M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 40 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Madame la secrétaire d’État, vous venez de donner un élément réglementaire nouveau dont nous n’avions pas connaissance ce matin en commission. Pour autant, je maintiens l’amendement, ne serait-ce que pour indiquer une volonté.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Ah, un frontalier ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Je suis en effet sénateur d’un département frontalier, ce qui n’est pas une situation exceptionnelle : nous sommes nombreux dans ce cas.
À quel moment constate-t-on la détention de tabac ? Au moment du franchissement de la frontière, pour autant qu’il y ait encore des frontières au sein de l’Union européenne… Or modifier le seuil n’aura, hélas ! que peu de conséquences. En effet, chaque jour, de nombreux travailleurs transfrontaliers franchissent la frontière et sont donc susceptibles de transporter ces produits, dont le seuil de détention maximum pourrait être abaissé par l’adoption de l’amendement de notre excellente collègue.
Comme les pouvoirs publics n’ont ni la possibilité ni l’intention de contrôler quotidiennement le passage des frontaliers appelés à travailler dans un pays voisin – le Luxembourg, la Belgique, la région de la Sarre, par exemple –, je voudrais savoir, madame la secrétaire d’État, quelle est l’applicabilité effective de la proposition de notre collègue, que je soutiendrai volontiers spontanément, mais qui risque de rester en pratique lettre morte.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. C’est une bonne question, mais tous les habitants des zones frontalières ne sont pas travailleurs transfrontaliers et ne traversent pas la frontière chaque jour. Il se trouve que je suis, moi aussi, une frontalière, le pays limitrophe étant l’Espagne, même s’il y a beaucoup moins de travailleurs transfrontaliers dans cette zone.
M. Gérard Longuet. Pour la Lorraine, retenez bien le chiffre : il y en a 80 000 quotidiennement !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. C’est précisément la raison pour laquelle j’ai proposé d’entreprendre une concertation. Abaisser les seuils comme le propose l’amendement nous satisferait tous sur un plan conceptuel. Néanmoins, l’adoption de cette disposition ne serait pas efficace sur un plan pratique.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Article 1er
I. – Après le chapitre Ier ter du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est rétabli un chapitre Ier quater ainsi rédigé :
« Chapitre Ier quater
« Réduction dégressive de cotisations salariales
« Art. L. 131-10. – I. – Les cotisations à la charge des travailleurs salariés au titre des assurances sociales qui sont assises sur les gains et rémunérations, au sens de l’article L. 242-1, n’excédant pas 1,3 fois le salaire minimum de croissance font l’objet d’une réduction dégressive.
« Cette réduction est également applicable :
« 1° Aux personnes qui relèvent du régime général en application de l’article L. 311-3 et du chapitre II du titre VIII du livre III ;
« 2° Dans des conditions fixées par décret, aux salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du présent code, à l’exception des personnes mentionnées aux 1° à 3° de l’article L. 2 du code des pensions civiles et militaires de retraite et des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
« II. – Le montant de la réduction est calculé chaque année civile, pour chaque salarié et pour chaque contrat de travail.
« Il est égal au produit de la rémunération annuelle définie à l’article L. 242-1 et d’un coefficient déterminé selon les modalités prévues au deuxième alinéa du III de l’article L. 241-13. La valeur maximale du coefficient est de 3 %. La valeur du coefficient décroît en fonction du rapport mentionné au même deuxième alinéa et devient nulle lorsque ce rapport est égal au salaire minimum de croissance majoré de 30 %.
« III. – La réduction ne peut être cumulée avec :
« 1° Une exonération totale ou partielle de cotisations salariales ;
« 2° Une prise en charge de ces cotisations ;
« 3° L’application de taux spécifiques ou d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations, à l’exception des déductions calculées forfaitairement sur l’ensemble de la rémunération et opérées au titre des frais professionnels en application du troisième alinéa de l’article L. 242-1. Dans ce dernier cas, le coefficient mentionné au II du présent article est calculé en prenant en compte la rémunération brute avant application de la déduction et le montant de la réduction est égal au produit de ce coefficient et de la rémunération brute annuelle avant application de la déduction.
« IV. – La réduction s’applique aux indemnités versées par les caisses de congés mentionnées à l’article L. 3141-30 du code du travail.
« V. – Les modalités d’application du présent article, notamment la formule de calcul du coefficient mentionné au II et les modalités d’imputation de la réduction sur les cotisations dues, sont fixées par décret. »
II. – A. – Le 2° de l’article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les agents dont le traitement ou la solde sont inférieurs à celui ou celle correspondant à un indice majoré défini par décret, une réduction de ce taux est appliquée de manière dégressive en fonction du montant du traitement ou de la solde et en tenant compte de la quotité de travail, dans des conditions fixées par décret ; ».
B. – Le A s’applique aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
III. – À l’article L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 131-10, ».
IV. – Les I à III s’appliquent aux cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2015.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Le Président de la République a annoncé, dans son allocution télévisée, un pacte de solidarité censé contrebalancer le pacte de responsabilité, dont cet article, qui réduit la part de cotisations sociales supportées par les salariés, est un élément.
Passé l’effet d’annonce, qui a pu provoquer quelque enthousiasme, nos concitoyens, de plus en plus nombreux, ont pu mesurer qu’il s’agissait d’une mesure en trompe-l’œil. Sous les apparences d’une mesure favorable aux salariés, elle constitue une attaque larvée des fondements mêmes de notre système de protection sociale. En effet, les cotisations sociales, y compris celles qui sont acquittées par les salariés, constituent des éléments de rémunérations indirects, ce qu’on appelle le salaire socialisé. Mises en commun, elles permettent de financer un régime de protection sociale qui demeure encore assez protecteur, malgré les atteintes portées contre lui. Or le constat que nous faisons, c’est qu’à chaque fois que les financements de la sécurité sociale diminuent le champ de la protection sociale recule. Le geste que vous faites aujourd’hui en faveur des salariés modestes risque donc de se retourner contre eux.
D’ailleurs, les mesures initialement prévues dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale transmis au Conseil d’État prévoyaient le gel des allocations au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il prévoyait même, pour 2014, le gel des allocations destinées au logement familial. Le projet de loi de finances rectificative prévoyait, quant à lui, le gel des aides personnalisées au logement. Bref, le gel de prestations qui sont notamment servies aux plus modestes, c’est-à-dire précisément à celles et ceux qui sont éligibles à la mesure de réduction des cotisations sociales ! Qui plus est, cette mesure devra nécessairement être compensée.
Là encore, l’expérience prouve que les compensations prennent le plus souvent la forme d’une hausse des taxes et impôts affectés, notamment de la CSG, qui présente l’avantage technique d’être une taxe à assiette large mais à taux réduit, ce qui lui assure un fort rendement. Qu’importe pour les adeptes de la CSG que cette taxe soit injuste, qu’elle ne soit pas progressive et qu’elle soit majoritairement supportée par les revenus du travail !
D’autres pistes de compensations sont envisagées avec toujours un même objectif : ces réductions consenties aux salariés seront, dans tous les cas, compensées par les salariés ! Ainsi, la rumeur circule d’une suppression de la prime pour l’emploi, laquelle, là encore, profite aux salariés les plus précaires.
Le silence gardé par le Gouvernement sur la technique de compensation qui sera retenue n’est pas acceptable, d’autant que cette prétendue augmentation du salaire net, qui, dans le meilleur des cas, devrait atteindre 42 euros mensuels, présente un autre inconvénient : elle pourrait fort bien avoir des effets indirects, conduisant, en réalité, à la diminution ou à la suppression de certaines aides ou prestations sociales.
Combien de salariés bénéficiaires de ces dispositions se verront-ils demain priver des aides au logement qu’ils percevaient ? Combien d’entre eux perdront-ils la gratuité des transports ou de la cantine scolaire ? Combien perdront-ils le bénéfice de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé ? Enfin, combien, en raison de la familiarisation de certaines prestations, verront-ils leur conjoint perdre le bénéfice du RSA ?
Tout cela pourquoi ? Pour une modeste augmentation du salaire net perçu de 42 euros par mois, par ailleurs déjà grignotée par la décision que vous avez prise de soumettre à impôt sur le revenu, au titre des avantages en nature, la part de cotisation mutuelle prise en charge par les employeurs !
De cette mesure, de ces 42 euros nets mensuels, il ne reste déjà plus rien et les conséquences en cascade feront regretter aux bénéficiaires de cette mesure son existence. C’est pourquoi le groupe CRC, refusant ce qui s’apparente à un bidouillage à vocation communicante, avait proposé de substituer à cet article une nouvelle rédaction, plus ambitieuse, plus solidaire et qui faisait clairement le choix de l’augmentation générale des salaires et du pouvoir d’achat. Malheureusement, cette proposition a été déclarée irrecevable et ne pourra être ni discutée ni votée, ce qui est bien dommage !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 44, présenté par MM. Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mme Dini, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 20
Remplacer la date :
janvier 2015
par la date :
septembre 2014
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par l’augmentation du taux de la taxe sur la valeur ajoutée.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L'objet de cet amendement est d'accélérer la baisse des charges salariales et patronales pour qu'elles entrent en vigueur le 1er septembre 2014 et non le 1er janvier 2015.
Comme l’a très bien expliqué hier notre collègue Gérard Roche, les baisses de charges sont à nos yeux salutaires. Il faut décharger le travail, en particulier la production, pour libérer les marges des entreprises et faire ainsi bénéficier notre économie du choc de compétitivité. Compte tenu de la situation économique actuelle – celle de l’emploi, surtout –, c’est urgent ! Pourquoi attendre encore pour mettre en œuvre les allégements prévus ? Pourquoi ne pas le faire beaucoup plus tôt ? Pourquoi ne s’appliqueraient-ils qu’à partir du 1er janvier 2015 ? Après tout, le Président de la République les a annoncés en 2013 !
Vous savez combien il est important, tant pour le pouvoir d’achat des Français que pour la compétitivité de notre économie, que ces mesures prennent effet le plus rapidement possible. Peut-être ce décalage s’explique-t-il parce que le Gouvernement ne sait pas encore comment les financer, au point de laisser le projet de loi silencieux sur ce sujet clé ! Hier, Mme Touraine nous a affirmé le contraire, se réfugiant derrière la loi organique.
Madame la secrétaire d’État, si le but recherché est, comme on nous l’a encore redit hier, de rassurer par avance les entreprises sur ce dispositif et si vous savez comment financer ces mesures, alors pourquoi ne pas décider tout de suite de les mettre en œuvre ? Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Robert, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 20
Remplacer la date :
janvier 2015
par la date :
octobre 2014
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement procède de la même intention que celui qui vient d’être défendu.
Hier, lors de la discussion générale, je me suis étonné de voir que pratiquement toutes les mesures annoncées, à l’exception du gel des pensions, ne seront applicables qu’en 2015. En dépit des balbutiements d’affichage, on ne sait pas trop comment tout cela sera financé.
Pour notre part, nous optons pour une démarche volontariste : rendre applicables dès maintenant ces baisses de charges. Nous défendrons d’ailleurs plusieurs amendements allant dans le même sens.
Pour s’opposer à notre proposition, on nous a d’abord avancé un argument d’ordre technique, à savoir que les ordinateurs ne pourront pas être mis à jour pour la rentrée. J’avoue être un peu surpris par cette objection tant les professionnels du chiffre me paraissent disposer de tous les moyens techniques adaptés à une mise en œuvre rapide des réductions de charges. Ce serait en tout cas un challenge à relever !
On nous a ensuite opposé un second argument : vous proposez des mesures visant à accélérer la mise en œuvre de ces exonérations de charges, et donc à augmenter le déficit, alors que le financement de telles mesures n’est pas connu.
Je réponds par avance – je ne me répéterai pas lors de la présentation de chaque amendement procédant de la même démarche – que nous avons proposé une mesure de financement qui aurait très bien pu prendre place dans la discussion du projet de loi de finances à l’automne 2014. Nous incitons à un effort considérable de réflexion et d’étude pour que soit enfin mise en place une véritable TVA anti-délocalisation.
J’ajoute que cette idée, que nous rabâchons depuis un certain temps et que votre majorité a supprimée dès son arrivée au pouvoir, fait progressivement son chemin dans les esprits français et surtout européens. En effet, voilà quelque temps, la conférence des ministres des finances de l’Union européenne a recommandé aux gouvernements d’abaisser les charges des entreprises. Le moyen pour y parvenir, c’est précisément une augmentation de la taxe sur la consommation.
M. Alain Néri. C’est l’impôt le plus antisocial qui soit !
M. Jean-Noël Cardoux. Je réfute à l’avance les critiques qui nous seront faites nous reprochant de proposer d’aller plus vite pour réduire les charges sans en assurer le financement, car nous avons des solutions. Et je viens de vous les exposer !
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements sont très proches, à défaut d’être rigoureusement identiques. En effet, l’amendement n° 44 tend à remplacer la date de janvier 2015 par celle de septembre 2014 et l’amendement n° 9 par celle d’octobre 2014. Toutefois, tous deux visent à accélérer l’entrée en vigueur des réductions dégressives de cotisations salariales. Nous aurons ainsi à examiner, au fur et à mesure du débat, un certain nombre d’amendements d’« accélération » ou de « freinage ».
J’observe que M. Cardoux a d’ores et déjà répondu aux arguments que je m’apprête à réaffirmer avec force et conviction.
Une mise en œuvre des réductions dégressives de cotisations salariales prévues par l’article 1er, dès le 1er septembre ou le 1er octobre prochain, et non à partir du 1er janvier 2015, serait prématurée.
Tout d’abord, il va de soi que ces réductions de cotisations salariales ne pourront devenir effectives que lorsque leur compensation financière aura été votée par le Parlement. La question n’est donc pas de savoir comment compenser ces cotisations, mais d’inscrire ce principe dans la loi. Comme le Gouvernement l’a annoncé, cette compensation sera décidée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
Ensuite, je pourrais citer d’autres arguments, sans doute moins évidents, en faveur du maintien du texte initial, et que vous avez contestés avant même qu’ils ne soient énoncés ; il est néanmoins important de les prendre en compte. Il s’agit de l’adaptation des logiciels de paie des entreprises, qui sera réalisée dans le cadre des maintenances annuelles, de la préparation administrative des URSSAF et de la MSA – les modalités déclaratives seront identiques à celles qui sont déjà employées pour le calcul et l’imputation des exonérations dont bénéficient les employeurs – et, enfin, de l’information des cotisants.
La commission des affaires sociales a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Certains d’entre vous semblent mettre en doute la volonté du Gouvernement d’agir vite. Laissez-moi vous donner un exemple prouvant que tel n’est pas le cas.
Les baisses d’impôt décidées par le Gouvernement seront effectives dès septembre 2014. Pourquoi cette mesure sera-t-elle effective dès septembre, tandis que les baisses de cotisations salariales n’entreront en vigueur qu’en janvier 2015 ? La raison en est simple : ce n’est pas l’État, mais les entreprises qui vont mettre en application cette réduction. Imaginez que ce texte soit définitivement voté début août : les entreprises disposeraient d’à peine un mois pour se mettre en ordre de bataille et adapter leur système de paie !
De surcroît, s’agissant des mesures de simplification applicables aux entreprises, nous nous sommes engagés à ne faire entrer en vigueur des modifications effectives qu’au 1er janvier et au 1er juillet, dans un souci de stabilisation.
Pour toutes ces raisons, la mise en œuvre des réductions dégressives de cotisations salariales – cotisations qui, je le répète, bénéficient aux salariés – dès le 1er septembre ou le 1er octobre prochain serait une mesure précipitée qui mettrait les entreprises en difficulté.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Ces deux amendements, qui peuvent paraître anodins, sont en réalité fondamentaux. Ils traduisent en effet une certaine conception du financement des dépenses de la nation.
Vous nous dites que vous allez augmenter la TVA pour financer certaines dépenses sociales. Laissez-moi vous dire que, sur ce point, vous nous trouverez toujours face à vous. Nous sommes, quant à nous, pour l’impôt progressif parce qu’il est progressiste.
L’impôt sur le revenu, tel qu’il a été créé par Joseph Caillaux, est un dispositif prévoyant des taux différents selon les capacités et les revenus de chacun.
Sans faire un long cours d’histoire, je vous rappelle que la Révolution française s’est faite en particulier contre le poids insupportable des impôts indirects pesant sur le tiers état. Peut-être certains d’entre vous ont-ils encore en mémoire le petit livre d’histoire que nous avions à l’école publique, au cours moyen première ou deuxième année ? On y voyait un pauvre bougre, le clergé et la noblesse juchés sur ses épaules, qui ployait sous le poids d’une besace sur laquelle étaient écrits les mots « dîme », « taille », « gabelle », ces impôts insupportables et injustes qui pesaient uniquement sur les plus modestes.
L’augmentation de la TVA, elle aussi, pèsera surtout sur les plus défavorisés de nos concitoyens.
Je m’explique : si le taux de TVA est à 20 %, par exemple, quel que soit le salaire, celui qui gagne 1 000 euros paiera 200 euros. En proportion des revenus, la TVA pèsera bien moins lourd pour celui qui gagne 5 000 euros. C’est totalement injuste ! D’ailleurs, dans leur grande sagesse, les révolutionnaires n’ont-ils pas écrit que chacun doit contribuer aux dépenses de la nation en fonction de ses capacités ?
Pour que l’impôt soit le moins injuste possible, son taux doit être progressif. Or ce que vous proposez est l’injustice personnifiée ! Je voterai donc contre ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Les explications de M. le rapporteur général et de Mme la secrétaire d’État confirment malheureusement ce que certains craignaient : présenter dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale des mesures qui ne concernent pas 2014, mais 2015, et dont le financement n’est pas prévu, cela s’appelle de l’affichage ! Il faudrait pourtant avoir une approche très humble, car, en matière de financement, rien ne doit être exclu.
Cela étant, il y a un problème de cohérence. Le Gouvernement s’engage dans la voie de l’allégement du coût du travail ; cela ne nous dérange pas, puisque nous l’avions d’ores et déjà proposé. On sait en effet que ce coût est particulièrement pénalisant pour la compétitivité de nos entreprises. Cette mesure va donc dans le bon sens. Mais il est désormais temps de passer à l’acte ! Cela fait déjà plus d’une année que l’on en parle. Et quand il s’agit de mettre en place le dispositif, on ne le fait pas ; on se contente de l’annoncer...
Cela montre que le Gouvernement n’est pas encore prêt. Vous invoquez en effet des problèmes informatiques, des dispositions à prendre, la nécessaire concertation des partenaires sociaux... Je m’étonne que l’on ne soit pas parvenu à mettre sur pied ce dispositif dont on parle depuis une année. Dans ce cas, pourquoi ne pas attendre l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, au mois d’octobre ? Il y aurait eu une vraie cohérence à proposer, à la fois, une modification tendant à diminuer les recettes de l’État et une contrepartie visant à financer cette mesure.
Vous comprendrez donc que cette mesure, qui va effectivement dans le sens de l’allégement du coût du travail, et donc de la compétitivité des entreprises, puisse susciter des critiques. C’est pourquoi il nous a paru judicieux de donner un signe fort, un signe de confiance aux entreprises en proposant cet amendement.
M. Gérard Longuet. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Comme l’a dit fort justement le rapporteur général, ces deux amendements ont pour objectif d’accélérer la mise en œuvre des baisses de charges qui pèsent sur les salaires. Cette accélération aggraverait considérablement la situation de la sécurité sociale, raison pour laquelle le groupe CRC s’y oppose.
Par ailleurs, l’instauration d’une pratique de dégressivité des cotisations sociales en fonction du salaire, qui peut apparaître comme juste au premier abord, aurait pour effet d’accroître le sentiment de certains de nos concitoyens d’être les seuls à contribuer au financement de la sécurité sociale. Cela risquerait de porter atteinte à la base même de notre système de sécurité sociale, qui est la mutualisation et l’acceptation de tous les cotisants envers un système solidaire.
On accuse souvent le groupe CRC d’être très critique à l’égard des mesures qui nous sont soumises et de ne pas proposer de solutions alternatives. Je vais donc en donner quelques-unes.
L’une des solutions justes pour renforcer le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes qui sont concernés par cet article, outre le renforcement des salaires, pourrait être de réduire considérablement le taux de la CSG, voire de supprimer cette contribution. Mais cela nécessiterait de mettre en œuvre une politique inverse de celle qui est menée aujourd’hui, c’est-à-dire de renforcer la part patronale de cotisations sociales et de taxer les revenus financiers.
Selon la Cour des comptes, en 2013, le rendement de la CSG était de 90,5 milliards d’euros. La suppression de la CSG sur les revenus salariés pourrait être financée par la suppression des exonérations de cotisations sociales consenties aux employeurs et aurait un effet bien plus important pour les salariés que la mesure proposée dans cet article. Vous le voyez, il y a d’autres choix possibles !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Le groupe écologiste votera contre ces amendements. Vous noterez, mes chers collègues, que jusqu’à présent nous avons soutenu sans faille le Gouvernement. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Ce soutien s’est notamment manifesté au travers du dernier scrutin public...
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pourvu que ça dure !
M. Jean Desessard. Visiblement, cet amendement vous échauffe, chers camarades de l’UMP et de l’UDI... En avant la diminution des charges ! Vous êtes tout de même formidables...
Mme Catherine Procaccia. Merci !
M. Jean Desessard. Croyez-vous que l’on va changer les systèmes comptables et les logiciels des entreprises en deux mois, pour les adapter aux nouveaux taux de cotisations ? Croyez-vous que les 40 euros gagnés par les entreprises par salarié ne seront pas dépensés par les informaticiens chargés d’adapter les logiciels ?
Les socialistes font des cadeaux aux entreprises, alors vous vous dites : c’est le moment, allons-y ! Doucement, mes chers collègues, car c’est l’organisation des entreprises que vous risquez de remettre en cause en septembre ou en octobre ! Les logiciels, comme les méthodes des experts-comptables qui travaillent pour les entreprises, sont adaptés au système actuel. Tout cela ne se change pas du jour au lendemain, même si vous êtes très excités par ces mesures de baisse de cotisations.
Un peu de sérieux ! Défendre l’entreprise, ce n’est pas simplement gagner quelques euros, c’est également veiller à ce que leur organisation soit stable, fiable et savoir où l’on va. Vous l’avez suffisamment dit !
Les entreprises ont besoin d’avoir un tableau de bord, de connaître les conditions dans lesquelles elles vont travailler. Ne changez pas tout du jour au lendemain ! Essayez de respecter une progression et d’avertir avant d’agir, afin que l’on puisse s’organiser ! Voilà ce que demandent les entreprises ! Il ne s’agit pas simplement de gagner 2 ou 3 euros au détour d’un projet de loi...
Cher Alain Néri, nous avons beaucoup de points communs : des idées de gauche, fondées sur la solidarité, la justice sociale...