M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Dans l’Orne aussi !
M. Pascal Allizard. Bien sûr, monsieur le sénateur de l’Orne ! (Sourires.)
Cette fierté est légitime quand on sait que les produits sous signes de qualité s’exportent jusqu’au Japon ! Cependant, aujourd’hui encore, ces signes pâtissent de la coexistence de nombreux labels – certains utiles, d’autres moins – qui peuvent créer de la confusion dans l’esprit du consommateur.
Il serait souhaitable de clarifier les signes et labels pour à la fois assurer une meilleure information du consommateur et mener une véritable politique de valorisation des filières agricole de qualité. Sans rien coûter au budget, cela serait source de valeur ajoutée.
J’en viens à la répartition des aides agricoles entre grandes cultures et élevage. Certes, un rééquilibrage était nécessaire. La France a fait son choix au travers des mécanismes de la nouvelle PAC. L’élevage, notamment dans la filière viande, reste l’un des secteurs les plus affectés par la détérioration de la situation agricole.
L’ouverture du marché européen aux viandes des États-Unis dans le cadre du Partenariat transatlantique pourrait, dans ce contexte, avoir des conséquences graves, en particulier pour l’élevage allaitant. Le groupe de travail de la commission des affaires européenne auquel j’appartiens sera attentif aux effets pour la France du traité transatlantique.
Avant d’en arriver à ma conclusion, je dirai quelques mots de la filière hippique, qui a pour sources quasi exclusives de financement les contributions des propriétaires et les paris. Son équilibre financier est aujourd’hui menacé par la baisse des enjeux. Il nous faut rester également attentifs à cette évolution.
Au-delà de ce débat budgétaire, je compte, monsieur le ministre, sur votre engagement pour redonner son caractère d’excellence « à la française » à notre agriculture, cette filière économique essentielle, en particulier, à la survie des territoires ruraux. Les secteurs qui y sont associés doivent redevenir des moteurs de croissance pour ces territoires. Mais je doute, personnellement, que ce budget y contribue vraiment. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC. – M. le président de la commission des affaires économiques applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à souligner la qualité des interventions.
Ne disposant que de quarante minutes, je m'attacherai tout de suite à répondre aux très nombreuses questions qui m'ont été posées, faute de quoi il me faudrait deux heures, comme d’habitude ! (Sourires.)
Je commencerai par le contexte général, que beaucoup d’orateurs ont évoqué.
Les marchés pèsent sur les prix agricoles, qui ne sont pas bons. Par conséquent, le moral des agriculteurs n’est pas bon non plus. Ce constat renvoie à un questionnement plus général, à la fois sur les éléments de l’offre, les éléments de structuration entre l'offre et la demande, et les efforts que l’on doit poursuivre.
À cet égard, je me permets de souligner que je n’ai jamais été sollicité par quiconque pour lancer « Viande de France » juste après la crise des lasagnes à la viande de cheval. De même, j’ai mis en œuvre un processus qui aboutit à « Lait de France » et que j’ai récemment lancé une charte sur les fleurs de France. J’ajoute que je cherche à avancer sur le dossier des miels de France…
Pour offrir des débouchés à l’agriculture au niveau national et local, l’origine et la traçabilité des produits continuent de constituer à mes yeux un axe stratégique.
De fait, l'agriculture française a une dimension internationale. Elle a incontestablement un rôle en Europe et dans le monde au regard des grands défis alimentaires. Parallèlement, l’image de la France dans le monde est en grande partie liée à son agriculture et à sa gastronomie. Si l’agriculture française est reconnue comme la première agriculture en Europe et comme une grande agriculture dans le monde, elle est aussi réputée pour la qualité de ses produits ; il n’est que de citer l’exemple de notre viticulture et de sa part dans nos exportations.
L’internationalisation est patente : l’agriculture européenne et, donc l’agriculture française subissent de plus en plus les effets des marchés internationaux, et cela indépendamment de tout mécanisme de régulation de la production susceptible d'être mis en place à l’intérieur de l'Europe.
