M. le président. La parole est à Mme Karine Claireaux.
Mme Karine Claireaux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances s’inscrit, une nouvelle fois, dans un contexte particulièrement difficile. Cependant, les crédits de la mission « Outre-mer », dont nous débattons, doivent être salués. En effet, le budget réservé aux outre-mer en 2015 prouve, si besoin en était encore, le respect des engagements du Président de la République et toute la considération, toute l’importance que le Gouvernement accorde aux collectivités ultramarines.
Depuis 2012, le soutien de l’État est resté sans faille ; chaque année, les outre-mer ont vu leurs crédits progresser. Des augmentations complémentaires sont encore prévues jusqu’en 2017.
Pour 2015, la hausse totale des crédits est significative. Elle permettra de soutenir l’emploi et la formation, mais aussi l’investissement public, ce qui est particulièrement important outre-mer.
Vous le savez, le statut de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ne permet pas aux entreprises d’y bénéficier des dispositifs d’aide aux entreprises et, partant, d’exonérations d’impôts qui leur seraient pourtant bien précieuses. Nous ne pouvons que le déplorer et, au moment où une majorité d’élus s’interrogent sur la pertinence du statut actuel, force est de constater que c’est un des sujets qu’il faudra traiter et inclure dans notre réflexion. Nous devrons également nous pencher sur les compétences, sur les recettes de nos collectivités et, plus particulièrement, sur une situation que l’on peut assimiler à une mise sous tutelle des communes par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.
À cet égard, je profite de cette occasion pour revenir brièvement sur des enjeux qui cristallisent l’attention des élus depuis plusieurs années, sans qu’ils aient fait l’objet de réponses fermes et définitives de la part du Gouvernement. Je songe notamment aux dispositifs d’accompagnement social mis en œuvre au profit des plus démunis et, plus particulièrement, aux allocations de logement et à l’extension de plusieurs prestations sociales que la population attend depuis trop longtemps.
L’égalité sociale ne doit pas être un vain mot, et le montant des crédits à mobiliser au titre de ces mesures ne saurait être un frein à leur mise en place. C’est avant tout une question de volonté politique. Celle-ci doit être assumée, et elle doit se traduire dans les faits.
S’ajoute à cela un sujet ô combien important pour mon archipel : l’intégration de ce dernier à son environnement régional et le rôle qui doit être le sien en tant qu’unique territoire ultramarin français en Amérique du Nord.
Madame la ministre, vous connaissez mon attachement au rayonnement des outre-mer. Ma récente élection à la présidence du bureau du Conseil national de la mer et des littoraux ne peut que renforcer en moi ce sentiment. (Mme la ministre des outre-mer acquiesce.) Saint-Pierre-et-Miquelon a un rôle essentiel à jouer dans la stratégie maritime de notre pays aux portes des Amériques, comme poste avancé de la France et de l’Europe.
L’ouverture de la « route du Nord-Ouest » provoquera divers bouleversements, et la France, deuxième puissance maritime après les États-Unis, se doit d’être un acteur incontournable dans tous les débats que suscitera cette transformation.
Notre pays peut jouer ce rôle à partir de Saint-Pierre-et-Miquelon, à travers les installations portuaires comme par l’action de l’État en mer dans cet espace. Port d’intérêt national, Saint-Pierre doit devenir une base avancée du trafic maritime, dans le secteur marchand comme dans le domaine de la défense. À cette fin, des moyens matériels et humains devront être mis en œuvre. La construction d’un sémaphore et sa mise en service, l’acquisition de moyens de surveillance doivent, à cet égard, être élevées au rang de priorités.
Par sa position géographique, l’archipel dont je suis issue est un formidable atout pour la France dans le cadre de l’économie bleue dont il faut poser les bases. Les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon seraient heureux d’y œuvrer avec le Gouvernement. Par un tel travail, celui-ci émettrait un signal fort de l’intérêt qu’il porte à ce petit territoire ainsi qu’aux Saint-Pierrais et aux Miquelonnais qui y vivent.
Cela étant, dans l’immédiat, non seulement je voterai les crédits de cette mission « Outre-mer » mais j’invite tous mes collègues à faire de même ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – MM. Vincent Dubois et Hilarion Vendegou applaudissent également.)
M. André Gattolin. Bravo !
M. Jean Desessard. Nous vous suivrons !
M. le président. La parole est à M. Abdourahamane Soilihi.
M. Abdourahamane Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui se déroule dans un contexte bien particulier : rappelons qu’au cours des deux dernières sessions parlementaires, nous n’avons pu débattre des crédits consacrés à nos outre-mer en raison du rejet par le Sénat de la première partie du budget.
La mission « Outre-mer » regroupe l’ensemble des dotations allouées aux territoires ultramarins inscrites au budget du ministère des outre-mer.
Malgré la progression budgétaire annoncée, je regrette qu’aucune mesure phare ne soit prévue pour mettre les collectivités de Mayotte sur les rails de la départementalisation.
Dans le contexte précis de réduction des dépenses publiques, l’examen du présent projet de loi de finances indique que les dotations de l’État aux collectivités territoriales baisseront non de 11 milliards d’euros, mais de 28 milliards d’euros d’ici à 2017. Ce sont les chiffres réactualisés par le président Jacques Pélissard le 24 novembre dernier, lors du congrès des élus d’outre-mer.
L’État veut forcer les collectivités territoriales à faire des économies. Il considère qu’elles sont, elles aussi, responsables du déficit public. Ce n’est pas totalement faux, j’en conviens.
Je me garderai bien de risquer le moindre propos excessif à cette tribune, au sein d’une assemblée qui a toujours témoigné son attachement aux collectivités territoriales. Toutefois, je me permettrai de reprendre les mots très émouvants qu’a prononcés le représentant des maires de Mayotte, en évoquant les difficultés subies par notre département en matière scolaire.
Il disait que les écoles mahoraises sont dans un état de délabrement, menaçant ainsi la sécurité des enfants. À ces problèmes s’ajoutent les difficultés d’alimentation auxquelles sont confrontés nos jeunes. La République ne peut admettre une telle situation.
Mes chers collègues, je vous renvoie à ce discours tenu lundi dernier, qui a subitement relégué au second rang le problème de l’immigration, véritable fléau que l’on ne peut manquer d’aborder lors des grands rendez-vous ; la récurrente question de la vie chère, qui frappe de plein fouet les outre-mer ; la difficile mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires dans les communes de Mayotte, comme sur l’ensemble du territoire national ; la montée très inquiétante de la délinquance juvénile, conséquence directe des problématiques que je viens de rappeler, et dont procède un phénomène nouveau, la multiplication des mineurs isolés – en avril 2013, notre regretté Défenseur des droits, Dominique Baudis, dont l’action appelle de ma part un hommage appuyé, a consacré un excellent rapport à cette question, qui avait déjà été examinée ici même.
Cette idée de réduction des dotations va à l’encontre de la volonté affichée par l’actuel gouvernement de poursuivre, selon la progression prévue, les grands chantiers de la départementalisation.
Cette campagne de restrictions financières, lancée en 2013, n’a pas empêché les collectivités d’augmenter globalement leurs dépenses, et pour cause : la mise en œuvre de leurs nouvelles responsabilités les a conduites à assumer de nouvelles missions. Eh oui, madame la ministre, conformément au principe de libre administration des collectivités locales, il ne peut y avoir de liberté sans responsabilité ni de responsabilité sans moyens. Le cadre juridique de l’article 73 de la Constitution doit être pleinement respecté.
Pour compenser la baisse des recettes de l’État, c’est l’impôt qui est appelé au secours. Il convenait d’assurer l’équilibre entre, d’une part, cette diminution de dotations de l’État et, d’autre part, les dépenses des communes, du conseil général de Mayotte et des groupements constitués par ces collectivités.
Je le signale à cet égard : j’ai moi-même été cosignataire d’un courrier rédigé à la demande du président du conseil général, insistant sur les difficultés d’application de certaines mesures législatives dans un contexte particulier.
Dois-je rappeler qu’au cours des travaux interministériels destinés à préparer l’ordonnance fiscale du 19 septembre 2013, les élus mahorais ont été tenus à l’écart des discussions budgétaires ? Sur un tel fondement, le processus de dialogue ne pouvait qu’être mal engagé, alors même que le Président de la République entendait faire du dialogue territorial un instrument de gouvernance.
Pourtant, en 2013, dans le cadre du projet d’ordonnance fiscale, notre conseil général le précisait clairement, dans un avis adressé au Gouvernement : « Cette ordonnance n’a pas suffisamment pris en compte la situation particulière de Mayotte, le besoin de la progressivité et l’exigence de l’adaptabilité ».
Les choix en matière de fiscalité locale entraîneront de lourdes pertes de pouvoir d’achat, notamment pour les propriétaires mahorais ne disposant que de faibles revenus. En effet, la vulnérabilité des ménages mahorais à l’imposition doit être prise en compte.
La première difficulté majeure posée par l’ordonnance fiscale, qui produit ses effets depuis le 1er janvier 2014, est le niveau trop élevé des taxes foncières.
Le mécanisme proposé pour la fixation des taux a pour base le montant moyen du rôle des autres départements d’outre-mer pour chaque taxe directe locale. Or, à Mayotte, le PIB est trois fois inférieur à la moyenne des autres DOM, et la proportion de propriétaires y est bien plus élevée qu’ailleurs. Une réaction de rejet est d’autant plus à craindre de la part de la population que la régularisation foncière est loin d’être achevée, et que les Mahorais craignent que la réforme fiscale ne se révèle, au total, un outil d’expropriation de leurs terrains familiaux.
J’ajoute que le tissu économique privé est très peu développé à Mayotte, parce qu’il apparaît bien fragile.
Il est donc essentiel que des emplois soient massivement créés au cours des années à venir, afin que l’on puisse offrir des débouchés à la très jeune population mahoraise qui arrive déjà sur le marché du travail.
Certes, l’ordonnance fiscale instaure un dispositif au service du développement économique et de la formation, en créant à Mayotte une zone franche d’activité comparable à celles qui existent dans les autres DOM. Mais l’année de référence de sa création est 2014. Or nous savons que la durée est un élément décisif du soutien au développement économique d’un territoire.
Mes chers collègues, le contexte démographique et social de Mayotte exige la mise en place d’un dispositif jouant pleinement ce rôle de stimulation du dynamisme économique.
Nous savons les difficultés que traverse la société mahoraise. La situation budgétaire critique dans laquelle se trouvent nos collectivités locales nous oblige à réagir.
Aujourd’hui, madame la ministre, je vous interpelle afin que le Gouvernement engage de véritables mesures, dont les effets dureront dans le temps, au lieu de multiplier de petits actes destinés à colmater les brèches, en revalorisant simplement telle ou telle action. (Mme Catherine Procaccia ainsi que MM. Michel Magras et Guillaume Arnell applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien sûr, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, et face à la nécessité qui s’impose au Gouvernement de réduire le déficit, on ne peut qu’apprécier que les crédits de la mission « Outre-mer » affichent une légère hausse et qu’ils n’aient pas subi, comme d’autres missions, des « coups de rabot ».
Bien sûr, on peut constater que la programmation triennale mentionne une hausse des crédits de 4,7 %. Mais est-ce encore suffisant ?
Après une baisse de 4,3 % en 2014, le budget global de l’ensemble des missions alloué à la Guyane subit cette année une nouvelle diminution, de l’ordre de 3,8 %. Ces réductions de crédits ont nécessairement un impact sur la vie quotidienne des Guyanais.
Les problèmes de sécurité, évoqués il y a quelques instants, ne sont plus à démontrer.
Chacun le sait, la Guyane accuse encore un retard de développement. Nombre de ses habitants n’ont pas accès aux équipements de base, à l’eau potable et à l’électricité.
Au surplus, les carences de l’aménagement du territoire y entravent grandement la circulation des biens et des personnes. Pour aller d’un bout à l’autre du département, les seuls moyens de transport sont l’avion ou la pirogue, faute de routes.
Parallèlement, à l’heure où le Gouvernement lance une grande consultation sur la prochaine loi numérique, avec un plan pour le très haut débit en France, je ne peux que rappeler qu’une grande partie de la Guyane n’est toujours pas connectée.
Alors que depuis Kourou, nous mettons sur orbite les satellites aux technologies les plus avancées, notre territoire recèle encore trop de zones blanches, sans internet, sans réseau mobile. Une action majeure et forte du Gouvernement doit être menée en ce sens.
J’en viens maintenant à la mission « Outre-mer » et aux crédits alloués à la Guyane. Je reconnais l’effort qui est fait, puisque ceux-ci s’élèvent à 189 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 3,2 % par rapport à la loi de finance initiale de 2014.
Je constate, en effet, que les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » sont en hausse de plus de 13 % pour la Guyane. Ce budget de plus de 50 millions d’euros sur l’année doit justement permettre de faciliter l’accès des populations au logement, à l’école et aux infrastructures.
Concernant la politique du logement, je prends également acte de la hausse de 3 % des crédits du programme 109 « Aide à l’accès au logement » pour la Guyane.
Dans le cadre du programme 138 « Emploi en outre-mer », le Gouvernement prend sa part dans l’effort de relance de la compétitivité de nos entreprises, en augmentant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en lui affectant un taux supérieur à celui de l’Hexagone. Avec un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi à 9 % dans le cadre de la déclinaison du pacte de responsabilité, nous espérons que nos entreprises pourront trouver de nouvelles marges de manœuvre pour créer des emplois. Nous voulons le croire, car nous en avons cruellement besoin : le taux de chômage atteint 25 % sur le territoire, et avoisine 50 % pour les jeunes.
Ces nouvelles peuvent donc être appréciées, mais elles doivent s’accompagner de mesures fortes pour lutter contre la vie chère et contre certaines aberrations économiques. À titre d’exemple, lorsqu’un Guyanais achète de la viande de bœuf produite en Argentine – nous sommes en Amérique du Sud –, ou des fruits cultivés au Chili, ceux-ci ont transité par Rungis ! Le coût économique et environnemental d’une double traversée de l’Atlantique est absurde, et cela doit être revu.
Aussi, madame la ministre, compte tenu des efforts sur le budget de cette mission, je le voterai. Mais je souhaite alerter le Gouvernement sur l’urgence d’un plan massif d’aide au développement pour la Guyane afin de rattraper le retard pris et de renforcer la place de la France et de l’Europe dans la compétition économique de la zone Amazonie et de l’Amérique du Sud. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Fontaine.
M. Michel Fontaine. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen du budget du ministère des outre-mer, qui nous réunit aujourd’hui, est l’occasion pour nous, parlementaires ultramarins, d’évoquer avec solennité la situation de nos territoires.
Je voudrais à ce titre, madame la ministre, insister sur le contexte économique et social particulier de nos outre-mer, et notamment de La Réunion. Sur notre île, le taux de chômage est extrêmement préoccupant, puisqu’il est proche de 30 % et qu’il frappe près de 60 % des 15-24 ans, qui sont donc coupés du marché du travail. Ces chiffres sont les plus élevés d’Europe !
Créer des emplois durables, c’est-à-dire des emplois dans les entreprises, est plus que jamais indispensable, bien plus que ces emplois d’avenir, contrats aidés, précaires, et dont l’avenir est malheureusement incertain. Pourtant, dans un contexte général de faible compétitivité et d’accumulation des déficits, avec une économie qui tourne au ralenti, la confiance des acteurs économiques n’est pas là. Ils ne peuvent donc ni investir ni embaucher. C’est encore une fois le chômage qui gagne !
Aussi, face à ce tableau déjà sombre, la décision de l’exécutif de réduire les dotations de l’État aux collectivités locales va non seulement placer celles-ci face à des difficultés financières majeures, mais va aussi emporter des conséquences en termes d’investissements et donc d’emploi.
Aussi, j’aimerais vous alerter sur les conséquences de la décision de baisser la dotation générale de fonctionnement, la DGF, même si notre assemblée en a minoré l’ampleur. D’ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler que la DGF n’est pas une obole, mais une juste et nécessaire compensation des compétences transférées, dont le nombre ne cesse d’augmenter.
Vous avez décidé que les collectivités devront fonctionner avec 3,7 milliards d’euros en moins en 2015, alors qu’une baisse de 1,5 milliard d’euros est déjà intervenue en 2014. C’est d’autant plus alarmant que leurs charges augmentent, comme cela a été rappelé cette semaine dans cet hémicycle.
Vous n’êtes pas sans savoir que nos collectivités sont très sensibles à tout désengagement financier de l’État. Toute mesure prise au niveau national a encore plus d’écho dans nos territoires et peut rapidement menacer un équilibre économique précaire. Les collectivités n’auront donc pas d’autre choix que de sacrifier leurs dépenses d’investissement face à cette réduction drastique et inédite de leurs ressources.
Or une baisse de l’investissement des collectivités parallèle à celle des dotations et des recettes sera particulièrement préjudiciable à l’activité économique et donc à l’emploi dans nos territoires, notamment dans le secteur du BTP, dont le chiffre d’affaires est alimenté à près de 80 % par la commande publique à La Réunion.
La diminution des budgets locaux de fonctionnement menacera également le monde associatif et les services à la population, exposant ainsi des populations déjà fragiles, et pèsera sur l’entretien des différents équipements. Attention à ne pas menacer notre cohésion sociale ! À La Réunion, je le rappelle, la pauvreté touche 46 % de la population.
Je me devais d’aborder ces points ici, aujourd’hui, car ce sujet est vraiment alarmant pour les collectivités de La Réunion. Celles-ci subissent une triple peine : la baisse des dotations de fonctionnement, l’impossibilité d’augmenter la fiscalité locale du fait de l’overdose fiscale et une situation économique et sociale plus dégradée qu’en métropole.
En second point, je souhaite évoquer la question du traitement des déchets et de la préservation de l’environnement à La Réunion.
Alors que le Gouvernement promeut la réduction et la valorisation des déchets, notre île a en effet atteint une étape charnière pour mener à bien ses projets en la matière. Le contexte est tout à fait singulier dans la mesure où 80 % des déchets produits sont enfouis, sur un territoire insulaire de 2 500 kilomètres carrés.
Grâce à leur forte volonté d’action dans ce domaine, les collectivités ont réagi en créant un syndicat mixte de traitement des déchets prenant en charge 60 % des déchets du territoire de La Réunion et devant proposer à la population les outils performants de traitement du XXIe siècle. Des interrogations apparaissent néanmoins quant aux modalités de l’accompagnement de l’État en l’espèce. Celles-ci sont capitales pour l’avenir de la politique de gestion des déchets à La Réunion.
Les autorisations d’enfouissement prenant fin en 2015, où allons-nous ? Il n’y a aucune visibilité ! Quels seront les sites et les modèles retenus ? Quelle est la volonté du Gouvernement ?
L’État doit s’engager fermement en proposant un accompagnement fort, et doit s’impliquer aux côtés des collectivités locales et de leurs établissements en tenant compte des disparités territoriales et des difficultés insulaires. Cette filière est créatrice d’emplois et il est primordial que des solutions pérennes soient mises en œuvre.
Pour en revenir au budget de votre ministère, madame la ministre, il est vrai qu’il est globalement préservé. Les dotations de cette mission sont presque stables, avec des crédits de paiement qui augmentent de façon presque symbolique de 0,3 % par rapport à 2014. Toutefois, cette mission ne représente que 15 % de l’ensemble des crédits de l’État à destination de l’outre-mer.
Les contraintes budgétaires déjà évoquées et la nécessité de maîtriser la dépense publique ne doivent pas occulter les mesures qui doivent être prises pour renforcer la compétitivité de nos territoires, surtout du fait de leur environnement régional.
Enfin, je regrette avec mon collègue Didier Robert la diminution des crédits affectés à la continuité territoriale. Je souhaite qu’un effort significatif de l’État soit engagé, afin de préserver ce dispositif ainsi que les dotations allouées au RSMA.
L’essentiel, vous l’aurez compris, est de redonner à nos territoires cette confiance qui manque tant ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le vote de la loi de finances est un temps fort de notre activité parlementaire, surtout en ces temps de crise économique. L’effort fourni par tous les Français depuis 2011 commence à produire des résultats. En effet, le déficit public qui atteignait 4,9 % du PIB en 2012 sera sans doute de 4,3 % en 2015.
C’est donc dans ce contexte sensible et contraint de retour à l’équilibre des finances publiques que nous sommes amenés à étudier les crédits relatifs aux outre-mer.
Nos territoires ultramarins connaissent depuis plusieurs années, et notamment depuis 2009, une crise économique touchant tous les secteurs, qui les précipite au bord de l’explosion sociale. Le chômage atteint des sommets vertigineux, dépassant 25 % et frôlant même 60 % chez les jeunes, ses principales victimes. Pour la Martinique, que je représente, ce taux est supérieur à 26 %.
Ces difficultés se retrouvent également dans d’autres domaines tout aussi essentiels, comme celui de la justice, avec une situation de surpopulation carcérale, sans commune mesure avec celle que connaît l’Hexagone.
Mme Cécile Cukierman. C’est exact !
M. Maurice Antiste. Je pourrais encore citer beaucoup d’autres exemples, comme celui des secteurs sanitaire ou social.
Je me réjouis cependant de constater que, pour la troisième année consécutive, le budget du ministère de l’outre-mer est en hausse, avec plus de deux milliards d’euros en crédits de paiement pour 2015, même si les autorisations d’engagement connaissent, elles, une légère baisse. Celle-ci restera sans réelle conséquence puisque les prévisions d’augmentation de 4,7 % sur le budget triennal 2014–2017 sont tenues.
De la même manière, le relèvement du plafond de réduction d’impôt, qui passe de 10 000 euros à 18 000 euros dès 2015 pour l’investissement dans le logement locatif intermédiaire en outre-mer constitue sans nul doute une excellente nouvelle. Il en va de même de la hausse des crédits consacrés au service militaire adapté portés à 3 millions d’euros pour un objectif de 6 000 jeunes formés chaque année d’ici à 2017, et du maintien de la ligne budgétaire unique pour un montant de 141 millions d’euros destinés à la construction et à la réhabilitation de logements sociaux.
Enfin, je ne peux que saluer l’effort du Gouvernement concernant la majoration du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pour les entreprises situées dans les départements d’outre-mer, et ce à hauteur de 7,5 % dès 2015, puis à 9 % en 2016.
Cette majoration représente en effet une aide non négligeable pour les entreprises et un outil en plus pour le retour à l’emploi et à la croissance. Je suis satisfait, au surplus, de son extension au crédit d’impôt recherche. N’est-il pas possible, toutefois, d’élargir cette mesure au crédit d’impôt innovation pour les PME, qui en ont aussi vraiment besoin, notamment en outre-mer ?
Ce budget apporte ainsi la preuve que le Gouvernement reste, malgré les circonstances et la situation de l’économie nationale et mondiale, très attaché à ses territoires ultramarins et demeure mobilisé pour les aider et les accompagner.
Après ces quelques observations, je voudrais souligner mon inquiétude quant à la baisse des crédits alloués à la continuité territoriale et au Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI.
Sur le premier point, nous nous accordons tous sur la nécessité de réformer l’aide à la continuité territoriale afin de l’orienter principalement vers les demandeurs d’emplois, les familles aux revenus modestes et les étudiants. Elle n’a pas vocation à financer les vacances annuelles des foyers aisés !
Toutefois, madame la ministre, j’attire votre attention sur le risque qu’une telle réforme n’exclue des citoyens encore nécessiteux. J’attends de votre part une affirmation et un engagement sans faille à maintenir une vigilance accrue dans la mise en œuvre nouvelle de cette dotation.
Concernant le second point, nous assistons à une baisse du montant alloué au Fonds exceptionnel d’investissement, qui passe de 50 millions d’euros en 2013 et en 2014 à 40 millions d’euros en 2015. Je ne peux masquer mon incompréhension face à cette diminution puisque, dois-je le rappeler, le Président de la République, François Hollande, s’était engagé à l’abonder de 500 millions d’euros entre 2012 et 2017, une promesse très forte faite à l’époque à l’outre-mer. Or, aujourd’hui, la dotation du FEI pourrait atteindre 230-240 millions d’euros, un montant bien éloigné des 500 millions d’euros évoqués. Dès lors, que pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quant au recul du Gouvernement sur ce sujet ?
Il va de soi que la teneur de mes propos traduit ce que sera mon vote ! (Mmes Maryvonne Blondin et Karine Claireaux ainsi que M. Jacques Gillot applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Félix Desplan.
M. Félix Desplan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte rigoureux de retour à l’équilibre budgétaire, je salue la volonté du Gouvernement de préserver les outre-mer. Ce n’est que justice, car nos territoires doivent faire face à de fortes difficultés économiques et sociales, dues à des contraintes d’éloignement, au différentiel de coût du travail avec leurs voisins, à des évolutions démographiques spécifiques et, pour certains d’entre eux, à de lourdes pressions migratoires.
Madame la ministre, vous avez su obtenir des arbitrages favorables, ce dont nous nous félicitons.
Je souhaite, pour ma part, formuler des observations sur cinq points.
Le premier point a trait au logement. Je salue votre souhait de maintenir un rythme élevé de production de logements sociaux, tant les besoins sont considérables. Or on assiste à une chute de la programmation des nouvelles opérations, en raison de l’interprétation qui est faite des dispositifs de financement : les aides de l’État au logement social outre-mer sont placées sous l’égide des aides à finalité régionale, les AFR, alors qu’elles devraient relever, comme celles de l’Hexagone, du régime des services d’intérêt économique général, les SIEG, exemptés de notification à Bruxelles.
L’équilibre de nombreuses opérations a été d’autant plus compromis que, dans le cadre des lignes directrices concernant les AFR, les « plafonds d’intensité d’aide » ont été baissés. Pour la seule Guadeloupe, un millier de logements sont bloqués !
La France a communiqué à la Commission européenne sa volonté de faire dépendre ses aides du régime des SIEG, mais la situation n’aurait pas évolué depuis lors. Il est donc indispensable qu’une instruction soit donnée aux directions concernées pour libérer la délivrance des agréments fiscaux aux opérations en cours d’instruction ou qui sont prêtes à démarrer, avec le maintien des plans de financement initiaux.
Quant au secteur libre du logement, il est atone. Aussi, je me réjouis de la décision de placer la réduction d’impôt Pinel outre-mer sous le plafond spécifique de 18 000 euros, prévu jusqu’à présent pour les autres investissements outre-mer.
Le deuxième point concerne la formation des jeunes, tant touchés par le chômage. Je sais que c’est l’une des priorités de votre ministère. Dans les choix difficiles qui ont dû être faits, vous avez privilégié, en matière de continuité territoriale, les jeunes qui veulent poursuivre leur formation ou qui doivent passer des examens.
Par ailleurs, vous respectez vos engagements pour le SMA, le service militaire adapté. C’est absolument indispensable, je le souligne, car ce dispositif fonctionne très bien. L’objectif de 6 000 contrats doit être atteint durant ce quinquennat, tout en maintenant la durée et la qualité de la formation.
Le troisième point est relatif au Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, dont vient de parler mon collègue Maurice Antiste.
Je regrette la baisse de 10 millions d’euros des autorisations d’engagement. En Guadeloupe, par exemple, la plupart des établissements scolaires restent encore à mettre aux normes sismiques, alors que l’on réserve le « fonds Barnier » prévu à cet effet aux collectivités ayant obtenu un accompagnement du ministère des outre-mer au titre du FEI.
Le quatrième point, et non des moindres, concerne les prisons et, plus particulièrement, la maison d’arrêt de Basse-Terre. Louis Mermaz l’a qualifiée de « bagne » et Louis Le Pensec parlait de « la honte de la République ».
À l’heure actuelle, subsiste encore à Basse-Terre, dans un environnement vétuste et déplorable, un encellulement en dortoirs. Compte tenu de l’absence de travail ou d’activité, de dix à douze détenus sont contraints d’y demeurer entassés près de vingt heures par jour !
Au regard de cette situation inhumaine, je regrette que les prisons de Guadeloupe n’aient pas été retenues parmi les établissements concernés durant les trois premières années du plan d’amélioration et de construction des prisons. J’espère que cette prison de plus de deux siècles sera reconstruite dans un avenir proche.
Je ne saurais conclure mon propos sans faire état d’une désagréable surprise; voire de la consternation de la Guadeloupe, depuis que le projet de reconstruction du CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes a été retiré de l’ordre du jour du COPERMO, le comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers, qui devait le valider le 25 novembre dernier. Nous n’avons pas eu d’explication à ce revirement inopiné. Pourtant, en juillet dernier, la ministre de la santé avait qualifié ce projet d’« enjeu majeur au plan national » !
Nous, élus guadeloupéens, demandons solennellement que la programmation annoncée pour cette reconstruction soit respectée !
Quoi qu’il en soit, je voterai, bien entendu, les crédits de la mission « Outre-mer ». (Mmes Maryvonne Blondin et Karine Claireaux ainsi que M. Guillaume Arnell applaudissent.)