M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, sur l’article.
M. Michel Bouvard. Je tiens tout d’abord à saluer l’esprit d’ouverture affiché par Mme la ministre ; j’espère que nous pourrons également être entendus sur l’article 4, qui concerne le tourisme.
On peut être dans l’opposition et reconnaître quand les choses vont bien : je crois en l’espèce qu’il faut se féliciter du fait que le ministre des affaires étrangères et du développement international ait pris le dossier du tourisme à bras-le-corps. Ce doit être la troisième fois, après Bernard Pons et Michelle Demessine, qu’un ministre s’intéresse à ce sujet et l’exprime durablement.
L’article 4, donc, a trait aux compétences en la matière. Je voudrais rappeler que le tourisme, globalement, marche bien. Il faut donc s’efforcer de ne pas abîmer ce qui fonctionne de manière satisfaisante.
Il faut également prendre en compte le fait que la France est composée de territoires à intensité touristique différente. Il n’y a rien de comparable entre l’activité touristique en Picardie, région pour laquelle j’ai la plus grande estime, et ce qu’elle peut être dans certaines zones de régions plus vastes. Les seuls départements du Var et des Alpes-Maritimes, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, représentent, grâce à la Côte d’Azur, la première destination touristique de France. Pour ce qui concerne les départements de montagne, j’indique que les départements savoyards représentent à eux seuls 85 % du tourisme de toute la région Rhône-Alpes.
En la matière, madame la ministre, nous avons donc de grands défis devant nous. Je pense, par exemple, à la présence de l’État sur le territoire, qui gagnerait à être moins tatillonne. J’ai transmis hier à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale un dossier sur les procédures suivies pour le renouvellement des labels de communes touristiques ou de stations touristiques, lesquelles sont marquées par des lourdeurs, des demandes de renseignements absolument invraisemblables. On en finit même par se demander si les 35 000 lits touristiques de la station des Arcs remplissent bien les critères !
Je le répète, il y a des défis à relever : la rénovation de l’immobilier de loisirs, la promotion internationale de la France et la question des moyens des collectivités touristiques. Une commune touristique n’est pas seulement une rente. Sa situation est comparable à celle d’une entreprise : elle est en concurrence face aux autres destinations, notamment étrangères.
J’ai déposé un certain nombre d’amendements sur le tourisme en montagne. Cela représente 250 stations, 10 millions de touristes en hiver, 120 000 emplois, 58 millions de journées skieurs, 2 milliards d’euros pour notre balance des paiements et 300 millions d’euros d’investissements sur les domaines skiables portés par les collectivités locales !
Dans le territoire savoyard, se concentrent 85 % du tourisme de la région Rhône-Alpes et 61 % des journées skieurs de tout le pays. Le nombre de lits touristiques, 1,376 million, est supérieur à la population des deux départements, et nous avons un tiers de clientèle étrangère. Au total, 48 000 emplois salariés sont concernés.
Par conséquent, nous souhaitons que les collectivités ayant toujours agi en la matière puissent continuer à le faire. Nous ne voulons ni d’une logique de tutelle ni de carcans. Il ne faut pas que les centres de décision s’éloignent. N’imposons pas aux collectivités des schémas qui ne correspondraient pas à leurs attentes sur le terrain.
Gardons de la souplesse. Il y a effectivement des marges de progrès, sur l’efficacité des dépenses ou sur la promotion. Nous en avons longuement discuté l’autre jour. Mais nous avons surtout besoin de maintenir des capacités de décision sur les stratégies d’investissement ou de développement. Aujourd'hui, cela relève soit des communes-stations, soit des départements quand ils exploitent le domaine skiable, comme c’est souvent le cas, et sont les principaux partenaires des communes dans le développement du tourisme en montagne.
C’est le sens du message que je voulais porter et des amendements que j’aurai l’occasion de défendre dans quelques instants.
Faisons en sorte que l’autonomie et les capacités de décision des collectivités ne soient pas entamées ! Il faut préserver l’efficacité du tourisme de montagne. Aujourd'hui, la France est la première destination mondiale. Elle le doit non pas à des marques comme « Rhône-Alpes », « Vosges » ou « Massif Central », mais à des stations qui portent des noms connus dans le monde entier ! C’est cela aussi qu’il faut comprendre ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 177 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et M. Requier.
