M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le régime de cotisations applicable aux particuliers employeurs a été réformé à plusieurs reprises dans le sens d’une augmentation significative des cotisations. Après la suppression de l’abattement de quinze points sur les cotisations patronales, le 1er janvier 2012, le régime du forfait a été supprimé le 1er janvier 2013, ce qui représentait une hausse de cotisations de 12 % pour les ménages concernés.
Une réduction de cotisations de soixante-quinze centimes par heure déclarée a alors été mise en place, ce qui prouve bien qu’un problème avait été ressenti. Le nombre d’heures déclarées observé dans ce secteur a néanmoins baissé de 7 % en 2013, soit une perte de 16 000 équivalents temps plein, ou ETP, qui fait suite à une première baisse de 12 000 ETP en 2012.
Le montant de la réduction de cotisations est en principe fixé par décret. Cet amendement vise à doubler le montant de la réduction, pour la porter à 1,5 euro au 1er septembre 2014. Ce montant devrait permettre de reconquérir de l'emploi déclaré, donc des cotisations, pour un coût estimé à 120 millions d’euros en année pleine et à 40 millions d’euros en 2014.
Cet amendement a été adopté à l’unanimité par les membres de la commission affaires sociales.
M. le président. Je suis saisi de trois sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 18 est présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Robert, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
Le sous-amendement n° 35 est présenté par M. Godefroy, Mme Meunier, M. Poher, Mmes Printz, Schillinger et Emery-Dumas, M. Kerdraon, Mmes Claireaux, Alquier et Bordas et M. Labazée.
Le sous-amendement n° 46 est présenté par Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe, Amoudry, Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces trois sous-amendements sont ainsi libellés :
I. Amendement n° 1, alinéa 3
Remplacer le montant :
1,5 euro
par le montant :
2 euros
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter le sous-amendement n° 18.
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le secrétaire d’État, je confirme bien sûr les propos que vient de tenir notre rapporteur général, M. Daudigny : cet amendement a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires sociales. Il fait suite à un rapport sénatorial sur la situation du secteur de l’emploi à domicile, qui est dramatique, chacun d’entre nous le constate dans son département.
Nous pensons qu’une réduction de cotisations de 1,5 euro est, si j’ose dire, le tarif minimum ! Nous souhaiterions aller un peu plus loin. Nous proposons donc, par ce sous-amendement, de porter son montant à 2 euros, ce qui correspond grosso modo à la suppression de l’abattement de 15 % qui était pratiqué auparavant – 16 %, nous a dit M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales récemment. En outre, par la suite, le calcul sur le salaire forfaitaire a également été annulé.
Surtout, comme l’a souligné la Cour des comptes dans un récent rapport, nous sommes dans un double système complètement désorganisé d’agrément et d’autorisation qui devient tout à fait illisible, avec une multiplicité d’intervenants – les particuliers employeurs, certaines collectivités, les EHPAD, ou établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, auxquels s’adossent des services – le secteur associatif et le secteur marchand. Ce que reproche essentiellement la Cour des comptes, c’est le manque de transversalité entre ces différents prestataires auprès des services à la personne.
Voilà pourquoi il est urgent d’intervenir. Sans mettre de côté la réorganisation indispensable du secteur, une exonération de 2 euros serait de nature à donner une bouffée d’oxygène aux associations et aux entreprises, qui sont, pour certaines, à la limite de la cessation de paiement.
J’ajoute que ce genre d’exonération possède un effet vertueux, car il est de nature à faire revenir dans les procédures officielles ceux qui, du fait de la suppression des exonérations précédentes, se sont réfugiés dans le travail clandestin, ce qui représente un manque à gagner important pour les finances de la sécurité sociale comme pour celles de l’État.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter le sous-amendement n° 35.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le secrétaire d’État, j’avais eu l’occasion, voilà deux ans, d’alerter la Haute Assemblée sur le risque que constituait notamment la suppression de l’abattement de quinze points. Nous avions également longuement débattu de la suppression de la déclaration au forfait. Je regrette de ne pas avoir été entendu à l’époque. Je m’étais ensuite permis d’adresser une question orale à M. Cazeneuve, alors en charge du budget, afin de l’alerter. Je constate aujourd'hui que chacun reconnaît l’existence d’un problème qu’il s’agit de régler.
Le secteur de l’emploi à domicile, il convient de le rappeler, concerne 3,6 millions de particuliers employeurs et 1,6 million de salariés. En 2012, les particuliers employeurs ont versé 12 milliards d’euros de salaires nets et de cotisations sociales, pour 1,8 milliard d’heures rémunérées.
Le secteur a subi une dégradation très importante. Quelque 29,5 millions d’heures ont été déclarées en moins en 2013, soit près de 16 500 emplois en équivalent temps plein – par les temps qui courent, on ne peut pas se permettre de perdre autant d’emplois… La masse salariale du secteur a un rythme annuel de baisse de 2,2 %.
Il faut faire quelque chose ! Nous ne pouvons pas rester dans cette situation. Certes, il existe un aspect fiscal, mais il faut faire attention en matière de niches fiscales. Il est certainement des niches qu’il faut combattre, mais d’autres ont une incidence importante sur l’emploi et, surtout, en termes sociaux.
Mes chers collègues, vous avez dû rencontrer, comme moi, des personnes qui travaillent à domicile. Celles-ci sont parfois en situation délicate. Elles ont souvent perdu un ou deux employeurs depuis l’application des nouvelles dispositions et leurs qualifications professionnelles ne leur permettent pas de sortir du système. Je reçois régulièrement des personnes dans cette situation. La personne que j’embauche depuis près de quinze ans a ainsi perdu deux de ses employeurs. Nous ne pouvons pas complètement ignorer cette situation.
Le chèque emploi service universel, ou CESU, a eu le grand mérite de clarifier les choses ; il permettait de lutter contre le travail au noir. Je crains que nous ne nous retrouvions aujourd'hui dans une situation de « travail au gris », c’est-à-dire comportant une part déclarée et une part non déclarée. Cela me paraît tout à fait dommageable, notamment pour les comptes de la sécurité sociale.
Nous avons longuement discuté de ces questions ce matin en commission, et l'amendement de notre rapporteur général, M. Daudigny, a été adopté à l’unanimité. J’avais indiqué que je retirerais ce sous-amendement,…
Mme Isabelle Debré. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. … estimant qu’une réduction de 1,5 euro était satisfaisante, car elle permettait de revenir pratiquement à la situation qui prévalait à la fin de 2011.
Après avoir expliqué pourquoi je soutenais l'amendement n° 1 de la commission des affaires sociales, je retire donc le sous-amendement n° 35, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 35 est retiré.
La parole est à Mme Muguette Dini, pour présenter le sous-amendement n° 46.
Mme Muguette Dini. Mes collègues ont déjà largement expliqué les raisons pour lesquelles nous souhaiterions faire passer la réduction de cotisations par heure déclarée de 75 centimes à 2 euros.
Ce sous-amendement vise à compenser deux décisions qui ont été destructrices d’emplois. La première fut la suppression de la déduction forfaitaire de 15 points des cotisations patronales pour ceux qui déclaraient leurs salariés au réel ; je reconnais que cela n’était pas du fait de l’actuel gouvernement.
La seconde fut la suppression de la possibilité pour un particulier employeur de cotiser sur une assiette forfaitaire pour l’emploi d’un salarié à domicile. J’étais d’accord avec cette suppression, considérant que les salariés devaient pouvoir bénéficier de tout ce qu’impliquaient des charges complètes.
Le fait de passer à 2 euros la déduction forfaitaire permettra de retrouver la situation d’allégement de charges de 2011. Cette déduction forfaitaire de cotisations sociales de 2 euros se rapprochera ainsi des dispositifs mis en œuvre dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, dont le particulier employeur est exclu. Pour une stricte équivalence, il conviendrait de porter cette déduction à 3 euros, mais nous n’allons pas jusque-là.
Surtout, cette proposition devrait faire cesser la réduction des emplois de ce secteur, qui était dynamique jusqu’en 2011.
Aujourd’hui, tous les indicateurs sont au rouge. Sur un an, le nombre de particuliers employeurs a diminué de 3,2 %, le nombre d’heures déclarées a chuté de 6,1 %, l’activité des assistantes maternelles, qui jusqu’à présent résistait plutôt bien, a reculé de 2,6%. Et ce qui très important, pour la première fois, en 2014, le salaire horaire net dévisse. Les nouvelles embauches ou les réembauches se concluent à un salaire plus bas, ce qui est fort inquiétant.
Au total, en 2013, comme mes collègues l’ont souligné, ce sont 16 500 équivalents temps plein qui ont été détruits. Depuis 2011, c’est un énorme plan social de 40 000 emplois qui a touché ce secteur, plan social dont on ne parle jamais parce qu’il s’est fait unité par unité. Néanmoins, il me semble que cela aurait dû tout de même éveiller l’intérêt des syndicats…
Porter cette déduction à 2 euros dans ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est un signe important de confiance adressé au bon moment à nos concitoyens. En effet, la période faste en matière de recrutement d’emplois à domicile va de juillet à septembre. Une réduction de cotisations de 2 euros permettrait de retrouver de l’emploi déclaré et des recettes pour les caisses de sécurité sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements identiques nos 18 et 46 ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous sommes d’accord sur le diagnostic,…
M. Gilbert Barbier. Mais pas sur le traitement !
M. Yves Daudigny. … mais nous proposons des solutions plus nuancées.
Madame Dini, la comparaison avec les entreprises peut paraître forcée : pour les particuliers employeurs, viennent s’ajouter aux abattements sur les cotisations sociales des déductions fiscales qui ne sont pas négligeables, même si certaines d’entre elles sont remises en cause dans leur volume par une publication récente de la Cour des comptes.
Fixer la réduction de cotisations à 1,50 euro est à la fois un choix de raison et d’efficacité : c’est un signe très fort que l’on adresse immédiatement, puisque le dispositif de cet amendement, adopté par la commission à l’unanimité, entrera en vigueur dès le 1er septembre prochain, ce qui est tout à fait possible, car il s’agit de particuliers employeurs soumis à déclarations mensuelles.
Porter ce montant à 2 euros correspondrait à une situation légèrement plus favorable que celle qui prévalait en 2011, c'est-à-dire avant les premières mesures de janvier 2012. En effet, 2 euros correspondent à 16,1 points de réduction de cotisations. Vous savez tous qu’à l’époque l’abattement était de 15 points. La dépense supplémentaire s’élèverait à environ 25 millions d’euros par rapport à l’amendement de la commission.
La commission des affaires sociales a donc émis ce matin un avis défavorable sur ces sous-amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Qu’il me soit permis, tout d’abord, de préciser les choses et de décrire la situation, en combattant l’idée, souvent avancée, selon laquelle le secteur de l’emploi à domicile ne serait pas concerné par le pacte de responsabilité et de solidarité. Ce dernier prévoira une baisse de 1,8 point du taux de cotisation des allocations familiales pour les associations ou les entreprises proposant des services. Ce n’est donc pas négligeable.
Par ailleurs, le volet solidarité s’appliquera aussi à ce secteur, puisque les salariés des particuliers employeurs bénéficieront de l’exonération salariale instituée par l’article 1er du présent projet de loi.
Cet effort est sans précédent. Il s’ajoute aux dépenses fiscales et sociales existantes – au total, environ 5,4 milliards d’euros –, qui bénéficient déjà aux emplois à domicile.
L’historique fait par les uns et les autres sur les deux mesures ayant affecté le secteur est tout à fait exact. Je souligne toujours la différence entre la première et la deuxième mesure. Cette dernière, qui a été assumée par l’actuelle majorité, a donné de nouveaux droits et a compensé le surcoût, certes partiellement, mais à hauteur des fameux 75 centimes que beaucoup d’entre vous ont évoqués. L’autre mesure, à savoir la suppression des 15 points d’abattement, alignait sur l’entreprise le particulier employeur, puisque ce dernier ne bénéficie pas des réductions Fillon, qui profitent en revanche aux salariés des entreprises.
Cela étant, le secteur connaît des difficultés, probablement d’origines diverses. Sont-elles dues uniquement au poids des cotisations ? Je ne le pense pas. D’autres facteurs sont en cause. Je pense, bien sûr, à la situation économique – le rapport de la Cour des comptes auquel il a été fait allusion à l’instant ne dit pas autre chose. De la même façon, le contexte économique a pesé fortement sur d’autres secteurs de services.
Il existe d’autres facteurs, qui sont probablement plus marginaux. On observe ainsi un déplacement vers le régime des autoentrepreneurs. Aujourd'hui, certains autoentrepreneurs se sont substitués à des emplois proposés soit par des associations, soit par des entreprises. J’ignore si ce phénomène est massif. Quoi qu’il en soit, il est bien réel.
Pardonnez-moi de le rappeler, mais c’est le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale de l’époque, en l’occurrence moi-même, qui avait soutenu la réduction de cotisations de 75 centimes d’euro à l’Assemblée nationale. Beaucoup, d’ailleurs, ont salué la pertinence de cette mesure. Je connais donc la sensibilité de ce secteur, auquel je suis particulièrement attentif.
Pour autant, en tant que secrétaire d'État chargé du budget, je dois également être soucieux des comptes publics. Le coût de cette mesure, évoqué par M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, m’incite à la prudence.
Actuellement, le montant de la réduction de charges par heure de travail pour les particuliers employeurs est fixé par décret à 75 centimes d’euro. Le Gouvernement, le ministre des finances et le Premier ministre sont attentifs à l’ensemble des difficultés. Une mesure sera probablement prise, dont je ne peux aujourd'hui évoquer l’ampleur, mais qui devrait bénéficier à l’ensemble du secteur en plus de ce qui existe déjà – je l’ai souligné – et de ce qui se fera après la mise en œuvre du pacte.
Je le rappelle, des réductions de cotisations seront prévues pour les salariés, y compris pour les particuliers employeurs et pour les entreprises ou les associations, sous forme d’une réduction de charges pour les employeurs.
Dans l’attente, le Gouvernement propose d’en rester à la version actuelle du texte, qui renvoie au décret, et de ne pas inscrire dans la loi le montant de la réduction de cotisations, qu’il s’agisse de 1,50 euro ou de 2 euros.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 1, ainsi qu’aux sous-amendements nos 18 et 46.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Le groupe CRC votera l’amendement proposé par M. le rapporteur général, comme il l’a fait d’ailleurs en commission.
Toutefois, prenons garde à ne pas nous laisser entraîner sur la voie tracée par les sous-amendements, dont les dispositions témoignent d’une certaine nostalgie du régime du forfait. Pour nous, il est hors de question d’en revenir à ce régime, car il pénalise les salariés dans leurs droits sociaux.
Mme Christiane Demontès. Absolument !
M. Dominique Watrin. Il s’agit ici de prendre en compte une réalité, que nous avons tous observée. Le régime des particuliers employeurs est déclaratif.
Or force est de constater que le durcissement des modalités de calcul des cotisations sociales, qui aurait dû faire entrer plus d’argent dans les caisses de la sécurité sociale, s’est au contraire accompagné d’une diminution des recettes en raison d’une sous-déclaration. Il convient aujourd'hui de rééquilibrer le système, sans toutefois en revenir au forfait ou à quelque chose qui y ressemble. Voilà pourquoi nous sommes d’accord pour faire passer la ristourne de 0,75 à 1,50 euro par heure travaillée.
C’est aussi en vertu du principe de réalité qu’il ne nous paraît pas judicieux de fixer la réduction de cotisations à 2 euros. Mettons déjà en place l’équivalent de ce qui existait auparavant, soit une réduction de 1,50 euro, et attendons de voir.
Par ailleurs, les particuliers employeurs recouvrent également le secteur des personnes fragiles, des personnes handicapées ou âgées. Il faut veiller à maintenir un équilibre entre les différentes options qui, fort heureusement, sont laissées au choix des personnes en perte d’autonomie.
Or l’emploi direct présente des avantages, notamment une certaine souplesse d’adaptation. Je sais aussi que les personnes âgées aiment avoir le même intervenant, le plus longtemps et le plus souvent possible, plutôt qu’une multitude d’employés, comme cela se pratique dans le cadre associatif.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Dominique Watrin. Néanmoins, le système présente également des inconvénients, car l’emploi direct est un exercice isolé de la profession, dans un domaine tout de même délicat, celui de l’accompagnement des personnes isolées. Et il y a aussi une nécessité de formation.
Je sais bien que la fédération des particuliers employeurs est à l’origine du montant de 2 euros. Toutefois, laissons-les mettre en œuvre leurs engagements, notamment celui de mieux informer les usagers faisant le choix de ce mode d’intervention direct sur leurs droits, mais aussi sur leurs devoirs. En effet, en cas de rupture de contrat, il faut verser des indemnités, et tous les employeurs ne sont pas véritablement sensibilisés à cette question. Attendons donc un peu de voir si l’on peut aller plus loin.
Je m’exprimerai ultérieurement sur la question des services mandataires, à l’occasion de l’examen d’un amendement qui a été déposé par M. Cardoux.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. J’ai bien compris que le sous-amendement de M. Cardoux, dont je suis cosignataire, ne passera pas. Je voterai donc l’amendement de M. Daudigny, qui est pour moi une proposition a minima par rapport à la nôtre.
J’attire l’attention du Gouvernement sur certains chiffres qui parlent d’eux-mêmes : nous avons perdu 12 000 équivalents temps plein en 2012 et 16 000 en 2013. Et même si le Président de la République est confiant en l’avenir, je vous donne rendez-vous à la fin de 2014, car je crains fort que la baisse des équivalents temps plein ne continue de s’amplifier.
L’amendement de la commission est selon moi de bon sens. Il est pragmatique. Je le voterai donc sans états d’âme. Espérons simplement que l’Assemblée nationale suivra le vote du Sénat.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je voudrais pour ma part attirer l’attention sur trois points.
Premièrement, les personnes âgées seront directement touchées, dès cette année et pendant dix-huit mois, par le gel de la revalorisation des retraites de plus de 1 200 euros – l’une des seules mesures de ce projet de loi qui aura un réel impact.
Les personnes âgées subiront ainsi une double peine, puisque ce gel s’ajoutera à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, dont elles doivent s’acquitter depuis un certain nombre d’années au titre du financement de la dépendance, et dont le produit, soit 645 millions d’euros, servira à financer les mesures de la prochaine loi sur le bien-vieillir.
Par conséquent, en portant à 2 euros la déduction forfaitaire pour les ménages français, notamment pour les personnes âgées, qui emploient un salarié à domicile, on enverrait un signal positif à ces dernières.
J’ajoute que les personnes faiblement dépendantes sont également pénalisées par la baisse des prestations versées par les CARSAT, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail. Je pense en particulier à celles qui sont classées en groupes iso-ressources, ou GIR, 5 et 6 et qui, de ce fait, ne bénéficient plus comme auparavant du remboursement d’un certain nombre d’heures.
Ces personnes auront donc besoin, pour prévenir le basculement dans la dépendance, de faire appel à des employés à domicile. Dès lors, il vaut mieux qu’il s’agisse de personnes formées, donc déclarées, plutôt que d’embauches non déclarées.
Deuxièmement, monsieur le secrétaire d’État, notre groupe a évalué à 160 millions d’euros le coût d’une réduction forfaitaire des cotisations de 2 euros, contre 120 millions d’euros pour une réduction de 1,50 euro seulement. Certes, ce sont 40 millions d’euros supplémentaires, mais quel signe veut-on envoyer aux personnes âgées ?
Du reste, il ne faut pas s’arrêter à ce simple calcul : en contrepartie de ces 40 millions d’euros, il y aurait beaucoup plus d’emplois déclarés et l’État verrait ses recettes s’accroître, ce qui diminuerait fortement le coût de la mesure proposée.
Troisièmement, la Cour des comptes a émis douze recommandations. J’en mentionnerai quelques-unes.
La Cour suggère, notamment, de réexaminer la pertinence des aides spécifiques. Il conviendrait en effet de revoir les activités sujettes à déclaration, parce que certaines ne correspondent pas tout à fait à la philosophie du dispositif.
Elle proposait également d’unifier le cadre réglementaire, car, entre les associations ou organismes déclarés et ceux qui sont soumis à autorisation, sans parler des doublons possibles, notamment la double tutelle du Conseil général et de l’État en matière de fixation des prix, il faut introduire plus de simplicité.
Une autre préconisation portait sur la dématérialisation du chèque emploi service universel, le CESU, qui a vraiment représenté une avancée considérable dans ce domaine. Il faut améliorer encore ce dispositif, notamment en prenant en compte les charges, et non la seule rémunération, et ensuite aller vers la dématérialisation, parce qu’on voit bien que nos concitoyens, même âgés, sont tournés de plus en plus vers ce type d’approche. La sécurité sociale l’a d’ailleurs bien compris.
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, en proposant de réduire les cotisations de 2 euros par heure déclarée, nous voulions envoyer un signe fort aux personnes âgées.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’une question dont personne ne sous-estime l’importance, comme en témoigne la qualité du débat. Je veux apporter trois remarques.
La première s’adresse en particulier au groupe CRC. Je suis un peu étonné, monsieur Watrin – je vous prie d’ailleurs de m’excuser d’être arrivé en cours de débat, mais j’ai été retenu à l’Assemblée nationale sur un autre texte jusqu’au milieu de l’après-midi –, parce que, il y a quelques minutes, vous défendiez la non-réduction des cotisations au nom de votre attachement au financement universel, etc., alors que, à l’instant, vous venez d’adopter une position complètement orthogonale. Je suis donc un peu surpris !
M. Dominique Watrin. C’est vous qui êtes dogmatique !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ma deuxième remarque vous concerne aussi, monsieur Watrin, mais elle s’adresse également à bien d’autres sénateurs.
Je crois qu’une erreur importante est commise dans l’analyse et dans les observations. Vous oubliez en effet un point important concernant les personnes âgées et, plus largement, ce que la sécurité sociale appelle « les publics fragiles ».
L’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale en dresse la liste : personnes âgées de plus de soixante-dix ans, qu’elles soient ou non dépendantes, personnes dépendantes bénéficiaires de l’APA, l’aide personnalisée à l’autonomie ; titulaires de la PCH, la prestation de compensation du handicap, ou de la majoration pour tierce personne ; parents d’enfants handicapés, qui ont droit au complément de l’AEEH, c'est-à-dire de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé ; personnes de plus de soixante ans qui sont « dans l’obligation de recourir à l’assistance d’une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie ». À toutes ces personnes s’ajoutent les bénéficiaires de certaines prestations d’aides sociales.
Pour toutes ces personnes, et vous avez vu que le champ est très large, vous oubliez qu’il existe une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale, y compris sur les rémunérations versées aux aides à domicile employés par les particuliers. (Mme Isabelle Debré approuve.)
Par conséquent, tout ce qui a été dit sur les personnes âgées est complètement hors sujet, puisque celles-ci bénéficient déjà d’une exonération totale.
M. Jean-Noël Cardoux. Et les personnes les plus fragiles ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais ce sont précisément ces personnes-là qui n’ont aucune cotisation à payer ! Je le répète, elles sont déjà exonérées en totalité.
Ma troisième remarque sera un peu plus provocatrice : le rapport de la Cour des comptes, dont vous avez cité quelques recommandations, monsieur Savary, pointe aussi un certain nombre d’excès ou d’abus.
On les connaît d’ailleurs depuis longtemps : par exemple, certains installateurs d’appareils électroniques ou de téléphonie, plutôt que de faire payer des frais d’installation, facturaient des heures de service à la personne, qui sont donc non imposables.
Les exemples de ce type abondent, plus ou moins amusants : on a repéré des cours de coaching à domicile, des cours de claquettes…
Mme Isabelle Debré. Doubler le montant de la réduction de cotisations n’y changera rien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Est-ce que tout cela ne doit pas nous inciter à réfléchir, compte tenu des 5,4 milliards d’euros d’exonérations qui pèsent sur le budget de l’État et sur celui de la sécurité sociale ?
Je serai bien sûr respectueux du choix du Sénat, mais je crois que nous devons réfléchir collectivement, au moment où l’on cherche à réduire les dépenses, y compris les dépenses fiscales et sociales. Nous avions d’ailleurs engagé ce débat avec les députés UMP à l’Assemblée nationale en essayant de distinguer entre ce qui relevait du choix contraint et ce qui pouvait s’apparenter à un choix de confort.
Nous avons tous compris, par exemple, que la garde d’enfants visant à permettre aux deux conjoints de travailler en même temps relève du choix contraint. En revanche, il est clair qu’un certain nombre de services – j’en ai évoqué quelques-uns, mais les rapports de la Cour des comptes abondent en exemples plus pittoresques les uns que les autres – relèvent du confort, sans que ce dernier terme soit honteux ni péjoratif, d'ailleurs.
Je crois donc que l’on pourrait travailler sur le sujet. La discussion s’est conclue par un échec à l’Assemblée nationale, la majorité actuelle ayant finalement renoncé, mais le travail était bien avancé.
Certes, la frontière entre la contrainte et le libre choix est parfois ténue : pensons, par exemple, aux cours de soutien à domicile. (Mme Marie-Noëlle Lienemann opine.)
Pour autant, si l’on arrivait à faire le départ entre le domaine du nécessaire – pour l’emploi, pour les soins liés à un handicap ou à une maladie – et ce qui relève du libre choix de l’employeur, on générerait un gain, en supprimant les exonérations pour un type de prestations à domicile, ce qui permettrait d’augmenter celles qui touchent l’autre type de services.
Voilà quelle est la réflexion actuelle du Gouvernement, et plus particulièrement la mienne, car j’ai eu l’occasion de travailler longuement sur ces sujets difficiles, bien sûr avec la modestie qui s’impose.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement maintient son opposition à l’amendement n° 1 et aux sous-amendements identiques nos 18 et 46.