioration de notre cadre de vie, de nos paysages et de notre attractivité touristique, régression de notre agriculture de proximité, de la qualité et de la diversité de notre alimentation et de notre identité culturelle et gastronomique. (Exclamations amusées.)
Vous le voyez, ce n’est pas rien ! D’ailleurs, je suis certain que vous partagez ce constat, mes chers collègues. Encore faut-il passer aux actes… Mais, je ne voudrais pas préjuger du résultat ! (Sourires.)
Les conséquences dramatiques que je viens d’évoquer nous interpellent et nous poussent à prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver nos espaces agricoles, qui font partie de la richesse de notre pays. Il faut bien faire quelque chose.
Aujourd'hui, nous vous proposons d’intégrer les parkings au bâti commercial. En d’autres termes, les parkings devront être construits en sous-sol ou sur les toits des grandes surfaces nouvellement créées. (Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, s’esclaffe.)
Cet aménagement indispensable ne nous semble pas trop lourd à supporter financièrement pour les entreprises. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) C’est le prix à payer pour que les terres agricoles ne disparaissent pas !
En commission spéciale, Mme la corapporteur a émis un avis défavorable sur cet amendement, arguant – je ne résiste pas au plaisir de le rappeler ! – qu’il ne faudrait pas aller au-delà des dispositions contenues dans la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, aux termes desquelles un parking ne peut désormais pas excéder les trois quarts de la surface de plancher des bâtiments affectés au commerce.
Il nous paraît au contraire indispensable d’aller plus loin. C’est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur Desessard, je vous remercie d’avoir rappelé les arguments que j’avais développés en commission spéciale : l’adoption de votre amendement aurait effectivement pour conséquence de limiter encore davantage l’emprise au sol des parkings ; or celle-ci est déjà fortement contrainte par la loi ALUR. Il ne me paraît pas souhaitable d’aller au-delà des dispositions actuelles.
Par conséquent, je confirme l’avis défavorable que j’avais déjà émis en commission spéciale sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 441.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 10 ter
L’article L. 425-4 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1°A (nouveau) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu’une modification du projet revêt un caractère substantiel au sens de l’article L. 752-15 du code de commerce mais n’a pas d’effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l’article L. 421-6 du présent code, une nouvelle demande d’autorisation d’exploitation commerciale est déposée auprès de la commission départementale. » ;
1° (Supprimé)
2° Les troisième à dernier alinéas sont supprimés.
Mme la présidente. L'amendement n° 1551, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Une modification du projet qui revêt un caractère substantiel au sens de l’article L. 752-15 du code de commerce, mais n’a pas d’effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l’article L. 421-6 du présent code, nécessite une nouvelle demande d’autorisation d’exploitation commerciale auprès de la commission départementale. » ;
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit d’un amendement de clarification : une modification substantielle au sens de l’article L. 752-15 du code de commerce, qui définit la notion d’« urbanisme commercial », ne nécessite pas de permis de construire, même modificatif.
Nous souhaitons ainsi lever un doute qui pouvait persister, notamment avec la rédaction de la loi ALUR. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)
Mme Élisabeth Lamure. Ce n’est pas le seul ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Cette clarification est, certes, largement rédactionnelle, mais elle nous paraît nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La clarification rédactionnelle proposée nous paraît acceptable.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 1743, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 39 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Lorsqu’un projet bénéficie d’une autorisation d’exploitation commerciale en cours de validité obtenue avant le 15 février 2015 pour tout projet nécessitant un permis de construire, cette autorisation vaut avis favorable des commissions d’aménagement commercial. »
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à sécuriser les autorisations d’exploitation commerciale délivrées entre l’entrée en vigueur, d’une part, de la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises en matière d’urbanisme commercial, le 18 décembre 2014, et, d’autre part, de son décret d’application, le 15 février 2015.
Dans cette période intercalaire, l’absence de consigne explicite sur le traitement du sort de ces projets pourrait nécessiter de redéposer certains permis de construire comportant un volet relatif à une autorisation d’exploitation commerciale, afin d’en garantir la sécurité juridique.
Il nous paraît donc préférable d’inscrire cette précision dans le projet de loi pour éviter tout contentieux ou incertitude.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale a été saisie trop tardivement de cet amendement pour pouvoir l’examiner. Je ne suis donc pas en mesure de me prononcer sur le fond.
M. Roger Karoutchi. S’il s’agit de modifier la loi ALUR, nous pouvons le voter ! (Approbations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Elle a été tellement bien faite… (Sourires sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Mme la corapporteur a bien le droit d’utiliser un argument de forme pour ne pas se prononcer. Mais je rappelle que M. le président de la commission spéciale peut réunir celle-ci à tout moment, au besoin à proximité de l’hémicycle. Cela s’est déjà produit à de multiples reprises. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Sur le fond, dans la mesure où nous déplorons souvent la publication tardive de décrets d’application, je pense que nous pouvons rendre au Gouvernement le service de voter cet amendement. C'est un acte qui n’engage à rien ; ce n’est pas un sujet de droite ou de gauche.
M. Jean Desessard. Des sujets de droite ou de gauche, il n’y en a plus beaucoup ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Il me semble donc que nous pouvons nous rassembler sur ce sujet.
Demande de réserve
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que Mme la corapporteur l’a souligné, la commission spéciale n’a pas eu suffisamment de temps pour examiner cet amendement.
M. le ministre s’est engagé à me communiquer les informations nécessaires sur les opérations en cours, et je les transmettrai à la commission.
Il y a tout de même un certain nombre de parlementaires expérimentés parmi nous. Quand nous sommes saisis d’un tel amendement, nous nous posons forcément des questions. Qui seront les bénéficiaires d’une telle mesure ? Combien de dossiers seront concernés ?
La commission spéciale se réunira la semaine prochaine. Nous disposerons alors des éléments que M. le ministre et son cabinet nous auront communiqués. Nous serons dans de meilleures conditions pour débattre sereinement sur cet amendement, ce qui facilitera l’entrée en vigueur du dispositif.
Par conséquent, et en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement, la commission demande que le vote sur l’amendement n° 1743 et, par voie de conséquence, sur l’article 10 ter soit réservé, après l’article 106.
Mme la présidente. Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la réserve, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Si la réserve permet d’améliorer le travail parlementaire, le Gouvernement est favorable à cette demande.
D’ailleurs, par souci de transparence, je peux vous apporter quelques éléments explicatifs.
M. Roger Karoutchi. Si le vote est réservé, ce n’est pas la peine !
M. Emmanuel Macron, ministre. Un certain retard a été pris. Les mesures transitoires que le Gouvernement avait initialement proposées n’ont pas été retenues par le Conseil d’État.
Les cabinets de Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité et de Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire ont ainsi été avisés de difficultés dans une dizaine de dossiers d’urbanisme commercial ; nous vous en fournirons la liste. C’est ce qui nous a conduits à envisager la mesure proposée.
Pour la bonne information du Sénat, je communiquerai effectivement l’ensemble des éléments à la commission spéciale.
Mme la présidente. L'amendement n° 395, présenté par MM. Madec, Assouline et Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 10 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 752-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le 1°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° la création, sur un site protégé au titre de l’article L. 341-1 ou L. 341-2 du code de l’environnement ou protégé au titre de l’article L. 621-31 du code du patrimoine, d’un magasin de commerce de détail d’une surface de vente supérieure à 400 mètres carrés, résultant soit d’une construction nouvelle, soit de la transformation d’un immeuble existant ; »
2° À la première phrase du 3°, à la seconde phrase du 4°, aux 5°, 6° et 7°, après les mots : « 1000 mètres carrés », sont insérés les mots : « ou 400 mètres carrés lorsque le projet est situé sur un site protégé au titre de l’article L. 341-1 ou L. 341-2 du code de l’environnement ou protégé au titre de l’article L. 621-31 du code du patrimoine ».
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Aux termes de l’article L. 752-6 du code de commerce, les CDAC examinent les projets commerciaux au regard d’un certain nombre de critères, en particulier la « localisation du projet et son intégration urbaine », « l’insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l’utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales » et « les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche ».
Cependant, en limitant le champ d’application des autorisations d’exploitation commerciale aux magasins d’une surface de vente de plus de 1 000 mètres carrés, l’article L. 752- 6, dans sa rédaction actuelle, exclut du contrôle des projets aux conséquences environnementales, patrimoniales et urbanistiques importantes.
Le présent amendement vise ainsi à permettre l’examen par la CDAC des projets de plus de 400 mètres carrés, lorsque ceux-ci sont situés dans les centres urbains historiques notamment, et plus largement sur l’ensemble des sites inscrits et classés au titre de la protection du patrimoine. La CDAC bénéficiera en outre de l’avis de l’architecte des Bâtiments de France, pour une appréciation plus large de l’insertion du projet dans son environnement proche.
J’aimerais vous convaincre de l’importance et de la logique de cet amendement, sur un sujet qui n’a pas été suffisamment examiné.
Nous avons retenu le seuil de 400 mètres carrés. Seule une installation commerciale d’une surface supérieure à 400 mètres carrés peut être qualifiée d’exceptionnelle et avoir des conséquences particulières en termes d’insertion patrimoniale, urbaine et environnementale.
Le seuil correspond d’ailleurs au référentiel de l’INSEE, qui définit un magasin de grande surface comme un établissement de vente au détail en libre-service réalisant plus des deux tiers de son chiffre d’affaires en alimentation et dont la surface de vente est comprise entre 400 mètres carrés et 2 500 mètres carrés.
Je vous rassure tout de suite, à Paris, cela ne concernerait pas plus de 2 % des commerces ayant une telle surface.
La portée est donc limitée. Il s’agit simplement d’exercer un contrôle. J’ai constaté, et pas forcément à Paris, que des surfaces de 400, 500 ou 600 mètres carrés dénaturaient beaucoup le charme de petites rues piétonnes et pavées, notamment dans les centres historiques.
Il s’agit donc non de poser une interdiction, mais simplement de permettre un examen, en particulier par l’architecte des Bâtiments de France. Cela permettra d’appréhender certaines situations de manière plus judicieuse.
Le présent projet de loi que nous examinons libéralise un certain nombre de domaines pour relancer l’économie. À mon sens, même si je propose une régulation, mon amendement s’inscrit dans cette perspective. Le tourisme participe de l’attractivité économique. De telles installations commerciales sont évidemment nécessaires, mais il ne faut pas qu’elles dénaturent le patrimoine culturel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur le sénateur, il ne me semble pas opportun d’alourdir la procédure d’autorisation des surfaces commerciales en abaissant dans des zones spécifiques le seuil de 1 000 mètres carrés.
Vous évoquez la prise en compte des spécificités des zones naturelles protégées ou des périmètres classés monuments historiques. Or je vous rappelle qu’il revient à la commission des sites ou à l’architecte des Bâtiments de France de veiller au respect de ces spécificités.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Nous avons débattu de ce sujet à l’Assemblée nationale, sur l’initiative notamment du député Pascal Cherki, qui avait déposé un amendement similaire.
Un travail important a été mené entre plusieurs ministères pour vérifier l’applicabilité d’une telle mesure. Le problème qui est soulevé se pose principalement à Paris. Or la métropole parisienne ne serait pas la seule concernée par le dispositif envisagé, dont la mise en œuvre susciterait sans doute en plus des difficultés au niveau communautaire. Surtout, avec l’adoption de cet amendement, il y aurait doublon, entre l’autorisation d’exploitation commerciale et les prescriptions de l’architecte des Bâtiments de France.
Ce dernier intervient déjà pour tout projet de construction situé sur les sites protégés visés par le présent amendement. Les préoccupations environnementales, patrimoniales et urbanistiques sont donc d’ores et déjà prises en compte dans la législation actuelle.
Par conséquent, il n’apparaît pas souhaitable de multiplier les seuils et les mesures dérogatoires, du point de vue tant de l’autorisation d’exploitation commerciale que de la protection des secteurs protégés. Cela créerait des incertitudes nouvelles pour un certain nombre de commerces de taille intermédiaire et de petits commerces. En outre, la procédure de permis de construire, qui vaut autorisation d’exploitation commerciale, est déjà particulièrement lourde en termes financiers.
Une telle proposition risquerait de décourager de nombreux projets en centre-ville. C’est contraire à l’objectif de développement des activités.
Malgré plusieurs semaines de travail, nous n’avons pas réussi à trouver un encadrement plus simple. Avec le système proposé, nous aurions plusieurs procédures et plusieurs seuils qui s’entremêleraient.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Assouline, l'amendement n° 395 est-il maintenu ?
M. David Assouline. Oui, madame la présidente. Les arguments qui m’ont été opposés ne m’ont pas convaincu.
La mesure que je propose aurait une faible ampleur. Elle concernerait 2 % des commerces parisiens, soit 1 361 sur 64 114 commerces, si nous considérons l’ensemble des surfaces commerciales parisiennes ayant une surface de plus de 400 mètres carrés, tous n’étant pas situés dans des centres historiques.
Encore une fois, l'objectif n'est pas de dresser une interdiction ; il s’agit simplement de mettre en place une procédure. Le seuil de 1 000 mètres carrés ne nous semble pas pertinent. Si l’INSEE classe parmi les magasins de grande surface ceux qui ont une surface de 400 mètres carrés, ce n’est pas sans raison ; la classification de l’INSEE ne distingue donc pas les magasins de grande surface ayant une superficie de 400 ou de 1 000 mètres carrés, puisqu’elle s’étend de 400 à 2 500 mètres carrés. Nous souhaitons qu’il y ait une appréciation.
Je suis très attaché au développement de l’activité commerciale. Mais je suis convaincu que l’attractivité première de nos sites historiques, c’est la beauté, la culture et la préservation de lieux. Même si l’on vient aussi pour acheter ou faire du commerce, comme dans toutes les grandes villes, le patrimoine culturel reste la première source d’attractivité.
Nous devons y prendre garde ; à Paris, comme dans les grandes villes, la tendance générale est plutôt à la dégradation.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai cet amendement, qui a été très bien défendu par mon camarade socialiste parisien ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Mes chers collègues, nous nous entendons très bien avec les socialistes de la capitale sur un certain nombre de dossiers ! (Mêmes mouvements.)
M. Roger Karoutchi. Nous verrons cela aux élections régionales…
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Nous voterons cet amendement.
On ne peut pas tout envisager sous le seul angle de la concurrence ou du commerce. Un magasin de 400 mètres carrés ou 600 mètres carrés – c’est déjà une taille importante – qui s’insère dans un milieu donné n’est pas « hors sol » ; il doit tenir compte de son environnement !
Tous ceux qui ont déjà participé à des réunions de la CDAC savent comment cela fonctionne, entre les élus, qui veulent d’abord conforter leur position, et les associations de consommateurs, qui se prononcent en général en faveur de la concurrence.
On ne peut pas imaginer que les commerces se désintéressent de leur environnement ; s’ils sont là, c’est qu’ils en bénéficient aussi ! Tout ce qui concourt à l’harmonie est bienvenu. Et, à nos yeux, cet amendement y contribue. C’est pourquoi nous le voterons.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 379 rectifié nonies, présenté par Mme N. Goulet, M. Zocchetto, Mme Goy-Chavent, M. Pozzo di Borgo, Mme Férat, MM. Fouché et Canevet, Mme Jouanno, M. Guerriau, Mme Gourault, MM. Frassa, Bockel, Namy, Labbé, Maurey et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 10 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les magasins de commerce de détail, d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés, soumis à l’autorisation d’exploitation prévue à l’article L. 752-1 du code de commerce peuvent mettre en place une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires invendues encore consommables au profit d’une ou plusieurs associations d’aide alimentaire. Un décret fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Nous avons voté ce matin en faveur d’un droit universel au permis de conduire, une démarche tout à fait citoyenne.
J’avais alors indiqué à notre collègue Didier Guillaume que le droit universel reviendrait dans l’après-midi, cette fois contre le gâchis alimentaire et en faveur d’une meilleure distribution des denrées.
C’est donc une autre démarche citoyenne que je vous propose ici : la lutte contre le gâchis alimentaire.
Je citerai quelques chiffres pour illustrer mon propos : en 2012, 1 400 magasins ont régulièrement participé à des campagnes de dons, ce qui a permis de récolter 32 000 tonnes de denrées alimentaires, soit l’équivalent de 64 millions de repas.
Alors que les Restos du cœur existent depuis maintenant trente ans et que beaucoup de nos concitoyens ont du mal à boucler leurs fins de mois, des supermarchés jettent tous les soirs de la nourriture comestible. Ils en viennent parfois jusqu’à verser de l’eau de javel dans les poubelles pour qu’on ne puisse pas récupérer ces denrées… De tels procédés sont absolument insupportables. La pétition Stop au gâchis alimentaire, dont vous avez sans doute entendu parler, a recueilli près de 180 000 signatures.
Un amendement similaire avait été présenté à l’Assemblée nationale, avant d’être retiré. Celui que je défends aujourd’hui est cosigné non seulement par l’intégralité des membres du groupe UDI-UC, mais aussi par Esther Benbassa et Joël Labbé, du groupe écologiste, ainsi que par certains de nos collègues du groupe UMP ; un amendement quasi identique a d’ailleurs été cosigné par un grand nombre de membres du groupe UMP.
Les rectifications successives de l’amendement tiennent principalement à l’adjonction de nouveaux signataires, ainsi qu’à la modification de la superficie des établissements concernés : il s’agit maintenant de 1 000 mètres carrés, contre 400 mètres carrés initialement. Par ailleurs, j’ai souhaité préciser qu’il s’agissait d’une possibilité de contracter et non d’une obligation, la précédente rédaction pouvant prêter à confusion.
Il s’agit donc de permettre aux supermarchés de conclure des conventions avec des associations, qui pourront ensuite distribuer cette nourriture consommable, aujourd’hui jetée.
Cette démarche citoyenne doit être encouragée par notre Haute Assemblée.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 579 rectifié bis, présenté par MM. Fouché, Magras, Mayet, Duvernois et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. D. Laurent, Charon, G. Bailly, Morisset et Bizet, Mme Imbert, M. Mouiller, Mme Primas, MM. Karoutchi, Milon, Bouvard, de Raincourt et Calvet, Mme Mélot, MM. B. Fournier, Chasseing et Paul, Mme Troendlé, MM. D. Robert et Saugey, Mme di Folco, M. Houel, Mmes Gruny, Deromedi et Duchêne, MM. Doligé, Revet et Trillard, Mme Lopez, MM. Laufoaulu, Falco et Kennel, Mme Bouchart et MM. Grand, Houpert, Chaize et Commeinhes, est ainsi libellé :
Après l’article 10 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 752-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 752-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 752-1-... – Les magasins de commerce de détail d’une surface supérieure à 400 mètres carrés soumis à l’autorisation d’exploitation prévue à l’article L. 752-1 peuvent mettre en place une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires invendues encore consommables au profit d’une ou plusieurs associations d’aide alimentaire. Un décret fixe les modalités d’application du présent article, sans remettre en cause les dispositifs de défiscalisation du don. »
La parole est à M. Michel Magras. (M. Roger Karoutchi s’étonne.)
Je respecte l’ordre des cosignataires, mon cher collègue.
M. Roger Karoutchi. Il y a trop de cosignataires ! (Sourires.)
Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Magras.
M. Michel Magras. Mon collègue Roger Karoutchi ne m’en voudra pas de défendre cet amendement rapidement, d’autant qu’il est très similaire au précédent, à la surface près.
Je retire donc cet amendement au profit de celui qu’a excellemment défendu Mme Goulet, même si je n’ai pas bien compris cette référence au permis de conduire…
Mme la présidente. L'amendement n° 579 rectifié bis est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 379 rectifié nonies ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement rectifié tend à permettre aux grandes surfaces de conclure des conventions avec des associations d’aide alimentaire afin de leur remettre leurs stocks de produits invendus et lutter ainsi contre le gaspillage alimentaire.
Comme vous l’avez souligné, ma chère collègue, le champ d’application du dispositif a été modifié : désormais, seules les grandes surfaces de 1 000 mètres carrés sont concernées, ce qui me paraît plus raisonnable que les 400 mètres carrés initialement envisagés.
Les auteurs de cet amendement proposent une solution pragmatique pour une grande cause à laquelle nul, au sein de la Haute Assemblée, ne peut rester insensible.
Cependant, la commission spéciale n’ayant pu se prononcer sur cet amendement ainsi rectifié, c’est à titre personnel que je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit d’un sujet important qui a également fait l’objet de nombreux débats à l’Assemblée nationale. Bien évidemment, le Gouvernement partage les préoccupations qui viennent de s’exprimer. Je voudrais toutefois vous apporter quelques précisions, mesdames, messieurs les sénateurs, et rappeler le contexte.
La contribution du projet en matière sociale figure aujourd’hui dans les critères d’appréciation des projets soumis à l’autorisation d’exploitation commerciale, aux termes de l’article L. 752-6, II, du code de commerce. Il s’agit également de l’un des critères d’autorisation pris en compte par la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « ACTPE », dont le décret d’application évoque de manière encore plus directe les partenariats devant se mettre en place avec les associations locales.
Comme vous le savez, madame la sénatrice, les grandes et moyennes surfaces travaillent en ce sens sur la base du volontariat. Les associations elles-mêmes l’ont reconnu. C’est d’ailleurs là que réside toute la difficulté. La question n’est pas encore tranchée de savoir si cette collaboration doit revêtir un caractère obligatoire ou non. En cas d’obligation de collecte, qui aura la charge de trier, voire de jeter les denrées ? Les associations seront-elles à même de gérer ces contraintes ? Vous le voyez, le sujet n’est pas facile.
Sur le plan technique, le principe même du don et sa dimension fiscale ne relèvent absolument pas de l’urbanisme commercial. Dans ces conditions, il ne me semble pas approprié de le faire figurer au titre V du code de commerce.
Nonobstant ces considérations juridiques, le député Guillaume Garot a été chargé de rédiger un rapport sur ce sujet dont la remise est attendue pour le 15 avril. Les préconisations qui y figureront seront rapidement traduites dans une proposition de loi afin de disposer d’un cadre structuré traitant à la fois du problème du statut fiscal du don, de l’organisation de la collecte, de la charge imposée – y compris en matière de tri – et, au-delà, du volontariat lui-même.
Si je partage l’ensemble des préoccupations qui ont été formulées, ce cadre – rapport puis proposition de loi - me semble plus approprié pour traiter du sujet que le truchement d’un amendement sur lequel j’ai quelques réserves.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Remettons les choses dans l’ordre, monsieur le ministre.
Tout d’abord, je n’étais pas favorable à ce que le groupe UMP retire son amendement : les deux amendements étant identiques (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), nous pouvions les voter l’un et l’autre.
J’entends bien vos explications, monsieur le ministre, mais pardon : encore un délai !
Rendons à César ce qui appartient à César : Frédéric Lefebvre est l’auteur de l’amendement présenté à l’Assemblée nationale. Lors de son passage au gouvernement, il avait mis en place un système permettant aux moyennes et grandes surfaces d’assurer cette collecte. Il avait obtenu de bons résultats, puisque les Restos du cœur, en 2012, avaient pu grâce à cela assurer la distribution de repas pendant deux ou trois mois.
À l’Assemblée nationale, vous avez renvoyé le débat à la navette en indiquant que des propositions seraient faites à l’issue d’un travail. Mais, monsieur le ministre, nous n’avons qu’une lecture ! Vous nous demandez de vous faire confiance, vous nous annoncez la remise d’un rapport dans quelques jours puis le dépôt d’une proposition de loi – j’ai bien noté qu’il ne s’agirait pas d’un projet de loi – dans quelques semaines, voire quelques mois. Cependant, je n’ai aucune garantie sur l’inscription de cette proposition de loi dans des délais raisonnables. En réalité, tout ce que vous nous proposez ne verra le jour, au mieux, que dans un an.
Nous allons donc passer le prochain hiver sans aucune mesure concrète applicable et les moyennes et grandes surfaces qui seraient prêtes à agir ne le pourront pas !
Je comprends qu’il puisse y avoir des correctifs techniques d’ici à la CMP, mais ne nous renvoyez pas à une proposition de loi et à son inscription, très éventuelle, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale : bonjour demain ! C’est presque comme si vous nous disiez que vous allez mettre en place une commission ! (Sourires)
M. Roger Karoutchi. Non, vous ne pouvez pas nous faire ça...
Dans tous les magazines, monsieur le ministre, il est écrit que vous êtes un homme de cœur ! (Mêmes mouvements.) On peut le lire partout, vraiment partout ! N’ayant pas l’immense bonheur de vous connaître, je ne sais si c’est vrai. En revanche, sur un amendement de cette nature, un amendement qui transcende tous les clivages politiques, vous ne pouvez demander le retrait à l’Assemblée nationale, puis le retrait au Sénat au bénéfice d’une éventuelle proposition de loi.
Il s’agit de permettre aux grandes et moyennes surfaces de réaliser une collecte alimentaire en faveur des Restos du cœur : réglons les problèmes techniques plus tard et envoyons dès maintenant un signal positif !
Un beau geste, monsieur le ministre : remettez-vous-en à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Quitte à contredire légèrement les cosignataires de ces amendements, je voudrais insister sur un aspect essentiel qui n’est pas pris en compte, celui de l’hygiène alimentaire.
Il est ici question de produits qui ont été ou qui sont en passe d’être rejetés par une grande ou moyenne surface alimentaire.
Deux principes doivent être respectés, qui, par définition ne le sont pas à l’heure actuelle : d’une part, la non-rupture de la chaîne du froid, nécessité absolue pour des produits parvenus en date limite de vente – toute rupture de la chaîne du froid se traduira sinon par des infections et des intoxications alimentaires ; d’autre part, la marche en avant, principe connu de tous ceux qui sont maires ici, selon lequel un circuit va toujours dans le même sens. Or la poubelle ne fait pas partie du circuit propre…
Je souhaiterais donc sous-amender cet amendement, madame la présidente, pour y ajouter : « dans le respect des règles de l’hygiène alimentaire ». Ces quelques mots suffiraient à sécuriser le dispositif, la définition des modalités techniques étant renvoyée à plus tard.
En 1950, les intoxications alimentaires en France tuaient 16 000 personnes par an. Aujourd’hui, le chiffre annuel est inférieur à 200. Le vétérinaire que je suis préfère en rester à 200 plutôt que de monter à 2 000 !
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Je voudrais apporter une petite précision de nature à rassurer mon collègue Roger Karoutchi : si j’ai signé l’amendement de Mme Goulet et non celui de mon groupe, c’est tout simplement une erreur factuelle : je souscris pleinement aux deux amendements.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Encore un homme de cœur ! (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa. Deux amendements valent mieux qu’un, madame la présidente ; je défendrai donc avec la même ardeur et la même détermination ces deux amendements relatifs à une même cause humanitaire qui dépasse largement – il n’est que de voir le nom des signataires – nos clivages politiques.
Mme la présidente. Pardonnez-moi de vous interrompre, mon cher collègue, mais, pour la clarté des débats, je vous rappelle que l’amendement n° 579 rectifié bis a été retiré.
M. Christophe-André Frassa. Mais ce n’est pas grave ! (Sourires.)
Mme la présidente. Nous en sommes donc aux explications de vote sur l’amendement n° 379 rectifié nonies, raison pour laquelle aussi, monsieur Trillard, vous ne pouvez pas, à ce stade, sous-amender.
M. André Trillard. Ah bon ?
Mme la présidente. Je ne fais qu’appliquer le règlement, mon cher collègue !
Mais veuillez poursuivre, monsieur Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Au-delà des arguments que nous avons entendus, monsieur le ministre, une cause est essentielle dans cet amendement, celle de la défense des personnes, de plus en plus nombreuses, qui ne peuvent se nourrir.
Comme l’a rappelé M. Karoutchi, la lutte contre le gaspillage alimentaire a été menée à l’origine par un élu local, Arash Derambarsh, qui a ensuite trouvé en la personne de notre collègue Frédéric Lefebvre, député représentant les Français de l’étranger, un porte-voix à l’Assemblée nationale. Je m’associe aujourd’hui pleinement à leur démarche.
Je soutiens bien évidemment cet amendement, que j’ai cosigné, et engage tous mes collègues à le voter. On peut, certes, renvoyer cette question à une commission ou à une proposition de loi, mais pourquoi différer – et avec quelle incertitude ! – ce que nous avons aujourd’hui l’occasion de faire, d’autant plus s’agissant d’un texte qui, je le rappelle, a pour objet, outre la croissance et l’activité, l’égalité des chances économiques ? Or je pense que la lutte contre le gaspillage alimentaire fait partie de l’égalité des chances économiques et que nous la devons à ceux de nos concitoyens qui n’ont pas la chance d’avoir accès à une nourriture décente.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.
M. Yannick Vaugrenard. Sur un tel sujet, il n’aurait aucun sens de nous faire de faux procès.
Tout d’abord, avant de parler du fond, je souhaiterais évoquer la forme : je suis heureux que la commission spéciale n’ait pas jugé utile de se réunir pour étudier une telle question. Comme quoi, tout est possible ! (Sourires.)
Je tiens ensuite à vous fournir quelques précisions sur la question, primordiale, du gaspillage alimentaire. Sans y revenir en détail, la situation actuelle dans notre pays est très préoccupante, en ce qui concerne tant l’ampleur des gâchis que de la pauvreté qui frappe des milliers de personnes.
En 2014, j’ai moi-même rendu un rapport sur le cycle de la pauvreté. Le constat était effectivement sans appel. Pour avoir auditionné de nombreuses associations caritatives et humanitaires, il me semble très facile de répondre à la préoccupation de notre collègue André Trillard, dont il faut bien entendu tenir compte, car elle est importante.
L’ensemble des associations caritatives et humanitaires qui récoltent des denrées alimentaires sur nos territoires observent d’ores et déjà des précautions minimales et systématiques en matière d’hygiène et de respect des dates de péremption. Cela existe déjà, mais, puisque nous faisons la loi, si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant. Alors, disons-le !
La question plus spécifique du gaspillage alimentaire nous interroge aussi sur notre modèle de société. Nous oublions parfois des mécanismes de solidarité qui se trouvent pourtant au fondement de notre pacte républicain.
Il est donc temps d’enrayer cette spirale qui mène parfois à des situations scandaleuses, quad, par exemple, des aliments sont jetés voire détruits, au lieu d’être donnés à des personnes dans le besoin.
Comme le ministre l’a rappelé, le Gouvernement s’est clairement engagé sur ce sujet en confiant au député Guillaume Garot, en octobre dernier, le soin de remettre un rapport sur le gaspillage alimentaire ; les conclusions seront rendues dans la première quinzaine du mois d’avril. Enfin, comme cela a été annoncé à l’Assemblée nationale, ce rapport aboutira au dépôt d’une proposition de loi. Tous les groupes politiques seront associés, de sorte que puissent être formulées des propositions communes et consensuelles sur un sujet qui, j’en suis persuadé, le mérite.
Néanmoins, dans la période que nous traversons, et malgré le constat que l’on peut faire d’une certaine impréparation, nous considérons qu’il est nécessaire que des signaux forts soient envoyés dès maintenant.
Par conséquent, même si nous aurions préféré attendre la remise du rapport de Guillaume Garot – encore faut-il que cela ne prenne pas trop de temps - et la présentation de la proposition de loi annoncée- nous l’examinerons avec une attention tout à fait particulière -, nous voterons l’amendement de notre collègue Nathalie Goulet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous adopterons évidemment une position favorable à l’égard de cet amendement, ou de ces amendements, peu importe.
Sur de telles questions, nous avons comme premier devoir de faire preuve de mesure, de modestie, d’éviter tout triomphalisme et de ne pas nous approprier un sujet aussi délicat pour réaliser un « coup ».
En réalité, il y a deux dimensions au problème : d’une part, une dimension sociale, avec l’aide à la grande pauvreté, et d’autre part, une dimension économique, avec le gaspillage et ses conséquences, notamment en termes de déchets.
Nous sommes donc invités à légiférer pour améliorer la situation, mais, mes chers collègues, heureusement, la société civile ne nous a pas attendus pour agir !
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
Mme Évelyne Didier. Il y a belle lurette en effet que des contrats, signés ou non, ont été conclus localement entre des associations et des supermarchés, des hypermarchés, voire avec des commerçants.
Dès lors, c’est évidemment une bonne chose de créer un cadre normatif pour sécuriser ces contrats, mais il me semblait également important de reconnaître que la société civile nous a devancés.
Je voudrais également dire que la démarche du Gouvernement est normale s’agissant d’un sujet complexe qui mérite effectivement d’être approfondi. On ne peut pas faire n’importe quoi !
Ainsi, en matière de gaspillage alimentaire, se posent des questions de logistique pour les associations, et pour les surfaces commerciales.
Vous savez que les associations se trouvent souvent à l’étroit dans leurs locaux et ne peuvent pas s’équiper notamment des installations frigorifiques dont elles auraient besoin. En effet, la véritable question est celle de la distribution des aliments frais. Distribuer des boîtes de conserve ou des paquets de gâteaux secs, c’est relativement simple. C’est plus compliqué, en revanche, lorsqu’il s’agit d’aliments frais.
En outre, beaucoup d’associations, parce qu’elles ne disposent pas non plus des capacités de stockage suffisantes, viennent chercher les aliments quand elles en ont besoin, ce qui repousse le problème au niveau des hypermarchés ou des supermarchés, qui eux-mêmes n’ont pas nécessairement une capacité de stockage suffisante pour attendre les associations. Il faudra bien à un moment donné que la question de la logistique soit prise en compte !
On le voit, le sujet est complexe.
Au-delà de ces considérations logistiques, le véritable drame est, bien sûr, celui de la pauvreté. Or, au passage, je constate que nous nous installons dans une société qui, finalement, renvoie la solution du problème de la grande pauvreté à des gestes charitables, à des démarches solidaires, à des actes qui viennent d’en bas. Je pense, tout au contraire, que c’est à l’ensemble de la société qu’il incombe de se saisir du problème, et pas seulement aux associations, même si, bien sûr, nous devons les aider.
Les critères qui seront retenus pour la conclusion des conventions devront être assez souples pour tenir compte de la diversité des associations, et de la taille des locaux, ne serait-ce que parce que l’on ne fait pas la même chose en province et dans les grandes villes.
Tout cela mérite que nous soyons responsables, attentifs et que, loin de tout triomphalisme, nous traitions du sujet avec beaucoup de mesure.
Nous voterons donc cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur votre réponse, car M. Karoutchi et M. Frassa l’ont fait avec éloquence. Je note cependant qu’en somme vous nous invitez à nous hâter lentement... (Sourires.) C’est peut-être également l’impression que donne plus globalement ce projet de loi à certains d’entre nous, mais je n’en dirai pas plus.
En début d’après-midi, nous avons montré à l’occasion de l’examen de l’amendement n° 1646, que, lorsqu’une idée n’était pas bonne, nous pouvions la rejeter à l’unanimité. Avec cet amendement n° 379 rectifié nonies, nous pouvons, à l’inverse, montrer que le Sénat sait faire preuve de la même unanimité lorsqu’une idée est bonne et généreuse.
En ce qui me concerne, je souhaite apporter tout mon soutien à cette initiative, sachant que, selon une étude de l’Union européenne, le gaspillage dans les vingt-huit pays proviendrait pour 42 % des ménages et pour 44 % de l’industrie agroalimentaire et des détaillants.
Vous avez raison, madame Didier : la société civile ne nous a pas attendus. Même si 30 % des dons proviennent déjà des grandes surfaces, une marge de progression est encore possible dans le commerce de détail, notamment pour les supermarchés de centre-ville.
Cet amendement devrait y contribuer. C’est pourquoi j’espère qu’il sera adopté à l’unanimité par notre assemblée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je voudrais dire, à ce moment du débat, que l’amendement déposé par notre collègue Alain Fouché lui tenait très à cœur et avait recueilli la signature d’une très large majorité de notre groupe. M. Magras a retiré cet amendement au profit de celui de Mme Goulet. On constate donc bien que cette initiative fait l’unanimité sur l’ensemble des travées.
Il ne faut pas sous-estimer la difficulté logistique de la collecte des produits qui ne sont pas vendus, comme l’a dit Mme Goulet, ou vous-même, monsieur Trillard qui, en tant que vétérinaire, êtes très sensible au problème des intoxications. Par conséquent, je vous remercie, madame Goulet, d’avoir augmenté la taille de la surface des magasins qui pourront conclure des conventions avec les associations. En effet, lorsque l’on est gérant d’une supérette de 400 mètres carrés, la place manque et les conditions dans lesquelles on exerce son métier sont parfois difficiles. Dans ces magasins, et bien que l’intention soit louable, une telle organisation logistique serait une difficulté supplémentaire, non pas pour la collecte, mais bien pour le stockage des denrées à l’intérieur du magasin, avec les problèmes sanitaires qui peuvent en découler.
Il ne faut pas non plus sous-estimer le risque juridique pour les gérants de magasin. En cas d’intoxication, en effet, si aucune convention n’a été mise en place avec des associations caritatives, la responsabilité du gérant peut être engagée. Pour avoir, dans une vie antérieure, essayé d’organiser cette collecte pour des œuvres caritatives, je l’ai moi-même vécu et me suis heurtée à ce problème de responsabilité juridique du gérant ou du directeur de magasin.
Malgré tout, j’apporterai mon soutien plein et entier à cet amendement, qui est unanimement soutenu dans cette assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’associe naturellement aux propos qui viennent d’être tenus.
Notre rapporteur a parlé de « grande cause », c’est réellement le terme qui convient. Cette grande cause nous interpelle tous et nous met largement en question, puisque, sur ces problèmes de nature sociale, des actions sont déjà menées de longue date par diverses associations caritatives ou par des individus qui agissent seuls, en leur âme et conscience. Je vois aussi naître une prise de conscience collective sur la nécessité de telles actions.
Notre collègue a déposé un amendement relatif à l’aide alimentaire, qui fait consensus. On aborde là un sujet particulièrement sensible, de solidarité mais aussi d’humilité, ce sont les termes employés par nos collègues. En réalité, tout le monde peut participer. Et n’oublions pas ces personnes qui, même dans le besoin, ne demandent rien, et l’on n’en est pas forcément informé.
Nous vivons, dit-on, dans une société de consommation : on peut être révolté par le gâchis et le gaspillage ; on peut les dénoncer !
Il faut également tenir compte des exigences de l’hygiène alimentaire, notamment pour la collecte de produits frais, même si d’autres aliments récoltés peuvent être conservés longtemps. Dans ce cas aussi, il faut une prise de conscience tant collective qu’individuelle.
Je crois que cet amendement va réellement dans le bon sens et je m’associerai à mes nombreux collègues pour le voter.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Tout a été dit à ce stade de la discussion. Un autre commentaire serait un surplus ! (Sourires.) Je me limiterai donc à préciser que le groupe écologiste votera avec plaisir cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.
M. Pierre Médevielle. Je voterai naturellement cet amendement, mais je souhaiterais que l’on creuse d’autres pistes, notamment dans le secteur agroalimentaire.
Je pense en particulier aux éleveurs de canards qui, tous les ans, en pleine saison, détruisent des carcasses entières, car cela leur revient moins cher que de les transformer.
Je pense aussi aux traiteurs, qui détruisent tous les soirs des plats cuisinés.
Je pense, enfin, aux services vétérinaires qui, tous les ans, détruisent à coup de berlingots d’eau de javel des quantités faramineuses de produits parfaitement consommables !
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous nous apprêtons, mes chers collègues, à accomplir un acte important de solidarité. Partout dans notre pays, un grand élan de cœur et d’humanité se manifeste pour répondre aux besoins de nos concitoyens les plus en difficulté.
Nous devons aussi chercher à associer les collectivités territoriales à cette démarche. Elles peuvent faire beaucoup, même avec des moyens contraints, et les élus ont un rôle très important à jouer.
On ne peut toutefois ignorer l’explosion de la grande précarité et, comme le soulignait ma collègue Évelyne Didier, nous devrons nous interroger plus avant et ne pas répondre perpétuellement par l’assistanat. Il nous faudra bien, un jour ou l’autre, nous interroger sur la responsabilité des politiques d’austérité qui sont conduites. Les personnes qui sont dans la misère et la grande pauvreté ont souvent commencé par perdre leur emploi. Puis, par voie d’enchaînement, elles ont perdu leur logement, se sont progressivement désocialisées et ont finalement été obligées de recourir à l’assistance pour survivre.
Mes chers collègues, est-ce là l’humanité que nous voulons construire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voudrais tout d’abord, mes chers collègues, vous remercier de cette belle unanimité. Je tiens aussi à remercier notre collègue Alain Fouché : il avait posé une question orale un mardi matin sur ce sujet et a également cosigné cet amendement rectifié, tout comme Esther Benbassa, Joël Labbé et nombre d’entre nous.
Il est moins question de compassionnel dans cet amendement que de responsabilité et, surtout, de dignité. Certes, il s’agit de donner à des gens qui n’ont pas de quoi manger des produits destinés à être jetés, mais, et je rassure notre collègue André Trillard, il est bien fait mention d’une collecte « sécurisée » dans l’amendement.
Je rejoins aussi les propos de Roger Karoutchi sur l’amendement déposé par Frédéric Lefebvre, que je cite dans l’objet de mon amendement.
Mon collègue Christophe-André Frassa a cité Arash Derambarsh, qui a lui-même réalisé cette opération sur le territoire de sa commune. Vous dites que les collectivités territoriales doivent être associées. En effet, le changement viendra du terrain, mais il s’opérera d’autant plus facilement que l’on aura donné ici cette impulsion, sans attendre un énième rapport, en utilisant, comme c’est notre droit de parlementaires, le véhicule législatif susceptible de porter cet amendement de respect et de dignité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Evelyne Yonnet. Permettez-moi d’ajouter à ce riche débat mon propre témoignage.
Dans ma commune d’Aubervilliers, deuxième ville la plus pauvre de France métropolitaine, nous avons mis en place, sans tomber dans la charité, une épicerie solidaire, qui fonctionne très bien. Les Restos du cœur connaissent aussi, malheureusement, un grand succès, qu’il s’agisse de la chaîne chaude ou de la chaîne froide.
Tout dernièrement, nous avons pensé à mettre en place des Restos du cœur « bébés », qui fournissent des couches et du lait pour les mamans, et nous avons aussi engagé des collectes alimentaires régulières, presque tous les mois, avec le centre communal d’action sociale. Nous faisons donc beaucoup, mais toujours avec le sentiment que cela ne suffit pas.
Nous ne voulons pas faire de la charité, mais le problème, malheureusement, est très profond. Il ne touche pas que des communes comme Aubervilliers – je pense notamment à des villes du Nord ou des Hauts-de-Seine, qui sont également concernées.
Il faudrait peut-être aller beaucoup plus loin que la seule banque alimentaire, rechercher d’autres solutions et travailler avec les collectivités territoriales, qui ont du mal à gérer ces problèmes parce que cela requiert des moyens humains et financiers significatifs.
Je voterai toutefois cette proposition de bon cœur !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne sais si je suis un homme de cœur, monsieur Karoutchi, mais je suis à tout le moins un homme de parole.
Je m’étais engagé, lors des débats à l’Assemblée nationale, à apporter une réponse dans les deux mois. Le rapport de Guillaume Garot, auquel j’avais fait explicitement référence pour justifier la même demande de retrait devant l’Assemblée nationale à l’époque, sera rendu le 15 avril. Je suis donc dans les temps ! (M. Roger Karoutchi sourit.)
Il appartient ensuite à la Haute Assemblée d’aller au bout de la dynamique qui est en cours. Vous avez compris que la demande de retrait que j’ai formulée visait à ce qu’une approche cohérente soit adoptée sur un sujet éminemment complexe.
Quel que soit le sens du vote final, je crois que la démarche initiée pourra être enrichie par les conclusions du rapport de Guillaume Garot. C’est déjà la réponse que j’avais faite aux députés Frédéric Lefebvre, Philippe Vitel et Jean-Pierre Decool, sans oublier Bruno Le Roux, qui avait aussi porté cette préoccupation à l’Assemblée nationale.
Quoi qu’il en soit, l’unanimité sur le sujet est incontestable, indépendamment du message rationnel que j’avais tenté de délivrer en sollicitant le retrait de l’amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10 ter. (Applaudissements.)
En outre, je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Article 10 quater
(Non modifié)
Le chapitre II du titre VI du livre IV du code de commerce est complété par un article L. 462-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 462-10. – Doit être communiqué à l’Autorité de la concurrence, à titre d’information, au moins deux mois avant sa mise en œuvre, tout accord entre des entreprises ou des groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail de produits de grande consommation, ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale de référencement ou d’achat d’entreprises de commerce de détail, visant à négocier de manière groupée l’achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs.
« Le premier alinéa s’applique lorsque le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou des groupes de personnes physiques ou morales parties à l’accord et le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé à l’achat en France dans le cadre de l’accord par l’ensemble des parties à l’accord excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. L'amendement n° 1691, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – L'article L. 420-2 du code de commerce est ainsi modifié :
1° A la première phrase du deuxième alinéa, après les mots : « la structure de la concurrence, », sont insérés les mots : « à court ou à moyen terme, » ;
2° Il est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Une situation de dépendance économique est caractérisée, au sens de l'alinéa précédent, dès lors que :
« – d'une part, la rupture des relations commerciales entre le fournisseur et le distributeur risquerait de compromettre le maintien de son activité ;
« – d'autre part, le fournisseur ne dispose pas d'une solution de remplacement auxdites relations commerciales, susceptible d'être mise en œuvre dans un délai raisonnable. »
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement porte sur l’assouplissement des conditions de définition de l’abus de dépendance économique.
L’équilibre des relations commerciales entre fournisseurs et grande distribution est une question récurrente et délicate.
L’annonce d’un rapprochement sans précédent des centrales d’achat de la grande distribution depuis octobre dernier a fait redoubler les inquiétudes, notamment dans le secteur de l’industrie agroalimentaire, car les fournisseurs subissent par ricochet la guerre des prix que se livrent les enseignes de la grande distribution.
Le Gouvernement ainsi que le Sénat ont saisi en parallèle l’Autorité de la concurrence pour analyser le phénomène et suggérer des réponses. L’Autorité a rendu son avis le 31 mars dernier.
Parmi les pistes avancées figure une redéfinition de l’abus de dépendance économique.
L’article L. 420-2 du code de commerce interdit à tout acteur économique d’abuser de la dépendance économique des autres protagonistes. Mais la jurisprudence est tellement stricte qu’il est quasi impossible de faire reconnaître la dépendance économique. Ainsi, même si un fournisseur écoule la moitié de sa production auprès d’un distributeur, on considèrera qu’il n’en est pas dépendant, puisqu’il a la faculté de trouver d’autres clients.
Cette approche trop stricte fait fi de la réalité de la vie des affaires : il n’est pas si facile pour un agriculteur ou un industriel de remplacer un client par un autre pour écouler sa marchandise !
C’est pourquoi le 2° de l’amendement précise qu’il y a dépendance économique lorsque la rupture des relations commerciales risque de compromettre le maintien de l’activité et lorsque la victime de la rupture n’a pas de solution de remplacement dans un délai raisonnable.
De la même manière, l’exigence d’un effet immédiat sur la concurrence est assouplie : avec le 1° de l’amendement, il y a abus si, à moyen terme, il existe un risque d’affaiblir la concurrence.
La rédaction ici proposée reprend les recommandations de l’Autorité de la concurrence.
Le renforcement de « l’épée de Damoclès » que constitue l’accusation d’abus de dépendance économique pourrait amener la distribution à s’autolimiter dans la pression qu’elle exerce immanquablement sur ses fournisseurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement aurait plutôt tendance à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Lorsque nous avons discuté de l’abus de pratiques commerciales, madame la rapporteur, vous avez vous-même préféré ne pas rendre le dispositif plus complexe, en affirmant qu’il n’était pas nécessaire de redéfinir l’abus, mais qu’il convenait de mieux appliquer l’interdiction de l’abus.
Qui plus est, et je m’en félicite, vous êtes revenue sur votre jugement initial pour appeler à voter en faveur du principe d’une sanction de l’abus de pratiques commerciales, avec un plafond de 1 %.
À présent, vous voulez rendre le dispositif plus complexe en ajoutant une nouvelle procédure. J’avoue que je ne suis pas très à l’aise avec cette idée.
Aujourd’hui, l’article L. 420-2 du code de commerce définit la notion de dépendance économique à partir de quatre critères. Vous proposez de les assouplir et de les réduire à deux : d’une part, le risque de rupture des relations commerciales de nature à compromettre le maintien de l’activité de l’un des deux partenaires ; d’autre part, l’absence de solution de remplacement dans un délai raisonnable.
Dans le contexte du rapprochement des centrales d’achat, l’objectif est certes louable. Et, comme vous l’avez souligné, le Sénat et le Gouvernement ont saisi l’Autorité de la concurrence. Toutefois, la création de cette nouvelle infraction venant s’ajouter à un dispositif existant, l’Autorité elle-même reconnaît que ce dispositif doit d’abord être correctement appliqué.
L’article L. 442-6 du code de commerce permet déjà de sanctionner le déséquilibre significatif dans les relations commerciales, et donc l’abus de puissance d’achat, par une action du ministre de l’économie devant le juge commercial. Sur le fondement de ce texte, quarante procédures sont en cours et cent cinquante ont été engagées depuis la création de cette procédure. Deux cent soixante-dix-sept décisions ont été rendues, majoritairement favorables au ministre.
On peut citer quelques décisions emblématiques sur les fausses coopérations commerciales : dans un arrêt du 18 septembre 2013, la Cour d’appel de Paris a condamné une enseigne à une amende civile de 2 millions d’euros sur le fondement du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Plus récemment, dans un arrêt du 3 mars 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation a condamné une autre enseigne à une amende de 1 million d’euros pour déséquilibre significatif.
C’est pourquoi, plutôt que de créer une nouvelle procédure qui viendrait compliquer le dispositif, et qui me semble aller quelque peu à contresens de la logique de simplification de notre appareil juridique que vous avez défendue à plusieurs reprises, madame la rapporteur, il me semble que la réponse apportée précédemment est préférable. Nous n’avions certes pas la même vision des choses sur le plafond – je défendais 5 % avec une application proportionnée, vous défendiez 1 % -, mais nous allions dans le même sens, en reconnaissant qu’il fallait une amende sanctionnant l’abus de pratiques commerciales.
Nous avons apporté, me semble-t-il, une vraie réponse en nous dotant des instruments adéquats. Il serait inopportun de venir créer une autre procédure qui engendrerait un contentieux inutile sans finalement résoudre le problème.
Par souci de simplicité et d’efficacité, et compte tenu des dispositions déjà adoptées par le Sénat, je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix, modifié, l'article 10 quater.
(L'article 10 quater est adopté.)
Article 10 quinquies
(Non modifié)
Les deux derniers alinéas de l’article L. 752-15 du code de commerce sont supprimés. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 10 quinquies
Mme la présidente. L'amendement n° 978 rectifié bis, présenté par MM. Gabouty, Pozzo di Borgo et Médevielle, Mme Loisier et MM. Guerriau et Kern, est ainsi libellé :
Après l’article 10 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport qui invite à prendre en compte dans les programmes de l'éducation nationale les principes de base d'éducation financière et budgétaire, et notamment les initiatives pour favoriser l'enseignement de ces connaissances dès le primaire et le secondaire.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, nous traitons beaucoup d’organisation, de technique, de procédure ou encore de réglementation. Ces enjeux sont effectivement très importants, car ils déterminent le fonctionnement de notre économie et la vie quotidienne de nos concitoyens.
Bien évidemment, le développement de l’activité et la création d’emplois reposent sur les performances de l’économie, notamment en termes de compétitivité, d’investissement et de consommation, mais un développement économique durable nécessite également une approche culturelle et éducative. Il faut que les principes de base d’éducation économique, financière et budgétaire soient pris en compte dès le plus jeune âge, c’est-à-dire au moment de l’adolescence et même dès l’enfance.
Un sondage YouGov de mars dernier nous indique que 80 % des Français seraient favorables à l’enseignement des bases économiques et financières dès l’école. Les mécanismes économiques et financiers font partie intégrante de la vie, et leur méconnaissance apparaît comme un handicap dans la vie personnelle et sociale de tout citoyen.
Une telle formation serait bénéfique pour les individus, en les armant au mieux pour gérer de manière avisée nombre d’opérations de la vie courante, mais aussi pour l’économie dans son ensemble, en favorisant des comportements responsables et entreprenants à l’égard des institutions, du monde du travail, des entreprises et même du secteur financier.
Cette préoccupation va dans le sens d’une communication de la Commission européenne de décembre 2007 – elle est déjà un peu ancienne –, qui visait à définir l’ambition de l’éducation financière. La Commission estimait que l’école était certainement le vecteur le mieux adapté pour cet apprentissage, et ajoutait que les enfants étaient souvent, à leur tour, un excellent vecteur de formation et d’information pour leurs parents.
Il ne s’agit aucunement d’alourdir les programmes, mais de veiller à une prise en compte de cette dimension dans leur élaboration – même si je sais qu’elle relève du pouvoir réglementaire –, en choisissant, par exemple, comme thème sous-jacent d’un exercice de mathématiques un sujet économique, financier ou budgétaire. Des expériences associant différents partenaires extérieurs à l’école, dont, je crois, la Banque de France, sont déjà en cours dans notre pays.
Pour ce qui est de l’enseignement dès le plus jeune âge, il s’agit de familiariser les enfants avec les grands principes et le vocabulaire économiques, financiers et budgétaires. L’initiation dès l’école et, au-delà, tout au long de la scolarité, aux rudiments de l’économie et des finances, fait l’objet d’une réflexion dans un nombre croissant de pays. Elle est également préconisée par des institutions européennes et internationales. Il me semble intéressant de la généraliser.
Cette évolution éducative et culturelle n’aura certes pas d’effet immédiat sur la croissance, mais elle conditionne en grande partie la capacité de nos concitoyens et de notre économie à s’adapter aux nouveaux enjeux de la mondialisation et à y jouer un rôle moteur ; la place que pourra occuper la France dans les décennies à venir en dépend.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre avis sur ces orientations et savoir comment elles pourraient être mieux intégrées dans les politiques d’éducation de notre pays.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Dans la mesure où il s’agit d’une demande de rapport, la commission émet un avis défavorable.
En outre, même si l’on peut entendre les arguments que vous venez de développer, mon cher collègue, la définition du contenu des programmes de l’éducation nationale relève non de la loi, mais du Conseil supérieur des programmes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est sensible à votre préoccupation, monsieur le sénateur.
M. Roger Karoutchi. Il est redoutable !
M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez l’air de douter de ma sincérité, monsieur Karoutchi ! (Sourires.)
Le ministre des finances a demandé l’année dernière un rapport sur ce sujet au Comité consultatif du secteur financier. Ce rapport lui a été remis en février dernier. Il établit un état des lieux précis sur le niveau d’éducation financière des Français et fait le bilan des actions d'ores et déjà engagées dans ce domaine. Il comporte en outre des propositions, qui se déclinent en trois axes : le développement d’un enseignement d’éducation budgétaire et financière pour tous les élèves, le soutien aux compétences budgétaires et financières des Français tout au long de la vie et l’accompagnement des publics en situation de fragilité financière.
Des échanges sont en cours entre le ministre des finances et la ministre de l’éducation nationale pour décliner les propositions du rapport.
Votre demande est donc satisfaite, monsieur Gabouty.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Malgré tout le respect et l’amitié que j’ai pour nos collègues de l’UDI-UC, je ne voterai pas cet amendement.
À un moment, il va falloir arrêter de charger la barque ! Quand j’étais inspecteur général de l’éducation nationale, je n’aurais jamais accepté que l’on me demande d’ajouter encore et encore des enseignements.
Ce matin, on a décidé que des examens du code de la route se dérouleraient dans les lycées. Je propose qu’on y construise également des voitures… Pourquoi laisser cela aux centres de formation d’apprentis ? (Rires.)
Tout le monde se plaint de la lourdeur des programmes scolaires.
Tout le monde dit que les horaires sont intenables et qu’on ne se concentre pas assez sur les enseignements fondamentaux : le français, les mathématiques et l’histoire – cela ne ferait pas de mal à certains de prendre quelques cours, du reste…
Je comprends que chacun y aille de son enseignement supplémentaire, mais halte au feu ! Laissons travailler le Conseil supérieur des programmes, qui n’en peut plus de recevoir des demandes de tous les ministères.
Récemment, le ministère de l’agriculture a demandé qu’une initiation au monde agricole soit organisée dans les lycées d’enseignement général et technologique. Le ministère de l’industrie et tous les autres ministères en font sans doute de même.
Si on pouvait laisser nos pauvres élèves passer à peu près tranquillement le brevet et le baccalauréat, ce serait une bonne chose.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. L’amendement n’était pas forcément conçu pour être voté, mon cher collègue... (Rires.) Je savais que Mme la rapporteur émettrait un avis défavorable par principe.
Néanmoins, je pense que, si nous n’intégrons pas la culture économique dans notre société, nous avons du souci à nous faire, compte tenu de la concurrence des pays anglo-saxons et de certains pays asiatiques.
Il ne s’agit pas d’ajouter un nouvel enseignement aux programmes.
En tant que chef d’entreprise, je suis atterré quand je constate le niveau économique d’un certain nombre de nos responsables, y compris dans le monde politique. Je pense que notre performance économique dans les prochaines décennies viendra d’une modification culturelle de nos apprentissages. Il faut s’y préparer, sans forcément surcharger la barque.
Cela étant, je ne souhaite pas prolonger notre discussion, et je retire mon amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 978 rectifié bis est retiré.
Article 11
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 464-8, après la référence : « L. 464-6-1 », est insérée la référence : « , L. 752-26 » ;
2° L’article L. 752-26 est ainsi rédigé :
« Art. L. 752-26. – I. – En cas d’existence d’une position dominante et de détention par une entreprise ou un groupe d’entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail d’une part de marché supérieure à 50 %, qui soulève des préoccupations de concurrence du fait de marges nettes anormalement élevées en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné, l’Autorité de la concurrence peut faire connaître, dans un rapport, ses préoccupations de concurrence à l’entreprise ou au groupe d’entreprises en cause, après l’avoir mis en mesure de présenter ses observations et à l’issue d’une séance devant le collège. Ce rapport justifie les préoccupations de concurrence et précise l’estimation de la part de marché, évaluée en fonction du chiffre d’affaires réalisé dans le secteur économique et dans la zone de chalandise concernés, et du niveau de marges justifiant ces préoccupations. Il est accompagné des documents sur lesquels se fonde le rapporteur et des observations faites, le cas échéant, par l’entreprise ou le groupe d’entreprises.
« L’entreprise ou le groupe d’entreprises dispose d’un délai de deux mois pour présenter ses observations sur les préoccupations de concurrence formulées par l’Autorité et justifier le niveau de ses marges. Au terme de ce délai, au vu des observations présentées, l’Autorité peut décider d’abandonner ou de confirmer par une décision motivée, le cas échéant en les modifiant, ses préoccupations de concurrence.
« Si l’Autorité de la concurrence confirme ses préoccupations de concurrence, l’entreprise ou le groupe d’entreprise dispose d’un délai de trois mois pour lui proposer des engagements de nature à mettre un terme à ces préoccupations. À la demande de l’entreprise ou du groupe d’entreprises, l’Autorité peut porter le délai à quatre mois.
« II. – Si l’Autorité de la concurrence constate, par une décision motivée, prise après avoir mis en mesure l’entreprise ou le groupe d’entreprises en cause de présenter ses observations et à l’issue d’une séance devant le collège, que les engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, elle peut demander à l’entreprise ou au groupe d’entreprises de lui proposer de nouveaux engagements dans un délai d’un mois.
« Si l’entreprise ou le groupe d’entreprises ne propose pas d’engagements ou si les nouveaux engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, l’Autorité de la concurrence peut, par une décision motivée, prise après avoir mis en mesure l’entreprise ou le groupe d’entreprises en cause de présenter ses observations et à l’issue d’une séance devant le collège, lui enjoindre de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai qu’elle détermine ne pouvant être inférieur à six mois, tous accords et tous actes par lesquels s’est constituée la puissance économique ayant conduit au niveau anormalement élevé des marges.
« Dans les mêmes conditions, l’Autorité de la concurrence peut enjoindre à l’entreprise ou au groupe d’entreprises en cause de procéder, dans un délai qu’elle détermine ne pouvant être inférieur à six mois, à la cession de certains de ses actifs, à la condition dûment motivée que l’injonction prévue au deuxième alinéa du présent II ne permette pas de mettre un terme aux préoccupations de concurrence et que seule la cession d’actifs le permette.
« L’Autorité de la concurrence peut sanctionner l’inexécution des injonctions qu’elle prononce dans les conditions prévues au I de l’article L. 464-2.
« III. – Dans le cadre de la procédure prévue au présent article, l’Autorité de la concurrence peut demander communication de toute information dans les conditions prévues aux articles L. 450-3, L. 450-7 et L. 450-8 et entendre tout tiers intéressé.
« Les informations obtenues par l’Autorité dans le cadre de la procédure prévue au présent article ne peuvent être utilisées à l’occasion d’une procédure ouverte en application de l’article L. 462-5.
« IV (nouveau). – La procédure prévue au présent article ne peut être ouverte à l’encontre d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises dans un délai de trois ans à compter de la décision par laquelle l’Autorité de la concurrence a constaté, en application de l’article L. 464-6, qu’aucune pratique mentionnée au premier alinéa de l’article L. 420-2 n’était établie à leur encontre, dans le même secteur économique et la même zone de chalandise.
« Elle ne peut être ouverte à l’encontre d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises issu d’une opération de concentration ayant donné lieu à une autorisation de l’Autorité de la concurrence, en application du titre III du présent livre, dont les engagements, injonctions et prescriptions ont été respectés par les parties, en l’absence de modification substantielle de la situation de concurrence du secteur économique et de la zone de chalandise concernés. »
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. L’article 11 prévoit de conférer un pouvoir d’injonction plus étendu à l’Autorité de la concurrence. Ce serait une réponse à la trop grande concentration du commerce de détail et aux abus de position dominante qui en découlent.
Les présupposés de cet article sont bons, mais nous regrettons encore une fois que les pouvoirs d’une autorité administrative indépendante, en l’espèce l’Autorité de la concurrence, soient étendus au détriment du pouvoir politique. Il nous semble que les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, sont bien mieux armés pour ce type de contrôles de terrain.
De plus, le principe de l’autosaisine ne nous semble pas pertinent, car il transformerait l’Autorité de la concurrence en pouvoir régulateur. Or c’est une mission traditionnellement dévolue au Gouvernement.
Pour nous, l’extension continue des compétences de l’Autorité de la concurrence représente un affaiblissement du ministère des finances et un dessaisissement plutôt dangereux.
Il appartient aux pouvoirs publics de veiller au bon équilibre du développement économique sur l’ensemble du territoire. Aujourd'hui, les pouvoirs publics sont présents lorsque se produit une opération de concentration. Ce ne sera plus le cas ou ce sera moins le cas quand les opérations de concentration seront examinées par l’Autorité de la concurrence.
L’intérêt général ne sera plus pris en compte, sauf sous l’angle, quelque peu réducteur, des éléments économiques. Or il est des situations où les éléments strictement économiques peuvent entrer en contradiction avec les politiques publiques ou l’intérêt public, en matière d’aménagement, d’environnement ou encore d’emploi.
Au risque de nous répéter, nous tenons à pointer ce que nous considérons comme un danger. Plus l’action et le pouvoir politique du Gouvernement seront réduits, plus l’action et le pouvoir politique du Parlement le seront aussi. Ce n’est pas très bon, sauf pour les autorités administratives indépendantes, dont on n’a pas toujours les moyens de bien comprendre comment elles fonctionnent, comment elles sont dirigées et où elles vont.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Mon cher collègue, votre position vis-à-vis du projet de loi est cohérente, et elle mérite le respect. Vous comprendrez toutefois que la commission ne puisse qu’être défavorable à la suppression d’un article qu’elle a conservé, et qu’elle prétend même avoir nettement amélioré, monsieur le ministre.
N’allez pas imaginer que je fuis le débat. Nous débattrons lors de l’examen des autres amendements déposés sur cet article. Peut-être parviendrai-je alors à vous convaincre de la légitimité du pouvoir qu’il prévoit de conférer à l’Autorité de la concurrence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1552, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 464-8, après la référence : « L. 464-6-1 », est insérée la référence : « , L. 752-26 » ;
2° L’article L. 752-26 est ainsi rédigé :
« Art. L. 752-26. – I. – En cas d’existence d’une position dominante et de détention par une entreprise ou un groupe d’entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail d’une part de marché supérieure à 50 %, qui soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés que l’entreprise ou le groupe d’entreprises pratique en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné, l’Autorité de la concurrence peut faire connaître ses préoccupations de concurrence à l’entreprise ou au groupe d’entreprises en cause, en précisant son estimation de la part de marché et du niveau de prix ou de marges qui justifie ces préoccupations. L’entreprise ou le groupe d’entreprises peut, dans un délai de deux mois, lui proposer des engagements dans les conditions prévues à l’article L. 464-2.
« La part de marché mentionnée au premier alinéa du présent I est évaluée selon le chiffre d’affaires réalisé dans le secteur économique et dans la zone de chalandise concernés ou selon les surfaces commerciales exploitées dans la zone de chalandise concernée.
« II. – Si l’entreprise ou le groupe d’entreprises conteste les préoccupations de concurrence soulevées, ne propose pas d’engagements, ou si les engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, un rapport est notifié par l’Autorité de la concurrence à l’entreprise ou au groupe d’entreprises qui peut présenter ses observations dans un délai de deux mois.
L’Autorité de la concurrence peut, par une décision motivée, prise après réception des observations de l’entreprise ou du groupe d’entreprises en cause et à l’issue d’une séance devant le collège, lui enjoindre de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé qui ne peut excéder six mois, tous accords et tous actes par lesquels s’est constituée la puissance économique qui permet les prix ou les marges élevés constatés. Elle peut, dans les mêmes conditions, lui enjoindre de procéder, dans un délai qui ne peut être inférieur à six mois, à la cession d’actifs, y compris de terrains, bâtis ou non, si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective. L’Autorité de la concurrence peut sanctionner l’inexécution de ces injonctions dans les conditions prévues à l’article L. 464-2.
« III. – Au cours des procédures définies aux I et II du présent article, l’Autorité de la concurrence peut demander communication de toute information dans les conditions prévues aux articles L. 450-3, L. 450-7 et L. 450-8 et entendre tout tiers intéressé. »
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. L’article 11 a été substantiellement modifié par la commission spéciale.
Cet amendement vise à rétablir certaines dispositions du texte adopté par l’Assemblée nationale, tout en renforçant le caractère contradictoire de la procédure. Vous avez souligné l’importance de ce contradictoire lors de vos débats. Dans mon amendement, je reprends d'ailleurs plusieurs dispositions importantes introduites par la commission spéciale sur ce point.
En premier lieu, les préoccupations de concurrence doivent, pour le Gouvernement, être fondées sur le constat de « prix ou de marges élevés ». La commission spéciale a préféré l’expression « marges nettes anormalement élevées », mais une telle substitution de critère permettrait de contourner très aisément la loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi en arrivons-nous à cette procédure d’injonction structurelle ? Parce que notre administration est confrontée à l’impossibilité, dans la plupart des cas, d’appliquer la notion d’abus de position dominante. C’est la raison pour laquelle aussi je serai attaché à la définition de la position dominante, et non de l’abus.
Je le répète, la substitution du critère de marges nettes anormalement élevées à celui de prix ou de marges élevés faciliterait le contournement de la loi, au point de la rendre quasi inopérante. En effet, il est relativement aisé de diminuer artificiellement le résultat net. L’entreprise peut, par exemple, payer un loyer élevé à une société civile immobilière dont elle est propriétaire ou faire remonter des sommes d'argent à sa centrale d'achat ou de référencement. Le résultat net peut ainsi faire l’objet de plusieurs choix comptables, de plusieurs opérations d’optimisation.
C’est pourquoi, sur ce point, je préfère revenir au critère de prix ou de marges élevés. Cela se constate de manière beaucoup plus transparente, sans manipulation possible. Les prix ou les marges sont comparés avec la moyenne constatée par ailleurs dans la zone de chalandise.
En deuxième lieu, l’amendement tend à rétablir l’équilibre entre la phase négociée et la phase contentieuse de la procédure. La première permet à l’entreprise qui ne conteste pas les préoccupations de concurrence émises par l’Autorité de s’engager volontairement à y mettre fin, ce qui clôt la procédure. Cette phase ne doit pas être alourdie par un contradictoire renforcé, excessif. En revanche, le contradictoire doit être renforcé dans la seconde phase.
C’est pourquoi l’amendement a pour objet de renforcer le contradictoire de la phase contentieuse, comme l’a prévu la commission spéciale du Sénat. C’est, je le reconnais, l’un des apports de vos travaux. Le travail que nous avons pu faire avec les acteurs économiques a, en ce sens, été aussi propice à l’amélioration du texte, puisque nous obligeons désormais l’Autorité de la concurrence à établir un rapport soumis au débat contradictoire lorsqu’elle souhaite prendre une mesure d’injonction structurelle, quand les entreprises contestent les préoccupations de concurrence et ne proposent pas d’engagements, ou si les engagements proposés paraissent insuffisants.
Ce débat contradictoire, qui n’était pas prévu dans le texte initial, est important, donc nous avons souhaité la conserver dans notre amendement.
En outre, nous faisons passer de trois mois à six mois au maximum le délai dans lequel l’injonction de résiliation des accords ou actes ayant permis la constitution de la puissance d’achat qui s’est traduite par des prix ou marges élevés doit être exécutée. Un délai de trois mois était trop court pour véritablement être acceptable par tous les acteurs, donc nous fixons un plafond de six mois, tout en ménageant un peu plus de flexibilité.
Enfin, nous passons d’un délai laissé à l’appréciation de l’Autorité de la concurrence à un délai qui ne peut être inférieur à six mois pour la mise en œuvre de l’injonction de cession d’actifs, afin d’éviter, là aussi, que des délais trop courts ne soient fixés par l’Autorité aux acteurs économiques. Je rappelle, à cet égard, que l’injonction de cession d’actifs est, en ultime recours, la conclusion de la procédure. Ayant parfaitement adhéré à ce point, vous avez d’ailleurs été constructifs à ce sujet.
En troisième lieu, l’amendement tend, d’abord, à écarter la disposition adoptée par la commission spéciale pour exclure l’utilisation des informations obtenues par l’Autorité de la concurrence à l’occasion de la procédure d’injonction structurelle dans le cadre d’une procédure ultérieure pour pratique anticoncurrentielle. À notre sens, ce serait se lier les mains, bien inutilement.
Nous souhaitons ensuite écarter la faculté pour l’Autorité de la concurrence de ne pas user de la procédure d’injonction structurelle, d’une part, dans les trois années qui suivent une décision de non-lieu pour abus de position dominante et, d'autre part, dans les trois années suivant une décision d’autorisation de concentration dont les engagements ont été respectés.
On le voit, la présente procédure n’a rien à voir avec l’abus de position dominante ; elle est beaucoup plus précise. Donc, le fait de rendre impossible l’exercice de cette procédure parce que l’Autorité de la concurrence aurait examiné, sur d’autres bases, dans le cadre d’une autre procédure, une situation commerciale nous paraît excessif.
La précision apportée sur le premier de ces trois points est inutile dans la mesure où l’Autorité de la concurrence ne peut pas juridiquement utiliser les pièces d’un dossier clos pour alimenter une procédure d’infraction dans un autre dossier.
Quant à l’engagement d’une procédure d’injonction structurelle après un non-lieu pour abus de position dominante, il s’agit d’une hypothèse d’école. L’Autorité de la concurrence, saisie in rem, n’est pas liée par la qualification juridique des faits qui lui sont soumis et a tout à fait le droit d’ouvrir une procédure d’entente, d’injonction structurelle ou d’abus de position dominante, même sur un cas qu’elle aurait déjà considéré, parce qu’elle le fait sur une autre base.
Monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, monsieur les rapporteurs, je pense que vous avez excessivement réduit la capacité de l’Autorité à se saisir du sujet.
Enfin, pour ce qui est de la procédure de contrôle des concentrations, elle se limite à traiter des effets directs de l’opération et elle n’a pas vocation à traiter de l’ensemble de la situation de la concurrence sur un marché. Aussi, je pense qu’elle n’est pas de nature à fermer la porte à un réexamen d’une même situation par l’Autorité de la concurrence.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaitais ici être précis pour bien vous montrer qu’il ne s’agit pas d’un strict amendement de rétablissement de la rédaction initiale. Je voulais insister sur plusieurs des dispositions sur lesquelles la commission spéciale est revenue, car, ce faisant, elle a ouvert des possibilités de contourner facilement les procédures ou fermé des portes à l’Autorité de la concurrence, alors même que vous avez reconnu l’utilité de l’injonction structurelle.
En même temps, éclairés par les débats au sein de la commission spéciale et les échanges avec les acteurs économiques, nous avons souhaité renforcer le contradictoire de la procédure, qui était insuffisant dans le texte voté à l’Assemblée nationale.
Tel est l’objet de cet amendement de rétablissement partiel, mais surtout d’équilibre, qui enrichira le texte.
En conclusion, pour réagir à l’argumentaire qui a été développé à l’appui de l’amendement de suppression, je veux dire que le fait de conférer ce pouvoir à l’Autorité de la concurrence ne réduit pas le pouvoir du ministre, qui, de toute façon, ne l’a pas. La procédure que nous créons entre parfaitement dans le champ de l’ensemble des procédures qui sont à la main de cette autorité, que le ministre a tout à fait la possibilité de saisir, sans être lui-même un opérateur de ce dispositif de lutte contre les distorsions de concurrence.
Nous ne procédons aucunement à une forme de diminutio capitis de l’exécutif, mais nous introduisons une procédure qui permettra d’améliorer la concurrence sur notre territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Monsieur le ministre, vous avez effectivement, par cet amendement, réintégré le texte voté à l’Assemblée nationale, en y apportant deux petites corrections issues des travaux de la commission spéciale du Sénat.
Pour que nos collègues comprennent bien ce qui nous oppose, donc ce qui va me conduire à émettre un avis défavorable sur votre amendement, il nous faut cadrer ce qu’est l’injonction structurelle, car cette notion juridique est tout de même un peu exorbitante du droit commun et n’est pas si souvent évoquée dans notre hémicycle.
L’injonction structurelle, c’est ce pouvoir un peu particulier donné à une autorité, certes indépendante, dans le cadre d’une procédure spécifique, pour répondre à l’une de ses missions, en l’occurrence contrôler le bon fonctionnement de la concurrence.
Cette procédure a deux armes, si je puis dire, ce qui est très important à assimiler pour comprendre ce que je veux vous dire. Elle permet tout d’abord à l’Autorité de s’immiscer dans les relations contractuelles d’un groupe ou de différentes entreprises pour modifier les accords qui ont pu intervenir. C’est la première arme.
La seconde est beaucoup plus puissante : l’Autorité de la concurrence se voit confier la possibilité, à terme, grâce à la commission spéciale, de contraindre la société ou le groupe à la cession d’actifs. Vous comprenez qu’il s’agit là d’un pouvoir très important et très rare dans notre droit. Je ne veux pas remonter au droit romain, mais nous devons tous avoir en tête ce qu’est le droit de propriété : l’usage, les fruits, l’abus.
Si notre droit a toujours permis la correction de l’abus, ce qu’il permet d’ailleurs à l’Autorité de la concurrence, chargée de corriger l’abus de position dominante, il est cependant très réticent à intervenir dans la jouissance d’une propriété ou dans son usage. Nous sommes donc face à une situation tout à fait nouvelle.
Cette procédure existe-t-elle déjà dans notre ordre juridique ? Effectivement, elle existe, et dans deux hypothèses : depuis 2008, lorsqu’il y a un abus de position dominante, soit une infraction importante qui mérite une sanction ; depuis 2012-2013, moyennant des adaptations, dans les outre-mer, où la concurrence pose quelques problèmes.
Nous pouvons donc tout à fait normalement attribuer ce pouvoir. Vous noterez, d’ailleurs, que la commission spéciale n’a pas suivi nos collègues du CRC ou les nombreuses personnalités extérieures, professeurs de faculté, chefs d’entreprises, syndicats, qui auraient préféré la suppression pure et simple de cette nouvelle notion.
Lorsque nous aurons confié cette injonction structurelle à l’Autorité de la concurrence, nous aurons créé au profit de l’Autorité un pouvoir unique en droit comparé. Il faut donc nécessairement faire très attention.
Telle a été notre démarche : nous nous sommes dit qu’il fallait maintenir ce pouvoir, tout en le canalisant, car il faut bien se rendre compte qu’à la toute fin de la procédure, lorsque l’entreprise n’a pas satisfait aux injonctions aimables de l’Autorité de la concurrence, elle peut être contrainte à des cessions partielles ou totales d’actifs.
À l’évidence, les conséquences, qui peuvent donc être extrêmement graves, ont le caractère de sanctions. C’est cet aspect de la procédure qui nous a fait proposer dans notre rédaction un encadrement du pouvoir de l’Autorité, sans rien changer à son étendue. Nous avons donc précisé que la décision de l’Autorité devait intervenir au terme d’un débat contradictoire, car il s’agit d’une sanction. Or, qui dit sanction dit garanties du procès équitable et échange d’informations. C’est la raison pour laquelle, dans notre texte, l’Autorité de la concurrence, au fur et à mesure de son enquête, fait participer l’entreprise objet de l’enquête afin que celle-ci fasse connaître ses observations. Pour que le débat soit parfaitement sincère, il faut aussi que l’entreprise ait la connaissance des pièces, des documents et des informations qui ont été donnés à l’Autorité de la concurrence.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons réécrit le texte.
Nous avons souhaité rétablir l’équilibre face à un pouvoir que nous n’avons pas contesté, que nous n’avons pas changé. C’est si vrai que, parallèlement, on nous a demandé, et on va encore nous demander à l’occasion de la discussion d’autres amendements, de prévoir que les recours contre les décisions de l’Autorité, qui sont portés devant la Cour d’appel de Paris, soient suspensifs, et ce afin de contrebalancer son pouvoir.
Normalement, ces recours n’ont pas de caractère suspensif ; nous ne nous sommes pas montrés révolutionnaires, car nous n’avons pas choisi de faire droit à ces demandes.
En revanche, nous avons clairement dit, ce qui était d’ailleurs induit par l’application des textes, qu’un sursis à exécution pouvait être prononcé. Il s’agit d’une procédure de pure précaution confiée au premier président de la Cour d’appel, qui vérifie si la décision de l’Autorité de la concurrence n’est pas de nature telle qu’elle pourrait causer des préjudices irréparables si, in fine, il était démontré qu’elle était illégitime.
Voilà en quoi notre proposition est particulièrement réfléchie et mesurée. D’ailleurs, monsieur le ministre, au fond de vous-même, je crois que notre texte ne vous horrifie pas. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Vous avez d’ailleurs fait quelques avancées dans notre direction, mais nous pensons qu’il est nécessaire d’aller plus loin ; sinon, vous risquez d’être saisi de nombreuses critiques contre l’autorité donnée à l’Autorité…
À mon sens, avec notre texte, nous protégeons les pouvoirs de l’Autorité, en les équilibrant. De toute façon, dans les faits, le caractère contradictoire va se développer pendant l’enquête, puis après le rapport. L’Autorité de la concurrence ne perd donc pas de temps, d’autant moins qu’il n’y a pas d’effet suspensif.
Telles sont les raisons qui me font dire que notre texte est beaucoup plus équilibré, tout en permettant d’atteindre les mêmes objectifs. Je vous demande donc d’en rester au texte du Sénat, et j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.
Je voudrais néanmoins aborder un dernier point, que nous risquons de voir ressurgir au cours des débats.
On me dit que le pouvoir confié à l’Autorité est extraordinaire. Preuve en est que, depuis 2008, il n’a jamais été mis en œuvre en métropole, ni dans les outre-mer depuis qu’il y a été introduit en 2012-2013. À cela, je réponds qu’on ne légitime pas un pouvoir en s’en remettant à l’éthique de celui qui le détient pour ne pas l’appliquer…
Je pense que, sur ce point, il nous faut faire un travail législatif précis, en évitant de laisser dénaturer un objectif clair par une procédure qui risquerait de susciter des critiques fortes.
Pour conclure tout à fait, je voudrais vous alerter en vous laissant imaginer le cas où une décision de l’Autorité de la concurrence en ce domaine, prise avec toutes les précautions, au terme d’une procédure longue, se verrait annulée. Comment réparerait-on le préjudice causé à l’entreprise ?
Pour éviter au maximum ce type de risque, nous devons nous prémunir avec un débat contradictoire, sincère, loyal. C’est tout l’objet du texte de la commission spéciale, que je préfère, pour l’avoir juridiquement pesé, à celui du Gouvernement.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Nous abordons un point extrêmement important. L’un de nos collègues de la majorité sénatoriale a déploré, à juste raison, la concentration du marché, dont 90 % sont le fait de quatre groupes. Nous sommes donc tous d’accord pour agir contre cette concentration. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas voté l’amendement de suppression du groupe CRC : nous voulons nous donner, par la loi, les moyens d’attaquer ces concentrations à la racine, si j’ose dire.
Monsieur le rapporteur, vous connaissez parfaitement le droit et vous nous avez fait une brillante démonstration de ce qu’il peut et de ce qu’il ne pourrait pas. Je ne la conteste pas et je reconnais que l’injonction structurelle est une arme massive que la loi confie à l’Autorité de la concurrence.
S’il s’agit de stimuler la concurrence, l’amendement du Gouvernement, qui ne reprend pas exactement les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale, répond déjà à cette préoccupation. Il vise surtout à éviter que la procédure ne soit contournée. En effet, la procédure actuelle d’injonction structurelle offre des possibilités de contournement et M. le ministre nous a expliqué qu’en substituant à la notion de « prix élevés » celle de « marges nettes anormalement élevées », on crée une telle possibilité. Nous connaissons l’inventivité humaine quand il s’agit d’élaborer des systèmes de contournement, et c’est particulièrement vrai pour la fiscalité.
La procédure comporte deux phases : la première est négociée et la seconde, contentieuse. L’apport intéressant de l’amendement du Gouvernement porte sur la place du contradictoire dans la phase contentieuse, puisque notre droit est très soucieux du respect des droits de la défense. La phase contentieuse ne s’ouvre que si l’entreprise conteste les préoccupations de concurrence. La phase de négociation laisse donc une grande place à la discussion et, dans l’amendement du Gouvernement, cette discussion se poursuit dans la phase contentieuse : le contradictoire a ainsi plus d’espace.
Enfin, le dernier argument concerne les informations obtenues par l’Autorité de la concurrence. Le texte de la commission spéciale exclut leur utilisation à l’occasion de la procédure d’injonction structurelle. C’est l’un des points de divergence.
En résumé, nous sommes d’accord sur l’objectif et sur les moyens, à savoir l’injonction structurelle, mais le texte de la commission spéciale ne permet pas d’éviter les contournements. Par ailleurs, il faut évidemment permettre à ceux qui sont mis en cause par l’Autorité de la concurrence de se défendre et d’apporter des éléments à l’appui de leurs arguments.
J’insiste sur le fait que le Gouvernement a modifié sa position par rapport à l’argumentation qu’il avait défendue devant l’Assemblée nationale. Je pense que le Sénat peut améliorer le texte adopté par l’Assemblée nationale en adoptant l’amendement du Gouvernement. Pour ma part, je plaide en ce sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je me serais bien fait discret,…
Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas possible ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Mais si ! Dans la mesure où je n’ai pas compris tous les éléments du débat, je pensais que je pourrais lever la main discrètement au moment du vote, mais un scrutin public a été demandé : il faut donc que je me détermine. (Nouveaux sourires.)
Il n’est peut-être pas de saison d’apporter un soutien inconditionnel au Gouvernement, nous attendrons peut-être le moment propice…
Pour l’heure, j’essaie de comprendre les termes du débat. La procédure de l’injonction structurelle est engagée lorsque l’on constate un abus,…
M. François Pillet, corapporteur. Non !
M. Jean Desessard. … par exemple, si une entreprise occupe une position dominante qui lui permet de dégager des marges élevées au détriment des consommateurs. Je pense avoir compris ce point.
M. le rapporteur et M. le ministre estiment tous les deux qu’il faut lutter contre ces situations.
M. le ministre s’en remet à l’Autorité de la concurrence, quitte à introduire du contradictoire après le rapport, du moins est-ce ce que j’ai cru comprendre. M. le rapporteur estime, lui, qu’il faut procéder de manière plus progressive : une concertation doit s’engager et le rapport est établi en concertation avec l’entreprise en position dominante, quitte à ce que l’Autorité de la concurrence prenne une position au terme de la procédure.
Entre les deux, allez donc vous déterminer…Ce n’est pas facile !
Nous avons participé au précédent gouvernement,…
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Vous pouvez revenir !
M. Jean Desessard. … nous avons conservé des relations et j’aurais donc tendance à pencher du côté de M. le ministre. Cependant, l’argumentation de M. le rapporteur me paraît a priori plus sensée, dans la mesure où la démarche préconisée est plus constructive et plus logique – le contradictoire est organisé dès la phase du rapport.
M. François Pillet, corapporteur. Continuez !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. La sagesse parle !
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, si vous pouviez me démontrer que votre démarche est meilleure – l’Autorité de la concurrence assène un bon coup et ensuite intervient le contradictoire -, je voterais volontiers votre amendement. Pour le moment, je dois avouer que je suis plus séduit par l’argumentaire de M. le rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Je voudrais apporter quelques compléments à la suite de l’intervention de Mme Bricq et donner quelques raisons supplémentaires à notre collègue Jean Desessard de partager ma thèse.
Madame Bricq, vous avez évoqué les critères permettant à l’Autorité de la concurrence d’intervenir dans le cadre de cette injonction structurelle. Un point m’inquiète dans l’amendement du Gouvernement, à savoir le critère alternatif : un prix élevé ou des marges élevées.
Je me place toujours dans la perspective d’un procès, à terme. Un prix élevé ou une marge élevée s’apprécient en fonction du lieu : pour un produit vendu sur les Champs-Élysées, la marge s’apprécie différemment par rapport au même produit vendu ailleurs, parce que les frais ne sont pas les mêmes, ce qui peut d’ailleurs justifier un prix élevé.
Il ne peut donc pas y avoir une unité de concept en la matière. C’est la raison pour laquelle nous préférons nous référer à la notion de marge « anormalement élevée », car c’est ce que va chercher à établir l’Autorité de la concurrence, et non pas la marge « élevée ». Ce critère nous permet donc d’espérer parvenir à une unité de concept jurisprudentiel.
Je vous proposerai plus loin d’adopter un amendement qui tend à rendre ces critères cumulatifs, parce que le défaut de l’amendement du Gouvernement réside dans leur caractère alternatif. Un prix élevé, une marge élevée, pris isolément, n’ont pas de sens. Je pense donc avoir répondu à Mme Bricq. Après, à chacun de se faire une opinion !
Monsieur Desessard, ce qui fait l’exceptionnelle dureté de l’arme qu’est l’injonction structurelle, c’est qu’elle ne fonctionne pas uniquement en cas d’abus de position dominante, mais aussi lorsque l’Autorité de la concurrence exprime une « préoccupation de concurrence ». Ce terme, vous l’avouerez, est beaucoup plus difficile à cerner !
Puisque nous ne nous plaçons pas dans l’hypothèse d’un comportement frauduleux ou abusif, il faut nécessairement accorder une protection plus forte aux entreprises. Selon moi, cette protection doit se traduire par des garanties de procédure. Je plaide donc – cela se sent peut-être – pour que nous nous en tenions à la procédure que la commission spéciale a mise en place.
M. Jean Desessard. Le débat est moins animé que sur les surplus alimentaires !
M. Roger Karoutchi. C’est plus technique ! Laissons-les entre eux !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais malgré tout tenter d’apporter quelques éclaircissements, en reprenant votre scénario, monsieur le rapporteur, afin de caractériser concrètement ce dont nous parlons.
La notion de prix élevé ou de marge élevée ne doit pas être appréhendée au regard de la France entière, c’est mon premier point de désaccord avec vous. Il existe 674 zones de chalandise en France, qui sont connues de l’Autorité de la concurrence et de la DGCCRF. C’est à cette échelle qu’il faut apprécier les prix ou les marges, parce qu’il faut comparer ce qui est comparable. On ne va pas comparer les prix pratiqués à Paris à ceux pratiqués à Rouen, ne serait-ce que parce que les coûts du foncier ou de l’approvisionnement n’y sont pas les mêmes : cette comparaison n’aurait aucun sens.
La situation ici visée n’est pas aussi vague que vous le prétendez, monsieur le rapporteur. Il s’agit par hypothèse d’une entreprise qui, au sein d’une zone de chalandise, se trouve en position dominante en détenant une part de marché supérieure à 50 % - cela ne se voit pas partout -, et qui pratique des prix plus élevés que ceux de ses concurrents, alors que ses coûts sont comparables. Cela signifie qu’elle utilise sa position dominante aux dépens du consommateur final. Elle peut éventuellement invoquer le fait qu’elle achète plus cher parce qu’elle a des circuits courts, mais, dans ce cas, sa marge serait dégradée, ce qui n’est pas l’hypothèse retenue.
L’entreprise peut aussi avoir une marge plus élevée que celle de ses concurrents. Rien ne justifie une telle différence de marge, au sein d’une même zone de chalandise, avec les mêmes coûts d’approvisionnement et les mêmes prix de l’immobilier.
Donc, dans une même zone de chalandise, où tous les concurrents doivent assumer des coûts comparables pour l’immobilier et les approvisionnements, des prix élevés ou une marge élevée sont relativement faciles à constater. Voilà pourquoi nous avons les deux critères.
L’Autorité de la concurrence est alors en droit de se pencher sur la situation et d’engager la procédure que nous définissons. Elle n’assène pas tout de suite le coup de massue, monsieur Desessard, puisqu’on entre alors dans la phase contradictoire de la procédure.
J’en arrive à cet égard à mon deuxième point de désaccord avec M. le rapporteur : inspirés par les travaux de la commission spéciale, nous avons réintroduit du contradictoire là où il en manquait, mais nous n’avons pas prévu de décisions stricto sensu, car elles sont créatrices de contentieux.
Les avocats spécialisés en droit de la concurrence estiment que la commission spéciale a instauré deux phases de contentieux potentiel, en prévoyant une première décision, puis une seconde.
Le Gouvernement privilégie une procédure contradictoire où l’Autorité de la concurrence demande à l’entreprise de se justifier, parce qu’elle n’a peut-être pas pris en compte un élément qui expliquerait la situation. Un examen contradictoire s’engage alors. L’entreprise peut expliquer ses prix élevés par le fait qu’elle utilise un circuit court, qu’elle se fournit auprès de producteurs locaux, ce qui fait que sa marge n’est pas plus élevée que celle de ses concurrents : elle fait payer sa politique d’approvisionnement à ses consommateurs, et non à ses producteurs.
Si ce débat contradictoire ne permet pas de justifier les prix élevés ou la marge élevée, l’Autorité de la concurrence demande, dans un premier temps, de corriger les pratiques anormales. Si la correction n’intervient pas après cette première notification, l’Autorité de la concurrence peut alors enclencher l’injonction structurelle : l’entreprise est en position dominante, elle pratique des prix ou des marges trop élevés, elle refuse de rectifier ses pratiques ; on lui demande alors, pour rétablir une juste concurrence, de céder une partie de ses surfaces commerciales dans un délai raisonnable, afin d’animer le marché.
Telle est la procédure que nous proposons et M. le corapporteur est d’accord avec nous sur ses fondamentaux.
Pour ma part, je préfère une procédure contradictoire à une pluralité de décisions susceptibles de donner lieu à contentieux.
Lorsqu’il y a des prix et des marges élevés dans une zone de chalandise, on sait le constater. En revanche, se référer uniquement à la marge nette est insuffisant, et c’est mon principal point de désaccord avec M. le rapporteur.
En effet, dans une zone de chalandise, un distributeur peut tout à fait pratiquer des prix anormalement élevés, non justifiés par ses coûts ou sa politique d’approvisionnement, et les masquer dans sa marge nette. Il se peut, par exemple, qu’il facture des coûts à une filiale, telle qu’une société immobilière. Il peut optimiser par tous les moyens possibles cette marge nette !
Toutes ces grandes surfaces ont en effet des filiales, qui sont, par exemple, leurs foncières. Elles pourront alors optimiser, puisque la marge nette se constate après les coûts commerciaux et ceux de l’immobilier.
Je souscris largement à la philosophie du rapporteur, mais ce point d’entrée est une véritable faille dans le dispositif proposé par la commission spéciale : utiliser la marge nette comme critère est la meilleure façon de rendre le dispositif inopérant.
Vous verrez qu’il sera impossible de détecter une marge nette anormale dans la grande distribution ! Le dispositif, je le redis, sera inopérant, d’où mon désaccord avec le rapporteur et d’où l’amendement que je propose.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Notre amendement de suppression de l’article 11, vous l’aurez compris, relevait d’une position de principe.
Nous sommes pragmatiques : puisque cet article n’a pas été supprimé, autant qu’il soit le plus efficace possible. Nous voterons donc l’amendement du Gouvernement.
M. Jean Desessard. C’est le grand rassemblement ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1552.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 150 |
Contre | 187 |
Le Sénat n’a pas adopté.
M. Jean Desessard. Le rapporteur a le dernier mot !
3
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, déposé sur le bureau du Sénat le 4 février 2015.
4
Dépôt de rapports
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, d’une part, le rapport sur la surveillance biologique du territoire dans le domaine végétal - article L. 251-1 du code rural et de la pêche maritime - et, d’autre part, le rapport évaluant les conditions d’alignement du statut des enseignants des écoles territoriales d’art sur celui des enseignants des écoles nationales d’art et comprenant une analyse de la mise en œuvre de leurs activités de recherche.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils ont été transmis, pour le premier, à la commission des affaires économiques ainsi qu’à la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, et, pour le second, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons l’examen du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 11.
Article 11 (suite)
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 872 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Kern et Gabouty, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1er
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L’article L. 464-2 est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. – Lorsqu’une entreprise ou un organisme n’exécute pas les injonctions prononcées en application des articles L. 752-26 ou L. 752-27, l’autorité peut, à la demande du rapporteur général, et après avoir entendu l’entreprise en cause et le commissaire du Gouvernement, décider de lui infliger une sanction pécuniaire. Le montant maximum de cette dernière ne peut excéder 5 % du montant du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. »
II. – Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’Autorité de la concurrence peut sanctionner l’inexécution de ces injonctions dans les conditions prévues au VI de l’article L. 464-2. »
III. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
3° La dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 752-27 est ainsi rédigée :
« L’Autorité de la concurrence peut sanctionner l’inexécution de ces injonctions dans les conditions prévues au VI de l’article L. 464-2. »
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement tend à préciser les sanctions susceptibles d’être appliquées à une entreprise par l’Autorité de la concurrence en cas d’inexécution des injonctions prononcées à son encontre dans le cadre de la procédure d’injonction structurelle instaurée en 2008.
Sont ainsi prévues des sanctions spécifiques aux cas de non-respect d’injonctions structurelles, qui sont prises en dehors de tout abus de position dominante. Il est proposé de fixer un montant maximal adapté, à hauteur de 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’entreprise concernée. Ce plafond est cohérent au regard des sanctions que peut prononcer l’Autorité de la concurrence, notamment en cas de non-respect par une entreprise d’un ou de plusieurs engagements souscrits dans le cadre d’une procédure devant l’Autorité de la concurrence. En l’occurrence, l’astreinte par jour de retard peut atteindre 5 % du chiffre d'affaires journalier moyen.
Il est également prévu d’unifier les sanctions applicables en outre-mer et en métropole, ce qui implique de modifier l’actuelle rédaction de l’article L. 752-27 du code de commerce.
Mme la présidente. L'amendement n° 492 rectifié bis, présenté par M. Nougein, Mme Primas, MM. Longuet et Milon, Mmes Lamure et Hummel et MM. Commeinhes, Adnot, Gremillet, Laménie, Laufoaulu et Houel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 464-8 est complétée par les mots : « sauf en ce qui concerne les recours contre les décisions enjoignant à une entreprise ou à un groupe d’entreprises de procéder à la cession d’actifs mentionnée à l’article L. 752-26, si le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France par les actifs concernés par la cession est supérieur à 15 millions d’euros » ;
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Lorsque l’Autorité de la concurrence, par une décision rendue sur le fondement de l’article L. 752-26, enjoint à une entreprise ou à un groupe d’entreprises de procéder à la cession d’actifs, cette décision est de nature à entraîner des conséquences économiques dommageables pour l’entreprise ou le groupe d’entreprises concerné, compte tenu du caractère irréversible des cessions.
Il convient donc de prévoir le caractère suspensif des recours s’agissant des actifs dont le chiffre d’affaires total hors taxes s’y rapportant est supérieur à 15 millions d’euros.
Mme Nathalie Goulet. Excellent !
Mme la présidente. L'amendement n° 873 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Kern, Tandonnet, Gabouty et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 464-8 est complétée par les mots : « sauf en ce qui concerne les recours contre les décisions mentionnées aux articles L. 752-26 et L. 752-27 » ;
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. L’exécution d’une injonction structurelle est très difficilement réversible, contrairement au paiement d’une amende. Aussi cet amendement vise-t-il à renforcer les droits de la défense, en prévoyant le caractère suspensif des recours intentés contre les injonctions structurelles, en métropole comme en outre-mer.
J’étais avec Natacha Bouchart lorsque le dossier de MyFerryLink a été évoqué devant la Competition and Markets Authority. Si l’appel est perdu, Eurotunnel devra vendre. Dans ce domaine, les choses ne sont jamais noires ou blanches ; il ne suffit pas d’examiner les prix pratiqués pour déterminer qui occupe une position dominante. Avec le soutien d’Eurotunnel, MyFerryLink était compétitive et connaissait le succès commercial. MyFerryLink ne représentait que 10 % du marché, qui comptait trois acteurs, mais c’est elle qui s’est vu accusée d’abus de position dominante, au motif, paraît-il, qu’elle pratiquait des prix moins élevés. Le différend commercial masquait un combat politique. La France n’a pas été capable de défendre le pavillon français devant la Competition and Markets Authority. Aucun représentant officiel de notre pays n’était présent lorsque cette instance s’est prononcée sur le cas de MyFerryLink…
Mme la présidente. L'amendement n° 1370, présenté par Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase, alinéa 6, première phrase, alinéas 7, 8, 9, 10, 11, 13 et 14
Remplacer les mots :
l’Autorité de la concurrence
par les mots :
le ministre de l’économie et des finances
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Patrick Abate a rappelé tout à l’heure que nous savions faire preuve de pragmatisme lorsque c’était nécessaire. Nous retirons cet amendement, qui était de toute façon promis à un sort funeste eu égard au rejet de l’amendement n° 11…
Mme la présidente. L'amendement n° 1370 est retiré.
L'amendement n° 1695, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 10
Remplacer la référence :
I
par la référence :
II
B. – Alinéa 14
Remplacer la référence :
du présent livre
par la référence :
du livre IV
C. – Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 752-27 est ainsi rédigé :
« Art. L. 752-27. – L’article L. 752-26 est applicable dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna. Le critère de part de marché supérieure à 50 % n’est toutefois pas applicable, eu égard aux contraintes particulières de ces territoires découlant notamment de leurs caractéristiques géographiques et économiques. »
…° L’article L. 752-27 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du I ci-dessus, est applicable à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna. »
La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Cet amendement vise à procéder à trois coordinations dans le texte de la commission concernant la nouvelle procédure d’injonction structurelle.
Premièrement, il s’agit de préciser que, en cas d’inexécution d’une injonction prononcée par l’Autorité de la concurrence dans le cadre de cette procédure, les sanctions encourues seront celles de droit commun.
Deuxièmement, nous proposons de corriger une erreur de référence.
Troisièmement, puisqu’a été instituée une procédure contradictoire pour l’injonction structurelle de manière générale, il convient de faire de même s’agissant de la procédure d’injonction structurelle instaurée pour l’outre-mer.
Mme Nathalie Goulet. Parallélisme des formes !
M. François Pillet, corapporteur. Exactement !
Mme la présidente. L'amendement n° 874 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Kern, Tandonnet, Gabouty et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« … – Les recours contre les décisions de l’Autorité de la concurrence enjoignant à une entreprise ou un groupe d’entreprises de procéder à la cession d’actifs en application du présent article sont suspensifs. »
3° L’article L. 752-27 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les recours contre les décisions de l’Autorité de la concurrence enjoignant à une entreprise ou un groupe d’entreprises de procéder à la cession d’actifs en application du présent article sont suspensifs. »
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à renforcer les droits de la défense, en prévoyant le caractère suspensif des recours intentés contre les injonctions structurelles imposant des cessions d’actifs, en métropole et en outre-mer.
En effet, le dispositif d’injonction structurelle prévoit notamment que l’Autorité de la concurrence pourra ordonner à l’entreprise ou au groupe d’entreprises concerné de céder un ou plusieurs de ses actifs. Une telle mesure présente une particulière gravité et serait très difficilement réversible en pratique une fois mise en œuvre par l’entreprise. Par conséquent, il est indispensable de prévoir qu’un recours engagé contre une telle injonction de cession d’actifs aura un effet suspensif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. L’amendement n° 872 rectifié bis vise à préciser les sanctions encourues en cas d’inexécution des injonctions prononcées par l’Autorité de la concurrence. Il est satisfait par le texte de la commission, qui correspond d’ailleurs sur ce point à celui du projet de loi initial. Par conséquent, la commission spéciale sollicite le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 492 rectifié bis tend à donner un effet suspensif aux recours contre les décisions d’injonction structurelle, qui peuvent entraîner des conséquences particulièrement graves pour l’entreprise concerné.
J’ai déjà expliqué que le dispositif prévu est de droit constant. Par ailleurs, il se trouve contrebalancé par le fait que le Premier président de la cour d’appel peut prononcer le sursis à exécution.
En tout état de cause, si nous adoptions un tel amendement, il ne prospérerait pas au-delà des grilles du Palais du Luxembourg, car la mesure est contraire à l’état actuel du droit. Par conséquent, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Il en va de même pour les amendements nos 873 rectifié bis et 874 rectifié bis, dont l’objet est identique, à savoir donner un effet suspensif aux recours contre les décisions d’injonction structurelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Le Gouvernement partage l’avis de la commission spéciale sur les amendements nos 872 rectifié bis, 492 rectifié bis, 873 rectifié bis et 874 rectifié bis et fait sienne son argumentation.
Par cohérence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1695, ce qui n’étonnera pas M. le corapporteur.
Monsieur Cadic, concernant l’affaire MyFerryLink, je puis vous assurer que les pouvoirs publics français se sont battus autant qu’il était possible. Mon collègue Alain Vidalies s’est particulièrement impliqué dans le suivi de ce dossier extrêmement important et a conduit plusieurs réunions avec l’ensemble des parties prenantes, françaises et britanniques. Nous avons engagé des démarches conjointes auprès de nos interlocuteurs anglais ; je tiens à votre disposition copie des courriers que nous leur avons adressés. Voilà dix jours, le chancelier de l’Échiquier, George Osborne, m’a dit considérer que la position française était pleinement justifiée, mais l’autorité britannique que vous avez évoquée est totalement indépendante du Gouvernement britannique, qui ne peut donc intervenir.
Telle est la problématique à laquelle nous sommes confrontés. Nous continuons à rechercher activement, avec les acteurs publics et privés, les voies et moyens d’y répondre. Je puis vous assurer que le Gouvernement est pleinement mobilisé sur le sujet et fait tout ce qui est en son pouvoir pour qu’une solution soit trouvée. Une nouvelle réunion se tiendra prochainement sur l’initiative d’Alain Vidalies.
Mme la présidente. Monsieur Cadic, les amendements nos 872 rectifié bis, 873 rectifié bis et 874 rectifié bis sont-ils maintenus ?
M. Olivier Cadic. Ces amendements étant satisfaits, je les retire, madame la présidente.
Concernant l’affaire MyFerryLink, monsieur le ministre, je me suis fait l’écho de propos de M. Jacques Gounon, président d’Eurotunnel, tenus en public et repris par la presse. Il regrettait un manque de soutien que j’ai pu moi-même constater lorsque le dossier a été évoqué devant la Competition and Markets Authority.
Mme la présidente. Les amendements nos 872 rectifié bis, 873 rectifié bis et 874 rectifié bis sont retirés.
Monsieur Laménie, l'amendement n° 492 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. J’ai bien entendu l’avis de M. le corapporteur sur cet amendement, mais pas celui de M. le ministre. N’étant que le modeste porte-parole des cosignataires, j’aimerais en avoir connaissance afin de ne pas commettre d’impair.
Mme la présidente. M. le ministre a émis le même avis que la commission : défavorable.
M. Marc Laménie. Dans ce cas, je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 492 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1695.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 292 rectifié bis est présenté par MM. Antiste, Desplan, J. Gillot, Mohamed Soilihi, Patient et S. Larcher et Mme Jourda.
L'amendement n° 318 rectifié est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 546 rectifié bis est présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Malherbe et MM. Mézard, Requier et Collombat.
L'amendement n° 829 rectifié ter est présenté par MM. Cornano et Karam.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 2
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article L. 464-9, il est inséré un article L. 464-... ainsi rédigé :
« Art. L. 464-... - En cas de décision devenue définitive de l’Autorité de la concurrence constatant une ou des pratiques prohibées visées par les articles L. 420-1, L. 420-2, L. 420-2-1 et L. 420-5, une association de consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l’article L. 411-1 du code de la consommation peut demander à l’Autorité de la concurrence communication de tous les documents nécessaires à la détermination et au calcul de tout préjudice subi par les consommateurs.
« Le présent article est également applicable aux décisions rendues sur le fondement du I, du III et du IV de l’article L. 464-2 du présent code. »
La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 292 rectifié bis.
M. Maurice Antiste. Cet amendement vise à préserver l’action en défense de l’intérêt collectif des consommateurs en matière d’infraction concurrentielle et à permettre aux associations agréées d’obtenir de l’Autorité de la concurrence les seuls éléments pertinents pour la détermination et le calcul du préjudice subi par les consommateurs.
En effet, en matière concurrentielle, obtenir la preuve est particulièrement difficile pour les opérateurs économiques – concurrents et partenaires commerciaux –, et quasiment impossible pour les associations de consommateurs, ce qui compromet fortement la réparation du préjudice concurrentiel.
La disposition proposée permettra aux associations agréées d’obtenir de l’Autorité de la concurrence des éléments objectifs en vue de la détermination du préjudice, dans le respect du secret des affaires. L’établissement préalable et objectif du préjudice concurrentiel par l’Autorité de la concurrence est souhaitable tant pour les entreprises visées que pour les consommateurs eux-mêmes. En particulier, les entreprises auraient, grâce à la communication de telles informations, l’assurance d’échapper à une évaluation surestimée, trompeuse ou infondée du dommage infligé. Tout risque de réparation excessive du préjudice se trouverait donc de facto écarté et l’action des associations en matière de concurrence et de dédommagement des consommateurs prendrait toute son efficacité.
Mme la présidente. L’amendement n° 318 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 546 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. L’article 11 visant à réformer la procédure d’injonction structurelle en matière de concurrence dans le commerce de détail a été adopté en commission spéciale, avec quelques modifications tendant à compléter, à préciser et à ajuster la procédure, ainsi qu’à clarifier la rédaction.
L’abus de position dominante d’un opérateur économique est un problème important et la procédure d’injonction actuelle n’a jamais été utilisée depuis son instauration. La réforme proposée au travers de l’article 11 vise donc à remédier à cet état de fait et à introduire une notion de préoccupation de concurrence absente du texte en vigueur.
Dans la mesure où ce genre d’abus est particulièrement difficile à prouver pour les opérateurs économiques et pratiquement impossible à démontrer pour les associations de consommateurs, il apparaît essentiel que ces acteurs puissent obtenir des informations pertinentes de l’Autorité de la concurrence afin de déterminer et de calculer le préjudice subi par les consommateurs.
Dans un souci d’objectivité et afin de permettre un dédommagement juste et non excessif pour les entreprises, il est souhaitable que l’Autorité de la concurrence établisse le préjudice concurrentiel au préalable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Cornano, pour présenter l'amendement n° 829 rectifié ter.
M. Jacques Cornano. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Les associations de consommateurs n’étant pas parties dans le cadre des enquêtes de l’Autorité de la concurrence pour des faits de pratique anticoncurrentielle, il est difficilement envisageable de leur permettre d’accéder aux pièces du dossier. Il s’agirait d’une atteinte au secret professionnel et au secret de l’instruction. Cela serait encore plus problématique dans le cadre d’une procédure de transaction et même de clémence.
En tout état de cause, une sanction pour pratique anticoncurrentielle permet de justifier l’engagement par la suite d’une action en réparation du préjudice subi par les consommateurs, le cas échéant dans le cadre d’une action de groupe engagée sur l’initiative d’une association de consommateurs. Cela est de nature à donner satisfaction aux auteurs des amendements. Il appartiendra au juge d’apprécier le préjudice, et non pas, bien sûr, à l’association.
En outre, la sanction qui sera prononcée par l’Autorité de la concurrence vise à réparer non pas le préjudice subi par les consommateurs, mais celui qui a été causé à la société. Le montant de la sanction est calculé en fonction de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie. Ce n’est pas un préjudice réparateur, c’est une sanction.
Je prie donc les auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Antiste, l'amendement n° 292 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Maurice Antiste. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Requier, l'amendement n° 546 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Cornano, l'amendement n° 829 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jacques Cornano. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 292 rectifié bis, 546 rectifié bis et 829 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Les amendements identiques nos 317 et 654 rectifié ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 246 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Mézard, Castelli, Collin et Arnell, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Esnol, Fortassin et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
soulève des préoccupations de
par les mots :
porte atteinte à la
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. La commission spéciale n’a pas modifié le texte du Gouvernement sur ce point.
La notion juridique de préoccupation de concurrence existe. Celle d’atteinte à la concurrence suppose une infraction, ce qui n’est pas le cas ici. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. M. le corapporteur l’a très bien dit, il ne s’agit pas d’un simple amendement de précision sémantique. La substitution proposée rétablit ce qui qualifie l’abus de position dominante, et ramène ainsi la mesure prévue par l’article à un dispositif existant. Il y a une véritable différence juridique entre les notions de préoccupation de concurrence et d’atteinte à la concurrence.
Pour ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Monsieur Requier, l'amendement n° 246 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 246 rectifié est retiré.
L'amendement n° 985 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty, Guerriau et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
I – Alinéa 4
A. - Première phrase
Remplacer les mots :
marges nettes anormalement élevées
par les mots :
prix et de marges nettes anormalement élevés
B. - Deuxième phrase
Après les mots :
et du niveau de
insérer les mots :
prix et de
II. – Alinéa 5, première phrase
Avant le mot :
marges
insérer les mots :
prix et de ses
III. – Alinéa 8
Avant le mot :
marges
insérer les mots :
prix et des
La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement du débat de tout à l’heure et apporte peut-être une solution.
Il s’agit de prévoir qu’une préoccupation de concurrence peut se fonder non seulement sur des marges nettes anormalement élevées, mais aussi sur des prix présentant ce même caractère. En effet, les marges ne sont pas toujours significatives, car elles peuvent donner lieu à des manœuvres de la part des entreprises. Il est donc important de prendre en considération à la fois les prix et les marges anormalement élevés, comme l’a souligné M. le ministre tout à l’heure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Vous avez clairement indiqué tout à l’heure, monsieur le ministre, qu’il était finalement nécessaire de prévoir des critères cumulatifs, comme le fait cet amendement. Cela étant, j’ai bien compris que vous n’aimiez pas le terme « anormalement ». Je propose donc de retenir des critères cumulatifs, ce que la commission avait initialement hésité à faire, préférant fixer un unique critère, critiqué par le Gouvernement, celui de « marges anormalement élevées ».
Pour ces raisons, j’émets un avis de sagesse, voire favorable, sur l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La discussion que nous avons eue tout à l’heure sur les critères reste valide. Je préfère, je le redis, des critères alternatifs. J’émettrai un avis favorable sur cet amendement sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement tendant, à l’alinéa 6, à remplacer le mot : « et » par le mot : « ou ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 1744, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer le mot :
et
par le mot :
ou
Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. François Pillet, corapporteur. J’ai cru, monsieur le ministre, que vous alliez accepter des critères cumulatifs et demander le retrait de l’adverbe « anormalement », auquel cas nous aurions eu du grain à moudre…
Il n’en est pas ainsi, et j’émets donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.
M. Henri Tandonnet. Monsieur le ministre, si l’on remplace « et » par « ou », on en revient à des critères alternatifs. Or, comme vous l’aviez dit vous-même, une marge anormalement élevée peut avoir des causes très diverses, non nécessairement liées à la préoccupation de concurrence.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur Tandonnet, j’ai du mal à comprendre votre raisonnement.
Comme l’a dit M. le ministre cet après-midi, on peut minorer les marges, par exemple par transfert de charges depuis des filiales. Par conséquent, si l’on retient un double critère de prix et de marges nettes élevés, celui qui trafique les marges échappera à la sanction.
Je ne comprends donc pas que vous n’acceptiez pas le sous-amendement déposé par M. le ministre, car il est pertinent de rendre les critères alternatifs.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Aux termes de l’article 48, alinéa 4, de notre règlement, les sous-amendements « ne sont recevables que s’ils n’ont pas pour effet de contredire le sens des amendements auxquels ils s’appliquent ».
Or il me semble que substituer « ou » à « et » dénature le sens de l’amendement n° 985 rectifié ter. En toute hypothèse, la commission saisie au fond peut se réunir, si besoin, pour juger de la recevabilité du sous-amendement. Pour la clarté du débat, je suggère que M. le corapporteur intervienne de nouveau, afin de bien expliquer la portée du sous-amendement. Ce n’est pas un petit sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Substituer « ou » à « et » change tout ! Je le répète, le débat porte sur le point de savoir si nous retenons des critères alternatifs ou des critères cumulatifs. L’adoption du sous-amendement modifierait donc radicalement la portée de l’amendement.
Je maintiens l’avis que j’ai formulé tout à l’heure. Il est conforme à l’argumentation que j’ai développée avant la suspension de séance. La commission spéciale souhaite, pour bien encadrer le dispositif et le définir de telle manière que l’on puisse aboutir à une jurisprudence constante ou, en tout cas, précise, que l’on en reste à la rédaction proposée par M. Tandonnet.
Mme la présidente. Le Sénat peut se prononcer.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Madame la présidente, excusez-moi d’y insister, mais l’article 48 de notre règlement prévoit que « la commission saisie au fond est compétente pour se prononcer sur la recevabilité des amendements et des sous-amendements dans les cas prévus au présent article ».
À mon sens, nous sommes bien ici dans l’un des cas prévus à l’article 48. Il y a une divergence entre la commission spéciale et la présidence sur l’interprétation du règlement.
Mme Éliane Assassi. Il faut réunir la commission spéciale !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je demande une suspension de séance, afin que la commission spéciale puisse se réunir pour statuer sur la recevabilité du sous-amendement n° 1744.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. La commission a estimé que le sous-amendement n° 1744 n’était pas recevable.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1744 ayant été déclaré irrecevable, je vais mettre aux voix l’amendement n° 985 rectifié ter.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 134 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 140 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur l’article 11.
Mme Évelyne Didier. Je souhaite faire part à nos collègues des réflexions de Paul Vergès sur cet article.
M. Vergès insiste sur la nécessité de parvenir à un meilleur équilibre économique et commercial, notamment sur le territoire de La Réunion, dans le domaine de la distribution.
L’examen de ce projet de loi constitue une occasion de faire prendre en compte les préoccupations spécifiques des Réunionnais et des ultramarins en général.
À La Réunion, aux Antilles et en Guyane, le constat est le même : certains groupes commerciaux représentent plus de la moitié des surfaces de distribution et, malgré les efforts engagés, les écarts de prix entre les outre-mer et la métropole demeurent excessifs.
Dès lors, il semble évident que l’on doit chercher à assurer une concurrence équilibrée et maintenir une stratégie économique favorisant la baisse du coût de la vie.
Pour l’heure, en l’absence de réglementation, il conviendrait que les parts de chiffre d’affaires soient prises en compte et déterminées selon d’autres procédures.
Il convient également de prendre en compte les critères et facteurs influant sur toute politique économique appliquée à des territoires insulaires comme ceux de La Réunion ou d’autres outre-mer.
Parmi ces facteurs figurent les phénomènes de concentration et de position commerciale monopolistique ou dominante, qui ont provoqué la disparition ou la mise en danger de commerces de proximité, notamment dans les zones rurales et les centres-villes.
La dépendance à l’égard d’un petit nombre de fournisseurs en position dominante, situation qui est de nature à fragiliser la sécurité d’approvisionnement des outre-mer, est un autre facteur à prendre en considération.
Par conséquent, il est nécessaire de lutter réellement contre les situations de monopole ou de position dominante dans les économies ultramarines, qui entraînent, de fait, la mise sous tutelle des producteurs locaux. Toutefois, cette lutte ne doit pas nuire aux activités et aux services rendus à la population sur tous les territoires ultramarins.
Dès lors, il convient de garantir le meilleur équilibre commercial dans le secteur de la distribution des outre-mer, notamment sur le territoire de La Réunion. Cela passe, en premier lieu, par la limitation des positions monopolistiques ou dominantes.
Les ultramarins en général et les Réunionnais en particulier attendent donc que soient réellement mises en œuvre les dispositions du quatrième alinéa de l’article 11, qui fait explicitement référence à l’existence de positions dominantes.
Mme la présidente. Ma chère collègue, pour vous être agréable, je vous ai laissé prononcer cette explication de vote. Je rappelle cependant que le règlement du Sénat stipule que l’on ne peut s’exprimer au nom d’un collègue absent.
M. Jean Desessard. M. Placé m’avait laissé un mot… (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 11, modifié.
(L’article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 11
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 689 rectifié ter est présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mmes Morin-Desailly et Gatel, M. Cadic, Mme Goy-Chavent et M. Kern.
L’amendement n° 1450 rectifié est présenté par MM. Dallier et G. Bailly, Mme Bouchart, MM. Buffet, Calvet et Cambon, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon et Commeinhes, Mme Deromedi, M. Doligé, Mme di Folco, MM. B. Fournier, J. Gautier, Gremillet, Houel et Houpert, Mme Hummel, M. Husson, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Leleux, Longuet, Malhuret et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pellevat, Mme Primas et M. Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 121-17 du code des assurances, il est inséré un article L. 121-... ainsi rédigé :
« Art. L. 121-... - L’expertise amiable contradictoire est obligatoire. L’évaluation des dommages et pertes est réalisée de gré à gré. Toutefois, lorsque l’assureur décide de se faire assister d’un expert, l’assuré pourra également se faire assister d’un expert de son choix, dont les honoraires seront à la charge de l’assureur dans la limite des 5 % du montant des dommages. »
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 689 rectifié ter.
M. Olivier Cadic. L’objet de cet amendement est d’abord de rendre obligatoire l’expertise amiable prévue dans le contrat socle de tous les contrats, mais qui a été écartée par les mutuelles pour réduire le montant des primes.
Il s’agit ensuite de rétablir l’équilibre entre la compagnie d’assurance et les assurés. Lorsque la compagnie mandate un expert, qui ne défend que les intérêts de son client, l’assuré doit pouvoir être en mesure d’apporter la contradiction en étant également assisté d’un professionnel disposant des mêmes compétences.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 1450 rectifié.
Mme Jacky Deromedi. Je fais miens les propos tenus par M. Cadic. Certains assureurs prétendent que les experts qu’ils désignent sont indépendants et que, par conséquent, l’intervention d’un second expert est inutile. Cet argument n’est bien évidemment pas recevable : les experts désignés par les assureurs étant complètement sous l’emprise économique de ces derniers, ils ne sont aucunement indépendants.
Cette situation justifie pleinement la présence d’un autre expert au côté de l’assuré afin de garantir un équilibre, les honoraires de ce second expert devant être mis à la charge de la compagnie d’assurance, à qui appartient l’initiative.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Les amendements nos 689 rectifié ter et 1450 rectifié visent d’abord à affirmer que l’expertise amiable contradictoire est obligatoire, avant de préciser que recourir à un expert est une simple faculté ouverte à l’assureur et à l’assuré. Il me semble qu’il y a là une contradiction.
Lorsqu’une expertise est nécessaire pour évaluer un dommage, en vue de permettre à l’assureur et à l’assuré de se mettre d’accord sur un montant d’indemnisation, la logique du contrat d’assurance veut que la compagnie d’assurance désigne un expert, lequel n’est pas pour autant dans une position de subordination à l’égard de celle-ci.
Aux termes de ces amendements, l’assuré pourrait imposer l’intervention d’un autre expert de son choix, dont les honoraires seraient pris en charge par la compagnie d’assurance. Il semble difficile d’accepter une telle disposition, dont la mise en œuvre modifierait singulièrement le coût de gestion du contrat d’assurance.
Lorsqu’il y a un désaccord sur l’évaluation réalisée par l’expert désigné par la compagnie d’assurance, ce qui est rare, l’assuré a toujours la possibilité de la contester. Il peut même, par voie de référé, faire nommer un expert judiciaire, dont le coût de l’intervention sera pris en charge par la compagnie d’assurance s’il apparaît que l’assuré était parfaitement fondé à formuler une telle demande, qui se fonde généralement sur l’article 145 du code de procédure civile.
Afin de rassurer définitivement les auteurs des amendements, j’ajoute que si l’expert, fût-il désigné par la compagnie d’assurance, a mal évalué les dommages, sa responsabilité professionnelle se trouve engagée. Dans ce cas, le recours à l’expertise amiable est encore possible.
L’adoption de ces amendements pourrait permettre à certains experts de faire prospérer leur activité, mais elle risquerait de susciter des problèmes importants, notamment de porter atteinte à la relation de confiance entre l’assuré et l’assureur.
Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je souscris aux arguments de M. le corapporteur. En effet, la mise en œuvre de telles dispositions aurait pour conséquence d’accroître le recours à un deuxième expert. Immanquablement, le coût serait répercuté sur les primes d’assurance, ce qui n’est pas l’objectif visé par les auteurs des amendements. Je sollicite donc, moi aussi, le retrait de ceux-ci.
Par ailleurs, je voudrais souligner à cet instant que l’attitude du Gouvernement, depuis le début de l’examen de ce texte, s’inscrit dans une démarche de co-construction législative. Je crois avoir manifesté à plusieurs reprises un esprit d’ouverture. Ainsi, sensible à l’émotion qu’avait pu susciter le dépôt de certains amendements tendant à rétablir la rédaction initiale, j’en ai retiré certains de moi-même. Il me semble que la décision de la commission d’appliquer une procédure quelque peu formelle pour écarter un sous-amendement du Gouvernement n’est pas tout à fait conforme à cet esprit. Il ne faudrait pas raviver inutilement les tensions qui avaient marqué le début de nos échanges sur ce projet de loi.
M. Jean Desessard. Eh bien, il y a de la bagarre !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je rappelle que nous travaillons sous l’empire d’un règlement. La commission n’a fait que jouer son rôle, dans un climat tout à fait apaisé, qui nous a permis d’échanger utilement.
Que M. le ministre se rassure, comme les rapporteurs l’ont indiqué de manière extrêmement claire lors de la discussion générale, le Sénat entend examiner ce projet de loi dans un esprit constructif, en excluant les postures politiciennes. Nous voulons apporter notre pierre à l’élaboration d’une loi de la République, en y consacrant le temps qu’il faudra.
Il n’y a pas lieu, me semble-t-il, de s’étonner que, à certains moments, nos débats prennent un tour plus ou moins vif. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) À propos de l’application légitime d’un point du règlement, nous en sommes d’ailleurs restés à un degré très modeste sur l’échelle de Richter… Ce qui importe, c’est le débat de fond. Je souhaite que nous y revenions, monsieur le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. J’observe, monsieur le président de la commission spéciale, que votre souci du règlement ne se manifeste pas avec la même rigueur dans tous les cas de figure. Ainsi, la commission spéciale aurait dû, aux termes du règlement, être réunie en d’autres occasions au cours de cette journée, mais elle ne l’a pas été. Nous l’avons accepté, estimant que, sur le fond, cela ne soulevait pas de difficulté.
En revanche, vous vous êtes appuyé sur le règlement pour écarter un sous-amendement déposé par M. le ministre qui aurait mérité un débat de fond. Il n’y a pas de parallélisme des formes ! Un peu de courtoisie et d’objectivité seraient bienvenues, y compris dans l’application du règlement, qui ne doit pas être à géométrie variable.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 689 rectifié ter et 1450 rectifié.
Mme Catherine Procaccia. Je trouve un peu choquant que l’on puisse ainsi mettre en doute l’indépendance des experts : ce n’est pas parce qu’ils sont mandatés par une compagnie d’assurance qu’ils ne sont pas indépendants.
J’ai apprécié les réponses du rapporteur et du ministre : le coût de l’intervention d’un second expert, que les auteurs des amendements entendent mettre à la charge des assureurs, serait in fine répercuté sur les primes d’assurance. L’ensemble des assurés se trouveraient ainsi pénalisés, alors que seule une infime minorité d’entre eux contestent les évaluations des experts mandatés par les assureurs.
Mme la présidente. Madame Deromedi, l’amendement n° 1450 rectifié est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1450 rectifié est retiré.
Monsieur Cadic, l’amendement n° 689 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Dans un souci d’apaisement qui me semble à propos, je le retire également.
Mme la présidente. L’amendement n° 689 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 1451 rectifié bis, présenté par MM. Dallier et G. Bailly, Mme Bouchart, MM. Buffet, Calvet et Cambon, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Commeinhes et Delattre, Mmes Deromedi et di Folco, MM. Doligé, B. Fournier et J. Gautier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Hummel, M. Husson, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Leleux, Longuet et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau et MM. Milon, Morisset, Pellevat, Perrin, Raison et Saugey, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 121-17 du code des assurances, il est inséré un article L. 121-… ainsi rédigé :
« Art. L. 121-…En cas de sinistre si, dans les trois mois à compter de la remise de l’état des pertes par l’assuré, l’expertise n’est pas terminée, l’assuré a le droit de faire courir les intérêts par sommation ; si elle n’est pas terminée dans les six mois, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à l’assuré produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement a pour objet d’étendre les sanctions prévues en matière d’accidents de la circulation à tous les sinistres et à toutes les situations. Ainsi, il ne pourrait plus y avoir d’erreurs dans la réclamation ou le risque de paiement indu ou démesuré de l’assureur. Est également prévu le doublement de l’intérêt dû par l’assureur en cas de retard dans le paiement des indemnités.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement vise à étendre à toutes les polices d’assurance – assurance de responsabilité ou assurance de dommage – un mécanisme d’intérêts de retard prévu pour les polices d’assurance automobile. L’objectif, que l’on peut partager, est d’éviter des paiements trop tardifs de la part de l’assureur.
L’amendement fait référence à un texte qui concerne l’assurance contre l’incendie, c’est-à-dire une assurance de dommage. L’article L. 122-2 du code des assurances prévoit que « si, dans les trois mois à compter de la remise de l’état des pertes, l’expertise n’est pas terminée, l’assuré a le droit de faire courir les intérêts par sommation. Si elle n’est pas terminée dans les six mois, chacune des parties peut procéder judiciairement. »
Curieusement, le dispositif de l’amendement pourrait se révéler moins favorable à l’assuré, dans la mesure où il ne prévoit pas clairement, au terme d’un premier délai de trois mois, la saisine de la justice pour trancher le litige entre l’assureur et l’assuré. S’il faut comprendre que l’assuré doit saisir la justice après les trois premiers mois, il n’y a alors pas lieu de faire courir les intérêts, car la lenteur de la procédure d’indemnisation relève non plus de la responsabilité de l’assureur, mais du fonctionnement de la justice. On ne peut pas imputer à l’assureur le temps pris par la justice pour statuer. En tout état de cause, les contrats d’assurance doivent comporter des clauses relatives à ces questions de délais, sous le contrôle du juge.
Je comprends très bien l’objectif des auteurs de l’amendement, mais la rédaction de celui-ci recèle un certain nombre de difficultés qui ne permettent pas de l’adopter en l’état. Peut-être, une fois modifié, trouvera-t-il davantage sa place dans un autre véhicule législatif. Pour l’heure, je sollicite son retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Deromedi, l’amendement n° 1451 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1451 rectifié bis est retiré.
Article 11 bis AA (nouveau)
L’article L. 211-5-1 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de réparation d’un véhicule ayant subi un dommage garanti par le contrat, l’assuré peut se faire subroger par le réparateur de son choix dans l’exercice des droits qu’il détient à l’encontre de son assureur au titre de son indemnité d’assurance. » – (Adopté.)
Article 11 bis A
(Supprimé)
Article additionnel après l’article 11 bis A
Mme la présidente. L'amendement n° 746, présenté par Mme Lamure, M. Adnot, Mme Billon, MM. Bouchet, Cadic et Danesi, Mme Deromedi, MM. P. Dominati, Forissier, Joyandet et Kennel et Mme Primas, est ainsi libellé :
Après l’article 11 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2015, un rapport sur les conséquences pour les entreprises françaises du secteur textile des dispositions d’application du code des douanes communautaire attribuant principalement l’origine non préférentielle des produits textiles au pays où ils ont subi la dernière transformation substantielle, plutôt qu’au pays où la part la plus grande de leur valeur est créée, et sur l’opportunité d’une modification de ces dispositions afin de rendre prioritaire le critère de la valeur dans la détermination de l’origine non préférentielle des produits textiles.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Cet amendement ne plaira pas aux rapporteurs, puisqu’il s’agit d’une demande de rapport, faisant suite à un déplacement de la délégation sénatoriale aux entreprises dans le Rhône effectué le 6 mars.
Nous y avons rencontré les dirigeants d’une entreprise française qui figure parmi les leaders européens du vêtement professionnel. Ils ont notamment dénoncé les effets pervers de la réglementation du « made in France ». Alors que leurs produits sont conçus dans des bureaux d’études français, que leurs tissus sont fabriqués en France, que la valorisation, la commercialisation et même la finition de leurs produits se font en France, l’entreprise ne peut afficher le label « made in France », uniquement parce que la confection n’est pas réalisée sur le territoire national. Cela lui porte bien sûr préjudice.
En droit, le marquage de l’origine d’une marchandise repose sur son origine non préférentielle, déterminée par le code des douanes communautaire et par les dispositions d’application de ce code. Conformément à l’article 24 du code des douanes communautaire, la marchandise est réputée originaire du pays dans lequel a eu lieu la dernière transformation substantielle. Cette règle de « dernière ouvraison ou transformation substantielle » est appréciée selon des critères spécifiques aux produits.
Ainsi, l’un des critères principalement utilisés pour les produits textiles est celui de la confection complète, alors que, pour les autres produits, l’un des critères prédominants est celui de la valeur ajoutée : l’augmentation de la valeur acquise du fait de la transformation, et éventuellement de l’incorporation des pièces originaires du pays de fabrication, doit représenter un certain pourcentage du prix sortie usine du produit.
Nous souhaiterions qu’un rapport, qui ne serait pas récurrent, nous aide à comprendre comment est accordé le marquage de l’origine et comment il serait possible de mieux prendre en compte le critère de la valeur ajoutée pour les produits textiles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Cet amendement soulève une question fondamentale pour notre industrie textile, dont l’activité est entravée par un frein normatif inadapté. Les effets pervers de la réglementation du marquage « made in France » empêchent nos entreprises d’utiliser ce dernier alors même que leurs produits sont conçus dans des bureaux d’études français, que les tissus sont fabriqués en France, que la valorisation et la commercialisation de leurs produits se font en France. La réglementation du marquage « made in France » exige en effet que la confection soit réalisée sur notre territoire.
Par cohérence, la commission émet un avis défavorable, puisqu’il s’agit d’une demande de rapport, mais il serait bon que M. le ministre puisse nous donner son avis sur ce problème très important. Comment faire évoluer le code des douanes communautaire sur ce point ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Les règles qui définissent l’origine préférentielle des produits sont issues de réglementations douanières. Dans leurs grands principes, elles sont élaborées par des organisations internationales, principalement l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC. Elles sont ensuite précisées par l’Union européenne, pour ce qui concerne son territoire, après échanges avec les fédérations.
La législation applicable pour déterminer l’origine d’un produit est ainsi celle du code des douanes communautaire, en particulier ses articles 23 et 24. Elle s’impose de la même manière dans tous les pays de l’Union européenne.
Une marchandise possède toujours une origine non préférentielle, qui sert à l’application de mesures de politique commerciale de l’Union européenne tels que les contingentements ou les droits anti-dumping, ainsi qu’à la tenue des statistiques du commerce extérieur et au marquage de l’origine « made in ».
Nous ne pouvons pas modifier à notre main les règles prévues aux articles 23 et 24 du code des douanes communautaire, même si nous n’avons pas manqué de nous faire l’écho des préoccupations que vous relayez, madame la sénatrice. Mme Bricq en sait quelque chose.
Lorsque la fabrication d’un produit est répartie entre plusieurs pays, celui-ci possède l’origine du pays de la dernière transformation substantielle ou importante effectuée. Pour reprendre votre exemple du textile, le design, même s’il constitue une partie de la valeur ajoutée, ne représente pas la dernière transformation substantielle. S’il est réalisé dans notre pays, cela ne permet donc pas de bénéficier de l’étiquetage « made in France ».
Cela montre les limites d’une approche qui ne prend pas suffisamment en compte la chaîne de création de la valeur ajoutée dans son ensemble. Nous sommes en présence de deux logiques différentes. Les critères retenus pour l’étiquetage « made in France » peuvent avoir beaucoup de sens pour certains biens de consommation courante, dont les produits textiles, mais, en termes de création de valeur ou d’emplois, ils ne sont pas forcément les plus déterminants. Tout dépend du mode d’organisation de la chaîne de création de valeur.
S’agissant de la prise en compte de la valeur ajoutée pour la détermination de l’origine des produits textiles, la réponse au problème soulevé relève en fait moins d’un rapport administratif que d’un travail académique. En effet, l’administration des douanes n’est pas en mesure de reconstituer la chaîne de création de la valeur ajoutée à partir des informations qu’elle collecte.
Il existe des bases de données créées par des organisations internationales. L’Organisation mondiale du commerce, par exemple, a réalisé un travail très important sur la chaîne de création de valeur ajoutée, sous l’égide de son précédent directeur général, Pascal Lamy. L’OCDE a également produit des rapports extrêmement intéressants sur le sujet.
J’ajoute que, pour être crédible, l’approche par la valeur ajoutée doit rester contrôlable. Les règles d’origine non préférentielle sont suffisamment fines pour permettre une démarche par produit prenant en compte les modalités spécifiques de production qui justifient la reconnaissance du caractère originaire. C’est un peu différent de l’approche que vous cherchez ici à promouvoir.
Je suis donc sensible au problème que vous soulevez, madame Primas, mais la remise d’un rapport ne permettrait pas de répondre à votre préoccupation. Nous devons continuer à travailler sur la localisation de la création de la valeur ajoutée et de la création d’emplois dans les différentes filières, en lien avec l’OMC et l’Union européenne. Croyez bien que cette démarche est au cœur de la politique industrielle du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je suis sensible à l’argumentation de Mme la rapporteur, ainsi qu’à celle de M. le ministre : l’administration des douanes ne dispose pas de l’ensemble des informations nécessaires.
Je veux vraiment me faire ici la porte-parole d’entreprises qui subissent un préjudice concurrentiel important. La célèbre marinière porte l’étiquette « made in France » alors que la chaîne de création de la valeur n’est pas localisée dans notre pays…
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. J’ai participé à la visite d’entreprise évoquée par Mme Primas. Il est effectivement assez désolant que des entreprises qui créent de la valeur dans notre pays en amont et en aval ne puissent bénéficier du label « qualité France ». Je n’ai jamais été un farouche défenseur de l’étiquetage « made in France » : comme l’a montré le ministre, dont je salue l’effort de pédagogie, il s’agit d’une affaire complexe, certes pas facile à comprendre pour les dirigeants des entreprises que j’évoquais à l’instant.
Les travaux réalisés sur les chaînes de création de valeur mondiales, notamment par l’OMC sous la direction de Pascal Lamy, ont été portés à la connaissance de l’OCDE, qui travaille à la modification des critères dans tous les pays développés. Si l’on raisonne en fonction de ces chaînes de création de valeur, il apparaît que notre premier partenaire est non pas l’Allemagne, mais les États-Unis… Ces changements de critères peuvent modifier notre perception des échanges.
Pour conclure, sans vouloir être désagréable, je ferai remarquer à Mme la rapporteur qu’une demande de rapport peut quelquefois se justifier. Loin d’empiéter sur le travail des commissions, un rapport peut au contraire l’alimenter. Nous ne disposons pas forcément d’autant d’éléments d’information que le Gouvernement. Il ne faut donc pas avoir une attitude trop rigide à l’égard des demandes de rapport : la règle que vous avez posée, madame la rapporteur, peut souffrir des exceptions.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je vais casser l’ambiance… (Sourires.)
À droite de l’hémicycle, vous ne cessez de dénoncer la disparition de l’emploi industriel en France, et vous proposez maintenant d’accorder le label « made in France » à des produits textiles dont la confection n’est pas réalisée dans notre pays. Or « made in France » signifie fabriqué en France ! Inventez un logo « pensé en France » ou « valeur ajoutée créée en France », si vous voulez !
Vous dites que des entreprises subissent un préjudice du fait qu’elles ne bénéficient pas du label « made in France », mais la raison d’être de celui-ci est justement de valoriser la production française. Le peuple français désire que l’on produise en France, que l’on crée ou maintienne des emplois en France ! (Mme Sophie Primas proteste.) Si l’on suit votre logique, alors il suffira que quelqu’un ait fait un croquis sur le territoire national pour que le vêtement puisse bénéficier du label « made in France » ! C’est absurde, il faut fixer des limites !
En tout état de cause, il est tout à fait positif que des entreprises souhaitent se prévaloir du label « made in France » : cela témoigne d’une volonté de nos concitoyens d’acheter français, pour contribuer au maintien de l’emploi industriel dans notre pays.
Il faut être sérieux : on ne peut pas à la fois dénoncer la fracture territoriale, la désindustrialisation, et vouloir revenir en arrière sur le « made in France » ! Il me semble au contraire que nous devons nous féliciter de l’intérêt suscité par ce logo, qui valorise les produits fabriqués en France. Je peux comprendre que le ministère de l’économie veuille conduire une réflexion plus générale sur la prise en compte de l’ensemble de la chaîne de création de la valeur ajoutée, mais n’oublions pas que le label « made in France » contribue à la sauvegarde de l’emploi industriel dans notre pays.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Le problème signalé par Mme Primas est réel. Pourquoi ne pas confier à des étudiants d’une grande école de commerce le soin de réaliser, pour le compte de la commission des affaires économiques du Sénat, une enquête sur la chaîne de création de valeur ? On pourrait envisager d’attribuer le label « made in France » dès lors que cette chaîne est localisée à 80 % au moins dans notre pays, par exemple. Après tout, le Parlement européen a considéré que du chocolat pouvait comporter un certain pourcentage de lécithine de soja sans cesser d’être commercialisé sous le nom de « chocolat »…
M. Jean Desessard. Il y aura une petite touche de France !
Mme Nathalie Goulet. Monsieur Desessard, il y a une différence entre réfléchir à une solution, ou en tout cas étudier l’ensemble des paramètres, et décider. Pourquoi se crisper ? Le moins que le Sénat puisse faire est de s’efforcer de trouver une solution à un problème qui a été soulevé sur le terrain par des entreprises dont notre assemblée se veut proche. Il y va de notre crédibilité ! La réponse ne passe sans doute pas par l’élaboration d’un rapport administratif ; il me semble préférable de s’appuyer sur la contribution d’une école de commerce. En tout cas, les entreprises attendent une réponse !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Desessard. Ah !
M. Emmanuel Macron, ministre. J’ai indiqué à Mme Primas que, compte tenu des critères d’attribution du label « made in France », un produit ne peut en bénéficier que si la dernière transformation substantielle s’effectue en France. Dans ces conditions, une production peut créer beaucoup d’emplois et de valeur ajoutée dans notre pays sans être étiquetée « made in France ».
Par exemple, les composants et les équipements d’une voiture peuvent être fabriqués en France dans des entreprises qui emploient des milliers de nos compatriotes, mais si l’assemblage s’effectue en Allemagne, le véhicule sera estampillé « made in Germany ». Pourtant, nous nous serons peut-être battus pour que lesdits équipementiers demeurent localisés en France ! À l’inverse, si une voiture est assemblée en France alors que toutes ses pièces ont été produites à l’étranger par des sous-traitants, elle sera « made in France »…
Par conséquent, on voit bien que cette étiquette, au sujet de laquelle on fait beaucoup de bruit, n’est pas forcément la plus pertinente. Elle a son importance sur un plan consumériste, afin de mobiliser nos concitoyens en faveur de la défense de l’emploi en France. Cependant, compte tenu des critères mêmes de l’OMC et de l’Union européenne qui déterminent l’attribution du label « made in France », ce dernier n’est pas pleinement satisfaisant.
Si nous voulons mettre en œuvre une vraie politique industrielle, une vraie politique d’emploi, il faut aller au-delà du simple affichage. Allons au bout de votre logique, monsieur le sénateur, et regardons ce qui, dans un produit, est effectivement fabriqué en France. Nous devons avoir cette exigence. C’est exactement le sens de notre politique industrielle en matière d’automobile. À l’automne dernier, j’ai lancé une plateforme automobile, chargée d’examiner les choses filière par filière. Nos constructeurs ont conduit des politiques différentes, mais le nombre de voitures produites en France a été quasiment divisé par deux entre 2003 et 2014 ! A contrario, des sous-traitants de rang un se portent très bien, parce qu’ils travaillent de plus en plus pour les constructeurs allemands. Par conséquent, les critères du « made in France » ne permettent pas, à eux seuls, d’appréhender de manière satisfaisante la création d’emplois et de valeur ajoutée dans notre pays.
Nous devons raisonner par filière. Une politique industrielle ne se résume pas au « made in France » !
Mme la présidente. Madame Primas, l'amendement n° 746 est-il maintenu ?
Mme Sophie Primas. Non, je le retire, madame la présidente.
Je voudrais répondre aux propos enflammés de M. Desessard. Venant d’une terre ouvrière, vouée à la production automobile, je suis attachée à la promotion du produire en France, mais l’entreprise que nous avons visitée n’existerait plus si elle n’avait pas fait le choix, à un moment donné, de délocaliser à l’étranger la confection de ses produits. Un grand nombre d’emplois dans les domaines de la conception, de la logistique, de la finition, de la création de tissus auraient disparu. Gardons-nous des raccourcis enflammés de fin de soirée ! (Exclamations amusées.)
Mme la présidente. L'amendement n° 746 est retiré.
Article 11 bis B
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Au 1° du VIII de l’article L. 141-1 et à la fin du deuxième alinéa de l’article L. 421-6, les mots : « proposé ou destiné au consommateur » sont remplacés par les mots : « destiné au consommateur, y compris dans ceux qui ne sont plus proposés » ;
2° (nouveau) Après les mots : « à supprimer », la fin du premier alinéa de l’article L. 421-2 est ainsi rédigée : « une clause illicite dans le contrat ou le type de contrat destiné aux consommateurs, y compris dans ceux qui ne sont plus proposés. »
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. L’article 11 bis B prévoit plusieurs modifications du code de la consommation.
Je souhaite profiter de cette prise de parole pour évoquer la question de l’assistance en justice par les associations de consommateurs. En effet, depuis de nombreuses années, les consommateurs se trouvent quelquefois démunis pour engager une action contre une société. Ils se retrouvent ainsi pénalisés dans des procédures dont ils ne maîtrisent pas toujours toutes les subtilités.
Les associations de consommateurs pourraient assister tout consommateur devant les juridictions civiles et pénales dans le cadre d’un litige avec un professionnel dès lors que la représentation par un avocat n’est pas obligatoire.
En effet, en l’état actuel des choses, les possibilités d’action des associations de consommateurs en termes d’assistance en justice des particuliers sont extrêmement restreintes. Le coût d’un procès décourage très souvent les consommateurs d’engager une procédure afin d’obtenir réparation d’un dommage.
L’ouverture d’une possibilité d’assistance par les organisations de consommateurs au bénéfice des justiciables lésés qui en feraient la demande faciliterait très certainement l’accès à la justice de ceux-ci.
Cette possibilité d’assistance dans le cadre d’un litige avec un professionnel devrait être pleinement reconnue aux associations de consommateurs, à l’instar de ce qui se pratique aujourd’hui pour les procès prud’homaux.
Puisque ce projet de loi vise à redonner confiance aux consommateurs et à instaurer l’égalité des chances économiques, il ne faudrait pas que nos débats oublient nos concitoyens les plus modestes, ceux qui sont dans l’ignorance de leurs droits.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 1554, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Au 1° du VIII de l’article L. 141-1, au premier alinéa de l’article L. 421-2 et au deuxième alinéa de l’article L. 421-6, après la seconde occurrence du mot : « contrat », sont insérés les mots : « en cours ou » ;
2° Au 1° du VIII de l’article L. 141-1 et au dernier alinéa des articles L. 421-2 et L. 421-6, les mots : « , y compris les contrats qui ne sont plus proposés, » sont supprimés.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à préciser que la faculté d’intenter une action en suppression de clauses illicites ou abusives dans les contrats de consommation reconnue à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et aux associations de consommateurs agréées concerne également les contrats en cours.
Il s’agit donc d’un amendement de clarification destiné à préciser cette disposition et à la mettre en cohérence avec la loi Hamon.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement vise à apporter une simplification rédactionnelle bienvenue. Je suggérerai toutefois de le rectifier – et non de le sous-amender (Sourires.) –, afin de remplacer, à la fin du 1°, les mots « en cours ou » par les mots « en cours ou non, ».
Mme la présidente. Acceptez-vous cette proposition de rectification, monsieur le ministre ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Madame la présidente, après concertation avec moi-même, j’accepte cette rectification, qui ne fera pas l’objet d’une quelconque procédure… (Sourires.)
Mme la présidente. Il s’agit donc de l'amendement n° 1554 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Au 1° du VIII de l’article L. 141-1, au premier alinéa de l’article L. 421-2 et au deuxième alinéa de l’article L. 421-6, après la seconde occurrence du mot : « contrat », sont insérés les mots : « en cours ou non, » ;
2° Au 1° du VIII de l’article L. 141-1, au second alinéa de l'article L. 421-2 et au dernier alinéa de l'article L. 421-6, les mots : « , y compris les contrats qui ne sont plus proposés, » sont supprimés.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 320 rectifié est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 832 rectifié bis est présenté par MM. Cornano, Antiste, Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Patient.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et à obtenir réparation de tous préjudices directs ou indirects qui résultent de tout agissement illicite ou clause illicite, y compris après la cessation dudit agissement ou la suppression de ladite clause
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le premier alinéa de l’article L. 421-6 est complété par les mots : « et obtenir réparation de tous préjudices directs ou indirects qui résultent d’un agissement illicite, y compris après sa cessation » ;
L'amendement n° 320 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Jacques Cornano, pour présenter l'amendement n° 832 rectifié bis.
M. Jacques Cornano. Cet amendement tend à donner toute son effectivité à l’action en cessation d’agissement illicite et en suppression des clauses illicites et à mettre fin au cadre limité de l’action dite préventive.
En effet, la jurisprudence ne permet pas aux associations de consommateurs d’obtenir réparation du préjudice à l’intérêt collectif dès lors que l’agissement illicite a cessé. Or il est souvent difficile d’agir pendant que l’agissement a cours, ce qui rend alors impossible toute action des associations agréées de consommateurs.
Il apparaît donc nécessaire de compléter les articles L. 421-2 et L. 421-6 du code de la consommation afin de permettre aux associations de consommateurs d’obtenir réparation de tout préjudice à l’intérêt collectif et ainsi de donner un caractère pleinement dissuasif à cette possibilité d’action des associations.
Mme la présidente. L'amendement n° 1057, présenté par M. Vergès, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La section 8 du chapitre III du titre II du livre IV du code de la consommation est complétée par un article L. 423-26-… ainsi rédigé :
« Art. L. 423-26-… – Dans le cas d’un litige survenant dans un département ou une collectivité d’outre-mer, toute association de défense des consommateurs représentative au niveau local et agréée en application de l’article L. 411-1 peut demander au juge, à compter de sa saisine en application de l’article L. 423-1 et à tout moment, sa substitution dans les droits de l’association requérante, en cas de défaillance de cette dernière. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Lorsque l’on parle d’associations de consommateurs, on fait référence uniquement à des organisations ayant une représentativité au niveau national. En clair, cela veut dire que seules les associations de consommateurs agréées au niveau national sont autorisées à ester en justice. Par voie de conséquence, sont exclues de cette possibilité les nombreuses associations de consommateurs représentées seulement en outre-mer.
Les associations ultramarines de défense des consommateurs existent légalement ; elles sont agréées au sens de l’article L. 411-1 du code de la consommation. Elles fonctionnent quotidiennement et personne, jusqu’à présent, n’a soulevé la moindre objection quant à leur existence ou à leur rôle. Si elles existent, c’est bien parce que les départements et régions d’outre-mer connaissent des situations profondément différentes de celles que l’on rencontre en France métropolitaine, ou continentale.
C’est un point fondamental qui ne peut être remis en cause. Ainsi, les prix sont plus élevés outre-mer qu’ici. On y relève des positions anticoncurrentielles, la présence d’un nombre limité d’acteurs sur les marchés, ce qui facilite le maintien de cartels, d’arrangements, de collusions. Ces spécificités économiques des outre-mer sont souvent méconnues des seize associations « nationales » référencées dans la loi relative à la consommation, alors qu’elles sont parfaitement maîtrisées par les associations des outre-mer.
Qui peut certifier que les associations nationales peuvent défendre les intérêts de consommateurs habitant à 6 000 ou à 10 000 kilomètres ? Le plus efficace n’est-il pas de mobiliser les forces locales déjà en place ? Que deviendront les consommateurs ultramarins lésés quand les associations nationales refuseront d’engager des démarches parce qu’elles estimeront que leur nombre n’est pas suffisamment important ?
Par ailleurs, les seize associations agréées ne sont pas toutes présentes en outre-mer. Il y a donc un risque réel d’inégalité d’accès à l’action de groupe. En outre, le seul coût du billet d’avion est dissuasif.
Le refus d’accorder aux associations d’outre-mer le droit d’ester en justice reposerait-il sur leur supposé manque de savoir-faire ou d’expertise ? C’est l’argument qui avait été avancé par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, argument que nous ne saurions davantage accepter aujourd’hui.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. L’amendement n° 832 rectifié bis vise à revenir sur une jurisprudence de la Cour de cassation qui refuse aux associations agréées d’engager une action en réparation si le trouble à l’origine du préjudice a cessé.
Afin de contrer cette jurisprudence, cet amendement tend à instituer l’action en réparation en action indépendante de toute autre action. C’est d’ailleurs quelque chose d’assez nouveau, puisque le législateur a, jusqu’à ce jour, toujours refusé d’autoriser les associations agréées à agir à des fins indemnitaires indépendamment d’une autre action collective ou de l’action individuelle d’un consommateur.
La rédaction proposée pose plusieurs problèmes.
En premier lieu, elle vise non seulement l’action en cessation d’agissement illicite, mais aussi l’action civile qui intervient dans le cadre d’une poursuite pénale. Or la jurisprudence précédemment évoquée ne concerne que la première action, et pas la seconde.
En second lieu et surtout, on peut douter de l’opportunité de la disposition, l’association pouvant d’ores et déjà agir pour obtenir réparation dans trois cas : lorsque le trouble est toujours en cours ; lorsqu’il est constitutif d’une infraction pénale, même s’il a cessé ; lorsqu’un consommateur a lui-même demandé réparation.
L’amendement ne concernerait donc qu’un quatrième cas, celui d’un trouble qui aurait cessé, qui ne correspondrait pas à une infraction pénale et contre lequel aucun consommateur n’aurait souhaité agir. Quand on sait que l’indemnité prononcée par les juges en matière de préjudice porté à l’intérêt collectif des consommateurs se traduit généralement par le versement de l’euro symbolique, on peut raisonnablement s’interroger sur l’intérêt ou la portée pratique de la modification proposée.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 11 bis B est ainsi rédigé, et les amendements nos 832 rectifié bis et 1057 n’ont plus d’objet.
Articles additionnels après l'article 11 bis B
Mme la présidente. L'amendement n° 1431 rectifié, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'article 11 bis B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 221-2 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’interdiction de détention en vue de la vente, de mise en vente et de cession à quelque titre que ce soit, de toutes variétés de fibres d’amiante, que ces substances soient ou non incorporées dans des matériaux, produits ou dispositifs, ne s’applique ni aux véhicules automobiles, ni aux aéronefs, ni aux véhicules, matériels et appareils agricoles et forestiers cédés en vue de leur destruction ou de la préservation du patrimoine. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement ne va pas nous faire gagner un point de croissance, mais il fera sûrement plaisir à un certain nombre de personnes, puisqu’il s’agit de permettre explicitement à la Direction générale de l’armement de céder des avions légers d’entraînement de l’armée de l’air.
Ces avions français servent depuis trente ans à l’apprentissage des jeunes pilotes. Ils ne sont plus aujourd’hui utilisés par l’armée de l’air, mais sont conservés sur la base de Châteaudun. Le TB-30 Epsilon est le dernier appareil français utilisé par l’armée de l’air que des pilotes civils peuvent envisager de posséder pour une utilisation dans le cadre de la réglementation sur les avions de collection. Cela n’est pas possible aujourd’hui. Ces avions sont promis à l’exportation ou à une casse coûteuse pour cause de présence potentielle, ou le cas échéant tout à fait minime, d’amiante.
Il serait dramatique de ne pas permettre que ces avions, qui représentent une part importante du patrimoine industriel et aéronautique français, restent sur le sol national.
Cet amendement vise par conséquent à permettre la conservation de ces avions et leur vente à des fins d’utilisation personnelle et de collection.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement un peu particulier vise à permettre à la Direction générale de l’armement de céder certains avions d’entraînement à des pilotes civils en vue de la préservation du patrimoine industriel aéronautique, alors que ces avions contiennent des fibres d’amiante.
Mme Nathalie Goulet. Peuvent contenir !
M. François Pillet, corapporteur. Tel que l’amendement est rédigé, la dérogation prévue est cependant beaucoup plus large, puisqu’il s’agirait d’autoriser la cession de tous les véhicules automobiles, aéronefs, véhicules, matériels agricoles qui contiennent des fibres d’amiante.
Compte tenu du risque sanitaire avéré que représente l’amiante, je ne saurais émettre un avis favorable. Il convient de souligner l’absence d’étude d’impact de cette dérogation et son caractère excessivement large.
Quant à la question très spécifique de la cession de ces avions d’entraînement, nous aimerions connaître, monsieur le ministre, l’avis du Gouvernement. Si elle pouvait être réglée d’ici à la prochaine loi de programmation militaire, cela nous éviterait peut-être de nous pencher ce soir sur cet amendement un peu particulier.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. J’ai le plaisir de vous annoncer la commande, par le Gouvernement indien, de trente-six Rafale, ce qui constitue une bonne nouvelle pour notre économie, notre industrie de défense et la loi de programmation militaire !
M. Jean Desessard. Vous n’avez que de bonnes nouvelles depuis que vous êtes avec nous, monsieur le ministre !
M. Emmanuel Macron, ministre. C’est exact, et la semaine n’est pas encore terminée : je compte beaucoup sur les prochains jours ! (Sourires.)
Le dispositif de votre amendement, madame la sénatrice, mérite d’être expertisé dans le détail par la Direction générale de l’armement. Le problème a été soumis à cette dernière, qui apportera les réponses nécessaires. Je m’engage à les transmettre à l’ensemble des signataires de l’amendement.
Vous soulevez un problème très spécifique. Il me semble que si un aménagement devait être apporté, il relèverait sans doute davantage du domaine réglementaire que du domaine législatif. Quoi qu’il en soit, la Direction générale de l’armement s’est engagée à apporter toutes les clarifications utiles ; je vous les transmettrai dès que je les aurai reçues.
Au bénéfice de cet engagement, je vous invite à retirer votre amendement, madame la sénatrice.
Mme la présidente. Madame Goulet, l'amendement n° 1431 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Je le retire, madame la présidente. J’attends avec gourmandise, monsieur le ministre, les éclaircissements que vous vous êtes engagé à nous fournir. J’espère qu’une solution pourra être trouvée et que quelques rentrées d’argent permettront de renflouer la Direction générale de l’armement, et donc d’améliorer l’exécution de la loi de programmation militaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 1431 rectifié est retiré.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 319 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 384 est présenté par Mme Schillinger.
L'amendement n° 831 rectifié bis est présenté par MM. Cornano, Antiste, Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Patient.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11 bis B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le titre II du livre IV du code de la consommation est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Assistance en justice
« Art. L. 424-... – Les associations mentionnées à l'article L. 421-1 peuvent assister tout consommateur devant les juridictions civiles et pénales dans le cadre d’un litige avec un professionnel dès lors que la représentation par un avocat n’est pas obligatoire. »
Les amendements nos 319 et 384 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Jacques Cornano, pour présenter l'amendement n° 831 rectifié bis.
M. Jacques Cornano. Cet amendement vise à remédier à la situation actuelle, dans laquelle les possibilités d’action des associations de consommateurs en termes d’assistance en justice des justiciables particuliers sont restreintes.
En effet, alors même que le coût d’un procès décourage très souvent les consommateurs, l’ouverture d’une possibilité d’assistance par les organisations de consommateurs au bénéfice du justiciable lésé qui en ferait la demande faciliterait très certainement l’accès à la justice de ce dernier.
Les frais d’avocat étant bien souvent dissuasifs, cet amendement vise à permettre aux associations de consommateurs d’accompagner le justiciable au procès et d’intervenir à ses côtés. Cette possibilité d’assistance, à l’instar de ce qui existe aujourd’hui dans les procès prud'homaux, devrait ainsi être pleinement reconnue aux associations de consommateurs dans le cadre d’un litige avec un professionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement tend à donner compétence aux associations de consommateurs pour assister les justiciables devant les juridictions où la représentation n’est pas obligatoire.
Une telle disposition se heurterait à la règle selon laquelle « nul ne plaide par procureur ». Elle ferait des associations munies d’un mandat du consommateur une véritable partie au procès, ce qui serait tout à fait nouveau dans notre procédure civile.
Je rappelle que rien n’interdit aux associations d’aider le consommateur dans la constitution de son dossier ni de le conseiller dans la conduite de la procédure.
En revanche, permettre aux associations d’assister le justiciable devant les juridictions, ce serait leur faire endosser, sans les mêmes garanties, le rôle d’un auxiliaire de justice ou d’un avocat. Vous imaginez les actions en responsabilité dont elles pourraient faire, dans certains cas, l’objet !
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Cornano, l'amendement n° 831 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jacques Cornano. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 260 rectifié, présenté par MM. Guillaume et Bigot, Mme Bricq, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 3 du chapitre Ier du titre II du livre IV du code de la consommation est ainsi rédigée :
« Section 3
« Action conjointe et intervention en justice
« Art. L. 421-7. – À l’occasion d’une action introduite devant les juridictions civiles et ayant pour objet la réparation d’un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs à raison de faits non constitutifs d’une infraction pénale, les associations mentionnées à l’article L. 421-1 peuvent agir conjointement ou intervenir pour obtenir réparation de tout fait portant un préjudice, direct ou indirect, à l’intérêt collectif des consommateurs et demander, le cas échéant, l’application des mesures prévues à l’article L. 421-2. »
La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Cet amendement vise à rétablir l’article 11 bis C, supprimé par la commission spéciale sur l’initiative de son corapporteur M. Pillet.
Il s’agissait d’un article important du projet de loi en ce qu’il visait à élargir les possibilités d’action des associations de consommateurs pour ce qui est de l’assistance en justice des particuliers. Concrètement, il permettait aux associations de consommateurs d’agir conjointement ou d’intervenir pour obtenir réparation de tout fait portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs. Il constituait donc un progrès incontestable pour les droits et la protection des consommateurs. C’est pourquoi la suppression de cet article par la commission spéciale nous paraît regrettable et infondée.
En commission, M. Pillet a développé trois arguments à l’appui de cette suppression. Je voudrais répondre à chacun d’entre eux.
Premier argument : l’article, qui permet à une association de consommateurs d’engager une action conjointement avec un particulier, ne va pas assez loin puisqu’il ne donne pas compétence à l’association pour engager elle-même cette action. Le propos du corapporteur et la conclusion qu’il en tire sont assez surprenants : je n’ai jamais vu qu’on refusât un droit nouveau aux consommateurs sous prétexte que celui-ci n’irait pas assez loin…
Si M. Pillet regrette que le texte ne permette pas à une association d’engager elle-même l’action, il lui était possible de proposer un amendement en ce sens, mais il ne fallait sûrement pas supprimer purement et simplement cet article qui renforce les droits des consommateurs.
Deuxième argument : l’action est incorrectement dénommée. L’amendement que nous proposons vise à corriger ce point du texte issu de l’Assemblée nationale. Là encore, le rapporteur était tout à fait en situation d’amender ce point de détail, au lieu de supprimer un article qui crée un droit.
Troisième et dernier argument : le dispositif ne précise pas ce qu’il advient de l’action de l’association de consommateurs si le particulier avec lequel elle a engagé conjointement la procédure renonce à son action. Or les règles relatives au désistement d’action sont déjà prévues dans le code de procédure civile !
Les objections formulées par le corapporteur étant, selon nous, infondées, nous proposons de rétablir cet article, qui permettra de renforcer les droits des consommateurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Tout d’abord, je voudrais vous donner acte, mon cher collègue, de la modification que vous avez apporté à l’intitulé de l’action dans votre amendement. Pour autant, je maintiens mon argumentation, qui avait convaincu la commission spéciale.
L’action est introduite conjointement par l’association de consommateurs et au moins un particulier. Que se passera-t-il si ce consommateur se désiste ? L’action de l’association tombe-t-elle de ce fait, dans la mesure où cette dernière n’a pas le pouvoir de l’introduire seule ? C'est là l’élément qui pose problème.
Par ailleurs, en pratique, la procédure proposée permettait à une association de consommateurs de rédiger seule l’assignation, en limitant l’intervention du consommateur à l’apposition de sa signature au bas de ce document, puis de conduire pour lui l’ensemble de la procédure. C’est donner fort peu de poids à l’exigence de rattachement de l’action de l’association de consommateurs à l’action individuelle d’un consommateur. Dans ce cas, autant supprimer cette exigence de rattachement, réduite à la portion congrue ! En tant que corapporteur, je n’ai nullement l’intention de présenter un amendement allant en ce sens.
À mes yeux, le dispositif n’est pas abouti. C'est la raison qui a justifié sa suppression par la commission spéciale. Or, en dehors de la correction que vous avez apportée à l’intitulé de l’action, le texte n’a pas changé : vous n’apportez donc pas de réponses aux interrogations que je viens de soulever.
Par conséquent, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est évidemment favorable à cet amendement.
Des modifications, que vous avez rappelées, monsieur Vaugrenard, ont été apportées au dispositif, comme l’a reconnu à l’instant M. le corapporteur.
Actuellement, les associations de consommateurs ne peuvent qu’intervenir dans une instance civile déjà engagée par un ou plusieurs consommateurs. Le rétablissement de l’article 11 bis C dans le texte proposé permettra aux associations de consommateurs agréées de prêter assistance aux particuliers pour la reconnaissance de leurs droits et de garantir une meilleure effectivité du droit de la consommation, pour la défense de l’intérêt collectif des consommateurs.
Afin de répondre à l’interrogation de M. le corapporteur, je précise que, l’association de consommateurs agissant conjointement avec un particulier, la procédure peut continuer si le consommateur se désiste. Il n’y a aucune ambiguïté sur ce point. C'est une réponse à l’argument « à charge », si je puis dire, avancé contre l’amendement de rétablissement de l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Depuis les années soixante-dix, le droit français de la consommation s’est fortement développé, mais on a systématiquement considéré, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, qu’il fallait tout ériger en infraction pénale pour protéger le consommateur.
Or le dispositif prévu dans cet article vise l’action d’une association conjointement à celle d’un consommateur, et ce en l’absence d’infraction pénale.
C’est toute une culture qu’il faut changer, comme on le fait d’ailleurs avec l’Autorité de la concurrence. On se rend bien compte, aujourd’hui, que le monde de l’économie doit être un monde de dialogue ; si le dialogue peut aussi se faire en justice, il ne doit pas forcément passer par la sanction pénale.
C’est la raison pour laquelle l’article tel qu’il a été rédigé à l'Assemblée nationale nous semble être une bonne mesure. Il permettra à des associations, si elles en ont les moyens – très peu d’associations ont mené jusqu’à présent de telles actions –, de permettre aux consommateurs d’être défendus sans qu’il soit forcément nécessaire d’aller devant les tribunaux correctionnels, car ce n’est pas forcément la bonne méthode en matière économique !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 260 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 135 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 150 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, l'article 11 bis C demeure supprimé.
Article 11 bis
(Non modifié)
I. – Le chapitre VII du titre Ier du livre IX du code de commerce est complété par un article L. 917-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 917-6. – L’article L. 752-5-1 n’est pas applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon. »
II. – Le chapitre VII du titre II du même livre IX est complété par un article L. 927-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 927-4. – L’article L. 752-5-1 n’est pas applicable au Département de Mayotte. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 677 rectifié est présenté par Mme Claireaux et MM. S. Larcher, Patient et J. Gillot.
L'amendement n° 1696 est présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Karine Claireaux, pour présenter l’amendement n° 677 rectifié.
Mme Karine Claireaux. Il s'agit d’un amendement de cohérence.
L'article 11 bis précise les modalités d'adaptation de l’article L. 752-5-1 du code de commerce à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte. Or cet article, créé par l'article 10 du projet de loi, a été supprimé par la commission spéciale du Sénat.
Il convient donc de supprimer également l'article 11 bis, devenu sans objet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, pour présenter l’amendement n° 1696.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il s’agit effectivement d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 677 rectifié et 1696.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 11 bis est supprimé.
Article 11 ter A
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article L. 117-1 du code de la consommation est supprimé.
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le présent texte tend à assurer une meilleure transparence au bénéfice des consommateurs. Or nous pensons que l’article 11 ter A aura pour effet d’opacifier l’information des consommateurs quant à l’origine et aux modalités de production des produits.
L’article L. 117-1 du code de la consommation dispose que « le fabricant, le producteur ou le distributeur d’un bien commercialisé en France transmet au consommateur qui en fait la demande et qui a connaissance d’éléments sérieux mettant en doute le fait que ce bien a été fabriqué dans des conditions respectueuses des conventions internationales relatives aux droits humains fondamentaux toute information dont il dispose […] ».
Dès lors, il apparaît contradictoire de vouloir supprimer le dernier alinéa de cet article, qui énumère les conventions en question.
Dans notre pays, comme dans les autres pays de l’Union européenne, l’origine exacte des produits mis en vente est indiquée sur l’emballage, garantissant aux consommateurs une meilleure information. De récents témoignages ont démontré, ces derniers mois, que certains fabricants ne respecteraient pas les conventions internationales. C’est notamment le cas pour les produits informatiques ou les téléphones mobiles.
Notre consommation ne peut pas reposer sur l’exploitation de drames humains et sociaux qui se jouent à l’autre bout de la Terre.
Pour notre part, nous estimons que les dispositions de l’article 11 ter A réduiront considérablement les garanties offertes aux consommateurs. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’article L. 117-1 du code de la consommation permet au consommateur d’obtenir des informations sur les conditions sociales de fabrication de biens commercialisés en France.
Le Gouvernement ayant publié, le 16 mars dernier, le décret d’application de ce texte, il est parfaitement logique de maintenir le renvoi à celui-ci, qui figure dans le droit en vigueur.
Par conséquent, la commission est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean Desessard. Mais que vous arrive-t-il, chers collègues communistes ? (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. Heureusement qu’ils sont assis ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 11 ter A est supprimé.
Article 11 ter B
(Non modifié)
L’article L. 121-102 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, le mot : « vingt-quatre » est remplacé par le mot : « quarante-huit » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;
3° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’exercice du droit de rétractation met fin aux obligations des parties. Le consommateur rembourse au professionnel le prix perçu et, en contrepartie, ce dernier lui restitue le ou les objets achetés. À défaut de restitution du ou des objets achetés, le professionnel verse au consommateur une somme équivalente au double de la valeur du ou des objets achetés. »
Mme la présidente. L'amendement n° 1558, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. L’article 11 ter B prévoit de porter de vingt-quatre à quarante-huit heures le délai de rétractation pour les contrats d’achat de métaux précieux par les professionnels aux particuliers, en contrepartie d’une exécution des obligations des parties dès la conclusion du contrat.
Cet aménagement suscite des réticences de la part des professionnels, qui craignent pour la sécurité de leurs établissements. En effet, les métaux achetés devraient être conservés par ces derniers jusqu’à l’expiration du délai de rétractation.
Par ailleurs, la suspension des obligations contractuelles pendant la période au cours de laquelle le consommateur peut revenir sur son engagement constitue la meilleure garantie de l’exercice effectif, par celui-ci, de son droit de rétractation.
En conséquence, mieux vaut s’en tenir, dans l’immédiat, à une application des dispositions actuelles de l’article L. 121-102 du code de la consommation, article issu de la loi dite « Hamon », et en faire un premier bilan avant d’envisager toute modification du cadre législatif applicable. C’est l’objet du présent amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Les articles L. 121-102 et suivants, prévoit, pour la vente de métaux précieux par un consommateur à un professionnel, un droit de rétractation d’une durée de vingt-quatre heures.
L’article 11 ter B, approuvé par la commission spéciale, porte ce délai de rétractation à quarante-huit heures.
Selon le Gouvernement, les professionnels craignent que ce délai supplémentaire de vingt-quatre heures ne leur fasse courir un risque sur le plan de la sécurité.
Cependant, la protection du consommateur justifie le maintien de la position de la commission spéciale, d’autant que l’évolution de ces dernières années se caractérise par une augmentation générale des délais de rétractation.
Au demeurant, les outils de lutte contre l’insécurité et la criminalité ne relèvent pas, me semble-t-il, du droit de la consommation.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1558.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 136 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 141 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 11 ter B.
(L'article 11 ter B n'est pas adopté.)
Article 11 ter
La première phrase de l’article L. 423-6 du code de la consommation est complétée par les mots : « ou, si l’association le demande, sur un compte ouvert, par l’avocat auquel elle a fait appel en application de l’article L. 423-9, auprès de la caisse des règlements pécuniaires des avocats du barreau dont il dépend ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. L’article 11 ter concerne l’action de groupe.
Sans entrer dans les détails de cet article, je souhaite, dans un premier temps, rappeler la position de notre groupe sur cette action, introduite dans notre droit par la loi relative à la consommation.
Depuis de nombreuses années, nous appelions de nos vœux la création d’une action de groupe. Nous avions d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens.
Dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi, nous avions rappelé les principes devant présider à la création d’une action de groupe : celle-ci doit être ouverte au niveau tant de la saisine que de son champ d’application matériel et humain ; elle doit pouvoir être intentée quel que soit le domaine, et ce dans l’ordre judiciaire aussi bien qu’administratif ; comme en Suède, au Portugal et au Québec, le champ d’application de cette action doit être le plus large possible, car les préjudices ne se cantonnent pas au droit de la consommation.
En effet, nous pensons qu’il est non seulement légitime, mais aussi impératif que tous les domaines du droit puissent être couverts par cette action. Un comportement, un fait relevant du droit de l’environnement, du droit financier ou encore du droit de la santé peuvent porter préjudice à une multitude d’individus ; il serait donc logique qu’un groupe puisse se constituer en vue de réparer les conséquences du comportement fautif.
Vers une telle action de groupe, nous allons pas à pas : hier, avec l’adoption de la loi relative à la consommation, demain – qui sait ? – avec le projet de loi relatif à la santé. Aujourd’hui, cette action pourra être étendue au domaine bancaire et financier si les amendements que nous avons déposés en ce sens sont adoptés.
J’en reviens à l’article 11 ter.
À ce jour, toute somme reçue par les associations de défense des consommateurs, à la suite d’une action de groupe, au titre de l’indemnisation des consommateurs lésés est immédiatement versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations. Le présent article prévoit, au contraire, que les sommes reçues par une association de défense des consommateurs, à la suite d’une action de groupe, pourront également être déposées sur un compte ouvert par un avocat auprès de la caisse des règlements pécuniaires des avocats – CARPA – dont il dépend.
Cet article a été négocié par le barreau de Paris afin de rétablir le rôle des CARPA et, par là même, des avocats au sein des actions de groupes. Toutefois, nous pensons que la rédaction de la commission spéciale est satisfaisante dans la mesure où elle laisse le choix aux associations de consommateurs.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 504 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam et MM. Charon, Commeinhes, Laufoaulu, Magras et Milon, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La première phrase de l'article L. 423-6 du code de la consommation est ainsi rédigée :
« Sous réserve des dispositions législatives applicables aux maniements de fonds par des membres des professions réglementés, toute somme reçue par l'association au titre de l'indemnisation des consommateurs lésés est immédiatement versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a créé une procédure d’action de groupe.
La phase d’indemnisation des consommateurs lésés peut durer plusieurs mois selon la complexité de l’affaire et la difficulté à évaluer les préjudices. Les montants en jeu peuvent être considérables et concerner un nombre très élevé de consommateurs. Comment assurer la sécurité des fonds jusqu’à leur versement à leur destinataire légitime ?
L’article 11 ter prévoit leur dépôt à la Caisse des dépôts et consignations sur un compte qui ne peut faire l’objet de mouvements en débit que pour le versement des sommes dues aux intéressés. Ce compte étant rémunéré, les sommes qui y sont versées ne subissent pas de dévalorisation.
L’exclusivité de répartition des fonds au consommateur lésé par la seule CDC prive l’avocat représentant l’association agréée de la possibilité de manier les « fonds clients ». Elle introduit également une insécurité juridique quant à l’effet libératoire du paiement par l’entreprise condamnée de l’indemnité entre les mains de l’association agréée.
L’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à ce que les fonds qu’une association doit recevoir et pour lesquels elle s’est adjoint l’assistance d’un avocat puissent être déposés sur un compte ouvert auprès de la CARPA dont l’avocat dépend.
La CARPA assurera gratuitement la répartition des fonds aux consommateurs lésés. Elle garantit la sécurisation des fonds de tiers ainsi que leur représentation et assure la traçabilité des versements. La CARPA vérifiera ensuite la bonne fin du paiement, celui-ci étant libératoire. L’avocat de l’association agréée pourra ainsi libérer l’avocat de l’entreprise, ce qui évitera des contentieux ultérieurs d’exécution.
Notre amendement vise à réserver les dispositifs prévus pour les professions judiciaires réglementées, dont celle d’avocat, afin de garantir l’efficacité et la sécurité des maniements de fonds intervenant en exécution d’une décision judiciaire et d’éviter tout contentieux sur le fondement de l’effet libératoire du règlement pécuniaire.
La rédaction de l’amendement tend également à éviter toute confusion entre des fonds transférés, même de manière extrêmement ponctuelle, et le patrimoine de l’association.
M. Christophe-André Frassa. Excellent amendement !
Mme la présidente. L'amendement n° 1469, présenté par Mme Aïchi, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Labbé, Placé et Dantec, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La première phrase de l'article L. 423-6 du code de la consommation est ainsi rédigée :
« Sous réserve des dispositions législatives applicables aux maniements de fonds par des membres des professions réglementés, toute somme reçue par l'association au titre de l'indemnisation des consommateurs lésés est immédiatement versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. À un mot près, cet amendement, essentiellement dû à l’initiative de ma collègue Leila Aïchi, est identique à celui que vient de présenter Mme Deromédi. Je félicite d’ailleurs le service de la séance de sa vigilance, qui lui a permis de repérer que ces amendements n’étaient pas strictement identiques !
La réintroduction dans le projet de loi du rôle de la CARPA est une réelle avancée en matière d’indemnisation dans les actions de groupe. Elle permet de combler une lacune de la loi relative à la consommation.
Toutefois, la rédaction actuelle de l’article 11 ter tend à créer un flottement inutile et il paraît donc important de sécuriser davantage le rôle de la CARPA en se référant aux dispositions déjà prévues par la loi du 31 décembre 1971.
En effet, les professions réglementées obéissent déjà à des dispositions législatives très strictes en matière de maniements de fonds. Si le texte met en place une possibilité de dépôt des fonds reçus par l’association agréée sur un compte ouvert dans les livres de la Caisse des dépôts et consignations, il est nécessaire de faire apparaître cette possibilité. En effet, la plupart des actions de groupe seront portées devant les tribunaux de grande instance, où la représentation par un avocat est obligatoire, cette obligation ayant pour corollaire l’interdiction pour l’avocat de manier des « fonds clients » autrement qu’en faisant appel à la CARPA dont il relève.
Le recours automatique à la CARPA offre une triple garantie : la sécurisation des fonds des tiers, leur représentation et la traçabilité des versements.
Par ailleurs, la rédaction actuelle du texte introduit une insécurité juridique quant à l’effet libératoire du paiement par l’entreprise condamnée de l’indemnité entre les mains de l’association.
Conformément à la loi et aux règles déontologiques, l’avocat de la partie condamnée doit adresser le paiement à l’avocat de l’association par chèque ou virement à l’ordre de sa CARPA. La CARPA vérifie ensuite la bonne fin du paiement. Celui-ci est, au surplus, libératoire. L’avocat de l’association pourra ainsi libérer l’avocat de l’entreprise, ce qui évitera des contentieux ultérieurs d’exécution.
La CARPA, en lien avec l’association, aura pour mission de distribuer les fonds aux ayants droit après avoir, conformément à la mission que lui confère la loi, vérifié l’adéquation de la distribution des fonds aux modalités prévues au jugement.
Le présent amendement vise donc à réserver les dispositifs législatifs prévus pour les professions judiciaires réglementées, dont les avocats, afin de garantir l’efficacité et la sécurité des maniements de fonds intervenant en exécution de décision judiciaire et d’éviter tout contentieux sur le fondement de l’effet libératoire du règlement pécuniaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 1481 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 504 rectifié ter et 1469 ?
M. François Pillet, corapporteur. Je pense qu’il est d’abord nécessaire de faire un point sur la nature de la relation entre un avocat et son client.
Cette relation repose sur un mandat, et les deux parties décident de l’étendue de celui-ci. Il serait erroné de croire que l’avocat a systématiquement pour mandat d’exécuter les décisions de justice qu’il obtient.
En effet, même dans une action de groupe, lorsque l’association demande à l’avocat d’obtenir un jugement, elle peut tout à fait, faute d’obtenir le versement des sommes fixées par le tribunal, demander à un huissier d’aller exécuter la décision. Je pense d’ailleurs que cela se produira souvent. Dans ce cas de figure, l’huissier remettra les fonds à l’association ou, si l’association lui en a donné mandat, les distribuera aux différents bénéficiaires de la décision. L’avocat, à l’inverse, ne peut le faire que s’il en a reçu le mandat et l’a accepté.
Un amendement qui vise à ce que les sommes versées en vertu d’un jugement faisant suite à une action de groupe soient systématiquement perçues par l’avocat me paraît donc inopportun, voire incongru. Les sommes reçues ne doivent pas nécessairement être perçues par l’avocat.
En effet, l’association peut tout à fait préférer, dès l’obtention du jugement, demander à son avocat que les sommes lui soient directement transmises, dans la mesure où les sommes déposées à la CARPA ne donnent pas lieu, sauf convention particulière, à rémunération. L’association peut donc préférer aussi voir les sommes en question déposées à la CDC, même si la rémunération que celle-ci offre est relativement modeste.
Le texte que vous avez sous les yeux se contente de reprendre ce qu’est le droit, en même temps que la pratique : soit l’avocat aura reçu mandat de l’association de recevoir les fonds pour les déposer à la CARPA, soit l’association dira à l’avocat qu’elle souhaite recevoir directement les fonds. Pourquoi refuser cette option à l’association ?
Je pense donc que les deux amendements qui viennent d’être présentés sont déjà satisfaits, selon le mandat qui sera négocié entre l’avocat et son client. L’association ne se verra pas ainsi opposer quelque chose qui serait tout à fait exceptionnel par rapport au cadre habituel de la relation entre un avocat et son client.
La commission sollicite par conséquent le retrait de ces deux amendements ; à défaut elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Nous avons déjà eu cette discussion et, par cohérence avec ce qui a été voté à l’Assemblée nationale, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 504 rectifié ter et sollicite le retrait de l’amendement n° 1469, quasi identique, au bénéfice du premier.
La commission spéciale a adopté un amendement qui vise à conditionner la possibilité de versement sur le compte CARPA de l’avocat à une demande de l’association requérante. Il s’agit d’une totale innovation : ce serait en effet la première fois que le client d’un avocat pourrait, par son choix, se dispenser de passer par l’obligation de dépôt à la CARPA, même si c’est au profit de la CDC.
Cette condition ne me paraît pas utile dans la mesure où les garanties entourant ce type de comptes et l’habitude des avocats aux maniements de fonds sont de nature à faciliter la tâche des associations de consommateurs requérant une indemnisation effective de ceux-ci. La CARPA garantit la sécurisation des fonds de tiers et leur représentation, et elle assure la traçabilité nominale des versements.
Mme la présidente. Madame Deromedi, l'amendement n° 504 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 1469 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, madame la présidente, je le retire et me rallie à l’amendement de Mme Deromedi.
M. Christophe-André Frassa. Merci, monsieur Desessard !
Mme la présidente. L’amendement n° 1469 est retiré.
La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. J’aimerais tout de même insister sur le fait que voter l’amendement n° 504 rectifié ter, ce serait inscrire dans la loi en quoi doit consister le mandat qu’un avocat reçoit de son client.
Si l’avocat ne veut pas exécuter la décision, s’il ne veut pas être celui qui se charge, après l’obtention de la décision, de la récolte des fonds, il en a parfaitement le droit !
L’adoption de cet amendement pourrait en outre laisser penser que, dans d’autres domaines, les fonds reçus à la suite d’une décision de justice doivent systématiquement passer par la CARPA. Les avocats en seraient sans doute ravis, mais cela ne peut être le cas !
Ainsi, en matière d’accident d’automobile, lorsqu’une compagnie d’assurance est condamnée à verser des fonds à une victime, les fonds peuvent passer par la CARPA, si l’avocat doit les distribuer entre plusieurs victimes ou, dans le cas d’un accident mortel, entre plusieurs ayants droit, mais la compagnie d’assurance peut parfaitement être autorisée, à la demande de celui auquel profite le jugement, voire à la demande de l’avocat lui-même – afin de gagner du temps –, de verser directement les fonds au client.
La disposition prévue par l’amendement est source de confusion et risque de poser problème. En effet, imaginez que le transfert automatique à la CARPA des fonds issus d’un jugement entraîne pour l’avocat l’obligation de les répartir ensuite entre 2 000 consommateurs ! L’avocat le fera peut-être, mais nécessairement contre rémunération. L’association préférera alors sans doute que les fonds ne passent pas par la CARPA.
Par conséquent, je pense qu’il est préférable de laisser aux deux parties concluant un mandat le soin fixer les limites de celui-ci.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Le barreau a demandé à juste titre à l’Assemblée nationale d’introduire cette disposition. En effet les avocats n’ont pas compris que, s’ils étaient chargés de l’exécution, dans ces affaires-là, ils soient obligés de déposer les fonds à la CDC, alors qu’ils ont l’habitude de passer par la CARPA. Ils souhaitent pouvoir continuer à le faire. Le texte de l’Assemblée nationale le permet désormais, ce qui n’était pas le cas auparavant.
En revanche, pour avoir travaillé régulièrement avec les associations de consommateurs et sur les actions de groupe, je suis presque convaincu que, dans bien des cas, l’avocat demandera à l’association de s’occuper du recouvrement et de la redistribution, afin de simplifier la procédure. Dans ce cas de figure, le recouvrement et la redistribution doivent, en effet, être assurés par un organisme tel que la CDC, dans la mesure où le versement ne peut se faire directement sur le compte de l’association.
Le texte tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale est donc satisfaisant et la modification apportée par le corapporteur ne me paraît pas avoir de conséquences dramatiques. En revanche, l’amendement ne me semble pas bienvenu et, pour ma part, je ne le voterai pas.
M. François Pillet, corapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne voterai pas non plus cet amendement, pour les raisons qui ont été avancées par le corapporteur.
Dans le cadre d’une action de groupe, s’il y a une centaine de bénéficiaires, il me paraît difficile pour la CARPA d’affronter ce type de situation. En effet, dans la mesure où c’est un huissier qui récupère les fonds, il devra les verser à l’avocat pour que celui-ci les reverse ensuite à la CARPA ! Cela ne ferait, à l’évidence, que compliquer les choses.
Au demeurant, je ne vois pas pourquoi on donnerait le monopole des maniements de fonds à la CARPA, alors que la question de l’exécution concerne plusieurs acteurs, y compris les huissiers qui sont en charge du recouvrement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Sensible aux arguments de M. le corapporteur, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 504 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'article 11 ter.
(L'article 11 ter est adopté.)
Organisation des travaux
Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit et nous étions convenus de faire le point, afin de savoir si nous pouvions éventuellement continuer nos travaux au cours de la nuit.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Compte tenu du rythme auquel nous travaillons, je souhaiterais que, si cela convient à chacun, nous allions jusqu’à l’article 11 sexies. Cela doit représenter une bonne heure de travail.
Mme la présidente. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis très favorable à ce que nous poursuivions nos travaux. Il me semblerait même cohérent d’aller jusqu’à l’article 12.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. J’avoue avoir quelque difficulté à comprendre l’organisation de nos travaux.
Nous avons toutes et tous reçu un courrier du président du Sénat nous informant des propositions émises par les groupes de réflexion sur les méthodes de travail et la gouvernance du Sénat.
Dans ce courrier figure, entre autres mesures devant être prises immédiatement, la réduction à une heure et demie des coupures du déjeuner et du dîner.
M. Alain Richard. Il s’agit d’une possibilité !
Mme Éliane Assassi. Certes, monsieur Richard, mais il semble qu’elle s’applique de manière variable en fonction des intérêts des uns ou des autres. Hier soir, la suspension a été d’une heure trente ; ce midi de deux heures et quart ; ce soir de deux heures environ… Pardonnez-moi, mais on n’y retrouve pas ses petits !
J’en appelle à un peu plus de rigueur dans nos méthodes de travail. Car, après tout, nous sommes là pour travailler, et nous souhaitons pouvoir le faire dans de bonnes conditions.
J’observe par ailleurs que la conférence des présidents n’a pas décidé d’ouvrir cette nuit. Sachant qu’une longue journée nous attend demain, je considère que nos conditions de travail ne sont pas optimales.
Certes, nous avons pris du retard, mais c’est parce que nous avons envie de débattre. Chacun s’accorde en effet pour dire que ce texte est important. Il est donc légitime que nous prenions le temps de discuter de mesures qui nous sont soumises.
Je répète ce que j’ai dit dans un rappel au règlement : à l’Assemblée nationale, le débat a duré trois semaines et, au Sénat, nous n’avons programmé que deux semaines pour l’examen de ce texte. Dès lors, forcément, on essaie de « serrer les boulons », mais il y a un moment où ça ne passe pas !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Nous examinons environ sept amendements par heure. À ce rythme, si l’on suit la proposition de la commission spéciale, il nous reste encore trois heures de débat… Moi, je ne suis pas d’accord pour travailler jusqu’à trois heures du matin !
Prolongeons plutôt la séance jusqu’à zéro heure trente, sans fixer de butoir dans le texte !
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à une heure du matin.
Je consulte le Sénat sur cette proposition.
Il n’y a pas d’opposition ?...
(La proposition est adoptée.)
Articles additionnels après l'article 11 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 297 rectifié, présenté par MM. Antiste, Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Patient et Mme Jourda, est ainsi libellé :
Après l’article 11 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 711-22 du code monétaire et financier, après la référence : « L. 312-1 », sont insérés les mots : « et les frais perçus à raison de la gestion d’un compte bancaire ».
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Les associations de consommateurs, ainsi que les publications de l’Observatoire des tarifs bancaires de l’Institut d’émission d’outre-mer, soulignent le niveau élevé des frais bancaires en outre-mer. Il apparaît en particulier que les clients sont soumis à des frais annuels de tenue de compte très importants, de l’ordre de 25 euros par an, en moyenne.
L’article L. 711-22 du code monétaire et financier introduit par la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, dite « loi contre la vie chère outre-mer », prévoit que, pour les services bancaires de base, les établissements ne peuvent pratiquer des tarifs supérieurs à la moyenne de ceux pratiqués dans l’Hexagone par les établissements ou les caisses régionales du groupe auquel ils appartiennent. Le champ d’application de cet article est cependant limité aux services bancaires de base liés à l’exercice du droit au compte.
Le présent amendement vise à compléter le dispositif en précisant, au sein de l’article L. 711-22 du code monétaire et financier, que les frais de tenue de compte, de façon générale, ne peuvent être supérieurs à la moyenne pratiquée dans les établissements du groupe dans l’Hexagone.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le problème des frais bancaires outre-mer est bien connu. Cela étant, je ne suis pas certaine que la rédaction proposée soit de nature à régler cette question durablement, surtout si elle se traduit par la fermeture des agences bancaires dans les territoires concernés.
En conséquence, je sollicite l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Dans les outre-mer, les tarifs bancaires sont globalement en baisse depuis 2009 ; ils sont aujourd’hui équivalents à ceux qui s’appliquent en métropole.
Les frais de tenue de compte, en revanche, y restent sensiblement plus élevés, et le Gouvernement partage votre préoccupation sur ce point, monsieur Antiste.
La convergence des tarifs des services bancaires ultramarins avec ceux de métropole est un objectif important pour le Gouvernement et s’inscrit dans le dispositif de lutte contre la vie chère. À cet effet, des mesures d’encadrement des tarifs ont été adoptées dans le cadre de la loi relative à la régulation économique outre-mer de novembre 2012.
Le Gouvernement a sollicité le président du Comité consultatif du secteur financier, le CCSF, pour rédiger un rapport sur la tarification des services bancaires dans les départements et collectivités d’outre-mer. Remis en juin 2014, ce rapport a permis d’établir un diagnostic partagé des tarifs bancaires en outre-mer. Il préconise une méthode et un calendrier clairs pour assurer la convergence des tarifs bancaires ultramarins avec ceux de l’Hexagone.
Ainsi, dans les DOM, l’objectif est qu’en trois ans les moyennes départementales des frais de tenue de compte rejoignent celles des établissements de France entière. Dans la ligne de ce rapport, le CCSF a adopté un avis sur ces sujets le 30 septembre 2014.
Pour la période 2015-2017, des engagements précis doivent être conclus dans chaque département, sur la base de ce rapport.
Ces mesures, qui viennent d'ores et déjà répondre à l’objectif recherché par les auteurs de cet amendement, s’inscrivent dans un processus visant à la plus large concertation possible.
À la lumière de ces explications, monsieur Antiste, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Antiste, l'amendement n° 297 rectifié est-il maintenu ?
M. Maurice Antiste. Oui, madame la présidente.
Je ne suis pas convaincu et je n’ai pas l’habitude d’« acheter les chats dans des sacs », pour employer une expression de chez nous. (Sourires.)
Je puis vous assurer que les faits que j’ai évoqués ne sont pas les seules anomalies que l’on peut constater outre-mer ! L’examen de ce texte me donnera largement l’occasion d’y revenir.
Pour le moment, je maintiens cet amendement et remercie d’avance tous mes collègues qui joueront, j’en suis persuadé, la solidarité.
Après tout, si une loi vient conforter une tendance positive, je ne pourrai que m’en féliciter !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11 ter.
L'amendement n° 1118 rectifié, présenté par M. Vergès, Mme Assassi, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 11 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au premier alinéa de l’article L. 711-22 du code monétaire et financier, les mots : « la moyenne de » sont supprimés.
II. - Les pertes de recettes éventuelles découlant pour l’État du I sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Le paysage bancaire outre-mer est en pleine reconfiguration. La plupart des grandes banques françaises se sont en effet lancées dans un vaste mouvement de réorganisation de leurs filiales des départements d’outre-mer.
Toutefois, les problèmes de fond demeurent, notamment celui des tarifs bancaires. L’écart entre les taux pratiqués à La Réunion et ceux observés dans l’Hexagone varient parfois du simple au double, ce qui est inacceptable.
Pourquoi de tels écarts ? On invoque le « facteur risques », mais ce n’est peut-être pas la bonne explication : la banque publique d’investissement, par exemple, pratique les mêmes taux en outre-mer et en France continentale.
Toujours est-il qu’un rapport sur la tarification bancaire en outre-mer, réalisé par le CCSF à la demande des anciens ministres MM. Lurel et Moscovici, estime nécessaire d’arriver à une « baisse des tarifs des services bancaires » dans les départements et les collectivités d’outre-mer.
Ce rapport, daté de juin 2014, nous apprend que « le mouvement de convergence est ainsi amorcé par la tarification croissante des frais de tenue de compte en métropole ». Autrement dit, si l’écart se resserre, ce n’est pas en raison d’une baisse en outre-mer, mais parce que les tarifs augmentent en France métropolitaine !
Le rapport prévoit un alignement, d’ici à 2017, des moyennes départementales des frais de tenue de compte outre-mer sur la moyenne nationale. La moyenne annuelle pour ce service en métropole est de 13,08 euros ; les établissements ultra-marins, quant à eux, le facturent en moyenne 23,66 euros par an…
Mais le plus choquant se trouve dans l’affirmation d’Emmanuel Constans, auteur du rapport : « Le rythme de la convergence des tarifs doit rester mesuré pour veiller à ne pas inciter les banques à fermer leurs succursales. » Or c’est justement ce qu’il est en train d’arriver !
D’autres éléments nous interpellent. Pourquoi la somme des encours des banques est-elle inférieure à la somme des transferts versés – rémunérations, prestations sociales, dotations aux collectivités, aides aux entreprises, etc. ? Ces transferts ne devraient-ils pas « rester » dans chacune des entités d’outre-mer ? Il s’agit d’un autre problème, qu’il faudra sans doute aborder un jour si l’on veut réellement donner une chance aux outre-mer, en changeant le « logiciel » de leur développement.
Pour l’heure, il s’agit de faire baisser les coûts bancaires dans les outre-mer. Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale sollicite l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Comme la proposition de M. Antiste tout à l'heure, celle-ci recueille évidemment ma sympathie. Du reste, je ne voudrais pas que les propos que j’ai tenus précédemment donnent lieu à un malentendu : je partage le souhait de voir la situation des outre-mer s’améliorer au regard des tarifs pratiqués par les banques et je puis vous assurer de notre vigilance en la matière ; j’appelle simplement l’attention du Sénat sur le fait qu’un certain nombre de travaux ont déjà été effectués, qui ouvrent la perspective d’une telle amélioration.
Cela étant, comme l’a implicitement dit Mme la corapporteur, l’amendement que le Sénat vient d’adopter conduira nombre d’établissements bancaires – ils l’ont déjà annoncé ! – à fermer leurs succursales. On peut le regretter et décider de créer une banque publique qui couvrirait l’intégralité des besoins, mais ce n’est pas à l’ordre du jour.
Je souhaite donc que l’on mesure bien les conséquences des décisions qui sont prises. Par honnêteté à votre égard, je préfère vous avertir que nous reviendrons sur l’article qui a été inséré, étant entendu que nous poursuivrons évidemment le dialogue sur les moyens d’améliorer la situation.
S’il s’agit d’exercer une pression sur les établissements bancaires, le Gouvernement le fait, ne serait-ce qu’au travers de mes déclarations publiques. C’est aussi en ayant à l’esprit certaines des préoccupations que vous avez exprimées, madame Didier, que je réunirai, dans quelques semaines, les banques au sujet du financement des TPE et des PME.
Il faut prendre garde, en légiférant, de créer des contraintes conduisant les établissements financiers à cesser toute activité dans des départements ou collectivités d’outre-mer, compte tenu en particulier de la sinistralité observée dans ces territoires. Car ce n’est évidemment pas ce que nous souhaitons.
Il m’apparaissait utile d’apporter cette clarification et de mettre en évidence l’univers de contraintes dans lequel nous évoluons.
Concernant l’amendement n° 1118 rectifié, j’ai déjà eu l’occasion de dire que la convergence des tarifs des services bancaires ultramarins avec ceux de la métropole était un objectif légitime. Ainsi que je l’ai indiqué, les travaux engagés par le CCSF et les rapports qui ont été remis nous semblent être la meilleure méthode pour assurer progressivement cette convergence.
À l’inverse, pour les raisons que j’ai évoquées, modifier le premier alinéa de l’article L. 711–22 du code monétaire et financier pour faire baisser les coûts ne nous paraît pas opportun. On obtiendrait ainsi des résultats contraires à l’objectif que l’on cherche à atteindre. Il est préférable de maintenir une pression et de poursuivre l’encadrement.
Je vais commencer à appliquer cette méthode à propos des délais de paiement, ou encore face aux banques qui ne jouent pas le jeu en termes de financement des TPE et des particuliers. Je vais demander, par exemple, que soient dissociées ces différentes catégories dans les statistiques de la Banque de France. Nous disposerons des résultats dans quelques semaines et nous serons alors en mesure de dire quels établissements font preuve d’une réticence excessive.
Je m’engage à mener une politique de pression, voire de « stigmatisation ». En revanche, légiférer dans le sens que vous souhaitez, madame Didier, ce serait risquer d’aboutir au contraire du but recherché. C’est pourquoi je vous invite à retirer cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 442, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un projet d’aménagement ou d’urbanisme comportant la création d’un magasin de commerce de détail d’une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d’une construction nouvelle, soit de la transformation d’un immeuble existant, a pour conséquence une réduction substantielle de surfaces naturelles ou agricoles, l’autorité compétente de l’État saisit la commission du projet. Celui-ci ne peut être adopté qu’après avis conforme de cette commission. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Dans la même logique que celle que j’ai soutenue à l’article 10 bis, cet amendement vise à préserver les terres agricoles face à la « bétonnisation » commerciale. Il s’agit d’exiger un avis conforme de la CDPENAF – commission départementale de protection des espaces naturels agricoles et forestiers – pour autoriser tout projet de création ou d’extension de surface commerciale portant sur une superficie supérieure à 1 000 mètres carrés qui se ferait au détriment de terres arables ou naturelles.
Ces commissions départementales, créées par la loi de 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche et renforcées par la loi ALUR – loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové – et la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, sont des outils importants pour la préservation de nos sols.
À l’heure actuelle, les CDPENAF peuvent émettre, si une collectivité territoriale en fait la demande, un avis sur l’opportunité de certaines procédures ou autorisations d’urbanisme, au regard de l’objectif de préservation des terres naturelles, agricoles ou forestières. Nous estimons qu’il est légitime d’étendre systématiquement leur rôle aux projets de grandes surfaces commerciales afin d’atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette des sols ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur Desessard, bien que nous partagions l’objectif de préservation des terres agricoles, plusieurs arguments nous conduisent à nous opposer à l’adoption de votre amendement.
En premier lieu, la création de surfaces commerciales n’est que l’une des modalités du grignotage des terres agricoles. Pourquoi ne demander un avis conforme que dans ce cas-là ?
Je rappelle que, lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, la volonté de préserver le pouvoir de décision des élus avait conduit à n’accepter l’avis conforme des CDPENAF que dans le cas très particulier des atteintes aux surfaces des appellations d’origine contrôlée. Il ne faut pas donner à une commission le pouvoir de tout bloquer en matière d’aménagement commercial.
Ensuite, ce n’est pas au moment de la construction d’un magasin qu’il faut intervenir, mais lorsque le document d’urbanisme est modifié pour permettre l’urbanisation des terres agricoles.
Enfin, l’enjeu environnemental doit normalement être pris en considération par la commission départementale d’aménagement commercial lors de l’examen de l’autorisation d’exploiter pour les surfaces de vente de plus de 1 000 mètres carrés.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 442.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 11 quater A
(Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. L’obligation d’avoir un compte bancaire a été décidée pour dématérialiser le règlement des rémunérations des salariés et des professions libérales. L’usage du chèque bancaire ou postal et, maintenant, celui de la carte de crédit et du virement de compte à compte se sont développés.
Néanmoins, d’une façon générale, les titulaires de comptes bancaires ne se sont qu’assez peu préoccupés de faire jouer la concurrence, le compte courant étant utilisé pour la vie courante, précisément, et l’épargne étant souvent confiée à la Banque postale ou aux caisses d’épargne.
C’est le mouvement de libéralisation et de privatisation du secteur bancaire, associé à la diversification des activités des banques, qui a contribué, au fil des ans, à la mise en place d’une concurrence de plus en plus aiguë sur services liés à la détention d’un compte.
On est d’ailleurs parvenu à un véritable paradoxe : aujourd’hui, les ménages sont dans l’obligation de disposer d’un compte courant ou, pour le moins, d’un service qui puisse en tenir lieu, comme un livret de caisse d’épargne, afin d’assurer le virement – qui leur a été imposé ! – de leurs rémunérations et prestations sociales, ainsi que le paiement des charges de la vie quotidienne. Or il leur faut parfois payer des sommes relativement importantes pour pouvoir disposer de cet argent, avec lequel les banques travaillent ! Il s’agit d’un véritable pactole, qui nourrit sans trop de justification l’activité de nombreux établissements financiers. D’ailleurs, quand je parle d’activité, je devrais plutôt dire le « produit net bancaire », c’est-à-dire la rentabilité !
Les photocopies doivent être une denrée rare et précieuse dans les établissements bancaires, si l’on juge par le prix auquel elles sont parfois facturées !
Qu’il y ait débat sur la migration bancaire paraît dès lors assez normal. Cependant, la question principale ne nous semble pas celle de savoir s’il faut faire jouer au mieux la concurrence, et ce dans des conditions optimales de sécurité. Le vrai problème auquel nous demeurons confrontés en matière bancaire est celui de l’exclusion bancaire et de l’exercice du droit au compte.
Le phénomène d’exclusion bancaire frappe plusieurs milliers de familles, voire des millions de ménages modestes, qui n’exercent pas le droit au compte. Ce droit résiduel, mettant à la disposition de son titulaire un minimum de services bancaires, ne suffit d’ailleurs pas à répondre aux besoins.
Prévu à l’article L. 312–1 du code monétaire et financier, ce droit au compte, aujourd’hui organisé sous le contrôle de la Banque de France et amélioré par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, peut encore être perfectionné. Il nous semble, en particulier, qu’il importe d’offrir aux bénéficiaires de ce droit, qui ne fait évidemment pas l’objet d’une grande publicité dans les établissements bancaires, un éventail plus large de moyens de paiement.
S’agissant des amendements visant à rétablir cet article, nous souhaiterions, pour notre part, que le transfert interbancaire soit clairement envisagé comme une opération réalisable sans frais d’aucune sorte pour celui qui en fait la demande.
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 321 rectifié est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 549 rectifié bis est présenté par Mme Laborde, MM. Bertrand, Arnell, Castelli, Collombat, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Malherbe et MM. Mézard et Requier.
L'amendement n° 830 rectifié ter est présenté par MM. Cornano, Antiste, Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Patient.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 312-7 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 312-... ainsi rédigé :
« Art. L. 312-... En cas de changement d’établissement bancaire pour la gestion d’un compte de dépôt, l’établissement gérant initialement le compte propose un service de redirection vers le nouveau compte de l’ensemble des opérations au crédit ou au débit qui se présenteraient sur le compte clôturé vers le nouveau compte. Ce service est effectif pour une durée de treize mois à compter de la date de clôture du compte.
« Les opérations ayant fait l’objet d’un transfert sont signalées comme telles sur le relevé mensuel du nouveau compte du client.
« Un décret détermine les modalités d’application du présent article, notamment le prix plafonné de ce service optionnel. »
L'amendement n° 321 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 549 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. L’article 11 quater A, introduit par l’Assemblée nationale, visait à favoriser la mobilité bancaire en permettant aux personnes qui ouvrent un nouveau compte de dépôt de bénéficier d’un service de redirection automatique de leurs opérations de leur ancien compte vers le nouveau.
La commission spéciale du Sénat a jugé cet ajout précipité au motif que la procédure est déjà encadrée dans la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dont le décret d’application concerné n’a pas encore été publié, et que la redirection automatique ne présenterait pas que des avantages, eu égard aux expériences menées à l’étranger.
Nous considérons, au contraire, que ces dispositions sont souhaitables, car elles obligeraient les établissements bancaires à proposer un service à leurs clients et éviteraient ainsi des situations administratives complexes pour ces derniers. De surcroît, elles plafonneraient le prix facturé au client, empêchant ainsi les dérives de tarifs pratiquées.
C’est pourquoi nous proposons de rétablir l’article 14 quater A.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Cornano, pour présenter l'amendement n° 830 rectifié ter.
M. Jacques Cornano. La commission spéciale a supprimé l’article voté à l’Assemblée nationale qui visait à inscrire dans la loi un service simple de transfert des opérations au moyen de la redirection automatique du compte bancaire, apte à assurer une réelle mobilité des consommateurs.
L’argument principal avancé en faveur de la suppression de ce dispositif réside dans l’existence d’un travail commun entre le CCSF, le secteur bancaire et les associations de consommateurs. Le Gouvernement s’est en effet déjà engagé à déposer, en vue d’un examen en séance publique, un amendement dont l’objet est d’introduire les modalités de l’accord trouvé dans la loi.
Or force est de constater qu’à l’issue de ce travail les propositions émises par le CCSF sont loin de lever les obstacles à la mobilité bancaire et bien trop éloignées de l’objectif initial d’une redirection automatique. L’avis assimile ainsi de manière erronée amélioration du service d’aide à la mobilité bancaire et redirection automatique des opérations. Par ailleurs, il ne répond absolument pas aux exigences de simplicité et de sécurité induites par l’introduction d’une réelle redirection : sécurisation du passage des opérations, garanties pour les consommateurs en cas de problèmes, conséquences de la non–clôture de l’ancien compte, formation des personnels en agence.
