Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, cela a été dit, le budget alloué à la mission « Travail et emploi » reste globalement stable par rapport à la loi de finances pour 2014, avec une baisse de seulement 3 %. Il s’établit ainsi à 11,2 milliards d’euros.
Nous pourrions passer de longs moments à commenter la légitimité de ce montant, que ce soit en souhaitant que plus de moyens soient alloués à la mission afin de faire face à la montée du nombre de chômeurs, ou en donnant la priorité à la réduction des déficits. En ce qui me concerne, je centrerai mon propos sur la politique de l’emploi menée actuellement.
Pôle emploi est un acteur incontournable. Chargée de l’indemnisation des chômeurs, mais aussi du retour de ces derniers dans l’emploi, cette institution doit être un levier important des politiques publiques conduites en la matière. Or, depuis quelques mois, la parole gouvernementale au sujet de Pôle emploi est focalisée sur un seul axe : le contrôle accru des chômeurs.
Monsieur le ministre, vous ne verrez pas de haine à la commissure de mes lèvres,…
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Heureusement !
M. Jean Desessard. … car je vous connais bien, mais vous verrez de la déception dans les pupilles de mes yeux ! (Sourires. –Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.) Oui, votre communication m’a déçu. Le 2 septembre, vous avez déclaré que vous alliez demander à Pôle emploi de « renforcer les contrôles pour être sûr que les gens cherchent bien un emploi ». Cette mission nécessite, selon vous, un « état d’esprit différent, des convocations et des vérifications [...]. Sinon on est radié. » Pour justifier ce renforcement des contrôles, vous dressez le constat que, en France, 350 000 emplois ne trouvent pas preneur.
D’où ma double déception, monsieur le ministre. Il se trouve que, en prévision du débat que nous avons eu dans cet hémicycle le 12 juin dernier, j’avais mené des auditions avec des représentants des syndicats, des organisations patronales, des mouvements de chômeurs et de Pôle emploi. Il était ressorti de ces auditions que les causes des difficultés à pourvoir certains emplois étaient multiples : le contexte économique, qui peut empêcher une entreprise de mener à terme un processus de recrutement, l’image du poste ou de la filière, qui peut rebuter les candidats, les conditions de travail, le salaire ou encore des compétences qui ne correspondent pas au poste.
Monsieur le ministre, au cours du débat, je vous avais parlé des maçons. On entend partout que l’on ne peut trouver de maçon. Or, en me rendant sur le site de Pôle emploi, j’avais constaté qu’il y avait énormément de demandes d’emploi de maçon un peu partout en France. Je vous avais même indiqué le chiffre dans votre département. J’espère que vous avez résolu le problème.
M. Roger Karoutchi. Il a acheté une truelle ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Étaient-ce des annonces dépassées ? Le problème est-il résolu ? Peut-être considérez-vous que, les départements n’ayant plus les moyens d’investir, ce n’est pas la peine de recruter des maçons, car ils ne seront pas utilisés… Avez-vous avancé, monsieur le ministre ?
M. Roger Karoutchi. Alors ?
Mme Catherine Procaccia. On va tous se former à la maçonnerie !
M. Jean Desessard. Normalement, un débat doit permettre d’engager une politique.
Je vous ai dit à l’époque qu’il nous manquait un tableau de bord, un GPS, pour identifier précisément la contribution de chacune des causes au total des emplois non pourvus et ainsi déterminer les besoins de formation. Nous en étions incapables. J’ignore si nous en sommes davantage capables aujourd'hui. Vous consacrerez certainement quelques secondes de votre intervention de vingt minutes à ce sujet...
Il est faux de dire qu’un renforcement des contrôles au sein de Pôle emploi permettra de pourvoir les postes plus efficacement. Cette vision que vous avez introduite – vous le regrettez peut-être – a pour seuls effets de stigmatiser encore plus les chômeurs en renforçant le mythe de l’assistanat, de compliquer leur recherche d’emploi en multipliant les procédures et de les fragiliser encore plus en faisant planer la menace d’une radiation. Qui peut croire que le problème du chômage sera résolu par la seule volonté du chômeur de retrouver un emploi, comme si ce problème ne dépendait pas de facteurs économiques ?
Qui sont réellement les chômeurs visés par les procédures de radiation ? De juin 2013 à octobre 2014, une expérimentation sur le contrôle des chômeurs a été menée au sein de Pôle emploi. Au-delà des pourcentages bruts de radiation, qui ont été largement repris dans la presse et ne veulent pas dire grand-chose, il convient de se pencher sur la situation des chômeurs radiés. On s’aperçoit que 63 % des sanctions concernent des demandeurs d’emploi ayant une ancienneté d’inscription à Pôle emploi de plus de un an. On s’aperçoit aussi que 55 % des personnes radiées sont en fin de droits et ne touchent donc plus d’indemnités. Ces chiffres sont symptomatiques d’une véritable détresse, d’un découragement contre lequel on ne peut pas lutter avec des contrôles renforcés.
De l’autre côté du marché de l’emploi, les entreprises, qui ont reçu près de 20 milliards d’euros grâce au CICE, n’ont, quant à elles, aucune obligation de recrutement, et aucun contrôle n’est effectué en brandissant la menace d’une suppression des aides. Je n’ai pas le temps de m’attarder sur le CICE ; je me contente donc de souligner que, à nos yeux, une véritable politique créatrice d’emplois implique la conditionnalité de chaque euro d’argent public versé aux entreprises. Les aides, ciblées, doivent servir uniquement à créer des emplois stables, en contrat de travail à durée indéterminée, ou CDI, et si possible dans des secteurs d’avenir.
Vous n’avez pas repris le principe de la conditionnalité des aides, monsieur le ministre. Nous avons du mal à comprendre quelles sont vos priorités. C'est pourquoi nous nous abstiendrons lors du vote sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon les prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, publiées cette semaine, le taux de chômage en France devrait passer à 10,1 % fin 2015, avant une légère baisse à 10 % fin 2016.
Bien évidemment, personne ne se satisfait de ces prévisions. Néanmoins, le chiffre record de 3,43 millions de demandeurs d’emploi en 2014 est le résultat de l’échec des politiques menées par les gouvernements successifs. Pourtant, les crédits de la mission « Travail et emploi » diminueront de 13,8 % entre 2014 et 2017, ce qui représente 1,5 milliard d’euros de moins en quatre ans, alors que ce budget aurait dû être à la hauteur des enjeux pour les millions de femmes et d’hommes en situation précaire et privés d’emplois.
Les crédits en faveur de l’accès et du retour à l’emploi sont en baisse. Le Gouvernement anticiperait d’éventuels effets positifs sur l’emploi du pacte de responsabilité et du CICE. Il va sans dire que le groupe CRC aurait préféré que le Gouvernement attende que l’impact de ces dispositifs sur l’emploi soit effectif et avéré pour réduire la dotation de certaines mesures de retour à l’emploi.
Si nous savons que vous partagez notre souci de lutter contre le chômage, monsieur le ministre, nous pensons que le pacte de responsabilité et le CICE, que vous avez mis en place, ne sont pas les bonnes solutions. En effet, ces mesures sont coûteuses et n’ont jamais prouvé leur efficacité pour créer de l’emploi. Bien au contraire : dans son rapport sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises, Michelle Demessine dénonce la course sans fin à la baisse des salaires et le manque de développement des entreprises, de l’emploi et des qualifications.
Il paraît également nécessaire de conditionner les aides perçues par les entreprises à une véritable création d’emplois. Nous regrettons fortement de ne disposer d’aucun chiffre à ce sujet. Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC se sont adressés au préfet de leur département pour obtenir des informations, mais ils ont reçu une fin de non-recevoir. Monsieur le ministre, cela n’est pas acceptable : la représentation nationale est en droit de disposer de ces informations.
Porter une politique d’emploi ambitieuse, c’est tout d’abord se préoccuper des jeunes. Ils sont notre avenir, et nous avons le devoir de leur offrir des perspectives et de leur permettre de s’insérer durablement sur le marché du travail. Or les dispositifs temporaires et précaires que vous souhaitez pérenniser ne constituent pas la réponse à ces impératifs. Actuellement, seuls 10 % des emplois d’avenir débouchent sur un CDI, les 90 % restants débouchant sur un contrat de travail à durée déterminée, ou CDD. Les dispositifs précaires que sont les contrats de génération, les emplois d’avenir et la « garantie jeunes » ne permettent pas l’insertion professionnelle durable des jeunes, qui est pourtant la seule réponse ambitieuse à nos yeux.
Porter une politique d’emploi ambitieuse, c’est aussi anticiper et accompagner les conséquences des mutations économiques et le développement de l’emploi. Or les crédits consacrés à ces enjeux ont diminué de 22,5 % par rapport à 2014. Vous expliquez cette baisse par le transfert de la politique de formation professionnelle aux régions, mais aussi par les mauvais résultats du contrat de génération : alors que vous tabliez sur 100 000 aides au titre de ce contrat, il y en aura seulement 46 800, soit environ la moitié.
De même, les crédits alloués à la GPEC sont en forte baisse. Or les évolutions du marché du travail et les tensions qu’elles génèrent nécessitent d’être anticipées afin que les salariés puissent être formés. Les dispositifs de GPEC et d’engagement de développement de l’emploi et des compétences, ou EDEC, sont donc indispensables, notamment pour les seniors, et doivent être renforcés. Une politique ambitieuse aurait fait le choix de maintenir ces crédits et de les transférer à ces missions, plutôt que de les supprimer.
D’autres mesures de votre budget, monsieur le ministre, ne vont pas dans le sens d’une véritable ambition pour l’emploi.
Je pense notamment aux maisons de l’emploi et de la formation, qui doivent bénéficier de moyens à la hauteur des enjeux pour mener à bien leurs missions. Or elles subissent une réduction drastique de leurs crédits depuis la loi de finances pour 2014.
Ces structures sont pourtant au cœur des dispositifs territoriaux et disposent d’une expertise importante en matière d’emploi et de formation. Il importe de pérenniser leurs financements pour leur permettre de travailler sur le long terme. Nous y reviendrons dans le débat avec les amendements déposés, notamment celui de notre collègue Jean-Pierre Godefroy.
Je pense encore aux services de Pôle emploi et des missions locales, qui doivent fonctionner à budget constant alors que de nouvelles responsabilités leur sont constamment confiées. Ainsi, comme en 2014, les missions locales doivent non seulement ouvrir 50 000 nouveaux contrats, mais elles ont également un stock de plus de 150 000 contrats à gérer. Il en est de même pour Pôle emploi, qui, après des baisses d’effectif continues, doit dorénavant renforcer le contrôle des chômeurs, mesure que nous contestons par ailleurs, mais qui figure bien dans ses nouvelles attributions.
Par ailleurs, monsieur le ministre, comme M. le rapporteur pour avis l’a rappelé, ce budget est la consécration de la suppression des élections prud’homales, puisqu’il affiche 100 millions d’euros sur cinq ans en moins comme résultat de cette suppression. Nous sommes ici même intervenus avec force pour refuser cette suppression et nous constatons que ce recul démocratique permet surtout de réaliser de petites économies sur le budget, mais avec des conséquences néfastes très importantes sur les droits des salariés, ce que nous ne pouvons accepter.
Enfin, cette mission « Travail et emploi » comporte deux articles additionnels. En premier lieu, l’article 62 prévoit une contribution de l’AGEFIPH au financement des contrats aidés, à hauteur de 29 millions d’euros. Sachant qu’il y a 423 000 personnes handicapées privées d’emploi, il est malvenu de priver l’AGEFIPH d’une partie de ces ressources, surtout que ces dernières proviennent de l’inobservation, par les entreprises, de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés. Il est donc logique et nécessaire que cette contribution revienne à ces personnes, et tout particulièrement à leur insertion durable sur le marché du travail.
L’article 63, quant à lui, concerne l’apprentissage. Il a été introduit par vous, monsieur le ministre, en séance publique, alors que ce sujet appelait une réflexion globale, notamment sur la place de l’État en matière d’apprentissage, sur un véritable statut de l’apprenti, ou encore sur la rémunération de ces jeunes en fonction du diplôme préparé. Vous souhaitez parvenir à 500 000 apprentis à l’horizon 2017. Chiche ! Seulement, vous ne pouvez conditionner éternellement cette réflexion à une hypothétique concertation au niveau interprofessionnel.
Pour l’ensemble de ces raisons, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe CRC considère que les crédits de la mission « Travail et emploi » sont largement insuffisants, ce qui nous conduira à voter contre.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme tous les gouvernements depuis vingt ans, le gouvernement de M. Valls a annoncé urbi et orbi que la politique de l’emploi serait sa priorité, et le Président de la République, comme ses prédécesseurs, nous promet pour chaque fin d’année l’inversion de la courbe du chômage. Nous partageons bien évidemment ces objectifs.
Il faut reconnaître que certains dispositifs pourraient aller dans le bon sens : les contrats de génération, le développement de l’apprentissage en mixant l’école et l’entreprise, l’aide pour l’emploi des personnes handicapées en encourageant leur recrutement.
Malheureusement, un grand nombre de choix politiques, notamment en matière économique, rendent ces actions inefficaces, voire contre-productives. Soyons clairs : les 11 milliards d’euros dédiés à cette mission « Travail et emploi » ne régleront pas la question de l’emploi, ou plutôt du chômage en France. Pis, ces milliards n’empêcheront sans doute même pas la dégradation du marché de l’emploi, car, pour cela, il faudrait changer de modèle.
C’est par un retour à une véritable politique économique nationale, fondée sur un protectionnisme intelligent, que nous pourrons retrouver le chemin de la croissance, et donc de l’emploi. Or notre pays n’a pratiquement plus de leviers pour atteindre ses objectifs économiques : vous les avez tous transférés, mes chers collègues, aux bureaucrates de Bruxelles !
Souverainetés monétaire, budgétaire, migratoire, diplomatique et même militaire : vous avez abandonné, par idéologie, l’ensemble de nos moyens d’action, de nos capacités à agir par et pour nous-mêmes, à des organisations supranationales, antidémocratiques, car non élues, appliquant avec zèle les dogmes de l’euromondialisme.
Aujourd’hui, devant le désastre économique, social, et surtout humain, vous en êtes réduits à attendre notre salut de Jean-Claude Juncker et ses quelque 21 milliards d’euros, qu’il transforme, par la force de la salive, en un pactole illusoire de 315 milliards d’euros. Il s’agit bel et bien d’un écran de fumée pour tenter de sauver – pour combien de temps encore ? – votre système aujourd’hui à bout de souffle.
À ce protectionnisme intelligent, à ce rejet de la concurrence déloyale venue de l’extérieur, une mesure de bon sens, de bon père de famille, qu’est la priorité nationale permettrait, à compétences égales, de faire bénéficier nos compatriotes d’abord des emplois dont ils ont besoin et dont ils sont scandaleusement privés par une concurrence déloyale venue, si j’ose dire, de l’intérieur.
À la politique d’immigration massive exigée par le grand patronat et exécutée depuis quarante ans par les gouvernements tant de droite que de gauche, l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy a ajouté, comme une double peine, la politique d’immigration choisie, laquelle place désormais nos compatriotes les plus diplômés dans une compétition intenable. Les étrangers diplômés acceptant de travailler pour un salaire au rabais, l’immigration choisie entraîne un phénomène d’émigration de nos élites vers le continent nord-américain, la Grande-Bretagne, ou encore l’Australie.
Protectionnisme intelligent et priorité nationale sont aujourd’hui des mesures de justice sociale et de véritables moteurs pour la création d’emplois.
Enfin, il apparaît franchement, au-delà du contexte économique, qu’il est plus que temps de remettre totalement à plat le mode de représentation actuel des salariés. Outre les abus, dont la presse se fait l’écho, ou, plus grave, les malversations, aujourd’hui sous le regard de la justice, qu’il entraîne, il est clair que ce monopole de représentativité, qui n’est plus justifié, conduit à une défense faussée des intérêts salariaux et empêche toute réforme en profondeur.
Pour conclure, je dirai que, une nouvelle fois, vous vous contentez d’ajustements à la marge, sans entreprendre de réformes de fond. Ce n’est pas ainsi que vous allez redonner à chacun de nos compatriotes cet emploi qui leur permettrait de participer pleinement à la vie de la cité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on aurait pu s’attendre à ce que la mission « Travail et emploi » bénéficie d’un effort exceptionnel au vu de la situation dramatique de l’emploi en France, constat qui a été corroboré, hier encore, par la publication des chiffres du chômage du mois dernier. On aurait aussi pu s’attendre à ce que les réformes structurelles soient enfin engagées. Il n’en est rien !
Les crédits de la mission, tels qu’ils étaient prévus dans le projet de loi de finances initial, s’établissaient à un peu plus de 11 milliards d’euros, en baisse de 3 % par rapport à 2014, soit une perte de 1,6 milliard d’euros sur trois années. Certes, l’Assemblée nationale a modifié ces crédits, mais le texte que vous avez présenté révèle votre intention initiale réelle.
La réduction des crédits s’explique non pas seulement par le souci de redressement des finances publiques, mais aussi par la confiance que le Gouvernement place dans les retombées de sa politique économique, comme il est expliqué dans la présentation budgétaire : le pacte de responsabilité et de solidarité doit conduire à relancer la croissance et l’emploi.
Hélas ! les effets du pacte ne sont pas vraiment prévisibles et, de toute façon, ne se feront sentir qu’en 2016. En outre, son financement n’est pas clairement fléché et va peser sur le déficit public.
Il faut craindre qu’une nouvelle fois le chef de l’État ne soit dans le déni, comme il l’était déjà lorsqu’il répétait régulièrement la fameuse et dorénavant célèbre promesse sur «l’inversion de la courbe du chômage ».
Par ailleurs, alors que l’on constate une baisse globale des crédits de la mission, le Gouvernement choisit de cibler une augmentation de certaines aides, mais ces postes ne sont pas forcément ceux que l’on espérait, puisque le quart de la mission « Travail et emploi » concerne les contrats aidés. Qui plus est, ce sont les contrats aidés du secteur non marchand qui ont été priorisés.
On connaît pourtant l’inefficacité de ces contrats en période de crise et de déficit public, car ils ne débouchent pas, ou peu, sur des emplois pérennes. C’est le secteur privé qui offre non seulement des débouchés aux contrats aidés, mais également des statuts moins précaires. Je crois, monsieur le ministre, que vous en êtes convaincu.
Les études sur le sujet sont unanimes : pour parvenir à une insertion durable, les contrats aidés doivent à la fois assurer une formation exigeante et être créés dans des secteurs pourvoyeurs d’emplois.
J’aurais pu évoquer les rapports de la Cour des comptes ou du Conseil d’analyse économique, mais je m’en tiendrai au dernier bilan de la DARES sur les contrats aidés conclus en 2012 : six mois après la fin de leur contrat, 66 % des personnes sorties d’un contrat d’insertion du secteur marchand avaient un emploi, généralement conclu en CDI. Elles étaient seulement 36 % dans le secteur non marchand. En outre, ce taux descend à 22 % pour l’accès à un emploi durable.
Souvenons-nous des débats sur les emplois d’avenir. Notre groupe dénonçait déjà la politique à court terme du Gouvernement. La suite nous a donné raison, les collectivités peinant à créer des postes, ou se heurtant au manque de qualification des demandeurs.
Le seul effet sur le chômage a été de pouvoir sortir des chiffres de Pôle emploi les personnes en contrat d’accompagnement dans l’emploi, en emploi d’avenir ou en contrat de génération.
Pourtant, le PLF pour 2015 a prévu le financement de 80 000 contrats dans le secteur marchand, contre 270 000 dans le secteur non marchand. L’Assemblée nationale a même accentué ce déséquilibre en adoptant un amendement tendant à créer 45 000 contrats supplémentaires : 30 000 postes dans le secteur non marchand et 15 000 emplois d’avenir, eux-mêmes orientés vers le secteur non marchand.
Une telle augmentation des crédits est étonnante : nous ne savons aucunement à quoi ils correspondent, en tout cas pas à des besoins réels, et ils viennent creuser un peu plus le déficit public. Ils sont avant tout le reflet d’une idéologie, dont les tenants se refusent à admettre que ce sont les entreprises qui sont facteurs à la fois de richesse et d’emplois dans un pays. Néanmoins, comme le Gouvernement ne s’y est pas opposé, on peut même penser qu’il est à l’origine de cette initiative ! Courage, fuyons !
Nous dénonçons aujourd’hui ces incohérences en déposant des amendements visant à revenir sur cette décision des députés et sur le montant des crédits consacrés aux contrats aidés du secteur non marchand.
J’ajouterai que les contrats aidés de cette législature n’ont pas rempli leur fonction de formation, condition pourtant essentielle pour parvenir à insérer dans le marché du travail des personnes ayant une faible qualification.
La même étude de la DARES souligne en effet que, malgré le renforcement des exigences en matière d’accompagnement et de formation dans le cadre du contrat unique d’insertion, seulement un tiers des sortants déclarent avoir suivi une formation. Et encore, celle-ci ne représente souvent qu’une simple adaptation au poste de travail. Les dispositifs des contrats d’insertion et des emplois d’avenir sont donc manifestement à revoir.
Coûteux, ils n’ont pas empêché le chômage de grimper à 9,7 % au deuxième trimestre 2014, comme l’ont révélé les derniers chiffres rendus publics hier. Depuis un an, le chômage n’a donc pas cessé d’augmenter.
Les fonds publics auraient été mieux employés à traiter les causes du chômage. Comme je viens de le souligner, l’une d’elles est souvent l’absence ou l’insuffisance de qualification, spécialement concernant les jeunes, pourtant déclarés publics prioritaires de cette mission. Or, selon le Conseil d’analyse économique, l’enseignement professionnel par l’alternance est encore trop peu développé et trop difficile d’accès pour les jeunes non qualifiés.
Certes, dans ce projet de loi de finances, une prime de 1 000 euros est accordée aux employeurs d’apprentis. Cette prime, d’abord réservée aux très petites entreprises, les TPE, a heureusement été étendue aux entreprises de moins de 250 salariés.
Mais il ne faut pas oublier que cette prime a été créée l’année dernière pour compenser, très partiellement, une mesure désastreuse prise dans le projet de loi de finances pour 2014, comme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales l’a bien rappelé : la division par deux du crédit d’impôt apprentissage.
Malgré un discours favorable à l’apprentissage, le chef de l’État s’est désengagé et n’a fait que mener une politique de stop and go dans le but de réaliser des économies et de financer les contrats aidés du secteur non marchand, ce qui a eu des effets déplorables.
Ces signaux contradictoires sont une des causes essentielles de la désaffection des entrepreneurs pour la prise en charge d’apprentis, ce qui est tout à fait regrettable. De ce fait, l’apprentissage a plongé de 8 % entre 2012 et 2013 et de 14 % depuis le début de l’année 2014. J’espère qu’un rebond se produira. Si le Gouvernement a heureusement revu sa copie, je regrette le caractère tardif de ce repentir qui, de toute façon, ne vient pas rétablir le montant initial des incitations.
Décidément, le Gouvernement fait appel à des économistes, mais il a du mal à suivre leurs avis ! Il est vrai que ceux-ci viennent contredire la plupart du temps les principes idéologiques de la majorité : je pense notamment au coût du travail, aux 35 heures, à la flexibilité – sur laquelle un rapport a été remis hier – et, surtout, à notre système éducatif. Vous comprendrez que, dans ces conditions, notre groupe ne votera pas les crédits de la mission, qui reproduisent les mêmes erreurs, à moins que nos amendements ne soient adoptés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » traduit une fois de plus l’engagement du Président de la République et du Gouvernement de faire de la lutte contre le chômage une priorité. En effet, en cette période de forte contrainte budgétaire, le budget reste globalement stable, puisqu’il diminue seulement de 3 %.
Avec les emplois d’avenir, le pacte de compétitivité, les accords sur la sécurisation de l’emploi, la création de la Banque publique d’investissement et le contrat générationnel, le Gouvernement témoigne de sa volonté de faire de la lutte contre le chômage et la précarité sa priorité. Il a démontré son engagement fort en faveur de l’emploi. Nous ne devons pas oublier que les crédits destinés au travail et à l’emploi depuis 2012 sont plus élevés qu’auparavant.
Je me félicite de la mobilisation en faveur de l’accès et du retour à l’emploi, illustrée par le programme 102 qui regroupe les deux tiers des crédits de la mission. Les crédits destinés à ce programme sont en progression de 3,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Ainsi, 50 000 contrats aidés seront créés en 2015 et 15 millions d’euros sont destinés à renforcer les moyens des missions locales qui suivent les jeunes.
Les contrats aidés sont donc confortés avec 270 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi, 80 000 contrats d’insertion dans l’emploi, soit un doublement par rapport à 2014. Le Gouvernement poursuivra également son effort en faveur des contrats de génération.
Je tiens à souligner ici l’importance des contrats aidés dans le secteur marchand et salue le choix du Gouvernement qui, dans ce projet de loi de finances pour 2015, a décidé de donner plus de poids aux contrats aidés dans ce secteur. Selon une étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, six mois après la fin de leur contrat, 66 % des personnes sorties d’un contrat unique d’insertion dans le secteur marchand ont un emploi, contre seulement 36 % des personnes sorties d’un contrat aidé du secteur non marchand.
Comme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Forissier, je déplore que, dans les 45 000 contrats aidés supplémentaires prévus par un amendement adopté par l’Assemblée nationale, il n’ait pas été envisagé de contrats aidés supplémentaires dans le secteur marchand, car il est essentiel de poursuivre la dynamique engagée dans ce secteur afin de soutenir les petites entreprises.
Je me réjouis par ailleurs des mesures en faveur des personnes handicapées qui seront financées à hauteur de 350 millions d’euros, soit 13 millions d’euros de plus qu’en 2014.
Face au chômage persistant, il était impératif que le soutien de l’État à Pôle emploi demeure inchangé. Avec des crédits d’un montant de 1,519 milliard d’euros et l’embauche de 4 000 salariés supplémentaires en contrat à durée indéterminée, les moyens de Pôle emploi seront ainsi renforcés.
J’en profite pour souligner l’importance que revêt pour notre pays la nécessité de refonder les modalités de pilotage des politiques de l’emploi.
Dans mon rapport intitulé Les collectivités territoriales et l’emploi : bilan d’un engagement, j’ai souligné les difficultés liées à la multiplication des acteurs dans les politiques de l’emploi menées au niveau des territoires. L’emploi mobilise un trop grand nombre d’acteurs : l’État, Pôle emploi, les partenaires sociaux, les chambres consulaires, les collectivités territoriales, etc. Le paysage institutionnel des politiques de l’emploi menées au niveau local est devenu un véritable maquis. Les demandeurs d’emploi y perdent leurs repères, ballottés au gré des évolutions législatives et institutionnelles. La multiplicité des acteurs sur le terrain est donc contre-productive et la volonté d’une simplification de ce paysage est largement partagée.
Nous devons renforcer la place des collectivités territoriales, ou de leurs groupements, dans la gouvernance de Pôle emploi. Il apparaît donc essentiel de refonder ces modalités de pilotage au niveau local, par exemple en en confiant la responsabilité aux régions et aux intercommunalités dépassant un certain seuil démographique : sur ce point, les régions ont un rôle important à jouer. Une simplification du cadre comptable et financier des structures regroupant plusieurs instances – maisons de l’emploi, plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, ou PLIE, missions locales – pourrait également être envisagée.
Aujourd’hui, des difficultés persistent au sein de Pôle emploi, qui n’arrive pas à répondre à l’ensemble de ses missions, notamment la collecte de l’ensemble des offres d’emploi. Les entreprises n’informent pas Pôle emploi de leurs besoins en ne transmettant pas leurs annonces, alors qu’environ 400 000 emplois restent non pourvus en France.
Il faut remédier, monsieur le ministre, aux difficultés rencontrées dans la collecte des offres, en imposant qu’un seul organisme centralise toutes les offres. Dans certaines régions, Pôle emploi a délégué sa mission d’accompagnement des entreprises de l’artisanat à la chambre des métiers et de l’artisanat, compte tenu de son insuffisante spécialisation dans ce domaine : il est essentiel de clarifier la répartition des rôles de chacun, de mieux les coordonner de manière à ajuster l’offre à la demande. Il s’agit surtout de mieux faire passer l’information auprès des demandeurs d’emploi. De plus, les passerelles entre l’entreprise et l’école ne sont pas suffisamment développées.
Dans mon rapport, j’avais également évoqué la possibilité de la création d’un livret ou d’une carte individuels, afin de faciliter l’échange de données relatives aux personnes à la recherche d’un emploi. Il est particulièrement pénible, pour les demandeurs d’emploi déjà en situation difficile, d’avoir à exposer les étapes de leur parcours à chaque rencontre avec un nouvel interlocuteur. Cette carte ou ce livret donnerait les informations nécessaires aux acteurs de l’emploi sur la formation ou les formations suivies par le demandeur d’emploi.
Pour finir, je salue les dernières avancées en matière d’apprentissage, grâce, entre autres, au financement de la prime de mille euros élargie à tout recrutement par les entreprises de moins de 250 salariés et à la consolidation des missions et des moyens des régions dont les ressources sont en augmentation.
Pour conclure, on a constaté dernièrement que le PIB de la France avait progressé de 0,3 % au troisième trimestre 2014 selon l’INSEE, alors que la plupart des économistes étaient encore particulièrement pessimistes. Ce chiffre est incontestablement un encouragement à poursuivre la politique économique mise en œuvre par le Gouvernement…