Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je tiens tout d’abord à remercier les orateurs pour leur contribution à cet exercice difficile et complexe qu’est la transposition de textes européens : elle témoigne du travail approfondi réalisé ici.
Concernant le mécanisme de résolution unique, évoqué à de nombreuses reprises, j’insisterai sur l’importance politique que constitue la mise en place du MRU pour la construction de l’union bancaire. Cela permettra aux contribuables d’être mieux protégés contre les faillites bancaires. Il s’agit aussi d’une avancée pour la zone euro. Notre nouveau prix Nobel d’économie ne le démentirait pas, puisqu’il est partisan d’un renforcement de l’intégration bancaire au sein de la zone euro.
MM. Fortassin, Capo-Canellas et Delattre ont évoqué la contribution au Fonds de résolution unique, sujet financier évidemment important. À cet égard, j’aimerais les rassurer : le Gouvernement est, bien sûr, très impliqué dans la négociation en cours entre la Commission européenne et les États membres. Nous veillons à ce qu’un accord équitable soit trouvé, s’agissant notamment de la contribution des banques françaises et allemandes. Il s’agit là d’un objectif essentiel. Il va de soi que les modèles bancaires, qui sont effectivement différents d’un pays à l’autre, seront préservés.
Il n’y a donc aucune ambiguïté, le Gouvernement est déterminé à trouver un accord équitable pour les secteurs bancaires.
Permettez-moi maintenant de vous apporter quelques éléments d’information sur la méthode et les demandes exprimées par le Gouvernement, puisque vous m’avez interrogée sur ces points.
Nous veillons à ce que le résultat des négociations soit équilibré et ne pénalise pas indûment notre modèle bancaire caractérisé par la concentration, monsieur le rapporteur, et par un faible niveau de dépôts, une partie de l’épargne française étant fléchée vers l’assurance vie et non vers le secteur bancaire.
C'est la raison pour laquelle nous avons été particulièrement vigilants pour faire en sorte qu’une large proportion des financements intragroupes ne soit pas pénalisée. Nous avons donc demandé la déduction des titres de dettes intragroupes de l’assiette des contributions, pour éviter tout double comptage.
Nous demandons aussi que soient reconnus partiellement les accords de compensation sur les contrats dérivés et que soit limitée la variation des contributions du passage d’un fonds de résolution national à un fonds de résolution européen.
Concernant la transparence du dispositif établi à l’article 8 relatif à la directive comptable unique, il est nécessaire de rappeler que le gouvernement français a joué un rôle très actif dans la négociation de ce texte à Bruxelles pour aboutir à un dispositif suffisamment ambitieux. Nous avons été leader pour relayer les revendications faites en particulier par les organisations non gouvernementales et la société civile sur ce sujet.
Ainsi, les paiements effectués devront être publiés par les groupes concernés de manière très détaillée ; c’était une requête du gouvernement français.
Mais nous avons décidé d’aller au-delà des exigences posées par la directive, puisque le texte français prévoit une publication des informations sur internet, afin que celles-ci soient accessibles à tous les citoyens, alors que la directive est moins explicite quant aux conditions de publication des informations concernées.
De nombreux amendements avaient été déposés par les députés, monsieur Gattolin, et vous comprenez naturellement que le Gouvernement partage votre objectif ambitieux. C’est pourquoi certaines exigences de transparence ont été accrues lors de l’examen du projet de loi par l'Assemblée nationale. Le régime de sanctions a été, par exemple, renforcé, puisque l’on est passé d’un régime contraventionnel à un régime délictuel, afin notamment que des peines complémentaires puissent être prononcées, notamment la publication des condamnations.
À ce stade, le Gouvernement est allé au plus loin qu’il lui était possible d’aller, tout en préservant un équilibre qui a été très difficile à trouver au niveau européen, mais cela constitue une avancée absolument majeure. Aller au-delà aujourd'hui – cela ne signifie pas qu’il ne faudrait pas le faire demain ! – reviendrait très clairement à pénaliser les entreprises françaises par rapport à leurs homologues européennes notamment. D’où la difficulté de renforcer plus encore le dispositif relatif à la transparence.
Enfin, le projet de loi précise bien que les groupes de sociétés rendent public un rapport consolidé sur les paiements effectués au profit des gouvernements des pays d’exploitation, et ce sans distinguer selon que ces paiements ont été réalisés par une filiale extractive ou non.
Les rapports consolidés des groupes devront donc inclure l’ensemble des paiements liés à leurs activités extractives, même dans le cas où ces paiements transitent par des filiales non extractives ; c’est d’ailleurs ce qu’a expliqué M. Chiron, ce dont je le remercie.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’union européenne en matière économique et financière
Article 1er
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Nécessaires à la transposition de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n° 1093/2010 et (UE) n° 648/2012, ainsi que les mesures d’adaptation et d’harmonisation liées à cette directive ;
2° Permettant de rendre applicables aux sociétés de financement, avec les adaptations nécessaires, les mesures prises en application du 1° ;
3° Permettant, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code monétaire et financier, du code de commerce et, le cas échéant, d’autres codes et lois dans leur rédaction résultant des dispositions prises en application du 1° et du 2° pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. Avec sa courtoisie habituelle, mon collègue Éric Bocquet me laisse prendre la parole la première - je dois m’absenter un court instant -, et je l’en remercie.
Permettez-moi tout d’abord de parler de la méthode.
Voilà des textes importants, des textes qui vont engager la vie économique de notre pays, des textes que nous attendions. En effet, sur les huit sénateurs présents en séance publique, cinq étaient membres de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales. Nous avons donc de la suite dans les idées… (Sourires.)
Nous tenons à manifester notre volonté d’intervenir sur ce sujet à chaque fois que cela nous est possible et d’assurer un suivi. Les textes que nous examinons, certes rapidement aujourd'hui, nous en donnent la possibilité. Dans l’ensemble, nous avons d’ailleurs déposé des amendements identiques, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Comme nous ne sommes pas encore arrivés au résultat escompté, nous continuons notre petit bonhomme de chemin. (Nouveaux sourires.)
Madame la présidente, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour vous informer que j’ai, dans mon parapheur, une lettre par laquelle nous demandons au nouveau président du Sénat d’instaurer une commission permanente, ou une délégation permanente, pour le suivi de la fraude et de l’évasion fiscales. Nous avions formulé cette demande dans le cadre de la commission d’enquête, mais le président Bel n’avait pas voulu y donner suite. Nous renouvelons aujourd’hui même notre démarche, et je vous remercie de bien vouloir vous faire notre porte-parole auprès du président Larcher.
Pour en revenir plus directement au texte que nous examinons – bien que je ne m’en sois pas tellement éloignée –, je veux vous dire, madame la secrétaire d'État, que nous n’allons pas bouder notre plaisir, puisque nous obtenons quelques résultats, même s’ils sont incomplets.
Vous avez parlé du reporting, laissant cependant de côté un certain nombre de dispositions. Or il reste un travail important à faire concernant les régulateurs ou les agences de notation, notamment, sans oublier l’harmonisation des prix de transfert, qui sont une cause de déperdition d’énergie et de revenus pour les pays à l’origine d’un certain nombre d’industries extractives.
Ce problème des prix de transfert et de leur harmonisation devrait constituer, à mon sens, l’un des fers de lance de votre action auprès de l’Union européenne. C’est à la fois un moyen de frauder le fisc national et de porter atteinte à l’économie d’un certain nombre de pays, qui en sont évidemment les victimes.
Pour terminer tout à fait sur l’article 1er, je veux vous dire que, parmi les sujets que vous avez déjà évoqués et qui feront sûrement l’objet des discussions à venir concernant ces directives, figure incontestablement le problème des banques en ligne et de l’harmonisation de leur réglementation.
Nous venons d’adopter un texte renforçant nos dispositifs relatifs à la lutte contre le terrorisme. Vous le savez très bien, madame la secrétaire d'État, les questions monétaires et financières sont absolument et indissociablement liées aux questions de blanchiment et d’évasion fiscale, ce qui explique que nous soyons tous à vos côtés aujourd'hui.
Je compte vraiment sur vous pour relayer nos demandes sur ces sujets, qui ne sont pas très éloignés de ceux que nous examinons en cet instant. Il s’agit là de questions connexes, qui doivent impérativement faire l’objet d’un suivi. En la matière, la France pourrait vraiment être très en avance par rapport aux autres pays de l’Union européenne ; c’est un désir que nous avons en partage et je vous remercie par avance de le relayer.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. Au seuil de cette discussion, permettez-moi quelques propos généraux.
Je ne reviendrai pas ici sur la procédure utilisée pour faire adopter cet article relatif au cadre dans lequel nous allons, à l’avenir, examiner les procédures de résolution des crises et faillites bancaires.
À la vérité, les voies et moyens prévus par la directive ont surtout la particularité d’être suffisamment nombreux, et ils sont essentiellement inspirés des pratiques de chaque État européen confronté au devenir de ses banques. Il faudrait évidemment éviter qu’une partie de l’union bancaire ne soit résumée à ce principe quelque peu simple : « Faites comme bon vous semblera quand la crise viendra. »
La question de la maîtrise publique du secteur financier, qui constitue l’un des enjeux de ce débat, est directement posée par les procédures de résolution. Comme cela a été rappelé, ce sont jusqu’à présent les contribuables qui ont largement été sollicités, au moins autant que les actionnaires, dont les pertes en capital demeurent, rappelons-le, imputables fiscalement.
Est également directement posée dans ce débat la question de l’affectation des ressources collectées par les établissements de crédit et les compagnies financières dans l’économie réelle, au service de la création de richesses, des équilibres sociaux et environnementaux, au-delà de cette « création de valeur » dont se gargarisent trop souvent, à mon goût, les spéculateurs !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Nécessaires à la transposition de la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts ;
2° Améliorant la gouvernance du fonds de garantie des dépôts et de résolution mentionné à l’article L. 312-4 du code monétaire et financier et adaptant les modalités de contribution de ses membres à son fonctionnement ;
3° Permettant, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes et lois dans leur rédaction résultant des dispositions prises en application du 1° pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. – (Adopté.)
Article 2 bis
I. - Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour adapter les dispositions du code monétaire et financier à celles du règlement (UE) n° 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010.
II (nouveau). - L'ordonnance prévue au I est prise, sous réserve de la promulgation de la loi autorisant la ratification de l'accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique, dans un délai de huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. L’article 2 bis du projet de loi, qui est, lui aussi, conçu sous la forme d’une demande d’habilitation, porte sur le mécanisme de résolution unique, c’est-à-dire le fonds européen mis en place notamment pour prévenir toute crise bancaire de caractère systémique.
Comme nous l’avons d’ores et déjà indiqué les uns et les autres lors de la discussion générale, ce fonds est appelé à réunir, d’ici à huit ans, une somme de 55 milliards d’euros, collectée à partir des contributions versées par les établissements de crédit des pays de l’Union européenne.
On ne peut pas constater que la BNP, le Crédit agricole, la Société générale ou le groupe BPCE figurent au « top 10 » européen sans que cela ait quelque influence sur le montant des contributions qui pourraient leur être demandées.
Cela étant, il nous semble bien que les sommes mobilisées au travers du mécanisme de résolution unique seront probablement insuffisantes si un problème vient à se poser dans les prochaines années.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 2 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 209 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« X. – Les contributions au Fonds de résolution unique, telles que visées à la section 1 du chapitre 2 du règlement (UE) n° 806/2014, ne sont pas déductibles pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés. »
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Cet amendement vise à rendre non déductible de l’impôt sur les sociétés la contribution des banques nationales au Fonds de résolution unique. La raison en est simple : ce fonds constitue une sorte de sécurité donnée au système bancaire.
À considérer les deux dernières décennies, il apparaît que, entre l’introduction de l’euro et 2008, le taux d’endettement public dans la zone euro est demeuré d’environ 70 % du PIB en moyenne, avant de croître à partir de 2008 jusqu’à dépasser 90 % du PIB. Or une grande partie de cette augmentation résulte du fait que ce sont les États, et donc indirectement les contribuables, qui ont soldé la crise des subprimes et la crise du système bancaire de 2008.
Or le Fonds de résolution unique est précisément destiné à faire peser sur les banques l’entière responsabilité de leurs errements et erreurs, passés ou futurs. Si leurs contributions, qui ne sont pas des charges mais des réserves, pouvaient être partiellement défiscalisées, le budget de l’État serait privé d’une ressource importante.
En effet, sur une dotation totale de 55 milliards d’euros allouée au Fonds de résolution unique, la contribution des banques françaises devrait représenter, selon les calculs, entre 15 et 17 milliards d’euros, comme M. Delattre vient de le faire observer. Si ces sommes étaient déductibles de l’impôt sur les sociétés, la perte de recettes pour le budget de l’État s’élèverait à 650 millions d’euros par an, soit plus de 5 milliards d’euros en huit ans !
En tant que nouveau membre de la commission des finances, et considérant le souci que nous avons de la rigueur dans les comptes publics et du retour à l’équilibre, je trouve extrêmement dangereux que nous nous privions d’une ressource aussi importante.
C’est pourquoi je propose que les sommes engagées par les banques françaises au titre du Fonds de résolution unique ne puissent pas être déduites de l’impôt sur les sociétés.
M. Éric Bocquet. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Une perte fiscale de 650 millions d’euros, c’est un argument de poids et qui mérite d’être considéré, surtout compte tenu des difficultés qui sont actuellement rencontrées pour établir le budget.
En vérité, je reconnais avoir un peu hésité au sujet de cet amendement.
Reste que les contributions dont nous parlons ne sont pas à proprement parler des réserves, mon cher collègue : elles abonderont le Fonds, qui deviendra progressivement un fonds unique par fusion de ses différents compartiments. Il n’est pas prévu que ces sommes puissent, pour une raison ou pour une autre, être rendues aux banques.
En outre, il faut se représenter que les banques françaises acquittent déjà, à hauteur d’un peu plus de 1 milliard d’euros, la taxe systémique versée au budget général de l’État, mais destinée à alimenter une réserve virtuelle qui permettrait de faire face à d’éventuelles difficultés. Or les banques allemandes, par exemple, ne sont pas assujetties à une telle taxe.
Enfin, s’il est vrai que les pertes pour le budget de l’État s’élèveraient à 650 millions d’euros par an sur la base d’un taux apparent d’imposition sur les sociétés de l’ordre de 33 %, il faut considérer que le taux d’imposition réel, comparé à celui des entreprises allemandes et compte tenu de certains mécanismes de compensation, est compris entre 20 et 25 %.
Dans ces conditions, je ne pense pas que M. Gattolin doive être suivi dans sa proposition. La commission, sur ma recommandation, a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 13, quelque intérêt qu’il y ait eu à en débattre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l’avis que vient de donner M. Yung me semble tout à fait justifié.
En réalité, la présente discussion n’est pas adaptée à un débat sur la déductibilité des futures contributions des banques au Fonds de résolution unique.
D’une part, en effet, ces contributions sont encore en cours de négociation, comme Mme Lemaire vient de le rappeler, de sorte que les montants précis n’en sont pas encore connus. Au demeurant, dans les discussions avec nos partenaires européens, nous veillons, conformément au souhait du Sénat, au caractère équitable des futures contributions des banques françaises.
D’autre part, et surtout, les mesures fiscales n’ont pas leur place dans les textes de loi autres que les lois de finances, quel que soit l’intérêt intellectuel qui s’attache au débat ouvert par M. Gattolin.
À l’évidence, le mécanisme de résolution unique, pour la mise en place duquel le Gouvernement sollicite l’habilitation du Parlement, est un pilier essentiel de la future union bancaire. Il faut aujourd’hui que nous adoptions les mesures permettant l’abondement de ce fonds, qui est un instrument absolument décisif de la stabilité du système bancaire européen, et donc de l’économie européenne.
Par ailleurs, il faudra être attentif aux effets que ce système pourrait avoir sur la fiscalité. En effet, il est évident qu’il n’a pas vocation à dispenser les banques d’acquitter leur impôt sur les sociétés, même si, comme il vient d’être rappelé, elles sont largement mises à contribution par d’autres biais.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Nécessaires à la transposition de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II), modifiée en dernier lieu par la directive 2014/51/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 mars 2014 modifiant les directives 2003/71/CE et 2009/138/CE et les règlements (CE) n° 1060/2009, (UE) n° 1094/2010 et (UE) n° 1095/2010 en ce qui concerne les compétences de l'Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) et de l'Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers) et, le cas échéant, à la mise en œuvre des actes délégués et des actes d’exécution prévus par cette directive ;
2° Adaptant, pour la mise en œuvre de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, précitée, des actes délégués et des actes d'exécution mentionnés au 1°, le régime juridique des organismes régis par le code des assurances et par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, des mutuelles et unions relevant du code de la mutualité et des compagnies financières holding mixtes mentionnées à l’article L. 517-4 du code monétaire et financier ;
3° Créant, pour la mise en œuvre de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, précitée, des actes délégués et des actes d'exécution mentionnés au 1°, de nouvelles formes juridiques de groupe d’organismes exerçant une activité d’assurance ou de réassurance ;
4° Modifiant et complétant les dispositions du code monétaire et financier relatives à la coopération et l’échange d’informations entre l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et les autorités compétentes des États non membres de l’Espace économique européen, afin d’harmoniser les dispositions applicables en matière d’assurance avec celles existant en matière bancaire ;
5° Nécessaires à l’application dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon des actes délégués et des actes d'exécution de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, précitée, mentionnés au 1° ;
6° Permettant de rendre applicables dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles des codes des assurances, de la mutualité et de la sécurité sociale et, le cas échéant, d’autres codes et lois dans leur rédaction résultant des mesures prises en application du 1° pour celles qui relèvent de la compétence de l’État.
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par M. Delattre, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l’exclusion des activités des mutuelles de santé relevant du code de la mutualité
II. - Alinéa 3
Supprimer les mots :
, des mutuelles et unions relevant du code de la mutualité
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Cet amendement porte sur les mutuelles de santé, qui par nature servent des prestations incertaines et variables parce qu’elles disposent de ressources elles-mêmes incertaines et variables.
La directive Solvabilité II prévoit, dans trois de ses articles, des possibilités d’exemption. Or, selon leurs représentants, les mutuelles de santé satisfont aux critères d’exemption. C’est au nom de ces professionnels, et avec le soutien de quelques-uns de mes collègues, que je crois utile d’ouvrir un débat sur ce sujet.
Je me fais donc en quelque sorte le bras séculier en présentant cet amendement, dans l’intention d’obtenir du Gouvernement des éclaircissements sur les critères susceptibles de fonder une exemption.
Le fait est que les critères d’exemption retenus pour d’autres secteurs, en termes de volume et de montant comme de type d’activités, laissent penser que les mutuelles de santé pourraient, elles aussi, être exemptées du dispositif.
C’est pourquoi, même si ma proposition est peut-être difficilement acceptable dans le cadre de la discussion de ce projet de loi, il serait utile que le Gouvernement apporte une réponse à la profession.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement, même si elle comprend l’intention de son auteur.
D’abord, les petites mutuelles, celles qui encaissent moins de 5 millions d’euros par an, sont exclues du champ du dispositif.
Ensuite, les mutuelles de santé ne forment pas une catégorie spécifique de mutuelles, de sorte qu’il est difficile d’introduire au sein du code de la mutualité des règles qui leur seraient propres. Sans compter que cela serait dérogatoire au droit européen, je pense entre autres à l’annexe III de la directive.
Enfin, je dois dire que les représentants de la Mutualité française, lors des contacts que j’ai eus avec eux, ne m’ont pas indiqué qu’ils souhaitaient bénéficier d’une telle exemption.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, parce qu’il n’est pas conforme au champ de la directive Solvabilité II, comme en témoignent les annexes I et III.
S’agissant des formes juridiques, l’annexe III mentionne bien les mutuelles régies par le code de la mutualité comme entrant dans le champ de la directive.
S’agissant de la nature des opérations, l’annexe I de la directive fait mention des branches d’activité « accidents » et « maladie », ce qui correspond à l’activité des mutuelles actives dans le domaine de l’assurance santé prévoyance, de la complémentaire santé ou de la couverture contre l’incapacité et l’invalidité.
Il faut aussi rappeler que la directive Solvabilité II prévoit des exclusions en deçà du seuil de 5 millions d’euros de chiffres d’affaires. Cette mesure exonérera les organismes les plus petits, ce qui, monsieur Delattre, répond, je pense, à votre préoccupation essentielle.
Si cet amendement était adopté, nous risquerions de nous placer en état de défaut de transposition. De là l’avis défavorable du Gouvernement.