Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Bruno Gilles, Mme Colette Mélot.
2. Loi de finances pour 2015. – Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
Adoption, par scrutin public à la tribune, du projet de loi de finances, modifié.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Bruno Gilles,
Mme Colette Mélot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapports n° 108.).
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avons achevé hier l’examen des articles de la seconde partie et procédé à une seconde délibération.
Nous en sommes parvenus au vote sur l’ensemble.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de donner la parole à M. le rapporteur général et à Mme la présidente de la commission des finances, je tiens à vous remercier personnellement, monsieur le secrétaire d'État.
Je sais que, pour vous, la tâche qu’a représentée la discussion de ce projet de loi de finances n’a pas toujours été facile, ne serait-ce que par la longue présence qu’elle a requise dans notre hémicycle ! La lecture quotidienne du Journal officiel souligne assez votre assiduité au banc du Gouvernement, en même temps que la qualité des échanges que vous avez eus avec les membres de notre assemblée.
Je voulais d’emblée vous adresser ces remerciements en mon nom, bien sûr, mais aussi au nom des vice-présidents du Sénat et de l’ensemble de nos collègues. (Applaudissements.)
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais exprimer la satisfaction du Sénat d’avoir examiné non seulement la première partie du projet de loi de finances, les recettes, mais également la seconde partie, les crédits. Dans une période de fortes contraintes budgétaires, nous avons pu faire ainsi la preuve de notre capacité à dégager des économies.
Ce projet porte maintenant, à mes yeux, la marque du Sénat et celle de la nouvelle majorité sénatoriale.
Il porte la marque du Sénat parce que, en commission comme en séance plénière, nous avons su échanger sur des sujets sensibles et complexes en évitant les postures politiciennes et en trouvant, parfois au-delà des clivages politiques, des positions communes. Je pense notamment à certains amendements que nous avons adoptés en première partie : en faveur de l’investissement des petites et moyennes entreprises, sur la répartition du prélèvement opéré sur les chambres de commerce et d’industrie et sur les chambres d’agriculture. Nous avons également su travailler ensemble sur des principes concernant les collectivités territoriales.
S’agissant des crédits des missions, nos conclusions n’étaient pas toujours les mêmes, et c'est légitime : c’est le reflet des différences entre nos groupes politiques. Cependant, nos diagnostics se sont souvent rejoints, par exemple sur l’enseignement supérieur et la recherche.
Je voudrais, à cet égard, vous remercier tout particulièrement, madame la présidente de la commission des finances, pour la part que vous avez prise à nos travaux, qui ont bénéficié de votre autorité naturelle et de votre sérénité, tant en commission que dans l’hémicycle, où nos débats, tantôt paisibles, tantôt passionnés, ont toujours été de qualité.
J’adresse également mes remerciements à tous nos collègues qui ont suivi assidûment cette discussion budgétaire, tout spécialement les membres de la commission des finances. En particulier, les rapporteurs spéciaux ont su prendre en charge très rapidement leur mission, cela grâce au soutien actif des administrateurs et des collaborateurs de la commission.
Je voudrais encore exprimer ma gratitude aux présidents de séance successifs.
À la suite de M. le président du Sénat, je vous dis toute ma reconnaissance, monsieur le secrétaire d'État, pour avoir très longuement occupé le banc du Gouvernement, non seulement lors de la discussion de la première partie et des articles non rattachés, mais aussi lors de l’examen de certains crédits de mission et des articles rattachés dont l’examen avait été reporté. À ces remerciements, j’associe bien sûr vos collaborateurs et les services du ministère, qui se sont toujours efforcés de répondre le plus promptement possible à nos questions, notamment lorsqu'elles concernaient des amendements.
Nous allons nous prononcer dans quelques instants sur un projet de loi de finances pour 2015 qui n’est sans doute pas celui que la majorité sénatoriale aurait élaboré… Mais les règles constitutionnelles ne nous ont pas permis de modifier comme nous l’aurions souhaité les priorités du Gouvernement en matière de crédits. C’est sans doute la raison pour laquelle nous avons été conduits à rejeter les crédits de certaines missions, crédits sur lesquels nous avions, c'est vrai, de profonds désaccords.
Quoi qu’il en soit, ce projet de budget tel qu’il ressort de nos travaux contient des marqueurs forts de la nouvelle majorité sénatoriale.
Sans dresser un bilan exhaustif, puisque les explications de vote vont suivre, je veux souligner que nous avons émis quelques messages clairs quant à nos priorités : réduire les conséquences de l’alourdissement de la fiscalité sur les familles et les classes moyennes ; favoriser l’investissement des petites et moyennes entreprises, tout particulièrement dans le secteur industriel, dont nous savons à quel point il est fragilisé ; préserver l’investissement des collectivités territoriales et libérer leur gestion de trop fortes contraintes, tout en acceptant la réduction de leurs dotations.
Ces mesures minorent les recettes, et nous l’assumons pleinement. Mais nous pensons qu’il est temps d’engager des économies pérennes sur un certain nombre de postes de dépense. La fin de gestion du présent exercice – nous y reviendrons dans quelques jours – permettra de montrer que les dépenses de personnel et un certain nombre de dépenses d’intervention restent dynamiques, ce qui pèse à la fois sur notre capacité à réduire le déficit et, en exécution, sur les moyens des politiques publiques.
C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité faire des économies en maîtrisant la masse salariale de l’État – qui, avec à peu près 120 milliards d’euros, est le premier poste du budget – en ralentissant le glissement vieillesse technicité et en instaurant trois jours de carence, dans l’ensemble de la fonction publique.
Nous nous sommes également interrogés sur l’utilité de certaines dépenses comme les contrats aidés dans le secteur non marchand ou les créations de postes dans l’éducation nationale
Nous avons en outre entendu stopper la dérive des crédits de l’aide médicale d’État, qui doit faire l’objet d’une réforme de grande ampleur.
Les amendements que nous avons votés représentent près de 2 milliards d’euros d’économies et aboutissent à une réelle amélioration du solde, malgré ce que nous avons fait en faveur des collectivités en première partie. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
Au total, compte tenu du rejet des crédits d’un certain nombre de missions, le solde du budget de l’État, tel qu’il ressort du Sénat, n’a plus grande signification. Je fais toutefois observer qu’il en a déjà été de même, soit avec d’autres majorités – je pense au projet de loi de finances pour 2012 –, soit dans des configurations politiques comparables – je me réfère à la période 1997-2002.
Il va de soi que, au-delà de ce projet de loi de finances, nous souhaitons aller plus loin dans les économies. Mais cela relève aussi de l’ensemble des administrations publiques !
Aller plus loin supposerait, plus que des prélèvements et des réductions de moyens sans réflexion, des économies de structure. Mes chers collègues, tout au long de l’année 2016, la commission des finances s’efforcera, pour sa part, de s’engager pleinement dans ses missions de contrôle, de manière à vous proposer des économies pérennes sur les grandes politiques publiques.
Ce projet de loi de finances pour 2015 présente, pour ce qui concerne les dépenses de certaines missions, des fragilités à propos desquelles les échanges que nous avons pu avoir avec le Gouvernement ne nous ont pas totalement rassurés. Cela impliquera sans doute que nous examinions attentivement l’exécution de ce budget. Nous savons que celui-ci ne reflète pas nos souhaits quant à la nécessaire réforme en profondeur – la réforme structurelle – à laquelle nous appelons le Gouvernement à travailler, avec notre contribution.
Il reste que ce projet de loi de finances envoie des signaux forts à l’opinion, afin qu’elle comprenne que d’autres choix, des choix responsables, sont possibles pour permettre à notre pays de redresser ses comptes publics et sa compétitivité.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter ce projet de loi de finances pour 2015 tel qu’il a été modifié par les votes de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour la première fois depuis le 6 décembre 2011, les sénateurs vont se prononcer, par scrutin public à la tribune, sur un projet de loi de finances.
C’est pour moi une grande satisfaction d’avoir conduit ce projet de loi de finances à bon port, et dans les délais. Notre calendrier a été tenu, même si nous avons dû utiliser les marges de flexibilité que la conférence des présidents avait prévues, en siégeant trois samedis de suite.
Hormis les missions dont l’examen a été décalé en raison d’une nouvelle lecture plus longue que prévue du projet de loi de financement de la sécurité sociale, toutes les missions ont pu être examinées à la date prévue.
Nous y sommes parvenus grâce à la discipline dont ont fait preuve la très grande majorité des orateurs, qui ont respecté leur temps de parole, parfois aidés en cela par des présidents de séance très vigilants, et je ne saurais assez les en remercier.
Nous y sommes aussi parvenus grâce à une solution qui continue de faire ses preuves : le renvoi au samedi des articles rattachés dont l’examen risquerait de faire déraper le calendrier.
Nous avons tenu les délais, mais nous n’avons pas bridé la discussion. Une centaine d’amendements ont été adoptés en première partie et sans doute un peu plus en deuxième partie. Je pense que presque tous les groupes s'y sont retrouvés !
Quatre-vingt-neuf sénateurs ont participé à la discussion de la première partie, beaucoup plus à celle de la deuxième partie, dont quatre-vingt-deux rapporteurs pour avis. Je veux tous les remercier d’avoir animé une discussion vivante et passionnante. Personne ne m’en voudra de saluer en particulier les rapporteurs spéciaux de la commission des finances.
Le changement de majorité sénatoriale n’a pas eu de conséquence sur la qualité des échanges et, tout comme je l’ai fait en première partie, je veux remercier les ministres qui se sont succédé au banc du Gouvernement, venant parfois en nombre – je pense par exemple à M. Macron, qui est venu avec ses deux secrétaires d’État pour la discussion de la mission « Économie », ou à Ségolène Royal et Alain Vidalies, venus tous deux pour la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Je veux surtout remercier à nouveau Christian Eckert du soin qu’il prend à répondre sur le fond à chacun tout en défendant avec conviction les positions qui sont celles du Gouvernement dans son ensemble – il nous l’a souvent rappelé, à juste titre –, et pas seulement celles de « Bercy », comme nous le disons trop souvent et, selon moi, à tort.
