M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.
Mme Marie-France Beaufils. Loin est le temps où le Parlement, pour décider du montant de la DGF, votait un article partageant le produit net de la TVA entre l’État et les collectivités locales. Je vous rappelle que l’article 46 de la loi de finances pour 1985 prévoyait ainsi un prélèvement de 16,752 % sur le produit de cette taxe. S’il s’agit là d’histoire ancienne, il n’était pas idiot qu’une part de la richesse produite permette de contribuer au bon fonctionnement des collectivités, après la suppression du versement représentatif de la taxe sur les salaires, au moment où existait déjà un certain nombre de dispositions à vocation péréquatrice : renforcement de la DGF des communes sous-fiscalisées, majoration de la dotation des communes touristiques et des bourgs-centres…
Rapporté aux recettes nettes de TVA attendues, ce prélèvement représenterait aujourd'hui 23,884 milliards d’euros, au bénéfice exclusif – convient-il de le rappeler ? – des communes.
Cette année, l’ensemble constitué par la DGF des communes et des groupements s’élève à 23,1 milliards d’euros. Autrement dit, la DGF pour 2015 est inférieure, en valeur nette, à ce que donnerait la simple réévaluation de la DGF pour 1985 ! Il faut dire que, dans l’intervalle, de nombreuses mesures relatives à la DGF ont été adoptées – je pense notamment aux réformes de 1989 et de 1993 –, qui ont traduit l’objectif de réduction toujours plus importante des concours budgétaires de l’État aux collectivités territoriales. Rappelons que, en 2004, après la disparition de la part « salaires » de l’assiette de la taxe professionnelle, la compensation des pertes de recettes avait, pratiquement à elle seule, fait doubler quasiment le montant de la dotation…
Pour aller plus loin, on nous propose aujourd'hui, après quatre années de gel de la DGF et sa réduction, à hauteur de 1,5 milliard d’euros, en 2014, d’accentuer cette baisse.
Mes chers collègues, accepter, en cette fin d’année 2014, la réduction du montant de la dotation globale de fonctionnement, c’est laisser l’État revenir sur la parole donnée, d'autant que la dernière modification importante ayant affecté les ressources des collectivités – la suppression de la taxe professionnelle, décidée par le précédent gouvernement – a fait perdre à celles-ci une recette dynamique, compensée en deçà des recettes attendues – en tout état de cause, en deçà des recettes que l’on aurait pu en obtenir aujourd'hui.
La diminution de la DGF prévue dans le présent projet de loi de finances est fondée sur la réduction de la dépense publique, choix que le Gouvernement a décidé d’opérer pour réduire le déficit de l’État. Monsieur Bouvard, contrairement à vous, nous ne partageons pas ce choix, dont nous pensons qu’il est contreproductif, qu’il va contribuer à affaiblir notre économie et les ressources du budget de l’État et à dégrader la situation non seulement des familles les plus fragiles, mais aussi des foyers à revenus modestes ou moyens.
Vous le savez, mes chers collègues, la dépense des collectivités territoriales est largement consacrée à la vie et au fonctionnement des services publics. C’est particulièrement vrai du bloc communal, qui sera le plus lourdement frappé – à hauteur de 56 % – par la réduction de la DGF, laquelle baissera de 11 milliards d’euros pour les années 2015 à 2017 et de 3,67 milliards dès 2015.
Ces services, qu’il s'agisse des crèches, des centres de loisirs, de la restauration scolaire, de l’entretien des bâtiments, en particulier des écoles, mais aussi des transports, dont on a parlé tout à l'heure, sont indispensables à la vie des habitants. Bien souvent, ils fonctionnent en régie. La contribution des usagers est calculée en fonction de leurs ressources.
Le coût de ces services a donc une incidence importante sur le pouvoir d’achat de ces populations, à l’heure où le chômage s’accroît et où le nombre de familles en grande difficulté augmente. Comme le rappellent toutes les associations caritatives, cet aspect ne doit pas être négligé.
Tout le monde l’a reconnu, c’est en raison de ses services publics et de son haut niveau de protection sociale que la France a mieux résisté que d’autres pays à la crise financière de 2008. Ne l’oublions pas ! Pour la croissance, qui a tant de difficultés à redécoller, les conséquences ne sont pas négligeables.
Nos dépenses publiques se sont fortement dégradées eu égard à la hausse des dépenses énergétiques, dont les coûts continuent à augmenter, malgré les efforts d’investissement des collectivités pour réduire leur consommation. Aujourd'hui, le débat sur le coût de nos dépenses publiques intègre rarement cette réalité.
En revanche, bien souvent, les difficultés des collectivités sont associées au coût des normes. Or, si la prolifération normative de ces dernières années est « remarquable », toutes les normes ne doivent pas pour autant être rejetées. À cet égard, je pense que, à l’instar de ce qui existe pour les transferts de compétences, la production de normes devrait s’accompagner des ressources nécessaires à leur mise en œuvre.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, il est plus qu’indispensable de ne pas diminuer aujourd'hui le montant de la dotation globale de fonctionnement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l'article.
M. Roger Karoutchi. Je vais brièvement me faire le défenseur des régions.
Monsieur le secrétaire d'État, sans vouloir paraître démagogue, je dois vous reconnaître un mérite : alors que les élections approchent, on ne peut pas dire que vous aidiez beaucoup vos amis présidents de région, dont la plupart appartiennent à votre camp politique…
Chers collègues de gauche, j’ai quelques souvenirs de la bronca qu’avait suscité – en 2011, si ma mémoire est bonne – l’annonce, par un précédent gouvernement, d’une baisse des dotations aux collectivités. Pourtant, il ne s’agissait alors que de 200 millions d’euros !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
M. Roger Karoutchi. Vous le constatez, nous étions alors très loin des chiffres que l’on nous annonce aujourd'hui !
Monsieur le secrétaire d'État, je suis le premier à dire que les collectivités doivent prendre leur part à l’effort collectif : si l’État fait des efforts, si les Français en font aussi, notamment en tant qu’assurés sociaux, il n'y a pas de raison que les collectivités n’en consentent pas.
M. Michel Bouvard. En effet !
M. Roger Karoutchi. Reste à voir la nature et la progressivité de l’effort demandé. En effet, le coup de marteau aura des conséquences extraordinairement négatives.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Permettez-moi de prendre le cas d’une région que je connais bien, l’Île-de-France, dont j’ai le bonheur de présider la commission des finances.
M. Philippe Dallier. Bonheur ? Tout est relatif ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Certes, mon cher collègue, ce bonheur est limité, surtout à l’heure actuelle…
En 2014, entre la baisse de la DGF et les péréquations supplémentaires, la région aura perdu 100 millions d’euros. Cette perte passera à 120 millions d’euros en 2015. Il en ira plus ou moins de même en 2016 et en 2017. En somme – le calcul est extrêmement simple –, entre 2013 et 2017, l’Île-de-France aura perdu environ 450 millions d’euros, soit à peu près 10 % de son budget.
Dans le même temps, l’État, très légitimement, se tourne vers la région et l’incite à investir davantage dans le Grand Paris Express ou dans un certain nombre d’autres opérations. Je ne dis pas que l’État n’y contribue pas : il s’engage ainsi, dans le prochain contrat de plan, à hauteur de 1,4 milliard d’euros pour les transports. Mais, quand lui participe, la région – permettez-moi cette expression – met le paquet ! Or, comme je l’ai indiqué au président du conseil régional, nous n’en avons plus les moyens. Halte au feu !
En réalité, la baisse de la dotation nous contraindra à réduire considérablement nos investissements. Dans une période où le chômage augmente, où les petites et moyennes entreprises se tournent de plus en plus vers les régions, auxquelles le Gouvernement a souhaité confier une compétence large en matière économique, nous sommes dans l’obligation de dire aux acteurs du monde de l’entreprise que nous ne pouvons plus ni intervenir ni aider ni participer, tout simplement parce que nous diminuons nous-mêmes nos budgets.
En parallèle, monsieur le secrétaire d'État, il n’est jamais question, dans la presse, que de régions très endettées, qui empruntent beaucoup… Au reste, je condamne moi-même l’action de mon exécutif régional, en l’appelant à réduire le niveau de l’emprunt. Celui-ci devrait s’établir à 860 millions d’euros pour 2015, et la dette de la région d’Île-de-France a été multipliée par quatre en l’espace de dix ans. Aujourd'hui, nous sommes étranglés.
Une baisse de la dotation non progressive, non organisée avec les collectivités se traduit forcément par des mesures drastiques, qui pèseront sur l’emploi, sur les citoyens, sur les usagers des transports. (M. Michel Bouvard applaudit.) Dans le même temps, un certain nombre de personnes – j’ai jadis été de leur avis – proposent d’instaurer un tarif unique pour les transports en Île-de-France. Mais avec quel argent pourrions-nous financer une telle mesure ? Nous n’avons plus rien – plus un centime ! –, et nous sommes couverts de dettes.
Par conséquent, si je comprends l’action du Gouvernement, comprenez, en sens inverse, que cette action signifiera, pour les collectivités, moins d’emploi, plus de difficultés, plus de dettes, plus d’emprunts. Quand on appelle à trouver un système qui assure un équilibre global entre l’État, les collectivités et les organismes sociaux, pourquoi laisser l’État se désengager à l’égard des collectivités, pour lui permettre de se désendetter un peu ? Au final, ce sont les collectivités qui s’endettent fortement, et l’équilibre, pour le citoyen, est toujours négatif.
Par conséquent, je soutiendrai tous les amendements qui visent à réduire la brutalité et le montant de la baisse de la dotation dans les années qui viennent.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. Le débat sur la DGF, qui revient régulièrement dans cette enceinte, se situe toujours quelque part entre le pont des Soupirs et le Mur des Lamentations ! Mais nous comprenons bien les difficultés qu’il reflète.
Permettez-moi dans ce cadre, mes chers collègues, d’apporter l’éclairage d’un sénateur représentant un département hyper-rural, l’Orne, et ayant une caractéristique assez peu commune, celle de ne pas détenir d’autre mandat. De ce fait, je n’assure la protection ou la défense d’aucune région, d’aucun département ou d’aucune commune. En revanche, j’entends les remontées du terrain !
Nous en avons longuement parlé ce matin, le Gouvernement a déjà ponctionné, l’année dernière, 1,5 milliard d’euros sur le montant de la DGF au titre du financement du CICE. Nous sommes tous conscients de la nécessité de dégager des économies, mais la démarche est extrêmement mal ressentie. Le pilotage de la DGF impose aux territoires de faire des choix de gestion, alors que, simultanément, leurs charges s’accroissent. La réforme des rythmes scolaires, je le répète, a soulevé d’énormes difficultés de financement en zone rurale et la question des normes, que nous avons aussi déjà abordée, s’avère un problème absolument insoluble pour les territoires.
Dans le même temps, monsieur le secrétaire d’État, les organismes qui devraient agir en partenaire des collectivités locales ne jouent pas le jeu. Je pense notamment aux banques, dont nous n’avons pas parlé aujourd'hui et qui n’apportent aucun véritable soutien.
Les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics, qui comptent sur la commande publique, ne savent plus comment elles vont pouvoir trouver de l’activité, tant les collectivités manquent de visibilité et de moyens. En outre, on demande à celles-ci de se restructurer, de s’agrandir, donc d’accroître leurs effectifs, tout en diminuant leurs dotations.
Tous ces facteurs créent de l’incertitude, fragilisant les territoires à l’extrême.
J’aurais tendance à dire, pensant à la réforme territoriale lancée à la veille des élections sénatoriales : même motif, même punition ! Nous allons nous retrouver encore une fois avec des structures totalement étranglées, dans des départements n’ayant absolument plus les moyens d’assurer un niveau minimal de prestations, au service de leur population.
L’Agence France Locale est encore trop jeune et trop fragile pour prendre le relais de l’État, et le Gouvernement s’est engagé sur une baisse structurelle de 22 % du montant des dotations à l’horizon de 2017. Mais quel avenir prépare-t-il pour les territoires ?
Il est évident que les collectivités peuvent réaliser des économies. Nous le savons tous ! Mais cela ne peut se faire sans un accompagnement par les agents censés apporter ce soutien. Ainsi, ne faudrait-il pas, par exemple, revoir le fonctionnement du Centre national de la fonction publique territoriale ? Des marges d’amélioration sensible existent probablement dans ce domaine, car le budget des collectivités locales est aussi parfois lourdement grevé par le coût des personnels territoriaux disposant d’un certain nombre de droits acquis.
Mais je voulais tout particulièrement attirer l’attention sur le cas des banques et établissements financiers, qui, franchement, n’aident ni nos collectivités ni nos entreprises. Pourtant, ces structures seraient tout à fait à même d’assurer un relais, permettant au moins aux collectivités locales d’achever les travaux d’aménagement absolument nécessaires pour nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Dilain, sur l'article.
M. Claude Dilain. Je voudrais à mon tour évoquer le principe de la péréquation, que celle-ci soit horizontale ou verticale.
D’une manière générale et tout particulièrement dans le contexte budgétaire actuel, je comprends parfaitement l’inquiétude - pour ne pas dire, parfois, la colère - des communes ne bénéficiant pas de la péréquation ou y contribuant.
Par ailleurs, je rejoins en cela Michel Bouvard, distinguer communes riches et communes pauvres me semble erroné, car il s’agit là d’un élément tout à fait subjectif. Ce qui, de mon point de vue, doit être comparé, c’est le « pouvoir d’agir » des maires ! J’entends par là leur faculté de faire.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Claude Dilain. Cette comparaison, mes chers collègues, doit être établie sur le seul fondement des recettes. En effet, il me semble nécessaire d’évacuer - Michel Bouvard y a également fait allusion - l’idée selon laquelle certaines villes seraient pauvres parce que mal gérées, même si de tels cas doivent exister. Je ne peux néanmoins m’empêcher de signaler que, lorsque j’étais maire de Clichy-sous-Bois, lassé d’entendre un tel argument, j’ai décidé de faire noter ma commune : elle a reçu un triple A, témoignant d’un avenir « stable ». Par les temps qui courent, obtenir la même note que les États-Unis, ce n’est pas si mal !
Cela étant, il faut, me semble-t-il, prendre conscience de l’ampleur des inégalités territoriales en matière de « pouvoir d’agir ». M. Roger Karoutchi a précédemment évoqué l’Île-de-France. Dans cette région, les écarts entre les communes sont de un à dix, et ce pour assumer exactement les mêmes missions ! Comment voulez-vous que, dans une République prônant l’égalité devant les services publics, un maire ayant dix fois moins de ressources qu’un autre puisse offrir exactement les mêmes prestations ?
Toutes les études montrent que nous sommes les champions d’Europe de l’inégalité territoriale !
Je reconnais que le principe de la péréquation n’est pas sans présenter de difficultés, surtout aux yeux des contributeurs, et qu’on trouve toujours de bonnes raisons pour tenter de ne pas l’appliquer. Voilà vingt ans que je me préoccupe de questions de péréquation et, chaque année, même dans des contextes très différents de la situation actuelle, j’entends avancer des arguments techniques ou de circonstance justifiant de ne pas faire de péréquation. Cette tendance vaut d’ailleurs quel que soit le gouvernement en place !
Je plaide, pour ma part, pour que cette dynamique de solidarité ne soit surtout pas entravée dans la période difficile que nous traversons. Si nous y mettons fin, les communes qui se trouvent dans l’incapacité d’agir vont encore rétrograder ! Depuis quelques années, cette dynamique emporte un consensus, gauche et droite confondues ; il faut à tout prix la maintenir !
Il y va de l’unité de la République ! Je ne peux pas imaginer, et cette position devrait être partagée par tous dans cet hémicycle, que dans ce pays, on accepte le fait que certains maires aient dix fois plus que d’autres pour rendre le même service public ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, sur l'article.
M. François Marc. Un nombre non négligeable d’arguments ayant été produits à ce stade de la discussion, je serai bref. Je ne saurai, en effet, prendre du temps à répéter ce que d’autres ont dit mieux que moi !
Je tenais simplement à rappeler qu’il est difficile d’évoquer la globalité des dotations aux collectivités sans une compréhension plus approfondie de l’égalité, ou plutôt de l’inégalité existant à l’échelon de la répartition de ces moyens.
Je partage le constat énoncé à l’instant par Claude Dilain : notre pays connaît des inégalités tout à fait significatives dans ce domaine, surtout entre blocs communaux, et ces inégalités persistent, de manière parfaitement inacceptable.
Le Gouvernement a conscience de cette réalité, comme il nous l’a indiqué à maintes reprises. Il envisage donc une profonde réforme de la DGF, qui permet une répartition des moyens entre les collectivités, en 2015. Les parlementaires seront appelés à participer à ce travail, ce dont je me félicite, puisque nous pourrons ainsi apporter notre contribution. Mais le Sénat a déjà commencé à réfléchir sur cette question de la réforme de la DGF : nous en avons rendu compte à la commission des finances et d’autres réunions auront lieu. En tout cas, ce sujet apparaît comme fondamental.
Le deuxième point qui doit nous occuper est celui de la persistance de différentiels de potentiel financier.
Nous aurons beau corriger la DGF, des inégalités sensibles demeureront au plan du potentiel financier permettant aux communes d’exercer des compétences que la République leur a déléguées. En tant que républicains, nous devons veiller à ce que chaque commune puisse œuvrer sur une base satisfaisante. Comme ce n’est pas le cas aujourd'hui, des corrections s’imposent !
C’est précisément pour apporter ces correctifs que des systèmes de péréquation ont été mis en place depuis quelques années : ils visent à octroyer aux plus modestes une dotation supérieure à celle des plus riches.
Le dispositif repose sur le FPIC, qui a été mis en place sous la législature précédente.
M. Michel Bouvard. C’est vrai !
M. François Marc. Or, mes chers collègues, un rythme de montée en charge a été défini dans ce cadre. Il est nécessaire de le respecter, voire de le renforcer à l’avenir.
M. Michel Bouvard. Aucune diminution de la DGF n’était prévue à l’époque !
M. François Marc. Mais il semble tout aussi important, comme cela a déjà été souligné, de préserver les objectifs fixés par le Gouvernement pour l’année 2015 en matière de mécanismes de péréquation verticale, dans l’attente de la réforme à venir, laquelle nous permettra peut-être d’envisager avec plus de clarté la fixation de la DGF pour 2016. S’agissant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la DSU, et de la dotation de solidarité rurale, la DSR, il nous faut donc conserver le rythme de progression envisagé dans le projet de loi de finances.
Il m’apparaît – d’une certaine façon, il s’agit d’une explication de vote anticipée - que toute disposition aboutissant à une réduction du rythme de la péréquation en 2015, qu’elle soit présentée par les uns ou les autres, serait préjudiciable pour l’avenir. Elle pénaliserait les collectivités les plus modestes et, nous devons l’avoir en tête, ce sont celles qui souffrent le plus en cette période de disette budgétaire.
Il nous faut par conséquent préserver les mécanismes permettant à ces collectivités les plus modestes de disposer du minimum vital pour assurer les compétences qui leur sont confiées au sein de la République.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, sur l'article.
M. Philippe Dallier. Un consensus semble se dégager dans l’hémicycle sur, au moins, deux points : d’une part, les collectivités locales ne peuvent rester en dehors de l’effort de réduction du déficit public ; d’autre part, la proposition du Gouvernement consistant à réduire la DGF de 11 milliards d’euros en trois ans n’est pas soutenable. Je n’ai entendu personne, dans cette enceinte, affirmer le contraire !
Puisque l’on en vient aux chiffres, il convient effectivement d’évaluer les conséquences d’une telle baisse…
Permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler en cet instant la conclusion principale de l’étude réalisée par le cabinet Michel Klopfer pour le compte de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation :…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Très bon rapport !
M. Philippe Dallier. … les deux tiers des communes de plus de 10 000 habitants vont se retrouver dans une impasse budgétaire avant 2017 ! Les deux tiers ! On ne peut pas prétendre que deux tiers des communes françaises sont riches ou très riches ! C’est même le tiers restant sans trop de difficultés qui, en toute vraisemblance, concentrera les communes ayant le plus de moyens.
Il apparaît donc clairement que la décision du Gouvernement de réduire la DGF de 11 milliards d’euros en trois ans causera de grandes difficultés, non seulement aux communes dotées de peu de moyens, mais également à toutes les communes moyennes, que ce soit par la taille ou par la richesse. Telle est la conclusion de l’étude !
On ne peut pas, particulièrement au Sénat, entériner une telle évolution, dont les conséquences sont tout à fait évidentes. Premièrement, nous assisterons à une chute de l’investissement, ce qui n’est pas bon pour la croissance, et certainement à des fermetures d’entreprises et à des licenciements dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Deuxièmement, l’endettement des collectivités locales progressera, alors même que nous recherchons l’inverse au travers des démarches de désendettement public. Troisièmement, nous connaîtrons une hausse des impôts locaux.
Or où ces impôts locaux vont-ils augmenter ? Précisément dans les communes moyennes, qui, en règle générale, appliquent déjà des taux d’imposition élevés, voire très élevés - en la matière, je vous rappelle que les taux les plus importants sont enregistrés en Seine-Saint-Denis. Cela ne signifie pas pour autant que tous les maires de ces communes sont des incapables, comme je l’entends parfois. Il se trouve que la richesse fiscale et les revenus des habitants étant d’un niveau plus bas qu’ailleurs, le seul moyen de dégager de la ressource consiste à appliquer des taux d’imposition très élevés !
Que va-t-on nous proposer ? De continuer à augmenter les taux de la taxe d’habitation et des taxes foncières ? Ce n’est plus tenable ! J’espère donc qu’il sortira de notre débat une solution différente de celle que préconise le Gouvernement.
Nos collègues socialistes suggèrent un étalement sur quatre ans… J’ai regardé ce qu’il en serait sur le budget de ma commune – pardonnez-moi de m’exprimer en ma qualité de maire – et, honnêtement, ce délai ne suffira pas à résoudre le problème ! Il faudrait lisser sur six ans pour envisager une sortie positive, en espérant que la croissance soit de retour à partir de 2018 et que nous parvenions à renouer avec l’équilibre.
Au-delà, la commission a également déposé des amendements.
Par ailleurs, j’entends parfois dire qu’aucun élément de péréquation n’apparaît dans la baisse de la DGF. C’est faux ! On trouve, dans cette évolution, deux éléments de péréquation… « en creux » !
Premier élément, la diminution est proportionnelle non au montant de la DGF, mais aux recettes de fonctionnement des collectivités locales. Par conséquent, les communes de plus de 10 000 habitants, qui disposent de recettes issues des services à la population, lesquelles sont intégrées dans le critère de calcul, subiront une baisse plus importante que les communes plus petites.
Deuxième élément de péréquation « en creux », dont on ne parle pas souvent dans cette enceinte, ce dont je m’étonne d’ailleurs, la dotation de compensation des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties et les compensations accordées aux communes, notamment dans le cadre de la réforme entreprise précédemment de la taxe professionnelle ou des impôts, vont disparaître. J’ai déposé un amendement sur ce sujet. En la matière, il n’y aura plus du tout de péréquation ! Je crois que la baisse de la dotation de péréquation sera de plus de 20 % cette année. Une fois encore, ce sont les communes de plus de 10 000 habitants qui seront frappées lourdement. Et peu importe que la commune soit riche ou pauvre ! Vous combinez tout cela avec la montée en puissance du FPIC qui peut concerner des communes éligibles à la DSU, ce qui est tout de même extraordinaire, et vous obtenez un résultat intenable.
M. Alain Gournac. C’est vrai !
M. Philippe Dallier. Pour ma part, mes chers collègues, je doute que le Gouvernement accepte l’amendement déposé par la commission des finances. Cela dit, l’adoption de l’amendement déposé par nos collègues socialistes aura une faible portée : sur quatre ans, la diminution de dotations ne passera pas plus ! L’année prochaine, nous nous retrouverons dans cet hémicycle, avec exactement le même débat. J’espère que, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, une solution intermédiaire pourra être trouvée. Sinon nous allons droit à la catastrophe. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, sur l’article.
M. Jean-Claude Boulard. Mme Beaufils a eu raison de rappeler que la DGF est un remboursement, lié à l’extension de la TVA aux commerces de détail, que l’État continue à prélever la ressource. Si on nous avait laissé nos impôts, nous ne serions pas en train de débattre de la réduction de l’effort de l’État, qui constitue en fait un simple remboursement.
Par ailleurs, soyons objectifs s’agissant de l’origine de cette diminution de dotations qui constitue un recul. Les collectivités sont mises à contribution non seulement pour équilibrer les comptes de l’État, mais surtout pour financer le pacte de responsabilité et de solidarité. Imaginons – je ne le souhaite pas – que, à la fin de l’année 2015, les effets de ce pacte, qui n’est pas sélectif, soient faibles, que l’on s’aperçoive que des secteurs protégés – je pense notamment aux notaires, aux huissiers, qui, par ailleurs, sont critiqués – ont bénéficié de 3 milliards d’euros d’aide et que l’investissement est en panne dans les collectivités territoriales… Il y aura là matière à réflexion.
Je n’en dis pas plus, espérant avoir tort. Mais, de temps en temps, il vaut mieux exprimer un certain nombre de choses permettant d’alimenter la réflexion, puisque ce sujet reviendra sur la table dans quelques mois.
J’évoquerai en outre un troisième élément, sans doute plus positif. Attention, mes chers collègues, la péréquation, quel que soit son niveau, n’effacera plus le repli des dotations ! Croire le contraire, c’est s’enfermer dans l’illusion. Je le précise, ma collectivité est bénéficiaire de la péréquation, et j’ai donc quelque crédit à évoquer ce sujet. Normalement, les élus plaident pour ou contre la péréquation selon qu’ils en sont ou non bénéficiaires. Au surplus, prenons-y garde, cette question crée une division entre les élus qui peut s’avérer préjudiciable à la conduite de nos débats.
Dernier point, nous plaidons en faveur d’un étalement dans le temps, que nous considérons comme essentiel. Bien sûr, cela ne doit pas dégrader les comptes de l’État. À ce propos, monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous signaler un élément intéressant, qui pourrait permettre de compenser l’effort de l’État, si celui-ci acceptait d’étaler la mesure prévue. En qualité de rapporteur spécial du compte d’affection spéciale « Pensions », j’ai relevé que le fonds de roulement de ce compte, lorsqu’il a été mis en place en 2006, était de 1 milliard d’euros. Aujourd'hui, en raison des excédents cumulés, il atteint 2,5 milliards d’euros, enregistrant un surplus de 1 milliard d’euros, que personne ne conteste. Sous réserve d’une expertise complémentaire – ce sont les administrateurs du Sénat qui ont identifié cet excédent –, peut-être cette somme pourrait-elle servir à supporter un étalement de la diminution des dotations ne conduisant pas à dégrader les comptes du budget de l’État pour 2015. Il faut effectivement trouver un arbitrage entre l’effort que nous souhaitons et l’équilibre global des finances de l’État.
Je tenais à livrer ces quelques réflexions sur un sujet qui n’est pas facile, mais sur lequel nos préoccupations sont communes, tout comme le souhait de trouver un compromis raisonnable.