M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Antoine Lefèvre. Ma question s’adressait à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Lors de sa dernière conférence de presse, le Président de la République a évoqué ce qu’il a nommé « l’esprit du 11 janvier », réponse de nous tous aux drames que nous avons vécus en ce début d’année. Le verbe de M. Hollande se livre d’ailleurs plus au commentaire qu’il n’offre la perspective d’une action réelle. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Marc. C’est minable !
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Ce n’est pas l’esprit du 11 janvier !
M. Antoine Lefèvre. Certes, il fut question du nécessaire vivre ensemble et de laïcité, mais peu, vraiment trop peu – voire pas du tout – de pistes ont été dégagées en réponse aux attentes économiques et sociales de nos concitoyens.
Depuis deux ans et demi, nous assistons, impuissants, au creusement de la dette – c’est ce que craignait Bruxelles –…
M. Daniel Raoul. Qu’avez-vous fait, vous ? Vous êtes amnésiques ?
M. Antoine Lefèvre. … et à l’augmentation du déficit public,…
M. Simon Sutour. Vous parlez en spécialiste !
M. Antoine Lefèvre. … lequel a été qualifié de « très inquiétant » ce matin même encore dans cet hémicycle par le Premier président de la Cour des comptes, qui s’exprimait à l’occasion du dépôt du rapport annuel de l’institution qu’il préside.
Deux ans et demi durant lesquels les mesures de la précédente majorité, qui avaient été programmées pour être mises en place dans cette période, ont été consciencieusement balayées pour des motifs idéologiques ; deux ans et demi durant lesquels ni le logement, ni la sécurité, ni la santé, ni la défense n’ont été encouragés ; deux ans et demi durant lesquels la courbe du chômage, en particulier de longue durée, n’a fait que croître !
Les chiffres sont là, ils sont inquiétants : il y a 2,25 millions de chômeurs inscrits depuis plus d’un an à Pôle emploi, chiffre qui a crû de plus de 10 % en 2014. En ce tout début d’année 2015, la France métropolitaine compte plus de 700 000 chômeurs sans emploi depuis plus de trois ans, avec une progression de plus de 19 % en un an. Alors même que le taux de chômage dans la zone euro était en baisse de 0,1 point en décembre 2014 – 0,2 point pour l’Irlande et 0,4 point pour l’Italie –, la France affiche une hausse de 0,8 point.
Lundi soir, le ministre du travail a présenté un énième plan anti-chômage de longue durée – c’est une nouvelle sémantique – avec une conviction qui l’honore. Dès le lendemain, il a indiqué « espérer » une baisse du nombre de chômeurs « à la fin de l’année ». Espérer c’est bien, agir c’est tout de même mieux !
Les Français ne vous croient plus. Depuis plus de deux ans et demi, ils ont pu constater plus d’effets d’annonce que de réels faits.
M. David Assouline. Quelle est la question ?
M. Antoine Lefèvre. Les jeunes, particulièrement touchés par le chômage, ne croient plus en la parole publique.
M. Simon Sutour. La question !
M. Antoine Lefèvre. En guise de relance, on nous propose une loi Macron, jour après jour rognée, et qui de toute façon ne peut pas être considérée comme une réforme structurelle de notre économie.
M. le président. Posez votre question ! (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Antoine Lefèvre. Dans ces conditions, que répondre aux chômeurs de longue durée, qui avouent finir par douter de leurs capacités ?
Face à ce chômage récurrent, cette plaie, cette « maladie française » comme la nomment les économistes, la flexibilité et la formation sont les seuls remèdes. Dès lors, pensez-vous réellement que la batterie de dispositifs compliqués que vous nous proposez – d’ailleurs pas ou peu financés – apportera une réponse réaliste à la situation dégradée de l’emploi en France ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir excuser l’absence de François Rebsamen, qui réunit actuellement au ministère du travail les acteurs de la lutte contre le travail illégal.
Si j’ai bien compris, l’objet principal de votre question concerne le plan que le ministre du travail a présenté lundi. Ce plan est le fruit d’une réflexion qui a duré plusieurs mois ; elle a impliqué tous les partenaires sociaux, les régions, Pôle emploi et les acteurs de l’insertion. Cette concertation a permis de prendre le temps de mettre sur la table tous les défis auxquels nous sommes confrontés, afin de lutter contre ce fléau qu’est le chômage de longue durée. S’il touche aujourd’hui quatre demandeurs d’emploi sur dix, il est malheureusement la marque d’un système qui existe depuis de très nombreuses années dans notre pays.
Cette méthode de concertation a permis deux choses : imaginer et proposer vingt mesures très concrètes, qui vont changer le quotidien de ces personnes ; engager une volonté commune de travailler ensemble, pour que ce plan soit non pas un aboutissement, mais le premier pas d’une mobilisation générale d’ampleur.
Vingt mesures ont été présentées, qui répondent à trois objectifs.
Le premier est d’augmenter les moyens d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Cela se traduira par le doublement du nombre des personnes qui profiteront d’un suivi renforcé par Pôle emploi – elles seront 460 000, contre à peine 230 000 à la fin de l’année 2014 –, mais aussi par un droit réel à la formation qualifiante et gratuite pour les demandeurs d’emploi, via les comptes personnels de formation, mis en place récemment par le Gouvernement, qui seront abondés en conséquence.
Le deuxième objectif est d’apporter une aide pour surmonter les obstacles de la vie, avec la garantie du loyer pour les chômeurs qui acceptent de déménager afin de reprendre un emploi et des places en crèche d’entreprise pour faciliter les entretiens ou durant la période d’essai.
Le troisième objectif est d’aider les employeurs à s’engager pour recruter 100 000 contrats aidés marchands, grâce à des périodes de mise en situation professionnelle, ou encore à la création d’un suivi pour accompagner l’employeur et le salarié recruté jusqu’à la fin de la période d’essai.
Vous le savez bien, monsieur le sénateur, cette mobilisation ne s’arrête pas là ; c’est seulement un premier pas que nous avons annoncé. Tous les acteurs sont mobilisés pour continuer à trouver des solutions innovantes et pragmatiques afin de lutter contre le chômage en général et le chômage de longue durée en particulier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Revet. Il n’y a pas grand-chose !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Transition énergétique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons, au sein du titre II, l’examen de l’article 3.
Article 3 (suite)
M. le président. Ce matin, nous avons entamé l’examen des amendements nos 720, 502, 485 rectifié, 543, 486 rectifié et 487 rectifié, faisant l’objet d’une discussion commune.
Je vous rappelle que ces six amendements ont été défendus, et que la commission des affaires économiques ainsi que le Gouvernement ont donné leur avis.
Monsieur Dantec, l'amendement n° 720 est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 720 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 502.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote sur l'amendement n° 485 rectifié.
M. Philippe Bonnecarrère. Afin de parvenir à un consensus sur les différentes travées de notre assemblée, je retire cet amendement. Toutefois, je dépose un sous-amendement à l’amendement n° 543, dont l’objet est similaire sur le fond, mais qui va un peu moins loin puisqu’il ne fait pas référence aux parcs naturels régionaux.
Je suis d’accord pour ne pas faire référence aux parcs naturels régionaux, mais je souhaite qu’il soit fait mention dans cet article 3 des zones pour lesquelles notre pays a pris des engagements internationaux. C'est la raison pour laquelle je propose la rédaction suivante : « dans une zone inscrite sur la liste du patrimoine mondial en application de la convention de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture du 16 novembre 1972 et dans sa zone tampon, ».
M. le président. L'amendement n° 485 rectifié est retiré.
Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 965, présenté par M. Bonnecarrère, et ainsi libellé :
Après les mots :
L. 331-3 du même code,
insérer les mots :
dans une zone inscrite sur la liste du patrimoine mondial en application de la convention de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture du 16 novembre 1972 et dans sa zone tampon,
Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. La commission des affaires économiques avait demandé le retrait des amendements nos 485 rectifié et 543, qui ajoutent une contrainte inutile.
À la suite de Mme la ministre, je tiens à rassurer nos collègues : dans les zones dites « protégées », c’est le droit courant qui s’applique. Les dérogations – il peut y en avoir occasionnellement – doivent être soumises à l’avis de l’architecte des Bâtiments de France. Cela me paraît suffisant.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Même avis que la commission.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 965.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’entends bien les arguments de la commission des affaires économiques et du Gouvernement, mais, par expérience et pour avoir souvent consulté les professionnels, je ne suis pas sûre que la législation en vigueur, plus protectrice, continuera à s’appliquer après l’adoption du nouveau dispositif. Or la qualité du patrimoine ne doit pas être remise en cause.
Pour ma part, je voterai le sous-amendement n° 965 et l’amendement n° 543. J’ai entendu tellement de fois qu’un texte existait déjà, qu’il ne fallait pas à nouveau revoter les mêmes dispositions, pour m’apercevoir ensuite qu’il ne couvrait pas tous les cas de figure, que je préfère que le Sénat manifeste sa volonté politique qu’il n’y ait aucun flou.
Si la preuve nous est ensuite apportée que la protection maximale sera en tout état de cause assurée, il sera toujours possible de toiletter le texte en commission mixte paritaire ou lors d’éventuelles autres lectures.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l’amendement n° 543.
Mme Marie-Christine Blandin. La commission de la culture s’est engagée depuis très longtemps dans la protection du patrimoine architectural local. J’ai été une animatrice et un acteur zélé de cette action, même quand parfois la commission des affaires économiques s’en prenait au choix des architectes des Bâtiments de France.
Cela étant, ayant bien étudié et évalué la mesure qui est proposée, les écologistes auraient préféré en revenir au texte de l’Assemblée nationale grâce à l’amendement n° 720 que nous avions présenté.
M. Charles Revet. Cet amendement a été retiré !
Mme Marie-Christine Blandin. Certes, mon cher collègue, mais par souci de consensus, et après l’éclairage fourni par M. le rapporteur et par Mme la ministre. Nous avons donc trouvé un consensus qui prend en compte le bâti et l’architecture, et qui rend le pouvoir à la sagacité du maire.
Or si nous adoptions le présent amendement, nous retirerions aux maires le pouvoir d’être intelligents et nous empêcherions les choix judicieux effectués au coup par coup.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Absolument !
Mme Marie-Christine Blandin. En conséquence, les écologistes ne voteront pas cet amendement. Nous plaidons en faveur du consensus qui s’est dessiné entre le banc des commissions et celui du Gouvernement.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Merci !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. L’intervention de Mme Blandin m’amène à réagir. Après les explications données par Ladislas Poniatowski à Jean-Pierre Leleux, j’avais cru comprendre que la rédaction de la commission laissait aux maires la libre appréciation de faire ou de ne pas faire.
Avant le vote, j’aimerais que M. le rapporteur nous éclaire. En adoptant cet amendement, faisons-nous disparaître la rédaction de la commission et retirons-nous aux maires leur pouvoir d’appréciation ? Cette précision est importante pour que nous puissions nous exprimer en connaissance de cause. Je comprends parfaitement la démarche de Mme Monier, qui a défendu l’amendement n° 543. J’adhère au souci qu’elle a exprimé ; mais il ne faudrait pas, en voulant bien faire, priver les maires du pouvoir d’appréciation que la commission avait souhaité leur accorder.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Cher Alain Vasselle, vous avez très bien compris quelle était la difficulté. Je remercie d’ailleurs Mme Blandin d’avoir clairement expliqué la situation : si nous adoptions le présent amendement, le maire n’aurait plus aucun pouvoir, y compris de prendre une décision dérogatoire, notamment dans les zones protégées.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas ce qu’a dit Mme la ministre !
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. À l’heure actuelle, dans ces zones, il arrive que l’architecte des Bâtiments de France interdise – à juste titre, en général – les travaux ; mais il arrive aussi qu’il autorise le maire à prendre une décision dérogatoire dans tel ou tel cas de figure. Si cet amendement était adopté, je le répète, ce ne sera plus possible ! On retirera ce pouvoir aux maires.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, ce n’est pas vrai !
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. C’est la raison pour laquelle je souhaite que l’on s’en tienne au texte de la commission des affaires économiques.
M. Alain Vasselle. On n’y comprend plus rien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Si j’ai bien compris Mme la ministre, l’amendement n° 543 que j’ai défendu est inutile, car les zones protégées ne relèvent pas du pouvoir du maire. Son adoption ne changera donc rien ! Mme la ministre reprochait plutôt à cet amendement d’être redondant. C’est la raison pour laquelle je le maintiens, afin de bien souligner que le Sénat est conscient des enjeux patrimoniaux.
Toujours selon Mme la ministre, cet amendement est satisfait, parce que les travaux en zones protégées sont déjà soumis à l’avis des architectes des Bâtiments de France. Nous n’enlevons donc aucun pouvoir aux maires, puisque ces derniers n’en ont pas sur les servitudes que sont les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, les ZPPAUP, ou les sites protégés.
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.
M. Michel Le Scouarnec. Avec l’évolution de l’intercommunalité, qui conduit les communes à perdre un peu de leur pouvoir, il est temps de consolider celui des maires. Je serais vraiment ennuyé que leurs prérogatives se trouvent amputées à suite de l’adoption de cet amendement. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Les explications de M. le rapporteur et de Mme la ministre me convainquent clairement de ne pas voter cet amendement.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On nous dit des choses contradictoires. Je n’y comprends plus rien !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l’amendement n° 487 rectifié.
M. Alain Vasselle. M. Leleux a très justement expliqué sa préoccupation. En l’espèce, on sort du périmètre des monuments classés ou inscrits à l’inventaire, voire des zones qui sont déterminées dans des dispositions réglementaires ou législatives. En effet sont visés des bâtiments construits avant 1948.
Comme l’a expliqué Gérard Longuet, il existe en milieu rural,…
M. Gérard Longuet. Même en ville !
M. Alain Vasselle. … et en ville également, c’est exact, des bâtiments, d’une grande qualité architecturale, dont les façades appartiennent à notre patrimoine historique – classé ou non – et présentent un intérêt pour l’histoire architecturale de notre pays. Il serait dommage que, par une disposition de cette nature, cette partie du patrimoine puisse être affectée par les travaux dont il est question dans le présent projet de loi.
Mme la ministre a fait valoir que la proposition de M. Leleux pouvait être retenue. Mais alors des travaux d’économie d’énergie sur les façades des cours intérieures des immeubles qui, elles, n’ont pas le même caractère architectural que les façades, ne pourraient pas être réalisés.
Je n’appelle pas à voter les yeux fermés en faveur de cet amendement, mais je souhaite attirer l’attention de la Haute Assemblée, du Gouvernement et de la commission. Certes, il n’y aura pas de navette, puisque le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée, mais il serait bon que les deux assemblées puissent réfléchir et s’entendre sur une rédaction permettant de satisfaire, au moins dans l’esprit, la demande de M. Leleux, quitte à renvoyer les modalités d’application du dispositif à un décret.
Voilà pourquoi, en l’état, je suis assez hésitant à l’idée de rejeter purement et simplement cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Dans l’amendement n° 486 rectifié, une distinction était opérée entre les bâtiments réalisés avant et après 1948. Il a été rejeté.
M. Leleux m’a indiqué que l’amendement n° 487 rectifié, aux termes duquel la capacité dérogatoire prévue au futur article L. 123-5-2 du code de l’urbanisme ne peut s’exercer pour des édifices ou parties d’édifices construits en matériaux traditionnels, était un amendement de repli. Malgré le vote précédent, que j’accepte, je me permets d’insister sur l’importance du présent amendement.
Je veux bien que l’on admette toutes les dérogations du monde, mais il faut à un moment donné savoir fixer des limites. Je ne reviendrai pas sur ce que Gérard Longuet, Jean-Pierre Leleux ou moi-même avons pu dire au sujet de l’article 3, mais il me semble que, en autorisant les dérogations qui dénaturent des façades construites dans des matériaux caractéristiques, on met le doigt dans un engrenage dangereux pour la préservation de notre patrimoine. M. Requier a évoqué l’exemple albigeois, mais il en existe bien d’autres à travers la France.
Si vous estimez que des améliorations juridiques ou techniques sont nécessaires, nous pourrions tranquillement y réfléchir lors de la réunion de la commission mixte paritaire. En tout état de cause, faute de garanties suffisantes, il serait déraisonnable de retirer cet amendement de repli. Je vous prie, mes chers collègues, de bien vouloir l’adopter.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je soutiendrai cet amendement. Personnellement, je ne comprends pas très bien les explications du rapporteur et de la ministre – je crains que ce ne soit le cas sur bien d’autres sujets. Qu’est-ce qui s’appliquera ? D’un côté, on nous dit que le maire est décisionnaire. De l’autre, on affirme que les articles du code de l’urbanisme visant le patrimoine en question continueront de s’appliquer. Si tel est le cas, le maire n’a pas l’autorité. Personnellement, j’aime comprendre ce que je vote,…
M. Jean-François Husson. Nous aussi !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … d’autant qu’il s’agit en l’espèce de sujets importants.
Nous avons tous en mémoire des exemples de maires ou de hauts fonctionnaires ayant sacrifié une partie de notre patrimoine architectural pour des motifs économiques, de modernité ou autres. Nous devons donc faire preuve d’une grande précaution. C’est pourquoi, comme il ne reste qu’un seul amendement portant sur ce sujet, je le voterai !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 643 rectifié, présenté par Mme Jouanno et MM. Guerriau, Tandonnet, Détraigne et Marseille, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre IV du livre II du code civil est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Du droit de surplomb pour isolation thermique par l’extérieur
« Art…. – Le propriétaire d’un mur, mitoyen ou non, qui procède à l’isolation thermique de son bâtiment par l’extérieur, en vertu d’une autorisation administrative de construire régulière, bénéficie d’un droit de surplomb de la propriété voisine.
« L’ouvrage d’isolation par l’extérieur ne peut être établi qu’à 50 centimètres au moins au-dessus du pied du mur ou du sol, et sur une épaisseur de 50 centimètres au plus.
« Le propriétaire du fonds servant conserve le droit de construire en limite séparative ou en usant de ses droits mitoyens, tout bâtiment chauffé relevant de la réglementation thermique en vigueur, le démontage de l’ouvrage d’isolation rendu nécessaire étant aux frais du propriétaire du fonds dominant.
« Cette servitude s’éteint par la destruction du bâtiment isolé.
« Les contestations auxquelles peuvent donner lieu l’établissement et l’exercice de la servitude susmentionnée sont soumises à une médiation préalable, à peine d’irrecevabilité d’une demande contentieuse, le médiateur étant désigné à défaut d’accord des parties par le président du tribunal de grande instance, statuant en référé. »
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Il s'agit d’un amendement très technique, qui vise à lever les difficultés juridiques liées au surplomb sur fonds voisin pour les isolations de pignons en limite séparative.
L’objet de cet amendement est de faciliter l’isolation par l’extérieur, laquelle présente un potentiel d’économies d’énergie supérieur de 15 % à l’isolation par l’intérieur puisqu’on évite ainsi les ponts thermiques.
Or il existe une difficulté juridique, relevée notamment par les experts du plan Bâtiment. Une telle isolation par l’extérieur nécessite de porter légèrement atteinte au droit de propriété, qui est extrêmement protégé, comme chacun le sait dans cette enceinte. On ne peut l’affecter que pour cause d’utilité publique. La Cour européenne des droits de l’homme a considéré qu’il était possible d’y porter atteinte pour des motifs concernant l’isolation, les économies d’énergie et l’environnement.
Par cet amendement, nous proposons de créer une nouvelle servitude d’utilité publique, mais très limitée. En clair, lorsqu’il existe un creux entre deux bâtiments appartenant à des propriétaires différents et qu’il est question d’isoler par l’extérieur le bâtiment qui surplombe l’autre, il s’agit, d’autoriser une dérogation sur cinquante centimètres sur le surplomb.
Tel est, grosso modo, l’objet de cet amendement, rédigé, vous l’avez bien compris, puisque je ne suis pas spécialiste du droit immobilier, par les acteurs du plan Bâtiment durable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, la commission ne peut souscrire à cet amendement.
Si quelqu’un veut isoler un bâtiment par l’extérieur, comme l’a très bien expliqué Chantal Jouanno, il pourra déborder de cinquante centimètres sur la propriété voisine, et les détenteurs de celle-ci ne pourront rien y faire si nous adoptons cet amendement. C’est une vraie atteinte au droit de propriété.
Aujourd'hui, cela peut se produire, mais celui qui souhaite accomplir de tels travaux doit en discuter avec ses voisins ; il a la possibilité de négocier. Le problème n’est pas toujours aussi brutal. Lorsque les immeubles ne se touchent pas et que le débordement se produit sur un jardin, il y a généralement un accord de voisinage. Lorsque les deux propriétés se touchent presque et que le débordement se situe au-dessus de l’immeuble voisin, cela pose un vrai problème, souvent porté devant la justice. Il est effectivement très rare que le débordement au-dessus de la propriété voisine soit autorisé.
C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement est du même avis que la commission et préfère des arrangements amiables entre voisins.
Si l’on s’engageait dans cette direction, il faudrait préciser la taille du débord ; je ne pense pas que l’isolation mesure plus de quelques centimètres. Cela peut aussi relever d’un accord amiable ou de dispositions conventionnelles à l’échelon d’un territoire, afin de ne pas empêcher les travaux d’isolation sans porter atteinte à la limite de propriété.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.