Je prendrai l’exemple du lait : si une baisse des prix est anticipée pour le début de l’année prochaine, c'est parce que l’on a constaté que le prix de la poudre de lait baissait sur le marché de Nouvelle-Zélande ! Certains considéreront que ce n’est pas un problème, mais cet impact par anticipation me désole. Dès lors, je veux tout faire pour éviter les effets de volatilité ou une brusque baisse du prix du lait, notamment au début de l’année prochaine. Nous y travaillons, et des contacts ont été pris.
Quoi qu'il en soit, les composantes du monde de l’alimentation et de l’agriculture sont de plus en plus interdépendantes.
J’ai bien entendu la solution que, face à cette situation, certains d’entre vous ont avancée : il suffirait de fermer les frontières ! Or se fermer au monde implique en particulier de se fermer à l'Europe, et donc à des pays voisins. Cela signifie qu’on ne peut plus continuer à exporter et à valoriser des pans entiers de cette formidable histoire de l’agriculture française et de la gastronomie française ! C'est toujours le même dilemme : certains trouvent une solution, mais elle posera beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résoudra… De fait, tout ministre de l’agriculture – à commencer par moi – cherche à tenir les fils de cette histoire, à la fois au niveau européen et au niveau mondial.
C'est pourquoi la bataille sur le budget de l'Europe a été conduite sur la base de cette considération stratégique : l'Europe ne peut pas se désintéresser de la question agricole et alimentaire, car elle fait partie des grands équilibres du monde de demain. La bataille sur le budget a été menée avec cette idée toute simple, mais, je le rappelle au passage, ce qui a été obtenu n’est pas ce qui était prévu.
M. François Patriat. C'est vrai.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je me souviens très bien du niveau auquel se situaient les discussions lorsque je suis arrivé : nous étions à moins de 800 milliards d’euros annuels pour la perspective financière à cinq ans. Une baisse aussi importante du budget global ne pouvait qu’entraîner une réduction de celui de la PAC. La stratégie que nous avons suivie – et ce n’était pas, je le rappelle, celle de l’ancien ministre de l’agriculture – n’a pas consisté à rechercher un accord direct avec l’Allemagne sur cette question, mais à trouver un accord majoritaire qui lie la question agricole à celle de la politique de cohésion territoriale.
C'est en effet le lien entre les fonds liés à la cohésion et celui lié à la politique agricole qui a permis de construire une majorité. Les pays d'Europe centrale étaient encore plus attachés aux fonds de cohésion qu’à la politique agricole. Dès lors, si l’on avait « lâché » sur les fonds de cohésion, la France n’aurait pas pu parvenir au résultat qu’elle a obtenu sur le budget de la politique agricole.
Voilà une vraie différence ! Personne ne pourra jamais dire quelle aurait été la conséquence d’un autre choix stratégique. Tout ce que je sais, c’est qu’elle aurait été négative pour le montant du budget de l’agriculture au niveau européen.
Maintenant, nous avons 9,1 milliards d’euros par an, dont un peu plus de 7 milliards d’euros sur le premier pilier et 2 milliards d’euros sur le second pilier. Alors, on peut discuter sur cet acquis, se demander s'il est suffisant, mais il constitue en tout cas un résultat très positif par rapport à ce que chacun pouvait anticiper. Et que ceux qui l’ont critiqué se le disent : ce résultat a été salué non seulement politiquement, mais surtout syndicalement, avec une belle unanimité ! La FNSEA elle-même a souligné qu’il s'agissait d’un très bon résultat pour la France. Que dis-je, pour la France ? Pour les agriculteurs français. Mais il est vrai que, lorsque nos agriculteurs ont des perspectives, notre pays peut en avoir aussi !
J’en viens à la question du budget national. Il doit s'inscrire dans une complémentarité avec le budget européen, en tenant compte des choix opérés dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, car c'est après avoir défini le budget global que l’on a pu négocier une réforme de la PAC.
Tous ceux qui, ici, ont participé au débat sur la PAC gardaient en tête le fait que l’élevage français était en train de se rétrécir au profit de productions céréalières. En 2011 et 2012, les prix des céréales étaient extrêmement élevés, si bien que dans des départements comme le mien, l’élevage, qui prévalait, tendait à se rétracter au profit du retournement des terres…
L'objectif était alors d’énoncer des choix stratégiques au niveau de la politique agricole commune qui nous permettent de stabiliser l’élevage et d’éviter, en particulier, un découplage total des aides européennes – débat européen majeur –, c'est-à-dire l’absence de tout lien entre l’aide à l’hectare et la production effective. Cette bataille pour maintenir un certain niveau de couplage des aides, c'était donc d'abord une bataille pour l’élevage.
À ce propos, j’ai entendu M. Yvon Collin faire état du niveau des aides aux vaches allaitantes, de problèmes de dégressivité, ou de problèmes liés aux génisses… Ces sujets particuliers ne doivent pas occulter le fait que les aides sont globalement maintenues pour l’élevage.
Imaginons qu’il n’y ait plus que des aides à l’hectare. Qu’est-ce qui justifierait, dans beaucoup de régions, que l’on continue à investir dans l’élevage, en particulier bovin et ovin ? Rien ! Le couplage était donc un enjeu majeur, et il se trouve que ce système, joint aux aides de compensation des handicaps, a permis de faire un lien entre le budget national et le budget européen
En effet, la fameuse prime nationale à la vache allaitante – la PSVA, bien connue de tous nos services –, qui figurait dans le budget national et représentait 166 millions d’euros, a été transférée au budget européen dans le cadre de la négociation que j’ai menée sur le couplage des aides. Cela permettait de maintenir l’aide aux éleveurs et aux bassins allaitants tout en gérant la réduction du budget national – je savais évidemment quelles étaient nos contraintes budgétaires.
C'est ainsi qu’il a fallu jouer sur la négociation européenne pour anticiper la nécessaire réduction du budget national sans remettre en cause les aides aux éleveurs. Voilà l’emboîtement entre l’Europe, la PAC et le budget national auquel nous sommes parvenus.
Que se serait-il passé si nous avions eu un budget européen moindre et toujours autant de contraintes au niveau du budget national ? Qu’on y réfléchisse bien ! Comment aurions-nous pu maintenir le niveau des aides directes, destinées en particulier aux éleveurs, si nous n’avions pas bénéficié de ce jeu de complémentarité et de transfert ? Nous aurions été confrontés – je peux le dire maintenant que nous avons gagné notre pari – à de grandes difficultés !
D’ailleurs, lors des premières négociations que j’ai menées avec Bercy, nous avions envisagé une telle évolution : confrontés à la nécessité d’une réduction du budget, nous avons donc agi de manière à être en phase avec les agriculteurs.
Pour en terminer avec la question des compensations de handicaps, cette importante politique d’aide absolument nécessaire pour maintenir l’agriculture, et notamment l’élevage, je rappelle que, dès 2015, la promesse faite par le Président de la République, à savoir 1 milliard d’euros pour l’ensemble de la zone, sera réalisée, alors que nous en étions encore l’an dernier à 620 millions d’euros, pour l’ensemble des zones ICHN – indemnités compensatoires de handicaps naturels – et PHAE – prime herbagère agroenvironnementale. Cet effort a été reconnu par tous, y compris dans des articles parus dans les revues d’un certain nombre de départements concernés. Avec les zones ICHN, cette PAC est bien meilleure ! Elle a permis d’introduire un rééquilibrage, un verdissement, et de garantir les grands objectifs de l’agriculture française, en particulier pour l’élevage.
M. Didier Guillaume. Tout le monde est d’accord !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Tel est l’enjeu !
Il reste, évidemment, la question du budget. Bien sûr, je l’ai dit, on essaie de faire des efforts, sans remettre en cause la capacité à agir du ministère de l’agriculture. Certes, ce budget va encore baisser de 200 millions d’euros, pour arriver à 4,7 milliards d’euros. Je rappelle toutefois qu’une compensation, à hauteur de 729 millions d’euros, est prévue : elle est liée au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, en réalité au pacte de responsabilité et de solidarité. Cette décision doit être considérée comme un élément structurant pour l’avenir.
Une part de l’effort de l’État en matière d’économies budgétaires se fait au bénéfice direct de l’activité économique, au travers d’une baisse globale des charges, y compris l’activité agricole. Ainsi, par un effet de transfert, l’effort de réduction de la dépense publique profite à l’agriculture, il ne faut jamais l’oublier. Si l’on réalise 200 millions d’économies sur le budget de l’agriculture, cette somme sert ensuite à financer une partie du pacte de responsabilité, qui correspond à 40 milliards d’euros d’engagements en faveur de l’économie. La filière agricole en bénéficie à hauteur de 729 millions d’euros.
La filière viticole recevra ainsi plus de 70 millions d’euros supplémentaires l’année prochaine, et la filière arboricole, plus de 50 millions d’euros.
Dans des secteurs rencontrant des difficultés, en particulier en Bretagne, les avances au titre du CICE et le CICE lui-même ont été des facteurs de maintien d’activité. Ils ont permis de redresser un certain nombre d’activités, en particulier l’abattage, et de retrouver des perspectives de développement pour demain.
Pour résumer, si 200 millions d’euros d’économies sont réalisés sur le budget de l’agriculture, 729 millions d’euros sont récupérés pour soutenir directement l’activité économique agricole, sur l’ensemble de l’effort effectué.
J’en viens aux grandes orientations budgétaires. Cela a été dit, elles sont conformes au débat que nous avons eu sur la loi d’avenir pour l’agriculture, c'est-à-dire conformes à une perspective de moyen et long terme d’organisation au travers de l’agroécologie, et je salue la verve dont Joël Labbé fait toujours preuve sur le sujet ! Je lui rappelle toutefois qu’on ne fera pas passer du jour au lendemain un modèle agricole conventionnel à un système agro-écologique. Il faut une transition, que nous devons organiser aujourd'hui. C’est cela qui est important !
Nous franchissons la première étape, le premier socle sur lequel nous nous appuierons ensuite en matière d’enseignement agricole, de recherche et de développement. La transition doit se faire au fur et à mesure : c’est un avantage pour la France, dans la mesure où la performance économique, environnementale et sociale constitue un atout en termes de capacités productives et de compétitivité.
Dans le cadre des choix effectués par le Président de la République en faveur de la jeunesse, nous avons eu le souci, dès le départ, de créer des postes dans l’enseignement agricole : près de 145 dans l’enseignement technique, 20 pour des aides à l’éducation et 20 autres dans la recherche.
Surtout, pour la première fois depuis dix ans, cela a été rappelé, nous avons créé des emplois– 60 postes – dans le domaine sanitaire et vétérinaire.
M. Didier Guillaume. C’est énorme !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce sujet est au cœur du débat sur la santé, comme il est essentiel au regard de nos capacités exportatrices. On me dira : ce ne sont que 60 postes ! En fait, c’est très important, car, quand je suis entré au Gouvernement, en 2012, on parlait de supprimer 120 emplois. Nous avons commencé par diviser ce nombre de moitié. En 2013, nous avons stabilisé la situation. Aujourd'hui, nous créons 60 emplois ! Je crois qu’il convient de saluer collectivement cette avancée, et la Cour des comptes l’a fait.
Mme Sophie Primas. Nous aussi !
M. Stéphane Le Foll, ministre. S’agissant de l’agro-écologie, l’État participera au plan de modernisation en faisant passer sa contribution de 30 millions à 56 millions d’euros. Avec l’ensemble des effets de levier liés au FEADER et à la politique régionale, nous espérons atteindre l’objectif de 200 millions d’euros.
