M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, sur l'article.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis novembre 2012, la discussion de l’article d’équilibre du projet de loi de finances marquait le point final du débat budgétaire au Sénat.
La division de la précédente majorité sur des textes financiers considérés soit comme trop durs en recettes, soit comme trop rigides en dépenses, mais surtout fondés sur des projections trop souvent insincères, aura écourté, deux années de suite, le débat au terme de l’examen de la première partie. Cette situation, devenue préjudiciable pour l’institution sénatoriale, ne pouvait plus durer.
Sur le fond, nos débats sur la première partie ont tendu à démontrer qu’il n’y avait plus lieu de rejeter en bloc le projet de loi de finances à ce stade.
Je tiens à saluer l’existence d’un esprit de concorde et de collégialité, qui doit normalement nous permettre de dépasser ce cap et d’aborder la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances.
En effet, le rapporteur général est parvenu à ouvrir une voie raisonnable en vue d’établir une rédaction de la première partie acceptable pour la nouvelle majorité sénatoriale, sans rien concéder pour autant au Gouvernement.
Je rappelle que ce travail a été mené en bonne intelligence avec toutes les composantes de la majorité, au sein de la commission des finances et, au-delà, en séance plénière.
Le texte initial du Gouvernement, comme celui qui a été voté à l’Assemblée nationale, était pourtant loin, très loin des priorités défendues par la nouvelle majorité sénatoriale et des préoccupations immédiates de nos concitoyens.
Les propositions de la nouvelle majorité sénatoriale innovent, car elles sont gagées en dépenses, et non en recettes. J’insiste sur ce point : les amendements que nous avons adoptés jusque-là n’ont pas vocation à être financés par la hausse du prix du tabac ou par un quelconque ajustement fiscal.
C’est la raison pour laquelle nous devons impérativement examiner la seconde partie de ce projet de loi de finances, afin de mieux justifier encore le sérieux de notre travail depuis une semaine. Nous devons poursuivre le débat pour faire la démonstration de la solidité de nos propositions.
M. le président. L'amendement n° I-431, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Dans l’état A, modifier les évaluations de recettes comme suit :
I. – BUDGET GÉNÉRAL
1. Recettes fiscales
11. Impôt sur le revenu
Ligne 1101 Impôt sur le revenu
minorer de 522 000 000 €
13. Impôt sur les sociétés
Ligne 1301 Impôt sur les sociétés
minorer de 34 000 000 €
14. Autres impôts directs et taxes assimilées
Ligne 1402 Retenues à la source et prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers et le prélèvement sur les bons anonymes
majorer de 200 000 000 €
Ligne 1406 Impôt de solidarité sur la fortune
majorer de 497 000 000 €
Ligne 1499 Recettes diverses
minorer de 20 558 000 €
15. Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques
Ligne 1501 Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques
minorer de 184 400 000 €
17. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes
Ligne 1705 Mutations à titre gratuit entre vifs (donations)
majorer de 84 000 000 €
Ligne 1706 Mutations à titre gratuit par décès
majorer de 212 000 000 €
Ligne 1711 Autres conventions et actes civils
majorer de 30 000 000 €
Ligne 1713 Taxe de publicité foncière
minorer de 2 000 000 €
Ligne 1797 Taxe sur les transactions financières
majorer de 50 000 000 €
2. Recettes non fiscales
21. Dividendes et recettes assimilées
Ligne 2110 Produits des participations de l’État dans des entreprises financières
majorer de 168 000 000 €
Ligne 2116 Produits des participations de l’État dans des entreprises non financières et bénéfices des établissements publics non financiers
majorer de 182 000 000 €
25. Amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuites
Ligne 2505 Produit des autres amendes et condamnations pécuniaires
majorer de 148 000 000 €
3. Prélèvements sur les recettes de l’État
31. Prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales
Ligne 3101 Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la dotation globale de fonctionnement
majorer de 1 298 351 000 €
Ligne 3106 Prélèvement sur les recettes de l’État au profit du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)
minorer de 2 800 000 €
Ligne 3107 Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale
majorer de 21 747 000 €
Ligne 3123 Dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale
majorer de 29 426 000 €
Ligne 3124 Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle
supprimer la ligne
Ligne 3126 Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle
majorer de 32 894 000 €
Ligne 3134 rédiger ainsi l’intitulé de cette ligne :
Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle
32. Prélèvements sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne
Ligne 3201 Prélèvement sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne
minorer de 300 000 000 €
III. – COMPTES D’AFFECTATION SPÉCIALE
Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État
Ligne 07 Produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l’utilisation des bandes de fréquences comprises entre 694 MHz et 790 MHz
majorer de 100 000 000 €
IV. – COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS
Avances aux collectivités territoriales
Ligne 05 Recettes
majorer de 210 000 000 €
II. – Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
|
(En millions d’euros) |
|||
Ressources |
Charges |
Soldes |
||
Budget général |
||||
Recettes fiscales brutes / dépenses brutes |
378 137 |
395 578 |
|
|
À déduire : Remboursements et dégrèvements |
99 475 |
99 475 |
|
|
Recettes fiscales nettes / dépenses nettes |
278 662 |
296 103 |
|
|
Recettes non fiscales |
14 217 |
|
|
|
Recettes totales nettes / dépenses nettes |
292 880 |
296 103 |
|
|
À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des |
|
|
|
|
collectivités territoriales et de l’Union européenne |
72 850 |
|
|
|
Montants nets pour le budget général |
220 030 |
296 103 |
- 76 073 |
|
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants |
3 925 |
3 925 |
|
|
Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours |
223 955 |
300 028 |
|
|
Budgets annexes |
||||
Contrôle et exploitation aériens |
2 151 |
2 151 |
0 |
|
Publications officielles et information administrative |
205 |
189 |
16 |
|
Totaux pour les budgets annexes |
2 356 |
2 340 |
16 |
|
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants : |
|
|
|
|
Contrôle et exploitation aériens |
20 |
20 |
|
|
Publications officielles et information administrative |
1 |
1 |
|
|
Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours |
2 377 |
2 361 |
16 |
|
Comptes spéciaux |
||||
Comptes d’affectation spéciale |
69 510 |
68 906 |
604 |
|
Comptes de concours financiers |
113 245 |
114 261 |
- 1 016 |
|
Comptes de commerce (solde) |
|
|
156 |
|
Comptes d’opérations monétaires (solde) |
|
|
69 |
|
Solde pour les comptes spéciaux |
|
|
- 187 |
|
Solde général |
- 76 244 |
|||
|
|
|
» |
|
III. – Alinéa 5, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En milliards d’euros) |
||
Besoin de financement |
||
Amortissement de la dette à moyen et long terme |
119,5 |
|
Dont amortissement de la dette à long terme |
76,9 |
|
Dont amortissement de la dette à moyen terme |
40,2 |
|
Dont suppléments d’indexation versés à l’échéance (titres indexés) |
2,4 |
|
Amortissement des autres dettes |
0,1 |
|
Déficit à financer |
76,2 |
|
Dont déficit budgétaire |
76,2 |
|
Autres besoins de trésorerie |
1,3 |
|
Total |
197,1 |
|
Ressources de financement |
||
Émission de dette à moyen et long termes, nette des rachats |
188,0 |
|
Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement |
4,0 |
|
Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme |
0,5 |
|
Variation des dépôts des correspondants |
- |
|
Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État |
4,1 |
|
Autres ressources de trésorerie |
0,5 |
|
Total |
197,1 |
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Le présent amendement à l’article d’équilibre tend tout d’abord à tirer les conséquences des votes intervenus au cours de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2015.
Les amendements adoptés par le Sénat ont entraîné une diminution de 61 millions d’euros des recettes fiscales nettes de l’État, dont 4 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu, 34 millions d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés et 23 millions d’euros au titre des autres lignes de recettes fiscales.
L’adoption de ces amendements a conduit également à une augmentation de 1,38 milliard d’euros des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales.
Au total, les votes du Sénat entraînent une dégradation du solde budgétaire de 1 441 millions d’euros. L’examen de la première partie du projet de loi de finances par votre assemblée a donc conduit à une importante diminution de l’effort de réduction du solde budgétaire proposé par le Gouvernement.
La contribution des collectivités territoriales à cet effort a été réduite d’environ 1,4 milliard d’euros. Par ailleurs, la norme en valeur de l’État, hors concours aux collectivités, est en hausse de 0,2 milliard d’euros, du fait des modifications apportées aux plafonds des ressources affectées à divers organismes chargés de missions de service public.
La dégradation du déficit public découlant des amendements adoptés par le Sénat équivaut à près de 0,1 point de produit intérieur brut. En d’autres termes, l’année 2015 ne verra pas de diminution du déficit public.
Quant aux taux des prélèvements obligatoires, ils resteraient inchangés par rapport à la prévision actuelle du Gouvernement. L’équilibre proposé par le Gouvernement dans le mouvement de baisse des prélèvements obligatoires est donc accepté.
Au final, les votes intervenus lors de l’examen de la première partie ne remettent pas fondamentalement en cause, je dois le dire, l’orientation générale voulue par le Gouvernement.
En effet, si la réforme du bas de barème de l’impôt sur le revenu est amendée substantiellement, dans un sens que nous n’aurions pas souhaité, elle est néanmoins conservée dans les mêmes proportions.
Ensuite, le principe d’une mise à contribution des collectivités territoriales a été admis par le Sénat.
Enfin, la participation des chambres de commerce et d’industrie à la maîtrise de la dépense est également admise, la Haute Assemblée n’ayant pas remis en cause le montant du prélèvement de 500 millions d’euros.
Toutefois, si ces orientations demeurent, elles sont mises en œuvre dans un sens nettement moins protecteur des finances publiques. En effet, les objectifs du projet de loi de finances en matière de déficit public et de maîtrise de la dépense ne sont, en l’état, pas respectés.
L’examen de la seconde partie nous dira si l’équilibre financier pour 2015 sera rétabli. Il faudra alors que votre assemblée indique quelles économies doivent être réalisées pour gager la dégradation du solde constatée à l’issue de l’examen de la première partie. Je rappelle qu’il vous faudra trouver, lors de la discussion de la seconde partie, environ 1,6 milliard d’euros si vous souhaitez garantir le respect de la norme de dépense.
Cet amendement vise également à ajuster les recettes de l’État en fonction des dernières informations dont le Gouvernement dispose à ce stade du débat parlementaire : c’est l’application du principe de la sincérité budgétaire dans le déroulement de nos travaux.
Ces informations, qui conduisent à améliorer le solde budgétaire de 956 millions d’euros, se décomposent en une progression des recettes nettes et du solde des comptes spéciaux de 664 millions d’euros, en une diminution du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne de 300 millions d’euros et en une augmentation de 8 millions d’euros des dépenses nettes.
Les principales modifications sont les suivantes.
En premier lieu, les recettes issues du service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, qui traite les demandes de régularisation des avoirs détenus à l’étranger, sont revues, pour deux raisons.
D’une part, au regard des recouvrements, leur répartition entre impôt sur le revenu, impôt de solidarité sur la fortune, donations, successions et pénalités est révisée pour 2015, en cohérence avec la prévision pour 2014, d’ailleurs modifiée dans le projet de loi de finances rectificative.
D’autre part, compte tenu d’une mesure réglementaire destinée à accélérer les versements opérés par les contribuables – je rappelle qu’ils sont tenus de compléter leur dossier dans les six mois en vertu d’une disposition présentée en projet de loi de finances rectificative –, le produit du STDR est revu à la hausse à hauteur de 400 millions d’euros pour 2015.
En deuxième lieu, les recettes de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, sont révisées à la hausse à concurrence de 200 millions d’euros, eu égard aux recouvrements des derniers mois de l’année 2014. Ce montant vient améliorer d’autant le solde du compte d’avance aux collectivités territoriales. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ce meilleur rendement de la CVAE.
En troisième lieu, s’agissant du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne, le Gouvernement vous a invité ce matin à prendre acte de façon prudente des négociations budgétaires européennes, qui mêlent actuellement le budget pour 2015 de l’Union et plusieurs budgets rectificatifs pour 2014. L’article d’équilibre est donc modifié en conséquence.
Le Gouvernement propose en outre de majorer de 350 millions d’euros les prévisions de produit des participations de l’État, compte tenu des informations apparues depuis le dépôt de ce projet de loi de finances.
Enfin, le Gouvernement propose de prendre en compte, par anticipation, une modification de crédits. En effet, le transfert de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – la TICPE – aux régions dans le cadre de la compensation de l’apprentissage prend, pour les collectivités d’outre-mer, la forme d’une dotation budgétaire. Il convient donc de majorer de 8 millions d’euros ces crédits. Il s’agit d’une anticipation technique, qui se traduira par une majoration des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » lors de l’examen de la seconde partie.
En conclusion, si je prends en compte ces deux mouvements, celui qui résulte des votes de votre assemblée et celui qui résulte des modifications proposées par le Gouvernement, le solde des comptes de l’État se trouvera dégradé à hauteur de 485 millions d’euros par rapport au texte adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Le déficit de l’État s’établirait donc à 76,3 milliards d’euros à l’issue de la discussion de la première partie du projet de loi de finances au Sénat.
Tel est l’objet très précis de cet amendement du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’article 31 fixe l’équilibre général du budget. Je m’en tiendrai à un exposé technique, me réservant d’aborder l’aspect politique lors des explications de vote sur l’ensemble de la première partie.
L’amendement du Gouvernement vise à opérer deux types d’ajustements.
Il s’agit tout d’abord, comme il est de tradition à ce stade de la procédure, de tirer les conséquences des votes émis par le Sénat au long de l’examen de la première partie. Ceux-ci ont bien sûr des conséquences budgétaires très directes. Ainsi, M. le secrétaire d’État nous a indiqué qu’ils conduisaient à une dégradation du solde budgétaire de 1,426 milliard d'euros, dont la majeure partie résulte de la minoration de la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales. Cette minoration, nous l’avons votée et nous l’assumons.
L’objet de l’amendement du Gouvernement détaille les conséquences de nos différents votes sur les recettes de l’État. Un certain nombre de mesures ne sont pas mentionnées, soit parce qu’elles ne sont pas chiffrées, soit parce que leur coût est négligeable.
Il s’agit ensuite de réviser les montants des recettes. Le prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne, que nous avons examiné ce matin, est notamment minoré de 300 millions d'euros. Pour le reste, je vous renvoie à l’amendement du Gouvernement.
Je vous invite, mes chers collègues, à émettre un vote technique, et non politique, un vote de notaire ou d’huissier de justice, se bornant à constater les modifications résultant des choix opérés par le Sénat, d’une part, et de la révision du montant des recettes par le Gouvernement, d’autre part. La commission donne un avis favorable à l’amendement du Gouvernement. Ce vote ne préjuge pas de la position que nous adopterons sur la seconde partie.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous voterons bien entendu cet amendement et l’article d’équilibre, afin de pouvoir aborder l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances, dont nous avons été frustrés ces deux dernières années.
Cependant, je ne peux m’empêcher de regretter que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, dont il sera certes question dans le projet de loi de finances rectificative, ait une part si faible dans le projet de loi de finances : les recettes qu’elle devrait apporter sont seulement mentionnées au titre de la compensation des votes émis par le Sénat. Nous avons encore manqué une occasion de parler de ce sujet important.
Lors de l’examen de la seconde partie, monsieur le secrétaire d'État, attendez-vous à un concours Lépine des économies, car voilà maintenant trois ans que nous rongeons notre frein ! Vous pouvez compter sur notre créativité, d’autant qu’une marge de progression existe en matière d’économies pour chaque mission.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Cet article d’équilibre n’est pas seulement d’ordre technique. Il ne s’agit pas seulement de faire les comptes : il concrétise les ajustements opérés au cours de nos six journées de débats sur la première partie.
Le constat est simple : la nouvelle majorité sénatoriale a dégradé le solde budgétaire de la France…
M. Éric Doligé. Et qui a dégradé la France ?
M. François Marc. … alors même que le contexte est particulièrement difficile, puisque le déficit prévu par le Gouvernement dépassait déjà 70 milliards d'euros.
Vous avez rejeté le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 parce que vous étiez en désaccord avec les objectifs.
M. Philippe Dallier et Mme Sophie Primas. Eh oui !
M. François Marc. Vous annonciez alors un nouveau cap, pour reprendre vos propres mots. Nous nous attendions donc à ce que la discussion du projet de loi de finances pour 2015 marque un début de concrétisation de cet engagement politique. Or il n’en a rien été, et notre attente a été déçue.
L’an dernier, au cours de l’examen du PLF pour 2014, alors que la majorité sénatoriale était différente, le ministre avait déclaré que, en une soirée, sous l’impulsion du groupe UMP, le Sénat avait adopté un ensemble de mesures réduisant de plus de 10 milliards d'euros les recettes de l’État !
M. Philippe Dallier. C’est grâce à une partie de la gauche que ces mesures ont été adoptées !
M. François Marc. En effet, le Sénat avait rétabli la demi-part supplémentaire des veuves et l’exonération des heures supplémentaires, pour un coût de 1,7 milliard d'euros, décidé une baisse de 3,7 milliards d'euros des cotisations sociales, supprimé les articles 3, 5 et 6, qui contenaient des dispositions relatives au quotient familial, aux complémentaires santé et aux pensions, etc.
À l’époque, nous avions trouvé ces mesures surprenantes, eu égard à la nécessité, sur laquelle tout le monde s’accordait, de réduire le déficit budgétaire de la France. Nous nous étions cependant dit qu’il y avait peut-être, après tout, une cohérence derrière tout cela ; nous attendions de voir.
Mais aujourd'hui, nous ne trouvons plus trace de l’audace manifestée l’an passé. Le groupe UMP avait déposé un amendement visant à instaurer une TVA sociale. Il voulait également agir sur l’impôt de solidarité sur la fortune, ainsi que sur l’impôt sur les sociétés, au travers de la suppression de la surtaxe provisoire, supprimer la participation des banques au fonds de résolution, etc. Où est donc passée votre audace ?
Lors de la discussion générale, vous avez accusé le Gouvernement de faire du bricolage, mais vos ambitions avortées ne débouchent aujourd'hui que sur un ensemble de « mesurettes » sans grande portée. Aucun cap n’a été fixé, vous vous bornez à dégrader de 470 millions d’euros le solde budgétaire. Nous sommes profondément attristés de constater que vos propositions ambitieuses n’étaient que déclarations sans lendemain, sans cohérence ni vision d’ensemble. C'est pourquoi nous voterons contre l’article d’équilibre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je voudrais tout d'abord m’étonner, comme je l’ai déjà fait en commission, que la majorité sénatoriale n’ait pas proposé de modification radicale de l’article d’équilibre. En effet, ses représentants expliquent régulièrement qu’il faut réduire drastiquement le nombre de fonctionnaires et faire de 100 milliards à 150 milliards d'euros d’économies, en plus de celles que propose le Gouvernement.
Même si le Parlement dispose de moins de moyens d’action que le Gouvernement, nous nous attendions à retrouver ces orientations dans les propositions de la majorité sénatoriale. Or non seulement le plafond d’emplois de la fonction publique n’a pas bougé, mais les votes du Sénat ont dégradé le solde budgétaire de près de 1,5 milliard d'euros. La cohérence de la démarche de nos collègues nous échappe, en tout cas pour l’instant. Mme Goulet a évoqué un concours Lépine des économies ; nous attendrons donc la foire de Paris et l’examen de la seconde partie pour en savoir davantage…
Cela a été dit, cet article d’équilibre présente un caractère technique. Il a vocation à prendre en compte les décisions prises par le Sénat dans les principaux agrégats comptables du budget. De plus – j’aurai l’occasion d’y revenir dans un instant, lors des explications de vote sur l’ensemble de la première partie –, l’une des principales mesures adoptées par le Sénat que nous contestons, à savoir la modification de l’article 2, serait sans effet sur le solde budgétaire, aux termes de l’objet de l’amendement du Gouvernement. En conséquence, notre groupe s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je voudrais rappeler à M. François Marc que, l’an dernier, ce sont ses amis et lui qui avaient la majorité au Sénat. Ils auraient pu voter un texte intéressant… Nous, au moins, nous formulons des propositions.
En ce qui concerne la dégradation du solde budgétaire, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Il y a peut-être une légère dégradation du solde budgétaire, mais il y a surtout une terrible dégradation – à hauteur de plus de 3 milliards d'euros – des finances des collectivités territoriales, du fait des mesures que vous avez prises.
M. Jean-Louis Carrère. C’est à cause du déficit abyssal que vous nous avez laissé !
M. Éric Doligé. Nous avons fait en sorte de réduire un peu l’ampleur de cette dégradation de la situation des collectivités.
Je rappelle enfin que s’il y a dégradation globale, elle n’est imputable ni à la majorité ni à l’opposition du Sénat : à ma connaissance, la responsabilité en incombe nécessairement à ceux qui gouvernent ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. À la suite d’Éric Doligé, je voudrais insister sur les difficultés des collectivités locales.
Qui a voté l’affiliation des élus locaux au régime général ? Pour le conseil général de la Marne, cela représente un coût de 390 000 euros ! La réforme de la catégorie B lui coûte 285 000 euros ! La revalorisation des indices à la suite de la hausse du SMIC, 200 000 euros ! L’augmentation des taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, 300 000 euros ! La suppression du jour de carence – 1 900 personnes sont concernées –, 64 000 euros ! L’adaptation des transports scolaires à la réforme des rythmes scolaires, 700 000 euros ! La revalorisation du revenu de solidarité active, le RSA, 4 millions d'euros !…
L’exposé des motifs du projet de loi de finances indique que la diminution de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, ne représente que 1,91 % des ressources réelles de fonctionnement des collectivités territoriales en 2013, mais cette diminution n’est rien par rapport aux mesures qui ont été prises tout au long de l’année ! Et je ne parle pas de l’absence de compensation, pour les départements, de la charge des allocations individuelles de solidarité. En particulier, la courbe du nombre de bénéficiaires du RSA suit celle du nombre de chômeurs. Monsieur le secrétaire d'État, dans mon département, si on ajoute aux mesures déjà citées la réforme – récemment déclarée inconstitutionnelle – des services départementaux d’incendie et de secours, d’un coût de 800 000 euros, on arrive à un coût annuel de 20 millions d'euros, entre les pertes de recettes et les hausses de dépenses !
En ajoutant les 20 millions d’euros que coûte l’absence de compensation des allocations individuelles de solidarité, on aboutit au total à 10 % de recettes en moins et de dépenses en plus. La dégradation des finances des collectivités locales est donc particulièrement nette. Le Gouvernement doit en prendre conscience, car elles ne peuvent plus investir !
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas d’aujourd’hui !