Mme Éliane Assassi. Pavoiser !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … en tirer gloire ou matière à quelque triomphe que ce soit. Toutefois, un indicateur ne s’améliore pas,…
M. Christian Cambon. C’est l’emploi !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … c’est l’investissement, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est pourquoi le Gouvernement, en pleine responsabilité, a décidé de prendre des mesures visant à favoriser l’investissement. Permettez-moi de vous apporter, à votre demande, des précisions sur certaines d’entre elles, sans prétendre, pour autant, à ce stade, être exhaustif.
La principale mesure permet à toutes les entreprises de « suramortir » une certaine catégorie d’investissements privés – ces types d’investissements productifs sont connus. Je veux tordre le cou à une idée trop communément répandue, il ne s’agit pas là que d’une mesure de trésorerie. Non, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une mesure supplémentaire visant à accorder à toutes les entreprises un avantage de 13 % sur l’ensemble des investissements éligibles.
Cet effort budgétaire extrêmement important, attendu et salué par bon nombre d’entreprises, qui a été estimé par le Premier ministre à 2,5 milliards d’euros sur cinq ans, représentera environ 380 millions d’euros, selon nos estimations, pour le budget de l’année 2015.
Au nombre des mesures que nous avons prises, je tiens à signaler également la prolongation du crédit d’impôt pour la transition énergétique. Conformément au vote du Parlement, ce dispositif était en vigueur jusqu’à la fin de l’année 2015 ; il sera prolongé au-delà. Là encore, cette mesure importante était très attendue par un certain nombre de syndicats d’entreprises, notamment la CGPME, pour donner de la lisibilité et de la durée.
Enfin, vous avez évoqué des mesures supplémentaires en ce qui concerne le préfinancement du Fonds de compensation pour la TVA, ce qui n’est pas non plus sans incidence budgétaire. Même s’il s’agit de prêts de la Caisse des dépôts et consignations, bonifier ou annuler les intérêts représentera une dépense supplémentaire de l’ordre de 50 millions d’euros.
M. Francis Delattre. Une goutte d’eau !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ces mesures seront inscrites dans les trajectoires budgétaires qui vous seront proposées le 15 avril prochain, dans le cadre du programme de stabilité.
C’est une véritable prise de conscience de la nécessité d’accélérer l’investissement, et ces mesures répondent, me semble-t-il, à l’attente d’un certain nombre d’acteurs économiques, pour ne pas dire à tous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
rachat de la chaîne numéro 23 par nextradiotv (BFMTV)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe UDI-UC.
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication. Mais, permettez-moi auparavant d’exprimer, au nom du groupe UDI-UC, tout notre soutien à la chaîne TV 5 Monde, voix de la francophonie, qui vient d’être victime d’une cyberattaque sans précédent, une nouvelle atteinte à la liberté d’expression que nous dénonçons. (Applaudissements.)
La semaine dernière, nous apprenions le rachat de la chaîne de la TNT Numéro 23 par le groupe NextRadioTV, qui possède déjà BFM TV, RMC, RMC Découverte, pour près de 90 millions d’euros. Deux ans et demi à peine après son lancement, cette chaîne change donc de mains, et cette transaction devrait rapporter une somme importante à ses actionnaires.
Je ne porterai pas de jugement sur l’habilité du principal actionnaire de Numéro 23 – avec un tel retour sur investissement, on serait tenté de dire : « Chapeau l’artiste ! » – ni sur le respect des engagements pris lors de l’attribution de la fréquence en termes de création et de ligne éditoriale.
En revanche, cette transaction financière doit tous nous interpeller. Comment expliquer aux Français, qui sont à la fois téléspectateurs et contribuables, qu’un bien public rare a été cédé gratuitement pour être revendu à bon prix aussi rapidement ?
On fait immédiatement le parallèle avec un autre dossier en cours, celui du transfert de la bande des 700 MHz dont, soit dit en passant, le calendrier et l’absence de plan d’accompagnement posent problème.
Le Gouvernement entend céder ces fréquences aux opérateurs de télécommunication contre une rémunération élevée, qui a déjà été affectée au budget de la défense.
À l’inverse, quel gain l’État va-t-il tirer de la revente de Numéro 23 ? Pas grand-chose !
M. Roger Karoutchi. Rien !
Mme Catherine Morin-Desailly. Radio France en est aujourd’hui à son vingt-deuxième jour de grève ; le groupe fait face à des difficultés considérables. Dans un contexte budgétaire très dégradé, il y aurait là une ressource immédiatement disponible plus que suffisante pour recapitaliser le groupe public de radio auquel nous sommes tous attachés.
Madame la ministre, comment prévenir ces actions spéculatives autour des chaînes de télévision de la TNT ?
Aux termes de la loi de 1986, l’autorisation donnée à une chaîne par le CSA peut être retirée en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée. On ne saurait préjuger de l’avis du CSA mais, à la suite de la cession de Numéro 23, le Gouvernement entend-il modifier ces dispositions, afin de les rendre plus protectrices de l’intérêt général ?
Nous débattons en ce moment du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Ne serait-ce pas l’occasion de porter de deux ans et demi à cinq ans la durée minimale de détention avant de pouvoir céder le capital d’une nouvelle chaîne de télévision sur la TNT, tout simplement afin de moraliser ces pratiques ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre message de solidarité envers la chaîne TV5 Monde. Avec Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve, je me suis rendue ce matin auprès des équipes pour leur dire la solidarité du Gouvernement : nous mettons tout en œuvre pour prévenir, dans la mesure du possible, de telles attaques et, en tout cas, la traiter du mieux possible. D’ailleurs, Bernard Cazeneuve et moi-même recevrons aujourd’hui les dirigeants des grands médias, afin d’engager des réflexions sur ce sujet.
J’en viens maintenant au rachat annoncé dans la presse de la chaîne Numéro 23 par le groupe NextRadioTV.
Comme vous le savez, madame la sénatrice, ce projet est soumis au contrôle des autorités de régulation, l’Autorité de la concurrence et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, lesquelles devront donner leur accord avant toute concrétisation. Or, avant d’agréer une telle opération, le CSA doit prendre en compte le respect du pluralisme et de la concurrence dans le secteur audiovisuel.
Récemment, le Gouvernement a renforcé ces procédures sur deux points.
La loi du 15 novembre 2013 prévoit que le CSA doit mieux prendre en compte les considérations économiques d’un projet avant d’agréer les modifications d’autorisation de service de télévision. Si le CSA estime que le marché sera bouleversé, il pourra notamment lancer une étude d’impact publique, pour prendre une décision éclairée.
Le CSA a donc tous les moyens de s’assurer du respect de l’équilibre du marché et du pluralisme.
Par ailleurs, en 2013 également, le Gouvernement a mis en place une taxation de 5 % sur la revente des chaînes de la TNT, déclenchée en cas de changement des titulaires d’autorisation hertzienne. Il me semble d’ailleurs que la droite n’était pas très favorable à l’adoption d’une telle taxe ; elle y était même franchement opposée. Cette taxe visait à faire en sorte que les fréquences, qui appartiennent au domaine public, comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, et qui sont attribuées gratuitement aux chaînes de la TNT, ne puissent pas faire l’objet de spéculations. Nous aurions aimé à l’époque avoir le soutien de la droite !
Enfin, si l’actionnariat d’une chaîne est modifié, la loi, pas plus que la jurisprudence, ne permet pas d’envisager un changement de format ou de programmation d’une chaîne de la TNT. Tout changement substantiel – un changement de thématique ou de catégorie de services, par exemple – apporté à la programmation est de nature à remettre en cause l’autorisation délivrée.
Une telle mesure permet donc également de lutter contre la spéculation.
Quoi qu’il en soit, je partage votre objectif, madame la sénatrice. Quant à votre proposition d’allonger la durée minimale de détention d’une chaîne, pourquoi pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
redécoupage électoral pour les élections départementales
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour le groupe UMP.
M. Christian Cambon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Il y a dix jours, votre majorité a subi un revers électoral sans précédent (Exclamations.), vous privant en un jour de la présidence de vingt-six conseils départementaux.
Pourtant, votre défaite aurait pu être bien plus lourde encore si votre prédécesseur au ministère de l’intérieur, Manuel Valls, n’avait fait voter un découpage des cantons particulièrement perfide…
M. Michel Berson. Pertinent !
M. Christian Cambon. … visant à atténuer le désaveu massif des Français.
Dans de nombreux départements, des cantons ont ainsi échappé à l’union de la droite et du centre grâce à un maniement des ciseaux particulièrement favorable à la gauche. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Roland Courteau. Rien à voir avec celui de Pasqua !
M. Christian Cambon. Du reste, ce découpage de dentellière avait soulevé l’indignation des élus, et près de 2 500 recours furent déposés. (Exclamations continues sur les travées du groupe socialiste.) Fort étonnamment, aucun de ces recours n’a abouti devant le Conseil d’État. Sans doute, la force de nos arguments ne fut pas suffisamment persuasive, et nous en avons pris acte.
Aujourd’hui, néanmoins, au vu des résultats, vos véritables intentions apparaissent plus clairement.
M. Didier Guillaume. Nous avons fait élire 50 % de femmes !
M. Christian Cambon. À cet égard, le cas du Val-de-Marne est édifiant.
Tenu par le parti communiste depuis trente-huit ans, ce département constitue, élection après élection, la monnaie d’échange d’une union de la gauche rafistolée entre les deux tours, ce qui permet aux socialistes de bénéficier de meilleurs reports de voix communistes dans le reste des départements. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.)
Le découpage en Val-de-Marne fut diabolique.
Ainsi, à Vitry-sur-Seine, fief du parti communiste, pour 45 000 électeurs, il y a deux cantons et quatre conseillers départementaux. À Nogent-sur-Marne – Le Perreux-sur-Marne, fief de la droite, toujours pour 45 000 électeurs, il n’y a qu’un seul canton et deux conseillers départementaux !
Mme Cécile Cukierman. Ce sont les électeurs qui décident ! Ils sont libres !
M. Christian Cambon. Vous nous chantez l’égalité des chances, mais, en termes d’égalité, on fait mieux !
Le résultat du Val-de-Marne reflète ce beau cadeau fait au parti communiste. (Rires sur les travées du groupe CRC.)
Au soir du second tour, avec 52 % des voix, l’union de la droite et du centre est battue ! Avec 41 % des voix, la gauche l’emporte, avec trois cantons supplémentaires !
Mme Éliane Assassi. Vous êtes mauvais perdant !
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, dans quel pays perd-on une élection avec 52 % des voix et la gagne-t-on avec 41 % ? Eh bien, c’est en France, dans le Val-de-Marne ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Le Premier ministre, qui n’a cessé de donner des leçons de morale politique, pense-t-il que de tels procédés vont réconcilier les Français avec les urnes ?
Mme Éliane Assassi. Les questions orales, c’est le mardi matin !
M. Christian Cambon. Ma question est simple : monsieur le ministre, lors des prochaines élections, allez-vous encore poursuivre cette manipulation des lois électorales, une manipulation indigne de notre démocratie ?
Mme Éliane Assassi. Et Pasqua, qu’avait-il fait ?
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas à la hauteur du Sénat !
M. Christian Cambon. Plutôt que de rester sourd et aveugle au désaveu des électeurs, allez-vous – enfin ! – prendre des mesures courageuses pour redresser notre pays et redonner aux Français l’envie d’aller voter ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, s’il était encore besoin de prouver que certains résultats électoraux peuvent faire perdre tout sens de la nuance, votre question vient d’en apporter une démonstration extrêmement brillante. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Permettez-moi tout d’abord de vous livrer quelques éléments de principe, afin de ne pas vous énerver davantage. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Si le Gouvernement a été obligé de recréer des cantons, c’est tout simplement parce que vous les aviez tous supprimés. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.) Il n’y a pas eu de redécoupage : tous les cantons ont été supprimés lors de la création du conseiller territorial.
M. Yves Daudigny. C’est vrai !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Lorsque nous avons décidé de faire élire les conseillers départementaux, nous avons été obligés de recréer les cantons.
Mme Catherine Procaccia. C’est faux !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous expliquez que les choses sont mauvaises avec ce découpage, alors qu’elles étaient fort bonnes par le passé. J’ai donc examiné très méticuleusement la situation de votre département.
J’ai constaté, à cette occasion, qu’il n’y a pas d’écart de plus de 20 % entre les différents cantons au regard de leur population, alors que, dans le précédent découpage, l’écart était de un à trois entre les cantons de Villiers-sur-Marne et de Bonneuil-sur-Marne.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Quand le rapport entre la population de deux cantons est de un à trois, cela ne choque pas l’opposition, mais il en est autrement quand il n’est que de 20 % ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) J’ai du mal à comprendre la logique de ce raisonnement.
Enfin, monsieur Cambon, je vous signale que, grâce au mode de scrutin que nous avons proposé, la proportion de femmes, qui n’était que de 13,5 % dans les précédents conseils généraux, s’établit désormais à 50 % dans l’ensemble des conseils départementaux de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christian Cambon. Ce n’était pas l’objet de ma question !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Peut-être, mais c’est ma réponse. (Rires et exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le sénateur, que le nouveau mode de scrutin permette de réaliser la parité dans tous les départements de France devrait suffire à vous mettre de meilleure humeur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Cécile Cukierman. Malheureusement, il n’y a que 10 % de femmes présidentes de conseil départemental !
évolution de la politique en centrafrique
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du RDSE.
M. Guillaume Arnell. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Il y a tout juste une semaine, le monde entier prenait connaissance avec le plus grand effroi du massacre de l’université de Garissa : dans cette ville de l’est du Kenya, quelque 150 personnes, essentiellement des étudiants chrétiens, ont été tuées par des terroristes des milices islamistes venues de la Somalie voisine, les shebab.
Le monde entier a condamné cette tuerie qui, après les attentats de Paris et de Copenhague, nous rappelle que la lutte contre le terrorisme est mondiale, et que l’Afrique n’est pas épargnée.
Monsieur le ministre, la France, très présente sur le continent africain, collabore-t-elle avec les forces kényanes pour ne pas laisser ce massacre impuni ?
C’est précisément du Kenya que nous est parvenue hier une nouvelle qui est peut-être une note d’espoir. En effet, un accord de cessez-le-feu en Centrafrique a été annoncé par la présidence kényane, chargée depuis des mois d’une médiation délicate entre les représentants des ex-rebelles de la Séléka et ceux de la milice anti-balaka.
De l’accord qui aurait été signé, on sait peu de chose : reprend-il la formule de l’accord signé en janvier dernier à Nairobi, mais jamais reconnu par Bangui, ou bien s’agit-il d’un accord véritablement nouveau ? Je rappelle que le premier accord s’accompagnait d’un projet d’amnistie générale et appelait au remplacement des autorités de transition en place, deux points inacceptables pour les autorités de Bangui, qui ont toujours refusé de reconnaître la légitimité de ces négociations.
Monsieur le ministre, de quelles informations disposez-vous au sujet de cet accord ? Pensez-vous qu’il puisse se traduire sur le terrain par un véritable cessez-le-feu ?
La Centrafrique est engagée dans un processus de transition fragile et laborieux qui doit déboucher cet été sur des élections législatives et présidentielle, après des mois de violence et de chaos.
Or ce processus a déjà pris du retard, puisque le forum national de réconciliation, initialement prévu en février dernier, doit désormais se tenir à Bangui du 27 avril au 4 mai prochains. La présidente de transition, Mme Samba-Panza, semble attendre beaucoup de ce forum qui doit réunir toutes les parties impliquées dans la crise, mais sans que l’on sache si les anciens présidents Bozizé et Djotodia pourront y participer.
Monsieur le ministre, alors que les forces françaises de l’opération Sangaris, présentes depuis décembre 2013 en Centrafrique, ont vocation à être réduites à 1 500, puis à 700 hommes, que pouvez-vous nous dire de la situation sur le terrain ? La France participera-t-elle d’une façon ou d’une autre au forum de Bangui ?
M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.
M. Guillaume Arnell. Quelle appréciation portez-vous sur l’évolution du processus de transition en cours et pensez-vous que le « pari » des élections prévues cet été, pour reprendre une expression de la présidente Samba-Panza, sera tenu ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur Arnell, vous avez commencé votre intervention – chacun y a été sensible – en rappelant les événements tragiques qui ont endeuillé il y a peu le Kenya.
Ce pays, qui avait déjà été touché dans le passé, a été frappé d’une manière absolument abominable, vous avez tous vu ces images terribles. Qu’y a-t-il de pire, en effet, que de voir des jeunes gens qui ne demandent qu’à étudier être pourchassés, assassinés, « tirés » comme des animaux, pour la seule raison qu’ils sont chrétiens ?
Devant un crime aussi épouvantable, notre réaction – partagée, j’en suis sûr, par le Sénat tout entier – tient en deux mots : solidarité et soutien. D’une manière active, qu’il n’est pas nécessaire de détailler à cet instant, la France soutient la population et le gouvernement kényans.
Vous m’avez ensuite interrogé, monsieur le sénateur, sur la situation actuelle de la Centrafrique et sur ses développements possibles.
En ce qui concerne l’accord qui, paraît-il, a été conclu, ni la présidence centrafricaine ni les capitales régionales ne le reconnaissent ; je ne m’y arrêterai donc pas.
Je vous rappelle que notre pays a été obligé d’intervenir dans ce pays pour éviter un génocide. Il l’a fait sur le fondement d’une autorisation de l’Union africaine et à la demande des Nations unies. Si les problèmes ne sont pas tous résolus – M. le ministre de la défense, avec qui je travaille tous les jours, le sait bien –, on doit reconnaître cependant que la sécurité, si l’on se place d’un point de vue global, ce qui est nécessaire, s’est nettement améliorée sur le terrain. Ainsi, dans la capitale, la vie a repris son cours.
Cette stabilisation devrait nous permettre de continuer à réduire les effectifs de l’opération Sangaris ; notre intention est de les ramener à 800 hommes d’ici à la fin de l’année.
La priorité consiste désormais à assurer la tenue des élections ; tout est mis en œuvre pour qu’elles puissent se tenir. Lorsque le Mali s’est trouvé dans la même situation, je me souviens que l’on nous disait que les élections ne pourraient pas avoir lieu – ce n’était pas la bonne saison, il y avait les pluies, et ceci ou cela. Le gouvernement malien avait tenu bon, nous aussi, et toute la communauté internationale. Finalement, les élections s’étaient bien passées… Tous les efforts doivent converger pour qu’il en soit de même en Centrafrique.
La volonté de Mme Samba-Panza et des autorités de transition est tout à fait claire, malgré les problèmes matériels, notamment ceux qui sont liés aux financements internationaux. En ce qui concerne les candidatures qui se préparent, je crois qu’il ne faut pas trop évoquer des personnalités qui, dans le passé, ont exercé des responsabilités sans s’illustrer par un bilan très positif pour leur pays.
Nous souhaitons que ces élections puissent être organisées à partir de l’été 2015, et nous travaillons dans cet objectif.
Enfin, sur le plan de la solidarité internationale, nous avons mobilisé nos principaux partenaires, en particulier l’ONU, qui vient de renforcer la Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations unies en République centrafricaine, la MINUSCA, dans la perspective des élections, et l’Union européenne, dont la mission EUFOR a été prolongée, et je peux dire que nous y avons beaucoup contribué ; je pense également au FMI et à la Banque mondiale.
Monsieur Arnell, la République centrafricaine n’est pas une crise oubliée. Au contraire, la communauté internationale, et la France au premier rang, se mobilise pour préparer les prochaines échéances. L’organisation du forum national de réconciliation, prévu à Bangui à la fin de ce mois, puis la tenue des élections sont le meilleur moyen de sortir enfin ce pays de la triste situation dans laquelle il se trouve depuis des années ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.– M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)
accord sur le nucléaire iranien
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Yves Leconte. Ma question s'adresse également à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Le 2 avril dernier, à Lausanne, le groupe dit « P5+1 », composé des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi que de l’Allemagne, et l’Iran ont annoncé être arrivés à un accord concernant les paramètres pour un plan d’action global relatif au programme nucléaire iranien. Cette annonce témoigne de la volonté des négociateurs de concrétiser le plan d’action commun adopté le 24 novembre 2013 pour trouver un accord durable et complet sur ce programme nucléaire.
Jusqu’au dernier moment, les efforts exceptionnels des négociateurs pouvaient être contredits par la défiance qui subsiste entre les parties, une défiance qu’illustre notamment la lettre adressée au peuple iranien le 9 mars dernier par des sénateurs américains opposés à tout accord.
Liquider le contentieux nucléaire avec l’Iran nous permettrait de travailler ensemble, Européens et Iraniens, sur les dossiers, les tragédies, mais aussi les nombreux désaccords qui fragilisent notre sécurité commune et déstabilisent le Proche-Orient.
Les exigences que la France a maintenues tout au long de cette négociation pour éviter tout risque de prolifération nucléaire donnent à présent une grande crédibilité aux paramètres de ce plan d’action. La partie publique de l’accord est constituée à ce jour d’une déclaration commune de la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, et du ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif ; ce document fixe les orientations générales du plan d’action global. En parallèle, la partie américaine a publié un texte beaucoup plus détaillé.
Monsieur le ministre, comment la France accompagnera-t-elle la difficile finalisation du plan d’action global annoncé pour le 30 juin prochain ?
La déclaration commune précise que la mise en œuvre de ce plan d’action global conduira l’Union européenne à « mettre fin à toutes ses sanctions économiques et financières se rapportant au nucléaire » et les États-Unis à « mettre fin à toutes leurs sanctions économiques et financières secondaires se rapportant au nucléaire, en simultanéité avec la mise en œuvre, par l’Iran, sous la vérification de l’AIEA, l’Agence internationale de l’énergie atomique, ses engagements clés en matière nucléaire ».
La France, en adoptant une position exigeante, a contribué à la conclusion d’un accord satisfaisant pour ceux qui n’y étaient pas opposés par principe, et qui peut maintenant grâce à cela réussir.
Monsieur le ministre, quelles conséquences cet accord peut-il avoir pour les relations bilatérales historiquement très fortes que la France entretient avec l’Iran dans les domaines culturel, éducatif, commercial et industriel ? Comment nous y préparer au mieux ?
Le rétablissement de vols sans escale, déjà réalisé entre plusieurs capitales européennes et la capitale iranienne, est-il possible entre Paris et Téhéran ? Comment accompagner nos banques pour éviter qu’elles ne soient paralysées par le risque de sanctions américaines durant la période transitoire qui s’ouvre, au cours de laquelle nos concurrents, déjà tous en effervescence, disposeront de banques plus audacieuses pour aborder ce marché ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur Leconte, vous m’interrogez sur les négociations très complexes que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et l’Allemagne mènent avec l’Iran. Vous avez insisté sur deux aspects de ces négociations que, au nom de notre pays, j’ai menées de bout en bout.
D’abord, vous m’avez demandé ce que la France entendait faire d’ici au 30 juin, date butoir fixée pour la conclusion d’un accord.
Monsieur le sénateur, nous allons maintenir la ligne que nous suivons depuis le début des négociations, une ligne respectée par tous et qui a déjà produit un certain nombre de résultats : elle consiste à adopter une attitude constructive, mais extrêmement exigeante. Dans cette affaire, en effet, il ne s’agit pas simplement de l’Iran ; le cœur du sujet, c’est la prolifération nucléaire.
Nous avons toujours affirmé que nous souhaitions aboutir à un accord, si un accord était possible, mais qu’il fallait pour cela que rien ne reste dans l’ombre.
Nous avons avancé sur un certain nombre de sujets que je n’aborderai pas dans le détail ; je pense en particulier au nombre des centrifugeuses, au stock d’uranium à la disposition de l’Iran, au pourcentage d’enrichissement, au réacteur d’Arak, aux activités possibles sur le site de Natanz et aux projets envisagés pour le site très souterrain de Fordo. Ces avancées ont ouvert la voie à un projet d’accord.
Néanmoins, des sujets demeurent sur lesquels nous n’avons pas encore trouvé un accord, à commencer par la question des sanctions économiques, qui est le second aspect des négociations sur lequel vous m’avez interrogé. Du reste, le « Guide suprême » vient de faire des déclarations qui montrent que beaucoup de travail reste à faire, comme je l’ai souligné il y a quelques jours devant la commission des affaires étrangères du Sénat. (M. Robert del Picchia acquiesce.)
En ce qui concerne la question, très complexe, des sanctions, il est sûr que, si un accord est conclu, les sanctions seront levées ; mais elles le seront dans la mesure où l’Iran respecte ses engagements. Que se passera-t-il s’il y a contravention avec les engagements pris ? C’est la question du retour en arrière, du mécanisme que l’on appelle en anglais le snapback. Nous n’avons pas réussi, jusqu’à présent, à nous mettre d’accord sur ce sujet.
Nous allons poursuivre nos efforts, étant entendu que, si un accord complet est conclu, les conséquences en seront très importantes sur le plan économique pour tous les pays, dont la France.
En tout cas, monsieur Leconte, ne doutez pas que la France continuera d’avoir une attitude indépendante et de se prononcer en faveur des exigences de la non-prolifération nucléaire et de la paix ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
dysfonctionnements des sociétés d'état