M. David Assouline, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Mes chers collègues, je vous le dis d’emblée, nous sommes convenus au sein de la commission de la culture que cet amendement serait « biodégradable », c’est-à-dire qu’il s’agirait d’un amendement d’appel, ayant vocation à être retiré si des arguments convaincants le justifiaient et si son contenu était pris en compte en vue de proposer des solutions à l’avenir.
Il s’agit d’attirer l’attention du Sénat sur une injustice qu’il conviendrait de rectifier dans un contexte plus serein, en cherchant des compensations. Toutefois, je n’avais pas d’autre moyen de poser ce débat que de déposer cet amendement.
Le crédit d’impôt pour dépenses de production d’œuvres audiovisuelles ou cinématographiques, dit « crédit audiovisuel et cinéma », se subdivise en un crédit d’impôt national, dont le plafond est de 4 millions d’euros, et un crédit d’impôt international, dont le plafond est de 20 millions d’euros.
Le plafond, plus avantageux, du crédit d’impôt international se justifie par la volonté de renforcer l’attractivité de la France en tant que lieu de tournage pour les films étrangers. Je ne propose pas de revenir sur ce dispositif, qui fonctionne bien.
Or, du fait de l’évolution de la compétition internationale, ce dispositif désavantage la filière cinématographique française, alors même que les tournages de films étrangers auxquels il bénéficie ont lieu sur notre territoire. De ce fait, de grosses productions françaises sont tournées à l’étranger, ce qui a des conséquences en termes d’emploi, notamment.
Nous devons réfléchir à ce problème. C’est la raison pour laquelle je propose, au travers de cet amendement, de porter le plafond du crédit d’impôt pour le cinéma national de 4 millions d’euros à 20 millions d’euros, soit à hauteur du plafond du crédit d’impôt international.
On me rétorquera que je n’ai pas suffisamment réfléchi aux conséquences d’une telle mesure, notamment en termes de manque à gagner fiscal. Soit.
Je tiens cependant rappeler avec force que le crédit d’impôt cinéma, qui existe depuis 2004, a permis de relocaliser en France des tournages de longs métrages et a eu un impact favorable sur l’emploi. Les effectifs totaux d’emplois, permanents et intermittents, déclarés dans la production de films pour le cinéma sont ainsi passés de 49 000 à 68 000, soit une augmentation de 38 %. Ce dispositif est efficace !
J’ajoute, à l’attention de ceux qui considéreraient qu’un crédit d’impôt est un manque à gagner pour les recettes de l’État, que c’est exactement l’inverse qui s’est produit en l’occurrence : en 2013, pour un crédit d’impôt de 42 millions d’euros, les films concernés ont totalisé 491 millions d’euros de dépenses en France, dépenses qui ont elles-mêmes produit 129 millions d’euros de recettes pour l’État.
M. Éric Doligé. Il ne faudrait faire que du cinéma... (Sourires.)
M. David Assouline. Pour 1 euro de crédit d’impôt cinéma, quelque 11,6 euros sont dépensés dans la filière, et 3,1 euros de recettes fiscales et sociales sont perçus par l’État.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous l’aurez compris, il s’agit d’un plaidoyer en faveur du crédit d’impôt cinéma. C’est un bon dispositif, qui rapporte à l’État plus qu’il ne coûte et qui crée de l’emploi. Cependant, il faut aujourd'hui en revoir les modalités, car, pour une production française, il est souvent plus avantageux d’organiser le tournage à l’étranger, par exemple en Allemagne, qu’en France ; c’est d’ailleurs ce qui s’est passé dernièrement.
Il est positif d’attirer les étrangers en France, mais il ne faut pas que les Français aillent ailleurs ! C’est pourquoi nous devrions envisager une hausse du plafond du crédit d’impôt national dans le prochain collectif budgétaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je suis d’accord avec David Assouline sur un point et je confirme les chiffres qu’il a avancés : le crédit d’impôt international a fait la preuve de son efficacité. J’ai d’ailleurs défendu un amendement en ce sens en 2009, car ce dispositif permettait d’attirer en France des productions étrangères, dont le tournage aurait eu lieu sinon dans d’autres pays.
Avec cet amendement, il s’agit de porter le plafond du crédit d’impôt national de 4 millions d’euros à 20 millions d’euros. Je rappelle que, en 2013, ce plafond a déjà été relevé, puisqu’il était initialement de 1 million d’euros. Faut-il l’augmenter de nouveau ?
Certes, le tournage des productions cinématographiques françaises à l’étranger constitue un vrai sujet de réflexion, mais cette hausse ne créera-t-elle pas un effet d’aubaine pour des productions dont le tournage était de toute façon prévu en France ? C’est une vraie question. D’ailleurs, David Assouline a reconnu qu’il s’agissait d’un amendement d’appel.
Il y a là une véritable différence de nature avec le crédit d’impôt international, qui donne à la France une attractivité et qui a permis à notre pays de combler son déficit de compétitivité.
En tout cas, multiplier par cinq le plafond du crédit d’impôt national aurait une incidence budgétaire qui a conduit la commission à demander à l’auteur de cet amendement de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Devant le plaidoyer de David Assouline, je reste songeur : si ce crédit d’impôt rapporte autant, il faut effectivement le multiplier par cinq !
Sous prétexte qu’un crédit d’impôt qui a coûté X millions d’euros a rapporté Y millions d’euros, faudrait-il nécessairement poursuivre dans cette voie ? N’est-il pas un peu facile de raisonner ainsi ? Ainsi, que se serait-il passé si ce dispositif n’avait pas été mis en place ? L’État aurait-il engrangé moins de recettes ? De telles questions sont valables pour tous les crédits d’impôt. Si, pour encourager une activité, il suffisait d’une mesure fiscale, qui produirait forcément plus de recettes que de dépenses, il n’y aurait qu’à prévoir des crédits d’impôt partout !
M. le rapporteur général a eu parfaitement raison de rappeler que le crédit d’impôt national avait été multiplié par quatre et que le crédit d’impôt international avait également été augmenté. Je me souviens que cela avait suscité à l’Assemblée nationale des débats longs et passionnés, qui avaient notamment conduit à plafonner, quelquefois confortablement, un certain nombre de dépenses, par exemple celles qui sont relatives à l’hébergement. En effet, il n’était pas question de permettre des dépenses souvent somptuaires.
Le plafond de 4 millions d’euros pour le crédit d’impôt national me semble raisonnable. Tout le monde a entendu l’appel de David Assouline, mais le Gouvernement a arbitré et s’est déclaré défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour avoir été rapporteur pour avis de la commission de la culture pour le cinéma pendant quelques années et pour présider depuis quinze ans une commission du film qui a pour objet d’attirer les tournages dans la région ou dans le pays dont je suis l’élu, je tiens à apporter mon soutien à la démarche engagée.
Il a fallu de nombreuses années et la démonstration réalisée par une étude très approfondie de la Commission nationale du film France pour que Bercy se rende compte que le retour sur investissement et par voie fiscale d’un euro dépensé pendant un tournage était avantageux.
Je suis moi aussi partisan d’augmenter ce plafond. En effet, comme l’a souligné David Assouline, la concurrence internationale est assez vive. Certes, il faut refuser l’échelle de perroquet et éviter toute surenchère, mais, aujourd’hui, nos films s’échappent.
Les décisions de 2013 ont eu un effet extrêmement bénéfique en nombre de tournages comme en ressources fiscales. Peut-être faut-il être beaucoup plus précis pour ce qui concerne les retombées, si tant est que ce soit possible, mais il faut aller dans le sens proposé.
Je suis donc favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Je comprends que David Assouline, dont je partage en tout point la position, ait proposé cette argumentation au nom de la commission de la culture. Je comprends tout autant que le secrétaire d’État chargé du budget défende une certaine conception du budget. Cela ne me choque pas : l’ancien rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale a peut-être une vision un peu différente de la nôtre... (Sourires.)
Toutefois, je tiens à insister sur le bien-fondé de cette réflexion. Nous avons la certitude que le plafond de 20 millions d’euros pour le crédit d’impôt international a conduit un certain nombre d’acteurs de la filière du cinéma à venir tourner des films en France. Cela a produit de l’activité, a remis la France dans le sens de la marche en matière d’attractivité cinématographique et a apporté des recettes fiscales. Monsieur le secrétaire d’État, je ne pousserai pas l’outrecuidance jusqu’à vous en préciser le montant. Vous avez les moyens, au sein du ministère dont vous avez la charge, de les connaître. Je suis en revanche convaincu que c’est significatif.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi refuser de majorer le crédit d’impôt national ? Les effets d’aubaine ne sont pas liés au plafond de 4 millions d’euros : en réalité, les conditions d’accueil à l’étranger sont tellement différentes de ce qui est proposé à l’échelon local qu’un certain nombre de producteurs français s’en vont à l’étranger !
M. Éric Doligé. Il n’y a pas qu’eux !
M. Jean-Louis Carrère. C’est un problème. Il nous semble donc intéressant de revoir ce plafond pour que nous restions attractifs pour les producteurs étrangers et le redevenions pour les producteurs français. C’est de bonne méthode.
Monsieur le secrétaire d'État, nous attendons avec beaucoup de sérénité que vous fassiez les comptes et que vous nous les exposiez : peut-être confirmeront-ils notre raisonnement. Si j’ai bien compris les propos que vous avez tenus tout à l’heure, lorsque l’on se bat à la fois pour le rayonnement de la France et pour l’emploi, sans que cela déséquilibre les finances publiques, on va dans un sens qui vous agrée. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il y a peut-être une mauvaise compréhension de mes propos. Lorsque j’ai décrit les effets concrets de cette mesure – recettes fiscales, création d’emplois, etc. –, je parlais non du crédit d’impôt international, mais bien du crédit d’impôt national, tel qu’il existe actuellement avec un plafond de 4 millions d’euros.
Bien sûr, le crédit d’impôt international fait consensus : il est efficace et permet d’attirer des tournages étrangers. Nous sommes tous d’accord là-dessus.
Maintenant, il faut réfléchir à l’augmentation du plafond du crédit d’impôt national. J’ai proposé de le porter à 20 millions d’euros, par souci d’égalité avec le crédit d’impôt international. Peut-être n’est-ce pas pertinent, parce que cela aurait des effets cumulatifs avec les aides et subventions dont bénéficie déjà le film français. Nous pouvons donc en revoir le montant.
Veillons à ne pas fermer les yeux sur les effets pervers du crédit d’impôt international. En effet, que se passe-t-il ? Les productions françaises sont parfois contraintes de passer par des filiales étrangères – c’est très facile à faire ! – pour bénéficier du crédit d’impôt à 20 millions d’euros, avec les conséquences que l’on imagine, notamment le manque à gagner pour la France en termes de recettes fiscales.
J’ai soulevé un problème et demande qu’une réflexion soit menée. Je ne veux pas que l’on me rétorque : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Le Gouvernement a tous les moyens d’évaluer les effets pervers et de nous apporter une réponse à cette distorsion d’égalité, afin d’avancer sur ce sujet.
Par conséquent, je vais sans doute retirer cet amendement, même si le Gouvernement ne m’a pas encore assuré qu’il allait s’attaquer à ce problème – mais peut-être va-t-il le faire maintenant... En tout cas, le combat est engagé et il va continuer.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je souhaite clarifier mes propos.
J’ai parfois un peu d’irritation à entendre dire que c’est « Bercy » qui aurait décidé. (M. David Assouline proteste.) Certes, ce n’est pas vous qui l’avez dit, monsieur Assouline.
M. Jean-Pierre Leleux. C’est moi !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En fait, on l’entend dire partout, comme si Bercy était une citadelle imprenable – il y en a de magnifiques en Lorraine ! – et que les ministres étaient enfermés dans des tours, pilotant tout ! (Sourires)
J’ai pesé mes mots tout à l’heure, je les répète : le Gouvernement a arbitré et s’est déclaré défavorable à cet amendement.
M. Éric Doligé. D’accord, mais après ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vais enfoncer une porte ouverte : tous les ministères ont des aspirations et formulent des propositions qui sont évaluées, dans la mesure du possible. Quelle que soit la qualité du personnel de Bercy, on n’y trouve pas des spécialistes de tout ! Il est évident que le ministère de la culture connaît mieux que Bercy les questions relatives à l’activité du cinéma.
C’est après que cette proposition a été examinée que j’ai été conduit à l’écarter. Peut-être l’ai-je énoncé de façon un peu brutale. Les crédits d’impôt ont connu une augmentation assez forte l’année dernière, ce qui m’a semblé justifier une petite pause…
Le Gouvernement est prêt à réfléchir et à travailler sur toutes les suggestions, qu’elles émanent de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Le débat a été lancé et le message reçu. Toutefois, à ce stade, le Gouvernement n’a pas l’intention d’y répondre favorablement, et c’est bien la position du Gouvernement, et non celle du secrétaire d’État chargé du budget que je présente à chaque fois.
M. Jean-Louis Carrère. Et nous le respectons !
M. le président. Monsieur Assouline, l'amendement n° I-367 est-il maintenu ?
M. David Assouline, au nom de la commission de la culture. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-367 est retiré.
L'amendement n° I-36, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est opéré en 2015 un prélèvement de 61,5 millions d’euros sur le fonds de roulement du Centre national du cinéma et de l’image animée mentionné à l’article L. 111-1 du code du cinéma et de l’image animée.
Le prélèvement est opéré en deux tranches, selon un calendrier fixé par décret. Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à ce prélèvement sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.
II. – La perte de ressources pour le Centre national du cinéma et de l’image animée est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit de prendre en compte les contributions exceptionnelles d’un certain nombre d’organismes sur la norme des dépenses de l’État que le Gouvernement a prévues à la page 144 du tome I de l’annexe Voies et moyens et dont il a déjà été question hier et ce matin : 500 millions d’euros pour les chambres de commerce et d’industrie, 175 millions d’euros pour les agences de l’eau, 45 millions d’euros pour les chambres d’agriculture, 60 millions d’euros pour le Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC.
Or les documents budgétaires ne mentionnent ni prélèvement sur le fonds de roulement du CNC ni plafonnement de ses taxes affectées. Nous nous demandons donc où seront trouvés les 60 millions d’euros figurant dans le tome I de l’annexe Voies et moyens. Peut-être allez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le secrétaire d’État ?
Cet amendement vise donc à mettre en cohérence le projet de loi de finances pour 2015 avec les documents budgétaires en faisant contribuer le CNC, à hauteur de 60 millions d’euros, à l’effort général d’assainissement des comptes publics.
La commission avait émis un avis favorable sur l’amendement que je présente. Néanmoins nos collègues Jean-Pierre Leleux et David Assouline ayant attiré mon attention sur ce sujet hier soir, j’ai bien étudié les comptes du CNC, en particulier son fonds de roulement. Celui-ci est élevé, ce qui s’explique très certainement par la nature de ses différentes missions, mais, pour être tout à fait clair et transparent, il faut reconnaître qu’il diminue progressivement, puisqu’il est passé de 750 millions d’euros en 2013 à 559 millions d’euros en 2014 et qu’il s’établira à 506 millions d’euros en 2015.
Il n’en demeure pas moins, je le répète, que le tome I de l’annexe Voies et moyens mentionne bien une contribution du CNC de 60 millions d’euros, mais que nous ne trouvons trace dans les documents budgétaires ni d’une baisse du fonds de roulement ni d’un plafonnement des taxes affectées au CNC. Il nous faut mettre ces deux éléments en cohérence !
Par ailleurs, la commission a souhaité prélever 1,5 million d’euros supplémentaires sur le fonds de roulement du CNC afin d’abonder la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, plus connue sous le nom de HADOPI. En effet, son budget ayant pratiquement diminué de moitié en trois ou quatre ans, la Haute Autorité n’est plus à même, aujourd'hui, d’assurer ses missions, selon François Baroin, rapporteur spécial.
Au total, le prélèvement s’élèverait donc à 61,5 millions d’euros, soit 60 millions d’euros au titre de l’effort général d’assainissement des comptes publics et 1,5 million d’euros au profit de la HADOPI.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Une baisse prévisionnelle des recettes fiscales affectées au CNC de 60 millions d’euros est déjà inscrite dans le présent projet de loi de finances, soit un montant similaire à l’effort que vous proposez, monsieur le rapporteur général.
Par ailleurs, la dotation budgétaire de la HADOPI a été maintenue dans le présent projet de loi de finances au même niveau qu’en 2014, soit 6 millions d’euros. Ces crédits doivent permettre à la HADOPI de fonctionner normalement durant l’année 2015. Votre amendement nous semble donc inopportun.
Monsieur le rapporteur général, vous avez rappelé le fonctionnement quelque peu particulier du CNC. Or les sommes collectées par le Centre constituent des provisions et servent à financer d’autres œuvres cinématographiques. Ce dispositif plutôt vertueux donne satisfaction.
Oui, il y aura bien une diminution mécanique des recettes fiscales à hauteur de 60 millions d’euros, mais il n’est pas prévu d’autres dispositions.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° I-36.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Les dispositions de cet amendement me mettent dans l’embarras.
Au cours des trois derniers exercices, le CNC a fait l’objet d’importants prélèvements. Il est vrai que les assiettes des taxes affectées au Centre ont évolué et que leurs cibles n’ont pas toujours été bien calculées lors de leur création. Ce fut le cas de la taxe sur les services de télévision « distributeurs », la TSTD, créée en 2013. Ainsi, le budget du CNC devait s’établir à 700 millions d’euros en 2014. Or cette ressource affectée n’a pas eu le rendement escompté – c’était une première –, quelque 60 millions d’euros ayant fait défaut au titre de la TSDT. Au final, ce sont non pas 700 millions qui sont rentrés, mais 630 millions d’euros.
Un accord a été trouvé avec le CNC, qui s’est contenté de cette ressource. Pour une raison technique que j’ignore, les 60 millions d’euros manquants ont été considérés comme la contribution du Centre à l’effort en faveur de l’assainissement des comptes publics, et cette contribution figure comme telle dans l’annexe Voies et moyens.
Je tiens donc à souligner qu’un prélèvement supplémentaire de 60 millions d’euros constituerait une double peine, sachant que le CNC a fait déjà des efforts très particuliers. Je rappelle en outre, comme vous l’avez d’ailleurs fait vous-même, monsieur le secrétaire d’État, que le système de financement est considéré comme étant vertueux, la création étant financée grâce au produit des créations passées. Au fond, il s’agit d’un circuit fermé, de la création à l’exploitation, en passant par la diffusion.
Certes, le CNC doit contribuer à l’effort général, mais j’ai l’impression que l’on met à mal un système qui fonctionne. Personnellement, je ne souhaite pas que l’on prélève 60 millions d’euros supplémentaires, sachant que le cinéma amorce une crise et que l’on constate une diminution des productions françaises depuis le début de l’année.
Par conséquent, je souhaite que l’on épargne au CNC une ponction supplémentaire.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Voilà désormais trois ans que nous avons ce débat sur les prélèvements du CNC, comme vient de le rappeler notre collègue.
Je ne suis pas du tout une spécialiste des affaires culturelles, mais il me semble que nous avons avec le CNC une institution qui fonctionne et qui permet au cinéma français de rayonner dans le monde, ce qui est plutôt agréable quand on voyage un peu. Ce sujet est donc extrêmement délicat.
Je comprends très bien que l’on effectue un prélèvement sur le fonds de roulement du CNC, qui est très important. En période de crise, c’est tout à fait normal. Toutefois, ne pourrait-on pas effectuer un prélèvement une bonne fois pour toutes, puis laisser le CNC travailler avec son financement normal au cours des trois prochaines années ? Cela éviterait de déstabiliser chaque année l’équilibre global du Centre, en prélevant une fois 20 millions d’euros, une fois 30 millions, une fois 40 millions… On sait très bien que les chiffres du budget sont faux, mais, comme on dit dans ma campagne, ils servent à justifier le raisonnement. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Je m’interroge sur la pérennité du fonctionnement du CNC. Ce Centre est une des institutions qui fonctionne le mieux dans le domaine de la culture et du cinéma. Il a besoin de stabilité, monsieur le secrétaire d’État.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne veux pas qu’il y ait de malentendu, madame la sénatrice. C’est non pas le Gouvernement qui propose de prélever 60 millions d’euros sur le fonds de roulement du CNC, mais M. le rapporteur général. Que les responsabilités soient clairement établies !
Le Gouvernement vous a indiqué qu’il avait constaté qu’il y avait 60 millions d’euros en moins de recettes. M. le rapporteur général a expliqué qu’il n’avait trouvé ni prélèvement sur le fonds de roulement du CNC ni plafonnement de ses taxes affectées. Je confirme qu’il n’y a ni prélèvement ni plafonnement dans le projet de loi de finances pour 2015, madame la sénatrice.
C’est M. le rapporteur général, et il en a parfaitement le droit, qui propose un prélèvement de 60 millions d’euros, ce qui, d’après l’un de vos collègues, constituerait une double peine. Je laisse la Haute Assemblée en juger. Pour sa part, le Gouvernement a clairement indiqué qu’il n’était pas favorable à l’amendement de M. le rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. La commission des affaires culturelles dans son ensemble, c'est-à-dire toutes tendances politiques confondues, a voté contre – et c’est symbolique – l’amendement de M. le rapporteur général.
Le Gouvernement l’a dit, les prélèvements sur le CNC ces dernières années se sont élevés à 300 millions d’euros. On ne peut donc pas dire que le Centre n’a pas participé à l’effort de rétablissement des comptes publics.
Cette année, une baisse de 60 ou 70 millions d’euros de ses recettes était attendue. Il y a donc deux solutions : soit on augmente la taxe pour que le CNC récupère 70 millions d’euros, soit on exige du Centre un nouvel effort à hauteur de 70 millions d’euros cette année. Dans ce cas, la taxe ne serait pas augmentée, le CNC aurait 60 millions d’euros ou 70 millions d’euros de moins, mais, en contrepartie, aucun prélèvement ne serait effectué dans son fonds de roulement.
Tel doit être le raisonnement, mais vous en faites fi, monsieur le rapporteur général. On parle de double peine, car ce que vous proposez revient à faire perdre deux fois 60 millions d’euros au CNC. En effet, si vous regardez la trajectoire budgétaire, il est prévu que la taxe rapporte 70 millions d’euros de plus en 2015. Or tel ne sera pas le cas.
Par ailleurs, et là je m’adresse à l’ensemble des membres de notre assemblée, afin que chacun comprenne bien le mode de financement du CNC, car nous avons ce débat chaque année, le fonds de réserve du CNC n’est pas un fonds d’épargne. Si nous décidions aujourd'hui de voter l’amendement de M. le rapporteur général, le CNC ne pourrait pas tenir ses engagements concernant des films qui sont en train d’être réalisés !
Le CNC aide la création en cours. Il est donc tout le temps dynamique. Des films sortent en permanence. Son catalogue permet de faire rayonner le cinéma français et de proposer des films susceptibles de plaire à des publics très différents. C’est pour cela que le cinéma français tient la route par rapport au cinéma américain. C’est pour cela que les autres cinémas européens, qu’il s’agisse du cinéma italien ou du cinéma espagnol, qui ont été flamboyants au cours des dernières décennies, périclitent : ils n’ont pas ce système vertueux.
On ne demande pas une faveur ! On demande un minimum d’engagements, afin que le CNC puisse tenir les siens, afin que la filière tienne, pour éviter les phénomènes de basculement que l’on connaît. La concurrence est rude dans ce secteur. Ses acteurs marchent sur un fil, et s’ils font un pas de côté, ils basculent et ne se relèvent pas.
Le cinéma italien se reconstruit tout doucement, mais il a perdu vingt ans après avoir basculé. Se redressera-t-il vraiment ? Je n’en sais rien, mais il en prend le chemin, car les Italiens ont du talent. En tout cas, chez nous, nous avons un système qui fonctionne. Je demande donc à M. le rapporteur général de ne pas céder à la facilité concernant le fonds de réserve. Du reste, il y a fonds de réserve et fonds de réserve…
Je rappelle que 100 % des salles de cinéma en France sont numérisées. Une révolution technologique a eu lieu, grâce à laquelle il n’est plus nécessaire de se promener avec des bobines. Si les salles n’étaient pas numérisées, nous serions handicapés !
C’est grâce au fonds de roulement, ou au fonds de réserve, du CNC, grâce au plan qu’il a pu mettre en œuvre, que toutes les salles de France sont numérisées. Tel n’est pas le cas en Espagne et en Italie, où certains films ne peuvent pas être diffusés, car ils n’existent qu’en version numérique.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler. Je pense que M. le rapporteur général ne devrait pas continuer à défendre cet amendement, compte tenu du consensus qui s’est dégagé contre sa proposition au sein de la commission des affaires culturelles.