M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-232 rectifié est présenté par M. Cadic, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam, Goy-Chavent et Iriti et MM. Duvernois, Kern, Mandelli, Pellevat et Laufoaulu.
L'amendement n° I-305 rectifié est présenté par M. Bouvard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199 decies F du code général des impôts est complété par un 6 ainsi rédigé :
« 6 La réduction d’impôt sur le revenu visée au 1 est également applicable aux contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B qui réalisent des travaux de reconstruction, d’agrandissement, de réparation, de rénovation ou d’amélioration entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2018.
« 1°) Cette réduction d’impôt s’applique :
« a) Aux dépenses afférentes à un logement, faisant partie d’une résidence de tourisme classée dans une zone de revitalisation rurale ou dans une zone, autre qu’une zone de revitalisation rurale, inscrite sur la liste pour la France des zones concernées par l’objectif n° 2 prévue à l’article 4 du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil du 21 juin 1999 portant dispositions générales sur les Fonds structurels, à l’exclusion des communes situées dans des agglomérations de plus de 5 000 habitants, qui est destiné à la location dont le produit est imposé dans la catégorie des revenus fonciers ;
« b) Aux dépenses afférentes à un logement, achevé depuis neuf ans au moins et situé dans une zone mentionnée au a, qui est destiné à la location en qualité de meublé de tourisme au sens de l’arrêté du 28 décembre 1976 ;
« c) Aux dépenses afférentes à un logement, achevé depuis neuf ans au moins et faisant partie d’un village résidentiel de tourisme classé, d’une résidence de tourisme classée, dans le cadre de la signature d’un bail ou d’un renouvellement de bail, ou destiné à la location en qualité de meublé de tourisme, dont le produit est imposé dans la catégorie des revenus fonciers ou des bénéfices industriels et commerciaux.
« Peuvent être prises en compte, en cas de location en meublé, les dépenses liées au remplacement du mobilier.
« Pour les logements visés aux a) et c), l’indexation d’une part minoritaire du loyer sur le chiffre d’affaires ne fait pas obstacle à l’imposition dans la catégorie des revenus fonciers.
« 2°) La réduction d’impôt est accordée au titre de l’année du paiement des dépenses de travaux. Les dispositions du 5 du I de l’article 197 sont applicables.
« Le montant des dépenses de reconstruction, d’agrandissement, de réparation, de rénovation ou d’amélioration effectivement supportées par le propriétaire ouvrant droit à réduction d’impôt ne peut excéder, au titre d’une année, 50 000 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et 100 000 € pour un couple marié. Son taux est égal à 30 % du montant des dépenses éligibles, sans qu’il y ait toutefois lieu de le diminuer des subventions publiques accordées aux contribuables.
« 3°) Le propriétaire doit selon le cas s’engager à louer les logements objet des travaux, nus ou meublés, pendant au moins neuf ans, soit par un bail ou un renouvellement de bail consenti à l’exploitant de la résidence de tourisme ou du village résidentiel de tourisme classé, soit pour les meublés de tourisme par le biais d’un mandat de longue durée confié à un tiers ; dans ce dernier cas, le propriétaire doit s’engager à les louer meublés à des personnes physiques à raison de douze semaines au minimum par année et pendant les neuf années suivant celle de l’achèvement des travaux.
« En cas de cession du logement pendant la durée du bail ou du bail renouvelé ou de l’engagement de louer (mandat), la réduction pratiquée fait l’objet d’une reprise au titre de l’année de la cession. En cas de rupture de l’engagement de location pendant la durée du bail ou du bail renouvelé ou de l’engagement de louer (mandat) en cas de liquidation judiciaire de l’exploitant, de résiliation ou de cession du bail commercial par l’exploitant, ou de mise en œuvre par les propriétaires du bénéfice de la clause contractuelle prévoyant la résiliation du contrat à défaut de paiement du loyer par l’exploitant, la réduction d’impôt fait l’objet d’une reprise pour le tiers de son montant au titre de l’année de la rupture de l’engagement de location et de chacune des deux années suivantes. Toutefois, en cas d’invalidité correspondant au classement dans la deuxième ou la troisième des catégories prévues à l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, de licenciement ou de décès du contribuable ou de l’un des époux soumis à imposition commune, la réduction d’impôt n’est pas reprise.
« La réduction pratiquée ne fait pas l’objet d’une reprise si les copropriétaires substituent au gestionnaire défaillant de la résidence de tourisme une ou un ensemble d’entreprises qui assurent les mêmes prestations sur la période de location restant à couvrir conformément aux prescriptions légales, dans des conditions fixées par décret. Cette faculté leur est ouverte dès lors que la candidature d’un autre gestionnaire n’a pu être retenue après un délai d’un an et qu’ils détiennent au moins 50 % des appartements de la résidence.
« La réduction d’impôt n’est pas applicable au titre des logements dont le droit de propriété est démembré. Le contribuable qui demande le bénéfice de la réduction d’impôt renonce à la faculté de déduire ces dépenses, pour leur montant réel ou sous la forme d’une déduction de l’amortissement, pour la détermination des revenus catégoriels. Il ne peut bénéficier des dispositions prévues à l’article 32 ou à l’article 50-0. »
II. – Le I s’applique aux travaux réalisés à compter du 1er septembre 2014.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour défendre l’amendement n° I-232 rectifié.
M. Olivier Cadic. Dans un contexte concurrentiel mondial accru, le parc immobilier touristique français vieillit et ne répond plus aux attentes des clientèles domestiques et internationales.
À ce jour, on estime nécessaire de rénover ou de réhabiliter 40 000 logements pour maintenir la capacité d’accueil touristique de notre pays. Cela implique nécessairement de renforcer les dispositifs susceptibles de favoriser la revalorisation des hébergements de loisirs en France.
Dans cette optique, les auteurs de cet amendement proposent de remettre au goût du jour, en matière d’impôt sur le revenu, le dispositif des ORIL – opérations de réhabilitation de l'immobilier de loisirs –, en l’assouplissant afin d’éliminer les contraintes ayant trop lourdement limité son impact.
Sur la base de 4 000 logements par an faisant l’objet de travaux de rénovation, les projections réalisées permettent d’envisager globalement un montant de travaux de 160 millions d’euros, la création de 8 000 emplois et un résultat budgétaire positif de 90 millions d’euros.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° I-305 rectifié.
M. Michel Bouvard. Notre collègue Olivier Cadic vient de rappeler que 40 000 logements relevant de l’immobilier de loisirs doivent être réhabilités chaque année pour maintenir les capacités d’hébergement du pays.
Ceux d’entre vous qui ont déjà eu l’occasion de se rendre dans des résidences de tourisme à la montagne savent que l’on y trouve encore des studios-cabines. Cela signifie que l’on perd des lits en réhabilitant et que le besoin de réhabilitation se fait alors encore plus sentir pour maintenir une certaine capacité d’hébergement tout en améliorant le confort offert à la clientèle.
Créé en 1999, alors que Michelle Demessine était secrétaire d'État au tourisme, le dispositif ORIL-VRT – opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisirs-villages résidentiels de tourisme – est éteint depuis le 31 décembre 2012. Il s’est éteint sans que personne s’en plaigne puisqu’il ne fonctionnait quasiment déjà plus un an et demi après sa naissance. En effet, son attractivité reposait sur la récupération de la TVA sur les travaux dont le taux avoisinait à l’époque les 20 % et, quelque temps après son entrée en vigueur, le taux de la TVA sur la réhabilitation dans l’immobilier est passé à 5,5 %, ce qui a fait disparaître son principal levier d’attractivité.
Les logements en question ont été achetés dans les années soixante-dix ans par des personnes désireuses de disposer d’une résidence secondaire à la montagne. Ils ont pu bénéficier, à un moment donné, d’une incitation fiscale s’ils le mettaient sur le marché locatif pendant neuf ans, et puis tout s’est arrêté. Nous devons aujourd’hui « reconquérir » une partie de ces logements.
Je ne puis affirmer pas que le dispositif que je propose sera efficace. Les logements concernés sont dispersés, et il faut les regrouper pour pouvoir les commercialiser. Mais c’est ce que l’on pouvait imaginer de mieux pour envoyer un premier signal et passer réellement aux actes en matière de réhabilitation. Il s’agit donc d’un amendement d’appel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est sensible à cet appel et considère que la réhabilitation du parc touristique vieillissant est un vrai sujet.
Face à l’ampleur du problème, sans doute faudrait-il réactiver un dispositif fiscal à même d’inciter à la rénovation de logements touristiques.
Toutefois, l’adoption de ces amendements identiques entraînerait quelques difficultés d’application.
Il s’agit tout d’abord d’un problème de cohérence : dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, le Sénat a encadré toute nouvelle niche fiscale dans un délai de quatre ans.
M. Michel Bouvard. Nous avons rectifié les amendements pour en tenir compte !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je lis peut-être mal, mais le dispositif proposé par ces amendements s’étale sur quatre ans et quatre mois…
À côté de ce souci de cohérence, il faut également prendre garde aux taux. Ceux du code général des impôts sont différents, moins incitatifs : 15 % pour les résidences de tourisme, quand vous proposez 30 %.
M. Michel Bouvard. Ce taux s’applique au montant des travaux !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de ces amendements qui mériteraient d’être retravaillés d’ici à la discussion du prochain projet de loi de finances rectificative.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, faut-il recréer des niches fiscales chaque fois que se présente un problème ? Sans doute convient-il, à un moment donné, d’accepter d’établir des priorités.
Dans notre pays, 45 milliards d’euros de mesures fiscales sont déjà dévolus au soutien du secteur immobilier sous diverses formes, qu’il s’agisse de l’aide au logement locatif social, des travaux liés à la transition énergétique, de la fourniture de prestations, des allocations logement pour les plus modestes ou des taux de TVA réduits pour le logement social et intermédiaire…
Comme Mme Lienemann le soulignait, on peut d’ailleurs se demander si le coût de certains dispositifs fiscaux ne se retrouve pas dans les prix des loyers. (M. Michel Bouvard s’exclame.)
M. André Gattolin. Tout à fait !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’entends vos arguments, monsieur Bouvard : il s’agit bien d’un secteur qui connaît quelques difficultés. Mais doit-il être la priorité des priorités ? Non, la priorité des priorités, c’est la construction de logements d’habitation principale, et tout particulièrement de logement social.
Ces résidences de tourisme ont parfois déjà bénéficié d’un avantage fiscal pour leur construction, vous êtes bien placé pour le savoir. (M. Michel Bouvard acquiesce.) Maintenant qu’il faut les réhabiliter, vous voulez encore mettre en place un dispositif fiscal. À un moment, il faut savoir s’arrêter ! Je vous le dis sans aucune agressivité, car j’ai beaucoup d’estime pour vous, pour la Savoie et pour les résidences touristiques des secteurs de montagne, même s’il y en a d’autres. (Sourires.)
Les priorités ont été fixées. J’ai déjà rappelé un grand nombre des mesures en faveur du logement dont le montant global s’élève à 45 milliards d’euros.
J’en profite pour dire que le Gouvernement va se livrer à des revues de mission, notamment sur la question du logement, au cours des premiers mois de l’année 2015. Beaucoup de dispositifs existent, et nous voulons profiter de la loi de règlement pour évaluer et recentrer les politiques en matière de logement.
Vous l’aurez compris, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’entends bien ce que dit M. le secrétaire d’État et l’on ne peut qu’être sensible à son argumentation mettant en avant l’effort déjà consenti et qui pèse sur les finances publiques.
Je tiens à souligner que la nouvelle majorité sénatoriale a voté, dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, l’encadrement des dispositifs fiscaux dits « niches fiscales », pour une durée de quatre ans.
De même, nous avons aujourd’hui, par nos votes, limité le taux de réduction d’impôt du dispositif « Pinel » applicable outre-mer, encadré la durée de location, ainsi que la date d’entrée en vigueur du dispositif ascendants-descendants.
Nous avons parfois été suivis, d’autres fois non. Toujours est-il que la majorité s’est montrée extrêmement raisonnable.
