M. Roland Courteau. Oui !
M. Gérard Bailly. … et les plans d’abattages non suivis d’effets ? Quand la détresse et la colère des éleveurs ovins seront-elles prises en compte ? Les années passent, la filière ovine trépasse ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) C’est une catastrophe pour les paysages de montagne. Comment rester insensible à ces milliers d’agneaux et de brebis déchiquetés, blessés à cause des diktats des écolos ? (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP – M. Joël Labbé s’exclame.)
M. Didier Guillaume. Un peu de calme !
M. Gérard Bailly. Où en sommes-nous avec la convention de Berne, dont le comité permanent se réunit en ce moment ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Gérard Bailly. Je ne peux malheureusement pas évoquer tous les sujets qui me tiennent à cœur.
Je m’associe à ce qu’ont déclaré mes collègues sur le maintien du « contrat vendanges ».
Je déplore le mauvais coup porté aux chambres d’agriculture. Les agriculteurs ont besoin de conseils en matière d’économie, de mises aux normes, d’environnement et de verdissement.
Au moment où l’argent est rare, arrêtons les lois, les décrets, les circulaires, qui coûtent toujours plus à nos concitoyens ! Donnons enfin réellement la priorité à la compétitivité, afin que notre agriculture, le pétrole vert, ne connaisse pas la même hémorragie que notre secteur industriel ! À défaut, vous et nous en serons tous responsables. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le président de la commission des affaires économiques applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de ce débat, j’entends les mêmes propos : « Ça ne va pas, le budget n’est pas bon, on ne fait rien, l’agriculture va mourir… »
M. Bruno Sido. C’est la vérité !
M. Didier Guillaume. C’est le même discours chaque année depuis vingt ans !
M. Bruno Sido. Pas exactement !
M. Didier Guillaume. Pourtant, nous aurions tous intérêt à mettre l’accent sur les aspects positifs de ce projet de budget. C’est ce que je vais m’efforcer de faire.
Personne ne peut évidemment affirmer que tout va bien en France et dans l’agriculture aujourd’hui. Nous reconnaissons tous que nos agriculteurs souffrent et que certaines filières sont en grande difficulté. Mais regardons la situation internationale ! Regardons ce qui se passe dans notre pays !
Aujourd’hui, il est absurde de parler du budget agricole français sans évoquer le budget agricole européen, qu’il faut consolider. Ce n’est pas moi qui m’exprime ainsi ; c’est ce que M. Barnier, ancien commissaire européen, ancien ministre de l’agriculture et de la pêche, dont tout le monde reconnaît la valeur, a dit dans l’enceinte du Sénat !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Oui !
M. Didier Guillaume. Prétendre que l’économie agricole dépendrait aujourd’hui du petit budget de l’agriculture française et non de décisions prises à l’échelon européen, c’est une erreur et une faute, car cela ne correspond pas à la réalité !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très bien !
M. Didier Guillaume. Pour ma part, je tiens à féliciter le Président de la République et M. le ministre de l’agriculture.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. C’est un scoop ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume. Rappelez-vous les interventions d’un précédent ministre de l’agriculture, M. Bruno Le Maire,...
Mme Sophie Primas. Excellent ministre !
M. Bruno Sido. Chirac était meilleur !
M. Didier Guillaume. ... sur la politique agricole commune devant la commission. Le gouvernement de Nicolas Sarkozy s’attendait à une catastrophe à l’échelle européenne : les crédits allaient baisser, la France serait « blackboulée »… Or c’est le contraire qui s’est produit. Alors, faisons « cocorico » !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très bien !
M. Didier Guillaume. Quand le Gouvernement réussit et accomplit de belles victoires en Europe, il faut le féliciter et même l’applaudir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Voilà la réalité !
Monsieur le ministre, ce budget mobilise des moyens en faveur du développement agricole tout en prenant part au redressement des comptes publics. Et alors ?
Depuis le début de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, tout le monde parle d’économies ; tout le monde déplore que la France dépense trop, que la dette soit trop importante, que les déficits soient trop élevés ! Et ce sont les mêmes qui, lors de l’examen de chaque mission, se plaignent de la baisse des crédits concernés !
M. François Patriat. Exactement ! Quelle hypocrisie !
M. Didier Guillaume. Il faut faire preuve de cohérence ! Le groupe socialiste assume l’effort demandé dans ce budget pour contribuer au redressement des comptes de la France. La négociation européenne a permis de consolider le budget français par une politique agricole commune qui va dans le bon sens. Mme Espagnac et d’autres l’ont excellemment démontré.
Pour preuve, rappelez-vous ce que l’on entendait sur le soutien à l’élevage ! Depuis le discours du Président de la République à Cournon-d’Auvergne et les avancées sur la PAC, les éleveurs sont un peu plus optimistes ; je le vois dans mon département.
M. Didier Guillaume. Des mesures en faveur de l’installation des jeunes, qui constitue l’une de nos préoccupations majeures, figurent dans ce projet de budget. Je pourrais aussi évoquer la préservation de la diversité et le passage du deuxième pilier à l’échelon des régions pour les fonds européens. Tout cela va dans le bon sens.
Est-ce assez ? Sûrement pas ! Il en faudrait certainement plus ! Mais ce budget mettra-t-il l’agriculture à mal, voire à plat ? Non ! L’un d’entre vous a prétendu que ce budget plomberait les filières. En aucun cas ! Ce budget volontariste va permettre de donner aux filières les moyens de se développer.
En plus, le budget s’appuie également sur les orientations de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui a été votée très largement au Sénat et plus largement encore à l’Assemblée nationale. Ce texte prévoit la transition vers l’agroécologie.
Qui peut dire aujourd’hui qu’il ne faut pas changer notre logiciel agricole ? Qui peut dire aujourd’hui qu’il faut continuer comme avant ? Personne ! De grâce, essayons de travailler ensemble en la matière ! Nous pouvons trouver des points de consensus.
Arrêtons de toujours pointer ce qui ne va pas. L’agriculture, c’est notre histoire, c’est notre patrimoine, c’est notre culture ! Certains d’entre vous ont été ou sont encore des agriculteurs. Nous sommes tous des filles ou des fils d’agriculteurs.
N’opposons pas les différents types d’agriculture : le bio au conventionnel ; ce serait absurde ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
Mme Sophie Primas. Bravo !
M. Didier Guillaume. Nous avons besoin des deux.
N’opposons pas les grandes cultures au maraîchage, l’agriculture de plein air à l’agriculture de montagne, les circuits courts aux exportations, l’enseignement agricole privé à l’enseignement agricole public. L’agriculture, c’est tout cela ! C’est par une agriculture diverse, parce que la France est diverse, que nous avancerons !
M. Roland Courteau. Quel talent !
M. Didier Guillaume. On peut évidemment toujours aller plus loin en matière d’exonérations de charges ; vous avez été plusieurs à évoquer le « contrat vendanges ». Mais je rappelle tout de même qu’il y a 729 millions d’euros d’exonérations de charges ! Je mets au défi quiconque de trouver un tel effort dans les budgets des dix dernières années ! Est-ce assez ? Sûrement pas ! Est-ce juste ? Je le crois : ces exonérations visent à la fois les exploitants, les coopératives et les industries agroalimentaires !
Cela a déjà été souligné, l’enseignement supérieur et la recherche connaissent aussi une augmentation des crédits. C’est indispensable. Cela répond à une orientation forte de la loi d’avenir. L’enseignement agricole doit être préservé ; c’est un joyau !
Bien sûr, il y a des problèmes de compétitivité. Néanmoins, la loi d’avenir et ce budget, par les moyens qu’ils prévoient, nous permettent d’envisager une meilleure compétitivité.
À mon sens, ce projet de budget prépare l’agriculture française aux défis de l’avenir. C’est la raison pour laquelle nous serons derrière vous pour le voter et pour vous encourager, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, gardons-nous d’excès de louanges ou de critiques. (Sourires.) Considérons que des efforts importants ont été effectués en matière agricole, que ce soit sur la négociation de la PAC ou, plus encore, sur sa redistribution dans notre pays.
Si l’agriculture est un secteur crucial, sa fragilité est reconnue depuis nombre de décennies. La réalité est que les revenus des exploitants ont subi, en moyenne, une contraction notable en 2014. Les difficultés des producteurs de fruits et légumes, notamment touchés par l’embargo russe, sont connues. Plus largement, tous les secteurs font face à des baisses des cours et à des incertitudes quant à l’avenir.
À l’heure d’examiner les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », nous gardons en mémoire les prélèvements que le Gouvernement a entendu opérer sur les ressources des chambres d’agriculture, dont nous connaissons le rôle de soutien et de conseil aux exploitants. Notre Haute Assemblée a essayé d’atténuer l’ampleur de ces ponctions. Tous les secteurs doivent prendre leur part des efforts financiers demandés au pays pour maitriser la dépense publique ; nous constatons que le monde agricole, dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2015, est mis à contribution.
Les crédits de paiement sur l’ensemble de la mission sont donc en retrait, même si, il faut le souligner, les autorisations d’engagement sont, elles, en hausse de 4,2 %.
Nous le savons, l’évolution à la baisse des crédits de la mission doit s’appréhender au regard de la montée en puissance de la PAC 2014-2020. L’année 2015 est celle du premier exercice où la nouvelle politique agricole commune s’appliquera. Cela se traduit dans le présent projet de loi de finances par une hausse du taux des cofinancements communautaires.
Monsieur le ministre, je déplore, comme d’autres, que votre action au moment de la renégociation de la politique agricole commune n’ait pas été suffisamment médiatisée et reconnue.
M. Didier Guillaume. Tout à fait !
M. Jacques Mézard. Soyons objectifs : il s’agit d’un travail de grande qualité. Nous devons vous remercier du résultat, qui est globalement très bon. Sur le terrain, cela se traduit également par une redistribution beaucoup plus juste.
Lors de la renégociation de la PAC, l’enveloppe globale de cette politique structurante a été réduite de 12 % par rapport au cycle précédent. La part réservée à l’Hexagone ne diminuera, elle, que de 3 %. Ainsi, en 2015, le financement communautaire de notre agriculture atteindra 9,1 milliards d’euros, sur les premier et deuxième piliers.
La France reste la première bénéficiaire des crédits de la PAC, dans le prochain cadre pluriannuel. C’est cela qui est important. Encore une fois, je crois qu’il faut souligner l’action et les résultats obtenus à cet égard. Je n’oublie pas non plus, et le rapport spécial le mentionne, que les collectivités locales contribuent également au secteur agricole, à hauteur d’un milliard d’euros. Il faut s’interroger sur la pérennité de ces concours au regard des baisses de dotations à venir.
À examiner les crédits de la mission agriculture, nous constatons que c’est le programme 154, « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires », qui supporte le plus gros effort, avec une baisse de 13 % de ses crédits de paiement.
Monsieur le ministre, nous devons cependant ajouter qu’un certain nombre des engagements pris dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, que notre groupe a approuvée, trouvent leur traduction législative dans ce texte. Les moyens alloués à l’installation des jeunes sont préservés, et c’est un élément tout à fait essentiel. Les effets de cet engagement se font déjà sentir. En 2014, le nombre d’installations est en hausse. Les moyens mobilisés pour cette politique se font parfois par une baisse des crédits nationaux et par un cofinancement accru par le biais de la PAC. C’est le cas de la dotation jeune agriculteur ou des prêts bonifiés.
Dans la suite de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt et des annonces du sommet de Cournon-d’Auvergne, il faut souligner la priorité accordée à l’élevage et aux zones dites « défavorisées », notamment grâce au maintien de la part nationale des ICHN.
Par ailleurs, si les crédits de l’enseignement technique, supérieur et de la recherche agricole ne figurent pas dans cette mission, ils n’en connaissent pas moins une augmentation notable, qui vient d’être soulignée. L’agriculture et les agriculteurs sont confrontés à des incertitudes qui s’ajoutent aux aléas naturels. Il nous apparaît pertinent de renforcer les outils d’aide et d’accompagnement des exploitants confrontés à des aléas climatiques ou à des difficultés, qu’elles soient conjoncturelles ou structurelles.
Tel est le sens de trois amendements que nous défendrons en soutien du dispositif AGRIDIFF, du Fonds d’allégement des charges financières et en faveur des subventions aux assurances climatiques.
Nous, sénateurs, qui – au moins pour quelques années encore… – demeurons des élus de terrain, sommes à l’écoute des difficultés que rencontrent les agriculteurs. Ils pointent le poids des réglementations les étouffant.
Le Gouvernement invoque beaucoup le « choc de simplification », en particulier pour les normes. Un portefeuille ministériel y est même consacré. Que dire alors de l’amas de normes parfois ubuesques qui contraignent l’action des agriculteurs ? À cet égard, j’évoquerai la directive « nitrates », dont l’application tout aussi ubuesque ne peut que susciter des réactions très fortes et justifiées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Je pense également à l’application à ce secteur du compte pénibilité.
Enfin, à l’instar du rapporteur spécial, notre groupe défendra un amendement relatif au « contrat vendanges ». Nous estimons que le maintien des exonérations de charges salariales pour ces contrats courts et spécifiques se justifie.
Monsieur le ministre, les sénateurs du RDSE voteront les crédits de la mission et ceux du compte d’affectation spéciale, car ils considèrent votre action comme globalement positive pour notre agriculture. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Sophie Primas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de m’exprimer spécifiquement sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », j’interviendrai très brièvement sur les deux prélèvements que nous avons examinés lors de la première partie du projet de loi de finances pour 2015. Ils concernent, vous n'en serez pas surpris, les chambres d’agriculture.
Si ces dernières doivent naturellement participer à l’effort de redressement des finances publiques, je me félicite de l’équilibre des aménagements que nous avons adoptés au Sénat lors de l’examen des articles 15 et 18, du maintien du montant 2014 de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties et de la déduction des investissements engagés durant l’ensemble de l’exercice 2014, dans le cadre du prélèvement sur le fonds de roulement.
J’espère que le Gouvernement a entendu le Sénat et que ces avancées essentielles pour les chambres d’agriculture seront maintenues dans la suite de la discussion budgétaire. Nous comptons en effet sur les chambres d’agriculture, qui sont des acteurs majeurs, pour accompagner techniquement les mutations de l’agriculture française que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre, et auxquelles vous avez consacré une loi entière et bien des heures dans cet hémicycle. Ne vous privez donc d’aucun moyen pour réussir.
J’en viens aux crédits de la mission que nous examinons aujourd'hui. J’aborderai deux points.
Tout d’abord, je me réjouis de la levée du plafond d’emplois de l’ANSES, qui permettra la création de vingt postes supplémentaires, des postes absolument nécessaires pour l’accomplissement des missions d’évaluation de l’Agence. La mission d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement, que j’avais eu l’honneur de présider, avait prôné dès l’année dernière la levée du plafond d’emplois. Elle avait considéré, d’une part, que ces postes étaient financés hors budget de l’État par les redevances des dossiers d’autorisations de mise sur le marché déposés par les industriels et, d’autre part, que l’érosion très importante de la masse salariale qu’avait connue l’Agence entre 2012 et 2013, par exemple, avait conduit à une réduction des effectifs de quarante personnes entre le début et la fin de l’année. Après avoir perdu quarante postes l’an dernier, elle en gagnera donc vingt cette année. Je salue l’effort ainsi consenti.
Néanmoins, je formulerai de réelles réserves sur cette bonne nouvelle, car la charge de travail de cette agence s’est fortement accrue, entre autres, sur les sujets agricoles.
L’Agence a d’abord un stock très important de dossiers d’AMM en retard. Cela s’explique par le manque de moyens dont elle dispose pour les examiner dans les délais prévus, par son succès et l’excellence de son travail, mais aussi par les nombreux dossiers déposés par les fabricants européens non français. Le délai des dix-huit mois d’instruction n’est donc plus tenu. Selon mes informations, le délai d’instruction atteindrait aujourd’hui près de trois ans, ce qui est absolument insoutenable. Cela empêche l’arrivée de nouveaux produits, dont certains sont très attendus, y compris dans le domaine de l’agroécologie et pour des productions orphelines.
Par ailleurs, la loi d’avenir pour l’agriculture a transféré à l’Agence les décisions d’autorisation de mise sur le marché, ce qui, de fait, alourdit sa mission. Elle a désormais également la responsabilité de mesurer le bénéfice attendu d’un produit au regard des risques qu’elle évalue usuellement.
Enfin, répondant là aussi à l’une des recommandations de la mission d’information, ce dont je vous remercie, vous avez confié de nouvelles missions à l’ANSES, à savoir le suivi post-AMM et de manière indépendante des industriels des produits phytosanitaires sur lesquels elle serait alertée. À cette fin, l’Agence n’a d’autre choix que de recourir à des experts et de les financer.
Aussi, et même si, je le répète, la levée du plafond d’emplois va dans le bon sens, les besoins budgétaires qui résultent des missions supplémentaires assignées à l’Agence ne sont actuellement pas totalement couverts par les redevances perçues.
Ainsi, 4 millions d’euros seraient nécessaires au financement des postes consacrés aux missions post-AMM. Lors de la discussion du collectif budgétaire à l’Assemblée nationale, un député du groupe socialiste a déposé un amendement tendant à proposer un modèle de financement proche de celui qui a été mis en place pour le médicament vétérinaire. Cet amendement ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances, quel mode de financement allez-vous mettre en place pour que l’ANSES puisse assurer l’ensemble de ses missions ? Je ne suis évidemment pas favorable à un alourdissement de la fiscalité.
J’aborderai aussi trois dispositifs de soutien aux agriculteurs en difficulté qui marquent des retraits à mes yeux trop importants. Mon collègue René-Paul Savary a déposé des amendements que j’ai cosignés et que je défends ici. Les deux premiers sont les plus modestes en termes budgétaires, mais ils ont une importance forte humainement.
Le premier est le dispositif AGRIDIFF. Il s’agit d’une enveloppe en faveur des exploitants faisant face à d’importantes difficultés structurelles et se trouvant dans l’incapacité d’assurer seuls leur redressement. Ce dispositif connaît une baisse constante, alors que de nombreuses crises structurelles ont parfois conduit les agriculteurs au bord de la désespérance. L’amendement de M. Savary tend à remettre ce fonds à son niveau de 2013. Ce serait là un tout petit effort budgétaire, mais un symbole humain important.
Le second dispositif est le Fonds d’allégement des charges financières. Ce fonds prend en charge les intérêts des échéances des prêts bancaires professionnels, afin de soutenir les exploitations agricoles connaissant une situation financière difficile due à une conjoncture particulière. Ce fonds est principalement utilisé dans la filière fruits et légumes. Son montant est en baisse constante. La baisse a ainsi été de 8 millions d’euros en 2012 et elle sera de 1,5 million d’euros en 2015. Compte tenu de la conjoncture pour cette filière, de la pression de l’embargo russe et des effets désastreux de l’arrivée massive de produits d’Europe de l’Est en France, il est souhaitable d’augmenter les crédits de ce fonds. L’amendement vise à le repositionner à hauteur de 6,5 millions d’euros.
Enfin, je ne m’étendrai pas sur les assurances climatiques, mes collègues en ayant déjà parlé.
Le dispositif de subvention actuel repose sur un cofinancement entre la France et les fonds européens. Je prends acte de l’effort consenti dans le projet de loi de finances pour 2015 et de l’accroissement des crédits d’engagement. Toutefois, le montant proposé ne permettra pas de couvrir parfaitement les besoins des exploitants. Aussi l’amendement que nous avons déposé tend-il à prévoir à un accroissement de cette enveloppe à hauteur de 10 millions d’euros. Mon collègue Gérard César a déposé un amendement tendant à prévoir une hausse de 7 millions d’euros. Nous trouverons probablement un montant commun.
Tels sont les principaux points que je souhaitais aborder. Monsieur le ministre, je vous remercie des éclaircissements que vous pourrez nous apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux d’intervenir pour la première fois à cette tribune sur l’agriculture.
Avant d’aborder les points essentiels du programme 154, « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires », de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », permettez-moi de rappeler quelques éléments importants.
Avec 1,623 milliard d’euros d’autorisations d’engagement et 1,419 milliard d’euros de crédits de paiement, le programme 154 représente 50 % du total des autorisations d’engagement de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
J’observe d’abord que ce budget est en parfaite adéquation avec les orientations de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui inscrit notre politique agricole dans une triple dynamique de performance économique, sociale et environnementale, grâce notamment à l’accompagnement et à l’adaptation des filières à l’agroécologie.
Je note ensuite que le projet de budget pour 2015 prend aussi en compte, après une année de transition, l’application intégrale de la nouvelle politique agricole commune. La PAC accompagnera les priorités nationales en matière de soutien à l’élevage, à l’installation de nouveaux exploitants ou à la préservation de la diversité de notre modèle agricole. Au total, le financement communautaire s’élève à 9,1 milliards d’euros pour la France. L’essentiel a été préservé, et je tiens ici à saluer le travail que vous avez effectué, monsieur le ministre, ainsi que les résultats que vous avez obtenus à l’échelle européenne.
Je relève enfin que la crise provoquée par l’embargo russe déstabilise les marchés européens, nos agriculteurs et notre industrie agroalimentaire. Dès la mise en place de l’embargo, au mois d’août 2014, et à la demande de la France, des aides d’un montant de 365 millions d’euros ont été décidées à l’échelon européen afin d’amortir la crise.
Comme M. le ministre et les syndicats agricoles, je souhaite que ces mesures soient financées autrement que sur la réserve prévue pour les crises agricoles. Je note d’ores et déjà que des dispositions allant dans ce sens ont été prises à l’échelon national. Une augmentation de 50 % de l’enveloppe de prise en charge des cotisations sociales pour le second semestre 2014 a ainsi été annoncée. Cette enveloppe passe de 15 millions d’euros à 23 millions d’euros. En outre, les aides de la politique agricole commune seront versées, à hauteur de 3,4 milliards d’euros, de manière anticipée, dès le 16 octobre. Cela constituera une avance de trésorerie bienvenue pour les agriculteurs.
J’en viens maintenant au contenu du programme 154. Je distinguerai trois orientations caractérisant l’intention politique du Gouvernement.
D’abord, ce projet de budget met l’accent sur les jeunes et sur l’installation des jeunes agriculteurs. Les prêts à l’installation enregistrent une hausse de 4 millions d’euros en crédits de paiement pour atteindre 63 millions d’euros. Ils restent stables en autorisations d’engagement, à hauteur de 22 millions d’euros.
La dotation aux jeunes agriculteurs est ainsi renforcée en 2015 de 5 millions d’euros et atteint 26 millions d’euros. Si l’on y ajoute le complément de 75 millions d’euros pour les aides directes aux jeunes agriculteurs, par le premier pilier de la PAC, ce sont bien 100 millions d’euros qui seront dévolus à l’installation des jeunes, conformément aux engagements pris à Cournon-d’Auvergne en 2013 par le Président de la République. L’avenir des territoires ruraux à forte dominante agricole passe par ce type de mesures, qui doivent être confirmées dans la durée.
Ce budget place aussi la compétitivité au premier plan. Le plan pour la compétitivité et l’adaptation des exploitations agricoles est substantiellement renforcé, en hausse de 26 millions d’euros. Il atteint 56 millions d’euros en autorisations d’engagement.
En matière d’exonérations de charges, la mise en œuvre du pacte de solidarité viendra soutenir les entreprises agricoles et agroalimentaires. Dès 2015, 729 millions d’euros d’allégements de charges sociales et fiscales supplémentaires seront mis en œuvre : 360 millions d’euros pour les exploitants agricoles et 370 millions d’euros pour les coopératives et les industries agroalimentaires. Ils viendront s’ajouter aux 662 millions d’euros déjà alloués dans le cadre du CICE en 2014. Un soutien effectif est donc apporté à nos entreprises agricoles et agroalimentaires afin d’accroître leur compétitivité.
Une dotation de 120 millions d’euros au titre du programme d’investissement d’avenir sera versée pour la période 2015-2017.
Les crédits du dispositif d’assurance récolte sont renforcés de 5 millions d’euros par rapport à 2014 et atteignent 24,3 millions d’euros.
La loi d’avenir a permis de conforter la coopération agricole en améliorant la démocratie sociale – la participation des salariés est dorénavant possible – et en clarifiant les mécanismes de formation des prix et l’information.
Afin d’accroître encore la compétitivité de nos coopératives, il serait utile que nous nous penchions sur la question des règles applicables aux subventions des investissements, qui varient, pour un même objet, suivant le statut juridique de l’investisseur, fragilisant parfois certaines démarches coopératives.
Ce budget permettra aussi d’accompagner la transition vers le modèle agroécologique. Les groupements d’intérêt économique et environnemental contribueront à cette transition, sur un mode collectif, gage de meilleure faisabilité. Le budget 2015 permettra d’accompagner les premières créations.
L’indemnité compensatoire de handicap naturel est renforcée de 53 millions d’euros pour atteindre 232 millions d’euros en 2015. De plus, elle est étendue à des surfaces pouvant atteindre 75 hectares, contre 50 actuellement. Grâce à un cofinancement européen de 75 %, en hausse à la suite des négociations françaises sur la PAC, 928 millions d’euros seront consacrés à l’ICHN.
Ces mesures conforteront la diversité du mode d’exercice des professions agricoles en soutenant les petites exploitations, qui constituent dans des départements comme le mien, le Gers, l’armature de l’économie rurale. C’est un de vos objectifs, monsieur le ministre, et je vous en remercie.
Le financement des mesures agroenvironnementales et climatiques, ainsi que les aides à la conversion et au maintien de l’agriculture biologique enregistrent une hausse de 9 millions d’euros par rapport à 2014 et s’établissent à un peu plus de 65 millions d’euros. L’agence Bio voit ses crédits augmenter de 17 % pour atteindre 1,25 million d’euros.
Permettez-moi d’évoquer des dossiers d’actualité qui préoccupent et inquiètent à juste titre nos agriculteurs.
Je commencerai par l’application de la directive européenne « nitrates ».
M. le ministre de l’agriculture a engagé une démarche de fond, sur la base d’études scientifiques, pour convaincre à terme les instances européennes que des évolutions de cette directive sont possibles. Je salue cette démarche, qui mobilise nos instituts de recherche. Je souhaite que, sans attendre l’issue des travaux, les propositions de nos agriculteurs puissent être entendues et prises en compte pour une application circonstanciée et de bon sens des textes.
Votre objectif de justification rationnelle d’un zonage plus fin permettrait de ne pas pénaliser les agriculteurs, qui sont aujourd’hui inquiets de ce qui les attend dans ce domaine.
De manière plus générale, les travaux de révision ou de simplification des normes que le Gouvernement a engagés dans de nombreux domaines doivent aussi prendre en compte l’agriculture. C’est un point important sur lequel des progrès restent à accomplir.
Quand les situations sont fragiles, et elles le sont trop souvent, il y va purement et simplement de la viabilité des exploitations. En tant que sénateur, j’apporterai ma contribution à ce travail nécessaire.
Dans un contexte général toujours difficile, les crédits du programme 154 permettent de soutenir l’installation de jeunes agriculteurs à un niveau significatif, d’améliorer la compétitivité de nos exploitations et d’approfondir la transition de nos pratiques vers le modèle pertinent de l’agroécologie. L’objectif de triple performance est clairement posé, et l’action est engagée en ce sens.
Pour ces raisons, et pour d’autres que je n’ai pu aborder faute de temps, j’approuve l’épure de ce budget, qui constitue une étape supplémentaire dans la modernisation de l’agriculture dont la France a besoin pour son avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)