M. Charles Revet. En effet, nous avons vraiment eu très peu de temps !
M. Vincent Capo-Canellas. … d’autant que cette proposition de loi est dangereuse pour les VTC et ne règle pas non plus le problème des taxis. Vous prenez le risque de mettre en cause plusieurs milliers d’emplois.
Les deux mesures introduites à l’Assemblée nationale ne sont pas acceptables en l’état.
L’interdiction faite aux VTC d’informer le client de la disponibilité d’une voiture à proximité, alors que la géolocalisation en temps réel, via les smartphones, est un moyen moderne pour répondre aux besoins des clients et que les VTC se sont développées grâce à l’utilisation des innovations technologiques, n’est pas compréhensible. C’est, je crois, un mauvais signal envoyé par le Gouvernement sur l’innovation et le développement des outils numériques. Cette interdiction est excessive et disproportionnée.
L’autre disposition est le retour à la base imposé aux VTC. Elle nous paraît idiote, antiéconomique et anti-écologique, car elle empêche les VTC de prendre plusieurs courses consécutives avec réservation préalable et les oblige, en fait, à circuler à vide dans Paris et la région d’Île-de-France. La plupart des VTC ne pourront pas survivre au surcoût lié soit au carburant, soit au parking à payer.
Avec ces deux mesures, on donne vraiment le sentiment de vouloir empêcher une profession, celle des VTC, d’exercer son activité, alors que cette dernière est complémentaire, comme celle des motos taxis, à celle des taxis, et nécessaire pour répondre à l’offre de mobilité.
Sur ces deux principaux points du texte, nous défendrons des amendements tendant à revenir à une rédaction plus mesurée.
Mon groupe déterminera sa position au vu du débat sur ces deux sujets. Le texte actuel n’est pas acceptable. En l’état, nous voterons contre ; s’il évolue sensiblement, nous reverrons notre point de vue. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte de loi attendu par l’ensemble de la profession concernée.
Pour autant, cet examen se fait dans des conditions particulières, hélas récurrentes : le Parlement ne dispose que de très peu de temps et de très peu de marge de manœuvre pour faire son travail de législateur.
En effet, cette proposition de loi a été encore une fois frappée par la procédure accélérée. La célérité du processus est remarquable : le rapport Thévenoud a été remis au mois d’avril dernier, la proposition de loi a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 18 juin, puis examinée un mois après par la commission du Sénat. Reconnaissons-le, cette précipitation tend, au fond, à prendre le Parlement pour une simple chambre d’enregistrement.
Certes, vous nous direz que le temps de la concertation a eu lieu pendant l’élaboration du rapport remis par le député Thomas Thévenoud, à la suite des altercations violentes entre les taxis et les VTC. Cependant, nous contestons ce recours systématique aux rapports sollicités par le Gouvernement à des personnalités, quelles que soient par ailleurs leurs qualités.
Effectivement, une telle démarche prive les parlementaires du débat démocratique nécessaire, puisque, une fois le rapport remis, il est demandé à la représentation nationale de ne pas revenir sur l’équilibre trouvé alors.
En l’espèce, on nous demande un vote conforme, ce qui ne sera pas possible à mon avis. En tout état de cause, un tel procédé ne correspond absolument pas à notre conception du rôle des institutions parlementaires, socle du modèle républicain.
Nous sommes par ailleurs surpris par la déclaration du ministre Arnaud Montebourg selon laquelle il faut en finir avec les professions réglementées. Nous espérons qu’il ne défera pas dans quelques mois le travail actuel du Parlement.
Sur le fond, cette proposition de loi apporte des avancées réelles pour les taxis.
Il faut dire que la profession a été durement touchée par la loi de modernisation de l’économie, ou loi LME, adoptée en 2008 sous le mandat de Nicolas Sarkozy, laquelle a démantelé la plupart des secteurs ou services, au nom de la concurrence libre et non faussée. Le bilan de cette loi est particulièrement négatif ; il est donc absolument opportun de revenir sur celle-ci.
En effet, VTC et taxis doivent proposer non pas des offres concurrentes, mais bien des offres complémentaires. Or la loi LME a permis l’organisation de cette concurrence frontale, qui a largement pénalisé les taxis et cristallisé des conflits importants.
Par conséquent, nous estimons que le principal avantage de cette proposition de loi est de réintroduire de la régulation dans le secteur, de remettre au cœur du dispositif le rôle de la puissance publique, comme en témoigne le registre national mis en place à l’article 1er. Ainsi, ce registre regroupera les informations relatives à toutes les autorisations de stationnement délivrées aux propriétaires ou exploitants de taxis. Cette base de données, qui sera publique, sera alimentée non seulement par les autorités administratives qui délivrent les autorisations de stationnement, mais également, de manière facultative, par les taxis, qui pourront choisir d’intégrer dans l’interface la géolocalisation de leurs véhicules.
De plus, les entreprises éditrices d’applications auront accès gratuitement à ces données et pourront mettre en relation clients et chauffeurs. Gratuité et maîtrise publique, ces éléments sont suffisamment rares dans les textes que nous examinons pour que nous nous en félicitions aujourd’hui.
En outre, dans le domaine du symbolique, nous partageons la volonté de changer l’appellation des VTC et de remplacer la notion de tourisme par celle de transport, plus fidèle à la réalité. Plus fondamentalement, nous approuvons la réglementation plus contraignante imposée aux VTC, notamment l’interdiction qui leur est faite d’opérer sous le mode de la maraude, qu’elle soit physique ou numérique.
Autre point positif, le fait que les autorisations de stationnement deviennent incessibles. Une telle disposition permettra l’extinction progressive du marché des licences, qui introduit un fonctionnement malsain et pèse trop lourdement sur les finances des taxis. Il s’agit également de replacer l’État au centre de la régulation, puisque les autorisations expirées reviennent obligatoirement à l’État, qui les réaffecte. C’est positif.
Pour autant, nous continuons de penser que certaines questions restent en suspens. On peut ainsi se demander dans quelle mesure les nouvelles normes seront réellement contrôlées. En effet, comment la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pourra-t-elle correctement contrôler les VTC alors que ses moyens ne cessent de diminuer au fil des lois de finances ?
M. Jean Desessard. Évidemment !
Mme Laurence Cohen. Autre question qui reste en suspens : la possibilité accordée par la proposition de loi aux VTC de facturer leurs prestations sur la base d’une tarification horaire. Nous contestons ce procédé, qui ne permettra pas d’atteindre l’objectif de clarification ni de faire pleinement de l’offre des VTC une offre complémentaire de celle des taxis. Or l’élément tarifaire est très important pour les usagers. Nous avons déposé un amendement à ce sujet. Remarquons au passage, même si cela ne relève pas de la proposition de loi, que le coût d’une course, qu’elle soit en taxi ou en VTC, reste la plupart du temps absolument prohibitif pour la plupart de nos concitoyens.
Soulignons également que la question du statut des taxis reste inaboutie. Si cette proposition de loi a fort heureusement écarté la possibilité de la location d’une autorisation, elle continue de promouvoir la location-gérance. Or nous estimons – nous reviendrons sur ce point lors de l’examen de l’un de nos amendements – que seul le statut du salariat doit être possible lorsque le titulaire de l’autorisation ne l’exploite pas lui-même. En effet, le statut de locataire ou de locataire-gérant n’est pas protecteur et offre une couverture sociale bien trop faible.
Par ailleurs, la question de l’avenir des VTC doit être appréhendée au regard de la situation actuelle, qui se caractérise par un chômage beaucoup trop important. Il conviendrait de ne pas pénaliser l’emploi. Il faudrait donc offrir toutes les passerelles possibles aux chauffeurs de VTC, afin de leur permettre de devenir taxis s’ils le souhaitent.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous avons un peu l’impression que cette proposition de loi reste au milieu du gué malgré d’évidentes bonnes intentions et des points positifs, nous nous abstiendrons, sauf, bien entendu, si ce texte évolue dans le sens que nous souhaitons.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, s’il est une proposition de loi qui, dans un délai très court, a suscité autant de passions, de pressions, d’observations, de recommandations, c’est bien cette proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur.
À vrai dire, je m’interroge, madame la secrétaire d'État. Je viens de parler d’une « proposition » de loi. Or, en écoutant votre intervention, j’ai souvent entendu le mot « Gouvernement ». Je sais en outre qu’il s’agit d’un texte élaboré à partir d’un rapport demandé à l’un de nos collègues députés. Il me semble que ce texte s’apparente davantage à un projet de loi qu’à une proposition de loi.
M. Vincent Capo-Canellas. C’est vrai !
Mme Anne-Marie Escoffier. Avant d’entrer dans le cœur du sujet, je voudrais saluer la particulière qualité du rapport que nous a présenté avec un talent remarquable notre excellent rapporteur Jean-Jacques Filleul. Il a toujours été soucieux de faire aboutir nos débats de façon consensuelle et pragmatique. Son travail, ainsi que celui des administrateurs de la commission du développement durable, a été un exercice d’équilibriste, de funambule, tant la corde sur laquelle il se déplaçait était tendue entre deux jours du pont du 14 juillet.
Vous comprendrez que, avec quelques autres amis, nous nous soyons demandé s’il était réellement urgent de débattre de cette question. Problème de forme, me direz-vous, mais problème qui est loin d’être neutre, tant le sujet est sensible pour les taxis comme pour les VTC. Et je ne parle pas de la dernière déclaration d’Arnaud Montebourg – Laurence Cohen vient de l’évoquer –, qui a exprimé son intention de réviser les normes applicables aux professions réglementées, au nombre desquelles figurent les taxis. Que signifie le fait de voter un texte dont nous devrons probablement reprendre certains éléments demain ?
J’ai rencontré plusieurs chauffeurs de taxis, à Paris et en province, afin de recueillir leurs témoignages. Je leur ai demandé s’ils estimaient qu’il était nécessaire d’adopter un texte dès maintenant. Ils m’ont répondu qu’ils préféraient avoir un texte cohérent répondant à l’ensemble des problèmes qui se posent à eux et aux VTC. J’entends bien cette demande. J’ai d'ailleurs souligné que le rapporteur avait dû se livrer à un exercice d’équilibriste.
C'est pourquoi, pour notre part, nous nous sommes attachés moins à la forme qu’au fond, tout en rejetant l’idée même d’un vote conforme, car ce serait la négation du rôle du Sénat et de sa capacité à proposer des améliorations à un texte certes intéressant, mais qui devrait faire l’objet d’une révision dont on ne sait à quel moment elle pourrait intervenir.
J’en viens au fond. Je ne reprendrai pas l’ensemble du débat que les uns et les autres ont très largement et très bien explicité. Il est indéniable – et d'ailleurs personne ne le conteste – qu’il faut clarifier le fonctionnement de l’activité des taxis, des VTC, des motos taxis, voire des véhicules de grande remise, afin que les clients puissent choisir en toute connaissance de cause.
Madame la secrétaire d'État, je voudrais rappeler en quelques mots le contexte législatif. L’article L. 3121-1 du code des transports, créé par la loi du 20 janvier 1995, définit les taxis comme des « véhicules automobiles […] dont le propriétaire ou l’exploitant est titulaire d’une autorisation de stationnement sur la voie publique ». Cette activité ne requiert aucune réservation de la part du client. À l’inverse, pour les VTC, la réservation préalable est obligatoire et la maraude est interdite, de même que le stationnement près des gares et aéroports sans pouvoir justifier d’une réservation préalable.
À partir de ces définitions, la proposition de loi revient sur différents points, qui ont été explicités. Les dispositions relatives au registre des disponibilités et à la possibilité de paiement par carte bleue semblent convenables. L’incessibilité des licences soulève une véritable difficulté en matière d’égalité de traitement. La réforme du statut des chauffeurs nécessite elle aussi un aménagement dans le temps. Je sais que la proposition de loi le prévoit ; c’est un point important.
S'agissant de la maraude électronique, qui est le monopole des taxis, je me demande comment il sera possible de contrôler sa pratique par les VTC, même si ceux-ci pourront toujours – je pense que vous nous le confirmerez, madame la secrétaire d'État – recourir à la géolocalisation. Laurence Cohen a eu raison de souligner que la DGCCRF n’était plus en mesure – je sais parfaitement de quoi il retourne, madame la secrétaire d'État – d’assurer ces contrôles, qui devraient être réalisés dans de bien meilleures conditions.
Enfin, s’agissant de la tarification horaire des VTC, M. le rapporteur m’a convaincue qu’il était nécessaire que la tarification des VTC repose sur un forfait révisable en cas de changement de la nature de la course.
La présente proposition de loi n’est malheureusement pas aboutie, même s’il s’agit d’un texte d’équilibre qui vise à résoudre un certain nombre de difficultés ; je salue cette volonté. Madame la secrétaire d'État, comme plusieurs collègues, les membres de mon groupe refusent unanimement l’adoption d’un texte conforme : ils ne voteront la proposition de loi que si des amendements propres à l’améliorer – selon le souhait de notre rapporteur, dans un certain nombre de cas – sont acceptés. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de réguler la concurrence entre taxis et VTC. Elle fait suite, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, à une série de manifestations organisées partout en Europe par les taxis, qui considèrent que les VTC leur font une concurrence déloyale dans la mesure où ils sont soumis à moins de contraintes, notamment financières.
C’est la licence des taxis qui constitue le cœur du problème. Elle peut être transmise à titre onéreux. Son prix – je prends les chiffres de notre rapporteur – atteint 230 000 euros en moyenne à Paris. Encore ne s’agit-il que du prix officiel ; à mon avis, le coût réel est plus élevé. Dans certaines villes, comme Nice, le prix peut même atteindre 400 000 euros. Il s’agit donc d’un investissement important. Les licences constituent un véritable patrimoine ; les taxis eux-mêmes disent qu’il s’agit de leur retraite.
Il existe également des taxis locataires, qui ne sont pas tenus d’acheter une licence pour exercer leur profession, mais doivent en revanche verser une somme assez importante aux loueurs. Cette somme peut aller jusqu’à – je prends encore les chiffres de notre rapporteur – 4 500 euros par mois ! En résumé, les taxis qui optent pour ce régime doivent payer pour aller travailler. Comme cela a été dit, cette situation s’apparente à de l’esclavage moderne et génère beaucoup de stress pour ces chauffeurs, qui ne savent pas s’ils auront assez pour payer chaque mois leur employeur.
En revanche, il suffit aux chauffeurs de VTC d’acquérir une carte professionnelle de chauffeur de voiture de tourisme, d’un montant de 100 euros, pour exercer leur profession. On voit bien que les deux professions ne font pas face aux mêmes enjeux financiers. Il est facile de se lancer dans une profession quand il suffit de débourser 100 euros, mais on peut se poser des questions quand il s’agit d’acquitter 200 000, 250 000 ou 300 000 euros...
Les écologistes proposent de s’attaquer à la racine du problème, c'est-à-dire à cette distorsion de concurrence. Nous souhaitons qu’il soit mis fin au régime des licences qui exige un investissement démesuré de certains nouveaux taxis et incite les autres à acheter le droit de travailler auprès des loueurs. Pour ne pas léser ceux qui détiennent aujourd’hui une licence, nous proposons que leur investissement soit transformé en droits à la retraite.
De cette manière, il n’y aura que des gagnants, puisque tout le monde pourra commencer à travailler soit en véhicule de tourisme, soit en taxi, sans débourser une somme importante.
Bien sûr, une telle proposition nécessite un débat plus approfondi, notamment concernant les sources de financement à trouver pour les régimes de retraite, mais elle a le mérite de régler définitivement le problème.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui permet tout de même d’apporter des solutions concrètes aux difficultés des taxis, sans nuire pour autant aux chauffeurs de VTC.
Celle-ci prévoit plusieurs mesures pour, d’une part, adapter la profession de taxi à la concurrence – je n’ai pas le temps de développer, mais chacun a sa propre expérience de l’accueil dans les taxis et on pourrait en parler longuement – et, d’autre part, remettre à plat et mieux réguler la réglementation applicable aux VTC.
Tout d’abord, la base de données publique et gratuite ouverte aux taxis permettra d’étendre leur monopole de maraude aux nouvelles technologies en en interdisant l’accès aux VTC.
Ensuite, la fin du système actuel de location et son remplacement par une location-gérance donnera la possibilité à de nombreux taxis locataires de disposer d’une réelle protection sociale en tant que commerçants indépendants.
En outre, l’incessibilité des nouvelles licences mettra un terme à la spéculation dont les taxis sont les premières victimes.
Enfin, la reprise en main de la procédure d’immatriculation des VTC et l’instauration d’un socle de sanctions permettra enfin de rétablir l’équilibre entre les deux professions en contrôlant plus étroitement les VTC.
Ainsi, même si la présente proposition de loi ne va pas aussi loin que nous le souhaitons, à savoir en particulier en s’attaquant au problème principal que constituent les licences, elle a néanmoins le mérite d’apporter un peu de justice et d’équilibre dans un conflit entre deux professions qui n’a que trop duré.
Les écologistes voteront donc en faveur de ce texte.
Pour terminer, je tiens à féliciter de leur travail le rapporteur M. Jean-Jacques Filleul ainsi que le rapporteur de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et au banc des commissions.)
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’augmentation du nombre de déplacements urbains et l’évolution des formes de mobilité sont particulièrement nettes depuis une quinzaine d’années, et ce concomitamment à la place de plus en plus grande prise par les technologies de l’information et de la communication.
En France, la fréquentation des transports urbains a progressé de 25 % entre 2000 et 2010, alors que, dans les mêmes aires géographiques, le pourcentage des déplacements en voiture a reculé de 3 points sur la même période. En parallèle, le nombre d’internautes a progressé de 22 millions entre 2002 et 2012, avec une pratique de l’internet qui est passée, dans le même temps, de six heures à soixante-cinq heures par mois. Il y a tout lieu de penser que cette tendance en matière de mobilité et d’usage du numérique n’est pas prête de s’arrêter.
Pour répondre aux besoins de mobilité, de nouvelles offres de déplacements sont apparues, comme le covoiturage ou l’autopartage, et les offres plus traditionnelles ont dû être adaptées pour tenir compte du développement des services numériques.
En plus de ces transformations économiques et sociales, le secteur du transport léger de personnes a connu des évolutions réglementaires engagées par la loi du 22 juillet 2009. En effet, dans le but de soutenir l’économie touristique française, le Gouvernement Fillon a assoupli la réglementation des entreprises de transport léger de grande remise, qui opéraient généralement sur réservation avec les hôteliers, en créant un nouveau régime de transport léger de personnes : celui des véhicules de tourisme avec chauffeur, les VTC.
Ces assouplissements réglementaires en faveur des anciennes entreprises de transport léger de grande remise leur ont permis d’être plus accessibles au grand public. En effet, les nouveaux VTC ont pu réduire leurs coûts de réservation en utilisant des logiciels assurant une plus grande rationalisation de la gestion des véhicules, ainsi que leurs coûts de personnel, en recourant généralement à des prestataires de services, souvent sous le statut d’auto-entrepreneur, et non plus à des salariés de plateformes de réservation. Les effectifs des VTC sont alors passés de 1 286 véhicules en 2011 à 7 213 en 2014.
L’arrivée de ces nouveaux acteurs a alors déséquilibré le marché du transport léger de personnes. En effet, l’activité des VTC s’est progressivement rapprochée de celle des taxis, grâce notamment à l’utilisation du système informatique UBER, lequel permet de héler virtuellement un véhicule via une application sur smartphone intégrant une géolocalisation en temps réel du client et du véhicule. Ce système a rendu de moins en moins étanche la limite réglementaire entre réservation et maraude, puisque la réservation d’une voiture par téléphone de façon quasiment instantanée peut être considérée comme une forme de maraude électronique.
Cette évolution a été d’autant plus mal ressentie par les chauffeurs de taxi que les VTC n’ont pas à supporter le coût des nombreuses contraintes réglementaires et les limites quantitatives liées à l’activité de taxi.
Il était donc nécessaire d’adapter la réglementation à la réalité des pratiques de déplacement, tout en soutenant les nouvelles formes de mobilité. Ainsi, la proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, déposée par le député Thomas Thévenoud, paraît répondre à cette nécessité en formulant principalement des propositions sur trois aspects essentiels des activités de transport léger de personnes.
Le premier objectif de ce texte est de clarifier les activités de taxi et de VTC.
Ainsi, l’article 8 proscrit toutes les formes de maraude, quelle que soit la technologie utilisée, sauf pour les taxis au sein de leurs zones de rattachement. Avec ces dispositions, il est donc considéré que constitue une forme de maraude le fait pour un client de visualiser sur smartphone, en temps réel, les véhicules disponibles à proximité et d’en réserver un.
L’article 7 du texte précise également les règles de procédures d’enregistrement des VTC et leur mode de tarification des voyages afin de mieux séparer les activités taxis et VTC.
En outre, dans un souci de cohérence et de clarté, il est prévu, à l’article 6, de soumettre les véhicules de tourisme avec chauffeur non plus au code du tourisme, mais au code des transports, en les renommant « véhicules de transport avec chauffeur ».
Le deuxième objectif du texte est d’améliorer l’accès à la profession de taxi.
Ainsi, l’article 4 tend à réformer le régime des licences en rendant notamment incessibles toutes les nouvelles licences établies après la promulgation de la loi, ce qui devrait faciliter l’accès à la profession. En effet, ces licences étaient à l’origine distribuées gratuitement par l’administration, mais la loi du 20 janvier 1995, dite « loi Pasqua », a donné la possibilité aux titulaires qui ne souhaitent plus exercer de les revendre. Il en est résulté une forte augmentation des prix lors de la revente de ces licences – 240 000 euros en moyenne à Paris.
Par ailleurs, pour les nouvelles licences, le statut de « locataire de taxi » est supprimé et remplacé par un système de location-gérance beaucoup moins précaire pour les locataires, afin de sécuriser les relations commerciales.
Le troisième objectif est d’engager les titulaires de licences de taxis dans un véritable processus de modernisation de leur profession, en vue de les aider à faire face aux nouvelles formes de mobilité. L’idée est de mieux intégrer les taxis dans ce que l’on pourrait appeler le « bouquet des offres de déplacement » proposé aux citoyens.
Ainsi, l’article 1er de la proposition de loi a pour objet de créer un registre national de disponibilité des taxis pour que les autorités de gestion, comme les citoyens, disposent de toutes les informations relatives à l’identification, à la disponibilité et à la géolocalisation des taxis.
Enfin, l’obligation pour les taxis de disposer d’un terminal de paiement par carte bancaire s’inscrit dans une logique de modernisation de l’offre de service.
En conclusion, je dirai que ce texte est équilibré, et donc pertinent, avec, d’un côté, la modernisation de l’activité de taxi et, de l’autre, l’encadrement du nouvel acteur de transport que sont les VTC.
Je rends hommage à Jean-Jacques Filleul, rapporteur de la proposition de loi, qui a effectué un excellent travail dans un temps très bref, je devrais dire dans un temps record, ce qui n’était pas forcément évident. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de votre travail, effectué avec l’aide des deux administratrices de la commission.
Le groupe socialiste est favorable à l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. Charles Revet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord féliciter notre rapporteur Jean-Jacques Filleul de son travail, avec l’aide des services de la commission, même si vous allez pouvoir constater que j’émets beaucoup de réserves sur ses conclusions. Ils ont dû travailler dans un temps extrêmement contraint…
M. Daniel Raoul. Nous aussi !
M. Charles Revet. … pour nous présenter ce rapport, ce qui devait être souligné.
Si l’on peut prédire sans risque que l’adoption ou le rejet de cette proposition de loi ne sera pas un tournant de la législature, il n’en demeure pas moins que, selon moi, ce texte a une très forte valeur symbolique.
Nous savons tous les difficultés qu’éprouve notre économie depuis 2008, et plus encore depuis 2012.
Nous savons tous combien une fiscalité élevée, même pour de louables visées redistributrices, peut entraîner la paralysie de notre économie.
Nous savons tous combien un excès de sophistications législatives, même pour éviter des effets de seuil ou certaines incertitudes juridiques, peut tuer un secteur d’activité.
Aussi, les interventions du législateur, sans vouloir les surévaluer, peuvent décider non seulement de l’avenir d’un secteur d’activité, mais aussi de la dynamique qui anime notre économie.
Or cette proposition de loi est un formidable cas d’école d’une tentative de réglementation d’une activité économique nouvelle.
À ce sujet, on pourrait parfois se demander si les dispositions soumises à notre examen relèvent toutes du domaine de la loi. Je ne rentrerai pas dans ce débat, même s’il n’est pas complètement illégitime.
Dans le cas présent, nous avons affaire à un secteur d’activité ancien, le transport léger de personnes, dont le modèle économique est remis en question par une offre nouvelle.
Comme souvent, les nouvelles technologies sont derrière cette offre.
Comme souvent, les nouveaux entrants sur le marché sont de redoutables concurrents pour les entreprises historiques.
Et, comme souvent, leur concurrence est d’autant plus redoutable que ces nouveaux entrants bénéficient d’un cadre légal et réglementaire beaucoup plus avantageux que les entreprises historiques, qui ont parfois payé au prix cher leur monopole.
Le débat que nous avons aujourd’hui est donc très similaire à celui que nous pourrions avoir avec le secteur de l’hébergement, au sein duquel les hôteliers et les plateformes communautaires de location et de réservation de logements de particuliers se livrent une rude concurrence.
Ce débat ressemble également beaucoup à celui que nous avons eu sur les auto-entrepreneurs, à l’occasion de l’examen de la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.
Dans chacune de ces situations, à savoir le transport léger de personnes, l’offre d’hébergement, ou les auto-entrepreneurs, nous avons, d’un côté, des entreprises qui se voient soumises à des obligations légales et réglementaires très contraignantes, en plus de dispositions fiscales très lourdes, et, de l’autre côté, des jeunes entreprises innovantes qui ne font qu’exercer le plus strict droit d’entreprendre, comme la Constitution le leur permet.
Voilà pourquoi ce texte revêt un caractère symbolique fort.
J’ose croire que personne ne tombera dans le piège d’une lecture binaire où il faudrait choisir entre la défense d’intérêts économiques anciens au nom de la juste régulation de l’économie, et le rejet de toutes réglementations au nom de la liberté d’entreprendre.
Pour ma part, il ne fait aucun doute qu’il existe depuis la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques un problème évident de rationalisation de l’offre de transport léger de personnes.
Les VTC bénéficient d’un cadre légal très avantageux par rapport aux taxis.
Les taxis payent aujourd’hui leur licence jusqu’à 200 000 euros pour Paris, le prix de la licence ayant connu une chute relative ces derniers mois, puisqu’il a pu atteindre 250 000 euros dans le passé ; tout à l’heure, on a même entendu des chiffres encore plus élevés.
De leur côté, les VTC payent une immatriculation renouvelable tous les trois ans de 100 euros.
En contrepartie de cette distorsion, les taxis bénéficient du monopole de la maraude. Ils ont donc payé pour bénéficier de leur monopole.
Le développement des smartphones et d’applications permettant de mettre en relation les VTC et leurs clients par un dispositif de géolocalisation a rendu l’activité des VTC extrêmement rentable, le temps d’attente entre deux courses étant très faible. Dans le même temps, les taxis se voient imposer des clauses exclusives par les centrales de réservation qui les empêchent d’optimiser leur activité.
L’intervention des pouvoirs publics n’est plus seulement souhaitable ; elle est indispensable. Sans exagération aucune, je crois que la coexistence des taxis et des VTC n’est effectivement pas viable si chacune de ces deux catégories conserve son modèle économique.
Fort de ce constat, le groupe UMP est arrivé à la conclusion que la coexistence des taxis et des VTC devait passer par trois principes : la modernisation des taxis ; la consécration de leur monopole en ce qui concerne la maraude ; enfin, un encadrement de l’activité des VTC, notamment en matière de tarification et d’immatriculation, mais qui ne vienne pas artificiellement parasiter leur activité.
En ce qui concerne la modernisation des taxis, le groupe UMP est en accord avec les auteurs de la proposition de loi.
La création du « registre de disponibilité des taxis » à l’article 1er nous semble constituer une avancée importante.
L’autre grande avancée du texte, sans laquelle ce registre de disponibilité des taxis aurait été un feu de paille, réside dans l’interdiction faite aux centrales de réservation d’empêcher les taxis d’utiliser ce nouveau système ou tout système privé équivalent.
Il est essentiel que les taxis comblent leur retard en matière de géolocalisation. Cet article 1er est une étape importante.
Nous nous prononçons également en faveur de l’article 1er bis, qui vise à permettre le paiement par carte bancaire dans les taxis en intégrant dans la définition de ces véhicules l’obligation d’être munis d’un terminal de paiement électronique embarqué en état de marche. L’incertitude pour les clients consécutive à l’absence de ces terminaux nuit à toute la profession. Sur le long terme, cette mesure sera bénéfique aux taxis.
De la même manière, mon groupe et moi-même sommes en accord avec l’incessibilité de la licence. Cette modernisation des taxis est un préalable indispensable au maintien de leur monopole pour la maraude. Il serait inconséquent de maintenir artificiellement en vie des acteurs économiques qui ne sont pas en mesure de satisfaire une demande de plus en plus exigeante.
Venons-en au deuxième principe qui doit guider notre action : la consécration du monopole des taxis en ce qui concerne le marché de la maraude.
L’article 8 tend à modifier l’article L. 3121–11 du code des transports afin de sanctuariser le monopole des taxis sur le marché de la maraude dans leur zone de rattachement ; cela nous convient très bien.
Malheureusement, dans ce même article 8, à l’alinéa 22, une disposition pour le moins inquiétante s’est glissée. La proposition de loi prévoit ainsi qu’il est interdit aux voitures de transport avec chauffeur et à leurs intermédiaires « d’informer un client, avant la réservation mentionnée au 1° du II du présent article, quel que soit le moyen utilisé, à la fois de la localisation et de la disponibilité, immédiate ou prochaine, d’un véhicule ».