Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer la référence :
23 quater,
II. – Après l’alinéa 5
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L'ordonnance prévue à l'article 23 quater est prise avant le 3 juillet 2016.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Cet amendement a pour objet de faire coïncider le délai d’habilitation accordé au Gouvernement pour procéder par ordonnance suivant les termes de l’article 23 quater et le délai de transposition prévu par la directive européenne 2014/65/UE Marché d’instruments financiers, qui doit être transposée en droit interne avant le 3 juillet 2016.
Il s’agit d’une directive particulièrement complexe et lourde, sur le plan technique, mais dont les principes sont connus par le Parlement.
L’ampleur des travaux de transposition de ce texte ambitieux, essentiel à la régulation des marchés financiers en Europe, justifie un délai d’habilitation à procéder par ordonnance qui soit aligné avec la date limite de transposition de la directive.
Par ailleurs, la première échéance dans les travaux de transposition est liée à l’article 91 de cette directive, qui doit être transposé en droit interne avant le 3 juillet 2015. Les dernières échéances viendront des normes techniques d’exécution, qui doivent être adoptées en mai 2016 par la Commission européenne.
Ce calendrier très étendu implique donc que les travaux de transposition commencent dès que possible et s’étalent nécessairement sur l’intégralité du délai prévu par la directive, soit jusqu’au 3 juillet 2016.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 24, modifié.
(L'article 24 est adopté.)
Article 25
(Non modifié)
Pour chaque ordonnance prévue par la présente loi, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de cinq mois à compter de la publication de l’ordonnance. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Nous maintenons notre position d’abstention – une abstention bienveillante -, pour aider le Gouvernement dans les négociations relatives à la partie la plus sensible du texte, celle qui concerne la répartition des charges entre les systèmes bancaires européens.
Il ne faut pas que le système bancaire français soit sollicité à la hauteur de ce qui est prévu aujourd'hui, c'est-à-dire 30 % du Fonds, surtout en comparaison de ce qui est plus ou moins décidé pour nos voisins allemands.
Nous préférerions une discussion technique. Peut-être faudrait-il changer de critères et introduire, par exemple, celui de la production nationale, qui est 30 % plus forte en Allemagne. Cela devrait permettre de rééquilibrer la charge pour notre secteur bancaire, qui, de charges, en supporte déjà beaucoup. C’est que les taxes s’accumulent : à la taxe sur les risques systémiques nationale viendra bientôt s’en ajouter une autre, européenne celle-là. De plus, des discussions ont lieu sous l’égide de l’OCDE - en réalité, sous l’impulsion du gouvernement américain - pour instaurer des régulations mondiales.
Oui, monsieur le secrétaire d’État, nous avons une spécificité : pour les PME, les investissements des entreprises, qui sont les emplois de demain, sont financés, en France, à 90 % par le système bancaire. Diminuer les possibilités des banques, c’est priver d’autant notre pays d’une source d’alimentation de son économie.
Monsieur le secrétaire d’État, nos collègues allemands sont très habiles pour glisser dans la négociation qu’il leur faut l’aval du Bundestag ou de la Cour de Karlsruhe : donnez-vous donc les moyens de leur répondre que, vous aussi, vous avez besoin de l’appui du Parlement français pour finaliser cet accord ! Cela se verra lors de la ratification de l’AIG.
Permettez-moi une observation plus générale. Un système de régulation et un fonds de garantie européen, c’est bien, mais nous sommes dans un système mondial, et les masses financières circulent. Nous avons évoqué le shadow banking. Il serait temps de s’intéresser à la régulation des hedge funds, car ce sont eux de plus en plus, et de moins en moins les banques, qui se trouvent impliqués dans les recapitalisations d’entreprises, les rachats, les prises de participation.
Forcer la régulation, faire peser des contraintes sur le système bancaire classique, c’est évidemment renforcer ce secteur aujourd’hui beaucoup plus libre, beaucoup plus incontrôlable et encore moins transparent.
Notre tâche est donc toute trouvée : non seulement il faut aujourd'hui terminer la régulation européenne, mais il faut également envisager, notamment avec nos partenaires britanniques, les moyens de réguler les hedge funds, car leurs capacités sont dix fois supérieures à celles du système bancaire. C’est à cette réalité que nous devons nous confronter.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce texte tout en réaffirmant notre soutien à l’objet essentiel du dispositif, qui est de parvenir à une union bancaire et financière européenne équilibrée.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Je confirme l’abstention du groupe CRC. Il s’agit non pas d’une abstention boudeuse, mais d’une abstention pour aller plus loin.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Une abstention bienveillante… (Sourires au banc des commissions.)
M. Éric Bocquet. On le voit bien – on touche là à la limite de l’exercice parlementaire, même s’il est indispensable -, nous nous heurtons au secret des affaires, au risque d’intrusion, et on nous objecte que nous allons au-delà de ce qui nous est demandé. Néanmoins, le danger et l’inquiétude demeurent – notre collègue Francis Delattre vient d’évoquer certaines menaces.
Permettez-moi de terminer sur une petite anecdote, assez révélatrice.
Il y a quelques jours, à Arlington, les régulateurs de la finance américaine et ceux de la finance britannique se sont livrés à un exercice pour le moins inhabituel. Jugez-en : il s’agissait de simuler la faillite d’un établissement financier américain ayant de nombreuses activités à la City de Londres et d’une banque britannique très impliquée aux États-Unis, tout cela, bien sûr, n’ayant aucun rapport avec la réalité… (Sourires.)
Toute l’élite de la régulation financière américaine et britannique était donc conviée. Le but de l’opération, comme l’a expliqué le chancelier de l’Échiquier, George Osborne, était de s’assurer qu’ils étaient en mesure de gérer la faillite d’un établissement qui auparavant aurait été considéré comme trop grand pour disparaître – le fameux too big to fail – et aurait donc nécessité un renflouement public.
Des réunions de coordination ont lieu régulièrement, mais, jusqu’à présent, elles ne concernaient que les équipes opérationnelles. C’est la première fois qu’une simulation de ce genre implique des régulateurs aussi haut placés. Certes, ce n’est pas parce que les pompiers effectuent des manœuvres qu’il y a un incendie.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Heureusement !
M. Éric Bocquet. C’est néanmoins le signe, mes chers collègues, qu’il reste beaucoup à faire pour sécuriser les flux financiers. Soyons donc très ambitieux et extrêmement vigilants !
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Sans suspense, le groupe écologiste votera l’ensemble du texte, même si, comme notre collègue Éric Bocquet, mais d’un point de vue différent, nous pensons que nous pourrions et devrions aller plus loin.
On a parlé de la fameuse taxe systémique française, certains disant qu’elle se surajoutait à des dispositifs existants. Mais cette taxe, qui abonde de 1 milliard d’euros le budget et qui vient alimenter pour moitié le fonds de soutien aux collectivités détentrices d'emprunts toxiques, n’a été acceptée qu’en contrepartie de l’engagement pris par ces mêmes collectivités de renoncer aux procédures judiciaires contre les banques. À partir d’un certain moment, il faut tout de même savoir de quoi l’on parle ! On n’impose pas de charges aux banques, on leur demande simplement d’assumer leurs responsabilités et de payer ce qu’elles doivent à ce titre.
Nous nous trompons si nous pensons responsabiliser nos banques en gardant la possibilité de faire de nouveau appel à l’État, et donc indirectement à la collectivité nationale, d’une manière ou d’une autre, notamment par des déductions fiscales liées à la constitution de fonds de résolution.
Ceux qui suivent l’actualité internationale peuvent légitimement nourrir quelques inquiétudes – je pense à ce que font certaines banques françaises en matière de placements spéculatifs. Il en va de même s’agissant de la structuration globale de notre marché bancaire, dont j’ai évoqué la concentration excessive.
À une certaine époque, notamment avant et après la crise de 2008, j’ai été conseil d’une grande entreprise bancaire mutualiste française. Je précise que, sur les quatre entreprises françaises appartenant aux vingt plus grandes banques mondiales, deux sont d’origine mutualiste, ou prétendue telle. Elles étaient toutes deux des confédérations de banques régionales. Nous les avons agglomérées, l’une d’entre elles devenant Natixis, qui a ruiné nombre de nos épargnants, en transférant – sans aucune explication ! – l’argent des livrets A vers des fonds spéculatifs.
Nous avons peut-être failli, à droite comme à gauche, en pensant que « big is beautiful » et en créant de très grandes banques de plus en plus déresponsabilisées. On peut critiquer nos amis allemands – leur système prête le flanc à la critique –, mais le développement de leurs banques régionales, véritablement ancrées dans le développement régional, a eu un effet très positif sur le développement économique et industriel du pays tout entier.
Si les deux grandes entreprises bancaires dont je parle, qui n’ont aujourd’hui plus rien de mutualiste sinon le nom, avaient persisté dans une logique davantage régionale et fédérale, nous n’aurions peut-être pas à constater aujourd’hui les manquements de notre système financier et bancaire en général et l’Union européenne ne pourrait pas nous imposer ses exigences pour la constitution du Fonds de résolution unique comme elle le fait aujourd’hui.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voterons ce projet de loi – une singularité qui nous rapproche de nos amis Verts ! -, car il constitue un progrès. Comme je le disais à propos de l’article 1er, il ne faut tout de même pas bouder notre plaisir !
Certes, c'est une politique des petits pas, mais nous avons bien conscience des difficultés et des enjeux. Nous savons tous ici, particulièrement ceux qui ont travaillé sur le sujet de l’évasion fiscale, que la marge de progrès est encore grande. Néanmoins, si nous ne votions pas ce texte aujourd’hui, nous enverrions un mauvais signal à la fois au Gouvernement, qui travaille dans le bon sens, et aux Français, que l’on doit convaincre de la nécessité de l’Europe, notamment pour harmoniser et améliorer les dispositifs.
Encore une fois, il nous reste beaucoup de travail, et sur de nombreux points. Mais, en l’état des choses, nous voterons le texte qui nous est proposé.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dans le texte de la commission modifié.
(Le projet de loi est adopté.)
11
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 21 octobre 2014 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe)
À quatorze heures trente :
2. Allocution du président du Sénat.
3. Débat sur le bilan du crédit d’impôt compétitivité emploi.
4. Débat sur les conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur le suivi de la mission d’information de 2005 sur l’amiante (n° 668, 2013-2014).
À vingt et une heures trente :
5. Projet de loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution (n° 288, 2011-2012) ;
Rapport de M. Hugues Portelli, fait au nom de la commission des lois (n° 29, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 30, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART