compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaire :
M. Bruno Gilles.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 19 février 2015 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. Madame la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue José Balarello, qui fut sénateur des Alpes-Maritimes de 1984 à 2008. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
J’adresse les condoléances du Sénat à sa famille.
3
Décès d’un sénateur
M. le président. J’ai le très profond regret de vous faire part du décès brutal de notre collègue Claude Dilain, survenu ce matin. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.) Nous en avons été informés par le président Didier Guillaume à l’ouverture de la réunion du groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat.
Claude Dilain était sénateur de la Seine-Saint-Denis depuis 2011. Je prononcerai son éloge funèbre ultérieurement, mais je tiens d’ores et déjà à saluer sa mémoire et à faire part de l’émotion du Sénat. Nous gardons tous le souvenir de son engagement et de ses interventions empreintes de passion.
Maire de Clichy-sous-Bois jusqu’en 2011, où il s’était installé comme pédiatre, Claude Dilain était un membre assidu, actif et apprécié de la commission des affaires sociales, secrétaire du Sénat depuis octobre dernier.
Défenseur des plus pauvres et des quartiers déshérités – je garde en mémoire le regard croisé que lui et Pierre Cardo, maire de Chanteloup-les-Vignes, portaient chacun sur leurs deux villes, en souffrance –, pourfendeur des inégalités territoriales, il était l’une des grandes figures de la politique de la ville dans notre pays et intervenait fréquemment dans notre hémicycle sur ces sujets.
Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à sa famille – je me suis entretenu par téléphone avec son épouse et son fils –, à ses proches et au groupe socialiste, que je sais particulièrement affecté par la brutalité de cette disparition.
Madame la ministre, mes chers collègues, je vous propose d’observer un instant de recueillement. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
4
Organisme extraparlementaire
M. le président. M. le Premier ministre m’a demandé de lui faire connaître le nom d’un sénateur appelé à siéger comme membre suppléant au sein de la formation élargie du Conseil national du numérique.
Conformément à l’article 9 du règlement du Sénat, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été saisie afin de proposer un candidat.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
5
Commission mixte paritaire
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l’enseignement supérieur.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
6
Dépôt d’un rapport
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l’impact du titre Ier de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances.
7
Décisions du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 27 février 2015, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- le mandat d’arrêt à l’encontre des personnes résidant hors du territoire de la République (n° 2014-450 QPC) ;
- et les sanctions disciplinaires des militaires – Arrêts simples (n° 2014-452 QPC).
Acte est donné de ces communications.
8
Transition énergétique
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (projet n° 16, texte de la commission n° 264 rectifié, rapport n° 263, avis nos 236, 237 et 244).
Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.
Je vous inviterai ensuite, mes chers collègues, à vous rendre dans la salle des conférences pour voter, et je suspendrai la séance pendant la durée du scrutin, prévue pour une demi-heure.
Je proclamerai enfin le résultat à l’issue du dépouillement, aux alentours de seize heures, puis je donnerai la parole au Gouvernement.
Explications de vote sur l'ensemble
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole à M. David Rachline, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. David Rachline. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, pas de vie sans énergie ! La transition énergétique appelle donc dans les faits un changement de notre mode de vie et de nos sources d’énergie ; la difficulté est de mettre l’accent sur le deuxième aspect – consommer mieux – sans trop toucher au premier – consommer moins. Il paraît en effet difficile de revenir en arrière en ce qui concerne le confort, l’utilisation des nouvelles technologies, etc. Personne, pas même nos collègues écologistes, ne souhaite un retour à l’âge de pierre. En tout cas, je l’espère.
Seulement, le principal problème, et non le moindre en ces temps de disette financière, de déficits record et de dettes abyssales, est que l’on ne sait pas très bien comment on va financer toutes ces mesures. Il s’agit certes d’investissements qui, j’en suis convaincu, peuvent participer à relancer notre économie, mais il faut bien les financer. Oui, nous croyons à la croissance verte ! Mais comme nous n’avons plus de leviers financiers – plus exactement, comme vous les avez donnés aux technocrates bruxellois –, je ne vois pas très bien comment l’État et les entreprises publiques spécialisées dans le secteur de l’énergie vont pouvoir financer cette transition.