Par ailleurs, toutes les niches, sauf exceptions rarissimes, seront concernées par le plafond de 10 000 euros, ce qui devrait, normalement, limiter les effets budgétaires de la création de nouvelles niches. Mais vous pourrez peut-être nous dire, monsieur le secrétaire d'État, si beaucoup de contribuables se trouvent déjà au plafond ou très proches de lui.
Quoi qu'il en soit, je suis favorable à ce que l’on regarde de plus près les problèmes évoqués par Michel Bouvard. Il faut néanmoins encadrer ce type de dispositif. C’est le souhait de la majorité sénatoriale : mieux encadrer les niches fiscales et élaborer des propositions d’économies, propositions que le Gouvernement ne suit pas toujours, d’ailleurs.
La majorité, en tout cas, ne peut pas être accusée d’être particulièrement dépensière ; tous nos votes vont plutôt dans le sens d’un encadrement des dispositifs fiscaux, afin d’arriver à un meilleur équilibre des finances publiques.
M. le président. Monsieur Bouvard, l’amendement n° I-305 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Bouvard. L’estime entre nous est réciproque, monsieur le secrétaire d’État. Je comprends et partage votre volonté de ne pas laisser galoper la dépense fiscale. J’ai suffisamment dénoncé son accroissement trop rapide pour veiller à ne pas l’encourager par des dispositifs fiscaux.
Les chiffres ont été donnés pour ce qui concerne le logement. Mais il faut tout de même savoir de quoi on parle. Les services de Bercy n’ont jamais été capables de nous donner, pour l’ensemble des résidences-services, la ventilation entre les résidences pour personnes âgées, les résidences étudiantes et les résidences touristiques. Quand on consulte le document d’évaluation des voies et moyens de cette année, l’ensemble des dispositifs pour les résidences-services, y compris les résidences touristiques, représente une somme de 170 millions d’euros. Un tiers – si ce n’est la moitié – de cette somme, si l’on veut faire une estimation assez large, est vraisemblablement consacré au secteur du tourisme.
De plus, ce dispositif est stable ; il ne fait pas partie de ceux qui ont vu leur coût s’accroître au fil des années.
J’ajoute que, derrière tout cela, Olivier Cadic l’a rappelé , il y a un retour de fiscalité non négligeable.
En l’occurrence, un besoin de compétitivité se fait aussi sentir. Vous dites aimer la montagne, monsieur le secrétaire d’État ; or en montagne, on ne peut plus construire ! Il faut protéger l’espace, les contraintes sont de plus en plus importantes et nous devons désormais reconstruire la station sur la station, comme on a reconstruit la ville sur la ville.
M. François Marc. Il faut être économe, surtout !
M. Michel Bouvard. Certaines résidences de tourisme ont été construites dans les années 1970, c’est-à-dire il y a bientôt cinquante ans. Ces produits ne sont plus adaptés à la clientèle. Si nous voulons, comme le souhaite à juste titre Laurent Fabius, maintenir la capacité d’accueil des touristes en France, créer dans ce secteur de la valeur ajoutée et des emplois, nous ne pouvons pas tourner le dos à ces problèmes.
Je ne dis pas que la dépense fiscale est la seule solution qui vaille : une évolution du droit de l’urbanisme est une autre voie susceptible d’être empruntée. Je suis, par exemple, pour que l’on octroie un droit de préemption aux communes, avec l’instauration de zones d’intervention foncière, afin qu’elles puissent en faire usage sur des lots en mauvais état, qu’il sera ainsi possible de réhabiliter. Mais ce type de dispositions n’a évidemment pas sa place en loi de finances.
Il convient de mener une réflexion d’ensemble, y compris d’ailleurs pour éviter que des logements ne soient privatisés et ne finissent, une fois réhabilités, par constituer des placements en « pierre-papier ». Cela suppose de modifier certaines dispositions ; pour l’instant, en effet, on ne peut faire de résidences de tourisme avec une SCPI.
Je vais répondre à la demande de M. le rapporteur général et retirer cet amendement, monsieur le président, mais je ne suis pas sûr que l’on puisse beaucoup progresser sur ce sujet d’ici à l’examen du collectif budgétaire, qui est très proche.
Je souhaiterais que le Gouvernement accepte d’ouvrir le débat sur le volet fiscal, bien sûr, mais aussi sur les autres volets du dossier. Je l’ai indiqué tout à l’heure, les ministres du tourisme qui se sont succédé sont passés trop rapidement pour pouvoir entamer ce travail. Désormais, on ne peut plus le reporter. C’est un enjeu de compétitivité économique pour notre pays, dans un des seuls secteurs qui créent encore des emplois et qui contribuent à l’amélioration de la balance des paiements courants.
M. le président. L’amendement n° I-305 rectifié est retiré.
Monsieur Cadic, l’amendement n° I-232 rectifié l’est-il également ?
M. Olivier Cadic. Monsieur le secrétaire d’État, j’apprécie votre description de la complexité de notre modèle fiscal.
Michel Bouvard l’a très bien dit, le tourisme représente 7 % du PIB. Il constitue une priorité du ministre des affaires étrangères et du développement international, ce en quoi je pense que celui-ci a raison. Il n’a pas l’air d’être la vôtre, en revanche, ce qui me donne l’impression qu’entre la main gauche et la main droite du Gouvernement, la communication ne passe pas !
M. François Marc. Seule la main gauche fonctionne ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Olivier Cadic. Considérer le sujet sous l’angle de la perte fiscale revient à voir le verre à moitié vide : « Ma cassette, ma cassette ! » Mais la création de 8 000 emplois va remplir les caisses, monsieur le secrétaire d’État ! Il faut aussi voir le verre à moitié plein. Il serait donc intéressant que nous puissions adopter cette mesure.
C’est pourquoi je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je partage l’avis de M. le secrétaire d’État sur la question, même s’il est contradictoire avec la position qu’il a exprimée au moment de nos débats sur l’article 5.
Je tiens à rappeler la position de fond du groupe CRC sur le sujet qui nous occupe.
Nous l’avons déjà indiqué, la création d’une mesure fiscale ne saurait, à notre sens, constituer la solution à tous les problèmes qui nous sont posés. Si tel était le cas, il y a belle lurette que, avec son impôt sur les sociétés de plus en plus réduit, sa taxe professionnelle disparue, ses cotisations sociales largement exonérées, la France aurait fait de ses entreprises, ainsi délivrées d’innombrables « contraintes », des championnes mondiales dans leur secteur.
Puisque tel n’est pas le cas, il faut peut-être en conclure que la baisse des impôts ne suffit nullement à assurer la compétitivité des entreprises et que d’autres facteurs doivent être envisagés.
Sans doute pourrions-nous nous demander, avant de réfléchir aux moyens de modifier le régime fiscal des villages résidentiels de tourisme ou des résidences avec services, s’il ne conviendrait pas plutôt de procéder dans l’ordre, c’est-à-dire de commencer par dresser une sorte d’état des besoins.
Il est vrai que 40 000 hébergements touristiques, souvent inscrits à l’actif d’entreprises de l’économie sociale et solidaire, ont besoin d’une certaine forme de rénovation. Dès lors, regardons s’il est possible de mobiliser des moyens financiers ou des crédits bancaires de proximité à moindre coût, avant de demander à l’État, une fois encore, de renoncer, à échéance de dix-huit mois environ, à une partie de ses recettes, certes infime, mais une partie tout de même.
Nous disposons en France d’un certain nombre de produits d’épargne défiscalisée dont la centralisation pourrait sans doute être améliorée et qui pourraient voir leurs fonctions élargies. Mais nous avons aussi un secteur bancaire qui se positionne plutôt dans le haut du classement international en matière de surface financière ou d’actifs nets. Le total de bilan de BNP Paribas, mes chers collègues, équivaut presque au produit intérieur brut marchand de la France, même si comparaison n’est pas forcément raison : le bilan de la BNP est un stock de valeurs, de titres, d’avances et de dettes à un moment donné et le PIB représente le produit du flux des activités économiques du pays.
Toutefois, il nous semble qu’en bien des domaines le crédit bancaire et les capacités importantes de la BNP, de la Société générale, du groupe BPCE et du Crédit agricole, entre autres, pourraient être mobilisés pour financer les opérations de rénovation et de construction évoquées par les auteurs des amendements qui viennent d’être présentés, surtout au moment où la Banque centrale européenne applique un taux d’intérêt négatif pour ses prises en pension et propose aux banquiers de l’argent frais à 0,10 %.
Voilà des éléments qu’il convenait sans doute de rappeler au moment de voter sur l’amendement n° I-232 rectifié. Il faut arrêter de toujours demander des crédits d’impôt, sous prétexte de compétitivité, alors qu’il est possible d’aller chercher l’argent chez les banquiers, notamment, pour entreprendre les rénovations nécessaires et remettre en route le tourisme français.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Boulard. Le débat m’inspire une réflexion que je livre à notre assemblée. Je me demande si nous n’avons pas trop souvent utilisé l’impôt comme outil de politique économique, et un outil parfois mal ciblé. Ne faut-il pas revenir à la finalité première de l’impôt, qui est de couvrir des dépenses ? Car c’est bien ce besoin qui a conduit à inventer les impôts !
Cette dérive est à l’œuvre depuis une trentaine d’années : on a totalement changé la fonction de l’impôt. Je crois nous allons devoir, au moment d’équilibrer un budget et alors que nous devons faire face à des dépenses, revenir aux fondements premiers de l’impôt.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos I-62 et I-79 sont identiques.
L’amendement n° I-62 est présenté par Mme Des Esgaulx.
L’amendement n° I-79 est présenté par M. Mercier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 199 sexvicies est ainsi modifié :
a) À la fin du deuxième alinéa du II, les mots : « et de 11 % pour ceux acquis à compter de 2012 » sont remplacés par les mots : « , de 11 % pour les logements acquis en 2012, 2013 et jusqu’au 15 novembre 2014, et de 8 % pour ceux acquis à compter du 15 novembre 2014 » ;
b) Le cinquième alinéa du II est ainsi rédigé :
« La réduction d’impôt est répartie sur neuf années pour les investissements réalisés avant le 15 novembre 2014, et sur six années pour les investissements réalisés à compter du 15 novembre 2014. » ;
2° L’article 39 G est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « ne sont admis en déduction du résultat imposable du bénéficiaire de cette réduction d’impôt qu’à hauteur de ceux pratiqués sur la fraction du prix de revient des immeubles excédant le montant retenu pour le calcul de cette réduction d’impôt » sont remplacés par les mots : « sont admis en déduction du résultat imposable du bénéficiaire de cette réduction d’impôt » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « ne sont pas applicables à la part des amortissements qui n’a pas été admise en déduction du résultat imposable en application du premier alinéa » sont remplacés par les mots : « sont applicables à la part des amortissements admise en déduction du résultat imposable en application du premier alinéa ».
II. – Le présent article s’applique :
1° Aux acquisitions, aux constructions et aux souscriptions réalisées à compter du 15 novembre 2014.
2° À compter de l’imposition des revenus de l’année 2015.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Les amendements nos I-62 et I-79 ne sont pas soutenus.
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° I-229 est présenté par M. Cadic, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam, Goy-Chavent et Iriti, MM. Duvernois, Kern, Mandelli, Pellevat et Laufoaulu, Mme Billon et M. D. Dubois.
L’amendement n° I-304 est présenté par M. Bouvard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199 sexvicies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la fin du deuxième alinéa du II, les mots : « et de 11 % pour ceux acquis à compter de 2012 » sont remplacés par les mots : « , de 11 % pour les logements acquis en 2012, 2013 et 2014, et de 18 % pour ceux acquis à compter de 2015 » ;
2° Après le III, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« ...- À l’issue de la période de location couverte par l’engagement de location mentionné au III, lorsque le logement reste loué dans les conditions prévues au même III, le contribuable peut continuer à bénéficier de la réduction d’impôt prévue au présent article, à la condition de proroger son engagement initial pour une durée totale d’au moins douze ans. Dans ce cas, la réduction d’impôt est égale à 3 % du prix de revient du logement mentionné au II et est répartie à raison d’un tiers de son montant sur l’impôt dû sur chacune des trois années suivant l’engagement de location mentionné au III.
« Lorsque la fraction de la réduction d’impôt imputable au titre d’une année d’imposition excède l’impôt dû par le contribuable au titre de cette même année, le solde peut être imputé sur l’impôt au titre des années suivantes jusqu’à la sixième année inclusivement. »
II. - Le présent article s’applique à compter de l’imposition des revenus de l’année 2015.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° I-229.
M. Olivier Cadic. L’article 80 de la loi de finances pour 2013, intégré depuis au code général des impôts, a institué en faveur des propriétaires bailleurs un mécanisme de réduction d’impôt sur le revenu, dénommé « réduction d’impôt Duflot », destiné à remplacer le dispositif « Scellier ». Ce mécanisme est réservé à la location dans le secteur intermédiaire. Le taux de réduction d’impôt est de 18 % si le contribuable s’engage à louer son logement nu à usage d’habitation principale pendant une durée minimale de neuf ans.
En parallèle, l’article 77 de la même loi a prolongé de quatre ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2016, le dispositif dit « Censi-Bouvard », codifié à l’article 199 sexvicies du code général des impôts, tout en maintenant le taux de la réduction d’impôt à 11 %.
La comparaison entre les deux dispositifs a créé un report massif des investisseurs vers le locatif à usage de résidence principale et un très fort ralentissement des ventes en ce qui concerne les résidences avec services.
Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit d’améliorer sensiblement le dispositif « Duflot » – c’est ce que l’on appelle le « dispositif Pinel » –, en proposant notamment de moduler l’avantage fiscal en fonction de la durée de l’engagement de location. Ainsi, les investisseurs jouiront d’un taux de réduction d’impôt de 12 %, 18 % ou 21 % pour des engagements de respectivement six ans, neuf ans ou douze ans.
Ce nouveau dispositif va sans nul doute aggraver encore davantage la situation économique des entreprises relevant du secteur des résidences avec services et pénaliser le pays : les résidences concernées – résidences pour personnes âgées, résidences étudiantes, résidences de tourisme – remplissent en effet un rôle social et économique essentiel.
Il vous est donc proposé, mes chers collègues, dans le cadre des mesures de relance du secteur de la construction, d’aligner les deux régimes en faisant profiter les investisseurs des résidences avec services d’un taux de réduction d’impôt de 18 % pour un engagement de location de neuf ans et de 21 % pour un engagement de douze ans, tout en maintenant leur application dans le temps au 31 décembre 2016.
Il est à noter qu’un alignement similaire avait été fait entre les régimes dits « Censi-Bouvard » et « Carrez-Scellier » par la loi du 20 avril 2009, afin de supprimer la distorsion de concurrence, ce qui avait permis de relancer efficacement le secteur des résidences avec services.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l’amendement n° I-304.
M. Michel Bouvard. J’ajouterai à ce que vient d’indiquer M. Cadic que les ajustements apportés aux régimes d’investissement locatif avaient consisté à introduire un différentiel de 4 points sur le dispositif pour les résidences de tourisme par rapport à l’immobilier locatif traditionnel en 2011, et de 6 points en 2012. Or cela s’est traduit par une diminution des réservations de 40 %. On le voit, entre le dispositif de l’immobilier locatif traditionnel et celui l’immobilier de loisirs, la sensibilité est très vive.
La question est de savoir si l’on doit élaborer un nouveau dispositif pour l’immobilier de loisirs ou laisser s’éteindre le dispositif actuel. C’est bien ce qui est en cause, en effet : dans le régime « Pinel », rien n’est prévu pour le secteur touristique.
En d’autres termes, dans nos débats, nous devons rechercher un équilibre entre dépense fiscale en faveur de la réhabilitation et dépense fiscale en faveur de la construction neuve : les deux sont nécessaires, mais peut-être pas forcément dans les mêmes proportions…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?