Il est donc urgent de réinscrire une réelle obligation de redirection bancaire dans la loi. Les modalités pratiques d’une telle obligation devront être définies en concertation avec les différents acteurs du marché, en plein accord avec cet objectif ambitieux. Il s’inscrit dans le prolongement des avancées de la loi relative à la consommation, qui rend obligatoire l’engagement volontaire des banques à l’aide à la mobilité bancaire. Si ce premier pas va dans la bonne direction, il doit cependant être complété par des mesures concrètes qui seules permettront de simplifier un système aujourd’hui trop complexe.
Notre amendement permettrait ainsi au client de gérer progressivement et en toute sécurité ses changements de domiciliation bancaire et d’éviter de nombreux interdits bancaires dus aux passages de chèques sur un compte clôturé.
Mme la présidente. L'amendement n° 1560, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 312-1-7 est ainsi modifié :
a) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« L’établissement d’arrivée, qui ouvre le nouveau compte de dépôt dans le cadre du changement de domiciliation bancaire, propose au client sans condition, un service d’aide à la mobilité bancaire. Si le client souhaite bénéficier de ce service, l’établissement d’arrivée recueille son accord formel pour effectuer en son nom, les formalités, mentionnées à l’article L. 312-1-8, liées au changement de compte afin que les virements et prélèvements réguliers se présentent sur le nouveau compte. » ;
b) Les quatrième, cinquième et sixième alinéas sont supprimés ;
c) Au septième alinéa, les mots : « de départ informe également » sont remplacés par les mots : « d’arrivée informe » ;
d) Le huitième alinéa est supprimé ;
e) L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le service d’aide à la mobilité bancaire s’applique aux comptes de dépôt ou aux comptes de paiement ouverts auprès de tous les prestataires de services de paiement et détenus par les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. » ;
f) Le dernier alinéa est supprimé ;
2° La sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III est complétée par un article L. 312-1-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 312–1–9 – I. – Le service de mobilité bancaire, proposé au client par l’établissement d’arrivée, permet un changement automatisé des domiciliations bancaires, vers le nouveau compte, des prélèvements valides et virements récurrents du compte d’origine. Si le client souhaite bénéficier de ce service, l’établissement d’arrivée recueille les coordonnées bancaires de son établissement de départ.
« Dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la réception de l’accord formel du client, l’établissement d’arrivée sollicite de l’établissement de départ le transfert des informations relatives aux mandats de prélèvements valides, aux virements récurrents ayant transité sur ce compte au cours des treize derniers mois, ainsi qu’aux chèques non débités sur les chéquiers utilisés sur les treize derniers mois.
« L’établissement de départ transfère ces informations à l’établissement d’arrivée dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la réception de la demande qui lui a été faite par l'établissement d’arrivée.
« L’établissement d’arrivée communique, dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la réception des informations demandées à l'établissement de départ, les coordonnées du nouveau compte aux émetteurs de prélèvements valides et de virements récurrents.
« Les émetteurs de prélèvements et de virements disposent d’un délai pour prendre en compte ces modifications et informer le client. Ce délai est défini par décret en Conseil d’État.
« L’établissement d’arrivée informe son client de la liste des opérations pour lesquelles le changement de domiciliation a été envoyé à ses créanciers et débiteurs et lui adresse la liste des formules de chèques non débitées transmise par l'établissement de départ. Il informe également le client des conséquences associées à un incident de paiement en cas d’approvisionnement insuffisant de son compte dans l’établissement de départ, s’il fait le choix de ne pas le clôturer.
« II. – En cas de clôture du compte dans l’établissement de départ, celui-ci informe, durant une période de treize mois à compter de la date de clôture du compte, par tout moyen approprié, et dans un délai de trois jours ouvrés, le titulaire du compte clôturé ayant bénéficié du service d’aide à la mobilité défini au I :
« 1° De la présentation de toute opération de virement ou prélèvement sur compte clos. Cette information est faite au moins une fois par émetteur impliqué ;
« 2° De la présentation d’un chèque sur compte clos. L’ancien titulaire du compte clôturé est également informé qu’il a l’obligation de refuser le paiement du chèque et des conséquences de ce refus, ainsi que des conditions dans lesquelles il peut régulariser sa situation. »
II. – Le présent article entre en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. À l’Assemblée nationale, à la suite du retrait, sur ma demande, d’un amendement déposé par M. Jean-Charles Taugourdeau, je m’étais engagé à travailler dans le sens d’une mobilité bancaire accrue.
Vous avez eu raison, monsieur Requier, de rappeler que la loi Hamon renvoyait cette question à un décret. Pour que ce décret soit pris, il fallait au préalable que soit respectée la procédure courante, c’est-à-dire une saisine du CCSF, où siègent les associations de consommateurs, notamment l’UFC Que choisir, afin que celui-ci rende un avis. Cet avis a été rendu, avec l’approbation unanime des représentants des consommateurs.
Les conclusions qui ont été présentées sont transcrites dans l’amendement n° 1560. De ce fait, celui-ci vient en quelque sorte remplacer et simplifier le décret attendu à la suite du vote de la loi Hamon.
Nous voulons aller au bout de cette entreprise de mobilité bancaire, à propos de laquelle l’engagement du Gouvernement a été rappelé par Michel Sapin voilà quelques semaines.
Cet amendement prévoit tout d’abord d’instaurer un nouveau service intégré de mobilité et de transfert automatisé des domiciliations bancaires destiné aux clients ayant ouvert un nouveau compte et souhaitant y transférer la domiciliation de leur compte d’origine.
Il prévoit ensuite de compléter ce dispositif par un mécanisme d’alerte permettant au client d’être informé par sa banque d’origine dans de brefs délais et par tous moyens appropriés – courriel ou SMS – des cas, en principe marginaux, d’opérations de prélèvement valides ou de virements récurrents qui se présenteraient sur le compte clos durant un délai de treize mois après sa clôture. Cette garantie s’ajoute à l’obligation légale en vigueur pour les mêmes banques à l’égard des chèques présentés sur un compte clos.
L’avis du CCSF répond pleinement à l’attente du Gouvernement de voir cette concertation aboutir à la conception d’un dispositif opérationnel, équilibré, efficace et peu coûteux.
C’est pourquoi je vous soumets ce soir cet amendement, qui tire les conséquences à la fois de l’engagement que j’avais pris et du travail conduit par le CCSF, et j’invite les auteurs des précédents amendements à les retirer à son profit.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1742 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 1058, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les surfaces commerciales conçues pour le retrait par la clientèle d’achats au détail commandés par voie télématique sont assujetties à cette taxe. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Permettez-moi tout d’abord, mes chers collègues, d’utiliser exceptionnellement un anglicisme dans notre assemblée. En effet, pour simplifier mon propos, je ne vais pas reprendre la définition de l’article L. 752-3 du code de commerce en parlant des « points permanents de retrait par la clientèle d’achats au détail commandés par voie télématique, organisés pour l’accès en automobile », mais je parlerai simplement de drives. (Sourires.)
Aujourd’hui, de nombreux élus se retrouvent dans leurs territoires confrontés au développement anarchique des drives.
Ce développement pose plusieurs questions : en matière d’urbanisme, d’aménagement du territoire, mais aussi en matière de concurrence avec les autres formes de commerce de proximité. Il soulève enfin une difficulté en matière de fiscalité locale.
En effet, ces équipements ne sont pas assujettis à la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, qui concerne les commerces exploitant une surface de vente au détail de plus de 400 mètres carrés et réalisant un chiffre d’affaires hors taxe de plus de 460 000 euros.
Or les drives constituent bien un équipement commercial qui concurrence les autres formes de commerce.
Cette absence de régulation des implantations de drives incite la grande distribution à développer rapidement ce format de distribution et à les multiplier de façon parfois aberrante d’un point de vue urbanistique, ce qui peut avoir une incidence réelle sur l’aménagement du territoire et le tissu économique.
Pour lutter contre cette prolifération désordonnée, notre amendement prévoit d’encadrer ces équipements commerciaux, au même titre que les surfaces commerciales qu’ils concurrencent.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi ALUR, les drives sont soumis à autorisation commerciale, et c’est une bonne chose. Toutefois, il semble logique d’aller plus loin, pour que les mêmes règles s’appliquent aux différentes surfaces commerciales et pour mieux encadrer la prolifération de ces drives.
Nous avons conscience que, en l’état de la législation, les drives sont dépourvus de surface commerciale et qu’ils ne peuvent être taxés. Cependant, nous ne pouvons pas demeurer dans cette situation indéfiniment sous prétexte que le droit serait techniquement inapplicable.
Les drives ne constituent pas de simples entrepôts ou des parkings ! Il est donc naturel de proposer des solutions pour encadrer l’activité réalisée le plus souvent par des grands groupes, qui trouvent là une occasion supplémentaire de s’exonérer de la contribution financière aux collectivités territoriales.
Pour cette raison, nous proposons, au moins dans un premier temps, d’assujettir les drives à la taxe sur les surfaces commerciales.
Mme la présidente. L'amendement n° 1059, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 421-3 du code de la consommation est ainsi rédigé :
« Art. L. 421-3. – Une association de défense des consommateurs représentative au niveau national ou représentative au niveau national dans le domaine financier, et agréée en application de l’article L. 411-1 peut agir devant une juridiction civile, administrative ou pénale afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des personnes placées dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un ou des mêmes professionnels, personne physique ou personne morale de droit privé, à leurs obligations légales ou contractuelles.
« 1° À l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ;
« 2° Lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
« 3° Lorsque ces préjudices résultent d’infractions boursières ou financières :
« L’action de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices résultant des dommages matériels, moraux ou écologiques, dès lors qu’ils résultent d’une des causes susvisées. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Lors des débats sur le projet de loi relatif à la consommation défendu par M. Benoît Hamon, nous avons soutenu la création d’une action de groupe, bien que le champ d’application de cette dernière soit très limité. Nous avions défendu la création de cette procédure juridictionnelle tout en rappelant – ce constat vaut encore aujourd’hui – que le meilleur moyen de faire respecter les droits des consommateurs passe par le renforcement des moyens humains et financiers de la police économique.
Accroître la prévention des contentieux et, donc, la protection en amont des consommateurs passe inévitablement par un renforcement des moyens de la répression des fraudes, mais également par l’assurance d’une indépendance et d’une expertise publique, notamment dans le cadre des contrôles sanitaires ou de sécurité des produits.
Cela étant dit, l’action de groupe présente un intérêt certain dans un contexte de privatisation et de dérégulation d’un certain nombre de secteurs d’activité.
Comme vous le savez, les sénateurs du groupe CRC avaient déposé, avant même la loi Hamon, une proposition de loi reprenant le dispositif adopté par le Sénat en 2011, en l’élargissant aux domaines de la santé et de l’environnement, mais également aux domaines boursier et financier.
L’amendement qui vient d’être défendu vise à étendre cette procédure aux litiges intervenant dans le domaine financier.
Contrairement à la santé ou à l’environnement, domaines à propos desquels on nous avait opposé diverses difficultés pratiques tenant à la consolidation des dommages ou à la différence de degré selon les personnes, le dommage financier est tout à fait aisé à identifier et à quantifier.
Souvenons-nous des propos de Jean-Pierre Jouyet qui, en tant que président de l’Autorité des marchés financiers, avait défendu l’application de cette action aux champs bancaire et boursier. Il faisait valoir que « les personnes pénalisées par des infractions boursières ou financières sont des victimes comme les autres et méritent d’être indemnisées pour le préjudice subi ».
Dans le rapport qu’ils avaient présenté au Sénat en 2010, les sénateurs Laurent Béteille et Richard Yung notaient que « les mêmes raisons qui justifient l’introduction d’une action de groupe en matière de consommation ou de concurrence s’appliquent en matière bancaire et financière ».
Aujourd’hui, cinq ans après, rien ne saurait justifier que nous attendions encore. C’est pourquoi nous proposons cet amendement, qui peut permettre de protéger les droits de milliers de personnes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je sollicite le retrait des amendements nos 549 rectifié bis et 830 rectifié ter, qui visent à rétablir l’article 11 quater A dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, au profit de l’amendement n° 1560 du Gouvernement, qui transpose dans la loi le compromis récemment trouvé par le Comité consultatif du secteur financier.
La commission spéciale avait voté la suppression de cet article précisément en raison des discussions en cours au sein du CCSF. Nous avions toutefois précisé que, si un accord était trouvé, nous étions prêts à réexaminer en séance plénière la question de l’introduction dans le texte d’un dispositif visant à faciliter la mobilité bancaire.
J’attire toutefois l’attention de M. le ministre sur le sous-amendement qui a été déposé par notre collègue Philippe Dominati, mais qui n’a pas été soutenu. Il traitait d’un sujet de préoccupation majeure pour les établissements bancaires. Ces derniers craignent en effet de ne pas être en mesure de s’adapter à ce nouveau dispositif de mobilité bancaire si le principal décret d’application venait à être pris tardivement. Pourriez-vous, monsieur le ministre, rassurer les établissements bancaires sur ce point ?
Je demande à Éliane Assassi de bien vouloir retirer l’amendement n° 1058. Si je partage son souhait d’une adaptation de l’assiette de la TASCOM aux nouveaux modes de consommation, la définition qu’elle propose ne me semble pas opérante. L’assiette de la taxe sur les surfaces commerciales est inadaptée au développement de nouveaux modes de distribution et de consommation, en particulier le retrait d’achats par internet, le drive, et le e-commerce.
Quant à l’amendement n° 1059, il vise plus à affirmer une position qu’à présenter un dispositif opérationnel. Aussi ne parlerai-je pas des problèmes techniques qu’il pose ou des difficultés qu’il y aurait à appliquer à ce type d’action de groupe en matière boursière des règles prévues pour des litiges de consommation.
Une telle extension du périmètre de l’action de groupe est discutable, alors que nous n’avons pas encore dressé le bilan de l’action de groupe en matière de consommation.
En outre, on ne peut traiter sérieusement de cette question au détour d’un texte qui n’y est nullement consacré.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission spéciale sur l’ensemble de ces amendements.
Madame Estrosi Sassone, vous vous êtes fait l’écho l’inquiétude des établissements bancaires et vous m’avez interrogé sur leur souhait de synchroniser l’entrée en vigueur de la loi avec la prise du principal décret par l’administration.
Le sous-amendement relayant cette préoccupation n’a pas été défendu mais, s’il l’avait été, j’y aurais été plutôt opposé. En effet, dans l’ensemble, les établissements bancaires ne sont pas favorables à cette mesure de mobilité : si nous les avions dû les écouter, nous ne l’aurions jamais proposée ! Leur stratégie consiste donc à demander la suspension de l’entrée en vigueur de cette mesure à la parution du décret, dont la rédaction suppose leur accord. C’est la meilleure façon de continuer à attendre !
Nous préférons donc ne pas différer l’entrée en vigueur de cette disposition, ce qui incitera les établissements bancaires à trouver les voies et moyens dudit décret.
Je m’engage à ce que notre administration fasse preuve de diligence pour prendre ce décret, mais je ne veux pas faire de la parution du décret une condition suspensive de l’entrée en vigueur du dispositif.
Du reste, de manière générale, je souhaite que les décrets d’application de ce texte paraissent le plus rapidement possible. Trop souvent, l’exécutif laisse traîner la prise des décrets. Nos concitoyens souhaitent que les textes votés soient rapidement appliqués, et c’est pourquoi nous devons préparer en amont les décrets pour pouvoir très rapidement rendre le texte effectif une fois qu’il aura été voté.
Mme la présidente. Monsieur Requier, l'amendement n° 549 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente. Je suis très heureux de voir que les choses avancent.
Mme la présidente. L'amendement n° 549 rectifié bis est retiré.
M. Jacques Cornano. Je retire également l'amendement n° 830 rectifié ter, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 830 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1560.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 11 quater A est rétabli dans cette rédaction, et les amendements nos 1058 et 1059 n'ont plus d'objet.
Article 11 quater B
(Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite formuler une observation et vous faire part d’une inquiétude.
La commission spéciale a supprimé l’article 11 quater B, qui visait à étendre aux produits d’optique-lunetterie l’obligation de fournir à l’assuré, « avant la conclusion du contrat de vente, un devis détaillé », au contenu fixé par voie réglementaire, comportant notamment « le prix de vente de chaque produit et de chaque prestation proposés ainsi que les modalités de prise en charge par les organismes de sécurité sociale ».
Si nous sommes favorables à la réécriture de cet article pour garantir une meilleure information de l’assuré social sur la qualité et le prix de l’équipement, nous sommes dubitatifs quant aux économies induites pour les patients. La difficulté, réelle et rappelée maintes fois dans cette assemblée, du coût de l’optique, ne sera pas résolue par la multiplication des devis. Les patients ne maîtrisent pas le choix des équipements. Le rapport qualité-prix de l’optique et le niveau de prise en charge des organismes complémentaires demeurent difficilement lisibles pour les individus.
Nous sommes persuadés que la solution serait la prise en charge à 100 % par la sécurité sociale des frais d’optique. Pour lever un verrou, nous pourrions autoriser les mutuelles à promouvoir les réseaux d’opticiens mutualistes avec une tarification encadrée des équipements.
Mme la présidente. L'amendement n° 1562, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 165-9 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le professionnel de santé qui délivre au public un produit ou une prestation d’appareillage des déficients de l’ouïe ou d’optique-lunetterie inscrit sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 165-1 remet à l’assuré social ou à son ayant droit, avant la conclusion du contrat de vente, un devis normalisé comportant le prix de vente de chaque produit et de chaque prestation proposés ainsi que les modalités de prise en charge par les organismes d’assurance-maladie obligatoire et, le cas échéant, complémentaires. » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
- les mots : « l’audioprothésiste » sont remplacés les mots « Le professionnel de santé qui délivre au public un produit ou une prestation d’appareillage des déficients de l’ouïe ou d’optique-lunetterie » ;
- sont ajoutés les mots : « ainsi que les informations permettant d’assurer l’identification et la traçabilité des dispositifs médicaux fournis » ;
c) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« La note et les informations d’identification et de traçabilité sont transmises à l’organisme de sécurité sociale auquel est affilié l’assuré. » ;
d) Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le contenu et la présentation du devis et de la note sont fixés par un arrêté pris dans les conditions prévues à l’article L. 113-3 du code de la consommation.
« Les informations permettant d’assurer l’identification et la traçabilité sont fixées par un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, de l’économie et de la sécurité sociale. » ;
2° Après l’article L. 165-9, il est inséré un article L. 165-9-… ainsi rédigé :
« Art. L. 165-9-... – Les manquements aux obligations prévues à l’article L. 165-9 sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. L’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 141-1-2 du code de la consommation. »
II. – Le III de l’article L. 141-1 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 16° De l’article L. 165-9 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit de rétablir l’article 11 quater B, qui vise à compléter les dispositions de l'article L. 165-9 du code de la sécurité sociale, relatives à la délivrance de dispositifs médicaux, en précisant l'obligation faite aux audioprothésistes et aux opticiens de remettre un devis détaillé avant la vente.
À l’Assemblée nationale, le Gouvernement avait soutenu l’introduction de cet article, qui tend à clarifier et à renforcer les mesures d’information préalable du consommateur sur les prix des produits d’optique et des audioprothèses, en lui permettant de comparer au moyen d’éléments pertinents les offres proposées, en termes de prix mais également de rapport qualité-prix.
Cet amendement vise également à ajuster la rédaction initiale afin de préciser certains points, en prévoyant notamment que les nouvelles règles s’appliqueront aux seuls dispositifs figurant sur la liste des produits et prestations remboursables par l’assurance maladie, et que les modalités de prise en charge par les organismes d’assurance-maladie complémentaires figureront sur le devis. L’amendement assure enfin une coordination entre le code de la sécurité sociale et le code de la consommation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je rappelle que la commission spéciale a supprimé l’article 11 quater B parce qu’elle a estimé qu’il était nécessaire d’organiser au préalable une concertation avec les professionnels concernés, afin d’éviter d’introduire dans notre droit une nouvelle usine à gaz.
Au demeurant, les opticiens sont favorables au principe de transparence des produits qu’ils vendent.
Une sénatrice du groupe socialiste. C’est bien le moins ! (Sourires.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ils envisagent de prendre des mesures de traçabilité allant au-delà des obligations légales.
L’amendement ne vise à pas à rétablir cet article dans une rédaction strictement identique à celle qu’avait adoptée l’Assemblée nationale. Le Gouvernement s’est en effet efforcé de répondre à deux interrogations très concrètes figurant dans notre rapport. Nous avons salué cette attention portée à nos travaux en émettant un avis de sagesse.
Reste à savoir, monsieur le ministre, si la concertation a bien été organisée et si d’autres clarifications ne sont pas nécessaires. Pouvez-vous nous garantir que la concertation avec les professionnels a eu lieu ? Si tel n’était pas le cas, la commission émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Les modifications de la rédaction initiale font suite à plusieurs auditions et à des échanges entre, d'une part, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et, d'autre part, les opticiens et les audioprothésistes. Ce sont ces auditions et ces échanges qui nous ont permis d’apporter les clarifications rédactionnelles et les ajustements que j’ai évoqués.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1562.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 137 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 149 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, l'article 11 quater B demeure supprimé.
Article 11 quater C (nouveau)
Le premier alinéa de l’article L. 4362-10 du code de la santé publique est supprimé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, je me permets de faire d’abord observer que décidément, nous ne travaillons pas dans de bonnes conditions. L’heure gagnée ce soir sera reportée sur la prochaine séance. Par conséquent, l’amplitude horaire demeure.
Je souhaite relayer les inquiétudes des ophtalmologistes, qui craignent de voir leur activité disparaître. Au départ, l’ordonnance n’était nécessaire que pour l’obtention du remboursement par la sécurité sociale. Depuis la loi Hamon, elle est également obligatoire pour l’obtention d’une paire de lunettes de vue.
L’article 11 quater C vise à supprimer l’obligation d’ordonnance afin de préserver l’activité des opticiens des zones touristiques et frontalières, qui tient en partie au remplacement des montures cassées ou perdues par les touristes étrangers, ceux-ci ne pouvant attendre d’avoir rendez-vous chez un ophtalmologiste. D’aucuns agitent le chiffon rouge de la disparition de 2 4000 emplois d’opticiens, mais combien d’emplois d’ophtalmologistes risquent de disparaître du fait de la disparition des ordonnances ?
Ce sont surtout les risques pour les patients qui nous inquiètent. Je voudrais vous alerter à ce sujet. Nous savons que les Français renoncent déjà à se soigner. Ils renonceront donc à se rendre chez un ophtalmologiste s’ils n’y sont plus obligés. Cette obligation est pourtant nécessaire. La visite chez l’ophtalmologiste est le seul moyen de dépister des maladies asymptomatiques aux conséquences parfois irréversibles : glaucome, rétinopathie diabétique, tumeur cérébrale, etc. La suppression de cet acte de prévention ouvre la porte à de graves problèmes de santé publique.
L’autre problème crucial que cet article ne résout pas est celui des difficultés d’accès aux soins des patients du fait des délais nécessaires pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste. En France, le délai moyen est estimé à 77 jours. Parmi les dix plus grandes villes, Paris, Marseille et Bordeaux sont celles où l’attente est la moins longue, avec un délai moyen pour obtenir un rendez-vous inférieur à un mois : respectivement 24,7, 24,8 et 27,4 jours.
Nous pensons qu’une solution consisterait à supprimer le numerus clausus pour l’ophtalmologie et à en former massivement afin de couvrir le territoire. Il faudrait aussi interdire les dépassements d’honoraires.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre cet article.
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements identiques.
L'amendement n° 99 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 202 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell et Bertrand et Mmes Laborde et Malherbe.
L'amendement n° 231 rectifié ter est présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, M. Gabouty, Mme Loisier, M. Cadic, Mme Goy-Chavent, MM. Roche et Cigolotti, Mme Doineau et M. Kern.
L'amendement n° 513 est présenté par Mme Bouchart.
L'amendement n° 767 est présenté par MM. Ravier et Rachline.
L'amendement n° 979 rectifié est présenté par MM. J. Gillot et Vaugrenard, Mmes Tasca et Monier, M. Antiste, Mme Bataille, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mmes Campion et Claireaux, MM. Desplan et Duran, Mme Guillemot et MM. S. Larcher, Patient et Roux.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Les amendements nos 99 et 202 rectifié ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Hervé Marseille, pour présenter l'amendement n° 231 rectifié ter.
M. Hervé Marseille. Notre commission spéciale a pris le parti de supprimer l’alinéa 1 de l’article L. 4362-10 du code de la santé publique, au motif que cet alinéa serait susceptible de limiter l’activité des opticiens lunetiers. Le rapport de la commission spéciale ajoute que « l’ambiguïté juridique de cette nouvelle norme, sa singularité dans l’Union européenne et la certitude de ses effets économiques néfastes justifient sa suppression sans remettre en cause l’utilité de la prescription médicale préalable ».
Or, si l’article L.4362-10 du code de la santé publique dispose que « la délivrance de verres correcteurs est subordonnée à l’existence d’une prescription médicale en cours de validité », il n’oblige aucunement le patient-client à consulter un ophtalmologue durant la période de validité de l’ordonnance, qui est de trois ans.
Ajoutons que l’opticien-lunetier, s’il est en capacité d’effectuer des mesures afin de proposer la meilleure correction possible en fonction de l’évolution de la vue du patient durant la période de validité de la prescription, n’est en revanche pas en capacité d’effectuer une démarche de prévention des pathologies.
Seul un rendez-vous chez un ophtalmologue permet de détecter l'émergence d'une pathologie. Faire l'économie de ces rendez-vous de contrôle mettrait donc gravement en cause la santé publique.
Le délai de trois ans constitue un bon équilibre entre avantage économique, liberté des opticiens lunetiers et santé publique. Aller dans le sens de la commission revient à supprimer le critère de santé publique, ce qui constituerait un danger important pour les Français, ainsi que pour les caisses de la sécurité sociale, puisque le traitement tardif d'un glaucome, seconde cause de cécité en France, de la DMLA, de tumeurs oculaires, de mélanomes choroïdiens, implique des interventions lourdes et d'autant plus coûteuses que la pathologie est installée depuis longtemps. De plus, ces examens de routine permettent également de dépister l'hypertension artérielle ou encore le diabète.
Enfin, l'argument du délai d'attente pour obtenir une consultation ne tient pas non plus, dans la mesure où l'expérimentation en cours dans les Pays de la Loire montre qu'une filière visuelle où les ophtalmologues travaillent avec des orthoptistes permet de réduire ce délai de sept mois à deux ou trois semaines.
Mme la présidente. Les amendements nos 513 et 767 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour présenter l’amendement n° 979 rectifié.
M. Yannick Vaugrenard. La commission spéciale a donc supprimé le premier alinéa de l’article L. 4362-10 du code de la santé publique, qui prévoit que la délivrance de verres correcteurs est subordonnée à l’existence d’une prescription médicale en cours de validité. Cette mesure avait été portée par la gauche dans le cadre de la loi sur la consommation de 2014. De mémoire, il me semble que M. Fauconnier était à l’origine de cet amendement.
Six amendements ont pour objet de supprimer cet article 11 quater C, dont un signé par plusieurs sénateurs du groupe socialiste ; je vous invite à les voter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je crois que la portée de cet article a été mal évaluée, ce qui justifie une clarification de ma part. Cet article concerne la délivrance de verres correcteurs : il supprime l’exigence absolue de prescription préalable introduite dans le code de la santé publique par la loi du 17 mars 2014, dite « loi Hamon ».
Les auteurs de ces amendements s’inquiètent des conséquences sur la santé de nos concitoyens de cette initiative de la commission spéciale, qui n’a fait que revenir au droit en vigueur avant 2014. Je pense sincèrement que nous pouvons les rassurer, puisque cet article se limite à supprimer une phrase ambiguë qui n’existait pas dans notre droit de 1945 à 2014. Or, au cours de cette période, les patients ont massivement consulté les ophtalmologues, si bien que les carnets de rendez-vous de ces 5 800 spécialistes sont pleins. Nous disposons donc là de la meilleure étude d’impact qui soit, c’est-à-dire soixante-dix années d’expérimentation, qui démontrent que le texte de la commission spéciale ne menace en rien la santé de nos concitoyens.
Juridiquement, nous ne savons pas bien ce que signifie cette nouvelle obligation absolue de prescription en toutes circonstances. Le doute est permis : s’applique-t-elle, notamment, aux ressortissants non communautaires ? Si oui, il faudra alors, par exemple, refuser de venir en aide au touriste chinois ou américain qui a cassé ses lunettes, alors que, partout ailleurs en Europe, on répondra à sa demande.
De plus, sur le plan économique, il faut savoir que l’on recense 29 000 opticiens-lunetiers qui vendent, en moyenne, deux à trois paires de lunettes par jour, et le secteur est en relative surcapacité : est-ce bien le moment de leur infliger une amende de 3 750 euros si un client se présente en ayant besoin d’un secours exceptionnel et urgent ?
Pour le reste, depuis plusieurs dizaines d’années, la quasi-totalité des achats de lunettes par nos concitoyens sont précédés d’une visite chez l’ophtalmologue, car, depuis 1945, la prescription médicale est nécessaire pour déclencher le remboursement.
Constatant l’ambiguïté de cette norme, sa singularité et ses effets économiques restrictifs, la commission spéciale a décidé de la supprimer.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article 11 quater C.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Marseille. Madame la présidente, je retire l’amendement n° 231 rectifié ter !
Mme la présidente. L’amendement n° 231 rectifié ter est retiré.
Monsieur Vaugrenard, faites-vous de même avec l’amendement n° 979 rectifié ?
M. Yannick Vaugrenard. Non, je le maintiens.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 124 amendements au cours de la journée ; il en reste 1 240.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, samedi 11 avril 2015, à dix heures dix et à quatorze heures trente :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014-2015) ;
Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 11 avril 2015, à une heure dix.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART