M. François Marc. Ah !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Les soldats d’aujourd’hui ont vocation à faire perdurer la mémoire combattante collective. C’est pourquoi j’entends mener à bien ce projet de mémorial dédié aux morts en OPEX et engagé par mes prédécesseurs. Je suis prêt à vous rencontrer, vous-même, monsieur le sénateur, ainsi que d’autres de vos collègues, pour en discuter dès que j’y verrai plus clair.
Monsieur Néri, sur le sujet des décorations, je ne peux vous répondre ce soir. En tout cas, votre intervention va m’amener à approfondir ce dossier. Rassurez-vous, je ne le renvoie pas aux calendes grecques. Nous en reparlerons bientôt lors d’une réunion de travail à laquelle vous serez convié.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les sujets sur lesquels je tenais à formuler quelques éléments de réponse. Je siégeais, il y a encore quelques jours, à vos côtés. Je connais votre travail, vos attentes, mais également vos exigences. Je les partage. Je sais ne pas avoir contenté les spécialistes du monde combattant que vous êtes. Nous aurons prochainement d’autres occasions de débattre de ces sujets ; et je saisirai toutes les opportunités pour faire avancer les dossiers, si cela m’est possible.
Je crois très sincèrement que l’œuvre de reconnaissance et de réparation à l’égard de ceux qui ont fait notre histoire et continuent de l’écrire mérite que la représentation nationale avance, rassemblée sur ce sujet - monsieur Alain Marc, je le répète, je suis prêt à reprendre votre intervention point par point. Je veillerai à ce que ce soit toujours le cas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation |
2 750 614 604 |
2 740 193 104 |
Liens entre la Nation et son armée |
52 476 000 |
41 750 000 |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
2 597 887 555 |
2 597 887 555 |
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale |
100 251 049 |
100 555 549 |
Dont titre 2 |
1 666 024 |
1 666 024 |
Mme la présidente. L'amendement n° II-113, présenté par M. Lemoyne, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Liens entre la Nation et son armée |
8 200 000 |
8 200 000 |
||
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
8 200 000 |
8 200 000 |
||
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Total |
8 200 000 |
8 200 000 |
8 200 000 |
8 200 000 |
Solde |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis. Ce premier amendement a trait à l’augmentation de la retraite du combattant.
La commission des affaires sociales a proposé de reprendre la progression enregistrée entre 2007 et 2012. En effet, la retraite du combattant n’a pas évolué depuis le 1er juillet 2012, alors que, dans le même temps, le rapport constant, selon lequel l'évolution de la valeur du point PMI doit être corrélée à celle des traitements de la fonction publique, s'est dégradé : l'indice sur la base duquel le point PMI est revalorisé ne prend pas en compte les primes, qui représentent pourtant parfois une part importante du traitement des fonctionnaires de l’État.
Compte tenu de l’évolution du coût de la vie et de la précarité dans laquelle peuvent se trouver certains anciens combattants, nous vous proposons, mes chers collègues, cette augmentation.
J’ai bien entendu les objections de M. le secrétaire d’État, notamment quant au « gage » pris sur la journée défense et citoyenneté. Mais, on le sait, ce qui compte, c’est l’exécution de la loi de finances. Or, au stade de l’exécution, le Gouvernement a les moyens de redéployer un certain nombre de crédits.
Et puisque nous parlons de chiffres, l’adoption de cet amendement représenterait un coût de 8,2 millions d’euros. Toutefois, comme l’a souligné M. Watrin, il y a un potentiel de 154 millions d’euros entre le budget de 2014 et le projet de budget pour 2015. Il existe donc des « marges de manœuvre ».
Pour vous convaincre, monsieur le secrétaire d'État, je citerai un autre chiffre : des crédits à hauteur de 20 millions d’euros ont d’ores et déjà été annulés par la loi de finances rectificative de juin dernier et près de 8 millions d’euros supplémentaires, me semble-t-il, seront encore annulés dans le cadre du deuxième projet de loi de finances rectificative en cours de discussion à l'Assemblée nationale.
S’agissant d’un amendement à 8,2 millions d’euros, des marges de manœuvre existent donc en exécution. Il s’agirait d’un geste important. Loin d’être ciblée, une telle mesure concernerait un large public, de l’ordre de 1,1 million de personnes.
Vous mettez en avant les mesures nouvelles qui ont d’ores et déjà été prises. Or elles sont très ciblées. Ainsi, la mesure en faveur du conjoint survivant concerne 1 000 personnes, la mesure OPEX, 8 600 personnes, selon les chiffres de votre ministère, et la mesure en faveur des harkis, 6 200 personnes.
Pour notre part, nous vous proposons d’envoyer un signal fort à, je le répète, 1,1 million de personnes.
Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, monsieur le secrétaire d’État, et qui ressortent des débats de la commission des affaires sociales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. À titre personnel, je suis favorable à l’amendement qui vient d’être présenté par notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne. En effet, voilà quelques jours, j’avais moi-même présenté un amendement identique en commission des finances. Toutefois, celle-ci ne l’avait pas adopté, car il ampute de près de la moitié les crédits consacrés à la journée défense et citoyenneté,…
M. Alain Néri. Eh oui !
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. … mettant ainsi en péril l’organisation de cette journée et l’accueil des 763 000 jeunes attendus cette année. Or, nous avons beaucoup parlé de la jeunesse et de son implication dans le cadre du devoir de mémoire.
La commission ne s’étant pas prononcée sur l’amendement n° II-113, qui est donc identique, je dois me conformer à cette précédente décision : avis défavorable.
M. Daniel Raoul. C’est honnête !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Permettez-moi tout d’abord, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir sur quelques éléments que je vous ai déjà donnés tout à l’heure et de vous apporter des précisions supplémentaires.
Cet amendement vise à augmenter la retraite du combattant de deux points au 1er juillet 2015, cet effort étant gagé sur la journée défense et citoyenneté à hauteur de 8,2 millions d’euros. Le coût de cette augmentation est estimé à 8,2 millions en 2015, mais à 32,7 millions en année pleine.
Certains ayant évoqué ici l’action positive de l’opposition nationale d’aujourd’hui, je tiens à préciser que tout le monde a œuvré en faveur du monde combattant. Et je souhaite que nous continuions de le faire tous ensemble.
Je me vois aussi obligé de vous rappeler que si une augmentation de quatre points de la retraite du combattant a bien été accordée en 2012 en fin de quinquennat – elle est alors passée de 44 à 48 points –, elle n’était pas financée lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités. C’est bien le nouveau gouvernement qui a dû intégrer les 54 millions d’euros nécessaires au financement de cette augmentation dans le projet de loi de finances pour 2013. Voilà la réalité ! C’est donc nous qui avons assumé budgétairement cette mesure.
Par ailleurs, je précise qu’une revalorisation de deux points impliquerait pour les bénéficiaires une augmentation avoisinant seulement 2 euros par mois. L’objectif de venir en aide aux personnes vivant dans une grande précarité ne serait donc pas atteint.
En revanche, je vous l’ai dit, toutes les mesures qui ont été prises par mon prédécesseur, et que je confirme dans ce budget, vont dans le sens d’une plus grande justice sociale en faveur des plus démunis. C’est le cas pour les conjoints survivants de ressortissants de l’ONACVG, pour les veuves de grands invalides ou encore pour les harkis.
Depuis deux ans, des mesures ont été prises, qui ouvrent plus largement le droit à la carte du combattant, et donc à la retraite du combattant. Là encore, je vais vous donner quelques chiffres.
L’attribution aux anciens combattants d’Afrique du Nord de la carte du combattant dite « à cheval » qu’a évoquée M. Néri – pour avoir droit à cette carte, il faut avoir fait un jour avant le 2 juillet 1962, même si les 119 jours suivants se sont déroulés après le 2 juillet – concerne 8 400 personnes (M. Alain Néri opine.) et le coût de cette mesure s’élèvera à 5,5 millions d’euros.
M. Alain Néri. Eh oui !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Il ne s’agit donc pas d’une « mesurette » !
L’extension, prévue dans le projet de loi de finances pour 2015, des critères d’attribution de la carte du combattant en opérations extérieures doit permettre à 150 000 personnes de recevoir la carte du combattant, je vous l’ai dit, et donc de percevoir à terme la retraite du combattant.
On ne peut pas reprocher au Gouvernement de ne pas faire assez d’économies et, dans le même temps, lui dire qu’il reste toujours des fonds de tiroir pour financer de nouvelles mesures. Le secrétaire d’État au budget présente un budget responsable, réaliste et sincère.
Je ne peux donc pas être favorable à votre amendement, monsieur le rapporteur pour avis. En revanche, je suis favorable à la constitution d’un groupe de travail associant les parlementaires spécialistes du monde combattant – certains le sont peut-être même plus que moi –, et je suis prêt à travailler avec vous, mais toujours en faveur des ressortissants les plus démunis. Je ne suis pas favorable à des mesures générales qui apporteraient peu de chose et qui ne répondraient pas à des critères importants d’aide sociale.
S’il était adopté, votre amendement remettrait en cause la journée défense et citoyenneté. Certes, vous vous en êtes expliqué, il s’agit d’un amendement d’appel. Toutefois, je vous prie de bien vouloir le retirer. À défaut, je maintiendrai ma position : je suis contre cet amendement et je souhaite qu’il soit rejeté.
M. Daniel Raoul. Voilà qui est clair !
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. À travers cette explication de vote, je souhaite non pas rouvrir le débat, mais pointer des contradictions.
Sur le fond, nous partageons la volonté d’augmenter le nombre de points. Par ailleurs, nous sommes favorables également à une réévaluation du point d’indice. Nous pourrions très bien envisager les deux et ne pas nous arrêter à quelques dizaines de millions d’euros si nous n’étions pas dans un cadre budgétaire contraint, frappé par l’austérité. Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez tout de même adopté, au titre de ce projet de loi de finances, un volet « recettes » qui ne nous laisse que très peu de marges de manœuvre.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire, avec une légère insolence que j’assume, qu’il ne serait pas judicieux de laisser le nombre de points au niveau dont le gouvernement a hérité en 2012 et de ne pas envisager d’augmentation avant la fin du quinquennat. Un quinquennat passant très vite, il faudra engager une évolution dynamique, car il s’agit là d’un droit à réparation fondamental, auquel l’ensemble du monde combattant est attaché et qui, au-delà de l’aspect financier, est un symbole de la reconnaissance de la Nation envers celles et ceux qui ont combattu. Certains droits sont universels, et il faut les garantir. C’est ce qui fait la cohésion d’une nation.
Je tiens également à souligner les efforts qui ont été faits par votre prédécesseur et que vous reprenez à votre compte, monsieur le secrétaire d’État, en faveur d’une plus grande équité sociale au sein du monde combattant.
Nous sommes bien ennuyés, car la LOLF a fortement réduit le pouvoir législatif. Nous ne souhaitons pas diminuer les crédits consacrés à la journée défense et citoyenneté. J’entends bien que vous pourriez, comme M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales vous le suggère, monsieur le secrétaire d’État, redéployer des crédits. Cependant, dans un budget fortement contraint, il arrive un moment où il n’est plus possible de le faire.
M. Alain Néri. Effectivement !
Mme Cécile Cukierman. Aussi, je regrette que la majorité sénatoriale, à travers son rapporteur, ne nous ait pas soutenus pour dégager de nouvelles recettes qui, au-delà de redéploiements, auraient permis de financer des dépenses comme celle que nous examinons actuellement.
Vous l’aurez donc compris, et mon explication vaudra pour l’amendement suivant, madame la présidente, nous nous abstiendrons sur ces deux amendements. Nous partageons bien évidemment l’objectif visé, mais, dans le contexte actuel, nous ne pouvons le soutenir. En effet, à force de déshabiller l’un pour habiller l’autre, les habits finissent par s’abimer et, en fin de compte, les deux programmes risqueraient de se trouver dénudés.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. J’ai écouté avec beaucoup d’attention M. le rapporteur pour avis, mais je dois dire que je n’ai pas très bien compris la cohérence entre ce qu’il nous a dit et ce qu’a dit l’orateur du groupe UMP.
L’orateur du groupe UMP a défendu à cette tribune la journée défense et citoyenneté, et il avait raison. Nous sommes tous d’accord sur ce sujet. Par les temps que nous connaissons aujourd'hui, il est plus que jamais utile de renforcer les liens entre l’armée et la Nation et de sensibiliser les jeunes au devoir de mémoire. Un pays qui ne connaît pas son passé n’a pas d’avenir. Or nous voulons que notre pays ait un avenir. Il faut donc le préparer à travers sa jeunesse. Tel est d’ailleurs le sens non seulement de la journée défense et citoyenneté, mais également de toutes les actions menées par le Gouvernement prioritairement en direction de la jeunesse, car c’est avec la jeunesse que l’on construit l’avenir.
Je ne veux pas vous faire de peine, monsieur le rapporteur pour avis, mais j’ai l’impression que vous avez la mémoire qui flanche.
M. Jean-Claude Requier. Il est jeune ! (Sourires.)
M. Alain Néri. Cela fait un certain nombre d’années que je suis les budgets des anciens combattants. Pour obtenir la revalorisation de 33 à 48 points, il a fallu des échanges, des discussions, il a fallu le quinquennat. Je ne veux pas être désagréable avec vous, car vous m’êtes sympathique, monsieur le rapporteur pour avis,…
M. Antoine Lefèvre. C’est vrai qu’il est sympathique !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis. J’attends la suite ! (Sourires.)
M. Alain Néri. … mais je dois dire que vous poussez le bouchon un peu loin ce soir. Il me semble en effet que vous avez une fâcheuse tendance à toujours vouloir faire démarrer l’année le 1er juillet. D’ailleurs, c’est une habitude chez vous ! Alors que vous n’étiez pas parvenu à obtenir l’augmentation du nombre de points et à atteindre les 48 points fatidiques au cours du précédent quinquennat, vous avez trouvé le moyen d’inscrire quatre points d’un coup dans le dernier budget du quinquennat !
M. Daniel Raoul. Sans les financer !
M. Alain Néri. Vous êtes passé de 44 à 48 points, mais vous aviez oublié de les financer ! J’avais alors dit au ministre de l’époque que c’était une mesure que le Gouvernement n’aurait pas à appliquer, puisque la date de son entrée en vigueur, le 1er juillet, était bien entendu postérieure à celle de l’élection présidentielle et des élections législatives.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous me faites un peu penser à ces gens qu’on n’aime pas beaucoup en Auvergne, qui commandent la tournée, partent sans payer et ramassent la monnaie sur le comptoir !
Ce soir, vous proposez une augmentation de deux points sans disposer d’un financement. Ce n’est pas sérieux, ce n’est pas raisonnable !
Le monde combattant étant un sujet qui nous rassemble, il vaudrait mieux que nous réfléchissions ensemble, comme l’a proposé M. le secrétaire d’État, à la valeur du point d’indice. Cela permettrait d’obtenir une véritable augmentation, une véritable mesure de justice sociale, et de justice tout court, car nous disposerons alors d’une base de réflexion plus nette et plus claire.
Monsieur le rapporteur pour avis, nous ne sommes pas en désaccord sur le fond, à savoir sur la nécessité de revaloriser la retraite du combattant, mais sur le fait de prélever des crédits affectés au financement de la journée défense et citoyenneté. Un tel prélèvement n’est pas raisonnable ni responsable.
Retirer cet amendement en précisant que nous allons travailler tous ensemble à la revalorisation de la retraite du combattant serait une bonne action. (M. Daniel Raoul applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je suis également confronté à un dilemme, parce que je serais également très favorable à une revalorisation de 2 % de la retraite du combattant.
Mme Cécile Cukierman et M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis. Deux points, et non pas 2 % !
M. Jean-Claude Requier. C’est vrai, les anciens combattants le méritent, on le leur doit.
Pour autant, je ne souhaite pas qu’on prélève les crédits sur ceux qui sont prévus pour la journée défense et citoyenneté. Lorsque j’étais membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, j’avais assisté un après-midi à l’une de ces journées. Certes, c’est un peu mignon comme formation, mais c’est quand même un moment où les jeunes sont en contact avec l’armée, ils apprennent beaucoup de choses, une détection est faite parmi eux, et il serait dommage que, pour donner deux points d’un côté, on retire cette formation, de l’autre. (M. Alain Néri opine.)
Cela étant, j’ai cru comprendre qu’il n’y avait pas de crédits disponibles. Aussi, je ne vois pas comment on peut s’en sortir. Je salue néanmoins l’effort qui a été réalisé cette année à travers des mesures nouvelles en faveur des harkis et des veuves des combattants.
Il faut être raisonnable. Peut-être pourrait-on demander au Gouvernement d’augmenter les crédits dans le prochain projet de loi de finances, même si, je le sais, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent…
Mme Cécile Cukierman. C’est bien aussi de les tenir !
M. Jean-Claude Requier. Ce serait une bonne chose. En tout cas, notre groupe suivra le Gouvernement et votera contre cet amendement.
M. Daniel Raoul. Très bien !
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-113 est-il maintenu ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-113.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 55 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 133 |
Le Sénat a adopté.
L'amendement n° II-114, présenté par M. Lemoyne, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Liens entre la Nation et son armée |
|
600 000 |
|
600 000 |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
600 000 |
|
600 000 |
|
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Total |
600 000 |
600 000 |
600 000 |
600 000 |
Solde |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis. Avec cet amendement, il s’agit en quelque sorte de clore les tergiversations de ces dernières années en mettant un terme à la précarité dans laquelle certains conjoints survivants des plus grands invalides de guerre peuvent se trouver en raison du plafonnement de la pension de réversion.
Une mesure est effectivement proposée. Le ministre s’était engagé l’an dernier à faire progresser ce dossier…
M. Alain Néri. Il l’a fait !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis. … et avait d’ailleurs déclaré à l’Assemblée nationale vouloir « trouver une solution pérenne, respectueuse de ces veuves, juste et égalitaire ».
Pour sa part, la commission des affaires sociales a voulu travailler à un amendement en s’appuyant sur l’étude réalisée cette année par le Contrôle général des armées, qui se concluait par un appel à la nécessaire revalorisation des pensions versées aux conjoints des grands invalides de guerre.
En effet, le dispositif actuel prend en compte le cas des personnes qui sont autour de 500 points et de celles qui sont au-delà de 10 000 points, mais, entre les deux, il y a un vide. C’est pourquoi l’amendement a pour objet – et là, pour le coup, on n’est pas du tout dans les montants que l’on évoquait précédemment, puisque le coût du présent dispositif s’élève à 600 000 euros – de combler ce vide jusqu’à 10 000 euros.
Nous proposons donc un système par paliers qui varierait en fonction du niveau de la pension de l'invalide à partir des pensions supérieures à 2 000 points. Cela représente un nombre maximal de 3 528 personnes, selon l’estimation du Contrôle général des armées. Je tiens à souligner que les associations ont beaucoup travaillé sur ce sujet. Je crois donc qu’il est temps d’agir.
Monsieur le secrétaire d’État, vous savez que je m’abreuve aux meilleures sources. En l’occurrence, j’ai lu que, en 2010, lorsque vous étiez rapporteur spécial sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », vous vous félicitiez de l’adoption d’un amendement voté à l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement qui visait à abonder – le montant était plus élevé que celui qui est prévu ici – de 800 000 euros les crédits destinés aux veuves des grands invalides de guerre.
Vous parliez de demandes légitimes et faisiez état de votre satisfaction à les voir aboutir ; je suppose donc, monsieur le secrétaire d’État, que c’est une cause qui doit vous être chère. Eh bien, justement, l’occasion vous est offerte d’agir en posant le chaînon manquant entre les personnes qui perçoivent le moins et celles qui perçoivent le plus.
Tel est l’objet de cet amendement, dont l’adoption représenterait un coût de 600 000 euros pour un budget total de l’ordre de 2,7 milliards d’euros.
J’ajoute que les attentes sont très fortes sur le sujet, comme le montre tout le travail qui a été mené par de nombreux acteurs tout au long de l’année.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, il serait bon que vous concrétisiez l’engagement pris par votre prédécesseur l’année dernière ainsi que tout le travail qui a été réalisé sur la question.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Le sujet n’est pas simple. La manière d’améliorer la situation des conjoints survivants des grands invalides de guerre est en effet un problème complexe, notamment en raison de la difficulté d’effectuer un recensement du nombre de conjoints survivants qui sont concernés, leur répartition en fonction de l’indice de pension d’origine de l’ayant droit.
Différentes études ont été conduites et les résultats divergent. De manière générale, la population des personnes bénéficiaires du mécanisme de réparation et d’indemnisation de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » n’est pas assez bien recensée et connue.
Ce problème se rencontre également pour les titulaires de la carte du combattant, ce qui a une incidence directe en termes budgétaires pour chiffrer les crédits de la retraite du combattant et la dépense fiscale – on en a beaucoup parlé – liée à la demi-part accordée à partir de soixante-quinze ans.
Je profite donc de cette discussion, monsieur le secrétaire d’État, pour attirer votre attention sur la nécessité de mettre en place les outils statistiques propres à recenser les différentes populations de bénéficiaires et, surtout, à anticiper leurs évolutions. C’est réellement très important à la fois pour le pilotage des finances publiques, mais également pour étudier l’incidence des mesures qui peuvent être envisagées.
En l’état, notre commission des finances ne s’est pas prononcée sur le présent amendement. Étant donné l’absence de détails sur le mécanisme envisagé et sur son chiffrage, à titre personnel, je m’en remets à l’avis du Gouvernement, dont les services ont sans doute pu, malgré la complexité du sujet, expertiser la mesure proposée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Je constate, monsieur le rapporteur pour avis, que vous avez de bonnes lectures et que vous puisez à de bonnes sources. Mais à l’époque j’étais dans l’opposition (M. le rapporteur pour avis s’esclaffe.), je présentais le rapport et me félicitais d’une mesure qui avait été prise par le gouvernement que je ne soutenais pas. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) Je n’en suis pas moins cohérent, comme vous allez le voir, et vous n’avez sans doute pas tout lu ou fait attention, car la mesure en question, qui consistait à majorer de cinquante points, soit 58 euros par mois, va exactement dans le sens de celle qui vous est proposée à l’article 48 du projet de loi de finances pour 2015 et que je veux pérenniser pour le budget 2016.
En soutenant le budget proposé par le Gouvernement, je reste donc cohérent avec la position que je défendais lorsque j’étais dans l’opposition. Je suis d’ailleurs très content que vous l’ayez évoquée et vous pouvez parfaitement vérifier que ce que je vous dis est vrai.
Votre proposition, quant à elle, va beaucoup plus loin et vous allez voir que son coût n’est pas du tout de l’ordre de 600 000 euros, mais de plusieurs millions d’euros. Vous proposez en effet d’instaurer un mécanisme de réversion des pensions militaires en faveur des conjoints survivants des plus grands invalides de guerre, en mettant en place un système par paliers variant en fonction du niveau de la pension de l’invalide. À cet effet, vous prévoyez un financement de 600 000 d’euros gagés sur la journée défense et citoyenneté – vous voulez vraiment l’achever cette journée !
L’intention qui vous anime – renforcer la reconnaissance de la Nation envers les conjoints survivants des grands invalides de guerre – est des plus louables, et je la partage comme mon prédécesseur.
Le problème est celui du dénombrement des personnes ciblées. C’est la raison pour laquelle mon prédécesseur avait mis en place un groupe de travail spécifique sur cette question, qui, comme je l’ai indiqué dans mon intervention, s’est réuni deux fois cette année.
Il a demandé au Contrôle général des armées une étude pour mieux connaître la population concernée, savoir quelles sont les masses en jeu et de quoi on discute. Cette étude a été transmise aux parlementaires et aux associations représentées dans le groupe de travail.
C’est pourquoi une mesure nouvelle ciblée, dédiée aux conjoints survivants de grands invalides ayant arrêté de travailler en raison des soins dispensés à leur conjoint avant sa disparition, a été proposée dans le budget pour 2015.
Dans le même temps, la condition de durée des soins pour bénéficier de cette majoration spéciale est abaissée de quinze ans à dix ans. Voilà encore une autre mesure, qui n’existait pas.
La revalorisation du dispositif de cinquante points en janvier 2015, puis de nouveau en 2016, est également prévue. Elle correspond à une hausse totale de 116 euros par mois, ou de 1400 euros par an, soit l’équivalent d’un SMIC brut, comme je l’ai souligné tout à l’heure. Cela n’est pas négligeable.
Près d’un tiers des conjoints survivants de grands invalides de plus de 2000 points seront concernés par cette mesure qui, si elle est ciblée, concerne tout de même une part importante des conjoints survivants.
Je ne prétends pas que cette mesure va régler tous les problèmes, mais nous avons fait le choix d’agir cette année en nous concentrant sur une population particulièrement fragile.
En tout état de cause, je souhaite que le groupe de travail continue de se réunir. Les mesures que vous avez évoquées pourront, parmi d’autres, être étudiées dans ce cadre, sous leurs différents aspects juridiques et financiers. En effet, je ne m’engagerai jamais sur une mesure dont je ne vois pas le bout, c’est-à-dire si je ne connais pas l’engagement que je fais prendre aux différents gouvernements successifs.
Il me faut tout de même souligner que le coût d’un dispositif par paliers tel que vous le proposez serait, en première analyse, de plusieurs dizaines de millions d’euros, soit bien plus que le coût cumulé de l’ensemble des mesures nouvelles en faveur du monde combattant qui sont intégrées dans le PLF pour 2015, et même de l’ensemble des mesures qui ont été prises depuis le PLF pour 2012. On est donc très loin des 600 000 euros que vous évoquez dans votre amendement.
Ce type de dispositif par paliers pourrait également remettre fondamentalement en cause l’équilibre actuel entre les pensions d’invalides et les pensions de conjoints survivants. Il pourrait en effet aboutir à ce que de nombreux conjoints survivants se voient attribuer des pensions supérieures à celles de nombreux invalides. Attribuer une pension forfaitaire de 1000 points au conjoint survivant reviendrait à lui attribuer la même pension que celle que perçoit un très grand invalide pensionné à 100 %, c’est-à-dire 14 000 euros par an.
De surcroît, attribuer de manière systématique les aides à tous les conjoints survivants des grands invalides ne paraît pas opportun dans le contexte budgétaire actuel. Il me semble donc préférable de cibler la mesure en direction de la grande précarité. Toutefois, le groupe de travail pourra bien évidemment se pencher sur la question.
Les pensions versées au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre sont, comme vous le savez, non imposables, cumulables avec tous les revenus d’activité et de placements et avec toutes les pensions des régimes de retraite. Les droits des conjoints survivants de grands invalides doivent être appréciés au regard d’un ensemble de dispositions dont elles peuvent bénéficier, comme la retraite mutualiste ou l’action sociale de l’ONAC-VG.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le rapporteur pour avis. À défaut, j’y serai défavorable. Je ne me fais toutefois guère d’illusions sur l’issue qui sera réservée à cet amendement : il connaîtra sans doute le même sort que le précédent. (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, la revendication demeure. Je souhaite que le groupe de travail avance sur ce point, mais je n’irai pas dans le sens que souhaitent certains, à savoir l’uniformisation de la revalorisation, avec des millions d’euros en jeu pour le budget de la France.