Le Gouvernement a joué le jeu de la navette en déposant une trentaine d’amendements au Sénat, d’ailleurs presque tous adoptés. Certains sont d’importance, comme celui qui prévoit la pérennisation du fonds de soutien aux collectivités territoriales pour la mise en place des rythmes scolaires.
La majorité sénatoriale a également joué le jeu de la discussion. À cet égard, je veux rendre hommage à notre rapporteur général qui, en commission comme en séance, a toujours fait preuve d’ouverture d’esprit et de souplesse intellectuelle. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC. – M. Philippe Adnot applaudit également.)
Nos échanges constructifs et respectueux nous ont d’ailleurs permis de nous retrouver sur quelques sujets importants.
Tout cela a aussi été rendu possible non seulement par la mobilisation des équipes du Sénat, mais aussi par celle des administrations et du Gouvernement, à quoi il faut ajouter la qualité de l’organisation de nos travaux par les services de la séance – je leur manifeste une particulière gratitude, ainsi d’ailleurs qu’aux services des comptes rendus –, sous l’autorité des présidents de séance successifs. Merci à tous !
Cela étant, quelle que soit la bonne tenue de nos débats, le plus important reste tout de même le contenu du texte sur lequel nous allons nous prononcer.
Je connais les contraintes d’une majorité sénatoriale d’opposition dans le contexte institutionnel de la Ve République – nous avons vécu cette situation il y a trois ans. Néanmoins, la majorité sénatoriale a exprimé par ses votes, que le rapporteur général vient de rappeler, des orientations qui ne sont pas partagées de l’autre côté de l’hémicycle.
M. Philippe Dallier. Le contraire serait étonnant !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Il en va ainsi de la minoration de la baisse d’impôt en faveur des ménages les plus modestes pour financer une mesure favorable aux familles les plus aisées, de la suppression de près des deux tiers de l’avancement des fonctionnaires, d’une réforme hasardeuse de l’aide médicale d’État, de la suppression de certaines créations de postes dans l’éducation nationale et du refus de nouveaux contrats aidés.
Par ailleurs ont été rejetés les crédits des missions « Culture », « Solidarité, insertion et égalité des chances », « Recherche et enseignement supérieur », « Politique des territoires », « Égalité des territoires et logement », « Défense », « Médias, livres, industries culturelles » et « Écologie, développement et mobilité durables ».
Ces votes traduisent un désaccord avec la politique du Gouvernement, ce qui est bien légitime. Mais j’ai de la peine à trouver une cohérence aux arguments ayant motivé ces rejets.
J’ajoute qu’après vingt jours de débats nous n’avons toujours pas de réponses à certaines questions pourtant essentielles. Je n’en poserai qu’une seule, que j’avais déjà évoquée en discussion générale : quelle date prévoyez-vous, chers collègues de la majorité sénatoriale, pour un retour du déficit public sous le seuil des 3 % du PIB ? De manière générale, quels sont le calendrier et l’ampleur des efforts à accomplir pour redresser les finances publiques ? Faut-il faire plus ? Plus vite ? Dans quelle proportion ? Nous attendons toujours une réponse !
Ces votes et ces non-choix s’inscrivent dans une logique politique qui n’est pas la mienne, vous l’aurez compris.
Je me retrouve plus dans la copie de l’Assemblée nationale, qui traduit les choix politiques du Gouvernement : une stratégie de finances publiques équilibrée et crédible, fondée sur la maîtrise des dépenses, sur un soutien aux ménages modestes et à l’emploi, sur des mesures de redistribution et de soutien à la compétitivité des entreprises.
Pour l’ensemble de ces raisons, personne n’en sera surpris, je voterai contre ce projet de loi de finances pour 2015 tel qu’il résulte des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE.)
M. le président. Je vais maintenant donner la parole à ceux de nos collègues qui l’ont demandée pour expliquer leur vote.
J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation des débats décidée le 5 novembre dernier par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de dix minutes et les sénateurs non inscrits de cinq minutes.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la première fois depuis trois ans, nous arrivons au terme de ce marathon que constitue l’examen du projet de loi de finances. Nous avons pu noter une satisfaction assez générale sur la forme. Comme vous, monsieur le président du Sénat, monsieur le rapporteur général, madame la présidente de la commission des finances, nous pouvons être satisfaits des échanges constructifs qui ont égrené ces débats.
Accord sur la forme, dissensions sur le fond – du moins sur de nombreux points –, mais cela est tout à fait légitime dans une démocratie parlementaire.
L’élaboration du budget de la nation est soumise à de nombreuses contraintes, la plus pressante étant le contexte macroéconomique mondial et européen. Je ne reviendrai pas sur notre croissance atone et la spirale déflationniste, qui éloignent les perspectives de reprise et rognent les efforts structurels.
Le 4 décembre dernier, la BCE – Banque centrale européenne – a abaissé les prévisions de croissance de la zone euro de 0,9 % à 0,8 % pour 2014, de 1,5 % à 1 % pour 2015, et de 1,9 % à 1,5 % pour 2016.
Il faut avoir le courage de dire qu’un retour rapide de la croissance est compromis. Par ailleurs, son ampleur et son rythme pourraient ne pas être ceux qui sont attendus.
Monsieur le secrétaire d’État, avec de tels indicateurs, la tâche du Gouvernement est ardue. S’y ajoute l’encadrement de notre budget par nos engagements européens. Le pacte de stabilité et de croissance et le TSCG – traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – constituent un ensemble de normes communes. Ils ne sont cependant pas un carcan, et nous devons, comme l’OCDE nous y enjoint, « utiliser au maximum la flexibilité des règles budgétaires ».
Le panorama ainsi brossé rend d’autant plus nécessaire la conduite de réformes fiscales structurelles, pourtant constamment reportées. Plus qu’une sortie de crise, nous devons esquisser la survie de notre modèle, sa réinvention. À cette aune, ce budget est celui des occasions perdues.
Nous le répétons régulièrement à cette tribune, notre pays ne peut faire l’économie d’une réforme en profondeur de l’imposition des ménages. À ce titre, nous regrettons que les amendements que nous avions déposés et qui avaient été largement approuvés l’an passé n’aient pas connu le même sort cette année.
L’impôt sur le revenu est aujourd’hui mité par les multiples niches fiscales et autres exonérations, qui font porter trop fortement le poids de cet impôt sur les classes moyennes. Bien qu’elle soit urgente, sa réforme semble enterrée. Il en va de même de celle de l’impôt sur les sociétés.
Le Gouvernement a préféré procéder à des ajustements moins ambitieux. Ce budget s’est donc parfois apparenté à une opération de rabotage généralisé, agrémentée d’un raclage de fonds de tiroirs. Ainsi, vous avez souhaité opérer des prélèvements exceptionnels sur de nombreux opérateurs et divers organismes chargés de missions de service public : agences de l’eau, chambres consulaires, fonds d’assurance, formation des chefs d’entreprises de l’artisanat, tous ont été mis à contribution.
Je constate qu’un accord semble avoir été trouvé pour maintenir les prélèvements exceptionnels sur les fonds de roulement de ces institutions et pour préserver les taxes qui leur sont affectées. Ce consensus équilibré mériterait d’être préservé par nos collègues députés.
J’ajoute que ces prélèvements, par leur nature « exceptionnelle », ne sauraient, selon nous, être réitérés à l’occasion des prochains exercices.
S’agissant des missions, la plupart « participent au redressement de nos comptes publics », pour reprendre une expression si souvent entendue, à l’exception de celles désignées comme prioritaires et relatives à l’éducation, la sécurité et la justice.
À cet égard, nous n’avons pas compris l’initiative du Gouvernement visant à minorer, à l’Assemblée nationale, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » de 136 millions d’euros. Alors que, par voie d’amendement, les sénateurs avaient rétabli ces crédits, leur rejet par la majorité sénatoriale nous paraît regrettable.
En outre, pour ce qui concerne la mission « Économie », nous avons soutenu la suppression de l’article 51 et ainsi permis le rétablissement de l’indemnité d’aide au départ à la retraite pour les artisans ou les commerçants qui éprouvent des difficultés à vendre leur fonds de commerce.
C’est le premier projet de loi de finances que notre assemblée examine depuis les élections sénatoriales de septembre dernier. Nous nous souvenons des réactions qui avaient suivi l’annonce, au printemps dernier, du pacte de responsabilité et de solidarité, lequel prévoyait 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans.
L’opposition, considérant que ces 50 milliards d’euros ne suffisaient pas, avait multiplié les contre-propositions, promettant qui 55 milliards, qui 80 milliards, qui 130 milliards d’euros de réduction des dépenses publiques. Rien de moins !
Ceux qui fustigent les hausses de prélèvements décidées en 2012 et 2013 oublient trop vite qu’ils ont contribué au « ras-le-bol » fiscal de nos concitoyens en votant des augmentations d’impôts, particulièrement au cours de la seconde moitié du quinquennat précédent.
Chacune des majorités successives doit assumer la responsabilité de la hausse des prélèvements. Comment faire face à la crise et réduire les déficits, sans instaurer des prélèvements supplémentaires directs ou indirects ?
Le Sénat a travaillé sur ce projet de loi de finances dans la sérénité et de manière constructive. Mais y a-t-il eu une grande divergence de fond sur les remèdes à apporter ? Quels sont en effet les apports de la majorité sénatoriale ? Permettez-moi de les rappeler : augmentation du quotient familial, suppression des créations de postes dans l’éducation nationale et de 45 000 emplois aidés supplémentaires, instauration de trois jours de carence pour les fonctionnaires et réduction du glissement vieillesse technicité.
Une telle évolution nous paraît s’apparenter davantage à un message électoral, à l’érection de totems politiques, qu’à l’ébauche d’une véritable alternative budgétaire.
Enfin, je dirai un mot des dispositions relatives aux collectivités.
À l’issue de nos travaux, la diminution de la dotation globale de fonctionnement est atténuée. L’amendement adopté sur l’initiative du rapporteur général aboutit à un niveau comparable à celui que nous avions proposé, même si notre trajectoire de baisse s’appuyait sur un raisonnement différent, fondé sur le principe d’un étalement dans le temps.
Monsieur le secrétaire d’État, les débats très animés sur les taxes à faible rendement visées à l’article 8 illustrent l’opposition à l’érosion de l’indépendance fiscale et de l’autonomie financière des collectivités. Leurs capacités d’investissement, nous l’avons souvent rappelé, seront également durement affectées, alors qu’en 2014 les collectivités représentaient près de 70 % de l’investissement public.
Les dispositions relatives au relèvement du taux de compensation forfaitaire du FCTVA – fonds de compensation pour la TVA – ne sauraient masquer cette évolution, qui se traduira souvent par une augmentation inéluctable de la fiscalité locale et une baisse d’activité, notamment dans le secteur des travaux publics.
La diminution attendue de l’investissement local n’aurait pu être enrayée par la « dotation de soutien » que l’Assemblée nationale avait créée, avec le concours du Gouvernement. Au-delà de l’affichage, cette dotation est rapidement apparue comme un bel exercice de bonneteau budgétaire, dans la mesure où elle était alimentée par la disparition des FDPTP, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Sa suppression s’imposait donc.
Lors de nos débats, il a été largement question de l’indispensable réforme de la DGF. Elle devrait figurer dans le projet de loi de finances pour 2016. Sachez que, particulièrement attendue, elle sera attentivement scrutée.
La majorité sénatoriale a fait le choix, en contrepartie de la baisse des dotations, de freiner la progression de la péréquation, revenant notamment sur la montée en puissance du FPIC, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, qu’elle avait pourtant créé voilà trois ans. Nous avons même entendu un collègue avouer être totalement opposé à la péréquation.
Je dois l’avouer, mon inclination naturelle aurait été inverse. En période de restrictions budgétaires, il me paraît plus juste de renforcer les mécanismes de péréquation, afin que les collectivités les moins prospères soient moins pénalisées.
Cependant, je ne pourrais dire que les outils péréquateurs me satisfont pleinement. C’est particulièrement le cas du FPIC, dont la réforme est urgente. Notre collègue Pierre-Yves Collombat a rappelé justement les inégalités induites par le coefficient logarithmique.
Nous saluons enfin la volonté de relance du secteur de la construction, sinistré ces dernières années. Nous aurions pu pointer l’instabilité qui entoure les dispositifs d’incitations et d’aides, mais nous préférons souligner les améliorations des mécanismes libérant les énergies d’un secteur-clé. Nous regrettons néanmoins la suppression par notre assemblée de l’article 6, relatif à l’exonération de droits de mutation à titre gratuit, ainsi que le rejet de certains de nos amendements.
Pour l’ensemble de ces raisons, la majorité des sénateurs du groupe RDSE ne se retrouvent pas dans le texte issu des travaux du Sénat. Notre vote sur l’ensemble sera donc identique à celui que nous avons émis sur la première partie. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, au titre des sénateurs non inscrits.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer la libération de Serge Lazarevic. Tous les Français s’en réjouissent aujourd’hui.
Je me félicite que le Sénat ait modifié son approche de la loi de finances, en permettant à chacun d’entre nous d’apporter son écot au travail parlementaire. Ces deux dernières années, nous n’avions pas pu le faire. Je crois, monsieur le président, que vous y êtes pour beaucoup : nous vous en remercions.
À ce stade de nos travaux, je suis confronté à un choix difficile.
S’il s’était agi de voter le texte du Gouvernement, les choses étaient claires, j’aurais voté contre : trop de déficit, pas assez d’investissements créateurs de richesses, trop de variations, notamment en matière d’enseignement supérieur.
Pour ce qui concerne cette dernière mission, monsieur le secrétaire d’État, nous avions fait l’effort de voter positivement en commission des finances, mais la remise en cause de ses crédits à l’Assemblée nationale a changé notre ligne. Je le regrette.
Les évolutions proposées par notre majorité ont grandement amélioré ce projet de budget, et je devrais donc être conduit à le voter, ne serait-ce que pour permettre de défendre ces améliorations dans le cadre de la commission mixte paritaire.
Mon problème est que certaines missions, n’ayant pas été votées, n’ont pas été modifiées. Dès lors, comment adopter un budget ne prenant pas en compte la globalité de nos finances publiques ? Le président d’une assemblée départementale que je suis ne peut s’y résoudre. Je vais donc m’abstenir, tout en annonçant que, si nos améliorations ne sont pas prises en compte dans le texte qui nous sera soumis en seconde lecture, je voterai contre.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.
M. François Zocchetto. Quelle chance vous avez, monsieur le secrétaire d’État ! Quelle chance de préparer un budget avec des taux d’intérêt historiquement bas ! Quelle chance de voir le prix du baril de pétrole tomber à 70 dollars ! Quelle chance de voir l’euro perdre 10 % en un semestre ! Quelle chance également que l’Union européenne ait revu à la baisse le montant de notre contribution à son budget !
C’est important, la chance, monsieur le secrétaire d’État. Ça l’est d’autant plus lorsqu’on gère un pays endetté à près de 100 % de son PIB et qu’on doit faire face à l’inexorable envolée de la courbe du chômage.
Et pourtant, cette chance, vous ne la saisissez toujours pas ! Aucune réelle réforme structurelle n’a été lancée ou n’est en cours. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant puisque votre gouvernement n’a pas de majorité à l’Assemblée nationale pour engager une telle réforme, prisonnier qu’il est de ceux pour qui les mots « entreprendre », « réussir », « mérite » ou « récompense » sont indécents ; nous allons bientôt le constater de nouveau avec le projet de loi « Macron ».
Le pacte de responsabilité et de solidarité, annoncé depuis plus d’un an, n’a toujours pas vu le jour, ou à peine. Le CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – se révèle insuffisant. Et, bien évidemment, la spirale de l’endettement public poursuit son travail de sape, en vous imposant une fuite en avant fiscale devenue insupportable pour nos concitoyens.
Nous avons eu droit au malaise fiscal, nous avons eu des promesses de pause ou de remise à plat. Mais derrière les mots et le double discours, la même réalité perdure : les prélèvements obligatoires augmentent inexorablement et leur hausse ne sert finalement à rien puisque leur rendement décroît et que le déficit ne diminue pas.
La vérité, la triste vérité est que votre politique a échoué.
Difficile de faire croire que le présent projet de loi de finances tel que vous l’avez soumis au Parlement est un réel acte de réforme !
Nous sommes en face d’un projet de loi de finances par obligation, pour autoriser la perception des impôts, en somme. Comment, dans ces conditions, restaurer un minimum de confiance ? Vous le savez, bien, sans confiance, la croissance est inenvisageable. Et, sans croissance, l’amélioration de la situation de l’emploi et le désendettement sont impossibles.
La nouvelle majorité sénatoriale vous propose un chemin afin de donner du relief, du contenu et une véritable portée économique à votre projet de budget. Nous vous offrons des opportunités : saisissez-les, expliquez-les à l’Assemblée nationale !
Je salue ici le travail très important réalisé par le rapporteur général, les membres de la commission des finances et notre majorité sénatoriale. Au sein de celle-ci, nous faisons le même diagnostic.
Nos groupes, appuyés par la commission des finances, sont parvenus à enrayer le matraquage systématique des familles en redonnant du souffle au quotient familial, à préserver l’investissement public local en intégrant dans le calcul de la baisse des dotations le poids des charges que le Gouvernement ne veut plus imposer à l’État. Ils sont parvenus également à définir un dispositif de soutien à l’investissement des PME industrielles.
Ces mesures en recettes ont été gagées en dépenses, j’insiste sur ce point. Nous avons travaillé – dans des délais particulièrement contraints, en raison des élections sénatoriales de septembre – pour formuler toutes ces propositions, documentées et chiffrées. En cela, la majorité sénatoriale a fait preuve de responsabilité.
Au-delà, le débat budgétaire au Sénat a permis de passer outre de nombreux tabous. Vous-même, monsieur le secrétaire d'État, avez reconnu que le CICE aurait dû permettre une véritable baisse de charges salariales financée en contrepartie par la TVA. Quelle avancée ! Car qu’est-ce donc, sinon la « TVA compétitivité » que nous proposons depuis tant d’années, et que nous espérons voir adoptée l’année prochaine ? (Très bien ! sur les travées de l'UDI-UC.)
Ce débat a également permis de mettre en discussion de nombreuses questions qui feront l’objet, lors des exercices budgétaires à venir, de travaux plus détaillés, nous en convenons avec le rapporteur général et la présidente de la commission.
Les questions de la réforme de la fiscalité des entreprises, de la fiscalité des plus-values immobilières en cas de cession ou de la fiscalité des revenus ont été posées par les représentants de notre groupe.
Du côté des dépenses, les mesures catégorielles au profit de la fonction publique, le problème de l’aide médicale d’État ou encore le recours systématique aux contrats aidés ont été largement débattus dans nos travées.
J’entends évidemment ceux qui cherchent les milliards d’euros d’économies manquants, et je ne prends pas leurs observations à la légère. En effet, les différents représentants de la majorité sénatoriale s’accordent à dire que la dépense publique pèse trop lourd dans notre économie. Son financement l’étouffe et anémie le tissu industriel et entrepreneurial de la France.
Je rappelle aussi que la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, n’offre pas la possibilité d’une réduction structurelle de la dépense publique. La LOLF permet au Parlement de contrôler la mise en œuvre des politiques publiques à travers l’exécution du budget. Elle ne permet pas de réfléchir, malheureusement, au périmètre de l’action de l’État. C’est un outil de contrôle ; or nous avons besoin d’un véritable outil de refondation.
Notre majorité sénatoriale esquisse un projet pour la France. Bien entendu, elle ne se substitue pas à la majorité d’aujourd’hui. C’est le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'État, qui est responsable devant une Assemblée nationale élue jusqu’en 2017. Le Sénat ne saurait aller à son encontre. Son rôle, en revanche, est d’être l’aiguillon qui souligne et qui tente de corriger les carences de votre politique.
À cet égard, je tiens à formuler solennellement notre vive inquiétude pour les militaires français. Près de 10 % des crédits de la mission « Défense » sont incertains, alors que nos soldats sont engagés dans vingt-huit opérations extérieures, dont trois sont particulièrement sensibles : celles qui ont lieu au Mali, en Centrafrique et en Irak.
Nous ne pouvons pas accepter qu’une telle incertitude pèse sur le financement de ces missions dont la finalité demeure de permettre à la France de remplir son devoir de grande puissance militaire, sans pour autant mettre en péril la vie de nos soldats.
Nous ne pouvons pas l’accepter et la majorité sénatoriale a joué son rôle en envoyant un signal fort au Gouvernement sur ce point.
Pour conclure, je veux adresser un mot de remerciement à toutes celles et à tous ceux qui ont pris part à ce débat.
L’enjeu était important. Après deux années sans examen de la seconde partie, il fallait restaurer la voix du Sénat dans le débat budgétaire. Je considère que cet objectif a été atteint. Certes, le présent texte n’est pas exempt d’imperfections.
M. David Assouline. C’est le moins qu’on puisse dire !
M. François Zocchetto. Ce n’est certainement pas le budget idéal que nous aurions rédigé nous-mêmes. Toutefois, c’est le produit du travail du Sénat, qui signale ainsi fermement les inflexions que votre politique doit suivre pour mener notre pays vers le redressement.
La balle est désormais dans votre camp puisque, dans l’immédiat, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront ce projet de loi de finances pour 2015 dans sa rédaction issue des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour la première fois depuis deux ans, le Sénat est allé au bout de l’examen d’un projet de loi de finances. Cela vous a beaucoup mobilisé, monsieur le secrétaire d'État, pendant trois semaines, cela a mobilisé de nombreux sénateurs, pas seulement ceux de la commission des finances, et cela a mobilisé bien des collaborateurs.
Le texte que nous nous apprêtons à voter n’a rien à voir avec celui qui nous avait été soumis.
M. François Marc. Hélas !
M. David Assouline. Maintenant, il est indigent, indigeste et indécent !
M. Bruno Retailleau. Nous l’avons profondément modifié pour deux raisons.
La première, c’est que la politique économique du Président de la République ne marche pas. Elle ne parvient pas à inverser la courbe du chômage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Depuis deux ans et demi, on compte un demi-million de chômeurs de plus.
M. David Assouline. Et vous ? Un million de chômeurs de plus en cinq ans !
M. Bruno Retailleau. Toutes catégories confondues, 5 150 000 Français sont concernés par le chômage. C’est si vrai que le ministre du travail a avoué qu’il s’agissait là d’un échec.
Cette politique économique ne marche pas parce qu’elle ne parvient pas à réduire la dette, non plus que le déficit.
M. Daniel Raoul. La dette que vous avez laissée !
M. David Assouline. C’est votre dette !
M. Bruno Retailleau. En 2014, pour la première fois depuis le pic de la crise, en 2009 et en 2010, le déficit ne sera pas réduit par rapport à l’année précédente. La dette continue d’augmenter tant et si bien qu’elle atteindra vraisemblablement, avant dix-huit mois, 100 % de la richesse nationale.
Quant à la croissance, elle est toujours en panne et vous échouez à la relancer.
La politique économique de François Hollande ne marche pas parce qu’aucune vraie réforme structurelle n’est proposée,…
M. David Assouline. Vous n’en avez fait aucune !
M. Bruno Retailleau. … parce que le Président de la République et le Gouvernement ont une vision météorologique de l’économie : après les averses viendra forcément le beau temps, après les coups durs viendront des jours meilleurs. Or l’avenir, en particulier l’avenir économique, il se surmonte, il ne se subit pas.
Voilà la première des raisons pour lesquelles nous avons profondément modifié ce projet de budget.
La deuxième raison, monsieur le secrétaire d'État, c’est tout simplement que le budget que vous nous avez présenté était un budget en trompe-l’œil.
Il n’y a plus que vous, il n’y a plus que ce gouvernement pour penser que la trajectoire des finances publiques de la France au cours des trois prochaines années a quelque chance de se concrétiser. Plus personne n’y croit : ni les économistes ni les observateurs avisés, en France ou à l’étranger. Pourquoi ? Parce que les recettes sont surestimées, avec des projections de croissance beaucoup trop optimistes ; parce que nous avons atteint un niveau de prélèvements obligatoires confiscatoire et que, désormais, le rendement décroissant de nos recettes fiscales se fait pleinement sentir. Voilà quelques jours, nous avons appris la baisse du rendement de l’impôt sur le revenu. Comment s’en étonner ?
Troisième raison : l’effort en matière d’économies est insuffisant. Sur les 21 milliards d’euros d’économies, comme l’a indiqué à plusieurs reprises le rapporteur général, seulement 3,5 milliards d’euros sont demandés à l’État. Et encore ces économies sont-elles bien mal documentées ! Ce chiffre est à comparer à l’effort de 3,7 milliards d’euros que vous demandez aux collectivités, aux 10 milliards d’euros que vous demandez à la sécurité sociale et aux 5 milliards d’euros de réduction des subventions aux entreprises ou aux agences et opérateurs de l’État.
Forts de ce constat, nous aurions pu faire ce que votre majorité sénatoriale avait fait en 2012, à savoir rejeter vingt-deux missions sur trente-deux et voter 32 milliards d’impôts supplémentaires en créant trente nouvelles taxes. Plutôt que d’agir ainsi, nous avons préféré faire le choix de la responsabilité en améliorant le solde budgétaire par la réduction du déficit.
C’est également par esprit de responsabilité que nous avons rejeté les crédits de quelques missions symboliques, monsieur le secrétaire d'État.
Ainsi, nous n’avons pas voté les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », après le fiasco de l’écotaxe.
M. François Marc. C’est votre enfant, l’écotaxe !
M. Bruno Retailleau. J’entends encore la ministre de l'écologie nous expliquer qu’il se posait un problème constitutionnel, alors qu’elle savait que c’était un mensonge. Quel manque de courage !
L’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, se voit privée de ressources ! De grands projets, dans l’ouest et dans l’est, au nord et au sud, ne sont plus financés ! Le fiasco est total !
Voilà pourquoi nous avons rejeté les crédits de cette mission.
De même, nous avons rejeté les crédits de la mission « Égalité des territoires, logement et ville ». Mes chers collègues, en 2014, jamais il ne se sera construit en France aussi peu de logements : 300 000, quand le Président de la République s’était engagé à ce que 500 000 logements neufs soient réalisés.
S’agissant du budget de nos armées – François Zocchetto en a très bien parlé –, Dominique de Legge, le rapporteur spécial de la mission « Défense », nous a fait une démonstration éclatante. Le président du Sénat a écrit au Président de la République.
M. David Assouline. Il a reçu une réponse !
M. Bruno Retailleau. Oui, mais de quelle légèreté, monsieur Assouline ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.) Le Président de la République lui a répondu que, si les recettes exceptionnelles n’étaient pas au rendez-vous, il serait bien temps de trouver une solution en janvier 2016 ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Croyez-moi, rejeter le budget militaire a été pour nous un cas de conscience. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) Oui, parce que nous sommes solidaires de nos soldats ! Et c’est parce que nous ne les oublions pas que nous avons voulu leur dire que nous ne sommes pas dupes, que les sommes inscrites sont à l’évidence insuffisantes, qu’il ne s’agit que d’un miroir aux alouettes.
C’est un avertissement solennel que nous avons ainsi lancé.
Nous avons également fait preuve de responsabilité en assumant nos choix : choix d’une politique familiale, choix de relancer les investissements dans les PME. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Si la croissance ne repart pas, c’est parce que le taux de marge des entreprises, et particulièrement celui des PME, est historiquement bas, c’est parce qu’elles ne peuvent pas investir et que, n’investissant pas, elles ne peuvent pas embaucher. Nous avons fait ce choix d’aider les PME pour accélérer et favoriser l’investissement.
Nous avons aussi fait le choix de la responsabilité à l’égard des collectivités locales. Il aurait été si simple de refuser toute possibilité d’économies. Nous ne l’avons pas fait. Simplement, nous avons indiqué au Gouvernement que nous acceptions que les collectivités fassent des efforts, mais que l’État ne pouvait pas avoir une double politique : demander aux collectivités de faire des économies et, en même temps, leur « refiler » le mistigri en se défaussant sur elles de multiples charges – par exemple celle des rythmes scolaires.
C’est dans cet esprit que le Sénat, suivant en cela la proposition de la commission des finances, a simplement atténué la baisse des dotations, ne voulant pas soustraire les collectivités locales à l’effort national auquel elles doivent clairement prendre part.
En conclusion, je voudrais remercier l’ensemble des sénateurs, à commencer par les membres du groupe UMP et du groupe UDI-UC, d’avoir fait preuve de cohérence sur les choix clairs et nets que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Je tiens aussi à féliciter Mme la présidente de la commission des finances, pour avoir su, de l’avis de tous, diriger les débats en commission et animer un travail dans des temps relativement courts. Bravo, madame la présidente : ce n’était pas une tâche facile ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Jacques-Bernard Magner. C’est une grande présidente !
M. Bruno Retailleau. Vous me permettrez, pour faire bon poids, de saluer l’effort produit par le rapporteur général du budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Je veux enfin saluer tous les rapporteurs – les rapporteurs spéciaux, bien évidemment, mais aussi les rapporteurs pour avis –, le vice-président de mon groupe, Philippe Dallier, qui a été très présent, ainsi que les collaborateurs du Sénat et de nos groupes qui ont énormément travaillé et très peu dormi. Le pays méritait cet effort important.
Bien entendu, il est normal que les clivages habituels se manifestent lors du vote d’un budget. Pour notre part, nous allons maintenant le voter fièrement parce que nous pensons que les choix que nous avons faits étaient des choix responsables et bons pour le pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour le groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Germain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi de finances pour 2015 s’achève et si le texte final, contre lequel nous voterons cet après-midi, est bien celui de la nouvelle majorité sénatoriale, on est très loin de « l’imagination au pouvoir» que l’on nous promettait !
La droite tient un discours contradictoire : cela fait des semaines que ses ténors réclament des économies supplémentaires de plus de 100 milliards d’euros, des économies ciblées, des économies documentées et, dans le même temps, depuis trois semaines, la nouvelle majorité sénatoriale, de droite, affirme dans différents médias qu’elle n’est pas en mesure de bâtir un contre-budget, comme si elle craignait qu’on ne la juge à l’aune des propositions qu’elle a formulées dans ce projet de loi de finances.
J’ai entendu les objections de M. Retailleau et de M. Zocchetto, disant que les dispositions constitutionnelles s’y opposaient. Personne n’y croit ! Si l’examen du budget, dans une assemblée parlementaire, n’est pas le moment pour une majorité d’élaborer des propositions pour le pays, quelle est l’utilité du mois de discussion budgétaire qui va prochainement s’achever ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Dans le même temps, que de critiques n’avons-nous pas entendues à propos de la politique économique que nous menons et du niveau d’économies que nous nous fixons !
Sur la politique économique, la majorité sénatoriale n’a accouché d’aucune contre-proposition, d’aucune alternative. Sur les économies, nous avons surtout pu constater que la droite était percluse de contradictions et, donc, dans l’incapacité de formuler des propositions cohérentes.
À l’heure où l’on délivre à Stockholm le prix Nobel à deux Français, Patrick Modiano et Jean Tirole, le débat politique est-il à la hauteur ?
M. Philippe Dallier. Posez-vous la question !
M. Jean Germain. Le Sénat tient-il son rang dans le bicamérisme ?
Sans y insister outre mesure, je rappellerai tout de même qu’en supprimant neuf missions budgétaires – « Culture », « Défense », « Écologie, développement et mobilité durables », « Égalité des territoires et logement », « Immigration, asile et intégration », « Médias, livre et industries culturelles », « Politique des territoires », « Recherche et enseignement supérieur », « Solidarité, insertion et égalité des chances » – on réalise 105 milliards d’euros d’économies. Mais évidemment, du coup, il n’y a plus de crédits pour ces missions, donc, d’une certaine façon, plus de budget du tout, comme le faisait fort justement remarquer notre collègue Adnot.
Le rejet pur et simple de ces crédits a été une voie de facilité, qui a permis à la droite d’échapper à des choix budgétaires difficiles.
Mes chers collègues, sauf à considérer que nos travaux sont destinés à la confidentialité et n’ont pas vocation à alimenter le débat public, le débat des idées, c’est là une faiblesse qui ne peut qu’alimenter le doute des Français à l’égard du Sénat, des parlementaires et, plus largement, à l’égard des politiques et de leur capacité à agir sur le réel. Voilà ce que je pense et ce que pense mon groupe avec moi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Quelles conclusions pouvons-nous tirer de cette situation ?
On relève, dans le projet de budget que la majorité sénatoriale va tout à l'heure adopter, la trace de quelques réflexes : chassez le naturel, il revient au galop…
Suppression des emplois aidés : la droite a rejeté la création de 45 000 contrats aidés. (Huées sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Suppression de 9 500 créations de postes d’enseignants, à l’heure où notre école a besoin d’être renforcée et confortée, et les inégalités territoriales combattues. (Mêmes mouvements.)
Rejet, dans des conditions inadmissibles, du budget de la défense. (Mêmes mouvements.)
Le deuxième personnage de l’État, le président du Sénat, écrit au Président de la République pour lui demander, à l’heure où le Sénat doit voter le budget de la défense nationale, s’il peut l’assurer que les crédits seront bien accordés. Le Président de la République répond dans un courrier, non pas de façon pusillanime, comme l’a prétendu M. Retailleau – M. Raffarin, présent lors du vote sur ce budget de la défense nationale, ne l’a d’ailleurs pas jugé tel lorsqu’il a lu la réponse du Président de la République. Or, malgré ce courrier, pour la première fois depuis des années et alors que la France est engagée sur des théâtres d’opération partout dans le monde, pour des raisons de politique politicienne, la droite décide de faire sauter le budget de la défense nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. François Grosdidier. Présentation scandaleuse des faits !
M. Jean Germain. Rejet du budget du logement,…
M. François Grosdidier. Vous avez inscrit de fausses recettes !
M. Jean Germain. … alors même que celui-ci contenait une aide de 100 millions d’euros aux maires bâtisseurs, qui avait reçu l’accueil favorable de l’ensemble des élus locaux rassemblés au congrès des maires. Et lorsque la majorité rejette les crédits de la mission, en estimant qu’ils sont insuffisants, avant de rejeter les articles permettant de réaliser les économies sur cette même mission, la contradiction est flagrante ! (M. Philippe Dallier proteste.)
Stigmatisation des fonctionnaires (Protestations sur les travées de l'UMP.) : alors que leurs traitements sont gelés depuis quatre ans, le glissement vieillesse technicité, qui détermine leur avancement, a été restreint de 750 millions d’euros. Les fonctionnaires, ce sont des enseignants, des personnels hospitaliers, des policiers. Les priver de cette reconnaissance est tout à fait anormal !
Stigmatisation des demandeurs d’asile, avec la limitation de l’aide médicale d’État. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
En matière de fiscalité, aucune révolution, alors que vous en parlez tous les jours, mais un signe adressé par la droite : 550 millions d’euros que nous destinions aux ménages les plus modestes pour soutenir leur pouvoir d’achat dans la période extrêmement difficile que connaissent les plus fragiles se retrouvent fléchés vers des ménages disposant parfois de revenus très substantiels. Voilà un signal clair de l’équité telle que la conçoit la droite en matière d’impôt et de redistribution !
Quant à la politique économique, nulle alternative non plus. Pourtant, comme sur les économies budgétaires, depuis deux ans, nous ne faisons qu’entendre des critiques à l’encontre du pacte de responsabilité. Mais pas une seule proposition sérieuse n’a été présentée durant ces trois semaines de débat. Au contraire, c’est bien le groupe socialiste qui a fait adopter une mesure permettant de soutenir les petites et moyennes entreprises industrielles françaises dans la compétition mondiale.
Pour ce qui est de l’écotaxe, ceux qui soutenaient les « bonnets rouges » se plaignent ensuite qu’elle soit supprimée. Ce n’est qu’une contradiction et un scandale supplémentaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vous qui êtes dans la contradiction, pas nous !
M. Francis Delattre. C’est un gag !
M. Jean Germain. Mes chers collègues, ce projet de loi de finances n’est pas le nôtre. Il dénature ce que nous voulons, et je veux ici rappeler rapidement ce que nous voulons.
M. Jean-François Husson. Oui, ce serait bien…
M. Jean Germain. Tout comme M. le secrétaire d'État, nous ne voulons pas de dégradation du solde prévisionnel. Ce que nous voulons, c’est le maintien de la trajectoire d’évolution des dépenses de l’État. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Nous voulons une mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité.
Nous voulons un allégement significatif de 3 milliards d’euros d’impôts sur le revenu pour les familles modestes.
Nous voulons une baisse en valeur absolue des dépenses de l’État. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. N’importe quoi !
M. Jean Germain. Nous voulons aussi, dans cette période difficile, l’adaptation des politiques budgétaires européennes à la situation conjoncturelle et au risque de déflation en Europe,
Autrement dit, ce que nous voulons, ce n’est pas « on sabre tout dans les dépenses » pour faire 100 milliards d’euros d’économies !
Nous voulons aussi une mise en œuvre rapide des mesures de relance pour l’investissement public et privé.
Le groupe socialiste a soutenu cette ligne, tout en proposant des ajustements et en demandant certaines inflexions.
Sur les collectivités locales, nous avons demandé le lissage de la baisse de la dotation générale de fonctionnement sur quatre ans au lieu de trois ans, sans remettre en cause l’objectif de 11 milliards d’euros d’économies, afin de préserver l’investissement local, nous avons demandé le maintien des FDPTP, une stabilisation des dotations aux départements prêts à se regrouper et, enfin, la sanctuarisation de la fiscalité locale pour garantir l’autonomie fiscale.
Les sénateurs socialistes s’engagent en faveur de l’investissement local (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.), mais aussi de la modernisation de notre organisation territoriale. C’est également dans cet état d’esprit constructif qu’ils ont confirmé qu’ils participeraient activement, en 2015, aux travaux de réforme de la DGF.
Mes chers collègues, méfions-nous des idées reçues. La Grande-Bretagne, que vous citez en exemple depuis des mois, voit son déficit passer à 5,6 % du PIB, avec une livre dépréciée. L’Italie, présentée comme « la » grande réformatrice, voit son endettement passer à 133 % du PIB.
Dans notre pays, la réduction du déficit budgétaire est engagée, tout comme celle du déficit commercial, le pacte de responsabilité est acté, les négociations de branche se poursuivent et de nouveaux accords seront conclus avant la fin de l’année. La réforme est en marche.
Nous voterons résolument contre le budget de régression que vous nous présentez, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Corinne Bouchoux et M. Joseph Castelli applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela faisait trois ans que nous n’avions pas eu l’occasion de nous réunir pour voter sur l’ensemble d’un projet de loi de finances. C’est pourtant un des événements majeurs de l’année parlementaire, comme en témoigne la solennité des modalités du scrutin. Que nous puissions aujourd’hui y prendre part aujourd’hui est assurément une bonne nouvelle !
En effet, si, comme il est probable, la majorité sénatoriale adopte le texte, nos collègues députés seront amenés à se prononcer sur quelques sujets que le Sénat, dans sa légendaire sagesse, a choisi de mettre en avant. Je pense, par exemple, au consensus qui s’est dégagé autour du maintien de ces taxes, qualifiées de « petites », qui viennent abonder le budget des collectivités locales et tendent ainsi, modestement, à préserver leur fragile autonomie financière.
Je citerai également la décision, quasi unanime, de proroger le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, si importante pour la mutation de notre économie rurale en même temps que pour la qualité sanitaire et gustative de notre alimentation.
Sans texte du Sénat, ces dispositions, bien que largement adoptées, ne pourraient même pas être soumises à l’Assemblée.
Si la seule existence d’un texte est donc déjà une source de réjouissance, cela n’empêche toutefois pas de s’interroger précisément sur son contenu, car, au-delà des exemples que je viens d’évoquer, ce projet de loi de finances recèle quelques motifs d’inquiétude.
Que l’on ne s’y trompe pas, l’excédent de 30 milliards qu’arbore désormais ce budget n’est qu’un pur artefact, et je pense que, sur toutes les travées de cet hémicycle, on est prêt à en convenir.
Mais alors, chers collègues de l’opposition, quel sens faut-il donner à votre budget, que vous avez allégé de ses principales missions ? Dans la mesure où vous aspirez, bien légitimement, à gouverner prochainement la France, nous sommes non moins légitimement en droit de nous poser la question.
Votre démarche présente au moins un choix dépourvu d’ambiguïté : celui de limiter la baisse des dotations aux collectivités locales. Les écologistes partagent cette volonté. On y reconnaît le réalisme d’élus locaux qui, au sein de leur commune, leur département ou leur région, se trouvent confrontés aux besoins profonds de la société.
En revanche, là où nous peinons à vous suivre, chers collègues, c’est lorsque vous abhorrez la dépense publique nationale dans le même temps que vous louez la dépense publique locale : honni soit l’État qui mal dépense et tout le pouvoir aux Conseils ! (Rires.)
M. Antoine Lefèvre. Joli !
M. André Gattolin. C’est cela que vous nous proposez !
Vous avez, certes, encore un peu de temps devant vous, mais, entre une droite bonapartiste et une droite girondine, il va falloir choisir !
À cette véritable schizophrénie qui vous habite, nous préférons pour notre part la cohérence qui consiste à envisager globalement la question de la dépense publique, nationale et locale.
Cette posture quant à la dépense publique vous a donc conduits – et c’est la deuxième tendance claire qui se dégage de votre travail – à proposer quelques mesures d’économies choisies pour leur charge « idéologique », dirai-je, au mépris de l’efficacité, quand ce n’est pas au mépris du simple bon sens.
Vous nous avez proposé, chers collègues, de réduire le budget de l’aide médicale d’État. Sans même qu’il soit besoin d’évoquer nos valeurs humanistes, comment ne pas voir, au moment où nous sommes menacés d’une pandémie liée au virus Ebola, l’absurdité, pour ne pas dire l’inconscience, d’une telle démarche ?
Vous nous avez aussi proposé de supprimer 9 500 postes d’enseignants dans l’éducation nationale. Alors que les journaux sont remplis de reportage sur ces classes dépourvues d’enseignants, alors que depuis plusieurs années consécutives, les concours de recrutement ne permettent plus de pourvoir tous les postes ouverts, il vous reviendra d’expliquer à nos concitoyens comment vous comptez assurer ce service public fondamental pour la cohésion de notre République.
Vous avez également choisi de supprimer des dizaines de milliers d’emplois aidés, au motif, il faut que nos concitoyens le sachent, qu’ils s’adressent au secteur non marchand : comme si le travail marchand résumait à lui seul tout le travail ! Surtout, en cette période où le MEDEF nous explique que le patronat ne peut malheureusement pas embaucher malgré les 40 milliards d’euros qui lui ont été consentis, ceux de nos concitoyens qui sont en recherche d’emplois et qui auraient pu prétendre à ces emplois aidés apprécieront certainement d’avoir été sacrifiés sur l’autel du dogmatisme.
Davantage de dotations pour les collectivités, quelques économies idéologiques… Quel est donc le bilan de ces choix ? Eh bien, c’est 500 millions d’euros d’économies supplémentaires, à peine plus que l’épaisseur du trait ! Et encore ce calcul ne prend-il évidemment pas en compte les missions rejetées. En effet, si l’on s’y arrête un instant, au-delà des apparences, non seulement on s’aperçoit que ces suppressions de missions ne sont pas des économies, mais nous sommes même fondés à penser que vous avez dissimulé là un monceau de dépenses supplémentaires que vous n’assumez pas !
Vous nous expliquez que la gauche sénatoriale, en 2011, sous la houlette de notre collègue Nicole Bricq, avait également supprimé des missions. C’est exact, mais c’était parce que nous considérions que les crédits de certaines missions étaient trop faibles. L’article 40 de la Constitution nous interdisant de les augmenter, nous n’avions d’autres choix que de les rejeter.
En réalité, cela semble également être votre cas, chers collègues. Si vous aviez simplement voulu faire davantage d’économies, il ne tenait qu’à vous de réduire les crédits de ces missions. C’était parfaitement faisable, mais en réalité vous avez fait tout le contraire !
Sur la mission « Défense », vous prétendez que le compte n’y est pas, qu’il n’y a pas assez d’argent... C’est une position respectable, mais ça ne fait pas pour autant une économie. Sur la mission enseignement supérieur et recherche, vous adoptez le rétablissement des crédits, avant de rejeter la mission ! Avez-vous eu des remords tardifs ? Où est la cohérence ? Quel sens cela a-t-il ?
À propos de l’article 30, qui porte sur la contribution au budget de l’Union européenne, j’avais évoqué un mystère mallarméen. Aujourd’hui, c’est plutôt le surréalisme de La Trahison des images qui me vient à l’esprit, et j’ai envie de vous dire, avec Magritte : « Ceci n’est pas un budget » ! (Sourires.) Cela y ressemble, cela en a l’apparence, mais ce n’est pas un budget. Vous proclamez urbi et orbi que votre ligne politique est une réduction du déficit encore plus drastique que celle du Gouvernement, et vous nous proposez un texte désarticulé dont nous pouvons à bon droit penser qu’il masque en réalité une dégradation du solde par rapport au projet du Gouvernement.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. André Gattolin. Avant que la droite remporte la majorité dans cette assemblée, nous avions une idée claire de ce que voulait l’UMP : 150 milliards d’euros d’économies. C’est irréaliste, mais c’est clair ! Maintenant que vous êtes en situation de responsabilité au Sénat, nous ne comprenons plus votre ligne politique. Peut-être est-ce parce que l’UMP n’est pas majoritaire, me direz-vous... J’y reviens donc, mes chers collègues : même si l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment, entre une droite bonapartiste et une droite girondine, il vous faut choisir votre ligne... (Protestations sur les travées de l'UMP.)
J’avais eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale : le projet de loi de finances que nous présentait Gouvernement ne suscitait pas l’enthousiasme chez les écologistes. Sans même parler de nos doutes, partagés par le Haut Conseil des finances publiques, quant au réalisme de la trajectoire des finances publiques, il nous semble que la démarche consistant à faire payer aux ménages et au service public, notamment celui de l’écologie, des baisses de cotisations sociales et d’impôts pour les entreprises, sans véritables contreparties, ne permet pas de conduire notre économie sur la voie d’une réelle transition écologique.
Nous aurions préféré un budget qui, dans cette période difficile, épargne les ménages et privilégie l’investissement stratège dans les filières d’avenir et la transition énergétique. Cela permettrait de ranimer une économie à bout de souffle, de préserver notre environnement et d’entraîner, à moyen terme, de formidables économies, comme sur les importations d’énergie ou sur la santé.
Ne retrouvant pas réellement ces orientations dans le projet qui nous était soumis, nous avions alors décidé de nous abstenir. Parce que nous ne les retrouvons pas davantage, il s’en faut de beaucoup, dans le texte sur lequel nous nous prononçons aujourd’hui, mais surtout parce que nous dénonçons avec force la duplicité politique de ce travail, vous l’aurez compris, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les écologistes voteront résolument contre ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – M. Joseph Castelli et Mme Françoise Laborde applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour le groupe CRC.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà des recommandations de la Commission de Bruxelles, le Sénat français vote un budget 2015 excédentaire de plus de 1 point de PIB.
Un grand quotidien du soir a d’ailleurs immédiatement pointé cette situation dans son édition datée de demain.
En annulant 106 milliards d’euros de crédits dans plusieurs missions budgétaires et en revenant sur les moyens de quelques autres, la majorité sénatoriale UMP, UDI-UC et non-inscrits issue des élections de septembre dernier a transformé le projet de loi de finances pour 2015 de telle sorte qu’il présente aujourd’hui un excédent de 29,7 milliards d’euros .
Ma première observation sera de pure forme.
Le débat budgétaire a été mené à son terme par le Sénat et le Gouvernement, contrairement aux deux années précédentes – où il disposait pourtant d’une majorité parlementaire pour ce faire –, n’a demandé de seconde délibération que pour « constater » les effets des votes intervenus au Sénat.
Cela signifie que, en lieu et place de l’apport du Sénat de gauche en 2012 et 2013, le Gouvernement a préféré voir la droite sénatoriale faire son affaire de la loi de finances. D’ailleurs, Jean Germain vient de poser la question : à quoi bon discuter au Sénat du budget pendant un mois pour en arriver là ?.
Ma deuxième observation de forme nous ramène évidemment au fond, puisque ni le texte gouvernemental, marqué profondément par l’austérité – nous avions d’ailleurs marqué notre opposition à ce texte par le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable – ni le texte issu des travaux du Sénat ne sont susceptibles d’apporter des réponses aux attentes sociales et collectives des Françaises et des Français.
Le projet de loi de finances rectificative dont nous allons entamer l’examen dans deux jours vient pourtant confirmer que la cure d’austérité imposée aux Français par la réduction de la dépense publique n’est pas suffisante pour aboutir aux résultats escomptés, c’est-à-dire la baisse sensible des déficits et de la dette publique.
Oui, mes chers collègues, le citoyen peut s’interroger sur le sens de son propre vote, notamment en faveur des candidats partisans d’un certain changement. Cette situation illustre, hélas ! la convergence de vue qui existe sur bien des points entre le Gouvernement et la majorité du Sénat.
J’en viens au contenu du texte du Sénat.
À quoi ressemblerait donc la France du 1er janvier 2015 si, par malheur, les choix de la majorité UMP, UDI-UC étaient mis en application ?
Dans une formule rapide, ces choix, c’est tout simplement zéro euro pour les artistes et créateurs,…
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Thierry Foucaud. … zéro euro pour les demandeurs d’asile, zéro euro pour l’écologie, zéro euro pour les logements sociaux,…
Mme Éliane Assassi. Absolument !
M. Thierry Foucaud. … zéro euro pour les handicapés, les personnes âgées dépendantes, les allocataires du revenu de solidarité active.
M. Philippe Dallier. Quelle caricature !
Mme Éliane Assassi. Non, ce sont vos choix !
M. Thierry Foucaud. C’est même zéro euro pour la défense du territoire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Certes, ces budgets avaient déjà été amputés par l’Assemblée nationale.
L’obsession de la réduction de la dépense publique, déjà présente dans l’actuelle politique gouvernementale, confine de fait à la caricature.
Concrètement, dès le 1er janvier 2015, si nous suivons la majorité sénatoriale, les chantiers de construction de logements sociaux seront immédiatement arrêtés, tout comme la réalisation de lignes de tramway ou d’autobus en site propre.
Nous devrons cesser immédiatement le versement des allocations de logement aux familles, les aides personnalisées au logement aux organismes bailleurs ; il faudra également interrompre le versement du revenu de solidarité active aux allocataires, ou de l’allocation aux adultes handicapés.
Les universités et les locaux du CNRS seront, pour leur part, fermés jusqu’au 1er janvier 2016.
Oui, la majorité sénatoriale UMP, UDI-UC s’est aussi attaquée au montant des crédits d’un certain nombre de missions.
Ainsi, elle a réduit les crédits de la mission « Santé » d’une partie du montant de l’aide médicale d’État destinée notamment aux personnes dites « en situation irrégulière », une AME déjà bien malmenée dont le montant représente, pour mémoire, environ 0,3 % des dépenses d’assurance maladie de notre pays...
Elle s’est aussi attaquée aux crédits de l’enseignement scolaire en revenant sur la ligne ouverte pour financer la formation de nouveaux enseignants stagiaires.
Là, mes chers collègues, je m’interroge.
Une bonne partie des penseurs de la droite française professe, ces dernières années, contre toute évidence, que le niveau des élèves et étudiants est en baisse, que leur maîtrise de l’orthographe et de la syntaxe laisserait à désirer, que leurs connaissances scientifiques et techniques seraient insuffisantes, et j’en passe, le tout sur le refrain éculé du « c’était mieux avant ». (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.) C’était mieux avant, sans doute, à l’époque où la France ne comptait que 250 000 étudiants, et non pas 3 millions, comme aujourd’hui...
Seulement voilà ! les temps changent, et le rôle de l’État est de relever le défi de la formation d’un nombre toujours plus important de jeunes, selon des rythmes scolaires adaptés.
Disons-le clairement : on peut légitimement protester contre le transfert aux collectivités locales de l’organisation d’une bonne partie du temps scolaire ou périscolaire, mais on n’a pas le droit, alors, de proposer des suppressions massives de postes d’enseignants !
Limiter ne signifie pas rejeter : cela suppose même d’accepter ! Je fais là référence à la position de la droite sénatoriale sur la question de la DGF. Alors même que près d’un conseil municipal sur deux dans notre pays s’est exprimé, avec l’Association des maires de France, contre la baisse de la DGF, la majorité du Sénat a accepté une sorte de pis-aller en se contentant de limiter la réduction de cette dotation.
Vous n’avez pas, mes chers collègues, ni d’un côté ni de l’autre, respecté les demandes de vos propres mandants !
En acceptant la réduction des dotations budgétaires aux collectivités locales, au nom du calcul « fumeux » faisant du secteur public local l’un des responsables de la crise des finances publiques, vous avez exprimé votre position de fond, c’est-à-dire le respect aveugle des orientations européennes, de la trajectoire de réduction de la dette et des déficits publics, qui nous mène, nous le constatons tous les jours, droit dans le mur !
Il est plus facile de « taper » dans le budget des collectivités locales ou dans la poche des salariés et des retraités que d’aller chercher l’argent là où il se trouve.
Très symboliquement, au travers de son dernier amendement, M. le rapporteur général nous proposait d’inviter le Gouvernement à remettre au Parlement un rapport sur l’imposition des patrimoines et des revenus patrimoniaux, sans doute au motif que certains, dans la bourgeoisie de ce pays, estiment payer trop en impôt sur la fortune, en taxation des plus-values, en contributions sociales sur leurs biens fonciers, immobiliers et mobiliers.
Monsieur le rapporteur général, je vous pose la question : un salarié disposant de vingt-deux ans d’ancienneté dans la même entreprise bénéficie-t-il, au moment de payer l’impôt sur le revenu, d’une décote de 3 % par année de présence ? Je ne le crois pas. Et le seul acquis de ce salarié, en cas de licenciement, ce sera le niveau de l’indemnité qui pourra lui être versée !
Les votes de la droite sénatoriale n’ont qu’un avantage : non pas donner au projet de loi de finances pour 2015 des couleurs de gauche qui ne sont pas les siennes, mais montrer que la baisse des dépenses publiques n’est pas la voie de la réduction du déficit et de la dette publique.
Mes chers collègues, pour effacer la dette publique, il faudrait trente à quarante années de la purge budgétaire que s’apprête à voter la majorité du Sénat pour l’année prochaine ! Autant dire que c’est du côté des recettes, de la justice fiscale et de l’efficacité économique des prélèvements qu’il faut aller chercher la solution à nos problèmes.
Monsieur le secrétaire d’État, vous savez que nous avons formulé des propositions en ce sens : vous nous avez entendus les défendre dans cet hémicycle. Du reste, vous avez suivi nos travaux en permanence, et je vous en remercie.
Je conclurai sur cette question des recettes en citant les mots prononcés par Gilles Carrez à l’Assemblée nationale le 1er décembre dernier, lors de l’examen du collectif budgétaire. Face aux multiples diminutions de taxation, il a conclu : « À force d’accumuler les crédits d’impôt, comme le crédit d’impôt compétitivité recherche ou le crédit d’impôt recherche, à ce rythme-là, bientôt, il n’y aura plus du tout d’impôt sur les sociétés ! » Ce propos peut s’étendre à l’impôt sur le revenu.
En supprimant moult crédits d’impôts et mesures diverses, nous avons de quoi remettre d’aplomb les recettes de l’État et améliorer l’état des comptes publics. Toutefois, cela suppose d’autres choix, des choix de gauche, là où, pour l’heure, nous ne trouvons que des mesures d’austérité.
Vous l’aurez compris : nous n’aurions pas voté le texte du Gouvernement…
M. Henri de Raincourt. Ah bon ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Thierry Foucaud. … et nous ne voterons pas ce projet de loi de finances, dans sa version amendée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. Michel Billout. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, au titre des sénateurs non inscrits.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré certaines améliorations apportées par notre assemblée, ce projet de loi de finances s’inscrit dans la droite ligne des budgets qui ont défait la France depuis des décennies. (Brouhaha.)
Ces budgets ont été marqués par des choix idéologiques plus que pragmatiques.
Ces budgets s’attaquent aux ménages et aux entreprises pour diminuer le déficit que vous, vraie gauche et fausse droite, avez aggravé durant des années de partage du pouvoir. (Protestations. – M. Daniel Raoul s’exclame.)
Ces budgets, tous déficitaires, n’ont fait que creuser la dette de la France depuis quarante ans, engraissant les banquiers et enchaînant notre pays à des prêteurs en majorité étrangers.
Ces budgets ne permettront pas de retrouver le chemin de la croissance et encore moins celui de l’emploi.
Ces budgets mettent à mal le modèle français, héritier de siècles d’histoire, en opposant les territoires entre eux.
Ces budgets rognent, une nouvelle fois, sur les missions régaliennes de l’État, notamment en appauvrissant notre outil de défense.
Ces budgets, votés à des fins électoralistes, empêchent toute réforme de structure, ce qui permet à la chancelière allemande de se croire obligée de nous faire la leçon.
M. Stéphane Ravier. Ces budgets préfèrent casser ce qui fonctionne, comme les professions réglementées, plutôt que de s’attaquer aux vrais problèmes.
Ces budgets sont écrits sous la dictée des commissaires européens, sous le regard de Bruxelles, avec son œil droit et avec son œil gauche… (Exclamations.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Assez !
M. Stéphane Ravier. Bref, ces budgets, depuis tant d’années, font le bonheur des financiers et le malheur des Français.
Toutefois, peut-être est-ce la dernière fois que le Parlement vote, avec un semblant d’indépendance, le budget de la nation : nous sommes suspendus au jugement de Bruxelles, qui, dans quelques mois, émettra un avis pouvant aller jusqu’à notre mise sous tutelle…
Comment voulez-vous mener une politique économique sans indépendance monétaire, sans indépendance commerciale et, désormais, sans indépendance budgétaire ?
M. le président. Monsieur Ravier, il faut conclure.
Mme Éliane Assassi. C’est fini !
M. Stéphane Ravier. Dites au moins aux Français que vous n’avez plus les manettes. (C’est fini ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et du CRC.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Stop !
M. Stéphane Ravier. Pourtant, des pistes de réforme existent : elles se nomment restauration des frontières, protectionnisme intelligent, retour à une monnaie nationale, priorité nationale, réduction drastique de l’immigration. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Voilà ! Le vrai visage du Front national !
M. Stéphane Ravier. Nous voterons par conséquent contre ce budget,…
M. le président. Monsieur Ravier, il faut vraiment conclure !
M. Stéphane Ravier. … qui, je le répète, ne fait qu’exprimer les exigences de l’euromondialisme,…
M. Marc Daunis. Mais bien sûr !
M. Stéphane Ravier. … au détriment des Français… (Couverte par le brouhaha, et en l’absence de sonorisation, la fin de l’intervention de l’orateur devient inaudible.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État. (M. Jacques-Bernard Magner applaudit.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous remercier des propos aimables que vous avez tenus à mon égard et à l’intention des membres de mon équipe.
J’ai moi-même plaisir à saluer la qualité de nos débats, due aux divers orateurs et à la présidence de la commission, à la fluidité de nos échanges avec M. le rapporteur général, à la présidence de séance et à l’ensemble des services de la Haute Assemblée. Cette discussion budgétaire s’est révélée un bon débat.
Nous parvenons aujourd’hui au terme de notre troisième, voire de notre quatrième rendez-vous budgétaire de cet automne : nous avons examiné ensemble le projet de loi de financement de la sécurité sociale – je me suis efforcé d’être présent lors de l’examen de sa partie « recettes » –, le projet de loi de programmation des finances publiques, la première partie du présent projet de loi de finances et, à présent, l’ensemble du budget pour 2015. D’autres rendez-vous suivront : le premier est prévu dès la fin de cette semaine.
Je dois l’avouer, l’évolution de nos débats m’a quelque peu étonné. Somme toute, à l’issue du vote de la première partie du budget, la majorité sénatoriale ne remettait fondamentalement en cause aucun des choix du Gouvernement.
Certes, le Sénat avait opté pour un changement de méthode sur divers sujets, comme l’allégement de l’impôt sur le revenu des ménages, mais, en l’occurrence, il n’avait opéré aucun changement de volume. Il en avait été de même pour un certain nombre de recettes, y compris pour les chambres de commerce et d’industrie.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il y a tout de même les collectivités…
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Aussi, j’attendais avec une certaine impatience la seconde partie, c’est-à-dire l’examen des dépenses.
Or j’ai constaté à cette occasion une opposition esquissée dès la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, vous avez adopté une programmation des finances publiques sans trajectoire budgétaire pour les trois prochaines années. Que vous n’approuviez pas la perspective tracée par le Gouvernement, soit ! Si vous aviez proposé une autre solution, par exemple une trajectoire plus ambitieuse, plus modérée, voire identique, en substituant simplement les efforts des uns à ceux des autres, cette position aurait été concevable. Néanmoins, vous n’avez pas adopté la moindre trajectoire budgétaire.
M. Francis Delattre. À force de vous fréquenter… (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Aujourd’hui, à l’issue de l’examen de cette seconde partie, que beaucoup dans cet hémicycle regrettaient de ne pouvoir effectuer depuis plusieurs années, le Sénat s’apprête, selon toute vraisemblance, à adopter un texte, mais celui-ci ne présente pas de solde !
Soyons exacts : il y a bien un solde, mais chacun s’accorde à dire qu’il ne signifie rien. En effet, il est excédentaire de presque 30 milliards d’euros, ce qui serait miraculeux s’il ne faisait pas abstraction de dépenses qui représentent, chacun le sait, environ 100 milliards d’euros.
Non seulement ce budget est peu clair, puisqu’il ne fait pas apparaître de solde crédible, mais il est inapplicable, puisqu’il empêcherait de payer quelques centaines de milliers de fonctionnaires…
M. Francis Delattre. Cessez d’abord d’en recruter !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … ou d’honorer des dizaines de milliards d’euros d’investissements publics.
Rejeter les crédits des missions, c’est facile !
Mme Françoise Cartron. Ah oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cela peut même être respectable. Néanmoins, tel n’est pas le cas lorsqu’on ne propose rien en contrepartie, lorsqu’on ne précise pas de quel montant on souhaiterait voir les montants en question augmenter. Les règles constitutionnelles ne permettent pas toujours d’établir les comptes à la virgule près.
M. Charles Revet. Ce n’est pas dans les textes !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne suis ni procureur ni juge. Cependant, vous auriez pu, par exemple, indiquer de quel montant vous souhaitiez majorer les crédits miliaires, ou préciser dans quelle mesure vous vouliez réduire telle ou telle dépense de telle ou telle mission.
Vous vous êtes contentés de tracer trois pistes, qu’il convient de respecter : les fonctionnaires, l’éducation nationale et l’aide médicale d’État, l’AME. Ces orientations, comme d’autres, sont presque dépourvues de documentation.
M. Francis Delattre. Nous avons demandé les informations au Gouvernement, il ne nous les a pas données !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si ma mémoire est bonne, le Sénat a supprimé 156 millions d’euros de dépenses au titre de l’AME. Néanmoins, parmi les étrangers présents sur notre territoire, lesquels allez-vous refuser de soigner ? Ceux qui sont en attente d’une décision de départ ?
M. Francis Delattre. Ceux-là, ils ont la CMU ! Cessez de dire n’importe quoi ! Vous ne connaissez même pas le dossier !
M. Dominique Bailly. Du calme !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Les plus jeunes ? Les plus vieux ? Je vous le demande, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale : qui refuseriez-vous de soigner ? Stigmatiser les dépenses de guichet, comme vous le faites, ne suffit pas à faire une politique.
Enfin, j’ai entendu invoquer ces fameuses « réformes structurelles », qui finissent par devenir le leitmotiv de la majorité sénatoriale.
M. Vincent Delahaye. Vous, vous ne voulez rien faire !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le débat budgétaire aussi est un peu court… (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’aurais souhaité savoir de quelles réformes structurelles il s’agit.
M. Bruno Retailleau. Ça viendra !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Portent-elles sur le temps de travail ? Sur les retraites ? Sur la structure de la fonction publique ? Sur les missions de l’État ? Dans ce cadre, quelles missions conserver, quelles missions sortir du périmètre de l’action publique ? Mystère ! Je n’ai entendu que des incantations.
On aboutit ainsi à un solde totalement irréaliste. On ne sait pas si la majorité du Sénat a rejeté les crédits de telle ou telle mission au motif qu’ils étaient trop faibles ou parce qu’ils étaient trop élevés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que nous puissions à l’avenir avoir ce débat de fond. Je souhaite que des forces de proposition puissent s’exprimer, non pas simplement pour la majorité sénatoriale, pour l’image de la Haute Assemblée ou pour le plaisir de débattre, mais avant tout pour la clarté dont notre pays a besoin.
C’est ainsi que nous pourrons renforcer le crédit de la parole politique, face à une société qui en doute. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous allons, dans quelques instants, procéder au vote sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2015.
Auparavant, permettez-moi de me réjouir, comme nombre d’entre vous, que le Sénat ait pu, pour la première fois depuis 2012, examiner l’ensemble du budget de l’État et exercer, ce faisant, la plénitude de ses compétences. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Éliane Assassi. Et pour quel résultat !
M. le président. Je tiens à remercier les quelque 246 sénateurs qui ont pris part à cette discussion, notamment les 49 rapporteurs spéciaux de la commission des finances – parmi eux, 27 étaient issus de la majorité sénatoriale et 22 émanaient de l’opposition sénatoriale –, ainsi que les 82 rapporteurs pour avis.
De nouveau, j’exprime notre gratitude à Mme la présidente de la commission des finances et à M. le rapporteur général. Ils ont contribué au bon fonctionnement de nos institutions et ont formé, en définitive, un duo harmonieux au-delà des divergences politiques.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et nous reprenons vendredi prochain ! (Sourires.)
M. le président. Je remercie particulièrement nos collègues vice-présidents. Nombre d’entre eux présidaient pour la première fois la séance lors de discussions budgétaires. Ils ont su saisir les difficultés de l’exercice, en particulier en termes d’adaptation du débat.
Monsieur le secrétaire d’État, plusieurs sénateurs l’ont rappelé, au-delà des appréciations d’ordre politique qui ont été portées, vous vous êtes montré très présent et très attentif. Il faut le souligner.
Je note que le Gouvernement n’a pas eu recours à la procédure de vote bloqué, ce qui a permis à la Haute Assemblée d’amender toutes les dispositions de ce budget comme elle l’entendait. Il s’agissait d’un engagement important sur le plan institutionnel, que j’avais souhaité obtenir du Président de la République et du Premier ministre. C’est là, à mon sens, le gage d’un bicamérisme équilibré, respectant la place de chacune des deux assemblées dans l’édifice institutionnel.
Notre travail a abouti à formuler des solutions de substitution, et je suis persuadé qu’il sera utile.
Le Sénat va maintenant procéder au vote sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2015.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Conformément à l’article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l’article 56 bis du règlement.
J’invite MM. Bruno Gilles et Serge Larcher, ainsi que Mme Colette Mélot, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l’appel nominal.
(Le sort désigne la lettre G.)
M. le président. Le scrutin sera clos après la fin de l’appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l’appel nominal.
(L’appel nominal a lieu.)
M. le président. Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
(Le nouvel appel nominal a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
Mme et MM. les secrétaires vont procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 72 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 190 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
3
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 10 décembre 2014, de quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
1. Proposition de loi visant à faciliter l’expulsion des squatteurs de domicile (n° 586, 2013-2014) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois (n° 142, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 143, 2014-2015).
À vingt et une heures :
2. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 18 et 19 décembre 2014.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART