M. Yvon Collin. Oh !
M. Alain Marc. Et que penser de l’attitude du Gouvernement au sujet des rentes mutualistes ?
Créée en 1923, la rente mutualiste constitue un acte fort de reconnaissance et un droit historique pour les anciens combattants. Or, en catimini, subrepticement, dirai-je, par un décret du 24 septembre 2013, le Gouvernement a décidé d’abaisser de 20 % le taux de majoration des rentes mutualistes, sans consultation préalable des associations d’anciens combattants ni débat parlementaire. Je crois d’ailleurs que les associations d’anciens combattants assistent à nos débats dans les tribunes.
Quel mépris envers les anciens combattants, monsieur le secrétaire d’État ! Oser remettre en cause un acquis historique et précieux, respecté par tous les gouvernements depuis sa création !
M. Jean-Claude Requier. Doucement, nous ne sommes pas à l’Assemblée nationale !
M. Alain Marc. Nous ne sommes peut-être pas à l’Assemblée nationale, mais je peux dire ce que je veux, enfin !
Mme la présidente. Poursuivez, mon cher collègue.
M. Alain Marc. Je vais poursuivre, mais j’ai le droit de répondre à quelqu’un qui m’interpelle ; sinon où est-on ?
On sait qu’il a fallu une très forte mobilisation, à la fois des parlementaires de l’opposition et des associations d’anciens combattants, pour que le Gouvernement revienne sur ce décret, ne vous en déplaise !
Dans ce contexte, je me réjouis de l’adoption en commission des affaires sociales de deux amendements du rapporteur. Le premier augmente de deux points la retraite du combattant afin de la porter à cinquante points. Elle atteindra donc 698 euros en 2015. Le second conduit à une meilleure prise en compte de la situation complexe des conjoints survivants des plus grands invalides de guerre.
Avant de conclure, je souhaite rendre un hommage sincère à toutes les associations et fédérations d’anciens combattants qui œuvrent pour défendre et faire progresser les droits de tous les anciens combattants, tout en accomplissant un important travail de mémoire et de pédagogie.
N’oublions pas que la Nation a contracté une dette envers les anciens combattants et, malgré l’inévitable diminution du nombre de bénéficiaires, nous avons le devoir collectif de ne pas laisser s’installer l’oubli et l’indifférence.
Le meilleur hommage à rendre aux anciens combattants, c’est tout simplement leur faire justice par un budget digne, digne de leurs actes de courage, digne de leurs actes d’abnégation.
Je terminerai en évoquant à mon tour cette formulation de Clemenceau déjà abondamment reprise ce soir : « Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous. […] Nous leur devons tout, sans aucune réserve ! » Je ne sais pas si nous leur devons tout, mais soyons conscients que nous leur devons beaucoup ! (MM. Antoine Lefèvre, Charles Guené et Yves Détraigne applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire. Permettez-moi, madame la présidente, avant d’entamer mon propos, de saluer comme l’ont fait les deux rapporteurs l’engagement courageux de l’adjudant Samir Bajja, décédé samedi au Burkina Faso dans un accident d’hélicoptère survenu lors d’un vol d’entraînement. Je veux présenter à sa famille, à ses proches, à ses camarades, toutes mes condoléances. J’ai aussi une pensée pour les deux soldats blessés dans l’accident, à qui je veux souhaiter un prompt rétablissement.
Je veux rappeler aussi que nos soldats d’aujourd’hui sont, comme nos combattants d’hier, au centre de nos préoccupations.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur de la commission des finances, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quelques jours, j’étais à vos côtés sur ces travées et je m’apprêtais à voter un budget traduisant la politique de reconnaissance et de réparation à l’égard du monde combattant, ainsi que la politique de mémoire.
Je vous remercie tous de vos félicitations, car, aujourd’hui, c’est ici, à la tribune, que j’ai l’honneur de défendre ce budget. Oui, l’honneur, car mon ministère est celui de la France rassemblée, mais c’est aussi une chance, puisque j’ai hérité d’un bon budget, qui répond à notre souci constant d’améliorer la justice sociale (M. Alain Marc s’exclame.) et de remettre la solidarité au cœur de notre politique. Je suis prêt, monsieur Alain Marc, à revenir avec vous, si vous le souhaitez, sur tous les points que vous avez évoqués, car ce gouvernement a à cœur la justice sociale et la reconnaissance du monde combattant.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Je veux rendre hommage à mon prédécesseur, Kader Arif, pour son engagement en faveur de la politique de mémoire et pour la sincérité et la force avec lesquelles il a servi le monde combattant. Ce budget en est la traduction.
Je veux remercier, avant toute chose, les deux rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, MM. Marc Laménie et Jean-Baptiste Lemoyne, pour le travail accompli, et ce même si, comme je vous l’ai dit au téléphone, messieurs, ni Kader Arif ni moi-même n’avons eu l’occasion de vous rencontrer pour discuter, ou d’être auditionnés par vos commissions.
Cette mission du projet de loi de finances pour 2015 mobilise 2,64 milliards d’euros de crédits budgétaires, soit une diminution de 5,4 % par rapport à 2014. Vous constatez chaque année une baisse de ce budget, liée à la diminution du nombre de bénéficiaires, comme les deux rapporteurs l’ont rappelé. C’était également le cas, sans doute, durant le quinquennat précédent. Toutefois, cette année, du fait de l’augmentation des dépenses fiscales, la baisse réelle des dépenses totales en faveur du monde combattant est de 3,3 %, j’y insiste.
Comme certains d’entre vous l’ont souligné, notamment M. Jean-Claude Requier, et je les en remercie, ce budget, malgré le contexte actuel, prévoit des mesures nouvelles significatives, destinées d’abord à venir en aide aux populations les plus démunies, mais aussi à assurer l’avenir du ministère.
Ce budget préserve l’ensemble des droits des anciens combattants, comme il maintient et consolide l’ensemble des dispositifs budgétaires et fiscaux. C’est ce que je voulais rappeler devant la représentation nationale, alors que j’entends parfois décrire les anciens combattants et victimes de guerre comme les sacrifiés de notre gouvernement.
Je sais les vives inquiétudes suscitées par le rapport de Philippe Marini,…
M. Alain Néri. Ah oui !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. … qui a été notamment évoqué par M. Laménie. Je veux rassurer le monde combattant et les parlementaires : la combinaison actuelle entre les dépenses budgétaires et fiscales procède d’un juste équilibre, que je tiens à préserver.
Ce budget maintient et renforce également l’ensemble des structures d’aide et d’accompagnement pour le monde combattant, ainsi que la politique de mémoire.
Tout d’abord, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONACVG, se trouve conforté dans ses missions par la mise en œuvre du nouveau contrat d’objectifs et de performance. (M. Alain Néri opine.) Ce contrat ambitieux permet d’envisager avec sérénité son avenir, et plus particulièrement de réformer son maillage territorial.
M. Alain Néri. Très bien !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Je sais combien vous tenez à ce maillage. Il est essentiel et je tenais à le rappeler devant vous. Ce réseau de cent deux services départementaux, deux services d’outre-mer et trois services en Afrique du Nord constitue un outil exceptionnel au service du monde combattant.
La rationalisation des services se poursuivra néanmoins à l’avenir, dans le cadre de la mise en œuvre du contrat d’objectifs et de performance 2014-2018 de l’établissement. Le format des services départementaux sera ainsi adapté à leur charge de travail, alors que sera renforcée la capacité de l’établissement public à répondre aux attentes légitimes du monde combattant.
Ensuite, l’Institut national des invalides verra le montant de sa subvention pour charges de service public prévu en 2015 rester au niveau de 2014. J’ai reçu, dès mon entrée en fonctions, les organisations syndicales de cet organisme, et je m’apprête à réunir prochainement les représentants des parties prenantes de ce grand dossier. De nouvelles orientations devant assurer l’avenir de l’établissement sont en cours de définition.
Pour conduire la politique de mémoire, le ministère de la défense s’appuie enfin sur la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, dont la dotation budgétaire prévue pour le financement des projets liés au soixante-dixième anniversaire de l’année 1945 est maintenue. Le ministère s’appuie aussi sur la Mission du centenaire, une structure qui devait disparaître, mais qui perdurera jusqu’en 2018. Monsieur Lemoyne, je tiens à vous rassurer à ce sujet.
Si ce budget maintient les dispositifs et structures connus jusqu’alors, il n’en est pas moins porteur de mesures nouvelles et d’innovation pour le droit à reconnaissance et réparation. Vous avez été nombreux à les citer.
Mon prédécesseur a veillé à assurer la reconnaissance de la Nation à l’égard de ceux qui font encore le choix de l’engagement. Je m’inscris totalement dans ce combat et je veux, à mon tour, dire l’admiration et le respect que j’ai pour ces femmes et ces hommes qui mettent leur vie en péril – ces dernières années nous l’ont tristement rappelé – pour le bien de leurs concitoyens et de la Nation tout entière.
C’est pourquoi il me paraît très important de témoigner de la reconnaissance de la France. Je sais combien vous tous y êtes sensibles : il s’agit d’une attente légitime et ancienne.
Je me réjouis que cette question soit en voie d’être résolue par la proposition de la généralisation, au 1er octobre 2015, du nouveau critère de cent vingt jours de présence sur un théâtre d’opération pour bénéficier de la carte du combattant. Vous l’avez souligné, cela réglera les problèmes en instance, qui n’avaient pas encore été traités. (MM. Alain Néri et Jean-Claude Frécon opinent.)
Ce sont ainsi près de 150 000 personnes qui pourront se voir attribuer la carte du combattant au titre de cette mesure et qui bénéficieront, à terme, de la retraite du combattant. Au total, depuis 2012, les mesures prises font entrer de nouvelles populations au sein du monde combattant. Je pense notamment aux 8 400 bénéficiaires de la carte dite « à cheval » – vous la citiez, monsieur Néri – ainsi qu’à ceux qui recevront désormais la carte OPEX.
C’est là une belle manière de renforcer le monde combattant (M. Alain Néri opine.) et d’y intégrer des femmes et des hommes dont il faut défendre les conditions de vie et envers lesquels il est nécessaire d’entretenir l’hommage de la Nation.
Enfin, parmi nos soldats engagés, certains reviennent malheureusement blessés. Vous m’interrogez, monsieur Lefèvre, sur la prise en charge, dans la durée, de nos blessés. Je vous en remercie, car cette question est prioritaire pour notre ministère.
C’est pourquoi une enveloppe de 1 million d’euros a été inscrite au budget pour la première fois en 2014, afin de fournir un appareillage de dernière génération aux soldats qui en ont besoin. Cette enveloppe est maintenue pour 2015.
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Cette budgétisation répond à une estimation précise du besoin : entre dix et vingt mutilés par an auxquels s’ajoutent des blessés plus anciens, éligibles aux prothèses de nouvelle génération.
Au-delà de cet appareillage, le dispositif institutionnel de prise en charge des blessés garantit la continuité de l’accompagnement dans la durée, de la blessure à la réinsertion professionnelle, et même ensuite. Le ministère mobilise l’ensemble de ses acteurs institutionnels et associatifs, du service de santé des armées à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre en passant par les cellules d’aide aux blessés de chaque armée.
C’est ainsi qu’en 2014 l’armée de l’air et la Marine ont signé avec l’ONAC-VG une convention « passage de témoin », qui garantit le suivi et l’accompagnement des militaires blessés quittant l’institution militaire. L’armée de terre devrait signer une convention similaire en 2015.
Parmi les mesures nouvelles de ce budget, d’autres concernent spécifiquement le droit à solidarité. Une aide complémentaire aux conjoints survivants, ou ACCS, est ainsi mise en place et se substituera à l’actuelle aide différentielle aux conjoints survivants, ou ADCS.
La sécurisation juridique du dispositif était en effet devenue indispensable, vous l’avez dit. Cette nouvelle aide s’insérera dans le cadre de la refonte de l’action sociale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Une somme de 1,5 million d’euros est prévue dans ce projet de loi de finances pour permettre aux conjoints survivants les plus démunis de bénéficier d’un revenu mensuel atteignant 987 euros par mois en 2015. Plusieurs sénateurs, dont M. Néri, l’ont souligné.
J’entends ce qui est dit au sujet des anciens combattants se trouvant eux-mêmes dans une situation de particulière précarité et je partage cette préoccupation.
C’est pourquoi, comme s’y était engagé mon prédécesseur à l’Assemblée nationale, je suis favorable à la création d’un groupe de travail associant les parlementaires – vous, donc – afin de réfléchir à la meilleure prise en charge de l’ensemble des ressortissants démunis de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, notamment des anciens combattants démunis eux-mêmes.
Il s’agira d’examiner le coût réel de cette mesure et la capacité de l’ONAC-VG à la mettre en œuvre dans un cadre juridique rénové. Cette réflexion s’inscrit naturellement dans le cadre de la refonte de l’action sociale de l’Office.
J’en profite pour rappeler que, depuis 2012, les crédits alloués à l’action sociale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre ont été augmentés de 16,5 % ! Je ne peux que me réjouir de cette tendance, et je veillerai à la consolider.
Toujours dans le cadre des mesures nouvelles en faveur des populations les plus fragilisées, je veux dire un mot de la communauté harkie. Je veux lui dire tout mon attachement. Je veux lui dire que j’ai conscience des difficultés qu’elle rencontre.
Je suis heureux de pouvoir annoncer à nos compatriotes harkis que la dotation globale de 19,4 millions d’euros pour 2015 est en augmentation de 9 % par rapport à 2014.
Elle intègre une revalorisation de l’allocation de reconnaissance de 167 euros par an dans le cadre d’un plan d’action en faveur des harkis, annoncé par le Premier ministre le 25 septembre dernier. Il s’agit de la plus importante revalorisation depuis la mise en place de cette allocation. Elle répond à une attente que j’estime légitime, même si on peut la considérer encore comme insuffisante.
Dans le cadre de ce plan, l’État s’engage également à aider tout enfant de harkis ayant été hébergé dans des camps entre 16 ans et 21 ans en rachetant jusqu’à quatre trimestres de cotisation. Une aide forfaitaire de 2 000 euros par trimestre leur sera alors accordée, soit jusqu’à 8 000 euros par an.
Enfin, des mesures spécifiques concernent le droit à réparation.
S’agissant des conjoints survivants des grands invalides, le budget pour 2015 contient une mesure nouvelle ciblée, dédiée aux conjoints ayant arrêté de travailler en raison des soins dispensés à l’invalide avant sa disparition. Une première revalorisation de cinquante points de la majoration spéciale de pension prévue à l’article 52–2 entrera en vigueur dès le 1er janvier 2015, suivie d’une autre, de cinquante points également, en 2016.
Cela équivaut, sur deux ans, à une augmentation de 116 euros par mois non fiscalisés,…
M. Alain Néri. Très bien !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. … soit l’équivalent d’un SMIC brut mensuel par an (M. Alain Néri applaudit.), à savoir quelque 1 400 euros. Ce sont près de 1 000 personnes qui vont voir leur pension revalorisée de 11 % en moyenne.
Contrairement à ce que j’ai souvent entendu durant les dix premiers jours de mon entrée en fonctions, cette mesure ne concerne pas 10 %, mais près de 30 % des 3 500 conjoints survivants d’invalides titulaires d’une pension de plus de 2 000 points.
De plus, la condition de durée de soins afin de pouvoir bénéficier de la majoration spéciale est abaissée de quinze ans à dix ans (M. Alain Néri opine.), comme vous l’avez précisé à juste titre. Cette mesure résulte d’une dynamique forte impulsée dès l’année dernière par mon prédécesseur, qui avait commandé un rapport au Contrôle général des armées pour évaluer avec précision le nombre de conjoints survivants de grands invalides et mis en place un groupe de travail réunissant l’administration du ministère et les associations du monde combattant, qui s’est déjà réuni à deux reprises.
Je veux d’ores et déjà vous dire que je tiens à ce que ce groupe de travail soit maintenu pour continuer à examiner la situation des conjoints survivants des grands invalides et réfléchir aux conditions et aux moyens permettant d’améliorer les conditions de vie des plus défavorisés.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les nouvelles mesures de la politique de reconnaissance et de réparation à l’égard du monde combattant et des victimes de guerre.
Le second axe de ce budget concerne, vous le savez, la préparation de l’avenir : l’avenir se prépare à travers la carte OPEX, que j’ai déjà évoquée, mais aussi à travers la politique de mémoire.
Je sais que la représentation nationale s’est beaucoup investie sur le terrain des commémorations. Mon premier déplacement en tant que secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, une heure après la passation de pouvoir avec mon prédécesseur, a été à Metz, pour célébrer la libération de la ville, puis à Scy-Chazelles, patrie de Robert Schuman, père de l’Europe, pour commémorer la libération de cette commune.
La contribution de chacun d’entre nous et de vos collègues députés ont fait des cérémonies organisées dans nos communes un grand succès, que nos territoires méritent. La mobilisation doit se poursuivre en 2015 pour rendre hommage aux résistants et aux combattants en uniforme, mais aussi aux rescapés des camps et aux victimes de la Shoah, et les mettre tous à l’honneur.
Le retour des déportés, la libération des poches de l’Atlantique et de l’Est et la restauration de la République seront autant de thématiques qui ponctueront le premier semestre de l’année mémorielle 2015 avec quelques moments forts comme le 27 janvier, date anniversaire de la libération d’Auschwitz, le 8 mai, célébration de la victoire, ou encore le 27 mai, désormais journée nationale de la Résistance, qui verra l’entrée au Panthéon de quatre grandes figures de la Résistance.
L’enveloppe dédiée à la politique de mémoire en 2015 est globalement identique à celle de 2014. À cet égard, je profite de l’occasion pour rappeler que le montant de cette enveloppe a doublé depuis 2012.
En 2015, les grandes cérémonies internationales étant passées, un effort particulier sera mené en faveur de la valorisation du patrimoine de pierre et du développement du tourisme de mémoire. Plus du double des crédits alloués l’année dernière y seront dédiés.
Permettez-moi de ne citer qu’un seul exemple parmi plusieurs dizaines de projets : le ministère entreprend la restauration du mémorial des martyrs de la déportation de l’île de la Cité à Paris. Le monument rénové devrait être inauguré en 2015, année du soixante-dixième anniversaire de la libération des camps. C’est un investissement majeur pour nos territoires, pour notre jeunesse, mais, plus encore, pour tous les Français. Une nation se fonde sur une histoire commune et une mémoire collective. Le sentiment d’appartenance à une nation commune est la condition du « vivre ensemble ». C’est ce à quoi ont œuvré les commémorations tout au long de l’année.
Les deux cycles mémoriels sont une chance pour nos collectivités, nos communes, nos départements et nos régions de se réapproprier leur mémoire locale, de la valoriser et de la diffuser auprès de nos concitoyens, mais aussi de développer la filière du tourisme de la mémoire, pour laquelle la dotation budgétaire augmentera de 10 % en 2015.
La mémoire est un formidable outil pour rapprocher nos concitoyens entre eux, quelle que soit leur origine ; pour rappeler le lien entre les générations du feu - et redonner une fierté aux anciens combattants, c’est encourager les soldats d’aujourd'hui ; enfin, et surtout, pour renforcer le lien intergénérationnel à l’heure où les grands témoins et acteurs des conflits récents disparaissent.
L’enjeu de la transmission à la jeunesse est au cœur de ces commémorations. Les plus jeunes se sont mobilisés au-delà de nos attentes. Je prendrai pour seul exemple les 540 classes ayant participé au concours des petits artistes de la mémoire ; le Président de la République a remis aux enfants, le 11 novembre dernier, à l’Élysée, les premiers prix.
Ce n’est qu’en nous adressant à la jeunesse que nous pourrons penser la politique mémorielle comme un élément dynamique. Dynamique, d’abord dans son approche temporelle, en nous invitant à regarder résolument vers l’avenir, mais aussi dans sa capacité à mobiliser les scolaires, les équipes pédagogiques et, ce faisant, à faire vivre nos territoires.
Enfin, je veux dire un mot sur la journée défense et citoyenneté, la JDC, qui contribue à renforcer le lien entre la Nation et sa jeunesse.
En 2015, la JDC rassemblera 763 000 jeunes. Aussi, nous avons prévu une enveloppe de 19,1 millions d’euros, en hausse pour tenir compte de l’augmentation du nombre de participants qui se poursuivra dans les années à venir.
M. François Marc. C’est nécessaire !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. La JDC est une occasion unique de délivrer un message fort autour des valeurs républicaines, mais aussi de renforcer le lien armée-Nation. En 2013, plus de 70 % des jeunes participants ont jugé cette journée « intéressante ».
Aussi, je comprends mal ceux qui voudraient supprimer une partie des crédits de cette enveloppe. Je le comprends d’autant plus mal que j’étais au côté du secrétaire d’État Jean-Pierre Masseret lorsqu’il décida l’instauration de ce que l’on appelait à l’époque « la Journée d’appel de préparation à la défense », la JAPD.
M. François Marc. Il faut retirer l’amendement !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Depuis sa rénovation en 2013, et conformément au souhait du Président de la République, cette journée est désormais recentrée sur les enjeux de défense dont elle favorise la compréhension. Elle aide à mieux mesurer ce qu’est l’engagement de nos militaires. Elle permet aussi de détecter et d’orienter ceux qui, parmi les jeunes participants, sont les plus en difficulté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je viens de vous présenter le budget de mon ministère, un budget dont j’ai hérité, mais que je défends avec ferveur et conviction parce qu’il est le budget de la justice sociale, de la solidarité, de la mémoire partagée et de la préparation de l’avenir.
Pour m’être renseigné, pour avoir suivi les débats à l’Assemblée nationale et vous avoir écoutés, je sais que certains d’entre vous auraient souhaité davantage. Aussi, je vais tâcher de répondre, dans le temps imparti qu’il me reste, à certaines de vos interrogations.
Je sais que les attentes sont nombreuses, mais je veux rappeler, devant la représentation nationale, que le contexte budgétaire actuel imposait des choix.
Parmi les attentes de longue date, il y a l’attribution de la campagne double à l’ensemble des anciens combattants d’Afrique du Nord, que M. Néri a évoquée.
Cette mesure a été accordée dès lors que le législateur a reconnu, en 1999, que ce que l’on appelait jusqu’alors « les événements d’Algérie » avait été une guerre. Aussi, seuls ceux qui ont liquidé leur pension après 1999 ont pu bénéficier de la campagne double, en application du principe de non-rétroactivité. Mon prédécesseur s’était engagé à créer un groupe de travail lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale. (M. Alain Néri opine.) Je maintiens cet engagement.
En ce qui concerne la retraite du combattant, monsieur Lemoyne, je veux rappeler que l’augmentation d’un point de ladite retraite aurait un très faible impact pour les bénéficiaires : 1 euro supplémentaire par mois seulement. Mais cette mesure coûterait, en année pleine, 16,3 millions d’euros par an, soit à peu près l’équivalent des crédits alloués aux mesures nouvelles en faveur du monde combattant depuis 2012. L’augmenter de deux points coûterait 33 millions d’euros par an.
Nous avons préféré des mesures qui font bénéficier de nos dispositifs à un plus grand nombre, je l’ai dit précédemment, mais aussi des mesures qui ont un impact fort sur le pouvoir d’achat de certaines populations ciblées. J’y reviendrai plus longuement lors de l’examen des amendements.
M. Néri m’a aussi interpellé sur la revalorisation du point d’indice de la pension militaire d’invalidité, le point PMI.
Vous le savez, la valeur de ce point détermine le montant de la plupart des prestations versées aux anciens combattants, telles que la retraite du combattant ou les pensions militaires d’invalidité. Le système de revalorisation actuel de ce point existe depuis 2005. Il repose sur l’évolution de l’indice des traitements bruts de la fonction publique d’État. La valeur du point est ainsi réévaluée régulièrement : elle l’a été à quinze reprises depuis 2008, et est passée de 13,45 euros à 13,96 euros au 1er janvier 2014.
Ce système, qui a fait l’objet d’un large consensus, est le fruit de longues concertations interministérielles et avec les associations. Le système actuel constitue donc un point d’équilibre. Je tiens aussi à rappeler qu’une revalorisation forfaitaire de 1 euro du point PMI coûterait plus de 100 millions d’euros par an.
Monsieur Watrin, vous m’avez interrogé sur une éventuelle revalorisation de la rente mutualiste.
Dans un contexte budgétaire contraint, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit déjà une consolidation, voire une amélioration des droits des anciens combattants. Il préserve également la double exonération fiscale, à l’entrée et à la sortie des rentes, qui est leur principal avantage, ainsi que le niveau du plafond.
En 2014, il y avait 387 000 bénéficiaires de la rente mutualiste, contre 1,2 million de bénéficiaires de la retraite du combattant. Aussi, seuls 15 % de ces bénéficiaires atteignent le plafond. L’augmentation du plafond majorable n’est donc pas une priorité pour moi.
M. Alain Néri. C’est bien !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Concernant l’extension du dispositif d’indemnisation à tous les orphelins de la Seconde Guerre mondiale, je dois dire que je n’y suis pas favorable non plus. Le dispositif doit rester fidèle à sa justification fondamentale, qui est de consacrer solennellement le souvenir des victimes de la barbarie nazie, par le biais de leurs enfants mineurs au moment des faits.
Toute rupture avec cette spécificité ouvrirait le champ à une extension illimitée. Toutefois, je reste prêt à réexaminer les cas limites, afin d’assurer une égalité de traitement entre les situations les plus proches.
Enfin, monsieur Laménie, je dirai un mot du monument dédié à tous les morts pour la France en opérations extérieures.