Dans le domaine énergétique, il convient de se prémunir contre les idées dogmatiques. Même si je ne suis pas d’accord avec toutes les mesures de votre texte, madame le ministre, je considère que vous avez évité de tomber dans le piège dogmatique du tout-énergie renouvelable. Aujourd’hui, en dehors de l’énergie hydraulique, les autres énergies renouvelables – le photovoltaïque, les biocarburants ou l’éolien – ne sont pas viables économiquement, pas viables technologiquement, à moins de recouvrir le sol français d’éoliennes et de panneaux solaires. Or je doute que, dans ce cas, la France reste la première destination touristique au monde…
Oui, il faut encourager la diversification énergétique ! Nous y arriverons, à mon sens, non pas à coup de pourcentages assénés dans une loi, mais en abordant ces questions sous le triptyque écologique, puis technologique et enfin économique.
Dans le domaine de la politique énergétique, nous croyons à la politique des « petits pas » plutôt qu’aux mesures révolutionnaires. Comme on a pu le voir en Allemagne, la fin brutale du nucléaire, choix dogmatique, n’en déplaise à mes collègues écologistes, a fait bondir la production de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, le nucléaire est sans doute la source d’énergie la moins polluante en termes d’émissions de gaz à effet de serre. La question des déchets reste préoccupante, certes, mais je ne vois pas très bien comment favoriser les voitures électriques si l’on se prive de la moins chère et de la moins polluante source d’électricité.
La politique des « petits pas » permet de préserver certaines filières, surtout des filières d’excellence. Je pense ici à la filière nucléaire. Cela permet également de ne pas se lancer à corps perdu dans des filières peut-être séduisantes, mais peu rentables.
Pour conclure, je tiens à rappeler fermement que nous souhaitons que, comme pour la politique économique, nous ayons un véritable État stratège et non pas un État qui brade la responsabilité de nos approvisionnements et de notre production d’énergie à des entreprises privées, parfois à capitaux étrangers. À ce titre, je m’interroge encore sur les risques de privatisation de nos outils de production hydroélectrique contenus dans le projet de loi.
Dans ce texte, de nombreuses mesures vont dans le bon sens, mais, je vous le prédis, la transition énergétique restera un vœu pieux et ne deviendra pas une réalité si vous ne changez pas de modèle économique, ce modèle mondialiste et libre-échangiste.
M. le président. Il faut conclure !
M. David Rachline. Bref, il faut prendre conscience de l’urgence à produire et à consommer local. L’absence de remise en cause du modèle mondialiste par ce texte ne nous permettra pas de le voter. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour le groupe UDI-UC.
Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est symbolique que le vote solennel sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte intervienne le jour même où Jean-Louis Borloo annonce le lancement de sa fondation pour l’énergie en Afrique, auquel assistait d’ailleurs le président du Sénat.
Rappelons-le, ces sujets sont fondamentaux. Sur le plan économique, d’abord, parce que c’est la croissance elle-même qui est en jeu. Quand on regarde, par exemple, les perspectives de régression de la productivité alimentaire, en raison du réchauffement climatique, tout particulièrement en Afrique, on voit bien que l’Europe ne pourra pas se développer si notre grand voisin africain, dont la population va prochainement doubler, n’a pas accès à l’énergie.
M. Charles Revet. C’est une certitude !
Mme Chantal Jouanno. Sur le plan social, ensuite, car la question du climat soulève un problème d’inégalités. À cet égard, on peut se demander si l’apathie des instances internationales n’est pas une certaine forme de cynisme.
C’est également un sujet de sécurité. Une étude très intéressante vient d’être publiée montrant que le réchauffement de 1 degré du climat contribue à accroître jusqu’à 7 % le risque de conflits internationaux.
C’est aussi un sujet qui concerne notre vision future de l’accès aux ressources stratégiques, et vous savez combien cela me tient à cœur. La question de la transition énergétique ou du Grenelle 3 – peu importe comment on l’appelle, du moment que l’idée nous rassemble – est, je le répète, un sujet fondamental. En la matière, l’exemple de l’Afrique est extrêmement symbolique.
Madame la ministre, je l’ai déjà dit, votre texte me laisse des regrets, parce que des sujets que j’aurais aimé voir creusés ne l’ont pas été.
À mes yeux, la question n’est pas celle de la polémique sur la date à laquelle doit intervenir la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique – 2025, comme vous le proposiez, ou 2040 –, car cette réduction notre groupe la souhaite. Nous avons d’ailleurs déposé une proposition de résolution à ce sujet. Mais, très honnêtement, ce débat est plus économique qu’écologique. D’un point de vue écologique, on peut tout à fait conclure que le nucléaire est finalement un très bon élève. Il pose certes une question de sécurité – quels risques sommes-nous décidés ou pas à assumer sur notre territoire ? –, mais je ne pense pas qu’il faille arbitrer entre le développement ou la réduction du nucléaire et les énergies renouvelables. En effet, sans modification des signaux économiques, tout particulièrement de la fiscalité, nous parviendrons à quelques améliorations, mais nous n’atteindrons pas la profonde transition écologique que la plupart d’entre nous appellent de leurs vœux.
Aujourd’hui, la France est en tête du classement en termes de prélèvements sur le travail et la production en Europe et avant-dernière en matière de fiscalité écologique. J’aimerais que ce classement s’inverse afin d’envoyer un véritable signal économique montrant qu’il vaut mieux créer de l’emploi que de polluer. Malheureusement, ce débat n’a pas eu lieu. Lors de l’examen du projet de loi de finances, on nous a dit qu’il aurait lieu pendant l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique. Aujourd’hui, on nous renvoie à la loi de finances. Cela fait quelques années que cela dure, vous n’êtes pas la première, mais, sans cette profonde modification de la fiscalité, il sera fondamentalement difficile de faire évoluer la question de l’écologie.
Le second débat que j’aurais aimé voir approfondi, mais cela a suscité des réticences sur toutes les travées de cet hémicycle, est celui de la liberté des collectivités, de leur libre droit à expérimenter des mesures hors du carcan des lois, règlements, décrets et autres arrêtés. Les élus assument leurs responsabilités : si les décisions qu’ils prennent pour mener la transition énergétique ne plaisent pas à leurs électeurs, ils ne seront pas reconduits ! Ce débat est constitutionnellement difficile, je le sais. Pour autant, est-ce une raison pour le refermer ? Les collectivités sont bien plus créatives que n’importe quelle administration, quelle que soit la qualité des membres de cette administration, et disposent de bien plus de marges de manœuvre pour mener à bien la transition.
Cela étant, nous voterons le projet de loi, même si certaines de ses dispositions me déplaisent, comme les fameux 1 000 mètres concernant les éoliennes. Le Sénat a en effet apporté de grandes améliorations à ce texte. Je pense, par exemple, à la précarité énergétique : nous avons très nettement renforcé les dispositions concernant la rénovation des bâtiments et accéléré le calendrier. Des dispositions ont également été prises en matière d’énergies renouvelables, notamment avec un meilleur partage de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux et une meilleure concertation. De nombreuses mesures ont aussi été adoptées dans le domaine des transports ; je pense à la multimodalité et au développement des circulations douces.
Reste que je constate avec grand regret le traitement médiatique qui a été réservé à l’énorme travail réalisé par le Sénat. Nous avons examiné plus de mille amendements, nos rapporteurs et nos présidents de commission ont accompli un travail approfondi et les débats ont été transpartisans. Je reconnais également, madame la ministre, et vous savez combien je suis avare de compliments, que nous avons reçu une très bonne écoute de la part du Gouvernement et de l’administration. Je ne voudrais donc pas que le travail du Sénat se trouve résumé à une polémique, très politique, sur une date – 2025 ou pas 2025 –, car ce n’est pas le sujet ni l’ambition de la transition énergétique ou de ce que certains appellent le Grenelle 3.
Je le répète, nous voterons le projet de loi, tout en espérant très fortement qu’il y aura un avenir pour la fiscalité écologique et la libre expérimentation des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP et certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les travaux qui se sont déroulés pendant quinze jours dans cet hémicycle ont été sérieux et de qualité. Ce n’est pas moi qui le dis, mais une voix autorisée, qui vient de l’Assemblée nationale, qui a porté ce jugement tout à fait lucide sur le travail que nous avons mené, ajouterai-je, jusqu’à son terme. Si elle est convoquée, la commission mixte paritaire se verra donc proposer un texte réfléchi et abouti.
Après avoir dit que le groupe UMP que je représente en cet instant votera le texte, ce dont personne ne sera surpris, permettez-moi de faire quelques remarques.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique s’inscrit dans le prolongement d’autres textes qui ont été votés par le Parlement ces dix dernières années. Je citerai la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dite « loi POPE », ou la loi du 3 août 2009, dite « Grenelle de l’environnement », en faveur de laquelle le Parlement s’est prononcé à une large majorité. J’y ajouterai des décisions prises par l’Union européenne, qui, à l’intérieur de ce qu’on appelle le « paquet climat-énergie », a fixé des orientations sur lesquelles la France s’est rapidement alignée. C’est ainsi que le texte sur lequel nous allons voter dans un instant reprend des dispositions qui existaient déjà. Je pense au relèvement à 23 % de la part des énergies renouvelables d’ici à 2020, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou aux économies d’énergie. Ces dispositions se trouvent donc renforcées par le présent projet de loi.
Permettez-moi toutefois de dire que certains ont méconnu une évidence durant ce débat : les énergies carbonées sont prépondérantes dans notre système énergétique. Trop souvent, des interventions, venues d’un groupe en particulier, ont pu laisser penser que nous examinions un projet de loi sur l’électricité et, donc, sur le nucléaire. Or je rappelle que, en France, l’énergie électrique ne représente que 23 % de notre consommation d’énergie primaire. À l’intérieur de ces 23 %, près de 80 % de l’électricité provient de l’énergie nucléaire. Ne réduisons pas le débat au nucléaire : ce n’est qu’une petite partie du sujet ! Les trois quarts de la consommation, c’est de l’énergie carbonée, issue du pétrole, du gaz et du charbon. Il faut donc aussi parler du bâtiment, des transports : autant de domaines dans lesquels un effort doit être consenti si l’on veut réduire notre consommation et diminuer les émissions de CO2.
Nous sommes attachés à une politique de l’énergie qui préserve l’indépendance de la France, assure la compétitivité de nos entreprises, préserve le pouvoir d’achat des consommateurs et soit protectrice de l’environnement et du climat. Je me dois de dire que les choix qui ont été faits il y a longtemps, et qui furent prolongés par des gouvernements de sensibilités tout à fait variées, ont été particulièrement protecteurs des intérêts de notre pays. C’est dans cet esprit que nous avons rédigé l’article 1er. Je sais qu’il a été examiné à la loupe par l’ensemble des personnes qui composent cette assemblée tout comme par les observateurs extérieurs. D’une façon générale, il a été considéré qu’il s’agissait d’un texte fondateur, bien écrit, susceptible de rassembler.
Nous sommes conscients que, quels que soient les majorités et les gouvernements, la part du nucléaire dans notre mix énergétique ne pourra que baisser avec le temps. L’objectif de 50 % ne nous contrarie pas. En revanche, la date de 2025 est irréaliste, le délai dans lequel il faudrait fermer vingt réacteurs est impossible à tenir. C’est la raison pour laquelle, sous la plume du rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Ladislas Poniatowski, de nouvelles dispositions sont venues compenser la diminution de l’électricité d’origine nucléaire par de l’électricité non carbonée provenant des énergies renouvelables. Le moment venu, nous arriverons à 50 %.
À l’article 55, qui concerne la puissance installée, nous avons réintroduit l’arrivée de Flamanville à une échéance relativement proche – sans doute 2017 –, afin de tenir compte de façon très pragmatique de ce qui sera mis à la disposition de nos entreprises et des consommateurs.
Par ailleurs, nous félicitons nos collègues socialistes d’avoir présenté un amendement relatif à la distance à respecter entre une éolienne et des habitations. Nous l’avons voté. Voilà une belle coconstruction d’un texte qui, je pense, donne satisfaction au plus grand nombre !
Et demain ? Je ne parle pas là de la CMP, mais des prolongements à donner pour développer une véritable politique énergétique. Demain, madame la ministre, il faudra mettre plus d’Europe, laquelle est malheureusement absente de ce débat. La raison en est simple : il n’existe pas de politique de l’énergie européenne ; chacun fait en fonction de ses moyens. Les pays de l’Union européenne pourraient donc se rassembler sur deux axes : d’une part, favoriser les interconnexions et, d’autre part, soutenir la recherche, notamment concernant le stockage de l’énergie, en particulier de l’électricité. C’est dans le cadre européen que la recherche peut être stimulée et que les échanges peuvent se développer. Des sommes considérables devront donc être engagées.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Claude Lenoir. Nous appelons l’ensemble des partenaires européens à se retrouver pour fixer des axes réalistes. Continuons à préserver l’avantage que nous avons ! Après la Suède, la France est en effet le pays qui protège le mieux le climat du fait des choix énergétiques que nous avons faits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour le groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’avais conclu mon intervention lors de la discussion générale en indiquant que le futur n’attend pas. Alors, inventons-le dès maintenant ! C’est bien l’objectif de ce projet de loi, dont je salue l’esprit ambitieux, l’audace et la force.
Merci d’avoir osé, madame la ministre ! Nous avons apprécié votre écoute, votre présence, votre esprit d’ouverture. Le dialogue fut vraiment fructueux.
Nous avons fait, je pense, un bon travail de coconstruction, messieurs les rapporteurs. Je ne sais si nous nous sommes dépassés, mais nous avons su dépasser les clivages sur de nombreux sujets. Pas sur tous, hélas ! Au nom du groupe socialiste, je salue votre travail.
Y avait-il urgence à réagir ? Oui, sans doute, tant le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, est alarmant lorsqu’il évoque « des incidences irréversibles et dangereuses ». Face à une telle situation, la seule certitude qui s’impose à nous est celle du choix qui a été fait : le choix d’un mode de croissance verte, qui fait de nous tous les acteurs mêmes de ce changement, jusqu’au cœur du pays, avec les territoires à énergie positive ; le choix de la rupture avec un modèle énergétique qui n’était plus durable et avec une trajectoire qui n’était plus soutenable.
Oui, il y avait bien urgence à réagir, car les sirènes de l’urgence climatique sont de plus en plus stridentes ! Nous étions aussi pressés par l’urgence économique et sociale. En l’occurrence, je pense non seulement à la crise du bâtiment et à l’effet levier de ce projet de loi en matière de croissance et d’emploi, mais aussi au droit de chacun à bénéficier d’un logement décent, qui passe notamment par la lutte contre les logements « passoires » et la précarité énergétique.
Oui, avec l’allongement de la trêve hivernale et la mise en œuvre du chèque énergie, ce texte consacre un peu plus le droit pour tous à l’énergie et au chauffage l’hiver !
Oui, il y avait véritablement urgence à promouvoir l’économie circulaire, car le système linéaire qui consiste à extraire, à fabriquer, à consommer puis à jeter a atteint ses limites ! Saluons donc l’entrée de l’économie circulaire dans notre droit positif.
Oui, l’industrie, le résidentiel tertiaire, les transports constituent d’importants gisements d’économies d’énergie ! Là aussi, il y avait urgence à réagir, car, en ce domaine, nous sortions à peine de la préhistoire.
Non, il n’y avait pas de meilleures réponses aux enjeux climatiques, écologiques, sanitaires et sociaux, non plus qu’à la nécessaire compétitivité de la France ! Il n’y avait pas de meilleures solutions pour impulser cette croissance verte solide, durable, avec la création de nombreux emplois et l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages.
Nous avons ainsi réussi à concilier écologie et économie dans ce texte qui va dans le bon sens.
Oui, la France était tenue d’inventer ce nouveau modèle et se devait de mettre en mouvement la société sur un sujet majeur aux multiples enjeux ! Il fallait un texte qui nous donne rendez-vous avec l’histoire, car la France doit avoir pour ambition de devenir une puissance écologique, un modèle et une référence. En somme, il fallait un texte permettant d’inventer la social-écologie, car, ne l’oublions pas, quand les conditions de vie se détériorent à cause d’un environnement dégradé, ce sont les plus faibles, les plus fragiles, les plus précaires, ainsi que les générations futures qui en subissent les conséquences les plus graves.
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !
M. Roland Courteau. Sur tous ces points, le texte a été enrichi. Mieux, nous avons su faire sauter quelques clivages entre nous, et non des moindres : je pense à la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, au sujet de laquelle nous avons abouti à un compromis en séance publique.
Madame la ministre, vous nous avez rassurés sur les concessions hydroélectriques et l’ouverture à la concurrence. Il ne s’agira pas d’une ouverture sèche, comme celle que nous avait proposée le gouvernement Fillon en 2010.
Vous nous avez rassurés sur la possibilité, contre investissements, de prolonger la durée des concessions au-delà de soixante-quinze ans, et même de quatre-vingt-dix-neuf ans, mais également sur les nouvelles sociétés d’économie mixte hydroélectriques. Ces dernières éviteront la concurrence sèche, laquelle aurait mené à une quasi-privatisation de nos barrages, qui sont, ne l’oublions jamais, des biens publics nationaux.
Concernant les énergies renouvelables, nous saluons la mise en œuvre des dispositifs de participation avec les sociétés de production des énergies renouvelables. Nous nous félicitons aussi des mesures positives sur l’effacement et sur les industries électro-intensives.
Ainsi, jusque-là, vous aurez compris que le groupe socialiste applaudit tant le projet de loi que les améliorations apportées par le Sénat, ce qui me permet, à ce stade, de citer Bernard Maris, assassiné le 7 janvier dernier dans les locaux de Charlie Hebdo : « La réalité de la satisfaction minimale des besoins essentiels de tous – santé, logement, culture – est là, et il appartient à l’humanité de la mettre en œuvre. Il faut renoncer à l’accumulation pour l’accumulation, mais il faudra du temps avant que la stationnarité et même la décroissance soient intégrées dans les gènes. Dans ce nouveau monde, il y aura des actifs, des économistes, des dentistes et, surtout, des artistes. »
Quoi qu’il en soit, madame la ministre, avec ce texte, vous avez ouvert une voie dans cette direction, mais nous regrettons que les deux amendements du Gouvernement sur le nucléaire n’aient pas été adoptés. C’est là pour nous un point d’achoppement important. Je le répète, nous ne sommes ni pour le tout-nucléaire ni pour la sortie du nucléaire. Didier Guillaume a utilement rappelé lors des débats que nous étions favorables à cette énergie décarbonée, mais que nous recherchions un équilibre en la matière.
Il est un autre point de divergence dans le texte qui est soumis à notre vote : le rétablissement des coupures d’eau. Nous désapprouvons le fait que le Sénat, dans sa majorité, ait oublié la violence que constitue pour une famille une coupure d’eau et l’humiliation qu’elle représente.