M. Jean Desessard. Absolument !
M. Gérard Roche. Pour l’heure, le Gouvernement y semble pourtant toujours réfractaire.
Le second volet du chèque en blanc que j’évoquais, c’est celui que le Gouvernement signe au bénéfice des entreprises. En effet, les baisses de charges patronales, qui représentent l’essentiel du dispositif, ne sont conditionnées à rien, alors qu’au départ la parole présidentielle semblait indiquer le contraire. C’est pourquoi nous nous posons la question, qui est sans doute la plus importante : les baisses de charges auraient-elles dû être conditionnées à des embauches ? Historiquement, elles ne l’ont jamais été. Fallait-il le faire aujourd’hui ? Peut-être. À vrai dire, nous sommes assez réservés sur ce point, car l’aspect « chèque en blanc » est inévitable.
Attention, il ne s’agit pas d’un problème technique. L’octroi des allégements serait conditionné à l’évolution de l’effectif des entreprises, ce qui est facile à déterminer. Sur le fond, il serait toutefois impossible, dans ces conditions, de distinguer les effets d’aubaine des véritables embauches liées au bénéfice des allégements, un effet d’autant plus probable que les entreprises françaises sont aujourd’hui en surcapacité d’emploi.
Le système ne résoudrait donc rien puisque les entreprises renonceraient aux allégements de charge ou créeraient des emplois non productifs, ce qui n’améliorerait en rien leur compétitivité. (M. le rapporteur pour avis s’exclame.)
Au contraire, le véritable objet des allégements de charges est de créer une dynamique vertueuse véritablement économique.
Il s’agit de restaurer les marges des entreprises pour qu’elles développent leur activité et créent de l’emploi directement ou indirectement par leur consommation.
Mais alors, ne mentons pas aux Français : il ne peut s’agir d’emplois immédiats, il s’agit d’emplois futurs !
Pour que cet effet l’emporte, il faut que les gains engendrés par les allégements aillent principalement à la rémunération du facteur travail, c’est-à-dire à la masse salariale, soit sous forme d’augmentations de salaire…
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Non !
M. Gérard Roche. … soit sous forme d’embauches, ou à l’investissement de l’entreprise pour améliorer son outil de production.
Ils ne doivent pas être destinés à la rémunération du capital, c’est-à-dire des actionnaires, sauf dans les cas spécifiques d’ouverture du capital. En effet, dans ces derniers cas, les perspectives d’amélioration de la rémunération du capital peuvent avoir un effet de levier vertueux pour faciliter les levées de fonds et permettre ainsi à l’entreprise d’investir.
Dans ces conditions, plutôt qu’un mécanisme de sanction consistant à lier les baisses de charges à de l’embauche, ne pourrait-on imaginer et mettre en place un mécanisme consistant à supprimer les allégements de charges ou à créer des amendes correspondantes pour les entreprises qui n’auront pas joué le jeu, c’est-à-dire celles qui auront principalement employé le gain des allégements à rémunérer les actionnaires ? Madame le ministre, que pensez-vous d’une telle piste ? Est-elle à l’étude ?
Par ailleurs, même dans l’hypothèse où le gain des allégements de charges serait correctement employé à la rémunération du facteur travail ou à de l’investissement, il ne produira le maximum de ses effets de relance que si cela se traduit par une baisse de l’importation. C’est là que je veux en venir pour terminer mon intervention, à savoir à la TVA sociale, qui seule peut limiter cet effet. La boucle est alors bouclée. Le binôme allégements de charges et TVA sociale est donc bien, à nos yeux, un tout indissociable. Sincèrement, je crois, madame le ministre, que c’est une erreur de persister à les dissocier. Je n’ai bien sûr pas la prétention de vous avoir convaincue…
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Il aurait fallu être convaincant !
M. Gérard Roche. … et d’avoir changé vos orientations. Néanmoins notre vote en dépendra naturellement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général Yves Daudigny, monsieur le rapporteur pour avis Jean-Pierre Caffet, mes chers collègues, le ton va changer ! Les membres du groupe socialiste vont effet soutenir ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.
Il est vrai que la situation dans laquelle s’inscrit ce texte est difficile, nous le savons tous et nous le constatons tous chaque jour.
Ce projet de loi s’inscrit dans la logique de redressement dans la justice de notre pays initiée depuis 2012. Joint à la loi de finances rectificative, il constitue la première étape de mise en œuvre du « pacte de responsabilité et de solidarité », lequel répond à l’engagement pris par le Président de la République le 14 janvier dernier, à l’exigence de trouver de nouveaux moyens dédiés à l’emploi, à l’investissement, au renforcement de la compétitivité de nos entreprises et, bien sûr, à la croissance.
Ce texte revêt donc une importance toute particulière. Rationnel, il prend le possible en considération, notamment au regard de la situation de nos comptes publics ainsi que du déficit structurel de compétitivité dont souffre notre économie, depuis de nombreuses années, d’ailleurs, et bien avant 2012. Il est l’expression de ce pacte de responsabilité et de solidarité qui repose sur un triptyque alliant compétitivité, avec la politique de la fiscalité sur les entreprises qui abaissera le coût du travail, responsabilité, avec un plan d’économies de 50 milliards d’euros sur trois ans, ce qui nous permettra de respecter la trajectoire budgétaire des finances publiques, et solidarité, avec les dispositions soutenant le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Sur la forme, vous l’avez d’ailleurs souligné, madame la ministre, j’observe que le 24 juin dernier la Cour des comptes a certifié la sincérité et l’exactitude des comptes de chacune des branches du régime général de sécurité sociale et de chacune des caisses nationales qui les pilotent, ce qui, mes chers collègues, est sans précédent.
C’est l’illustration du fait que la politique engagée depuis 2012 donne des résultats positifs. Cette politique a engendré la baisse des déficits sociaux. Je vous rappelle, mes chers collègues, vous qui siégez à droite de l’hémicycle, que ces déficits s’élevaient à 17,4 milliards d’euros en 2011. Ils sont de 12,5 milliards d’euros en 2013. En 2010, alors que la croissance atteignait 1,6 %, le déficit des comptes sociaux avait progressé de 4,5 milliards d’euros, pour atteindre 28 milliards. En 2013, avec une croissance d’à peine 0,1 %, le déficit recule de 2 milliards d’euros.
M. Jean Desessard. M. Cardoux n’en a pas parlé !
Mme Christiane Demontès. En outre, ce sérieux budgétaire s’est accompagné d’un souci de justice, car il n’y a pas eu de remise en cause de la protection sociale de nos concitoyens : aucun nouveau déremboursement n’est intervenu depuis 2012, aucune création de forfait supplémentaire...
À titre de comparaison, en 2010, la dette de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, était étalée alors que l’autorisation de découvert de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, passait, comme vous vous en souvenez, mes chers collègues, de 70 milliards à 130 milliards d’euros. Le système de retraites est pérennisé et des avancées notables ont été réalisées. J’en rappellerai trois. La première c’est les carrières longues – mesure de justice s’il en est ! Nous avons rencontré il y a quelques semaines, sur l’invitation de Mme la ministre, des retraités de soixante ans ayant commencé à travailler à l’âge de quinze, seize ou dix-sept ans. Il était bien normal que ces personnes puissent prendre leur retraite avec toutes leurs années de cotisation ! (MM. Jacky Le Menn et Alain Néri applaudissent.)
Les deux autres avancées notables sont la reconnaissance de la pénibilité – qui l’avait fait avant nous ? – et la prise en compte des durées de maternité pour les femmes. Cette dernière mesure est extrêmement importante, car en matière de retraite l’inégalité entre les hommes et les femmes est toujours réelle.
De même, des progrès ont été faits et ils étaient attendus : ainsi, pour de nombreuses familles modestes, la revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, celle du complément familial et de l’allocation de soutien familial, l’extension de la CMU-C et de l’aide à la complémentaire santé. Je rappelle que 750 000 personnes auront une complémentaire gratuite ou aidée.
Ce sérieux budgétaire, ce sens des responsabilités nous permettra de donner naissance à une véritable politique de santé publique, telle que vous nous l’avez annoncé, madame la ministre.
Sur le fond, ce texte financier entend renforcer la compétitivité de nos entreprises et, par extension, l’emploi, première des priorités. Pour ce faire, et alors que nous assistons à la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, une série de dispositions sont prises. Il s’agit de l’augmentation des allégements généraux, pour 4,5 milliards d’euros en 2015. La mesure prévue à l’article 2 inscrit l’exonération de cotisations pour les salariés entre 1 SMIC et 1,6 SMIC, et bénéficiera avant tout aux PME, qui sont les moteurs de l’emploi et de la croissance.
Ainsi, dès le 1er janvier 2015, au niveau du SMIC, le « zéro cotisation patronale URSAFF » sera effectif. À cela s’ajoute la baisse du taux des cotisations familiales de 5 % à 2,25 % en faveur des travailleurs indépendants pour près de 1 milliard d’euros. Enfin, est actée la première étape de suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, sous la forme d’un abattement exonérant nombre de PME.
Le second pan de ce texte consacre la volonté de conforter la justice sociale et le pouvoir d’achat. Ainsi, dès janvier prochain sera mis en œuvre un allégement dégressif des cotisations salariales pour les salaires inférieurs à 1,3 SMIC. Je suis très étonnée d’entendre aujourd’hui que certains sur ces travées (L’orateur regarde la droite de l’hémicycle.) souhaitent que l’on aille plus loin alors qu’ils n’avaient rien fait au moment où ils étaient au pouvoir !
Cette mesure de l’article 1er concerne 5,2 millions de salariés du privé qui verront leur pouvoir d’achat augmenter de plus de 500 euros par an. S’ajoute une disposition identique qui sera prise pour les différentes fonctions publiques sur la base du traitement indiciaire brut, et ce jusqu’à 1,5 SMIC. Ce seront ainsi 2,2 millions de fonctionnaires civils et militaires qui seront concernés pour un coût évalué à 1,5 milliard d’euros. Ces mesures complètent la disposition de la loi de finances rectificative visant à réduire l’impôt sur le revenu pour 3,7 millions de nos concitoyens, pour un montant de plus de 1 milliard d’euros, soit une baisse de 350 euros pour un célibataire.
Dans cette logique de soutien au pouvoir d’achat, et en cohérence avec les revalorisations de l’aide personnalisée au logement, l’APL, et de l’allocation de logement social, l’ALS, votées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, l’allocation de logement familiale, l’ALF, est aussi revalorisée. Par ailleurs, les retraites d’un montant inférieur à 1 200 euros bénéficieront, elles aussi, de cette réévaluation alors que les autres seront bloquées pendant un an. La mesure concerne 50 % des retraités de notre pays.
Ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale contient aussi les premières mesures du plan d’économies. Ces dispositions viennent compléter les efforts réalisés par nos administrations afin d’offrir le meilleur service tout en en contrôlant le coût. Le volume d’économies visé est important et le concours des prestations sociales y participe. Néanmoins, l’effort demandé est progressif et l’absence exceptionnelle de revalorisation des prestations ne concernera ni les ménages modestes ni, comme nous l’avons vu, la moitié des retraités.
Avant de conclure, madame la ministre, je souhaite vous faire part de mes craintes, mais je sais que vous les partagez.
La première d’entre elles concerne la branche vieillesse, plus particulièrement l’évolution du Fonds de solidarité vieillesse. Ce fonds est le miroir de la pauvreté et de la précarité de celles et de ceux qui sont définitivement sortis du marché de l’emploi. Ils sont effectivement nombreux. Par conséquent, le volume financier du Fonds de solidarité vieillesse progresse, ce qui doit mobiliser toute notre vigilance.
La deuxième crainte que j’évoquerai est liée à la politique de baisse de cotisations sociales sur les bas salaires pour favoriser l’accès à l’emploi et le recrutement par les entreprises. Nous savons bien qu’il existe un risque de création d’une trappe à bas salaires. Il nous faudra, sur ce point également, être vigilants. Il est donc heureux que l’alinéa 48 de l’article 2 prévoie la mise en place, au sein de la négociation annuelle de branche sur les salaires, d’une évaluation de l’effet du pacte de responsabilité, en particulier des exonérations de cotisations patronales, mais également du CICE, sur l’emploi et les salaires.
Pour conclure, les membres du groupe socialiste considèrent que ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est un texte responsable économiquement, socialement et politiquement. Marqué du sceau de la justice, il s’inscrit dans la logique et l’exigence du redressement de notre pays, et apporte des réponses complémentaires et appropriées à la question centrale de l’emploi. Madame la ministre, je l’ai signalé au début de mon intervention, le groupe socialiste votera ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, et le votera avec fierté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est la première étape de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, qui était l’une des priorités voulue par le Président François Hollande et confirmée par le Premier ministre.
La vocation de ce pacte est de proposer des mesures ciblées comme des baisses de prélèvements, des exonérations en faveur des plus modestes, mais également en faveur des entreprises. À ce sujet, je tiens à saluer les premiers résultats de la politique de réduction des déficits sociaux menée depuis maintenant deux ans par votre gouvernement.
Néanmoins, la réduction du déficit public ne doit nullement nous faire revoir à la baisse notre politique de protection sociale. Nous devons offrir à l’ensemble de la population, tout en prenant en compte les contraintes économiques du moment, une politique ambitieuse, solidaire et responsable, ainsi que vient de le souligner Christiane Demontès.
Cette politique est plus que nécessaire, car les personnes touchées par la pauvreté sont de plus en plus nombreuses et, surtout, de plus en plus pauvres. Or les prestations sociales constituent une protection irremplaçable.
L’emploi, nous le savons tous ici, est la priorité des Français. Aussi, la première étape du pacte est dirigée vers les entreprises au travers des articles 2 et 3 du présent projet de loi. L’ambition est de redonner aux entreprises la capacité de faire face à la concurrence grâce à l’allégement du coût du travail, mais aussi par la simplification des procédures administratives.
L’allégement des cotisations et la baisse du coût du travail devraient effectivement inciter à la création d’emplois, mais je reste intimement convaincu que ces mesures importantes prises en faveur des entreprises doivent être accompagnées de garanties confirmant la création d’emplois !
Le second engagement est, bien entendu, le plan d’économies de 50 milliards d’euros, qui s’appliquera aux finances de l’État, aux collectivités et à la sécurité sociale. Ainsi, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale prévoit des mesures destinées à corriger l’équilibre des comptes sociaux.
Je tiens d’ailleurs à saluer l’initiative de nos collègues de l’Assemblée nationale concernant l’article 9, qui prévoyait le gel des aides au logement. En effet, aujourd’hui, ce sont les dépenses de logement qui pèsent le plus sur le budget des ménages. C’est pourquoi, au regard des conditions de vie précaires des bénéficiaires de ces aides, nos collègues députés ont décidé de supprimer le gel de l’allocation logement, ce dont je me félicite.
Les inégalités s’accroissent, ce qui entraîne parfois des conséquences sociales dramatiques. Il est donc de notre devoir de promouvoir une politique solidaire, garante de notre système de protection sociale.
Les Français consentent depuis des années à de très lourds efforts, aussi devons-nous, mes chers collègues, trouver un juste équilibre entre la réduction des déficits et le maintien d’un haut niveau de protection.
François Mitterrand le disait, l’égalité n’est jamais acquise, c’est toujours un combat. Et ce combat, madame la ministre, nous savons que vous le menez.
Les dispositifs respectifs du projet de loi de finances rectificative et du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale doivent être analysés de façon simultanée et cohérente, ainsi que Jean-Pierre Caffet l’a excellemment dit tout à l’heure à cette tribune.
M. Jacky Le Menn. Il est excellent !
M. Ronan Kerdraon. J’aimerais à cet égard évoquer, même si cela peut apparaître hors sujet, l’amendement que j’avais déjà défendu, mais sans succès, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative et qui avait pour objet l’exonération de versement transport. Je le présenterai à nouveau ici sous la forme d’un amendement tendant à insérer un article additionnel.
Le système d’exonérations de versement transport fait actuellement l’objet d’amendements dans deux projets de loi distincts, le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. Ces modifications sont source de risques financiers et juridiques pour les autorités organisatrices de transport, les AOT, risques qui pourraient être évités si le contenu des amendements était clarifié.
En effet, pour bénéficier d’une exonération, une association ou une fondation doit en faire la demande à l’AOT : celle-ci contrôle que l’organisme remplit bien trois conditions – être un organisme reconnu d’utilité publique, à but non lucratif et ayant une activité à caractère social – et, si tel est le cas, elle accorde obligatoirement l’exonération au terme d’une délibération.
Deux amendements ont été adoptés, mais dans le cadre de projets de loi distincts. Leur adoption a eu pour effet de supprimer la phrase figurant à l’article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, qui est à l’origine du régime actuel, et de la remplacer par deux dispositions qui se contredisent.
L’amendement adopté lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, j’insiste sur ce point, est d’un impact financier très aléatoire, voire risqué. En effet, du fait des multiples conditions prévues, il pourrait s’appliquer à un grand nombre d’organismes, étant donné que les conditions de fonctionnement des structures ne sont pas cumulatives.
Pour prendre un exemple, mes chers collègues, il est possible que les hôpitaux ou cliniques privés entrent dans le champ d’application de cet amendement, ce qui représenterait un coût énorme pour les AOT, ainsi qu’une distorsion de traitement au détriment des hôpitaux publics.
Pour vous donner une idée plus précise, sur le territoire de Saint-Brieuc Agglomération, l’impact de cette mesure est estimé à 1,4 million d’euros, soit 10,4 % du produit du versement transport !
Afin d’assurer la cohérence de la loi, la contradiction entre les deux amendements adoptés nous oblige à choisir : l’un tend à réserver l’exonération aux entreprises solidaires d’utilité sociale, tandis que l’autre vise à élargir l’exonération actuelle. Dans ce dernier cas, une sécurisation des conditions d’application est indispensable pour limiter le nombre de recours.
Aussi, l’amendement que je présente se fonde sur la proposition formulée dans le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, qui vise à exonérer les associations et fondations lorsque celles-ci bénéficient de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » actualisé à l’article 7 du même projet de loi.
Il s’applique également aux centres de lutte contre le cancer, qui ne sont pas couverts par les dispositions du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.
Cette solution permettrait d’éteindre les risques de contentieux entre associations et AOT, puisque seule l’existence de l’agrément donnerait à l’association le droit de se prévaloir d’une exonération.
Par ailleurs, grâce aux conditions à réunir pour obtenir l’agrément, cette solution permettrait de concilier le soutien au secteur de l’économie sociale et solidaire et la préservation de la situation financière des AOT, dans un contexte financier très tendu pour une grande partie de ces autorités organisatrices.
En conclusion, ce projet de loi marque le point de départ du pacte de responsabilité et de solidarité, en étant fondé sur la compétitivité, sur la responsabilité et, surtout, sur la solidarité. L’équilibre est délicat, car il nous faut veiller à soutenir autant que possible les personnes les plus précaires. Mais nous savons, au sein du groupe socialiste, que tel est votre objectif, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, je vous le dis d’emblée : le groupe écologiste partage votre volonté de diminuer la dette de la sécurité sociale afin d’assurer la pérennité de notre système de solidarité nationale.
Pour autant, nous nous séparons sur la méthode à suivre pour parvenir à réduire ces dépenses publiques. Selon nous, cette réduction devrait passer par d’autres priorités de santé publique.
Nous craignons en effet que les mesures proposées dans ce texte n’hypothèquent l’avenir de la sécurité sociale et voudrions relayer auprès de vous, madame la ministre, l’inquiétude des professionnels de la santé publique et des travailleurs sociaux, qui se demandent où les coupes seront opérées.
Les allégements de cotisations salariales proposés dans ce projet de loi diminueront les recettes de la sécurité sociale de 2,5 milliards d’euros, les allégements des cotisations patronales et celles des travailleurs indépendants les réduiront de 5,5 milliards d’euros et le rétrécissement de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés privera la sécurité sociale de 1 milliard d’euros, soit, au total, 9 milliards d’euros !
Or toutes ces mesures constituent autant de diminutions pérennes des recettes de la sécurité sociale, sans que nous soient donnés clairement les moyens pérennes qui seront parallèlement mis en œuvre.
Car, madame la ministre, je n’ose imaginer que le gel de certaines prestations sociales que vous proposez cette année - il ne compense d’ailleurs que très partiellement les réductions de recettes en jeu – soit reconduit d’année en année aux fins d’équilibrer nos comptes publics !
Je crains donc que les mesures proposées ici ne soient de mauvaises solutions qui mettent en péril l’équilibre financier de notre système de solidarité nationale.
Oui, nous pensons qu’une autre vision des questions de santé publique pourrait conduire à des économies de même ampleur, et à des économies durables.
Pour réaliser des économies, nous, écologistes, proposons de dépenser autrement, en augmentant beaucoup plus les dépenses d’investissement visant à permettre l’accès du plus grand nombre à la santé, donc des dépenses qui à court, à moyen et à long terme, permettent ces économies.
Forte de cette logique, je ne comprends pas, par exemple, pourquoi l’adoption de mesures durables pour lutter contre la pollution de l’air prend tant de temps, alors que, chaque année, cette pollution coûte à la sécurité sociale entre 30 milliards d’euros et 50 milliards d’euros, selon les chiffres fournis en 2012 par le Commissariat général au développement durable.
Je ne comprends pas non plus pourquoi, bientôt un an après la remise du rapport que j’ai signé sur l’accès aux soins des plus démunis, la mise en œuvre des mesures de simplification de l’accès aux droits est si lente, alors même que, selon le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, le SGMAP, conçu pour tenir le rôle de conseil auprès du Gouvernement dans l’élaboration, la conduite et le suivi du programme global de réforme, en s’attaquant aux obstacles qui font de l’accès aux soins un véritable parcours du combattant, on améliorerait l’état de santé global de la population et on dégagerait un gisement d’économies – que le SGMAP appelle d’ailleurs « le gisement moins de maladies ».
Pour mémoire, un certain nombre de propositions ont été formulées. J’en citerai deux : attribuer automatiquement la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, aux bénéficiaires du revenu de solidarité active, le RSA ; fonder l’attribution de la CMU-C et de l’assurance complémentaire santé, l’ACS, sur le dernier revenu fiscal de référence, ce qui reviendrait à simplifier considérablement l’accès à ces droits.
Du coup, en permettant un accès plus facile à la santé, on réaliserait un investissement qui déboucherait sur des économies très importantes. Beaucoup le disent !
Je ne comprends pas plus pourquoi vous continuez à refuser les mesures de santé environnementales que nous vous proposons, à chaque projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, surtout lorsque l’on sait le poids sur le budget de la sécurité sociale d’un certain nombre d’épidémies qui, comme le cancer, sont dues en partie à des facteurs environnementaux.
Pourquoi, par ailleurs, a-t-on perdu autant de temps sur la question épineuse des refus de soins, qui éloignent durablement de notre système de santé des personnes précaires ou gravement malades que l’on finit par retrouver, plus tard, dans un état très aggravé, au sein de nos services d’urgences encombrés et dont la prise en charge coûtera en conséquence, au final, beaucoup plus cher ?
Pourquoi prévoir, dans l’axe 13.1 du plan cancer, de dépenser dès maintenant des centaines de millions d’euros supplémentaires pour le Gardasil, alors que ce vaccin est de plus en plus contesté ? Ne faudrait-il pas au minimum un moratoire sur toute mesure nouvelle d’incitation à l’utilisation de ce vaccin, au moins le temps de mener une étude indépendante sur le sujet ?
En lieu et place de tout cela, comme Jean Desessard le relevait tout à l’heure, vous proposez des mesures qui, en l’état, apparaissent comme un véritable chèque en blanc signé aux entreprises, parce qu’elles ne sont pas assorties des garanties nécessaires en matière de créations d’emplois.
Faute d’une telle conditionnalité, ces mesures sont donc tout à fait déséquilibrées, raison pour laquelle nous défendrons un certain nombre d’amendements sur ce texte. En l’état actuel, nous ne pourrions pas le voter ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)