L'amendement n° 587 est présenté par M. Adnot.
L'amendement n° 848 est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 177 rectifié.
M. Jacques Mézard. Je souhaite d’abord faire une mise au point.
Certains ont parlé de jacobinisme national ou régional. Or, je le rappelle, c’est un député socialiste qui a récemment déclaré : « Vous avez aimé le jacobinisme national, vous allez adorer le jacobinisme régional ! » (Mme la ministre le confirme.) Pour ma part, j’en ai plus qu’assez que l’on présente le jacobinisme comme une doctrine ringarde, pour ne pas dire monstrueuse. Mes chers collègues, si nous sommes là aujourd'hui, c’est parce que le jacobinisme a fait la France !
M. Gérard Longuet. Les Capétiens s’en sont un peu occupés préalablement ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Mézard. Certes, mon cher collègue.
M. Pierre-Yves Collombat. Ils ont fait le « royaume de France » ! Pas la République !
M. Jacques Mézard. Mais, en des heures difficiles, la République a trouvé son origine dans le jacobinisme !
Je ne dis pas que tout est parfait ; sortons des schémas simplistes. Je dis seulement que le jacobinisme correspond à la volonté d’assurer l’unité de la Nation et l’égalité des droits et des devoirs de tous les citoyens. Mettons donc un terme à certaines caricatures.
Notre amendement vise à supprimer l’article 4.
Pour ma part, je ne confonds pas pouvoir régional et excès de pouvoir. Le courrier d’un président de région que j’ai eu l’occasion de montrer hier aux membres du Gouvernement est une magnifique illustration de ce qu’il ne faut pas faire ! Il traduit un autoritarisme qui relève non du jacobinisme, mais tout simplement de l’excès de pouvoir !
Dans la version de la commission, l’article 4 contient un alinéa ainsi rédigé : « La région élabore le schéma régional de développement touristique qui fixe les orientations stratégiques d’aménagement, de développement et de promotion des destinations touristiques. Il précise les actions des collectivités territoriales ou de leurs groupements compétents en matière de promotion, d’investissement et d’aménagement. » Je suis désolé, mais il s’agit bien d’une tutelle ! Le même alinéa crée également la possibilité de prévoir « la mutualisation ou la fusion d’organismes de tourisme de la région, des départements, des communes et de leurs groupements », ainsi que « la mutualisation ou la fusion d’organismes de tourisme issus de régions différentes ».
J’attire votre attention sur l’amendement de notre excellent collègue François Patriat, qui, non seulement ne prône pas la suppression de l’article, mais réclame au contraire une compétence exclusive pour les régions ! À la fin de l’exposé des motifs, il est fait référence à une « étroite collaboration avec le niveau communal et intercommunal » et à la « compatibilité des interventions du bloc communal sur le territoire régional ». C’est ce que veulent les présidents de région ; il faut le dire ! C’est une tutelle ! Et ce n’est pas acceptable ! Mais, compte tenu de la rédaction de l’article 4, ils n’iront que dans ce sens !
Pour ma part, je ne suis pas opposé à l’élaboration de certains schémas. Je suis même très favorable à la planification. Mais je ne souhaite pas que l’on procède ainsi ; ce serait une grave erreur !
M. le président. L’amendement n° 587 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l'amendement n° 848.
M. Christian Favier. Lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou MAPTAM, la « compétence tourisme » a fait l’objet de nombreux échanges et de prises de positions opposées.
Dans le texte initial du Gouvernement, c’est le département qui devenait le chef de file. Pour les partisans d’alors de cette option, Gouvernement compris, un tel rapprochement permettait de mieux structurer et coordonner la politique touristique, au plus près des acteurs et des professionnels du secteur.
La commission, elle, proposait que ce soit la région qui soit désignée chef de file non pas du tourisme, mais du « développement touristique », intégré au développement économique, considérant que cette notion permettait de préserver l’exercice de la compétence tourisme par chaque échelon local.
Finalement, le Sénat, puis l’Assemblée nationale n’ont rattaché cette compétence à aucune collectivité particulière. C’est donc resté une compétence partagée.
Il est donc étonnant que l’on nous demande de revenir sur notre position d’alors moins d’un an après la promulgation de la loi ! Le Gouvernement change une nouvelle fois d’avis : il confie à présent le chef de filat « tourisme » à la région après avoir soutenu qu’il était nécessaire de le confier au département !
En fait, l’article 4 se justifie seulement par ce qui était la volonté gouvernementale au moment du dépôt de ce texte : organiser le dépérissement des départements en vue de leur disparition programmée pour 2020, en renforçant l’action des régions à leur détriment ! Or, à en juger par les déclarations du Premier ministre lors du congrès de l’Assemblée des départements de France, il semble que cette disparition ne soit plus d’actualité… Alors pourquoi cet article confie-t-il le chef de filat sur le tourisme aux régions ?
À nos yeux, il n’y a pas lieu de modifier le dispositif qui a été adopté dans le cadre de la loi MAPTAM. Nous demandons donc la suppression de l’article 4.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission a profondément modifié l’article 4.
De ce qui était une compétence exclusive, ou du moins exercée principalement par la région, nous avons fait une compétence partagée. Il n’y a plus de chef de file. Simplement, la région assure un rôle de coordination.
Au demeurant, monsieur Mézard, nous avons déposé l’amendement n° 1084 pour faire en sorte qu’il y ait une véritable co-élaboration. Il existe déjà des schémas départementaux, des schémas régionaux… Nous préférons éviter la multiplication des schémas. (M. Jacques Mézard s’exclame.) Il s’agit seulement d’une concertation entre les collectivités. Rien de plus !
Nous connaissons le rôle et l’importance des départements en matière de tourisme. Il y a même des communes ou des intercommunalités qui agissent très bien toutes seules ; je vous renvoie aux campagnes de promotions menées par certaines stations classées. Nous n’avons aucune intention de confier à d’autres ce que les collectivités concernées font déjà très bien aujourd'hui. Voilà une application intelligente du principe de subsidiarité !
En plus, ce n’est pas dans ce domaine qu’il y a le plus de dérives ou de dépenses de fonctionnement excessives. Le tourisme, c’est tout de même très important dans notre pays. D’ailleurs, il est stupide de vouloir créer des offices de tourisme dans chaque intercommunalité : dans certains cas, il y a un réel besoin ; dans d’autres, non ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
La commission n’est donc pas favorable à la suppression d’un article qu’elle a profondément modifié.
Bien entendu, ce qui est proposé dans l’amendement de notre excellent collègue François Patriat risque de heurter ceux qui se consacrent depuis toujours au tourisme avec efficacité. Je conçois que certains réclament des pouvoirs supplémentaires, mais, en l’occurrence, cela n’a pas vraiment de sens. L’important en matière de responsabilité publique, c’est qu’une compétence soit bien exercée, et à l’échelon pertinent. Dans le cas du tourisme, le système a peut-être besoin d’une meilleure coordination, mais c’est tout ! Gardons ce qui donne aujourd'hui satisfaction.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article 4. Nous avons modifié le dispositif pour le rendre utile, et non excessif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements de suppression de l’article 4, même si c’est pour d’autres raisons que la commission. Nous y reviendrons dans quelques instants, en présentant notre amendement.
L’une de nos préoccupations concerne le contenu de la compétence tourisme. Certaines missions, notamment d’accueil du touriste ou de proximité, sont effectivement très bien assurées.
Mais nous sommes confrontés à un problème majeur. En France, nous avons 83 millions de visiteurs pour un chiffre d’affaires de 50 milliards d’euros, contre 50 millions de visiteurs pour un chiffre d’affaires de 83 milliards d’euros en Espagne ! Autant il ne me paraît pas nécessaire de modifier substantiellement notre système d’accueil des touristes, autant il y a un véritable sujet sur la construction de produits touristiques, qui est un axe de développement économique majeur. Nous devons nous interroger sur une telle différence entre la France et l’Espagne, par exemple sur nos capacités d’accueil, sur les produits courts, notamment les week-ends, ou sur le tourisme urbain. Il y a beaucoup de questions à se poser.
Nous le savons, le chef de filat est la solution la plus simple – j’anticipe un peu sur la présentation de l’amendement n° 761 du Gouvernement –, car il permet de coordonner l’ensemble des actions. Ensuite, il faut le moins possible de normes pour encadrer l’exercice de la compétence.
Est-il bien nécessaire d’instaurer un schéma ? En matière de capacité d’accueil, de création de produits, de lien avec les professionnels, le schéma régional de développement économique comprend déjà, à mon sens, les grandes infrastructures et les actions touristiques qui peuvent être conduites.
Bien des questions se posent, que l’instauration d’un chef de filat permettrait de régler. Songeons également au temps-cadre qu’impliquerait un tel schéma. Une co-élaboration entre les régions, les départements, les intercommunalités, les communes signifie beaucoup de travail en commun, de lecture de propositions, de corrections, de retours. Avec autant d’acteurs, ne serait-il pas extrêmement compliqué d’élaborer conjointement un tel schéma ? Je ne suis d’ailleurs pas certaine que nous parviendrions au résultat souhaité…
En ce qui concerne l’ensemble des amendements, le Gouvernement plaide plutôt en faveur d’un chef de filat, l’idée étant que chacun exerce ensuite sa compétence.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. J’adore les rappels historiques ! Cher collègue Mézard, si les girondins n’avaient pas participé à la Révolution, je ne suis pas certain que celle-ci aurait réussi. C’est d’ailleurs lorsqu’on a commencé à couper leurs têtes, voire, à la fin, celles des révolutionnaires qui souhaitaient un accord entre les girondins et les jacobins, comme Danton, que la Révolution a pris fin. La référence historique est donc à manier avec précaution... Je suis d’autant plus habilité à m’exprimer sur le sujet que le premier nom du club des jacobins, c’est un fait peu connu, était le club breton.
Autre paradoxe du débat, j’avoue avoir eu la tentation, rare, de voter l’amendement de Jacques Mézard.
M. Pierre-Yves Collombat. Oh ! (Sourires sur les travées du RDSE.)
M. Ronan Dantec. Je ne suis en effet pas loin de partager une partie de son analyse, car en matière de tourisme il importe de tenir compte de la diversité des territoires.
M. Michel Bouvard. Eh oui !
M. Ronan Dantec. Certaines régions sont une marque ; la Bretagne, par exemple, même si celle-ci est un peu réduite et qu’elle ne correspond pas au territoire administratif – nous avons raté collectivement la chance historique qui s’offrait à nous de rattraper les choses, ce qui est pour moi un souvenir assez douloureux… Sur d’autres territoires, cela ne correspond à rien. Si la loi va trop loin, elle créera donc inévitablement un sac d’embrouilles inextricables et l’action publique ne sera pas gagnante en termes d’efficacité.
Jacques Mézard y verra encore sans doute un paradoxe, mais il me semble que le département joue un rôle assez important en ce qui concerne le tourisme, notamment depuis que nous avons décidé de créer de grandes régions. La question de la fusion des départements – en Alsace ou en Savoie, par exemple – est donc sur la table. Pour aller jusqu’au bout du paradoxe, le département – invention jacobine – pourrait in fine devenir l’incarnation des anciennes identités culturelles provinciales, ce qui serait pour le moins singulier.
Quoi qu’il en soit, il est extrêmement dangereux de croire que les régions seront capables d’organiser une vraie politique coordonnée en matière touristique. J’en veux pour preuve mon expérience dans les Pays de la Loire, où derrière la marque de tourisme se cachent des enjeux d’identité régionale. Faute d’accord sur l’identité régionale, le tourisme se retrouve évidemment l’otage d’un débat politique plus large et extrêmement compliqué. Nous nous posons beaucoup de questions en Loire-Atlantique : joue-t-on sur la marque Bretagne ou sur la marque Loire ? Dans la mesure où il s’agit d’abord d’un département historiquement breton, le débat est très tendu. Le rôle du législateur n’étant pas de créer de la tension, il ne faut absolument pas que l’échelon régional puisse imposer ses vues, d’où la tentation de supprimer l’article 4.
Heureusement, dans leur grande sagesse, la commission et M. Hyest ont proposé une solution à laquelle je vais me rallier, car elle me paraît relativement équilibrée. (M. Bruno Sido opine.) La région ne pouvant pas non plus être absente des discussions sur cette question, la co-élaboration – le terme est précis – permettra de prendre en compte la réalité des enjeux touristiques. Il est important de ne pas casser des dynamiques de territoires. Grâce à cette co-élaboration, la région sera obligée de tenir compte des marques touristiques territoriales, à l’échelle des départements ou des villes, car ces dernières sont aussi des acteurs touristiques extrêmement importants. L’idée est que la région devienne un lieu de synthèse et en aucun cas un lieu pouvant imposer ses vues, ce qui ne fonctionnerait pas.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Mon intervention va plus ou moins dans le même sens que celle de M. Dantec. J’ai du mal à comprendre comment, avec de si grandes régions, nous parviendrons à établir un schéma régional touristique.
Il y a vingt ou trente ans, nous avions infiniment moins de marques touristiques qu’aujourd'hui. Je suis Champenois. Je puis vous assurer que les visiteurs ne se rendent pas uniquement en Champagne pour voir les caves. Nous avons une infinité d’autres produits ! Idem dans toutes les régions. Comment un schéma régional à très grande échelle pourrait-il agglomérer une telle diversité sans créer nombre de mécontentements ? Il est important de tenir compte de la diversité touristique ; il n’y a pas que le tourisme de vacances, il y a aussi le tourisme industriel, par exemple.
Par ailleurs, le texte accumule les schémas. Ce projet de loi permettra-t-il à nos territoires d’être plus dynamiques ? Je l’ignore, mais je suis sûr d’une chose : il ne manquera pas d’augmenter la quantité de paperasses (M. Jacques Mézard opine.) et d’accroître les délais d’élaboration des schémas, schémas qui ne serviront peut-être à rien.
M. Gérard Longuet. Tout à fait !
M. Yves Détraigne. Nous serons atteints de réunionite, nous élaborerons des schémas, mais serons-nous plus efficaces pour autant ? Permettez-moi d’en douter !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. L’article 4 doit être mis en perspective avec l’article 28, qui prévoit que le tourisme est une compétence partagée. Comme d’habitude, nous avons eu de longs débats au moment de la création du conseiller territorial, notamment au sujet de la suppression des financements croisés. En désespoir de cause, ces discussions ont abouti à la notion de compétences partagées. Mais comme cela pose problème, alors on confie à certains le soin de partager… Tel est en quelque sorte l’objet de l’article 4.
Je comprends qu’il faille définir quelques grandes orientations, même si, en principe, la première destination touristique du monde devrait déjà savoir ce qu’il faut faire... Personnellement, je reproche à cette rédaction d’être trop contraignante. Certes, j’en conviens, l’amendement n° 1084 va dans le bon sens en remplaçant les mots « peut prévoir », qui signifient que le schéma décide, par l’expression « peut proposer », qui signifie que, si les autres n’en veulent pas, la proposition n’est pas acceptée.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas très normatif !
M. Yves Détraigne. Il s’agit de la préparation du schéma. Nul besoin de loi pour faire des propositions !
M. Pierre-Yves Collombat. Je suis d’accord avec vous, raison pour laquelle j’ai cosigné l’un des amendements visant à supprimer l’article 4.
Bref, il faudrait au minimum revoir cette rédaction, d’autant que je ne vois pas quelle amélioration elle apportera en termes de gestion. Espère-t-on que la notion de chef de file introduira un minimum de cohérence, surtout avec de grandes régions ? Compte-t-on sur la discussion du schéma général, économique, etc. ? Quoi qu’il en soit, je voterai la suppression de cet article, qui me semble plus inutile qu’utile.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. N’aurait-il pas été plus simple de supprimer purement et simplement cet article ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certains l’ont proposé !
M. Bernard Cazeau. Ce n’est pas le choix fait par la commission, monsieur le rapporteur, ce qui pourrait entraîner de nombreuses complications…
Pierre-Yves Collombat a souligné que le tourisme était une compétence partagée. Parfois, mais pas toujours, monsieur Collombat, car il existe plusieurs sortes de départements. Il y a ceux qui sont inclus dans un ensemble régional, correspondant à une marque, à partir duquel il est possible d’organiser un tourisme cohérent à l’échelle régionale, par exemple en Bourgogne.
M. Pierre-Yves Collombat. On peut tout de même partager !
M. Bernard Cazeau. Je ne critique pas votre point de vue, je le nuance.
Il y a aussi les départements ayant intérêt à entrer dans un contexte régional, car le tourisme n’est pas la principale caractéristique de leur économie ; je ne citerai aucun nom pour ne vexer personne…
Puis, il y a les grands départements touristiques. Prenons un exemple que je connais particulièrement, celui de la Dordogne au sein de la région Aquitaine. La Dordogne est un département essentiellement touristique, avec 3,5 millions de visiteurs par an. Il s’agit d’un tourisme très spécifique, essentiellement patrimonial et préhistorique, avec l’art pariétal et la grotte de Lascaux. Or l’Aquitaine est une région essentiellement tournée vers le tourisme de littoral – Arcachon, Biarritz, etc. –, même si elle s’intéresse aussi à la Dordogne.
Nous devons donc être attentifs à préserver de la souplesse au dispositif. Madame la ministre, quand je lis l’amendement de M. Patriat, dont l’objet est de confier le chef de filat à ses amis,…
M. Jean-Claude Lenoir. Ça fait peur !
M. Bernard Cazeau. … j’ai peur, en effet.
Nous devons donc réfléchir, comme cela a été décidé en commission. En conséquence, je ne voterai pas la suppression de l’article, mais je vous appelle à la plus grande vigilance. L’élaboration du schéma doit être véritablement partagée, chaque département devant pouvoir continuer à promouvoir son tourisme avec la connaissance spécifique qu’il en a.
Madame la ministre, je suis d’accord avec vous, réaliser de grands schémas ne vaut pas la peine. Certes, le schéma de développement économique de la région pourrait évoquer, d’une manière très générale, le tourisme régional, mais il faut aussi que chaque département conserve de la souplesse pour le mettre en œuvre. Il n’est pas utile de créer un nouveau schéma touristique qui va encombrer un peu plus nos textes.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Le tourisme a une caractéristique assez singulière : c’est à la fois une activité économique, une passion et un affichage identitaire. Les territoires s’efforcent par ce moyen, tout en tenant compte bien évidemment de l’enjeu économique, d’afficher leur personnalité. Or, à l’intérieur d’un même espace régional, a fortiori si cet espace régional est considérable, ils sont en situation de concurrence.
Le premier type d’inquiétude que provoque ce schéma régional, c’est donc la concurrence entre des territoires qui ont des structures, des organisations et des degrés de passion différents. Ils n’ont pas l’intention d’être toisés par un organisme extérieur dont le mode d’élection est profondément différent du leur. Il se trouve en effet que les conseils régionaux sont élus à la proportionnelle, sur des listes départementales, certes, mais rattachées à un leader régional, ce qui laisse une très grande place à la politique.
M. Michel Bouvard. Eh oui !
M. Gérard Longuet. Aussi les représentants traditionnels, ceux que vous décriez très injustement, madame la ministre, les conseillers généraux hérités de la Révolution ou les maires de petites communes qui ont des passions pour un secteur et qui vivent en symbiose avec les associations promouvant telle grotte, tel château, telle vallée, tel espace, ont peur d’être encadrés par une assemblée qui méconnaît totalement leurs préoccupations.
M. Michel Bouvard. Absolument !
M. Gérard Longuet. Le deuxième aspect – c’est une transition logique –, c’est le fait que le tourisme est une activité économique et, à ce titre, profondément déstructurante. Je veux dire par là que tout investisseur qui cherche à présenter un projet nouveau va entrer en concurrence avec une offre déjà existante et donc, par définition, mieux implantée.
Monsieur le rapporteur, je voterai votre amendement, mais je voudrais avoir la certitude que le schéma régional n’entravera pas la liberté d’entreprendre.