La modernisation des bâtiments d’élevage, c’est vrai, constitue un enjeu important de compétitivité ; ce point fait consensus au regard de l’objectif stratégique.
Il est d’autres sujets qui sont encore à débattre et sur lesquels les intervenants ont émis des interrogations, voire des critiques.
J’évoquerai tout d’abord les chambres d’agriculture. Je ne reviendrai pas sur l’effort demandé à tous les établissements publics, et notamment aux autres chambres consulaires. Pour ma part, j’ai cherché à protéger les chambres d’agriculture, dont je connais le rôle et la place. J’ai parfaitement conscience de la nécessité de leur donner les moyens d’assurer leurs missions.
Pour autant, l’effort doit concerner tout le monde, y compris le Centre national de la propriété forestière.
C’est un fait, les chambres d’agriculture disposent d’un fonds de roulement correspondant à deux mois d’activité, qui se situe hors des normes prudentielles puisqu’il est supérieur au petit « matelas » nécessaire pour prévenir les aléas que peuvent rencontrer l’ensemble des établissements publics.
Nous avons donc considéré que l’effort demandé pouvait se concrétiser par le biais d’un prélèvement sur ces fonds de roulement. Une négociation a eu lieu, dans le but de définir ensemble ce que devait être un effort mesuré. Je rappelle également que toutes les sommes correspondant à des enjeux d’investissement notifiés avant le mois de juillet dernier n’entraient pas dans le calcul du prélèvement.
Or les chambres d’agriculture se sont découvert cette année une volonté d’investir largement supérieure à celle qu’on a pu constater les années antérieures !
M. Daniel Gremillet. Mais non !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Mais si, monsieur le sénateur, et ancien président de chambre d’agriculture ! Les chiffres sont parlants : le niveau des investissements constaté cette année correspond à quatre fois la moyenne des investissements des années précédentes ! Il s’est donc passé quelque chose… En réalité, confrontées au prélèvement, les chambres d’agriculture ont cherché à utiliser leur fonds de roulement pour investir. Et c’est bien normal ! Mais cela justifie aussi que nous restions sur la ligne que nous nous sommes tracée, en demandant aux chambres d’agriculture, comme nous le demandons à tous, de fournir un effort.
S’agissant du contrat vendanges, il y a un vrai débat, lié à ce que représente la viticulture en France. Je rappelle en préambule que le travail saisonnier ne concerne pas uniquement la vigne. Des gens travaillent aussi pour ramasser des raisins de table, des pommes, des fraises…
Quand j’étais jeune, j’ai ramassé des pommes. Je m’en souviens encore très bien, ce n’est pas un travail facile ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume. Et que dire des abricots et des pêches !
Mme Sophie Primas. Et les radis donc ! (Nouveaux sourires.)
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le pire, c’est le cassis ! Pour faire dix kilos de cassis, il faut rester longtemps à genoux ! À l’époque, pour les pommes – j’ai déjà raconté cette anecdote à l’Assemblée nationale –, il fallait remplir 56 cageots de 20 kilos pour gagner un SMIC ! Je me souviens que j’arrivais à faire 80 cageots.
M. Michel Le Scouarnec. Il faut ramasser 200 kilos de haricots pour un SMIC !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Qui dit mieux ? (Nouveaux sourires.)
Il existait donc une mesure spécifique pour les vendanges. Mais pourquoi ce qui vaut pour les vendanges ne vaudrait-il pas pour d’autres activités ?
Des parlementaires de l’UMP, de façon naturellement tout à fait légitime, ont saisi le Conseil constitutionnel.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ils ont d’ailleurs posé des questions très judicieuses, et ils ont obtenu gain de cause.
Le Gouvernement avait proposé une exonération des cotisations sociales jusqu’à 1,3 SMIC, qui reprenait en fait le dispositif du contrat vendanges, mais de manière générale. Ces parlementaires, dont certains étaient de départements viticoles, je le dis au passage, ont argué que le texte du Gouvernement tendait à remettre en cause la notion même de cotisation sociale en introduisant un mécanisme de modulation. D’après eux, cela transformait ces cotisations en impôts.
Dans la mesure où le Conseil constitutionnel a donné raison aux pétitionnaires, on est passé d’un système d’exonérations de cotisations sociales à un système jouant sur l’impôt, en supprimant la première tranche.
Dès lors que cette mesure vaut pour tous les salariés, elle s'applique aussi, évidemment, aux contrats vendanges, qui ne sont pas supprimés puisque, contrairement à ce que j’ai pu entendre, on continuera à pouvoir embaucher des jeunes sur leurs congés payés et des étudiants.
Dans ces conditions, il devient difficile, après avoir obtenu gain de cause auprès du Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une requête pertinente, intelligente, de justifier la défense d’une seule partie, alors qu’on a raison sur le fond : à partir du moment où le Conseil constitutionnel a décidé, force est d’appliquer sa décision. C’est ce qui a conduit à la suppression de la première tranche de l’impôt. Mais, au départ, ce n’est pas moi qui ai saisi le Conseil constitutionnel ! Ce sont les députés de l’UMP !
Je souhaite également évoquer les problèmes de la forêt. Je suis d’accord, un financement plus important est nécessaire. On peut également considérer que nous avons besoin d’organisation, de structuration, d’incitation et de volonté pour donner de l’ambition à la forêt française ? Le fonds stratégique est une étape ; il est fragile, j’en suis parfaitement d’accord. Si ce que nous avons mis en place réussit, en partant d’une hypothèse de 10 millions d’euros, on pourra arriver, d’ici à deux ans, à 30 millions d’euros, grâce aux fonds européens et à la taxe sur le défrichement. C’est modeste, c’est sans doute insuffisant, mais cela reste un élément fort.
Dans la mesure où ce fonds n’a pas pu faire l’objet d’un compte d’affectation spéciale, j’ai cherché à le garantir, en le définissant en tant que fonds spécifique et stratégique. Il est inscrit dans la loi de finances ; il sera le réceptacle d’un certain nombre des éléments que j’ai évoqués, en particulier des taxes de défrichement, sur une partie des sentiers forestiers. Il s’agit, par divers moyens, de conforter ce fonds.
D’ici à quelques semaines ou quelques mois, nous ferons des propositions, je vous l’annonce d’ores et déjà, pour mobiliser une partie de l’épargne en faveur de la forêt. Un travail intéressant a été conduit en la matière.
Comme vous, monsieur Leroy, je pense qu’il faut continuer à renouveler et à développer notre forêt. C’est un élément stratégique majeur.
J’en viens à la question des installations. Selon les chiffres de la MSA, entre 2012 et 2013, le nombre des installations a augmenté de 6 %, c’est-à-dire qu’on en a compté 12 600, dont 8 600 concernaient des moins de quarante ans. L’honnêteté m’oblige néanmoins à dire qu’on a enregistré dans le même temps 20 000 départs à la retraite.
Chacun le sait, le phénomène ne date pas d’aujourd’hui ! Pour que le nombre des installations rejoigne celui des cessations d’activité et des départs à la retraite, soit entre 10 000 et 15 000, objectif fixé dans la loi d’avenir pour l’agriculture – avec une étape à 8 000 –, il faudra poursuivre notre effort. À cet effet, nous avons débloqué près de 100 millions d’euros, sans compter un abondement auquel nous avons récemment procédé.
L’installation, au même titre que la jeunesse et le renouvellement, fait partie de nos axes stratégiques et nous serons tous d’accord pour considérer qu’il s’agit là d’un enjeu majeur.
La situation de l’ONF est une vraie question. Je veux être très clair : le régime forestier est garanti, même si nous allons devoir procéder à des adaptations et faire des choix compte tenu des efforts qui sont demandés aux différents opérateurs de l’État.
