M. René-Paul Savary. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Mes chers collègues, cet article constitue le cœur stratégique du présent projet de loi de finances rectificative de la sécurité sociale pour 2014.
En effet, il traduit dans la loi l’entrée en vigueur, au 1er janvier prochain, d’une baisse considérable des cotisations patronales. Plus précisément, il élargit le champ des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, en l’étendant aux cotisations URSSAF et à la contribution au Fonds national d’aide au logement, le FNAL.
Qui plus est, les contributions patronales alimentant la branche famille sont une nouvelle fois concernées, et pour cause : soustraire les employeurs au financement de cette branche est une obsession des libéraux et du patronat. À preuve la proposition de résolution qui a été déposée et débattue il y a peu au Sénat, sur l’initiative du groupe UMP et, plus précisément, de Serge Dassault.
Vous l’avez compris, nous contestons l’idée selon laquelle la réduction des cotisations sociales aurait pour effet immédiat la baisse du coût du travail !
Contrairement à ce que prétendent un certain nombre d’économistes libéraux, il n’existe pas de lien entre ce que l’on appelle le « coût du travail » et le nombre d’emplois. D’ailleurs, Pierre Gattaz lui-même, après avoir annoncé la création d’un million d’emplois en échange du pacte de responsabilité, s’est vite abstenu de répéter ce chiffre, craignant qu’on ne le prenne au mot. De son côté, le Gouvernement parle non plus d’emplois créés en contrepartie de ces aides sociales, mais « d’emplois sauvegardés ». Apprécions la subtilité ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.) Bienheureux celui qui pourra dire, demain, que tel ou tel emploi a été sauvegardé grâce au mécanisme « zéro cotisation sociale »…
Pourquoi s’obstiner dans une politique qui a déjà été mise en œuvre par le passé et qui a fait preuve de son inefficacité ?
Rappelons la chronologie. En 1989, l’embauche du premier salarié est exonérée de cotisations sociales ; à compter du 1er janvier 1992, l’emploi par un ménage d’un salarié à domicile ouvre droit à une réduction d’impôts équivalant à 50 % des dépenses engagées, dans la limite de 25 000 francs ; en août 1992, un abattement des cotisations de sécurité sociale est institué pour toute embauche à temps partiel ou pour toute transformation d’emploi vers un temps partiel.
En 1993, le gouvernement d’Édouard Balladur instaure un dispositif général d’abaissement du coût du travail, par le biais d’un allégement des cotisations sociales patronales sur les salaires allant jusqu’à 1,2 fois le SMIC ; la loi quinquennale du 20 décembre 1993 prépare l’expansion progressive de l’abattement des cotisations patronales d’allocations familiales des salaires à concurrence de 1,6 fois le SMIC.
Jacques Chirac élu Président de la République, les mesures d’allégement du coût du travail sont élargies et la « ristourne Juppé » est mise en œuvre à compter du 1er octobre 1996 ; puis vient, en 2003, l’instauration des allégements généraux de cotisations sociales.
Le résultat est clair : une hausse continue du chômage !
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Laurence Cohen. Face à ce constat, nul ne peut défendre l’existence d’une élasticité du niveau d’emploi au coût du travail.
D’ailleurs, même à droite et au centre, cette analyse est contestée. En 2005, alors que les exonérations de cotisations sociales n’avaient pas encore atteint les proportions actuelles et qu’il ne s’agissait que de 1,8 milliard d’euros, Jean-Louis Borloo, s’exprimant devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, affirmait que le système des allégements de cotisations sociales patronales avait « atteint ses limites, notamment en matière de création d’emploi ».
Au demeurant, il faut bien s’entendre sur la notion d’emplois créés : les aides publiques ne doivent pas être mobilisées pour développer le travail précaire, vous en conviendrez, mes chers collègues. A contrario, nos politiques publiques et sociales doivent avoir pour vocation de soutenir la création d’emplois de qualité, c’est-à-dire de postes rémunérateurs, qui garantissent à nos concitoyens un pouvoir d’achat leur permettant de vivre dignement et de contribuer à la relance de notre économie par la consommation.
Or quel est l’effet de ces allégements de cotisations sociales, et singulièrement de leur part patronale ? Les employeurs tendent à privilégier toujours davantage les emplois concernés par ces allégements. Il s’agit, partant, de postes dont la rémunération est peu éloignée du SMIC ; de surcroît, le volume global d’emplois proposés reste le même. La trappe à bas salaires est dès lors grande ouverte.
Inefficaces sur le front de l’emploi, conduisant à la paupérisation des salariés, empêchant la création d’emplois qualifiés, appauvrissant la sécurité sociale et conduisant à un accaparement de la richesse créée au sein des entreprises au profit de la finance et les actionnaires, les exonérations de cotisations sociales – c’est indiscutable ! – ne sont pas un bon levier.
C’est pourquoi nous voterons contre cet article.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 54, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 13
Supprimer les mots :
ainsi que, dans les conditions mentionnées au VIII du présent article, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles
III. – Alinéas 28 à 30
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Contrairement aux autres secteurs de la sécurité sociale, la branche accidents du travail-maladies professionnelles, ou branche AT-MP, repose sur un financement presque exclusivement patronal et s’inscrit dans une logique purement assurantielle. Ce système suppose que les cotisations des entreprises soient adaptées aux dépenses, donc à la sinistralité.
En termes plus clairs, plus la tâche à accomplir est dangereuse pour la santé des salariés, plus les employés d’une même entreprise sont exposés à des risques ou victimes de maladies et d’accidents imputables à leurs activités professionnelles, et plus les employeurs cotisent.
Nous sommes toutes et tous attachés à cette logique, eu égard à sa vocation préventive manifeste. Or celle-ci est remise en cause par cet article : pour la première fois, et qui plus est par ce gouvernement, madame la secrétaire d’État, les cotisations sociales de la branche AT-MP sont réduites. Voilà qui revient à suggérer, d’une certaine manière, que les employeurs doivent être déresponsabilisés de la dégradation des conditions de santé de leurs salariés imputable à leur activité professionnelle !
Ce recul historique doit naturellement être mis en regard des déclarations du Premier ministre annonçant un report de l’application du compte pénibilité : sur les dix critères fixés par la loi, seulement quatre devraient faire l’objet d’une application rapide.
Devant la commission, Mme Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a affirmé que seule la part mutualisée des cotisations de la branche AT-MP, et non la part assise sur la sinistralité, serait concernée. Or le présent projet de loi nous semble muet sur ce point.
Cette exonération n’en présente pas moins le risque suivant : faire cotiser les salariés au titre de cette branche, comme s’ils devaient être jugés responsables de leur état de santé, à la suite d’un accident ou d’une maladie professionnelle imputable au travail.
Ces exonérations devront bel et bien être compensées. Néanmoins, comment le seront-elles ? Par quelles mesures fiscales, assises sur quelle assiette, supportées par quels revenus – ceux du travail ou ceux du capital ? La question reste entière.
À nos yeux, le risque est grand que, au total, la compensation soit fiscale, donc supportée par les salariés eux-mêmes. À quoi bon réduire les cotisations sociales au titre de la branche AT-MP si c’est pour compenser cette baisse par une somme équivalente toujours exclusivement supportée par les entreprises, mais dont la provenance serait fiscale et non sociale ?
Nous condamnons fermement cette tentation d’un basculement du financement des entreprises vers les salariés. Nous la dénonçons avec d’autant plus de vigueur qu’elle n’est pas nouvelle : à la demande de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, la commission des affaires sociales a déjà déposé, par le passé, un amendement tendant à faire reposer le déficit de la branche AT-MP sur les salariés, en transférant cette dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.
Une telle socialisation de la dette, comme la probable socialisation de la compensation, conduirait à une remise en cause du principe même du fonctionnement de la branche. Cela reviendrait à faire indemniser les victimes du travail par les salariés eux-mêmes. Une telle démarche irait complètement à contre-courant d’une incitation à la prévention des risques du travail sur la santé et marquerait un important recul social.
C’est pourquoi nous proposons la suppression des exonérations sociales sur les cotisations alimentant la branche AT-MP.
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Godefroy, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2, 3 et 30
Supprimer ces alinéas.
II. - Alinéa 13
Supprimer les mots :
ainsi que, dans les conditions mentionnées au VIII du présent article, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mes chers collègues, j’interviens en tant que rapporteur de la branche AT-MP pour présenter cet amendement d’appel, dont j’espère qu’il sera entendu.
D’un point de vue juridique, les allégements généraux sur les bas salaires n’excluaient pas, à l’origine, le principe d’une exonération des cotisations. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a supprimé la possibilité juridique d’imputer des allégements sur les cotisations AT-MP. L’article 2 de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale revient en partie sur cette interdiction.
Il nous a été dit que cet allégement porterait sur la part mutualisée des cotisations. Rappelons de quoi il s’agit : la majoration M1 concerne les accidents de trajets ; la majoration M2 recouvre le reversement à la branche maladie liée à la sous-déclaration, un problème récurrent auquel nous sommes confrontés chaque année et dont la fixation du montant fait toujours débat ; enfin, la majoration M3 s’attache aux fonds liés à l’amiante.
Il me semble que ces exonérations, qui devraient essentiellement concerner les salaires jusqu’à 1,01 SMIC, vont dans le mauvais sens. Les branches les plus accidentogènes sont précisément celles qui rémunèrent le moins leurs salariés : la découpe, le bâtiment et quelques autres. Nous leur envoyons ici un signal déplorable. Je rappelle également, madame la secrétaire d'État, que, depuis 1898, la branche a une vocation assurantielle et doit être équilibrée par ses propres ressources et cotisations.
Avec ma collègue Catherine Deroche, nous avions préconisé, dans un rapport du Sénat, le maintien de ce système. Aujourd’hui, ses comptes sont équilibrés, voire légèrement excédentaires, mais la branche AT-MP est toujours endettée auprès de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, à hauteur de 2 milliards d’euros. Nous avions estimé que cette dette devait être remboursée. La disposition que vous proposez, qui conduira sans doute à priver cette branche de quelque 100 millions d’euros, ne me semble donc pas adaptée ; elle constitue même un mauvais signe.
En ce qui concerne la perfusion, comme la perte ne se limitera pas à l’année 2015, elle devra être pérenne. Grâce aux partenaires sociaux, la branche AT-MP est en cours de redressement : la Cour des comptes, qui avait refusé de certifier ses comptes en 2011 et s’était déclarée dans l’impossibilité de le faire en 2012, les a certifiés, avec cinq réserves, en 2013. Il me semble donc préférable, pour 100 millions d’euros, de laisser cette branche à l’écart des allégements de cotisations. Alléger les cotisations sur la part mutualisée des cotisations AT-MP revient à émettre un mauvais signal et ne se justifie pas.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 13
Supprimer les mots :
ainsi que, dans les conditions mentionnées au VIII au présent article, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles
II. – En conséquence, alinéa 30
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet l’exonération des cotisations de la branche AT-MP. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité, l’INRS, les principales branches d’activité présentant des risques avérés d’atteintes à la santé et de maladies professionnelles sont les secteurs du bâtiment et des travaux publics, la métallurgie, la chimie, le caoutchouc, la plasturgie, ainsi que les travaux agricoles. Ces secteurs concentrent les risques – accidents, chutes, affections chroniques articulaires, lombaires et respiratoires – et comptent de nombreux salariés rémunérés au SMIC et à peine au-delà.
Aussi, exonérer de la contribution AT-MP les entreprises constituerait un mauvais signal – la nuance est minime avec le « mauvais signe » de M. Godefroy ! – pour la mise en œuvre de la prévention comme pour la sécurité au travail et grèverait d’autant les ressources de contribution pour la prise en charge des accidents, des soins et des réparations.
Avec la suppression progressive des cotisations pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, le Gouvernement propose un changement politique important pour notre sécurité sociale.
En effet, la baisse de cotisation devrait être compensée par des abondements en provenance du budget de l’État. Le message politique adressé par le Gouvernement aux entreprises est important : celles-ci ne seront plus tenues de contribuer au financement des risques liés à leur activité.
L’AT-MP est, par nature, la branche dont le caractère assurantiel est le plus affirmé. Il est normal que chaque entreprise cotise à la hauteur du risque qu’elle fait peser sur ses salariés. La mise en cause de ce raisonnement fondamental est d’autant plus curieuse à l’heure où la reconnaissance de la pénibilité fait sa véritable entrée dans le droit, avec le compte de prévention de la pénibilité créé par la loi sur les retraites.
Nous proposons de supprimer cette exonération de cotisation, pour maintenir la logique assurantielle qui est le fondement de toute la branche AT-MP.
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette réduction ne peut être imputée aux cotisations définies au deuxième alinéa de l’article L. 241-5 du présent code.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il n’est jamais facile de présenter un amendement de repli : c’est accepter par avance que le bon amendement que l’on vient de présenter, qui ressemble en l’occurrence aux deux amendements défendus précédemment, n’emportera pas l’accord de l’assemblée, aussi convaincants qu’aient été nos arguments ! (Mme Laurence Cohen opine.)
Cet amendement vise à maintenir, a minima, une partie des recettes de la branche AT-MP. Les cotisations en matière d’AT-MP sont composées de deux parties : une base, calculée sur les gains et rémunérations des salariés, et une partie forfaitaire, définie en fonction de la sinistralité. Cet amendement tend à garantir que la part du financement de la branche AT-MP issue des cotisations liées aux risques reconnus ne peut être réduite.
Il s’agit, là encore, de maintenir pour les employeurs la logique assurantielle, qui est le fondement de la politique de protection des salariés sur leur lieu de travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La cotisation minimale AT-MP a trois affectations : elle alimente le FIVA, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, que M. Godefroy connaît bien, et elle finance l’indemnisation des accidents de trajet et la compensation à la branche maladie de la déclaration en maladie de sinistres qui devraient relever de la branche AT-MP.
Elle n’est donc liée en rien – j’y insiste – au taux de sinistres intervenus dans l’entreprise, qui donne lieu à des majorations de cotisations au-delà de la cotisation minimale. Celle-ci est précisément applicable dans les entreprises qui n’ont connu aucun sinistre. L’allégement n’affecte ainsi en rien la prise en charge des accidents et des réparations.
Toutefois, la commission des affaires sociales a réaffirmé son attachement au principe du financement de la branche AT-MP par des cotisations. Elle souhaite que, dans la compensation qui sera faite par l’État, l’intégrité du financement de la branche puisse être garantie, ce qui pourrait se faire, par exemple, par une augmentation de la contribution de l’État au FIVA. Nous souhaiterions, madame la secrétaire d'État, que le Gouvernement prenne position sur ce sujet.
La commission des affaires sociales a donc émis un avis défavorable sur les amendements nos 54, 36, 22 et 25.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Cette question est complexe, et il faut y revenir dans le détail. Les quatre amendements en discussion visent à supprimer l’exonération des cotisations AT-MP au motif que le financement de la branche obéit à une logique assurantielle permettant de responsabiliser l’ensemble des acteurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord vous rassurer : nous préservons totalement cette logique de responsabilisation. En effet, l’exonération des cotisations AT-MP ne portera que sur la part des cotisations concernant les charges mutualisées et ne s’appliquera absolument pas à la part représentative de l’« accidentalité » propre à l’entreprise. L’objectif de responsabilisation des employeurs n’est donc aucunement remis en cause. Il est visé depuis l’origine et ne doit pas être questionné.
La part des charges mutualisées recouvre ce qui est incompressible, même pour une entreprise dans laquelle aucun accident ne se produit. Elle est destinée à la gestion, à la prévention, etc.
Deuxième élément : l’allégement s’imputera en priorité sur les autres cotisations de sécurité sociale. Les cotisations AT-MP ne seront réduites que si c’est nécessaire, c'est-à-dire seulement s’il n’y a pas d’autres cotisations à diminuer. Pour un salaire au niveau du SMIC, les autres cotisations sont déjà à zéro. Si l’on veut encore diminuer ces charges, il faut s’attaquer à celles qui subsistent, c'est-à-dire à la cotisation AT-MP.
En pratique, dès qu’un salaire atteint 1,02 SMIC, il est possible d’imputer la totalité du montant de l’allégement sur les autres cotisations : assurance maladie, famille, vieillesse, etc. La responsabilité incombant aux employeurs d’assurer de manière autonome le financement de leur branche sera totalement préservée, de même que les règles spécifiques de détermination du taux de cotisation AT-MP par entreprise. Celui-ci, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, varie en fonction du secteur d’activité de l’entreprise et de sa taille.
Enfin, la proposition de supprimer les exonérations de cotisations AT-MP serait préjudiciable en ce qu’elle réduirait le montant de l’exonération accordée et empêcherait tout bonnement la mise en œuvre du dispositif « zéro charge au niveau du SMIC ».
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces quatre amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie une fois de plus pour les chiffres que vous nous présentez : bravo ! Ils nourrissent un débat technique intéressant.
Malgré tout, j’ai du mal à comprendre le schéma global. Ce n’est pas nouveau : il faut m’expliquer longtemps ! (Sourires.) En l’occurrence, je ne saisis pas le fonctionnement que vous préconisez ni la réforme globale vers laquelle vous souhaitez aller.
Pourtant, à la différence de certains de mes collègues, qui tiennent à maintenir les choses en l’état, je ne suis pas opposé à un transfert des cotisations vers des taxes sur la consommation, ou sur l’énergie. Peu de mes collègues, sans doute, s’accorderont sur ce dernier point, qui est propre à notre positionnement. Nous sommes favorables à un certain niveau de transfert des cotisations pesant sur le travail vers la consommation et l’énergie, car nous pensons que le travail ne peut plus être l’élément essentiel. Certes, il en faut pour tout le monde, mais c’est un autre débat ! Notre position a donc sa logique.
Vous entendez transférer un certain nombre de cotisations pour rendre le coût du travail plus compétitif. Toutefois, ce projet a ses limites.
Tout d'abord, le rapport que l’on a discuté hier matin et qui n’a pas été voté a montré, au sujet de l’exonération des cotisations sociales sur les bas salaires, que la réalisation de cet objectif n’allait pas de soi. Ensuite, quelque 60 % de nos importations viennent des pays européens, dans lesquels le coût du travail n’est pas forcément le critère le plus déterminant.
Admettons, malgré tout, que nous opérions tout de même ce transfert. Je ne parviens toujours pas à comprendre les bases de votre politique ! Toutes vos propositions possèdent leur logique, madame la secrétaire d'État, et vous les défendez bien, tout comme M. le rapporteur général, mais le plan général dans lequel elles prennent sens persiste à nous échapper.
Tout ce qui est très fortement assurantiel doit rester financé par des cotisations d’entreprises. Ce qui s’apparente à des cotisations plus générales et pouvant être transférées vers la fiscalité doit faire l’objet de définitions précises. Ainsi, il y aurait une logique !
Je maintiens donc ces amendements, parce que la vue générale qui nous permettrait de comprendre le sens de cette mesure nous manque. Je le répète, cette branche est strictement assurantielle. Il faut maintenir des repères, sinon on ne parvient pas à comprendre le sens des changements introduits.
À cet égard, M. Ayrault avait réalisé un bon travail. (Marques de scepticisme sur les travées de l'UMP.) Quand il avait proposé la remise à plat de la fiscalité et la mise en place d’un groupe de travail, nous avions fait connaître notre accord.
Certes, nous nous étions investis dans cette réflexion, mais il est dommage – je le répéterai jusqu’à la fin de ce débat – que nous n’arrivions pas à percevoir les lignes directrices, les supports, les points forts de cette réforme, s’agissant notamment des cotisations sociales.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la secrétaire d'État, je n’ai bien évidemment pas été totalement convaincu par votre argumentation.
Je n’arrive pas à comprendre les raisons pour lesquelles il serait normal de procéder à une exonération de cotisations sur la part mutualisée, qui est assurantielle au même titre que la part liée à la sinistralité. La mise sous perfusion m’inquiète toujours : on voit le tuyau, mais on ne sait pas si le bocal sera toujours rempli ! Or nous avons déjà été échaudés pour ce qui concerne la branche AT-MP.
En effet, nous attendons malheureusement depuis deux ans que le Gouvernement consacre un peu d’argent au FIVA, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. La situation actuelle est contraire aux objectifs que nous nous étions fixés dans le cadre du rapport d’information sur l’amiante que j’avais rédigé avec mes collègues Gérard Dériot et Jean-Marie Vanlerenberghe. (Mme Annie David opine.)
Par ailleurs, la branche AT-MP fait des efforts : les cotisations ont augmenté l’an passé, même si cette progression est très légère. Or les dispositions prévues par cet article vont, me semble-t-il, à l’encontre de l’effort réalisé.
D’où viendront les 100 millions d’euros promis en compensation, madame la secrétaire d'État ? Seront-ils versés de façon pérenne ? Je me méfie toujours des compensations, car on ignore si elles vont perdurer... En l’espèce, en raison de l’annualité budgétaire, nous n’avons aucune garantie.
Aussi, je le répète, nous envoyons un mauvais signe. À l’époque, nous avions protesté, car nous estimions qu’il n’était pas normal qu’il y ait un versement au FSV, le Fonds de solidarité vieillesse.
Comme je l’ai rappelé, la part mutualisée couvre les sous-déclarations. Or la sous-déclaration est un drame, car elle est un moyen pour les entreprises de faire payer à l’assurance maladie ce qui devrait l’être par la branche accidents du travail, c'est-à-dire par les cotisations AT-MP.
J’ai bien compris, madame la secrétaire d'État, que vous vouliez que les prélèvements sociaux soient de 0 % pour l’emploi d’un salarié au SMIC. Toutefois, à mon avis, cette disposition n’est pas souhaitable pour la branche AT-MP. Aussi, je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je rejoins tout à fait les propos de mon collègue Jean-Pierre Godefroy.
Moi non plus, je ne comprends pas pour quelles raisons on prévoit cette exonération, même si celle-ci ne concerne que la part mutualisée. D’ailleurs, j’aurais bien aimé, madame la secrétaire d'État, que vous me démontriez que l’article 2, tel qu’il est rédigé, vise uniquement la part mutualisée et non pas l’ensemble. Je n’ai pas vraiment trouvé d’éléments dans le texte prouvant qu’il en est ainsi. Quand bien même ce serait le cas, je ne comprends pas votre décision.
Comme je l’ai indiqué précédemment, cette branche a un fonctionnement particulier : ce sont essentiellement les cotisations patronales qui contribuent à son financement, sur la base assurantielle, afin de responsabiliser les employeurs quant à la sécurité et à la santé de leurs salariés dans l’entreprise.
Vous dites, madame la secrétaire d'État, que vous voulez mettre en place un dispositif « zéro charge au niveau du SMIC ». Vous le savez, je ne suis pas du tout d’accord avec un tel dispositif. Toutefois, même si je l’étais, il n’en sera pas ainsi dans les faits, puisque la part liée à la sinistralité est maintenue : les entreprises acquitteront au moins la part AT-MP liée à la sinistralité.
Votre argument ne tient donc pas, sauf à dire, madame la secrétaire d'État, que vous prévoyez aussi, à l’avenir, d’exonérer cette part. Si tel était le cas, nous ne pourrions vraiment pas vous suivre.
Concernant le FIVA, cela fait déjà deux ans, comme l’a rappelé mon collègue Jean-Pierre Godefroy, qu’on le ponctionne lors de l’examen de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, au lieu de l’alimenter davantage. Je ne vois donc pas comment vous pourrez alimenter la branche AT-MP par ce biais.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne comprends vraiment pas que vous vous attaquiez, madame la secrétaire d'État, à la branche AT-MP pour mettre en œuvre votre politique d’exonération de cotisations patronales.
Monsieur le président, permettez-moi également d’évoquer l’amendement n° 25, présenté par notre collègue Jean Desessard.
Les dispositions de cet amendement de repli pourraient paraître intéressantes dans la mesure où elles visent à préciser les choses entre la part qui est liée à la sinistralité et celle qui est mutualisée. Dans un premier élan, on pourrait être tenté de le voter, mais nous ne le ferons pas, car cela conforterait l’idée qu’il est possible de procéder à une exonération de cotisations sociales sur la branche AT-MP. Or nous refusons toute exonération sur cette branche.
En conséquence, nous ne voterons pas cet amendement.