M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur l’audiovisuel et la presse, dont la défense constitue, du point de l’offre et du pluralisme, une mission essentielle de notre démocratie.
Je souhaite insister, plus particulièrement, sur les éléments de ce projet de budget qui sont propres à ouvrir de nouvelles perspectives pour les années suivantes. Et je commencerai par évoquer le problème, soulevé par plusieurs orateurs, de la contribution à l’audiovisuel public.
Nous ne pouvons pas effacer le passé ! La dernière fois que nous avons débattu du sujet de l’audiovisuel public dans cet hémicycle, c’était à l’occasion de l’examen d’une loi visant à supprimer la publicité et à ne pas augmenter la redevance.
M. Jacques-Bernard Magner. Eh oui !
Mme Nathalie Goulet. C’est déjà fait !
M. David Assouline. Nous avions alors dénoncé fortement ces mesures.
Notre audiovisuel public reposait en effet jusqu’alors sur deux pieds, la publicité pour une moitié de son budget et la redevance pour l’autre, ce qui lui permettait d’être indépendant tant à l’égard de l’État que du marché. L’équilibre avait été progressivement rétabli depuis 2002, puis tout a été fracassé.
Je l’avais dit à cette tribune : du fait de la suppression de la publicité et de la complète dépendance de l’audiovisuel public à l’égard d’une dotation, quand les vaches maigres budgétaires arriveront, l’État pourra affirmer en toute légitimité que ses priorités sont ailleurs et réduire cette dotation. Aujourd’hui, nous y sommes !
Heureusement, et même si le montant de la dotation est moins élevé, l’actuel gouvernement a redynamisé la contribution à l’audiovisuel public, grâce, notamment, à l’augmentation de deux euros de cette dernière, ainsi indexée sur le coût de la vie. (M. Jacques-Bernard Magner approuve.) Je m’en réjouis.
Nous devons nous habituer, en France, à faire preuve d’anticipation, plutôt que de nous attaquer aux problèmes lorsqu’ils sont derrière nous. Il est évident, et je le dis depuis plusieurs années, que les nouveaux usages battront en brèche le dynamisme de cette contribution, qui subsiste encore pour des raisons démographiques : quand un couple se sépare, cela crée deux foyers, deux télévisions, donc deux redevances... Toutefois, la fin approche ! Il n’y aura bientôt plus d’argent pour financer l’audiovisuel public, ce qui est pourtant fondamental. Il faut donc rapidement moderniser le dispositif.
J’ai entendu MM. François Baroin et Jean-Pierre Leleux ; je suis heureux qu’il y ait un consensus. Néanmoins, il faudra assumer ce débat avec force et sans démagogie devant l’opinion publique.
Nous devons être capables de dire, tous ensemble, qu’il faut moderniser la contribution à l’audiovisuel public et élargir son assiette, et ne pas rester tapis au coin du bois, comme certains, chaque fois que l’on débat de culture, d’audiovisuel ou de cinéma, en arguant que « ce sont toujours les mêmes qui ponctionnent les Français »... Tous ces propos démagogiques, je les ai entendus !
À l’époque du débat sur la refondation de l’audiovisuel public et de la formidable « commission Copé », j’ai même entendu M. Copé affirmer : « Moi vivant, la redevance n’augmentera pas d’un seul euro ! »... Il semble que l’on ait désormais recouvré la raison. Tant mieux !
Dans la perspective de la réforme de l’audiovisuel public, je lance un défi à mes collègues, en particulier à ceux de droite : agissons ensemble ! Pour notre part, nous y sommes prêts, afin de faire avancer notre pays et l’audiovisuel public, lequel sera menacé si nous ne trouvons pas les ressources nécessaires à son fonctionnement.
On peut toujours décider de rétablir la publicité dans telle ou telle tranche horaire... Cela ne me dérange pas, dès lors que l’essentiel de l’audiovisuel public est financé par la redevance, qui constitue en quelque sorte une forme d’actionnariat populaire : l’argent donné va directement au poste que les citoyens ont souhaité financer.
Nous devrons ouvrir parallèlement, en 2015 – c’est de la politique ! –, un débat sur le contenu de l’audiovisuel public. Madame la ministre, au premier semestre de 2015, il y aura le renouvellement du président du groupe audiovisuel public et la remise d’un rapport. Je souhaite que le Parlement soit alors associé à un véritable débat sur l’audiovisuel que nous voulons, son périmètre, mais aussi son nouveau financement, dont l’inscription dans le prochain projet de loi de finances conclura nos échanges sur le fond. Telle est la méthode à laquelle j’aspire.
La dotation budgétaire des organismes de l’audiovisuel public baisse certes de 102 millions d’euros en 2015, mais cette réduction est compensée par la hausse du produit de la contribution à l’audiovisuel public, soit une augmentation de 115 millions d’euros.
Oui, les aides à la presse seront globalement maintenues, et c’est heureux. En effet, c’est une nécessité, compte tenu des mutations du secteur. Les crédits destinés au programme « Presse » pour 2015 sont certes en légère baisse de 0,3 %, mais, dans le contexte budgétaire actuel, il est plutôt louable de ne pas les avoir diminués encore davantage.
Nous reviendrons sur le sujet de la presse tout à l'heure, à l’occasion de l’examen d’un amendement que je qualifierai de surréaliste.
Mme Nathalie Goulet. C’est un amendement de mauvaise humeur !
M. David Assouline. La discussion de cet amendement sera l’occasion d’évoquer la situation de la presse et la façon dont les fonds sont accordés. Une réforme s’impose, c’est une évidence, mais la suppression pure et simple de cette enveloppe n’est certainement pas la bonne réponse. Tout le secteur est en crise, et, même si certains s’en sortaient, une telle porterait un coup à ceux qui sont les plus en difficultés – les plus petits, comme d’habitude – et menacerait le pluralisme.
Le financement de la presse, en particulier de la presse d’opinion, garant du pluralisme de ce secteur, est une tâche importante qui incombe à tout gouvernement. C’est un acquis qui s’apparente à un service public. Vouloir tout remettre en cause dans l’espoir de provoquer une sorte de big bang restructurant ne me semble pas opportun. Je doute que du chaos naisse une situation saine, surtout dans ce secteur : seuls les plus forts surnageront.
Toujours est-il que je me réjouis que les crédits ne baissent pas et que je fais miennes les questions du rapporteur pour avis, Pierre Laurent. La mutation technologique en cours exige un soutien attentif, afin qu’elle ne s’opère pas au détriment du nécessaire pluralisme.
Je veux dire l’importance de cette question pour les socialistes. Dans cet hémicycle, nous avons toujours défendu l’idée que le service public de l’audiovisuel était un bien précieux. L’offre est grande, la bagarre est acharnée, la concurrence est rude, à l’échelon national, mais aussi international. Il faut donc un effort soutenu pour maintenir une offre de qualité, par la préservation des moyens dévolus à cette fin.
C’est le cas chaque année. De ce point de vue, ce budget ne déroge pas à la règle. En revanche, l’année prochaine, il faudra adosser notre débat budgétaire à une réflexion approfondie sur ce qui doit s’apparenter à un nouveau départ, en particulier pour France Télévisions. En effet, la situation ne peut continuer à dégénérer, comme c’est le cas depuis quelques années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sont en très légère hausse, de l’ordre de 0,43 %. Cette faible augmentation ne doit cependant pas nous tromper : elle équivaut dans les faits à une baisse en euros constants, puisqu’elle ne compense même pas l’inflation. Bien pis, les objectifs budgétaires prévus pour les prochaines années sont, à nos yeux, extrêmement inquiétants et soulèvent de nombreuses questions.
D’ici à 2017, le Gouvernement entend réduire de 32 % les crédits budgétaires de cette mission. L’essentiel de cette diminution reposera sur l’audiovisuel public et, en son sein, sur France Télévisions. C’est donc l’avenir de cette entreprise publique qui est au cœur de nos préoccupations.
Cela a été souligné par tous : l’objectif assumé par le Gouvernement est celui d’un financement des grandes institutions audiovisuelles totalement indépendant du budget de l’État, qui reposerait, hors ressources propres, sur la seule contribution à l’audiovisuel public. Par conséquent, celle-ci devra être fortement revalorisée.
Le Gouvernement entend ainsi diminuer la dotation de l’État à l’audiovisuel public de 263 millions d’euros sur trois ans. Cette enveloppe passera de 292 millions d’euros en 2014 à 29 millions d’euros seulement. Son extinction est programmée. Le budget pour 2015 est donc le premier volet de ce plan pluriannuel.
La part de financement par subvention budgétaire des sociétés de l’audiovisuel est déjà réduite à 160 millions d’euros. Pour compenser ce désengagement, une augmentation de la redevance de trois euros en métropole et d’un euro outre-mer est prévue. Elle fait suite à une revalorisation de six euros en 2013 et de quatre euros en 2014. C’est par cette seule augmentation que l’on peut parler d’un maintien des crédits consacrés aux médias. Toutefois, peut-on véritablement parler de maintien pour décrire le désengagement de l’État et le transfert de cette responsabilité publique sur le budget des ménages ?
Malgré cela, il faut le souligner, le compte n’y est pas. Les crédits de l’audiovisuel public s’élèvent au total à 3,856 millions d’euros, soit une hausse de 0,3 % qui ne compense toujours pas l’inflation, malgré une situation financière très problématique. La fragilité de France Télévisions est telle qu’une révision du contrat d’objectifs et de moyens s’est imposée l’an dernier.
Ainsi, le contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 prévoit une inflexion des effectifs légèrement plus forte que prévu. En vérité, aux 340 équivalents temps plein travaillé non remplacés en 2014-2015 s’ajoute une nouvelle réduction de 650 emplois, qui risque d’affecter la capacité de l’entreprise à remplir ses missions de service public.
Ces difficultés financières mériteraient donc, à l’inverse du désengagement programmé, une réflexion forte de l’État sur le développement de l’audiovisuel public et pas seulement sur son maintien. En effet, David Assouline vient de le souligner, ce secteur souffre d’une grande déstabilisation depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2009 qui supprime la publicité après vingt heures sur France Télévisions sans qu’aient été prévus les moyens du financement de l’audiovisuel public. Il faudrait une action forte, avec une nouvelle vision du service public. Or rien de cela n’est au programme.
Si la question de la présence d’écrans publicitaires sur un service public de télévision est légitime, cette suppression n’a fait qu’amputer les capacités de financement de France Télévisions, sans pour autant changer la politique de la demande au bénéfice d’une plus grande qualité du service public.
Telle est notre préoccupation. Hors du transfert sur la redevance, aucune réflexion stratégique d’ensemble ne semble engagée pour penser un nouveau projet culturel et industriel de France Télévisions et pour penser la pérennisation du financement du service public et la diversification de ses ressources.
Par ailleurs, tout se passe comme si la domination du privé dans le paysage audiovisuel français était un tabou auquel on ne devait pas réfléchir, sauf évidemment à vouloir encore la renforcer. Certains commencent d’ailleurs ici à parler de la nécessité de revoir le périmètre de la télévision publique... Tout cela manque donc singulièrement d’ambition.
À nos yeux, il en est de même concernant les livres. Là aussi, nous sommes loin du compte, alors qu’auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, c'est-à-dire l’ensemble de la chaîne du livre, souffrent sans avoir le sentiment d’être soutenus par une politique publique de promotion de la lecture. J’ai encore pu le constater voilà quelques jours, lors des rencontres avec les professionnels au Salon du livre de la jeunesse, à Montreuil.
Dans ce domaine, comme dans les autres, l’action publique semble se contenter d’un maintien des crédits après deux années de baisse, comme si c’était là un sujet de satisfaction. En vérité, avec de tels budgets, nous avons le sentiment que l’absence d’ambition est présentée comme un horizon indépassable. Or, pour la gauche, ce renoncement, car c’est bien de cela qu’il s’agit, ne peut convenir.
Nous pouvons dresser le même constat pour les crédits consacrés à la presse. J’ai déjà fait part de mon analyse en tant que rapporteur pour avis de la commission de la culture ; je n’y reviendrai donc pas.
Vous comprendrez donc que, dans ces conditions, nous ne votions pas les crédits de cette mission. En l’état, ils ne sont pas en mesure de garantir l’ambition nécessaire, l’existence de médias pluralistes et indépendants, le projet d’un audiovisuel public de qualité passant par la garantie d’un financement pérenne.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, intervenant en dernier et pour trois minutes, je vous présenterai non pas les « Cinq dernières minutes », mais les trois dernières minutes ! (Sourires.) Je consacrerai mon propos au domaine du livre et à la lecture.
Le développement de la lecture sur tous les territoires et en faveur de tous les publics est bien une priorité du Gouvernement et des collectivités territoriales. Grâce à cette volonté politique, notre pays bénéficie d’un réseau dense et actif de bibliothèques : quelque 83 % des Français ont aujourd’hui accès à ces lieux formidables de découverte, de rêve et de connaissance. Parce qu’elles sont les garantes de la démocratisation culturelle, parce qu’elles constituent aussi des lieux de socialisation, les bibliothèques font partie de ces équipements essentiels à la vie d’un territoire.
Outil de plaisir et de savoir à tous les âges de la vie, le livre est aussi le premier objet culturel appréhendé par l’enfant. Véritable vecteur de la transmission des savoirs, élément fondamental dans le processus d’apprentissage, « la lecture est une porte ouverte sur un monde enchanté », selon Mauriac.
Certes, la pratique de la lecture a évolué. Autrefois populaire, elle est devenue aujourd’hui plus élitiste, mais aussi plus variée, prenant des formes plus modernes.
Alors même que l’école a un rôle crucial à jouer dans la réhabilitation du livre et de la lecture, des faits récents laissent à penser que, même dans le cadre scolaire, la lecture tend, hélas, à être déconsidérée. Récemment, une professeure agrégée de lettres a reçu un avertissement lui demandant d’adhérer à des objectifs plus scolaires et de proposer moins de lectures à ses élèves. (M. Jacques-Bernard Magner s’indigne.)
Trop de lectures ? Cela me fait penser a à la réplique du film Amadeus : « Trop de notes ! » (Marques d’approbation.)
Aujourd’hui, quelque 7 % de la population adulte âgée de 18 ans à 65 ans ayant été scolarisée en France sont en situation d’illettrisme. C’est un sujet fort préoccupant, mes chers collègues, et nous serons certainement amenés à en reparler avec le ministère de l’éducation nationale, mais aussi avec vous, madame la ministre.
Le Centre national du livre, établissement public du ministère de la culture, participe à cet objectif de diffusion de la lecture, en organisant, entre autres missions, de nombreux salons du livre sur le territoire national, mixant les publics et les cultures.
Si nous oublions parfois le rôle fondamental du livre et de la lecture, ayons à l’esprit la guerre culturelle qui se mène dans les zones de conflit. En effet, pour Alain, « c’est presque tout que de savoir lire ». (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette discussion, permettez-moi de saluer la qualité des interventions, qui démontrent tout l’intérêt que porte la Haute Assemblée aux sujets culturels. Je veux vous en remercier, au-delà des interrogations et critiques auxquelles j’apporterai les réponses les plus précises possible.
J’évoquerai tout d’abord de façon générale cette mission « Médias, livre et industries culturelles ». Avec près de 4,4 milliards d’euros de crédits, elle connaît une augmentation de 0,42 %.
On y retrouve les ambitions politiques que j’ai souhaité mettre en avant avec ce budget et que j’ai déjà pu rappeler lors de l’examen des crédits de la mission « Culture ». L’une de ces ambitions est sans doute plus prégnante que les autres au travers de ce budget : renforcer l’excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays.
Oui, et je l’assume comme telle, la mission que nous examinons aujourd’hui illustre parfaitement cette priorité, puisqu’elle comporte de nombreux champions nationaux. Il n’est qu’à songer, entre autres, à l’AFP ou à notre modèle cinématographique. Je pourrais citer aussi nos productions audiovisuelles. Philippe Haïm et Éric Valette, Fabrice Gobert ont ainsi été primés aux International Emmy Awards, respectivement pour Braquo et Les Revenants. Je pourrais bien sûr citer enfin notre industrie du jeu vidéo, avec des acteurs majeurs comme Ubisoft ou Ankama.
J’ai tenu à rappeler ce niveau d’excellence avant d’entrer dans le détail de cette mission, secteur par secteur. Trop souvent, en effet, on ne mesure pas suffisamment le poids de la culture française non seulement dans notre propre économie, mais, plus largement, dans l’attractivité de la France à l’étranger.
Je dirai à présent un mot de chaque secteur de cette mission budgétaire, afin de vous en présenter les grandes lignes, de vous rappeler nos priorités et l’ambition du Gouvernement, enfin de répondre à vos interrogations, mesdames, messieurs les sénateurs.
Dans le secteur audiovisuel, en cohérence avec la loi de novembre 2013, qui a de nouveau confié au CSA le pouvoir de nommer les présidents des sociétés de l’audiovisuel public, le Gouvernement a fait le choix de renforcer l’indépendance financière de ces sociétés, en réduisant progressivement la part de leur financement public reposant sur le budget général, qui aura totalement disparu en 2017.
La diminution de 102,7 millions d’euros des subventions en 2015 sera compensée par la hausse des apports de la contribution à l’audiovisuel public, qui progressera de trois euros en 2015 en métropole et d'un euro outre-mer.
Par ailleurs, comme vous le savez, une réintroduction de la publicité en soirée sur les antennes nationales du service public n’a pas été retenue pour l’année 2015, car, aucune étude d’impact solide n’ayant été effectuée au préalable, nous avons craint qu’une telle réintroduction ne déstabilise les équilibres d’un secteur audiovisuel confronté à un marché publicitaire en crise et à l’arrivée de nouveaux acteurs réinterrogeant leur modèle économique.
Parallèlement, comme l’a annoncé le Président de la République, une réflexion doit être engagée – elle le sera – sur la modernisation du financement de l’audiovisuel public au-delà de 2015. Le Parlement y sera évidemment associé. M. Assouline a parfaitement résumé les enjeux d’une telle modernisation.
Vous le voyez, monsieur Baroin, contrairement à ce que vous avez déclaré lors de votre intervention, le Gouvernement veut mettre en œuvre un financement pérenne pour le service public de l’audiovisuel, au cœur duquel figure en effet la modernisation de l’assiette de la contribution audiovisuelle publique. Nous ne souhaitons pas le faire sans concertation ni étude préalable. En matière d’audiovisuel, je crois plus à la méthode de ce gouvernement qu’aux décisions brutales qui ont pu prévaloir dans le passé, comme M. Pierre Laurent l’a rappelé.
De la même manière, il nous faut tenir un discours de vérité sur l’audiovisuel public. La stabilisation des crédits au cours des trois prochaines années requerra de la part des sociétés concernées un réel effort de maîtrise de leur budget et d’économies, compte tenu de la progression de certaines de leurs charges. Cependant, elle ne remettra pas en cause leur capacité à assurer leurs missions.
Ainsi, je puis vous rassurer, madame Garriaud-Maylam, madame Lepage, monsieur Esnol : les grands équilibres des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions et de France Média Monde seront respectés. De même, les dotations publiques à Radio France et à Arte seront stables ou en légère progression. La dotation de l’INA retrouve quant à elle un niveau proche de celui de 2013, après une diminution exceptionnelle de 20 millions d’euros l’an passé, compte tenu du prélèvement sur le fonds de roulement.
Permettez-moi également de vous apporter une précision, madame Garriaud-Maylam, madame Lepage, sur la spécificité de France Médias Monde. Comme vous le savez, le contrat d’objectifs et de moyens pour 2013-2015 signé entre l’État et France Médias Monde en 2014 prévoit un élargissement de la diffusion des médias de France Médias Monde sur le territoire national. France 24 est d’ailleurs désormais disponible sur la TNT, la télévision numérique terrestre, en Île-de-France.
Je rappelle toutefois que la mission première de France Médias Monde est de s’adresser au public international. Nous devons donc collectivement veiller à la cohérence des offres du service public.
En ce qui concerne l’avenir de France Télévisions, je veux à cette tribune être très claire et répondre aux inquiétudes du sénateur Leleux aussi bien qu’aux attentes positives du sénateur Assouline. Comme l’a précisé le Président de la République, l’État actionnaire fera part de sa vision stratégique sur l’avenir de France Télévision dans la perspective de la désignation d’un président par le CSA dans le courant de l’année 2015.
Dans le plein respect des pouvoirs que ce gouvernement a redonnés au CSA, il s’agit ici de tracer les objectifs fondamentaux de France Télévision et de l’audiovisuel public, en tenant compte d’un contexte profondément transformé par le numérique, où la concurrence s’est fortement accrue avec la multiplication des chaînes et des écrans, et où les usages et les attentes du public se sont profondément transformés.
Il faut partir de ces attentes, de ce nouvel environnement, afin de définir le rôle et la place du service public aujourd’hui, pour la télévision linéaire et numérique. C’est ce que font régulièrement les autres grands opérateurs du service public à l’étranger, notamment la BBC.
Ce travail d’analyse sera conduit par les services de l’État. Le Parlement sera naturellement consulté.
Dans le secteur du cinéma, la majorité a décidé dès son arrivée aux responsabilités de mettre fin à l’écrêtement des taxes affectées au Fonds de soutien aux industries techniques cinématographiques et audiovisuelles, compte tenu du lien très spécifique et automatique entre la recette et la dépense qu’elle finance. Les taxes affectées au Fonds de soutien sont la base de calcul des soutiens versés par le CNC au secteur du cinéma et de l’audiovisuel. C’est, en quelque sorte, une « épargne forcée », dont la pertinence et l’efficacité ont été maintes fois reconnues. Telle est ma position, mais également celle du Gouvernement.
Je déplore que la majorité sénatoriale ait réintroduit ce dispositif, montrant ainsi les limites de son attachement à la culture et à l’exception culturelle. Je souhaite que le reste de la discussion parlementaire permette de revenir sur cette situation extrêmement préjudiciable au cinéma français.
Pour sa part, le Gouvernement n’affectera pas les capacités d’action du CNC par un prélèvement sur les réserves de l’établissement. Bien au contraire, afin de prendre en compte le recul prévisionnel de 10 % des recettes attendues du CNC par rapport au budget primitif de 2014, l’établissement sera autorisé à puiser dans sa réserve de solidarité pluriannuelle afin d’amortir l’impact conjoncturel de cette baisse sur les investissements du secteur et d’éviter un effet récessif, lequel serait préjudiciable à la diversité de la création, à l’activité et, in fine, à l’emploi.
J’évoquerai à présent les industries culturelles elles-mêmes. Afin de répondre aux questions soulevées notamment par Mme Mélot dans son rapport, je tiens tout d’abord à dire mon attachement à la filière musicale, pour qui l’arrivée du numérique a profondément bouleversé et reconfiguré la chaîne de valeur, emportant avec lui tous les modèles existants de création, de production et de diffusion, alors même que l’écoute musicale, en ligne ou en concert, est toujours au cœur des pratiques culturelles des jeunes et des moins jeunes.
Pour soutenir l’ensemble de cette filière, constituée de très petites entreprises, qui illustrent la reprise du développement créatif, et d’entreprises plus importantes, qui créent des effets d’entraînement, j’ai proposé de réformer le crédit d’impôt phonographique, qui soutient l’enregistrement d’albums par de jeunes artistes, afin de le rendre tout simplement plus incitatif. Cette réforme permettra de donner de la visibilité aux acteurs pour les trois prochaines années et de leur permettre de s’adapter à la réalité du tissu entrepreneurial – il s’agit d’entreprises plus jeunes, parfois de petite taille.
Par ailleurs, le budget pour 2015 permettra la poursuite du soutien au réseau des labels indépendants. En cette fin d’année 2014, j’ai en effet décidé la mise en place d’aides exceptionnelles aux plateformes de musique en ligne innovantes. Près de dix plateformes seront aidées dans ce cadre.
Enfin, le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine intégrera des mesures en faveur de la filière musicale, afin notamment d’améliorer la transparence des relations entre artistes-interprètes, producteurs et plateformes. Il s’agit de moderniser nos outils de régulation à l’ère numérique, comme le Gouvernement l’a fait dans le domaine de l’audiovisuel ou du livre.
Un autre des défis qu’il nous appartiendra collectivement de relever dans les mois à venir est celui de la mutation structurelle du secteur de la presse. Cela me donne l’occasion de répondre aux interrogations de M. Baroin et de Mmes Bouchoux et Laborde.
Conformément à l’engagement du Président de la République, l’année 2014 a été consacrée à la réforme des dispositifs des aides à la presse élaborée en 2013. Le Fonds stratégique pour le développement de la presse a été modernisé dans un décret de juillet dernier, afin de faciliter la transition numérique.
Nous ne faisons plus de distinction aujourd’hui entre la presse papier et la presse en ligne, car, comme le Gouvernement a eu l’occasion de l’affirmer lors de l’abaissement du taux de TVA aux services de presse en ligne, il n’existe pas de différence fondamentale entre les supports d’accès à l’information. Le principe de neutralité technologique doit donc s’appliquer.
De même, le Fonds stratégique pour le développement de la presse privilégie désormais les projets mutualisés. C’est indispensable à l’heure de la contraction des volumes que nous constatons. De même, il s’est adjoint des compétences d’experts en matière numérique, afin d’être plus pertinent et plus réactif dans le choix des projets financés.
Parallèlement, les critères de l’aide au portage ont été refondus, conformément aux engagements. Si l’année 2014 est bien une année de transition, le dispositif créé met fin à la distinction, si souvent décriée, entre aide au flux et aide au stock. Afin de mutualiser les outils de production, l’aide est désormais versée aux réseaux de portage eux-mêmes, et elle est bonifiée en cas de portage multititres.
De la même manière, l’aide versée aux éditeurs prend désormais davantage en compte l’évolution des volumes portés, tout en étant plus prévisible. Elle est dorénavant, je pense, une aide plus intelligente et plus efficace pour faire évoluer les comportements économiques. Il n’en demeure pas moins, comme le souligne justement le sénateur Pierre Laurent dans son rapport budgétaire, et comme l’a également déclaré David Assouline, que des enjeux d’ampleur attendent la presse dans les mois qui viennent, notamment en termes de diffusion.
Monsieur Laurent, j’ai pris connaissance avec attention des réformes que vous appelez de vos vœux, que ce soit en matière d’aides à la presse ou de portage.
Soyons très clairs : la chute des volumes constatée depuis deux ans, de près de 10 % par an pour la vente au numéro s’agissant de la presse quotidienne nationale et de 3 % à 5 % pour les autres acteurs ne sera pas soutenable pour la filière si l’ensemble de celle-ci n’engage pas des réformes à la hauteur des enjeux. En effet, ce sont bien les éditeurs eux-mêmes, et les autres acteurs de la filière, qui ont en main les conditions de leur mutation.
Cette mutation passe, comme certains d’entre vous l’ont rappelé, par l’ouverture résolue des réseaux de portage et par une mutualisation des moyens à la disposition des messageries. À cet égard, j’insiste pour que les travaux engagés entre Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse, les MLP, sur leur système d’information commun connaissent une accélération et produisent prochainement des résultats.
Cette mutation passe aussi par la recherche d’une plus grande efficacité économique du postage. J’espère que les travaux en cours entre La Poste et la presse magazine porteront rapidement leurs fruits.
Dans ce contexte, les moyens en faveur des différents réseaux de diffusion de la presse sont préservés en 2015, dans mon budget ou dans celui de mon collègue en charge de l’économie. Les moyens en faveur du pluralisme, un sujet qui vous est également cher, monsieur Laurent, monsieur Assouline, sont également préservés.
Dans un contexte de forte mutation, l’État a souhaité enfin concentrer ses moyens en faveur de la qualité de l’information. Tel est le sens de la priorité appuyée du Gouvernement à l’Agence France Presse, qui verra ses moyens augmenter de 5 millions d’euros en 2015.
Ce soutien budgétaire est un élément d’un soutien plus large à ce champion national qu’est l’AFP, l’une des trois seules agences de presse d’échelle mondiale. Non seulement l’Agence participe pleinement du rayonnement de notre pays à l’étranger, mais elle permet à l’ensemble de nos journaux, y compris sur les théâtres d’opérations difficiles, où les éditeurs peinent désormais à envoyer leurs propres journalistes, de disposer d’une information de qualité.
L’année 2014 a ainsi permis de sécuriser le financement public de l’Agence au niveau communautaire et d’élaborer, grâce aux travaux du député Michel Françaix, les voies et moyens d’assurer la nouvelle vague d’investissements nécessaires à la complète mutation numérique de l’agence. Le contrat d’objectifs et de moyens de l’AFP, qui devra être signé avant la fin de l’année, traduira l’ambition que nous avons collectivement pour le devenir de l’Agence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, mes propos ne seraient pas complets si je n’évoquais pas avec vous les crédits en faveur des industries culturelles. Certains d’entre vous en ont parlé, notamment Mme Mélot dans son rapport budgétaire, ainsi que M. Baroin et M. Savin au cours de leurs interventions, les crédits de la HADOPI sont maintenus cette année au même niveau que ceux de l’année dernière : ils s’élèveront à 6 millions d’euros.
Je tiens à dissiper vos inquiétudes. Le montant retenu cette année tient compte de la situation financière globale de cette autorité administrative, qui pourra encore en 2015, même s’il s’agit probablement de la dernière année où cette solution pourra être retenue, prélever sur son fonds de roulement pour assurer le financement de ses missions.