Je rappelle que l’ONF, depuis que nous sommes aux responsabilités, a reçu près de 100 millions d’euros, au-delà du contrat d’objectifs et de performance ; nous ne faisons qu’en reprendre une partie, soit 20 millions d’euros.
Je suis d’accord, nous demandons à l’ONF un effort. La vente du bois lui assure une partie de son financement, mais il faut rester vigilant. Le régime forestier, c’est-à-dire la gestion de la forêt publique, l’équilibre à trouver entre les forêts qui sont rentables économiquement et celles qui ne le sont pas, c’est, pour notre pays, un enjeu sur lequel on ne peut pas transiger.
Je le répète, en dépit des efforts de gestion qui sont demandés à l’ONF, le régime forestier sera préservé, je m’y engage et je ne changerai pas d’avis.
Pour ce qui est du Centre national de la propriété forestière, j’ai rencontré récemment son nouveau président, un Sarthois. J’ai pu lui indiquer que le fonctionnement du centre ne serait pas affecté. L’effort sur le fonds de roulement est fait et si jamais il devait survenir un problème, nous serions là pour assurer la pérennité du fonctionnement du CNPF.
Le prélèvement sur fonds de roulement est lié à la suppression de la subvention. Celle-ci sera rétablie dès 2016.
S’agissant de l’ANSES, nous avons trouvé des solutions, après de longs débats, sur le déplafonnement et nous avons décidé la création de 10 emplois pour lui permettre d’assumer ses nouvelles responsabilités. C’est là un sujet de satisfaction. Nous pouvons compter sur cette agence.
Je conclurai mon propos en évoquant la directive Nitrates, qui fait partie de ces débats d’actualité qui sont souvent source d’incompréhension pour les agriculteurs.
Cette directive n’est pas toute récente, mais nous devons nous plier aux injonctions européennes dans la mesure où une procédure d’infraction a été ouverte contre la France. Aussi allons-nous définir des zones vulnérables selon des critères sur lesquels nous sommes en train de travailler. J’ai demandé à l’INRA et à l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, l’IRSTEA, un travail de fond sur ce sujet. Actuellement, le seuil de nitrates à respecter pour stopper l’eutrophisation est de 18 milligrammes par litre ; nous avons engagé des discussions à ce sujet.
Systématiquement, les agriculteurs situés en zone vulnérable anticipent le risque et investissent pour stocker les effluents d’élevages. Dans le contexte actuel, cette contrainte est souvent considérée comme insupportable. Donc, notre objectif est de tout faire pour réduire le risque lié à l’investissement, à la fois en donnant des précisions sur les zones à risque par une identification fine des bassins hydrographiques grâce au satellite, en faisant en sorte qu’une partie des effluents d’élevage – en particulier tout ce qui est fumier pailleux – soit stockée en plein champ, car cela ne nécessite pas d’investissement, et en accroissant les possibilités d’épandage sur les pentes afin de rendre le stockage moins nécessaire.
Si, malgré ces mesures, des adaptations s’avèrent encore nécessaires, nous allons mettre en place une charte de l’autoconstruction, afin de permettre à l’agriculteur de limiter ses coûts d’investissement.
Si, au bout du compte, il subsiste des besoins de stockage, alors, nous appuierons financièrement les investissements, en particulier au moyen du plan de modernisation. Les discussions qui ont été engagées à cette fin avec les régions sont bien avancées.
Je le répète, nous devons déférer à la demande de l’Europe ; à défaut, nous serions sanctionnés. Dans le même temps, mon rôle en tant que ministre est de tout faire pour éviter que les investissements ne pèsent sur la trésorerie des agriculteurs.
Modifier l’ensemble des critères et des éléments à prendre en compte : c’est ce que nous avons négocié avec le mystère de l’environnement et c’est ce que nous négocierons avec l’Europe. Pour ma part, je le redis de manière claire, je ne veux pas infliger aux agriculteurs une nouvelle charge qui les mettrait en difficulté. La situation est déjà assez difficile pour eux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales