M. François Patriat, rapporteur spécial. Merci, monsieur le ministre !

M. François Rebsamen, ministre. Enfin, des questions ont été posées, notamment par Mme Schillinger et M. Kern, sur la coordination des politiques de l’emploi au niveau régional.

Oui, j’en suis persuadé, il est nécessaire d’avancer vers une meilleure coordination des acteurs du service public de l’emploi et une meilleure prise en compte des réalités territoriales dans l’action.

L’État, qu’on le veuille ou non, est et restera tenu par nos concitoyens pour responsable des résultats en matière de lutte contre le chômage, et doit donc conserver les leviers lui permettant d’exercer cette responsabilité.

La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale apporte déjà de nouvelles possibilités en matière de coordination, qui devront être mises en œuvre à partir du début de 2015. Elle prévoit une coordination renforcée des politiques d’emploi et de formation professionnelle, et la mise en œuvre d’une nouvelle gouvernance régionale de ces politiques entre l’État, la région et les partenaires. Ainsi seront mis en place les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, les CREFOP, qui seront coprésidés par le préfet de région et le président du conseil régional.

Le développement de la contractualisation entre l’État, les régions et les opérateurs du service public de l’emploi constituera le socle de la coordination de leurs interventions et de la mise en cohérence de leurs moyens d’intervention.

Il faut bien mesurer – et je remercie les rapporteurs de l’avoir fait – ce que ces efforts représentent dans un contexte contraint. Ils sont, je le crois, à la hauteur de l’enjeu. Et nous agissons, comme en témoigne ce budget de mobilisation contre le chômage et de préparation de l’avenir, qui met l’accent sur des accompagnements qualitatifs indispensables au retour à l’emploi.

Formation professionnelle, apprentissage, telles sont les clefs pour l’emploi de demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

travail et emploi

Travail et emploi - Compte d'affectation spéciale : Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Article 62

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Travail et emploi

11 959 888 454

11 377 810 323

Accès et retour à l’emploi

7 950 912 976

7 650 010 118

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

3 111 079 965

2 875 884 552

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

133 539 318

81 617 591

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

764 356 195

770 298 062

Dont titre 2

628 490 760

628 490 760

 

Mme la présidente. L’amendement n° II-175, présenté par M. Karoutchi, Mme Procaccia et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

 

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

                   

1 581 923 333

                     

501 730 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Dont Titre 2

Total

1 581 923 333

501 730 000

Solde

- 1 581 923 333

- 501 730 000

 

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Le groupe UMP veut aider le ministre. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Nous avons en effet compris qu’il était un homme d’une grande rigueur lorsqu’il a lui-même admis que la politique menée par le Gouvernement en matière de chômage était un échec.

Pourquoi voulons-nous l’aider ? Je reprendrai les propos tenus par une oratrice socialiste, qui disait que le dispositif des contrats aidés dans le secteur marchand fonctionnait bien, donnait des résultats et permettait d’intégrer dans l’emploi. Nous avons bien la preuve que ce dispositif contribue à réduire le chômage des jeunes.

En revanche, s’agissant du secteur non marchand – je le dis d’autant plus facilement, monsieur le ministre, que tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont mis en place des contrats aidés en tout genre, pour le secteur associatif, pour la fonction publique, pour les collectivités locales… –, tous les rapports publiés depuis trois ou quatre ans indiquent que ce système ne marche pas.

Certes, il arrive que certains retrouvent un emploi… Mais, selon la DARES, si les deux tiers des contrats aidés du secteur marchand aboutissent à l’intégration dans l’emploi, dans le secteur non marchand, à l’inverse, les deux tiers de ces contrats aboutissent au chômage.

De la même manière, le dispositif demeure très faible en termes de formation : un tiers seulement des personnes ayant bénéficié de ces contrats disent avoir suivi une véritable formation.

On sait bien, en réalité, qu’il faudrait rapatrier les crédits que vous continuez de consacrer massivement au secteur non marchand vers le secteur marchand.

Il est vrai, monsieur le ministre, qu’il est plus facile de doter les associations, les collectivités locales, le secteur public… Mais cela ne correspond plus à rien !

Vous ne pouvez pas dire, d’un côté, aux collectivités locales que vous allez leur donner des crédits pour les emplois aidés, et, de l’autre, que lesdites collectivités cumulent trop de dépenses de fonctionnement et qu’il faut réduire – ce que vous faites, d’ailleurs ! – la dotation que l’État leur accorde.

Suivant jusqu’au bout notre logique, nous proposons par cet amendement de diminuer de 501,7 millions d’euros les crédits de paiement consacrés aux contrats aidés dans le secteur non marchand. Les éléments d’information dont nous disposons, qu’ils proviennent de la DARES, de la Cour des comptes ou d’autres organismes, indiquent en effet que, si ces contrats avaient quelque efficacité dans ce secteur il y a dix ou vingt ans, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les raisons en sont simples : le secteur associatif, qui connaît des difficultés, ne crée plus d’emplois ; quant aux collectivités locales, elles ne sont plus en situation de multiplier les contrats.

Par conséquent, monsieur le ministre, adaptons-nous à la réalité ! Et puisque vous êtes un homme attaché à la réalité, que vous savez dire les choses telles qu’elles sont, nous proposons de vous rendre 500 millions d’euros pour les mettre sur ce qui marche : les contrats aidés dans le secteur marchand ! Cela fera plaisir aux entreprises – et le Gouvernement aime les entreprises, il le dit tous les jours ! –, cela fera plaisir aux jeunes qui trouveront enfin un emploi au terme de leur contrat aidé, et cela nous évitera les stages parking, qui sont un désastre pour ce pays ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas examiné cet amendement, mais M. le ministre vient d’exposer sa volonté de poursuivre ces contrats aidés, même si leurs résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espérances, ainsi que l’évoquait à l’instant avec humour M. Karoutchi, et je l’en remercie.

Pourtant, même si M. Karoutchi vient d’une grande région et moi d’une plus petite, nous savons tous deux fort bien que lorsque nous accompagnons les contrats aidés, nous le faisons non pas de façon massive, mais d’une manière intelligente. Dans nos communes, intercommunalités, et départements, ces contrats rendent d'abord un grand service à leur public, les jeunes éloignés de l’emploi, dont ils facilitent l’insertion.

À titre personnel, je soutiendrai donc la position du Gouvernement et serai par conséquent défavorable à l’amendement n° II-175.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Comme toujours, je me suis plu à écouter M. Karoutchi ! Sa présentation était très habile…

M. Jean Desessard. Trop habile !

M. François Rebsamen, ministre. … quoique légèrement pernicieuse ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Absolument pas !

M. François Rebsamen, ministre. Disons qu'elle était légèrement pernicieuse, et, en effet, peut-être un peu trop habile ! (Nouveaux sourires.)

Vous-même, monsieur Karoutchi, avez souligné qu’un effort important est déployé en direction du secteur marchand, puisque l’on passe de 40 000 à 80 000 contrats. Je crois sincèrement qu’augmenter encore, brutalement, le nombre d’emplois dans le secteur marchand créerait un effet d’aubaine incontestable. Or nous ne voudrions surtout pas nous exposer ainsi à une critique que vous ne manqueriez pas, alors, de nous adresser…

Finalement, j’aurais tendance à vous soupçonner de vouloir désarmer la politique de l’emploi que nous portons. (M. Roger Karoutchi marque son désaccord.) Je me permets de le dire, car la politique des emplois aidés a été profondément changée depuis 2012. Avant, ces contrats étaient très courts, et ils étaient mobilisés dans les périodes pré-électorales, comme je l’ai rappelé tout à l'heure. Ainsi, 225 000 contrats d’une durée de six mois ont été conclus au cours du premier semestre 2012, sur l’initiative de l’un de mes prédécesseurs – que j’apprécie par ailleurs…

Vous le voyez, ces contrats aidés ont été très utilisés, et ils présentent une utilité concrète pour les publics les plus fragiles. Ils s’adressent à des jeunes – le cadre des emplois d’avenir a été rappelé – dont 80 % n’ont pas le baccalauréat, et à des publics très éloignés de l’emploi. Ces contrats sont donc utiles, à condition que leur durée soit allongée pour permettre à leurs bénéficiaires d’acquérir une vraie formation, comme on l’a dit.

C'est pourquoi nous avons demandé de poursuivre l’effort jusqu’à ce que la durée de ces contrats atteigne un an. J’y veille chaque mois au cours de rencontres avec les préfets, et nous en sommes aujourd'hui à 11,3 mois. Cet effort est donc très important.

Je me rappelle, monsieur Karoutchi, avoir participé avec l’ancien Président de la République au « Grenelle de l’insertion »…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C'est une référence !

M. François Rebsamen, ministre. …, qui se déroulait à Dijon. J’y ai assisté, à l’époque, en tant que maire. Il se trouve que la demande faite au Président de la République était alors d’allonger la durée des contrats aidés pour qu’ils deviennent de véritables outils de retour à l’emploi.

Alors, monsieur Karoutchi, je vous en supplie, retirez votre amendement ! (Sourires.) Vous ne pouvez pas laisser ainsi attaquer la politique de l’emploi ! À défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Les sénateurs ici présents ont tous diverses responsabilités ; pour ma part, je suis président d’une mission locale. Les remarques de Roger Karoutchi sont justes. Ne pourrait-on pas changer un peu d’objectif, cesser de solliciter le public et le parapublic ? Même certains collègues du groupe socialiste, avec qui nous discutons, préfèreraient un dispositif vraiment orienté vers les entreprises.

De fait, monsieur le ministre de l’emploi, nous vivons un paradoxe : pour l’économie et pour la compétitivité des entreprises, de l’avis de tous les économistes, les salaires sont globalement trop élevés dans ce pays. Pourtant, même avec 5 millions de chômeurs, aucune contrainte ne s'oppose à ce que les salaires du secteur privé progressent plus rapidement que l’inflation. On peut le déplorer, mais ce problème est indéniable !

M. Jean Desessard. Cela concerne les cadres !

M. Francis Delattre. À partir de ce constat, essayons d’imaginer des dispositifs un peu plus subtils. Nous sommes d’accord pour que des moyens soient engagés dans la lutte contre le chômage. Mais je crois qu’il faut les cibler vers les entreprises.

Aujourd'hui, quel est le problème ? Notre secteur privé est très protégé, et les jeunes ont beaucoup de mal à obtenir de vrais emplois. Malgré tout ce qui existe dans le secteur public et dans le secteur parapublic, pour eux, l’eldorado, c'est le CDI dans une entreprise !

Par ailleurs, les entreprises ont du mal à embaucher les jeunes qui débutent parce que les premiers salaires sont trop élevés. Alors, monsieur le ministre, pourquoi ne mettrions-nous pas au point un dispositif réservé au secteur privé en vertu duquel 70 % ou 75 % de la rémunération serait à la charge de l'entreprise, une aide de l’État venant la compléter pour atteindre le niveau du SMIC, soit un salaire décent ?

C'est le système allemand ! Vous pouvez demander à mon collègue Jean Germain : nous sommes d’accord pour réorienter les emplois aidés vers les entreprises ! (Sourires.) Le problème est de leur faire confiance, car le système des aides publiques est complètement à bout de souffle. Ici, il ne s'agirait pas de faire des cadeaux aux entreprises, mais d’offrir à ces jeunes, les deux premières années, un système leur permettant d’obtenir directement de vrais emplois et, par la même occasion, de recevoir aussi une formation de ces entreprises.

On le sait très bien, même avec des contrats d’apprentissage de bon niveau, on ne devient pas rentable du jour au lendemain pour l'entreprise qui vous embauche. Si l’on veut vraiment prendre en considération l’accès des jeunes aux emplois, il faut donc résorber la contradiction résultant d’une augmentation trop rapide des salaires au regard de ce que peuvent payer les entreprises, et de la nécessité, pour les jeunes, d’y trouver un emploi.

Voilà pourquoi nous souhaiterions que tous ces moyens soient orientés différemment. Je pense que l’on pourrait vraiment y travailler sérieusement. On nous dit que nous n’avons jamais de proposition, eh bien, en voilà une qui mériterait, selon moi, que M. le ministre s’y intéresse…

Je me permettrai enfin d’ajouter que, d’une manière générale, cet effort en direction du secteur non marchand constitue une erreur de ciblage, au même titre que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Et ce sont ces problèmes de ciblage, dont le constat traverse tous les partis politiques, qui desservent votre action, monsieur le ministre !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Les écologistes défendent sur ce point la politique du Gouvernement.

D’abord, comme l’a dit M. le ministre, les contrats visés permettent le retour à l’emploi de leurs bénéficiaires. C'est important ! Pour eux, un emploi représente une avancée bien réelle, et pas un parking ! Bien sûr, on peut ensuite s'interroger sur la transformation de l’emploi ainsi attribué, mais, en attendant, son bénéficiaire est réinséré dans la société et reprend goût au travail.

Ensuite, contrairement à ce que pourraient laisser entendre certains propos, les nombreux services rendus par les associations sont parfois aussi intéressants que ceux rendus par les entreprises ! Certes, il faut distinguer les associations qui développent une activité économique autonome de celles dont l’existence est conditionnée par des subventions. Mais toutes remplissent un rôle social important.

Enfin, je crois plus à l’utilité des crédits destinés aux contrats aidés qu’à ceux du CICE ! Le calcul est simple – vous l’avez dit tout à l'heure. On estime que les 66 milliards d’euros devant être débloqués pour le CICE d’ici à 2017 devraient créer 400 000 emplois. On atteint ainsi près de 165 000 euros par emploi créé, ce qui est plutôt onéreux pour le budget de l’État, et il n’est même pas certain que tous ces emplois seront créés ! Il se dirait en effet que l’on commence déjà à trouver toutes les bonnes excuses pour utiliser cet argent à autre chose, par exemple pour augmenter les salaires…

Par contre, avec les emplois aidés dans le secteur non marchand, les embauches sont directes, avec la garantie d’assurer un service social ou public.

Pour ces raisons, les écologistes voteront contre l’amendement n° II-175.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Je précise d’emblée que cette explication vaudra aussi pour l’amendement n° II-71 en ce qu’il vise, comme l’amendement n° II-175, à réduire le nombre de certains contrats aidés, et que notre groupe votera contre ces deux amendements.

L’amendement n° II-71 de la commission des finances tend ainsi à revenir sur un amendement présenté et voté par la majorité de l’Assemblée nationale, donc issu de l’expérience de terrain.

Il est excessif de se livrer à la critique de dispositifs qui sont pourtant utilisés depuis longtemps – trop longtemps sans doute – par nombre de collectivités et d’associations.

Les contrats d’accompagnement dans l’emploi ont pourtant le grand mérite de s’adresser à des personnes souvent très éloignées de l’emploi. Quant aux emplois d’avenir, ils s’adressent à des jeunes qui sont souvent sortis sans aucun diplôme du système scolaire. C’est le cas de 41 % d’entre eux, et 42 % ont un CAP ou un BEP.

Dans les deux cas, ces contrats sont donc destinés à des personnes en difficulté et, d’une manière ou d’une autre, en décrochage par rapport à la vie professionnelle, avec un risque réel de désinsertion sociale.

Les CUI-CAE – les contrats uniques d’insertion-contrats d’accompagnement dans l’emploi – et les emplois d’avenir ont donc un premier objectif : remettre en activité leurs bénéficiaires, leur redonner confiance et leur permettre de recevoir enfin à nouveau un salaire. Ce premier point est fondamental. Ces personnes sont utiles et le ressentent. La valeur de leur existence est reconnue grâce à un travail dans une équipe. Elles perçoivent un salaire à la fin du mois, et c’est un pas vers le retour à la confiance en soi.

S’agissant maintenant de l’insertion à l’issue du contrat, il convient de rétablir une vérité qui a pu être malmenée par des gens de mauvaise foi.

Il faut aussi tenir compte d’un élément important : les bénéficiaires des contrats dans le secteur marchand sont souvent mieux armés pour reprendre un emploi dont la finalité, pour l’entreprise, est la rentabilité. Plus « employables » au départ, il est normal qu’ils aient un meilleur taux d’insertion durable à l’arrivée, et nous en sommes tous très heureux.

Néanmoins, 89 % des emplois d’avenir dans le secteur non marchand sont à temps plein, pour une durée moyenne de vingt-cinq mois. On constate que le taux de rupture à un mois est de 4 %, et qu’il atteint 8 % au bout de six mois. À titre de comparaison, on atteint les 20 % chez les jeunes qui sont en entreprise, y compris en contrat d’apprentissage, ce qui ne manque pas d’interroger. Il y a donc chez les jeunes une véritable motivation pour saisir la chance qui leur est offerte.

Pour le CAE, la critique porte sur l’accès à l’emploi durable à l’issue du contrat : 36 % d’accès à l’emploi et 22 % dans l’emploi durable. Il est vrai que 90 % des embauches en entreprise se font aujourd’hui en CDD, mais ce ne sont pas les bénéficiaires du CAE qui sont responsables de cette situation anormale. Faut-il pour autant priver ces derniers de la possibilité d’accéder à l’emploi ?

Le véritable sujet est celui de la qualification et de la formation. C’est évidemment là qu’il faut faire porter l’effort. Des actions d’accompagnement professionnel sont présentes dans 93 % des emplois d’avenir, et 38 % proposent une formation qualifiante. C’est encore trop peu, mais les moyens des missions locales ont été logiquement renforcés pour améliorer cette situation.

Il faut rappeler aussi que, pour les CAE, l’employeur doit garantir aux salariés le bénéfice d’actions d’orientation, de formation et de validation des acquis. Le salarié est suivi par un tuteur. Il peut aussi être placé auprès d’un employeur tiers pour une période d’immersion d’un mois.

Les contrats aidés du secteur non marchand, dont l’Assemblée nationale a voulu augmenter le nombre, ne sont donc pas, comme certains voudraient le faire croire, des mesures de traitement statistique du chômage. Ils ont un objectif à la fois sociétal et économique.

Dans un environnement global difficile et un contexte budgétaire contraint, nous soutenons le choix d’en renforcer le nombre. Et si nous devions formuler un souhait, ce serait que le Gouvernement mette l’accent sur les actions de qualification et de formation, en relation avec les organismes de formation et les branches professionnelles.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.

M. Jean Germain. Bien évidemment, je voterai contre cet amendement, mais sans m’en satisfaire totalement.

Monsieur Karoutchi, je me souviens tout de même qu’au mois de novembre 2010, alors que nous examinions le projet de budget pour 2011, M. Xavier Bertrand, alors ministre du travail, avait proposé une diminution de 25 % du nombre de contrats aidés. Il avait alors justifié sa décision par les arguments que vous venez de développer.

À la télévision, le 11 février 2011, le Président de la République de l’époque, M. Nicolas Sarkozy – vous pourrez vérifier mes dires –, avait prôné une augmentation du nombre de contrats aidés, qu’il considérait comme insuffisant. Par conséquent, ce qui était vrai au mois de décembre se révélait faux au mois de février. Il avait finalement incité le Parlement à modifier les choses, en affectant 500 millions d’euros à la création rapide d’un certain nombre de ces contrats.

Selon moi, le sujet du chômage de masse, qui touche des millions de Français et d’Européens, mérite mieux que cela ! Les personnes qui sont au chômage, ou les autres, ceux qui ont peur d’y être, nous regardent. Peu à peu, ils choisissent l’abstention ou le vote Front national, qui a désormais une fonction tribunitienne que d’autres exerçaient auparavant.

Nous le savons très bien, pour lutter contre le chômage, nous avons besoin à la fois de mesures économiques actives et d’un traitement social. Effectivement, M. Delattre l’a dit, je milite pour que les acteurs politiques et syndicaux de notre pays parviennent à traiter ces sujets sans s’invectiver, en évitant de fonder leur argumentation sur de fausses réalités. Cet amendement en est un exemple.

Tous les gouvernements, y compris leurs plus grands responsables, ont créé des emplois aidés. Alternativement, ils ont été pour puis contre. Le résultat, c’est que le chômage augmente et que les gens ne croient plus en nous. À un moment donné, il faut sortir d’une telle situation et avoir le courage de dire qu’il faut une politique active et des traitements sociaux, en définissant les points sur lesquels les principaux partenaires pourraient se mettre d’accord.

Monsieur Delattre, je répète donc bien volontiers les propos que j’ai tenus devant la commission des finances. J’ai l’impression que, de toute façon, les événements nous contraindront un jour à parcourir ce chemin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. François Rebsamen, ministre. Très bonne intervention !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Le groupe UDI-UC soutiendra cet amendement. Pour autant, nous ne sommes pas opposés aux dispositifs de contrats aidés. Il en faut, parce que l’action publique peut favoriser la réinsertion professionnelle de certains publics éloignés du travail, en apportant des réponses à des besoins sociaux identifiés. Mais telle n’est pas la priorité aujourd'hui.

Il convient d’abord, en effet, de restaurer la confiance des entrepreneurs pour qu’ils puissent relancer l’économie et apporter ainsi une réponse durable au problème du chômage, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Aujourd'hui, si l’économie est en panne, c’est parce que les entrepreneurs n’ont pas confiance, qu’ils ne sentent pas une véritable volonté des pouvoirs publics de les soutenir. Nous devons donc envoyer plus de signes positifs aux entreprises, et les accompagner.

Par conséquent, le groupe UDI-UC plaide plutôt pour une baisse assez significative des charges, mais pas dans le cadre du CICE, qui crée un niveau de contraintes extrêmement pesant. Ainsi, ce dispositif ne permet-il pas de restaurer la confiance, les entreprises n’y croyant pas suffisamment.

Il faut donc instaurer un mécanisme beaucoup plus simple et lisible. De cette manière, nous pourrons enfin apporter un élément de réponse positif au problème crucial du chômage.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Mon intervention vaudra pour l’ensemble des amendements déposés sur cet article. Je ne reprendrai plus la parole ensuite, ce qui permettra de raccourcir nos débats.

Mon groupe votera contre tous ces amendements, à l’exception de l’amendement n° II-87 rectifié, proposé par M. Godefroy et relatif aux maisons de l’emploi. En revanche, nous nous abstiendrons lors du vote de l’amendement de M. Desessard, puisque nous ne sommes pas favorables, a priori, à une ponction sur l’AGEFIPH. Si toutefois cette ponction devait se faire, nous soutiendrions la précision contenue dans cet amendement.

Pour en revenir à l’amendement n° II-175, nous voterons bien évidemment contre. Pour autant, je l’ai dit tout à l’heure, nous ne sommes pas favorables aux contrats aidés, dans la mesure où, depuis plus de vingt ans, les contrats aidés successifs ont finalement accompagné l’augmentation du chômage. Une telle politique n’est donc pas la bonne pour maintenir l’emploi !

J’ai aussi entendu parler de restauration de la confiance. Pour le coup, avec le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité, si les entreprises ne sont pas encore satisfaites, je ne sais pas ce qu’il faut faire ! Peut-être revenir à l’esclavage ? (Exclamations.)

Mme Catherine Procaccia. Je pense qu’on va entendre ce refrain tous les jours !

Mme Annie David. Ce serait un bon moyen, pour les entreprises, de trouver des salariés corvéables à merci, travaillant dans n’importe quelles conditions, flexibles et mobiles, puisque ce sont les nouveaux termes qu’il faut désormais employer. Heureusement, en France, il y a encore des droits attachés aux salariés et aux entreprises !

J’ai entendu dire tout à l’heure que les salaires étaient trop élevés en France. Mes chers collègues, j’aimerais vous voir travailler, alors que l’âge de la retraite approche, dans une entreprise pour un salaire d’environ 1 500 euros nets par mois, proche du SMIC, après avoir passé plus de trente ans de votre vie de salarié à respecter votre emploi et votre employeur !

Peut-être certains salaires sont-ils trop élevés, mais il y a aussi, très certainement, des dividendes trop importants, dont le coût sur le travail est bien plus lourd que celui des salaires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je m’abstiendrai sur cet amendement, pour une raison très simple.

J’estime que, dans la période extrêmement difficile que nous traversons – chacun l’a très bien décrite ce matin –, il est délicat de déshabiller Pierre pour habiller Paul, chacun essayant de faire de son mieux.

Je sors d’une série d’entretiens avec des associations d’insertion et d’économie solidaire de mon bon département de l’Orne, notamment Jardins dans la ville, qui œuvre à Argentan, une cité totalement sinistrée. Ces dernières s’occupent de gens marginalisés, qui passent à travers les mailles du filet des systèmes de récupération sociale, pour tenter désespérément de les réintroduire dans le marché de l’emploi.

Évidemment, il faut développer la formation, donner confiance aux entrepreneurs et faciliter l’application des normes sociales et de sécurité, afin que les chefs d’entreprises puissent embaucher plus facilement. On connaît tous ces problématiques. Selon moi, on ne peut pas supprimer dans de telles conditions les budgets de cette mission, uniquement au profit du secteur marchand. Sans le système associatif, les choses seraient encore plus difficiles.

Bien que je le comprenne, je ne peux donc pas soutenir complètement cet amendement. C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai.