M. François Marc, rapporteur spécial. Belle formule !
M. Jean-Claude Requier. Vous l’aurez compris, les radicaux de gauche, enfants de Maurice Faure, sénateur du Lot qui fut l’un des signataires du traité de Rome, et les membres du RDSE veulent en finir avec ces pratiques et répètent qu’ils sont favorables à la mise en place de véritables impôts européens.
Ce système aurait l’avantage de la lisibilité : les citoyens pourraient voir quelle partie de leurs impôts finance les institutions et les politiques communautaires.
Parmi les pistes évoquées, figure la création d’un impôt sur les sociétés harmonisé. Un chantier a été lancé en ce sens, mais certains pays membres s’y opposent, notamment le Luxembourg, une position que les révélations au sujet du « Luxleaks » expliquent peut-être !
D’autres pistes conduisent à la création soit d’une nouvelle ressource assise plus directement sur la TVA soit d’une taxe sur les transactions financières au niveau européen, depuis longtemps envisagée.
Dans le débat sur l’action de la France pour la relance économique de la zone euro, qui s’est tenu dans notre hémicycle le 19 novembre dernier, le ministre des finances, M. Sapin, a évoqué l’harmonisation fiscale comme le « premier chantier ». Il déclarait : « J’ai l’ambition, d’ici à la fin de l’année, de franchir une première étape pour la taxe sur les transactions financières européennes. Cette dernière sera non seulement un outil de lutte contre la spéculation, mais aussi la preuve qu’en matière fiscale des avancées, des coopérations renforcées sont possibles. »
Pour finir, j’aborderai rapidement le grand plan d’investissement de 315 milliards d’euros sur trois ans annoncé par le président de la Commission européenne, M. Juncker, plan qui suscite autant d’attentes que d’interrogations.
En matière de chantiers européens, certaines désillusions passées nous ont appris qu’il ne fallait pas se réjouir trop tôt d’une simple annonce.
Messieurs les secrétaires d’État, nous savons l’engagement et l’activité du Gouvernement en faveur de l’émergence d’une Europe forte, qui puisse mettre en œuvre les mécanismes de soutien à la croissance. Nous savons le lent travail de persuasion mené auprès de certains de nos partenaires et les résistances souvent rencontrées, et nous vous soutenons dans votre action. Nous apportons donc notre soutien à l’article 30 du projet de loi de finances. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, la contribution de la France au budget de l’Union européenne ne cesse d’augmenter, avec plus de 800 millions d’euros supplémentaires prévus dans ce projet de loi de finances par rapport à l’an dernier, alors même que l’Union européenne se fait de plus en plus exigeante à l’égard de notre pays.
Bien que nos caisses soient désespérément vides, la France est toujours l’un des rares pays « contributeurs nets » au budget de l’Union. Le rapporteur spécial, notre collègue François Marc, souligne que ce solde se détériore : en 2013, il a atteint 9,4 milliards d’euros. Sa participation à l’Union européenne coûte donc à la France près de 10 milliards d’euros par an ! On nous explique que c’est le lot des pays riches : je ne savais pas que l’on était encore un pays riche lorsqu’on avait une dette presque égale au PIB !
Si encore les Français avaient fait le choix de donner généreusement leur argent aux autres, on pourrait comprendre ! Mais c’est derrière le dos du peuple ou, plus précisément, sur son dos, que l’Union européenne se sert… En réalité, cette contribution est purement et simplement un racket réalisé sur les citoyens français au profit de la Commission européenne, de cet organe non élu, donc sans aucune légitime démocratique.
Monsieur le rapporteur spécial, vous soulignez les limites de la notion de « solde net » qui « ne retrace que très imparfaitement les gains économiques et en aucune façon les gains politiques ». Mais un « gain » négatif de 9 milliards d’euros en est-il vraiment un ? Le risque que notre budget soit mis sous tutelle est-il vraiment un gain ?
Je suis le premier à me féliciter de la coopération européenne. La planète entière s’est émerveillée, à juste titre, de l’exploit qui a consisté à envoyer la sonde Philae sur un astéroïde. Je m’en réjouis d’autant plus que des éléments de cette sonde ont vu le jour à Marseille, à la technopôle de Château-Gombert, un quartier du 13e arrondissement appartenant au septième secteur, dont j’ai l’honneur d’être le maire.
M. François Marc, rapporteur spécial. Merci l’Europe !
M. Stéphane Ravier. Merci la coopération entre les industriels ! Cela n’a rien à voir avec cette Union européenne que vous voulez nous vendre pour mieux nous l’imposer depuis des années.
M. François Marc, rapporteur spécial. Ce sont les peuples qui en décident, pas nous !
M. Stéphane Ravier. Il convient de rappeler que cet exploit est non pas, comme on essaie de nous en convaincre, le fruit de l’Union européenne, mais, avant tout, celui de la coopération de plusieurs États souverains sur un projet commun. Il en est de même pour Airbus.
Les grands projets européens qui fonctionnent et qui portent leurs fruits sont, dans leur très large majorité, décidés en dehors des institutions communautaires.
Depuis longtemps, nous faisons le constat que, pour un grand nombre de sujets, la France est pénalisée par sa participation à l’Union.
Ainsi, depuis l’introduction de l’euro, l’Allemagne est le seul pays de la zone à avoir amélioré le solde de son commerce extérieur. Les balances commerciales de la France et de l’Italie, excédentaires jusque-là, sont désormais déficitaires.
De même, depuis les accords de Schengen, la France est pénalisée par l’ouverture totale des frontières, compte tenu de sa démographie, qui ne justifie en rien l’immigration massive, et, surtout, compte tenu de son système de protection sociale, qui joue le rôle de pompe aspirante et qui va bientôt mieux protéger les étrangers que les Français eux-mêmes !
M. François Marc, rapporteur spécial. Ah ! Nous y voilà : les slogans !
M. Stéphane Ravier. C’est encore l’Union européenne qui veut nous faire réformer les rares domaines qui fonctionnent dans notre pays – je pense ici aux professions réglementées.
Il est tout de même intéressant de constater – votre ancien collègue Arnaud Montebourg partageait ce constat – que, malgré les milliards engloutis par les institutions communautaires, l’Europe est la seule région du monde coupée de la reprise et de la croissance.
On peut alors s’interroger sur l’absurdité de la politique d’austérité entérinée par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG. Si vous ne respectez pas les règles en matière de déficit, ce qui sous-entend que vous n’avez pas l’argent nécessaire, vous êtes puni et cette punition est une amende qui – devinez quoi ? – va contribuer à augmenter votre déficit…
Même si le déficit de nos comptes publics est profondément dommageable à la compétitivité de notre pays, il appartient aux dirigeants français, garants de la souveraineté budgétaire, d’en assumer le règlement et la responsabilité auprès de la seule instance légitime : le peuple.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Stéphane Ravier. Pour rester un pays moteur de l’Europe, la France doit se libérer du carcan bruxellois, qui nie les nations et oublie les peuples, et proposer à ses partenaires des projets qui puissent se faire avec et pour le peuple.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Vous dépassez votre temps de parole !
M. Stéphane Ravier. Vous souhaitez diminuer notre déficit ? Baissez cette dépense, qui ne profite ni à la France ni à ses habitants !
M. le président. Monsieur Ravier, il faut conclure.
M. Stéphane Ravier. Que les choses soient claires : à ce rythme, nous n’aurons bientôt plus besoin de discuter des questions budgétaires, les bureaucrates de Bruxelles rédigeront le budget de la France et se serviront directement pour se financer !
M. François Marc, rapporteur spécial. Caricatural !
Mme Catherine Tasca. Une minute et demie de dépassement de temps de parole !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. François Marc, rapporteur spécial. Là, nous allons entendre un autre discours…
M. Michel Mercier. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, ce débat annuel sur la contribution française au financement de l’Union européenne, organisé en clôture de la première partie du projet de loi de finances, est un temps fort, une occasion pour les parlementaires nationaux d’exprimer leurs positions sur les grandes orientations politiques conduites par les autorités de l’Union.
C’est un moment tout particulier pour les sénateurs centristes, qui ont tous l’Europe en partage, cette Europe qui est au cœur même de leur engagement politique. C’est toujours pour nous l’occasion de rappeler la vigueur de notre sentiment européen, cinquante-sept ans après la signature des traités de Rome.
Malheureusement, ce débat est d’une teinte bien particulière cette année. Je ne saurai m’en tenir au seul commentaire des fluctuations du montant du prélèvement sur recettes. Les enjeux sont différents et vont bien au-delà, même si ce prélèvement est important du point de vue budgétaire. Jamais l’urgence n’a été aussi forte pour défendre l’Europe dans les cœurs et dans les esprits de nos concitoyens.
En effet, les élections européennes du 25 mai dernier ont fait la démonstration qu’il n’y avait plus de consensus européen dans l’opinion publique. L’Europe n’apparaît plus à nos concitoyens comme un horizon évident ni comme la meilleure chance pour notre pays de sortir de la crise. On peut reprendre d’ailleurs sur ce point ce que disait hier, à Strasbourg, le pape François : « D’un peu partout, on a une impression générale de fatigue, de vieillissement, d’une Europe grand-mère et non plus féconde et vivante. »
Cette situation est particulièrement préoccupante. L’Europe souffre d’une crise du consentement. Et c’est le sens de notre vote ce matin. Pourtant, nous n’avons jamais eu autant besoin d’elle.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. C'est exact !
M. Michel Mercier. Tel est le diagnostic qui a été dressé par Jean-Claude Juncker, le nouveau président de la Commission européenne, qui présente en ce moment même son plan d’investissement de 315 milliards d’euros. Alors, bien sûr, la Commission ne va pas mettre cette somme sur la table. Si elle avait cet argent, les États nations et l’Europe auraient beaucoup moins de problèmes ! Il n’y a pas plus d’argent public à Bruxelles qu’il n’y en a chez nous ! Il faut simplement trouver le bon mécanisme pour mobiliser l’argent disponible et le mettre au service de la croissance.
Tel est l’objectif du plan qui est présenté aujourd'hui aux Européens.
Ce plan d’investissement de plus de 300 milliards d’euros ne doit pas simplement être une réponse à la crise économique, mais il doit aussi être une réponse à la crise de l’adhésion au sentiment européen. Au-delà de l’impact économique qu’il peut avoir, il doit devenir le symbole d’une Europe de la réussite et du rebond économique. Il ne peut pas échouer, il ne doit pas échouer : nous en porterions tous la responsabilité collective.
J’espère ardemment que la Commission parviendra à préparer ce plan. Cela a été rappelé, le financement n’en est pas encore assuré, mais nombreux sont les États qui attendent beaucoup de cette politique économique plus volontariste de l’Union. Le Gouvernement espère ainsi percevoir plus de 30 milliards d’euros au titre des investissements qui pourraient être réalisés en France grâce à ce plan d’investissement. Transports, développement durable, énergie, recherche : les priorités sont claires, les besoins réels.
Pourtant, alors que tous nos yeux sont tournés vers l’Union, alors que tous les gouvernements, ou presque, cherchent la solution à la crise économique actuelle et à la crise de la conscience européenne, l’Union reste engluée dans les querelles liées à la préparation de son budget et au traitement de ses impayés.
C’est tout le drame qui se joue actuellement à Bruxelles. Alors que la Commission travaille à financer un plan, la structure même du budget européen conduit à accumuler un stock important d’engagements dont le paiement n’a jamais été ordonnancé par les États chargés de les mettre en œuvre. Dans ces conditions, s’il y a tant de fuites dans les canalisations financières européennes, comment le plan de M. Juncker pourrait-il réussir ?
Ce problème est loin d’être réglé. Les États souhaitent en effet limiter les engagements de l’Union à 144,5 milliards d’euros et les paiements à 139 milliards d’euros, alors que le Parlement demande 145,2 milliards d’euros en engagements et 141,3 milliards d’euros en paiements.
La vice-présidente au budget et aux ressources humaines de la Commission européenne a été chargée de présenter une nouvelle proposition de budget 2015 dans les quinze jours. Elle devra concilier les exigences du Parlement et celles des États membres. Sans conclusion d’un accord, l’Union devra recourir à une politique budgétaire d’expédients, soit à l’édiction de douzièmes provisoires, à l’image de ce qui a pu se faire chez nous en d’autres temps.
Vous l’aurez compris, messieurs les secrétaires d'État, nous avons besoin de l’Europe, mais d’une Europe de la réussite. Permettez au démocrate-chrétien que je suis de reprendre ce que le pape François a dit hier devant le Parlement européen : notre Europe doit avoir de la mémoire, du courage, « une utopie saine et humaine ». Elle doit demeurer fidèle à l’idéal personnaliste qui a présidé à sa création, en replaçant la personne humaine, dont les droits sont sacrés, au centre de tout.
Aujourd'hui, les querelles liées aux difficultés budgétaires ou aux techniques financières prennent trop le pas sur l’idéal européen, ce qui peut expliquer que nos concitoyens croient moins en l’Europe, alors que nous en avons tous besoin.
La réussite du plan Juncker et la survie du lien entre l’Union et ses ressortissants dépendent, certes, de notre capacité à proposer des solutions institutionnelles, mais aussi et surtout du renouvellement d’un engagement politique fort. C’est la raison pour laquelle les sénateurs centristes voteront l’article 30 du présent projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l’UMP et du groupe écologiste.)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, chaque année, l’examen du projet de loi de finances donne lieu, dans cette enceinte, à un débat très important sur la contribution de la France au budget de l’Union européenne.
Pour 2015, notre pays contribuera à ce budget à hauteur de 21 milliards d’euros, montant en augmentation de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014 et équivalant, rappelons-le, à 8,1 % de nos recettes fiscales. Il est même prévu que cette contribution atteigne un pic, à 23 milliards d’euros, en 2016. Le prélèvement sur recettes ne cesse donc de progresser.
Cette situation n’est pas satisfaisante et, si le principe même de la contribution de la France au fonctionnement du budget européen ne saurait être remis en cause, il convient néanmoins de s’interroger sur la pertinence d’un système qui, année après année, est source de problèmes pour notre pays, pour l’Europe et pour les relations que nous entretenons les uns avec les autres.
En effet, compte tenu de la situation budgétaire que nous connaissons actuellement, il faut bien reconnaître que la hausse continue de la contribution française au budget de l’Europe contraint les moyens de nos différents ministères. De plus, je rappelle que le montant de la contribution n’est pas définitif, car il repose, notamment, sur une estimation, établie par la Commission européenne, des droits de douane, des différents rabais accordés à tel ou tel pays – comme notre rapporteur spécial l’a fait remarquer, la France et l’Italie sont désormais les seuls pays à ne pas bénéficier de rabais – et de l’exécution même du budget de l’Europe. Dès lors, l’écart entre le montant présenté dans le cadre du projet de loi de finances et ce qui est effectivement payé est particulièrement important. Ainsi, en 2013, pas moins de neuf budgets rectificatifs ont été adoptés.
Différentes pistes peuvent être envisagées afin de sortir de cette impasse. Certains estiment qu’il faudrait exclure le prélèvement européen du calcul du déficit public. D’autres souhaitent que soient prises en compte en partie nos dépenses militaires, qui, avec celles de la Grande-Bretagne, représentent 40 % des dépenses militaires de l’Union européenne, pour des actions extérieures, au Mali, en Syrie ou ailleurs,…
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Exact !
M. Simon Sutour. …actions qui, si elles ne sont pas financées par l’Europe, sont cependant en phase avec les valeurs européennes.
M. François Marc, rapporteur spécial. C’est juste !
M. Simon Sutour. Ces sujets ne doivent pas être tabous. Tout ce qui peut garantir à l’Europe une stabilité budgétaire et des ressources suffisantes, tout en évitant les mauvaises polémiques sur les contributions des États membres, est forcément bienvenu, car on ne peut résumer l’Europe à une contribution et à un retour budgétaires.
D’ailleurs, il ne faudra pas faire l’économie d’un débat avec nos partenaires sur le sujet. En effet, alors même que nous discutons de la participation de la France au budget européen, je tiens à rappeler, à la suite de notre rapporteur spécial, que l’Europe n’a, pour l’heure, pas de budget pour 2015 ! L’Europe n’est pas plus épargnée par les difficultés budgétaires que les pays qui la composent. Sur ce plan, rien n’est sanctuarisé…
S’il faut se féliciter d’une réorientation du budget de l’Europe au service de la croissance et de l’emploi, sur l’initiative, du reste, de notre pays, qui, lors de la négociation du cadre financier pluriannuel 2014-2020, a fortement œuvré en ce sens, il n’en demeure pas moins que la situation actuelle, avec, entre autres, l’absence d’accord entre le Conseil et le Parlement européen sur le budget pour 2015, fait peser de lourdes incertitudes sur la mise en œuvre effective, et à court terme, de ces nouvelles mesures .
Je n’entrerai pas dans le détail des difficultés que connaît actuellement l’Europe, avec quelque 5 milliards d’impayés et un mécanisme bien mal huilé qui différencie les engagements et les crédits de paiement. Les impayés sont à la source du blocage, les députés européens conditionnant l’approbation du budget européen à leur règlement. Je ne peux que leur donner raison : nos territoires attendent cet argent pour pouvoir réaliser quantité de projets.
Concernant le volet « recettes » du budget de l’Europe, je veux plutôt mettre l’accent sur l’absence de véritables ressources propres. C’est un défi majeur. L’Europe ne peut plus fonctionner en l’état, être l’otage de discussions sans fin sur qui doit être contributeur net, qui doit bénéficier d’un rabais, sur les nouveaux modes de calcul du PIB, etc.
Elle ne doit pas non plus être la variable d’ajustement des budgets nationaux : on ne peut pas prétendre vouloir une Europe forte et, dans le même temps, jouer la carte de l’individualisme national plutôt que celle de la solidarité européenne. La position de la France est, de ce point de vue, parfaitement cohérente : elle ne fait pas partie de ces pays qui réclament des politiques ambitieuses pour refuser ensuite d’en donner les moyens. Cette attitude nous honore.
C’est pourquoi, si nous voulons non pas d’une Europe a minima, mais plutôt d’une Europe source de croissance, de progrès et de bien-être pour tous les citoyens européens, une Europe des politiques ambitieuses, il faut mettre rapidement en place des mécanismes assurant des ressources propres. La Commission européenne devrait faire des propositions. Je souhaiterais connaître votre position à ce sujet, monsieur le secrétaire d'État.
J’insiste particulièrement sur ce sujet des ressources propres, car la mise en œuvre du cadre financier pour la période 2014-2020 m’inquiète. Même si, pour cette période, le budget est en deçà des attentes, alors que nous étions nombreux à souhaiter davantage de l’Europe pour remettre l’ensemble de notre continent sur la voie de la reprise économique et éviter ainsi le risque de déflation – nous en sommes proches –, il faut noter que, sur les grandes politiques européennes que sont la politique agricole commune et la politique de cohésion, la France préserve l’essentiel et bénéficiera de nouveaux programmes novateurs, notamment en direction des plus jeunes.
Ainsi, pour ce qui concerne la politique agricole commune, dont le budget est relativement stable, avec 64 milliards d’euros pour la période 2014-2020, je suis satisfait qu’une partie de cette enveloppe soit utilisée pour le développement rural, notamment dans la zone méditerranéenne. C’est un signal positif envoyé aux agriculteurs les plus fragiles, qui ont été, il faut le dire, les grands oubliés de la PAC depuis sa création. La viticulture et les filières fruitières et légumières sont en effet beaucoup moins bien traitées que les productions de blé et de betterave sucrière, qui n’en ont pas forcément plus besoin.
S’agissant de la politique de cohésion, deuxième poste budgétaire après la PAC, avec un budget de plus de 26 milliards d’euros, je suis globalement satisfait de son volume et de la ventilation dont elle fait l’objet, avec des programmes opérationnels tout à fait pertinents et une régionalisation qui me paraît très positive.
À titre d’exemple, notre région, Languedoc-Roussillon – région pour encore quelques mois… – bénéficie de 1,1 milliard d’euros au titre des années 2014 à 2020.
Je ne suis néanmoins que globalement satisfait, car, si l’enveloppe allouée à la politique de cohésion est connue, sa mise en œuvre semble menacée à court terme par le retard pris dans la validation des programmes opérationnels. Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur ce point. Pour l’heure, seules cinq régions ont obtenu de la Commission une validation de leurs programmes opérationnels et, si la France est en avance, moins de 50 % de ces programmes devraient être approuvés d’ici à la fin de l’année.
Je rappelle que ces programmes opérationnels ont été lancés en votre présence, il y a quelques jours, à Montpellier. La Commission européenne était représentée à cet événement. Je m’en félicite, mais le temps presse. En effet, pour qu’un projet déjà engagé en 2014 sur la base d’un programme opérationnel soit financé, il faut d'abord qu’il ait été approuvé.
Plus ennuyeux, les programmes ultérieurs risquent de passer par une « rebudgétisation » des montants engagés de 2014 à 2015, ce qui conduirait inévitablement à une révision du cadre financier pluriannuel.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que vous soyez plus précis encore sur l’état d’avancement de la validation des programmes opérationnels de nos régions.
Au-delà de l’écueil que constitue cette validation, c’est, à plus long terme, la pérennité même des fonds structurels qui m’inspire une grande inquiétude. Ces fonds sont menacés.
En effet, Mme Corina Creţu a clairement indiqué que « la politique de cohésion devrait contribuer de manière significative au plan d’investissement de 300 milliards attendus dans les prochaines semaines ».
Cette annonce est préoccupante. Elle suscite un émoi bien légitime, au moment où les régions, les départements, les villes se sont d'ores et déjà mobilisés et ont planifié un certain nombre d’investissements en lien avec la politique de cohésion. Il serait absurde qu’une partie du fameux plan d’investissement promis par la nouvelle Commission européenne soit financée par la politique de cohésion !
L’Europe n’a pas besoin d’une nouvelle répartition de son budget ; elle a besoin d’argent frais.
Le financement des politiques de l’Union et donc les moyens dont dispose celle-ci pour mettre en place un véritable plan de relance de l’économie européenne, telle est la question centrale.
Comment concrétiser un plan d’investissement de quelque 300 milliards d’euros lorsque l’on ne dispose pas de recettes propres et lorsque l’on ne peut pas s’endetter ? Pour ma part, je suis convaincu qu’un investissement massif de fonds publics est nécessaire : il me semble utopique de penser que les investissements privés suffiront à atteindre ce montant de 300 milliards d’euros.
Mes chers collègues, la période qui s’annonce est cruciale pour l’avenir de l’Union européenne, dont les difficultés actuelles révèlent la nécessité d’une remise à plat de son fonctionnement et, surtout, de son financement. Nous avons besoin de plus d’Europe, car l’Europe est, j’en suis convaincu, la solution.
Vous l’aurez compris, les membres du groupe socialiste approuveront l’article 30 du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE. – M. le président de la commission des affaires européennes applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, l’Europe peut-elle fonctionner avec un budget qui ne pèse que 1 % du PIB européen ? L’Europe peut-elle fonctionner avec une progression inquiétante des impayés et des restes à liquider ?
Les États membres refusent d’approvisionner la Commission à hauteur des promesses qu’ils font. Ce n’est pas acceptable. On n’a pas entendu le secrétaire d'État chargé des affaires européennes protester à ce sujet.
M. Juncker promet 300 milliards d’euros d’investissements. Cependant, on n’en trouve aucune trace dans le budget européen pour 2015 ! Avez-vous interrogé la Commission sur ce point ou voulez-vous faire espérer aux Français que notre pays bénéficiera de cette ressource, pour l’instant uniquement virtuelle et ressemblant beaucoup trop à une manœuvre de communication ?
Quelle est votre vision de l’Europe, monsieur le secrétaire d'État ? On ne vous entend guère, même en tendant l’oreille.
Ayez conscience du regard des autres : il ne suffit pas que le Président de la République ou le Premier ministre affirment que nous sommes un grand pays. Ce sont les autres pays qui doivent en être convaincus et l’affirmer. Hélas, ils nous regardent aujourd’hui comme « l’homme malade de l’Europe ».
Retrouvons la considération de nos partenaires d’abord en honorant notre signature ! Monsieur le secrétaire d’État, faisons preuve de courage, et non d’artifices sémantiques ! Vous demandez des délais supplémentaires pour réduire notre déficit budgétaire à 3 %. Mais cet objectif, sur lequel nous nous sommes pourtant engagés, s’éloigne chaque fois que vous prétendez vouloir vous en rapprocher, notre gouvernement n’ayant pas le courage de décider des réformes certes impopulaires, mais devenues vitales. Votre majorité préfère se référer à des dogmes d’une autre époque.
Notre pays inspire si peu confiance que notre commissaire, Pierre Moscovici, a été flanqué de deux surveillants pour le contraindre à nous faire respecter nos engagements !
Redevenons une force de proposition écoutée ! Appliquons-nous la discipline budgétaire respectée par nos partenaires, qui constatent notre impéritie et notre suffisance qu’aucune performance économique ou budgétaire ne peut justifier !