Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Bel
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine, M. Jean Desessard.
2. Candidature à une commission
3. Candidatures à un organisme extraparlementaire
4. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
MM. Jean Louis Masson, le président.
8. Projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. – Adoption d’une motion référendaire
MM. Pierre-Yves Collombat, coauteur de la motion ; Michel Delebarre, rapporteur de la commission spéciale.
MM. Christian Bourquin, Jean Louis Masson, Ronan Dantec, Bruno Retailleau, Gérard Roche, Mme Éliane Assassi, M. Philippe Kaltenbach.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur.
MM. Gérard Longuet, Dominique de Legge, Jean-Pierre Chevènement, René-Paul Savary, François Fortassin, Pierre-Yves Collombat, Jacques Mézard, Gérard Le Cam, Pierre Laurent, Christian Favier, Philippe Bas, Nicolas Alfonsi, Robert Navarro, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Claude Requier, Jean Louis Masson, Éric Doligé.
Adoption, par scrutin public, de la motion référendaire.
MM. le président, Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale.
9. Nomination d’un membre d’une commission
10. Nomination de membres d’un organisme extraparlementaire
11. Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire
12. Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de deux projets de loi
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Bel
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
M. Jean Desessard.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidature à une commission
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Jacqueline Farreyrol, démissionnaire de son mandat de sénatrice.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
3
Candidatures à un organisme extraparlementaire
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom de quatre sénateurs désignés pour siéger au sein du Conseil national d’évaluation des normes, en application de l’article L. 1212-1 du code général des collectivités territoriales.
La commission des finances a fait connaître qu’elle propose les candidatures de M. Éric Doligé et de M. Yannick Botrel respectivement comme membre titulaire et comme membre suppléant. La commission des lois, pour sa part, propose les candidatures de M. Jean-Pierre Sueur et de Mme Jacqueline Gourault pour siéger au sein de ce même organisme respectivement comme membre titulaire et comme membre suppléant.
Ces candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
4
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive.
Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
5
Dépôt d'un rapport
M. le président. J’ai reçu le rapport annuel 2013 de la Commission nationale des accidents médicaux.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales.
6
Dépôt d'un document
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, la convention entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations relative au programme d’investissements d’avenir, action « Partenariats pour la formation professionnelle et l’emploi ».
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des finances ainsi qu’à la commission des affaires sociales.
7
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, ce matin, à neuf heures vingt-neuf, les députés et sénateurs du département de la Moselle ont reçu un courriel de M. le préfet les invitant à une réunion qui se tiendra demain, 3 juillet, pour discuter de la suppression de sous-préfectures.
Le préfet indique dans ce courrier que ladite réunion « doit se tenir impérativement demain, à dix heures trente, en préfecture, suivant les instructions que nous avons reçus ce matin du ministre de l’intérieur. » (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cambon. Ça, c’est fort !
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre de l’intérieur, c’est d’abord une question de politesse. Sur un dossier de cette importance, est-il décent que le ministre demande au préfet d’un département de convoquer les parlementaires de ce département pour le lendemain ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jackie Pierre. Non !
M. Jean Louis Masson. Ensuite, vous n’ignorez pas que nous examinerons demain, ici, un texte très important relatif à la suppression des départements et au regroupement des régions.
Vous voulez entamer la suppression des départements par la suppression des sous-préfectures. C’est peut-être votre droit ! Mais la moindre des choses serait de ne pas convoquer le 2 des parlementaires à une réunion qui aura lieu le 3 sur un sujet aussi grave, alors que, au même moment, le Sénat se réunira pour discuter d’un problème connexe !
Je vous le dis, c’est indécent et honteux ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées. – M. Jean-Jacques Lasserre applaudit également.)
M. le président. Mon cher collègue, non sans vous préciser préalablement qu’un rappel au règlement s’adresse au président du Sénat, je vous donne acte de celui-ci.
8
Projet de loi relatif à la Délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral
Adoption d’une motion référendaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de la motion (n° 666) de M. Jean-Pierre Chevènement et plusieurs de ses collègues tendant à soumettre au référendum le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (n° 635).
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, coauteur de la motion.
M. Pierre-Yves Collombat, coauteur de la motion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette motion, sur laquelle nous aurons à nous prononcer à l’issue de nos débats, tend en effet à « proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à la délimitation de régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. »
Nous avons conscience qu’il s’agit d’un acte grave, mais vu l’enjeu de la réforme proposée et le caractère peu probant des arguments censés la justifier, voire l’absence d’arguments, quoi de plus normal que de demander aux premiers concernés, à savoir les Français, de trancher ?
Si le Gouvernement se trompe, et avec lui les oracles et experts qui n’ont pas vu venir la crise et ne savent toujours pas comment nous en sortir, qui paiera au final les pots cassés, sinon les Français ?
L’exposé des motifs du projet de loi en question commence ainsi : « Le présent projet de loi se fonde sur la nécessité d’améliorer la gouvernance territoriale ainsi que l’efficacité et l’efficience des politiques publiques mises en œuvre dans les territoires. Cette volonté se traduit par un renforcement de l’échelon régional en clarifiant les compétences des régions mais aussi en donnant à ces dernières une taille critique sur le plan géographique, démographique et économique. Ainsi ce projet de loi redéfinit la délimitation des régions actuelles et en tire les conséquences sur le plan électoral. »
Selon l’étude d’impact, « ce texte traduit l’engagement du Président de la République à l’occasion de sa conférence de presse du 14 janvier, que le Premier ministre a précisé lors de sa déclaration de politique générale du 8 avril dernier : un redressement appuyé sur une réforme structurelle renforçant l’efficacité de l’action des collectivités territoriales. »
L’étude précise que « plusieurs régions seront fusionnées pour mieux coordonner les politiques publiques menées au niveau territorial, dans le respect des modes de scrutin en vigueur et de la sincérité des scrutins ». C’est bien la moindre des choses !
On peut y lire également que « le Gouvernement propose de renforcer les compétences stratégiques des régions, que ce soit en termes de planification et d’aménagement de l’espace ou de développement économique ». Il s’agit d’en faire « l’un des principaux outils budgétaires pour aménager les territoires, accroître la compétitivité et renforcer la cohésion sociale ».
Pour exercer ces compétences accrues de façon efficace et pouvoir se comparer avec les échelons administratifs de nos voisins européens, il conviendra d’atteindre, nous dit-on, « une taille régionale critique suffisante. »
Première remarque : j’aimerais savoir quelles études, quels travaux, garantissent que la suppression du département et le renforcement de l’échelon régional rendra notre gouvernance territoriale plus efficiente ? Mis à part des arguments d’autorité –- Balladur dixit, Attali dixit –, aucune preuve, aucun fait !
Autorité pour autorité, je préfère celle de Jean-Pierre Chevènement, à qui l’on doit une réforme qui, elle, a transformé positivement notre pays. Permettez-moi de citer les propos qu’il a tenus il n’y a pas si longtemps devant les représentants de l’Association des maires ruraux : « La critique du “millefeuille” ne tient pas compte d’un fait pourtant essentiel : dans tous les pays d’Europe, il y a au moins trois niveaux d’administration. Partout, la commune, ensuite le département – provinces en Italie et en Espagne, Bezirke et Kreise en Allemagne –, enfin la région, dont la consistance est variable selon les pays : les vingt-deux régions françaises se rapprochent des vingt-huit counties d’Angleterre et des vingt régions italiennes ; les seize Länder allemands et les dix-sept communautés autonomes espagnoles ont une consistance historique, identitaire et pratique plus forte. Chaque pays a son histoire, qu’on ne peut violenter sans porter atteinte à l’exercice même de la démocratie. Celle-ci va partout de pair avec le sentiment d’appartenance. Car, et c’est le point essentiel, seul le sentiment d’appartenance peut faire accepter aux minorités la loi de la majorité. »
Nous touchons là à un enjeu essentiel, pourtant ignoré par le Conseil constitutionnel : l’enjeu démocratique et politique, que la sous-représentation encore plus évidente des départements ruraux dans les nouvelles régions ne fait que souligner.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. J’en viens à regretter, alors même que je l’ai combattue, la représentation minimale du département par quinze conseillers territoriaux, validée par le Conseil constitutionnel, que prévoyait la précédente réforme ! (Eh oui ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mais le Conseil constitutionnel vient de nous en administrer une fois encore la preuve : qu’on se le dise, il ne fait pas de politique ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. David Assouline. C’est la droite qui applaudit !
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Et alors ?
M. Pierre-Yves Collombat. Si on faisait moins de conneries, il y aurait peut-être moins d’applaudissements à droite ! (Nouveaux rires et applaudissements sur les mêmes travées.)
Pourtant, à considérer les taux d’abstention et les résultats des dernières élections, le temps semble venu de se préoccuper enfin des conséquences politiques de réformes présentées comme purement techniques, ce qu’elles ne sauraient être.
Comme le disait le député Manuel Valls lors de la discussion de la loi organique du 15 avril 2009, qui nous importe aujourd'hui, après avoir constaté les pressions exercées par l’exécutif sur les contre-pouvoirs, « je redoute davantage le danger plus pernicieux encore d’une emprise croissante des discours technocratiques dans le débat public [qui] pourrait faire penser que les analyses politiques sont aujourd’hui dépassées et que le poids des réalités a fini par écraser la force des valeurs ».
Deuxième remarque : où est-il question, dans le projet de loi ici en cause, des compétences des régions et de leur clarification, de leurs « compétences stratégiques » et du renforcement de celles-ci ? Comme à l’ordinaire, on l’a bien vu quand il s’est agi de couvrir la France d’intercommunalités en rendant obligatoire les schémas départementaux, on se préoccupe du contenant avant de savoir quel en sera le contenu et les raisons de la découpe, mis à part, peut-être, le critère de la taille. Qu’importe l’ivresse, pourvu qu’on ait le flacon, semblent nous dire les poètes d’aujourd'hui ! (Très bien ! sourires et nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Soit dit en passant, on peut s’interroger sur la qualité de l’étude d’impact. Elle doit bien en avoir une puisque le Conseil constitutionnel l’a trouvée ! (M. Alain Gournac s’esclaffe.) Quoi qu’il en soit, cette étude valide la création du « Poichenli », la nouvelle région qui regroupera les actuelles régions Poitou-Charentes, Limousin et Centre (Sourires sur les travées du RDSE et de l'UMP.), plutôt qu’un regroupement de Poitou-Charentes avec les Pays de la Loire ou un regroupement entre Poitou-Charentes, Aquitaine et Limousin, qui a les faveurs de la commission spéciale du Sénat.
Pourquoi regrouper de grandes régions, comme Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, et non pas Nord-Pas-de Calais et Picardie,… (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. Pierre-Yves Collombat. … cette dernière proposition correspondant également à la position de la commission spéciale ? Pourquoi ne pas réunir la région Franche-Comté avec l’Alsace et la Lorraine, ce qui aurait pour avantage de mettre en valeur l’axe Rhin-Rhône et une cohérence historique ancienne ?
Je pourrais continuer longtemps, mais je ne le ferai pas, ne doutant pas que les choix qui ont été faits procèdent d’une étude approfondie, historique, culturelle et économique, notamment en termes d’infrastructures et de transports. Dommage que celle-ci ne soit pas jointe au projet de loi… Les habitants du Cantal auraient alors certainement découvert comment se rendre facilement à Lyon, leur nouveau chef-lieu régional.
Le seul argument de l’étude d’impact, c’est que les autres pays européens ont déjà fait ce que nous nous apprêtons à faire. Cependant, outre que le territoire français est plus vaste que celui de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Espagne, j’observe que la Révolution française est une spécialité française, que la France est une « République indivisible », comme le dit la Constitution, et qu’il s’agit d’un État unitaire et non pas d’un État fédéral. Détail fâcheux, pour qui rêve d’une Europe des Länder, mais dont il faudra bien tenir compte !
Évoquant la réforme régionale italienne de 2001, l’étude d’impact relève que « ces grands ensembles démographiques et géographiques dotés d’une identité historique forte bénéficient désormais d’importantes ressources financières péréquatrices, de très larges compétences et d’un pouvoir normatif propres à assurer leur libre administration ».
Fort bien, mais quelle est donc « l’identité historique forte », je ne dis pas du « Poichenli », mais des nouvelles régions proposées ? Là où cette identité commence à exister, c’est que trente ans de vie commune, comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur ou en Languedoc-Roussillon, l’ont forgée.
Où sont par ailleurs, dans le projet de loi, les « importantes ressources financières péréquatrices dont vont bénéficier les nouvelles régions » ? Où sont les « très larges compétences et le pouvoir normatif » ?
On nous présente aussi comme vérité d’évidence le fait que les mailles territoriales de base de la reconstruction du territoire national doivent avoir une « taille critique sur le plan géographique, démographique et économique ».
Ainsi l’étude d’impact retient-elle que « la population moyenne des régions françaises, Île-de-France comprise, s’élève à 2,9 millions d’habitants, contre 5,1 millions d’habitants en moyenne dans les Länder allemands ».
Mais les Länder allemands ont des tailles très disparates ! La Bavière, le plus grand, a une population de 12,5 millions d’habitants et un PIB de 446 milliards d’euros. Le Land de Brême, le plus petit, compte 600 000 habitants pour un PIB de 28 milliards d’euros, soit seize fois moins. Une telle disparité est inconnue en France ! La Thuringe compte 2,8 millions d’habitant pour un PIB de 48 milliards d’euros. Le Land de Hambourg a 1,7 million d’habitants, mais 94 milliards d’euros de PIB, etc. On trouve toutes les tailles et tous les potentiels économiques. .
Visiblement, le succès économique allemand n’est pas lié à une quelconque « taille critique » des collectivités territoriales.
On pourrait aussi s’arrêter sur le niveau d’endettement de ces collectivités allemandes, souvent largement plus calamiteux que celui de nos propres collectivités, ainsi que sur leur faible niveau d’investissement.
En 2011, par exemple, selon les chiffres de la Commission européenne, l’investissement public allemand représentait 1,6 % du PIB contre 3,1 % en France, où les trois quarts de cet investissement sont réalisés par les collectivités territoriales.
Et que nous dit l’étude d’impact sur l’effet de la réforme sur l’investissement public ? Rien ! Quel sera l’impact de tous ces bouleversements sur la vie économique régionale et nationale ? Quel sera-t-il en termes d’emploi, non pas à l’horizon 2025, mais dans les mois qui viennent ? Toujours rien !
Cela m’amène au fond de notre affaire, le véritable objet de ce projet de loi, qui, à lui seul, demanderait une étude d’impact approfondie.
Le véritable but de la réforme, chacun l’aura compris, n’est qu’accessoirement l’amélioration du fonctionnement de nos institutions territoriales : c’est – le mot est dans l’étude d’impact – le « redressement » ; sous-entendu : du pays. Autrement dit, une fois de plus, il s’agit de ramener le déficit budgétaire de l’État et la dette publique aux 3 % et 60 % de Maastricht.
Ma troisième remarque est donc la suivante : quelle est la relation de cause à effet entre la création du « Poichenli », la fusion Languedoc-Roussillon-Midi Pyrénées et le redressement des finances de la France ? On aimerait connaître les chaînons manquants entre la cause et l’effet.
M. Christian Cambon. Des raisons politiciennes !
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai cru comprendre que le but de la réforme territoriale était de faire des économies. Si ce sont des économies de gestions, pourquoi pas ? Mais à condition qu’elles soient réinvesties ; autrement, elles ne feront qu’alimenter la crise. Or, visiblement, ce n’est pas de saison.
Mais en admettant que réduire les dépenses des collectivités territoriales soit un bien en soi, à combien vont se monter les économies à attendre du nouveau découpage ?
M. Bruno Sido. Zéro !
M. Pierre-Yves Collombat. Nouveau silence de l’étude d’impact.
On comprend la prudence des rédacteurs, car les chiffres les plus divers circulent. Réformes de l’organisation territoriale et communale confondues, ils oscillent entre 12 milliards d’euros et 25 milliards d’euros.
M. Roger Karoutchi. Au minimum ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Pierre-Yves Collombat. D’où cela nous vient-il ?
Le chiffre de 20 milliards d’euros d’économies apparaît pour la première fois lors de la discussion de la loi du 16 mars 2010. En fait, il ne s’agit pas du montant des économies attendues – bien qu’on le fasse passer pour cela –, mais du volume des financements croisés entre région et département. Vingt milliards d’euros c’est, nous dit-on alors, le gisement des « économies potentielles » ou, selon une étude de la DGCL – Direction générale des collectivités locales –, « le périmètre des domaines dans lesquels ces deux catégories de collectivités interviennent l’une et l’autre et qui paraît donc susceptible d’être concerné par une démarche de clarification ».
Du gisement à l’extraction des pépites d’économie, convenez qu’il y a quand même une marge, et on aimerait bien savoir comment elle est franchie !
L’actuel gouvernement, quant à lui, préfère le raisonnement tautologique et la méthode du doigt mouillé. « Le budget des collectivités locales, déclare au Figaro le secrétaire d’État à la réforme territoriale, représente au total 250 milliards d’euros. Les meilleurs spécialistes pensent qu’en tablant sur des économies d’échelle et des suppressions de doublons qui pourraient à terme représenter de 5 % à 10 %, on arrive à un gain annuel de 12 à 25 milliards d’euros à moyen terme. »
Tautologie parfaite ! Axiome 1 : « La réforme fait faire des économies. » Axiome 2 : « L’économie sera au minimum de 5 % à 10 %. » Conclusion : « Le budget des collectivités étant de 250 milliards d’euros, l’économie se situera entre 12 et 25 milliards d’euros. »
Puisque la réforme fait faire des économies, elle fera faire des économies. Et ces économies seront d’au moins 12 milliards d’euros, le minimum de 5 % étant un nombre aussi magique que l’a été en son temps le 3 % de Maastricht. (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.)
« Ceux qui ne s’en étaient pas avisés d’emblée, remarque pourtant Jean-Pierre Chevènement, se sont vite rendu compte qu’il n’y avait aucune économie à attendre ni des fusions de régions ni du transfert à d’autres niveaux des compétences départementales – routes non nationales, équipement et entretien des collèges, politique sociale. »
M. Roger Karoutchi. Évidemment !
M. Pierre-Yves Collombat. Cela, même les agences de notations le savent, en tout cas Moody’s, qui, dans un communiqué du 9 juin 2014, déclare que la réforme Hollande-Valls sera globalement inefficace, les mesures envisagées ne faisant que « redistribuer les coûts vers d’autres organes de l’État ».
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. David Assouline. Chacun ses références !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce genre de détail semble pourtant avoir échappé aux concepteurs de la loi et aux rédacteurs de l’étude d’impact. Nous sommes loin, en tout cas, de l’esprit et de la lettre de la loi organique du 15 avril 2009, qui, selon son rapporteur à l’Assemblée nationale, Jean-Luc Warsmann, devait nous permettre « de disposer, en amont des débats, de tous les éléments d’évaluation et de connaître les conséquences prévisibles qu’emportera le texte ».
Constatons donc que le Parlement ne dispose pas, en amont des débats, de tous les éléments permettant d’évaluer les conséquences prévisibles du projet de loi relatif à la délimitation des régions.
Faute des arguments probants justifiant les choix du Gouvernement, la meilleure solution reste encore de demander leur avis aux Français.
Il s’agit, comme je l’ai dit en commençant, d’un acte grave, dont les auteurs de la motion mesurent d’autant plus la portée que, depuis 2005, les Français n’ont pas été appelés à trancher eux-mêmes directement des questions essentielles pour l’avenir du pays. Par crainte de la réponse ? Certainement pas en l’occurrence puisque, à en croire le Gouvernement, les Français réclament tous les matins, à cor et à cri, la simplification du « millefeuille territorial », soutiennent la réduction du nombre de régions, leur redécoupage, approuvent la vampirisation et la disparition à terme des départements, souscrivent à l’absorption des communes par les intercommunalités promues collectivités territoriales de demain.
Je ne doute donc pas que le Gouvernement se joindra à la majorité des sénateurs pour soutenir une démarche qui renoue avec la pratique institutionnelle des débuts de la Ve République,…
M. Bruno Sido. Ben voyons !
M. Pierre-Yves Collombat. … quand son fondateur vérifiait régulièrement par le canal référendaire le soutien populaire à ses projets de réforme. À cette époque, pour reprendre la problématique qu’évoquait le député Valls, le principal contre-pouvoir, c’était le peuple ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe CRC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission spéciale chargée de l’examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Mon intervention n’aura pas la même ampleur,…
M. Roger Karoutchi. Mais si ! (Sourires.)
M. Michel Delebarre, rapporteur. … pour deux raisons.
M. Gérard Longuet. La première, c’est que vous n’y croyez pas ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Delebarre, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Collombat a brossé devant nous une véritable fresque !
M. Roger Karoutchi. Historique !
Un sénateur du groupe UMP. Elle était assez belle !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Au point que j’ai failli me laisser convaincre ! (Rires.)
Mais mon rôle est celui que vous m’avez assigné, c’est tout ! Disons- le, une commission spéciale, c’est… une commission spéciale ! Bref, nous nous sommes retrouvés au boulot, moi, sans l’avoir souhaité, et vous, monsieur le président Hyest, sans que vous l’ayez à coup sûr espéré… (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Ça donne envie…
M. Michel Delebarre, rapporteur. Bah ! C’est une commission spéciale, que voulez-vous…
M. Francis Delattre. Très spéciale !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Nous avons donc commencé à travailler dans ce contexte. Et puis, paf ! (Rires.) Alors que nous avions commencé à avancer tranquillement, reconnaissons-le, en partie avec votre adhésion…
M. Roger Karoutchi. Un peu vite !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Oh non, monsieur Karoutchi !
M. Roger Karoutchi. Ah si !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Allons soyons sérieux ! Dès qu’on avançait deux phrases, vous en bloquiez une ! (Rires.) On ne peut pas dire que nous roulions sur les chapeaux de roue !
M. Roger Karoutchi. Il y avait trop de roues !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Enfin, nous avons tout de même bien senti, le président de la commission et moi-même, qu’on avait failli aboutir. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Larcher. Oh !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Écoutez, il y a des moments où il vaut mieux être optimiste. Et sur ce texte, avec vous, il vaut mieux avoir une bonne dose d’optimisme.
M. Francis Delattre. Et pour avaler beaucoup de couleuvres !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Donc, on avait pris le chemin. Je ne savais pas que c’était le chemin de la fresque à la Collombat, mais on avait pris le chemin…
M. Roger Karoutchi. De Damas !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Non !
M. Roger Karoutchi. De Canossa ! (Sourires.)
M. Michel Delebarre, rapporteur. Chacun son circuit !
M. Aymeri de Montesquiou. Chacun son évangile !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Et là, au moment où nous pensions pouvoir nous mettre au travail en séance plénière, trente-deux de nos collègues ont eu une idée géniale.
M. Bruno Sido. Cela arrive de temps en temps !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Trente-deux ! Ce qui me rassure, c’est que, sur les trente-deux, il ne devait pas y en avoir plus de deux qui, le matin, avaient l’idée de déposer une motion référendaire. (Exclamations sur les travées de l'UMP, du RDSE et du CRC. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Cela fait quinze jours !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Allons ! Disons qu’il y en avait trois, un par groupe !
M. Jacques Mézard. Quel mépris !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Mais c’est bien parce qu’une motion référendaire a été déposée que nous sommes là. Et j’y vais doucement, car le seul objectif de cette motion – j’ai mis un petit moment à le comprendre – étant de ralentir les choses,…
Mme Éliane Assassi. Et si on parlait de son contenu plutôt !
M. Michel Delebarre, rapporteur. … il ne faut pas que je me précipite ! Sinon, leurs auteurs vont coller autre chose derrière !
M. Alain Gournac. C’est possible !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Ceux qui connaissent bien ces motions de procédure m’ont dit qu’on pouvait en voir apparaître encore deux autres.
M. Roger Karoutchi. Trois !
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, trois !
Mme Éliane Assassi. Trois !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Non, les plus cohérents m’ont dit deux,…
M. Bruno Sido. Lesquelles ?
M. Michel Delebarre, rapporteur. … et les plus vicieux, trois ! (Rires.)
Trente-deux de nos collègues ont donc déposé une motion tendant à proposer au Président de la République – qui n’y avait d’ailleurs pas pensé – de soumettre le projet de loi en discussion… Enfin, c’est beaucoup dire ! Disons plutôt : en examen dans notre assemblée au référendum prévu par l’article 11 de la Constitution. Cette motion a bien sûr été renvoyée à la commission spéciale, qui s’est réunie hier à dix-sept heures.
Aux termes de l’article 11 de la Constitution, une assemblée peut prendre l’initiative d’une telle cette démarche, sous réserve que l’autre assemblée en soit d’accord puisque l’article 11 évoque une « initiative conjointe des assemblées ».
La commission spéciale a estimé que le projet de loi actuellement en examen dans notre assemblée relève de la catégorie des textes relatifs à l’organisation des pouvoirs publics et que, à ce titre, le texte sur lequel porte cette demande entre dans le champ de l’article 11 de la Constitution.
J’ai indiqué à la commission spéciale que l’utilité de cette motion ne m’apparaissait pas évidente.
M. Philippe Kaltenbach. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Reconnaissons que j’ai eu un succès d’estime. (Sourires et exclamations.) Ce n’est pas mal ! Vu la composition de cette commission, c’est même bien ! (Eh oui ! sur plusieurs travées de l’UMP.)
L’adoption de cette motion conduirait au report, voire à l’interruption, de nos débats. Les auteurs de la motion – M. Collombat vient d’ailleurs d’illustrer cette idée – en appellent au débat démocratique.
Mme Éliane Assassi. Vous avez fait la même chose en votre temps !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Sans doute considèrent-ils que les parlementaires que nous sommes, élus du suffrage universel, ne sont pas suffisamment légitimes pour décider de l’organisation de notre démocratie locale.
J’ajoute que le référendum aurait pour effet de soumettre en l’état le projet de loi aux suffrages de nos concitoyens. Contrairement à ce qui passe avec le processus parlementaire, il n’y aurait aucune possibilité d’amendement et, donc, d’amélioration du projet présenté par le Gouvernement. Ce serait en quelque sorte un « vote bloqué » imposé aux électeurs. Je ne suis pas certain que ce soit la meilleure méthode…
Nous avons débattu et, malgré ma réserve, qui n’a peut-être pas été comprise par tous mes collègues de la commission spéciale, celle-ci a estimé nécessaire de proposer au chef de l’État de soumettre à référendum ce projet de loi au regard de la transformation profonde que son adoption ne manquerait pas d’avoir sur l’organisation décentralisée de notre République, version Collombat.
Pour les raisons que je viens d’indiquer, et contrairement à ma position personnelle, la commission spéciale a donc émis un avis favorable sur l’adoption de cette motion. Tel est, mes chers collègues, le résultat des échanges que nous avons eus hier et que je fais l’effort de vous indiquer puisque je suis le rapporteur de la commission spéciale.
M. Christian Cambon. C’est la mission du rapporteur !
M. Michel Delebarre, rapporteur. C’est bien pour cela que je le fais ! Je ne suis pas malade au point d’inventer des choses que je n’aie pas vécues ! Il ne faut tout de même pas exagérer ! (Rires.)
Je vous dois bien cet effort, mes chers collègues, puisque vous m’avez désigné comme rapporteur.
M. Gérard Larcher. À l’unanimité !
M. Michel Delebarre, rapporteur. C’est vrai !
Peut-être mon intervention vous fera-t-elle finalement réfléchir, car j’ai le sentiment que nous n’en avons pas terminé. (Rires.) Puisque faire durer les choses semble être le seul objectif de certains d’entre vous, sachez que je suis intimement convaincu que nous sommes appelés à nous revoir sur ce sujet ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si mon groupe a choisi de défendre la motion référendaire, c’est d’abord parce que nous sommes profondément démocrates et respectueux de nos institutions et que nous estimons que le peuple français doit pouvoir s’exprimer sur les grandes réformes qui le concernent au premier chef.
Dans le cas de la réforme territoriale qui nous est proposée par le Gouvernement, sans concertation préalable, il s’agirait même d’un référendum d’intérêt national. Le sujet de la délimitation des régions et de leur avenir dépasse, on le voit bien, les clivages politiques. Une telle réforme doit aider à bâtir la France de demain et à renouveler l’équilibre des territoires. Elle doit aussi montrer la sagesse des dirigeants politiques que nous sommes et la capacité à trouver des motifs d’entente au nom de l’intérêt supérieur de notre pays.
M. Jacques Mézard. Très bien !
M. Christian Bourquin. J’arrête tout de suite ceux qui verraient encore dans cette procédure l’ombre du bonapartisme ou du césarisme qui, un temps, avait fait du référendum le véritable plébiscite d’un individu, ce qui a retardé l’accommodation de cette procédure dans notre pays.
C'est un constat, le référendum est le parent pauvre de notre droit constitutionnel. Il doit sortir de l’ambiguïté qui est la sienne depuis toujours pour recouvrer son aura de symbole du lien inextricable des représentants de la nation avec le peuple tout entier.
Aux termes de l’article 3 de la Constitution, « la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Aujourd’hui, l’article 11 et le référendum d’initiative partagée nous offrent l’occasion de donner voix à la souveraineté du peuple.
Condorcet justifiait le référendum d’initiative populaire par l’idée que tout citoyen est capable de décider « de ce qui intéresse immédiatement le maintien de la liberté, de la sûreté, de la propriété ; objets sur lesquels un intérêt personnel direct peut suffisamment éclairer tous les esprits ». Je ferai miens les mots de notre ancien collègue Robert Badinter : « Aussi longtemps que les libertés seront vivantes dans le cœur des citoyens, la liberté n’a rien à craindre dans la cité ; c’est en enracinant le respect des libertés dans le cœur des citoyens que l’on fortifie la liberté et la démocratie. »
Mes chers collègues, mon groupe critique surtout la méthode qui a été jusque-là celle du Gouvernement : l’engagement de la procédure accélérée, en dépit de tout bon sens et au nom de considérations parfois bassement électoralistes, le calendrier prétendument serré, le refus d’écouter et d’entendre les remarques des élus locaux, la bataille médiatique dans laquelle le Gouvernement s’est engagé et qu’il est pourtant en passe de perdre et, enfin, l’étude d’impact, qui aurait pu être un véritable outil d’aide à la décision, débouchant sur une véritable concertation, mais qui est bâclée au point qu’elle s’apparente plutôt à une paraphrase quelque peu bavarde de l’exposé des motifs.
Nous ne mesurons pas encore le poids du chèque en blanc que le Conseil constitutionnel vient de signer au bénéfice de tous les gouvernements – je parle de ceux qui viendront après –, en permettant que l’étude d’impact ne soit qu’une formalité parmi d’autres. En tout cas, le montant sera élevé ! Ce sont des années d’efforts pour tendre vers une meilleure qualité de la loi qui se trouvent anéanties ! L’occasion était belle ; elle a été manquée.
Monsieur le ministre, la méthode que vous avez employée n’est pas la bonne. L’avenir de la France vous dépasse, comme il dépasse aussi bien les querelles partisanes que les considérations électoralistes. Le référendum doit pouvoir permettre de dégager un consensus. Je reprendrai une phrase de Montesquieu, qui avait été citée par notre actuel Premier ministre quand il n’était encore que député : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. [...] Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »
Vous nous dites que le temps de la réflexion est déjà passé et que de nombreux rapports, depuis des années, ont préconisé cette réforme. Je vous affirme, au contraire, que nous devons prendre le temps de la réflexion si nous voulons aujourd’hui engager une réforme qui vienne en aide à nos territoires.
N’avez-vous donc aucune crainte que cette réforme des territoires, imposée d’en haut, ne vienne renforcer le sentiment d’incompréhension et d’abandon de nombre de nos concitoyens ? Dans la région que j’ai l’honneur de présider, le Languedoc-Roussillon, les conseillers régionaux ont adopté à deux reprises une motion contre la fusion de leur région avec Midi-Pyrénées, prévue dans le projet de loi initial. Cette motion a été votée à la quasi-unanimité : par soixante-cinq voix contre une.
Cette préoccupation a été relayée par l’opinion publique puisque quelque 4 000 personnes ont déjà signé le manifeste mis en ligne sur le site du conseil régional, intitulé « Languedoc-Roussillon, notre avenir commun ». Dans le texte de la pétition, il est indiqué : « La réforme ne doit pas se résumer à des calculs arithmétiques et faire l’économie d’un débat de fond. […] Le Languedoc-Roussillon, dans son intégralité, a toute sa place sur la future carte de France. »
Ce n’est d’ailleurs pas la seule région à avoir vu poindre les manifestations d’inquiétudes, de la part des élus comme des citoyens. L’Auvergne, l’Aquitaine, le Nord-Pas-de-Calais et d’autres ont entrepris la même démarche.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que la réforme a un triple objectif : clarté, compétitivité, proximité.
La clarté, nous ne la voyons nulle part.
Un sénateur du groupe écologiste. C’est sans doute qu’elle vous aveugle !
M. Christian Bourquin. Le mot « réforme » ne sert, au contraire, qu’à dissimuler dans l’ombre les véritables mobiles du découpage que vous proposez.
La compétitivité constitue, elle, le leitmotiv de votre projet, mais nous n’en voyons pas la couleur.
Vous tentez de réunir des territoires que la géographie, l’économie et l’histoire séparent depuis des centaines d’années.
M. Christian Cambon. Cela ne les dérange pas !
M. Christian Bourquin. Pourquoi, tant qu’on y est, ne réunirait-on pas le Nord-Pas-de-Calais et la Corse ? (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Bonne idée !
M. Christian Bourquin. Dans le cas du Languedoc-Roussillon, pourquoi faire disparaître la région qui est – certains d’entre vous, mes chers collègues, ne le savent peut-être pas – la plus attractive de France ? Je rappelle qu’elle accueille, en moyenne chaque année, 30 000 nouveaux habitants et qu’y sont créés beaucoup d’entreprises et, partant, de nombreux emplois. Pourquoi faire disparaître ce qui réussit, ce qui fait naître de l’emploi ? N’est-ce pas là notre objectif à tous ?
M. Alain Fouché. Bien sûr !
M. Christian Bourquin. Pourquoi risquer de donner un coup d’arrêt à des politiques innovantes en faveur du pouvoir d’achat, comme celle du train à un euro sur tout le territoire de la région ?
Je veux également évoquer une initiative prise par mon prédécesseur et moi-même : il s’agit de la marque « Sud de France », connue et reconnue à l’international. Cela ne représente-t-il pas de l’emploi ? Sachez que 2 600 entreprises, avec 9 200 produits, participent à cette démarche qui reflète un engagement sur la provenance et sur l’état d’esprit lié à une production et à des savoir-faire régionaux reconnus. La marque « Sud de France » montre avec force que l’intention régionale de faire exister un territoire est déjà là, au travers de l’excellence de ses produits, de la richesse de son histoire, de la force de sa nature et de la convivialité des hommes qui l’exploitent.
Notre force, je le redis, c'est d’être déjà là ! Et c'est ce que vous voudriez réduire à néant !
Vous avez refusé de compléter l’étude d’impact de telle manière que nous puissions évaluer véritablement les propositions que vous nous faites en termes de performance économique.
Nous ne disposons aujourd’hui de rien qui nous permette de dire que le choix de la fusion est le bon pour le dynamisme et la compétitivité de notre région.
Quant à la proximité, vous m’expliquerez ce que vous entendez par là. La suppression des départements accentuera encore l’enclavement de certains territoires ruraux. Je cite le cas de la Lozère, que vous connaissez très bien, monsieur le ministre ; je pourrais donner d’autres exemples encore, mais je ne veux pas exacerber les passions au sein de notre assemblée.
Je n’émets pas une position de principe, loin de là ! Je souhaite faire évoluer ce projet de loi. Il ne s’agit pas d’un combat des conservatismes contre la modernité, comme on a pu l’entendre ici ou là.
La suppression des conseils généraux peut paraître logique en secteur urbain, mais elle est irréaliste en secteur rural.
Les bureaux parisiens, qui sont sous votre coupe, monsieur le ministre, ne connaissent pas la réalité de la décentralisation dans les territoires ruraux. D’ailleurs, l’étude d’impact ne mentionne aucune consultation. Ceux qui pensent pouvoir confier les missions du conseil général aux intercommunalités n’ont rien compris. En réalité, c’est tout l’inverse qui se produit : ce sont les départements qui viennent en aide aux intercommunalités. Il faut en finir avec le dogme de l’uniformité ! Ce sont les petits départements, comme le Cantal et la Lozère, que nous condamnons à l’abandon, sinon à la disparition.
Dans ces conditions, alors que les avis sont profondément divisés, par-delà les clivages politiques, j’y insiste, il nous paraît légitime de permettre aux Français de tous les territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains, de se prononcer sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République.
Ainsi, monsieur le ministre, nous vous invitons, vous et « ceux d’en haut », comme on dit en province, à ne pas faire passer les économies avant les évolutions qui doivent les engendrer ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe CRC et de l'UMP. – Mme Jacqueline Gourault et M. Pierre Jarlier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme de l’organisation territoriale de la France est un dossier très important, et je pense que chacun est d’accord pour dire qu’une réflexion est nécessaire à ce sujet.
Cela étant, on ne peut, au mois de janvier, dire que tout va bien, que « ça ronronne », puis, au mois d’avril, que l’on va essayer d’améliorer les choses et, tout à coup, dire exactement le contraire de ce qu’on disait la veille !
Ce que je reproche au Gouvernement et au Président de la République dans cette affaire, c’est qu’ils n’en ont strictement rien à faire de la réforme territoriale : ils veulent faire un coup politique ! (M. Alain Fouché approuve.) Confrontés à tout un de tas de problèmes qu’il n’est pas utile d’énumérer, car chacun les connaît, ils veulent montrer aux Français qu’ils sont capables de faire quelque chose…
Malheureusement, lorsque M. Valls a insinué l’idée d’une éventuelle réforme, les médias lui ont emboîté le pas. Et le Premier ministre de s’exclamer : « Eurêka ! Nous avons enfin trouvé le moyen de parler d’autre chose que des vrais problèmes de la France. Lançons-nous ! Nous pourrons noyer le poisson… » (M. Roger Karoutchi opine.)
Pour sa part, après avoir laissé les médias disserter sur la question pendant huit jours, le Président de la République, qui expliquait en janvier dernier qu’il fallait absolument garder les départements, s’est à son tour exclamé : « Eurêka ! Je vais maintenant annoncer que l’on supprime les départements. Cela montrera que j’aurai fait au moins une réforme au cours de mon quinquennat ! » Il est certes tentant pour lui de faire un peu oublier toutes les ruines qu’il aura laissées…
Je le dis, c’est honteux ! Sur ce chantier qui engage l’organisation de la France pour deux cents ans – rappelez-vous, mes chers collègues, que les départements ont deux cents ans, et même un peu plus ! –, sur un dossier aussi important que celui du redécoupage des régions et de l’organisation des circonscriptions infrarégionales que sont les départements, on ne peut, un beau matin, dire le contraire de ce que l’on a dit la veille, simplement pour se faire mousser ! Car tel est bien le but de M. Valls et du Président de la République, dont le bilan, pour l’heure, s’apparente à une véritable bérézina.
M. Jean Louis Masson. Il y a pourtant beaucoup de choses dont M. le Président de la République pourrait s’occuper,…
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Jean Louis Masson. … plutôt que de créer de la perturbation, de faire n’importe quoi, de dire « noir » en avril quand il a dit « blanc » en janvier !
Mais qu’est-ce que c’est que ce Président de la République ! (Sourires sur les travées de l’UMP.) Qu’est-ce que c’est qu’un Président de la République qui, du jour au lendemain, sans que rien ne se passe, nous dit exactement le contraire de ce qu’il disait la veille ? Et je ne parle pas ici des propos tenus par le candidat – tout le monde sait qu’en politique on ne tient pas forcément les promesses que l’on fait durant sa campagne, aussi bien à droite qu’à gauche d’ailleurs –, mais de déclarations que M. Hollande a faites alors qu’il avait été élu Président de la République. C’est bien en tant que tel qu’il a dit à trois mois d’intervalle une chose et son contraire absolu ! C’est se moquer du monde !
Actuellement, l’image que la France donne en Europe et dans le monde n’est pas très positive. Quand on voit l’attitude de nos responsables nationaux, il ne faut pas s’étonner des difficultés que rencontre notre pays !
Le plus incroyable dans cette affaire reste le découpage des régions, qui, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, s’est fait sur un coin de table. C’est bien la preuve que le Président de la République et le Premier ministre s’en moquent complètement ! Le lundi, à seize heures, Champagne-Ardenne devait fusionner avec la Lorraine et l’Alsace, et, à dix-huit heures – j’ignore qui était passé entre-temps dans le bureau de l’Élysée –, les choix retenus étaient radicalement différents ! Au reste, cela est aussi vrai pour d’autres régions, comme Poitou-Charentes.
M. Jean-Pierre Raffarin. On se demande qui est passé par là… (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Louis Masson. D’ailleurs, le communiqué de presse diffusé par l’Élysée en était resté au nombre de régions fixé initialement. Il semble que ceux qui l’ont rédigé n’aient pas réussi à suivre les évolutions de la carte territoriale qui ont eu lieu ce jour-là ! Heureusement que le Président de la République n’a pas reçu trop de visiteurs ! On se demande vraiment ce que cela aurait donné, alors que c’est déjà un désastre !
Pour terminer, je veux évoquer l’exemple de Champagne-Ardenne et de la Picardie.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. La Picardie, c’est l’autoroute A1, c’est le TGV Nord, c’est le tunnel sous la Manche. Tout comme Nord-Pas-de-Calais ! Il était donc logique que ces deux régions soient réunies !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Eh oui !
M. Jean Louis Masson. Champagne-Ardenne, c’est le TGV Est, c’est l’autoroute A4, mais aussi l’autoroute A31, qui traverse le département de la Haute-Marne. Il était donc logique que l’on fusionne cette région avec l’Alsace et la Lorraine ! (M. Yves Détraigne opine. – Marques d’impatience et protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mais M. Hollande et M. Valls, égaux à eux-mêmes, ont fait un peu n’importe quoi,…
M. le président. Merci. Vous avez épuisé votre temps de parole.
M. Jean Louis Masson. … et ce qui était vrai à seize heures ne l’était plus à dix-huit heures.
Mme Christiane Demontès. Votre temps est écoulé !
M. Dominique Bailly. C’est terminé !
M. Jean Louis Masson. C’est pitoyable ! C’est honteux ! Nous ne sommes pas fiers de tels dirigeants ! (De vives protestations sur les travées du groupe socialiste couvrent la voix de l’orateur.)
M. Jean-Pierre Caffet. Un peu de hauteur !
M. Jean Louis Masson. C'est la raison pour laquelle j’estime…
M. le président. Merci, c’est fini.
M. Jean Louis Masson. … que les Français doivent statuer et qu’il faut un référendum ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Michel Delebarre, rapporteur. Je ne doute pas qu’il fera mieux !
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, enfin, une majorité semble se dégager dans cet hémicycle pour recourir à la dynamique référendaire. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP. – M. Roger Karoutchi applaudit.) Enfin, une dynamique se dégage pour susciter le débat et recueillir l’avis citoyen, afin d’avancer vers une vision partagée de l’avenir de nos territoires, appuyée sur des fusions désirées. Enfin !
J’en suis extrêmement heureux car, jusqu’à présent, les propositions du groupe écologiste pour ouvrir le processus de redécoupage régional à des référendums d’initiative militante et citoyenne s’étaient heurtées à un mur politique – je devrais plutôt dire qu’elles s’étaient pulvérisées contre ce mur !
La semaine dernière encore, mon amendement tendant à instituer un processus référendaire d’initiative citoyenne pour savoir ce que veulent vraiment pour eux-mêmes les habitants de certains territoires, comme la Loire-Atlantique ou le Territoire de Belfort, amendement que j’avais déposé en vue de l’élaboration du texte de la commission, n’a été voté, si mes souvenirs sont exacts, que par deux des trente-sept membres de la commission spéciale.
Deux voix sur trente-sept, c’est peu,…
M. Bruno Sido. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Ronan Dantec. … et cela ne correspond guère à la volonté d’appel au peuple qui anime le Sénat cet après-midi. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Caffet. Voyez l’influence que vous avez gagnée depuis ! (Nouveaux sourires.)
M. Ronan Dantec. Pierre-Yves Collombat, avec talent et lyrisme, a souligné à quel point il fallait tenir compte de l’histoire, de la culture et du sentiment d’appartenance territoriale. Je le rejoins sur ce point. Il ouvre hardiment la voix à la réunification de la Bretagne et à quelques autres recompositions, du Languedoc à la Provence.
Dans ces conditions, j’avoue me sentir un peu perdu, un peu déstabilisé, d’autant que je garde un souvenir cuisant de ce qui s’est passé dans cet hémicycle voilà quelque temps : le mécanisme de redécoupage par initiative référendaire que je vous avais soumis, et qui était probablement susceptible de recueillir une majorité parmi les présents dans l’hémicycle, était tombé au champ d’honneur du scrutin public demandé – c’était son droit le plus légitime ! – par le président du RDSE, Jacques Mézard. Mais c’était le 28 février 2013, autrement dit il y a un siècle ! (Sourires sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
Cependant, face à ces contradictions, je m’interroge : y aurait-il donc manœuvre ? (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.) Le référendum, dont le principe est si ardemment défendu par les écologistes, ne serait-il ici qu’une voie utilisée pour bloquer la réforme, comme ce fut le cas en 2010, lorsque le Sénat avait introduit la condition d’un référendum pour valider les projets de fusion entre une région et les départements qui la composent, y compris là où il y avait consensus entre les élus – certes issus de la démocratie représentative – et donc complexifier le processus ? Serait-ce la même logique ?
M. Michel Delebarre, rapporteur. Eh oui ! C’est aussi bête que cela…
M. Ronan Dantec. Nos collègues radicaux estiment-ils que notre démocratie représentative est, au final, insuffisante ? Peut-être en va-t-il également de nos collègues communistes et UMP ?
Mme Éliane Assassi. Les élus communistes le pensent, en effet !
M. Ronan Dantec. Ce virage idéologique me laisse pantois. Il m’oblige à laisser le champ libre à cette exacerbation autogestionnaire (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.) et à me placer dorénavant dans le camp des libertaires très modérés, face aux ultras du référendum… (M. Joël Labbé applaudit vivement.)
M. Roger Karoutchi. N’importe quoi !
M. Ronan Dantec. Toutefois, mes chers collègues, nul n’est dupe de cette manœuvre : il s'agit bien d’éviter que nous touchions au millefeuille (Protestations sur les travées de l’UMP et du groupe CRC.), à l’organisation territoriale d’avant, pourtant elle aussi « découpée » en quelques semaines, il y a plus de deux siècles.
Or, et c’est le fond du sujet, cette organisation n’est plus en mesure de permettre l’égalité entre citoyens. Nous savons tous que les fractures territoriales s’exacerbent et que le statu quo les condamne à s’accroître.
M. Bruno Retailleau. C’est vrai !
M. Ronan Dantec. Le véritable acquis de la Révolution de 1789, ce ne sont pas les découpages départementaux. C’est l’égalité ! Rappelons-nous donc ses idéaux.
Je ne dis pas que le processus engagé aujourd'hui est parfait. Monsieur le ministre, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de déclarer que la précipitation pouvait nuire et qu’il fallait donner plus de temps au débat dans les territoires.
Nous sommes nombreux ici à partager l’idée qu’il fallait peut-être inverser le calendrier d’examen des deux textes du Gouvernement, en commençant par les compétences avant d’aborder le découpage. Peut-être aurions-nous alors mieux compris le fond de cette réforme, qui est une réforme de régionalisation, avec des schémas régionaux de développement économique et d’aménagement du territoire à caractère prescriptif. Ces schémas, qu’Hélène Lipietz et moi-même avions défendus ici lors du débat sur les métropoles, sont nécessaires au développement et à l’égalité territoriale. Or ils impliquent aujourd'hui des régions plus fortes, qui pourront faire, en leur sein, plus de péréquation. C’est parce que ces schémas sont au cœur de la réforme qu’il faut des régions plus grandes et plus cohérentes !
Cela dit, il fallait peut-être appuyer davantage ces régions plus cohérentes sur des trames urbaines elles-mêmes cohérentes, respectant les identités territoriales historiques ou culturelles et tenant compte de ce qui s’est passé ces dernières décennies. Ce travail aurait nécessité du temps, mais il aurait probablement conforté le processus.
Néanmoins, vu la manière dont se passe le débat, vu les nombreuses chausse-trappes de procédure auxquelles recourent ceux qui veulent éviter ce qui doit être fait, je comprends la volonté du Gouvernement d’aller vite.
Au demeurant, il n’est pas trop tard pour prendre le temps ! C’est le sens de plusieurs amendements que j’ai déposés au nom du groupe écologiste. Pourquoi revoir la carte tout de suite alors que le projet de loi reviendra en deuxième lecture devant notre assemblée ? Les semaines qui nous séparent de ce nouvel examen sont précieuses : elles peuvent être l’occasion de faire avancer les propositions dans les territoires qui se sont saisis de ce débat. Par exemple, j’ai l’impression que, dans l’ouest de la France, les choses mûrissent d’un jour à l’autre. Dès lors, ces quelques semaines peuvent nous permettre, si ce n’est de réunir des consensus, de dégager des majorités claires sur des visions partagées.
En commission, nous avions proposé un mécanisme complet retardant un peu la réforme. Ce mécanisme a recueilli plus de voix que nos deux autres propositions, mais un débat s’est fait jour sur le risque d’inconstitutionnalité qu’il comportait. En tout état de cause, en nous laissant ne serait-ce que quelques semaines supplémentaires, il nous aurait, au final, permis d’avancer plus rapidement.
Ensuite, et c’est un point clé, il s’agit d’introduire un peu de souplesse dans l’ensemble du processus, de rendre plus faciles, demain, d’autres fusions régionales, comme cela est d’ailleurs déjà prévu, ainsi que d’autres fusions de départements.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à retirer cette motion référendaire – on voit bien qu’on est à front renversé, que c’est vraiment le monde à l’envers, puisque c’est moi qui suis obligé de proposer de retirer une proposition de référendum ! –…
M. Christian Bourquin. Nous n’hésiterons pas à le dire aux électeurs écologistes sur le terrain !
M. Ronan Dantec. … de manière à pouvoir avancer là où il y a consensus, y compris sur des questions de fond. Car on ne doit pas se contenter d’un débat de façade : aucune proposition ne doit être taboue. Par exemple, dans certaines grandes régions, il peut être intéressant de garder des structures infrarégionales, ne correspondant du reste pas forcément à l’échelle des départements actuels.
Voilà le type de débats que nous devons mener. Ce sont des débats de fond qui sont nécessaires à l’efficacité de l’action publique.
En outre, lorsqu’il y a blocage de la part des élus – je vais me remettre en phase avec moi-même –, il faut permettre aux citoyens de faire valoir leur souhait grâce à un référendum d’initiative citoyenne au niveau du département, afin qu’ils puissent éventuellement opérer des redécoupages. Je compte donc sur votre soutien à tous, après les nombreux appels au peuple que j’ai entendus cet après-midi, pour permettre le recours au référendum d’initiative citoyenne.
Cette réforme est effectivement difficile et compliquée, et il ne faut pas nécessairement considérer toute opposition ou objection comme une manifestation de conservatisme. Il est normal qu’elle provoque des réactions, car, pour un nombre important de nos concitoyens, les redécoupages prévus – comme c’était le cas lors des redécoupages antérieurs – pourront entraîner des bouleversements dans les comportements et les habitudes de vie, notamment en matière de transports.
Il faut donc tenir profondément compte des conséquences possibles de cette réforme au quotidien, mais aussi dans l’imaginaire collectif. En Loire-Atlantique, notamment, plus qu’ailleurs, nul n’ignore le caractère extrêmement passionnel de ce débat. Certes, ce n’est pas une réforme facile, mais l’abandonner aujourd’hui reviendrait à condamner demain des territoires pauvres, ruraux ou urbains, qui ne bénéficieraient pas de péréquations ni des dynamiques créées par les réseaux de villes. Ce serait la pire des choses !
Mes chers collègues, n’offrons pas une image caricaturale du Sénat, ne cherchons pas à simplement retarder le débat par le biais de différentes arguties juridiques, constitutionnelles ou réglementaires. La France a besoin de cette réforme, et la seule manière de l’aborder est d’en débattre sur le fond, mais certainement pas d’en retarder l’examen. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – MM. Jean-Pierre Sueur et Pierre Camani applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau. (Ah ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne sais plus si c’est Sacha Guitry ou Michel Audiard, à moins que ce ne soit Louis Scutenaire, qui a écrit cette phrase, une phrase que vous avez merveilleusement illustrée, monsieur le rapporteur : « L'humour est une façon de se tirer d'embarras sans se tirer d'affaire ». (Sourires.)
Quand je vous écoutais vous offusquer de ce crime de lèse-majesté contre notre démocratie représentative et notre Haute Assemblée que pourrait constituer une motion référendaire, je me souvenais de celle que, au mois de janvier 2010, sous la haute autorité de celui qui n’était pas encore le président du Sénat, vous aviez déposée avec plusieurs dizaines de collègues socialistes, et je me disais que, finalement, nous nous trouvions aujourd’hui à front renversé !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Il y a toujours matière à débat !
M. Bruno Retailleau. Mes chers collègues, la motion référendaire que nous avons déposée vise une réforme arbitraire, conçue dans la panique consécutive à la déroute des élections municipales, improvisée sur un coin de table à l’Élysée, en parfaite contradiction avec les déclarations des uns et des autres ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
L’un de mes prédécesseurs à la tribune a cité tout à l’heure certains propos du Président de la République. Je pourrais, moi aussi, ajouter mon lot de citations, puisées notamment dans le discours qui fut prononcé lors des États généraux de la démocratie territoriale.
Contradiction la plus totale quand il nous a été demandé de bouleverser la carte des cantons en France et que, quelques semaines après, on nous a annoncé que tout cela n’aurait plus lieu d’être puisque les départements seraient supprimés.
M. Gérard Larcher. Inconséquence !
M. Bruno Retailleau. En réalité, cette réforme est le point d’aboutissement d’un faux procès, engagé sur de fausses accusations, appuyées sur de fausses preuves, apportées par de faux témoins, mais qui fera de vraies victimes.
Je commence par les fausses accusations. On le sait bien, les élus locaux sont, n’est-ce pas ? de dangereux démagogues ! Les collectivités locales, c’est le gaspillage ! Et ce sont elles les véritables responsables du déficit ! Or, monsieur le ministre, je le rappelle, les collectivités, elles, n’ont pas le droit d’emprunter pour « faire leurs courses » ni, a fortiori, pour rembourser leur dette. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
Avec un ratio d’endettement qui s’élève à 8,2 % exactement – vous pourrez en demander confirmation aux fonctionnaires de la DGCL, qui sont excellents –, les collectivités territoriales françaises se situent en dessous de la moyenne européenne. Par conséquent, si les collectivités avaient quelque responsabilité que ce soit sur le déficit français, cela se saurait !
Précisément, qu’a-t-on appris au début de cette semaine ? Que ce déficit s’alourdit même de jour en jour, et que la dette publique atteindra bientôt 2 000 milliards d’euros ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.) Et qui a le plus contribué à son augmentation depuis le début de l’année ? C’est l’État, à hauteur de 43 milliards d’euros !
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. En revanche, fin mars, la dette des collectivités a diminué de 2,1 milliards d’euros, mes chers collègues ! Redressons donc la tête !
Fausses preuves : alors que cette réforme est censée permettre à la France de réaliser des économies, chose extraordinaire, au fur et à mesure que l’été avance – j’ai lu et relu les déclarations récentes du Gouvernement –, les économies annoncées fondent comme neige au soleil !
Au mois de mai, André Vallini annonçait de 12 à 25 milliards d’euros d’économies par an. Un mois plus tard, on était descendu à 10 milliards d’euros dans cinq à dix ans. Enfin, la semaine dernière, dans le Journal du dimanche, le même André Vallini prétend que personne n’a jamais dit que passer de vingt-deux à quatorze régions permettrait de générer des économies ! Quant aux agences Fitch ou Moody’s, qui, certes, n’aiment pas particulièrement ni la dépense publique, ni les collectivités locales, ni les élus territoriaux, elles ont toutes deux conclu, force est de le dire, à l’absence d’économies engendrées par cette réforme.
En réalité, vous le savez, il n’y aura pas d’économies ; du reste, lors des États généraux de la démocratie territoriale, François Hollande lui-même avait reconnu que les économies réalisées grâce à la suppression des départements seraient insignifiantes : « Des arguments en termes d'économies sont souvent avancés pour supprimer un échelon. Ils ne résistent pas à l'examen dès lors qu'il n'est pas question d'abolir les compétences que cette collectivité exerce. »
Bien sûr, il y aura toujours des routes départementales, des collèges, on continuera à verser le RSA. Mais ces services coûteront plus cher, car, c’est une évidence, plus on éloigne l’autorité décisionnelle du terrain, plus la décision est inefficace et coûteuse pour les finances publiques. (Bien sûr ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mais que se passera-t-il demain si l’on supprime les départements ? J’ai fait le calcul : aujourd'hui, les cinq départements de la région Pays de la Loire emploient au total 15 000 fonctionnaires !
Cela signifie que vous allez bureaucratiser la France et que, en fin de compte, si cette réforme est adoptée – vous l’avez compris, nous ne la voterons pas –, elle générera plus de coûts supplémentaires que d’économies.
L’État n’a donc pas à se transformer en procureur, alors qu’il laisse filer les déficits et la dette.
Faux procès avec de fausses accusations et de fausses preuves. J’en viens aux faux témoins.
M. Bruno Sido. Ah !
M. Bruno Retailleau. Ce sont ceux qui, d’un jour à l’autre, d’un hémicycle à l’autre, n’hésitent pas à se renier.
Un sénateur du groupe UMP. Une fois de plus !
M. Bruno Retailleau. Ce sont des experts, des élus, souvent d’ailleurs très parisiens – même si je n’ai rien contre les élus parisiens, il y en a d’excellents au sein de mon parti, et je profite d’ailleurs de l’occasion pour les saluer ! (Sourires sur les travées de l'UMP.) Mais l’exception n’est pas la règle !
En tout cas, les experts parisiens à qui il arrive parfois, je le concède bien volontiers, de franchir le périphérique pour passer les vacances dans le Lubéron, ou peut-être à l’île d’Yeu,…
M. Gérard Larcher. C’est bien aussi !
M. Bruno Retailleau. … sont obnubilés par une prétendue nouvelle géographie économique dans laquelle les métropoles sont l’horizon indépassable. Or, comme le dit très bien le géographe Christophe Guilluy, les métropoles représentent au plus 40 % de la population française, et il est stupide d’opposer métropoles et ruralité.
Un sénateur du groupe UMP. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. Si, bien entendu, la France a besoin de métropoles fortes, elle a aussi besoin, en même temps, d’un système périurbain et rural ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jacques Mézard applaudissent également.)
Certains, conscients que les arguments en termes d’économies ne tiennent pas, ont recours à d’autres arguments tout aussi fallacieux pour justifier la suppression de l’échelon départemental, et sans doute aussi, demain, des communes fusionnées dans les grandes intercommunalités : toute cette organisation territoriale serait trop vieille et démodée. À ceux-là, je demande : et la République, elle est démodée ? Et la France, elle est trop vieille ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Ces arguments, chers collègues, relèvent vraiment du degré zéro du raisonnement !
Faux procès, disais-je, mais vraies victimes : les Français et les territoires les plus fragiles.
En suscitant autant d’incertitudes, quant aux fonctions exécutives locales ou sur le sort des départements, votre réforme, monsieur le ministre, va ajouter la crise à la crise. Cela va en effet paralyser l’investissement, car l’investissement public est désormais, aux trois quarts, le fait des collectivités territoriales. Ajouter la crise à la crise, c’est d’ailleurs ce que vous ne cessez de faire avec tant de lois mal conçues, par exemple la loi ALUR, qui bloque les constructions de logements.
Surtout, vous allez aggraver des fractures qui sont en train de déchirer le tissu social français.
M. Jean-François Husson. Très juste !
M. Bruno Retailleau. La première de ces fractures, c’est la fracture territoriale, sur laquelle je m’attarderai un instant.
Mais permettez-moi auparavant de remercier Jean-Pierre Chevènement et Pierre-Yves Collombat ainsi que ceux de nos collègues de gauche qui ont déposé cette motion de censure.
Mme Éliane Assassi. N’oubliez pas les communistes, cher collègue !
M. Bruno Retailleau. Et, bien sûr, aussi, nos collègues communistes.
M. Éric Doligé. Il y a les vrais élus de gauche, et il y a les faux !
M. Bruno Retailleau. On peut se demander, en effet, si certains sont encore de gauche !
Quel est donc le but de cette réforme territoriale ? Constituer de grandes régions et de grandes intercommunalités, et, entre les deux, hormis les métropoles, rien. C’est donc la vision d’une France remembrée, démembrée, d’une France artificialisée qui est à l’œuvre. Exit le sentiment d’appartenance dont parlait Pierre-Yves Collombat tout à l’heure. C’est la vision une France où le monde rural et périurbain ne comptera plus. Eh bien, c’est la vision qui ne correspond pas à notre tradition, qui ne correspond pas à ce qu’est la France, parce que la France, c’est le territoire, c’est la ruralité, et une ruralité qui, elle aussi, est vivante, car le désir de vivre à la campagne est vif parmi nos citoyens, il est moderne – et j’en sais quelque chose en Vendée, l’un des trois ou quatre départements les plus attractifs de France.
Or les communes rurales ont besoin de départements puissants, qui garantissent une véritable solidarité, à la fois sociale, mais aussi territoriale. Tel est le rôle des départements, et rappelons-nous qu’ils ont été conçus sous la Révolution pour être l’espace de l’action de l’État. C’est du reste ce que vous avez écrit vous-même, monsieur le ministre, dans un grand quotidien du soir, expliquant que cette réforme devrait s’accompagner d’un renforcement du pouvoir des préfets dans les départements. C’était d’ailleurs peu avant une grande réunion de préfets. Au passage, on peut noter que c’est une étrange conception de la décentralisation ! (M. Bruno Sido opine.)
En outre, l’espace départemental est aussi l’espace administratif dans lequel se déploient les services publics. C’est pourquoi ceux qui pensent que cette réforme n’aura pas d’incidence sur la qualité des services publics se trompent grandement !
M. Gérard Larcher. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. Vous verrez, et vous verrez vite !
Ce projet est aussi contradictoire, parce que, si j’ai bien compris, vous souhaiteriez confier à de grandes intercommunalités des responsabilités sociales exercées par les départements. En effet, la logique de cette réforme– à supposer qu’elle en ait une ! –, c’est la mutualisation des moyens ; or, si l’on retire aux départements leurs compétences en matière d’action sociale pour les confier à une pluralité d’intercommunalités, on fait l’inverse d’une mutualisation !
Autre contradiction : si demain les politiques sociales sont fonction de la richesse de l’intercommunalité chargée de les mettre en œuvre, c’est le degré zéro de la solidarité départementale ! La fracture territoriale ne pourra que s’en trouver aggravée.
La deuxième fracture est une fracture démocratique.
Je crois qu’il y a une sorte de loi de la gravitation universelle de la démocratie. Ce sont les Grecs qui l’ont découverte lorsqu’ils ont inventé la Cité, le civisme, la citoyenneté, qu’ils ont créé la démocratie. Ils l’ont créée dans un espace relativement restreint, où les relations s’établissent de visage à visage, de regard à regard. En effet, pour qu’une minorité accepte la loi de la majorité, il faut des liens, une proximité spatiale, il faut que la personne à qui est confié un mandat soit, si j’ose dire, « à portée d’engueulade » – les élus en essuient plus qu’ils ne reçoivent de félicitations !
C’est donc dans la proximité que s’élabore ce sentiment démocratique, que se fait l’apprentissage de la démocratie, et la démocratie nationale n’est qu’une projection de notre pratique et de notre expérience de la démocratie locale.
Par conséquent, plus vous éloignez les élus des administrés, au sein de grandes régions ou d’intercommunalités, qui d’ailleurs ne sont pas vraiment des institutions démocratiques – elles ne le sont qu’au second degré –, plus vous allez distendre ce lien.
Relisez Fractures françaises de Christophe Guilluy, dont la sensibilité est sans doute plus proche de la vôtre que de la mienne, et vous constaterez que c’est dans cette France des oubliés, cette France des invisibles, cette France périurbaine, rurale, qui se considère comme abandonnée par la mondialisation, que le Front national réalise ses scores les plus élevés ! Dans l’euro-région Ouest, j’ai calculé que le vote protestataire recueillait sept points de plus en milieu rural et périurbain.
Voilà la fracture démocratique ! Voilà ce que vous allez aggraver si, demain, vous remembrez la France avec d’immenses régions et supprimez les corps intermédiaires territoriaux !
Fracture territoriale, fracture démocratique, mais aussi fracture identitaire.
Pour rebondir sur les propos de Ronan Dantec, qui est un voisin breton – tribu voisine ! –, je dirai que j’ai une grande considération pour l’identité. Pour être profondément Français, mais aussi Vendéen, je sais ce que l’identité peut apporter comme moteur de développement, à condition qu’elle soit une « identité heureuse », pour paraphraser un académicien, c’est-à-dire tournée vers les autres et vers l’avenir.
Mettons en perspective cette réforme avec ce qu’est fondamentalement notre pays. Vous le savez, la France a depuis longtemps, avant la République et l’Empire, dès le temps de la monarchie, l’obsession de son unité. Cette obsession a traversé les siècles, les générations et les régimes. Toutefois, la République a vite compris que l’unité nationale ne pouvait pas s’opérer sans une respiration territoriale. Aussi, dès la fin du XIXe siècle, le génie français a réalisé en quelque sorte l’acte premier de la décentralisation. Celle-ci date non pas de 1982, mais plutôt de la loi de 1871 sur les départements et surtout de celle de 1884, avec la charte municipale qui a instauré la clause de compétence générale pour les communes.
Cette invention française est donc là pour faire respirer les territoires dans un État très centralisé, encore très jacobin. C’est notre histoire. Tout le mouvement de décentralisation qui s’est ensuivi et dont je salue les instigateurs, Gaston Defferre mais aussi Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin, ici présent, et d’autres, incarne cet effort de synthèse entre la diversité et l’unité. En d’autres termes, il s’agit de penser la diversité, la décentralisation dans cette unité républicaine et française.
Vaclav Havel, un auteur que j’aime beaucoup, a dit quelques mois avant sa mort que les grandes nations occidentales et postmodernes sont menacées par un dilemme mortifère : d’un côté, l’uniformisation, la standardisation liée à la mondialisation ; de l’autre côté, le repli identitaire.
J’ai lu l’étude d’impact, et cela ne m’a évidemment pris que peu de temps, hélas ! M’adressant à tous ceux de nos collègues qui n’ont d’autre horizon pour le pays que les comparaisons internationales, qui voudraient finalement que la France se vide de sa propre substance, qu’elle évacue son histoire et sa géographie, pour ne ressembler qu’à un État moyen totalement abstrait, conçu à partir de statistiques européennes, je rappellerai certaines réalités sur ces forces centrifuges que sont les dynamiques identitaires : l’Écosse en Grande-Bretagne, la Flandre en Belgique, la Vénétie en Italie, la Catalogne en Espagne… Nous n’avons pas de leçons à recevoir des autres pays, qui ont leurs propres traditions. L’Allemagne a une tradition fédérale – en dehors la parenthèse du nazisme –, mais l’Allemagne est l’Allemagne, et la France est la France !
Vous avez fait, monsieur le ministre, une grave erreur, qui n’est pas seulement de méthode, en mettant la charrue avant les bœufs. En dissociant et en commençant par la carte plutôt que par les responsabilités et les compétences (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP, ainsi que de la part de M. Yves Détraigne.), vous avez pris le risque de déconnecter les communautés d’appartenance historique et les communautés de destin et de projet, qui doivent se mettre en mouvement. Et Dieu sait si le sentiment d’appartenance historique peut aussi être un moteur pour l’avenir !
Je considère, au-delà de la méthode, que la faute est encore plus grave, puisque l’on voit partout se réveiller de vieux antagonismes de territoire dont la France, percluse de divisions, n’a certainement pas besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean-Léonce Dupont applaudit également.)
Monsieur le ministre, vous avez pris le risque du communautarisme territorial, qui est une tentation historique française, depuis les Bourguignons – c’était bien avant François Patriat ! (Sourires.) – jusqu’aux « bonnets rouges » d’aujourd’hui. C’est d'ailleurs dans cette perspective que je comprends les phrases prononcées par François Mitterrand en 1981: « La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire. Elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. »
Vous êtes finalement à rebours de cette évolution parce que vous êtes à rebours de l’histoire. Bien sûr, cela a été dit, personne n’est pour le statu quo. Nous sommes favorables à une réforme, mais pas à cette réforme-là. (M. le ministre sourit.)
Je suis heureux de vous faire sourire, monsieur le ministre !
M. Gérard Longuet. Et ce n’est pas facile ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Il n’a pas encore applaudi !
M. Gérard Longuet. Il n’en a pas le droit !
M. Bruno Retailleau. Quoi qu'il en soit, au bout d’une vingtaine de minutes, ce n’est déjà pas mal ! (Nouveaux sourires.)
Je considère en tout cas que cette réforme n’est pas tenable parce que ses auteurs raisonnent sur de vieux schémas. Aujourd'hui, une réforme utile consisterait à mettre en réseau les collectivités, à les articuler entre elles. C’est là, à mon avis, la vraie force d’une action territoriale. En tant qu’élus locaux, nous le savons bien : lorsque nous parvenons à faire des clusters en termes territoriaux, je puis vous assurer que nous avançons, quels que soient les échelons.
Encore faudrait-il partir avec un certain nombre d’objectifs clairs qui ne soient ni liés à des calendriers électoraux ni dictés par tel ou tel baron, par tel ou tel « éléphant ». Les objectifs doivent être de répondre aux défis qui sont devant nous et qui caractérisent nos territoires. Pour ma part, j’en vois au moins trois.
Tout d'abord, les territoires, et pas seulement métropolitains, sont des réserves d’énergie. Croyez-moi, les territoires sont des facteurs de compétitivité ! Que prévoit le texte à cet égard ?
Ensuite, on ne peut pas laisser la France avec sa fracture territoriale – j’ai déjà cité Christophe Guilluy. On ne peut avoir le Grand Paris pour unique vision de l’aménagement du territoire ; pardon, cher Philippe Dallier ! (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.) Nous ne pouvons pas en rester là ! Où est, chère collègue Anne-Marie Escoffier, la vision de l’aménagement du territoire destinée à lutter contre les fractures territoriales ?
Notre société est de plus en plus ouverte, complexe, collaborative ; elle exige assurément des réseaux, je puis en témoigner, moi qui suis passionné par le numérique. Mais c’est moins la taille que l’agilité qui compte, monsieur le ministre. C’est de cette façon que l’on parviendra à redresser la France, pas en opérant des sortes de remembrements à partir de cartes, comme d’autres ont pu tracer des frontières à la fin du XIXe siècle en Afrique.
Ce n’est pas tolérable, cela ne correspond pas à une vision moderne des choses. Nous sommes favorables à de grandes régions, bien sûr. Mais, comme le soulignait Yves Krattinger hier en commission spéciale, vous faites des régions des superdépartements ! En transférant le transport scolaire aux régions, vous allez leur mettre des semelles de plomb ! Ce n’est pas leur boulot ! De grandes régions ne doivent pas se concevoir comme de superdépartements ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Vous pouvez bien sûr effacer les départements là où il existe des métropoles. Vous pouvez même en fusionner. Pourquoi pas ? Mais les départements sont essentiels pour garantir une cohésion à la fois territoriale et sociale.
Quant aux intercommunalités, il est question d’un seuil de 20 000 habitants. Où sont vos convictions humanistes ? Vous vous réfugiez derrière la loi du nombre, mais la réforme territoriale ne doit-elle pas avoir un visage humain ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
Il me faut maintenant conclure. (Marques de désappointement sur les travées de l’UMP.) Hélas, mes chers collègues, le ministre ne sourit plus ! Je crains d’être arrivé au bout de mes capacités ! (Sourires.)
Cette réforme n’est pas à la hauteur des vrais enjeux de nos territoires. Elle n’est pas non plus à la hauteur de la France. Nous observons partout en France des mouvements d’opposition qui se lèvent contre ces mariages forcés, contre ces célibats autorisés, contre ces divorces programmés.
Bien sûr, le groupe UMP votera cette motion référendaire. Nous la voterons parce que la réforme qui nous est proposée va profondément bouleverser l’organisation territoriale française, et donc celle des pouvoirs publics. Nous la voterons sur la base d’un certain nombre d’arguments, cher président Bel, que vous n’aviez pas manqué d’avancer voilà quelques années.
Par ailleurs, monsieur le ministre – et j’en appelle à votre sens de l’État, à votre sens de l’intérêt général, dont je ne doute pas un seul instant –, un parti minoritaire, contre ses alliés de gauche, contre de grandes voix autorisées en son sein même, contre le Sénat qui est la chambre par excellence des territoires, peut-il bouleverser à ce point la France, avec une méthode aussi brutale et dans l’impréparation ? (MM. Alain Gournac et René-Paul Savary applaudissent.)
Votre réforme est née sous le signe de l’improvisation, des petits arrangements et de la diversion.
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Bruno Retailleau. Vous braquez le projecteur sur les territoires, les collectivités territoriales et les élus locaux pour que les Français oublient vos échecs !
Oui, nous voterons cette motion référendaire !
Tocqueville soulignait que la décentralisation n’a pas seulement une valeur administrative, qu’elle a aussi une portée éminemment civique puisqu’elle permet de multiplier les occasions pour les concitoyens de s’intéresser aux affaires publiques, ce qui les accoutume à user de leur liberté. La France est un grand pays qui aime la liberté. Nous chérissons cette liberté ! Aussi, désigner les territoires, c’est désigner les libertés locales et les compétences qui découlent des différents textes sur la décentralisation.
Eh bien, je ne vois pas pourquoi vous refuseriez aujourd’hui aux Français le droit d’être consultés ! Je pense que le Gouvernement a le devoir de les consulter. Ernest Renan, dans son discours Qu’est-ce qu’une nation ? écrivait : « Une province, pour nous, ce sont ses habitants ; si quelqu’un en cette affaire a droit d’être consulté, c’est l’habitant. »
Mes chers collègues, pour cette raison profonde, parce que ce texte va bouleverser la France, parce que les Français méritent d’être consultés, nous voterons avec enthousiasme et énergie cette motion référendaire ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Il n’est pas facile de prendre la parole après notre collègue et ami Bruno Retailleau ! (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je n’anticiperai pas ici le débat de politique générale qui précédera l’examen du projet de loi, mais concentrerai mon propos sur la motion référendaire.
Le présent projet de loi tend à répondre à trois objectifs : réduire le nombre de régions par fusion, reporter les élections des conseillers régionaux et départementaux, et mettre un terme au mandat des futurs conseillers départementaux en 2020.
L’instauration d’un tel mandat raccourci, inscrite à l’article 12 du projet de loi, sous-entend la fin des conseils départementaux à l’horizon 2020, conformément aux annonces gouvernementales.
Interroger nos concitoyens par le biais d’un référendum sur la carte des régions n’est pas très indiqué, à mon sens, à l’échelon national. Ce serait même un parfait contre-exemple du bon usage du référendum ! Une question binaire n’a en effet aucune raison d’être s’agissant d’un projet de loi complexe, agrégeant une multitude d’enjeux locaux. De manière tout à fait compréhensible, les citoyens s’exprimeront sur les découpages régionaux les concernant directement, perdant de vue la dimension globale du texte.
En revanche, le recours à des référendums locaux pourrait avoir plus de sens. Cela permettrait aux populations de s’exprimer sur les délimitations des territoires qui sont les leurs au quotidien.
Par ailleurs, il n’est pas utile d’interroger nos concitoyens par le biais d’un référendum sur le report des élections des conseils régionaux et départementaux.
Enfin, quid des conseils départementaux ?
Des sondages ont été publiés peu après l’annonce de la réforme territoriale, donnant une majorité de Français favorable à la suppression des départements. Le Gouvernement et les médias nationaux en ont largement, voire trop largement, fait écho.
Mais un sondage de l’institut CSA, commandé par l’Assemblée des départements de France, l’ADF, contredit ce résultat. Il donne une large majorité de la population favorable au maintien des départements, ce que bien des sondages locaux confirment à leur tour. Pourtant, aucun écho dans la presse nationale ! Il semblerait même que le président de l’ADF, Claudy Lebreton, se soit vu refuser la publication du sondage précité par un grand quotidien national !
Face à ces contradictions, je constate une manipulation de l’opinion publique sur le sujet. In fine, le seul sondage qui vaille serait donc le référendum pour les départements…
La question de l’avenir des départements a justement le mérite de pouvoir se poser de manière binaire. Mais certains observeront que son intérêt est peut-être limité pour mobiliser la population, tandis que d’autres considèreront la question et la réponse choisie comme naturellement réductrices. En outre, nous sommes des démocrates et des personnes honnêtes, notre honnêteté allant jusqu’à reconnaître qu’un référendum, dans le contexte actuel, risquerait de faire pencher la balance très fortement en notre faveur et qu’il ne faut pas profiter des circonstances sachant l’importance de la réforme pour nos concitoyens.
Élus centristes, nous sommes tous très attachés à la spécificité de nos territoires. La motion référendaire ne permettra pas une solution préservant ce droit essentiel à la différence de nos territoires. Le couperet tombera, soit d’un côté, soit de l’autre, sans que la sagesse de la Haute Assemblée ait pu s’exprimer, sans que nous ayons discuté et trouvé, dans la sérénité du débat démocratique, une organisation conciliant la nécessaire modernisation de la France et les intérêts fondamentaux de nos territoires.
Le Sénat doit, ici, pleinement jouer son rôle de Haute Assemblée. Il ne peut se déposséder de cette discussion au profit de la seule Assemblée nationale ou de la démocratie directe. Le sujet est trop important ! Il est d’ailleurs si important qu’il est incompréhensible, ahurissant même, de voir cette réforme territoriale présentée devant notre assemblée avec une telle impréparation, voire une telle désinvolture ! (M. Roger Karoutchi approuve.)
Normalement, il y a concertation, réflexion, décision, puis annonce. Or, nous l’avons bien vu, l’annonce a, comme souvent, précédé la décision, qui avait été prise avant la réflexion, laquelle n’a jamais été fondée sur la moindre concertation !
La réponse du Conseil constitutionnel porte sur la forme, et non sur le fond : elle ne traite pas de l’absence d’étude d’impact des mesures proposées. Cela crée une angoisse chez tous nos concitoyens, qu’ils soient de droite ou de gauche. En ce sens, nous comprenons que, dans un réflexe de peur, certains de nos collègues aient aujourd’hui choisi de déposer cette motion référendaire.
Dans notre groupe, les avis étaient partagés et nous avons opté pour l’abstention, en laissant la possibilité à certains de tirer leur joker. Mais attention, mes chers collègues, n’allez pas une fois encore traiter le centre de « ventre mou » de notre assemblée ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
C’est simple : nous ne voulons pas faire une partie de mistigri ! Nous entendons travailler avec force, nous battre pas à pas sur cette réforme territoriale. Mais nous voulons le faire ici, dans notre assemblée, et non laisser le débat, comme je l’indiquais précédemment, à la seule Assemblée nationale ou à la démocratie directe.
Nous ne serons pas le « ventre mou » ; nous serons le courage ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peut-être débuterons-nous, ce soir, l’examen à proprement parler du projet de loi qui nous est soumis. Quoi qu’il en soit, le moment que nous vivons, cet après-midi, est solennel.
Le dépôt de cette motion référendaire n’est pas un acte de procédure, encore moins une manœuvre dilatoire destinée à refuser un débat auquel nous participons amplement. Ce débat, c’est celui de l’avenir de nos collectivités territoriales et de nos services publics !
Depuis l’annonce de ce que le Président de la République présente comme une refonte de notre architecture territoriale pour les décennies à venir, mon groupe, le parti communiste français et le Front de gauche ont demandé, avec beaucoup d’autres, la saisine directe du peuple par voie référendaire.
Tel est précisément l’objet de cette motion référendaire, reposant sur la mise en œuvre par le Parlement de l’article 11 de la Constitution. Je rappelle qu’au titre de cet article, le recours au référendum est décidé par le Chef de l’État, sur proposition conjointe des deux assemblées.
De toute évidence, la réforme territoriale entre dans le champ possible du référendum. En effet, l’article 11 de la Constitution prévoit explicitement que l’appel au peuple peut se faire pour tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics.
Vous le savez, la pratique du référendum est une question délicate à appréhender. Le groupe communiste, républicain et citoyen n’est pas favorable à une utilisation plébiscitaire, excessive, présidentialiste du référendum. En revanche, monsieur Dantec, il considère que le déclenchement par les citoyens ou leurs représentants correspond pleinement à une conception démocratique d’une telle disposition constitutionnelle.
M. Ronan Dantec. Je suis d’accord !
Mme Éliane Assassi. Nous avons d’ailleurs regretté avec – à l’époque – l’ensemble de la gauche, l’adoption en 2008, lors de la réforme constitutionnelle lancée par Nicolas Sarkozy, d’une conception a minima du référendum d’initiative populaire. Mais nous avons déploré, plus encore, que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault fasse sienne la pratique restreignant ce type de référendum, au point de le rendre inapplicable !
Consulter le peuple sur l’organisation de la démocratie lorsque l’enjeu est de toute évidence national paraît pleinement justifié.
Il faut d’ailleurs noter que, malgré le tir de barrage auquel le Gouvernement a procédé, avec l’aide bienveillante de nombreux médias, pour rendre ce projet impératif, urgentissime, et le réduire à un débat purement technique, 58 % des Français considèrent nécessaire de recourir au référendum.
J’avoue donc être particulièrement étonnée, pour ne pas dire autre chose, par les propos tenus hier par notre ancien collègue André Vallini – celui-ci était effectivement sénateur avant d’être ministre. « Comment consulter par référendum les Français sur des sujets aussi techniques, voire compliqués, que les départements, les régions, la clause de compétence générale, les transferts de compétence d’une collectivité à une autre ? », s’interroge-t-il. Si ce n’est pas du mépris à l’égard du peuple français, cela y ressemble beaucoup !
Plus menaçant encore, M. Vallini, qui fut non seulement sénateur, mais aussi député, affirme : « Les sénateurs devraient faire attention à cette image négative qu’ils donnent. »
Mais, monsieur le ministre de l’intérieur, quand le Gouvernement, avec sa majorité étriquée, introuvable, donne l’image d’un pouvoir qui fuit le débat – j’entends par là le vrai débat national ! – en inscrivant à la va-vite un projet de loi rédigé à la hâte, au point de l’accompagner d’une étude d’impact quasi inexistante que le Conseil Constitutionnel a eu le plus grand mal à valider, n’est-ce pas lui, plutôt, qui devrait veiller à l’image négative qu’il donne ?
Je m’insurge aujourd’hui contre les attaques en règle de tous ces porte-paroles et hussards de la pensée unique qui tentent de dénier aux parlementaires, en particulier aux sénateurs, leur droit d’expression, leur droit d’action et leurs prérogatives constitutionnelles.
Oui, nous avons contesté la procédure accélérée sur un tel texte, car nous refusons la précipitation quand l’organisation de la République est en jeu !
Oui, nous avons demandé, avec succès, l’instauration d’une commission spéciale, car nous estimons que cette réforme touche l’ensemble des secteurs de la vie du pays ! Ainsi, tout le monde sait que le regroupement des régions porté par le présent projet de loi induit de lourdes modifications sur le plan des compétences économiques, culturelles, sociales, relatives au développement durable et, bien entendu, financières.
Oui, enfin, nous demandons un référendum sur l’avenir de notre démocratie ! C’est non seulement notre droit, mais aussi notre devoir !
M. Vallini ne devrait pas mépriser le peuple ! Rappelons-nous 2005. Rien n’était plus technique, plus rébarbatif que le projet de traité constitutionnel européen. Vous en savez quelque chose, monsieur le ministre ! Tout était organisé pour dégoûter le peuple du débat.
Or le peuple, qui sait faire preuve d’intelligence, s’en est saisi. Il a étudié, décortiqué, débattu, et il a rejeté le traité ! Le 29 mai 2005 fut un vrai traumatisme pour les partisans de la pensée unique, de ce monde conçu par et pour le marché.
Je m’insurge contre les cris d’orfraie de ceux que le débat démocratique rebute. Certains propos confinent à l’insulte à l’égard des représentants de la nation.
M. Vallini, encore lui, a appelé à ce que « l’intelligence l’emporte sur le conservatisme » ! Que faut-il en déduire nous concernant, nous et nos collègues du groupe du RDSE qui, ensemble, alertons sur le caractère profondément rétrograde de cette réforme, portant en son sein de lourdes menaces contre l’égalité et l’unité républicaines ?
Que doit-on penser de l’ultralibéral M. Jacques Attali, maquillé en homme moderne et en détenteur de la vérité absolue (M. Jacques Mézard opine.), qui dénonce notre combat en invoquant une « juxtaposition de corporatismes et de rentiers » ? Après nous avoir traités d’idiots, on nous traite maintenant de rentiers !
M. Roger Karoutchi. Ou peut-être les deux ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Que penser de M. Valls, lui-même, qui nous accuse « de ne pas jouer le jeu » ? Idiots, rentiers… tricheurs peut-être ?
Ce tir de barrage à l’encontre de parlementaires se contentant d’utiliser les moyens, très limités, que leur offre une Ve République hyper-présidentialisée souligne la fébrilité des partisans de ce projet de réforme, accepté ni dans l’opposition ni dans la majorité.
Par conséquent, monsieur le ministre, je vous demande quand cesseront ces attaques aux relents d’antiparlementarisme, aux relents populistes, que certains, ou plutôt « certaine », ne renieraient pas.
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. Je rappellerai, pour clore ce chapitre, que le candidat François Hollande avait affiché parmi ses « 60 engagements pour la France » la nécessité de renforcer les pouvoirs d’initiative et de contrôle du Parlement. Les attitudes précitées me semblent peu conformes à cette promesse.
Le candidat François Hollande avait également défini, en avril 2012, ce qu’était pour lui le champ référendaire. Il le résumait à deux problématiques : les réformes institutionnelles importantes et les traités engageant la souveraineté de la France.
La réforme territoriale que nous abordons comprend deux volets étroitement liés, qui n’auraient dû faire qu’un seul projet. L’exposé des motifs du projet de loi n° 636 – le second texte – relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République, signale d’emblée « une étape complémentaire et ambitieuse », s’imposant « pour moderniser en profondeur notre organisation territoriale ». Il évoque un « acte fondateur » et propose d’engager le débat « sereinement sur les modalités de suppression des conseils départementaux à l’horizon 2020 ». M. Valls, ce matin encore, a rappelé l’objectif de suppression de ces conseils départementaux.
C’est donc un processus lourd qui s’engage avec le présent projet de loi, ce dernier, de toute évidence, ayant pour unique but de véhiculer le report des élections régionales et départementales.
Ce processus est d’autant plus lourd que le second projet comprend la suppression de la clause de compétence générale. Ce dernier point marque un virage à 180 degrés du Président de la République qui, devant les états généraux de la démocratie territoriale, avait affirmé qu’il n’était « pas question de revenir sur la clause de compétence générale ».
M. Éric Doligé. Aïe ! Il a dit ça ?...
Mme Éliane Assassi. Cette clause de compétence générale avait été supprimée – faut-il le rappeler ? – par le gouvernement Fillon, sous la férule de Nicolas Sarkozy, dans la loi du 16 décembre 2010.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Éliane Assassi. Elle a pourtant été rétablie l’an dernier après un long débat, approfondi, sérieux, dans le cadre de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Ce n’est pas par immobilisme ou conservatisme que nous y sommes profondément attachés mais, comme la grande majorité des participants aux états généraux de la démocratie territoriale, parce que nous tenons à ce grand principe de la libre administration des collectivités territoriales. Briser la compétence générale, c’est forcément décréter la mise sous tutelle de certaines collectivités par d’autres, voire par l’État.
Nous nous expliquerons lors des débats à venir sur ce point crucial, car nous craignons fortement une forme de recentralisation des pouvoirs dans le cadre d’un affichage de type fédéraliste, qui masquera mal le fait que les décisions échapperont aux élus et aux populations.
Je rappelle, monsieur le président Jean-Pierre Bel, que, en tant que président du groupe socialiste du Sénat, vous défendiez la motion référendaire que nous avions déposée, ensemble, en ces termes :
« Le troisième motif du recours au référendum est de permettre aux Français de se prononcer directement sur le principe de l’organisation territoriale française.
« Alors que l’article 72 de la Constitution précise que les collectivités territoriales ″ ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ″, le projet de loi envisage de supprimer la clause de compétence générale […].
« Les Français doivent pouvoir se prononcer directement pour savoir si les collectivités locales doivent être cantonnées dans des compétences décidées par l’État ou s’il convient de maintenir leur compétence générale afin, notamment, de répondre aux attentes des usagers des services publics. »
M. Roger Karoutchi. C’était avant ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Delattre. Eh oui !
Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de regroupement des régions induit le second texte à venir, et en particulier la suppression de la clause de compétence générale souhaitée aujourd’hui – à rebours d’hier – par le Président de la République.
En 2010, nous avions demandé la consultation du peuple sur ce point ; c’est dire combien nous sommes cohérents ! Nous ne sommes pas immobiles : nous réitérons aujourd’hui cette exigence démocratique.
Faut-il rappeler que le général de Gaulle lui-même avait saisi le peuple et le Sénat sur le projet de loi relatif aux régions et au Sénat,…
Mme Isabelle Debré. C’était un autre temps !
Mme Éliane Assassi. … d’ailleurs au risque de s’y perdre ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen refusent « le calendrier très contraint » qu’évoque Michel Delebarre dès l’ouverture de son rapport et exigent un grand débat national, conclu par la consultation du peuple sur ce projet qui remet en cause l’organisation actuelle de la République.
Les écrans de fumée démagogiques diffusés par le Gouvernement quant à une réduction des dépenses publiques se sont évanouis. Les 15 ou 20 milliards d’euros d’économies, chiffres avancés bien imprudemment par M. Vallini, se sont transformés, selon l’étude de M. Delebarre, en 393 millions d’euros dans le meilleur des cas ; d’aucuns envisagent même, plutôt, un coût important…
Le seul objectif réel, c’est la création de grandes régions européennes au service du marché et gouvernées par le marché. Face à ce rouleau compresseur libéral, la démocratie et l’intérêt général sont peu de chose.
L’enjeu est là : la société s’organise-t-elle pour l’être humain ? Tend-elle à l’épanouissement des femmes et des hommes, ou bien le seul objectif est-il de répondre au mieux aux exigences du marché ? Cette question, monsieur le ministre, est fondamentale.
Cette réforme territoriale vise à abattre les digues démocratiques bâties depuis 1789 pour laisser libre cours à un libéralisme sans entrave. C’est pourquoi nous estimons que la seule voie possible pour l’adoption de ce projet de loi est celle du référendum. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis – en nombre – pour nous prononcer sur cette motion déposée par les groupes RDSE et CRC, tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
En cas d’adoption – et cela ne fait aucun doute à l’écoute des orateurs des différents groupes –,…
M. Roger Karoutchi. Votez donc avec nous ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Kaltenbach. … cette motion sera ensuite transmise à l’Assemblée nationale pour permettre à nos collègues députés de se prononcer. Si ces derniers viennent à repousser cette motion référendaire, comme je le pressens, même sans avoir de boule de cristal,…
MM. Éric Doligé et Roger Karoutchi. Ils ont reçu des ordres !
M. Philippe Kaltenbach. … nous pourrons vraiment débuter le débat au fond et parler enfin de cette réforme sur laquelle nous travaillons depuis longtemps et sur laquelle de nombreux parlementaires ont rédigé des rapports et se sont exprimés.
Depuis quelques jours, certains groupes utilisent tous les moyens de procédure à leur disposition pour marquer leur opposition à ce texte.
M. Roland du Luart. Vous étiez experts en la matière !
M. Philippe Kaltenbach. C’est leur droit :…
Mme Éliane Assassi. Merci !
M. Philippe Kaltenbach. … ces moyens de procédure sont prévus dans les textes et règlements. Ils le font même parfois avec brio. Mais selon nous, socialistes, si ces débats autour de la procédure font partie du jeu parlementaire classique, ils ne doivent pas nous faire oublier le fond de cette réforme.
M. Jacques Mézard. Vous n’avez jamais utilisé la procédure ? (Sourires.)
M. Philippe Kaltenbach. Création d’une commission spéciale, alors que ce texte intéresse essentiellement – pour ne pas dire exclusivement – la commission des lois ; saisine du Conseil constitutionnel sur l’étude d’impact, avec le succès que l’on connaît ; et, aujourd’hui, dépôt de cette motion référendaire : force est de constater qu’une partie d’entre nous s’oppose farouchement à ce texte et ne manifeste aucune hâte d’en débattre au fond.
Pour notre part, nous voulons débattre de ce projet de loi et l’amender. Nous sommes convaincus que la France a besoin de cette réforme territoriale. Le texte du Gouvernement engage le débat, mais il faut maintenant l’améliorer et faire en sorte de modifier la carte des régions et, peut-être, le tableau des conseils régionaux.
C’est l’occasion de rappeler que nous sommes tous attachés à une organisation de nos territoires ruraux qui permette le maintien du lien social à travers des conseils d’élus, plus à même de gérer cette solidarité dans la proximité, au plus près de nos concitoyens.
À ce stade du débat, je voudrais citer le rapport de nos éminents collègues MM. Raffarin et Krattinger,…
Mme Éliane Assassi. Encore !
M. Philippe Kaltenbach. … qui ont mis en avant cette nécessité d’une grande réforme territoriale.
Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut réformer ; mais, quelles que soient les divergences sur la manière de procéder, à un certain moment, il faut passer à l’acte et discuter.
Le Gouvernement nous invite à l’action. Il a déposé un texte de loi qui sert à introduire le débat. Nos échanges sont d’ailleurs très attendus : ainsi que je l’ai lu dans les dernières dépêches de presse, l’Assemblée des départements de France estime que « la balle est désormais dans le camp du Parlement ». Ne décevons pas nos élus locaux (Protestations sur les travées de l'UMP.),…
M. Éric Doligé. L’Assemblée des départements de France est contre cette réforme ! Son président l’a rappelé !
M. Philippe Kaltenbach. … lesquels attendent du Sénat qu’il se saisisse de ce texte et en débatte au fond.
Tel est le message que je voulais faire passer. Les débats de procédure sont permis et les groupes les utilisent. Fort bien ! Mais vient un moment où l’opinion et les élus locaux attendent que l’on parle du fond, et c’est aussi ce sur quoi nous serons jugés.
M. Éric Doligé. Vous êtes minoritaires !
M. Philippe Kaltenbach. Je rappelle que ce texte a été présenté le 18 juin dernier en même temps qu’un second, qui modifie les compétences des régions. Cet ensemble vise à renforcer la clarté et l’efficacité de la puissance publique décentralisée : c’est autour de cette thématique que nous avons besoin d’un vrai débat, dont la Haute Assemblée ne doit pas se dessaisir.
Tel est pourtant l’objet, in fine, de cette motion référendaire : si nous transmettions le texte en l’état, cela signifierait que nous n’avons plus rien à dire, laissant à nos concitoyens le soin de répondre par oui ou par non à cette réforme. Or nous avons justement été élus pour débattre de ce type de question. L’organisation des pouvoirs publics locaux est vraiment le « cœur de métier » du Sénat, et il serait pour le moins étonnant que nous nous abstenions d’en débattre et que nous nous contentions de soumettre ce texte au vote des Français.
Par ailleurs – il me semble important de le rappeler à ce stade du débat –, il n’existe aucun précédent de ce genre dans notre République. Aucun texte portant sur la mise en œuvre de la décentralisation n’a jamais été soumis au peuple par la voie du référendum : les lois Defferre du 2 mars 1982 et des 7 janvier et 22 juillet 1983 ont été votées par le Parlement sans recourir à une consultation directe des Français ; la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, initiée par Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, n’a pas non plus fait l’objet d’un référendum, pas plus que la loi du 6 janvier 1986 relative à l’organisation des régions et portant modification de dispositions relatives au fonctionnement des conseils généraux.
La seule exception, souvenons-nous-en, remonte à 1969 (Ah ! sur les travées de l'UMP.) et au référendum voulu par le général de Gaulle. L’une des questions portait sur les régions, appelées à devenir des collectivités territoriales aux compétences élargies. Toutefois, nous le savons bien, si le premier Président de la Ve République avait souhaité interroger le peuple français, c’est surtout parce qu’un référendum lui était nécessaire pour concrétiser son projet de fusion du Sénat et du Conseil économique et social. La Haute Assemblée était trop contestataire à l’époque,…
M. Jacques Mézard. Nous le sommes encore !
M. Philippe Kaltenbach. … raison pour laquelle le président de Gaulle voulait cette fusion. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Hormis cet exemple de 1969 dont le cœur de cible n’était pas les collectivités locales, il n’existe aucun précédent d’une question référendaire sur l’organisation des collectivités territoriales.
M. Roger Karoutchi. La conclusion !
M. Philippe Kaltenbach. J’en termine, pour faire plaisir à M. Karoutchi… (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. C’est que vous manquez de force de conviction ! Votez donc avec nous !
M. Philippe Kaltenbach. Je l’ai dit, le vote est acquis, monsieur Karoutchi, mais je crois qu’il faut rappeler certains éléments de façon que tout le monde se décide en parfaite connaissance de cause.
En 1969, les Français ont-ils répondu non à des régions renforcées, à la suppression du Sénat ? Je sais que, dans cet hémicycle, nous sommes nombreux à vouloir le croire. Mais était-ce vraiment le sens de la réponse de nos concitoyens ? N’ont-ils pas tout simplement voulu dire non au général de Gaulle ? Nous le savons, lorsque les référendums portent sur des questions qui ne sont pas essentielles, les Français répondent souvent à tout autre chose qu’à la question posée.
C’est pourquoi nous pensons que le référendum doit être limité à des questions essentielles.
Mme Isabelle Debré. Parce que, là, ce n’est pas essentiel ?
M. Philippe Kaltenbach. La France n’est pas la Suisse. Le référendum, complètement entré dans les mœurs politiques de ce pays, y est utilisé très souvent, sur des sujets qui peuvent parfois nous sembler anecdotiques. Les Suisses y sont attachés et leur système fonctionne bien.
La France, en revanche, ne connaît pas cette tradition électorale et démocratique. C’est pourquoi le référendum doit être utilisé avec parcimonie. Le recours à cette procédure peut se justifier lorsqu’il s’agit de ratifier de grands traités européens conduisant à un abandon de souveraineté, ou de modifier les institutions de la République, mais pas lorsqu’il s’agit d’organiser les collectivités territoriales.
Nous sommes, au Sénat et à l’Assemblée nationale, des parlementaires représentatifs pour débattre de ces questions. Je considère que nous aurions tort de nous décharger de ces sujets sur le peuple en lui demandant de trancher directement.
Nous avons un rôle à jouer sur ces lois portant organisation de nos territoires, dans la droite ligne des deux premiers actes de décentralisation, lesquels, je le rappelle une fois encore, n’ont pas été soumis au référendum. Nous devons nous emparer de ces textes et les modifier.
Tous les travaux menés en France sur ces sujets ont conclu à la nécessité de disposer de régions plus grandes pour en faire de véritables moteurs économiques à travers des compétences renforcées. Tel sera l’objet du second texte de loi.
Nous sommes – presque – tous d’accord : ces grandes régions sont une nécessité. Cinquante ans après la naissance des régions, notre pays a changé. Les moyens de communication, la circulation des données, les modes de vie, la mondialisation ont refaçonné la géographie, la vie quotidienne de nos concitoyens et notre économie. L’architecture territoriale doit en tenir compte.
Pour ce faire, le Gouvernement propose une nouvelle carte des régions s’appuyant sur les métropoles, que nous avons déjà renforcées, et sans que les territoires ruraux soient oubliés.
M. Jacques Mézard. Et comment fait-on ?
M. Philippe Kaltenbach. J’ai entendu les plaidoyers en faveur des départements en zone rurale. Bien sûr, monsieur Mézard, les débats que nous aurons – je l’espère ! – au Sénat permettront d’amender le texte qui nous est soumis, de le faire évoluer.
Nous l’avons déjà largement fait, d’ailleurs, lors de la réunion de la commission spéciale, jeudi dernier. Je note que certaines solutions proposées dépassaient les clivages politiques. Par exemple, je le souligne puisque ce sujet a été largement évoqué lors de cette réunion, un accord très large a été trouvé pour offrir la possibilité aux départements de passer d’une région à l’autre, sans qu’une consultation de nos concitoyens doive être organisée. Je suis donc un peu étonné de voir ceux qui défendaient cette option voilà quelques jours, avec des arguments convaincants que nous partagions, prôner aujourd’hui le recours à un référendum sur l’ensemble du projet de loi.
M. Éric Doligé. Vous passez votre temps à changer d’avis !
M. Philippe Kaltenbach. Seul le groupe CRC est parfaitement cohérent : ses membres sont favorables au référendum pour le projet de loi comme à la consultation des citoyens pour le passage d’un département d’une région à une autre. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Monsieur Karoutchi, vous étiez présent lors de la réunion que j’ai évoquée, et beaucoup des membres du groupe UMP ont également défendu cette idée !
Sur ces sujets, donc, le Parlement, et notamment le Sénat, qui représente les collectivités territoriales, a tout son rôle à jouer.
La commission spéciale a contribué à faire évoluer la carte des régions. Je pense notamment à un amendement du groupe socialiste, qui visait à créer une région regroupant l’Aquitaine, le Limousin et le Poitou-Charentes. Cette solution a été largement soutenue en commission spéciale.
M. Jacques Mézard. Eh oui ! La Corrèze le souhaite, alors…
M. Philippe Kaltenbach. D’autres modifications de la carte ont été proposées et adoptées.
Dès lors, pourquoi nous priver d’en débattre ? Pourquoi nous priver de notre possibilité de faire évoluer le texte, de le faire avancer dans le bon sens, de l’améliorer ?
Pour conclure, mes chers collègues, nous vous demandons de rejeter cette motion référendaire et de permettre au Sénat de remplir son rôle. Ne pas organiser de référendum n’équivaut pas à un déni de démocratie. Certes, il faut consulter le peuple sur les sujets essentiels ; en l’espèce, ce n’est pas le cas. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC, du RDSE, de l’UDI-UC et de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi. Ah bon ?
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Bien sûr que si !
M. Philippe Kaltenbach. C’est mon avis, mes chers collègues.
Mme Éliane Assassi. C’est dit !
M. Philippe Kaltenbach. Je l’ai déjà relevé, aucun texte relatif à la décentralisation n’a fait l’objet d’un référendum.
M. Jean-François Husson. C’est un sujet mineur, bien sûr, d’un intérêt secondaire…
M. Philippe Kaltenbach. Notre souhait, je le répète, est que le Sénat remplisse son rôle ; nous avons été élus pour voter la loi, mais aussi pour la faire évoluer, l’amender, la corriger, et pour prendre en compte les préoccupations de nos concitoyens comme des élus locaux. Nous avons réussi à le faire avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui a pu être adoptée au Sénat.
Nous ne pouvons pas nous priver de faire profiter ce texte de toute l’expertise du Sénat ; c’est notre rôle, notre légitimité. Nous avons été élus pour discuter des lois relatives, notamment, aux collectivités territoriales ; ne l’oublions pas !
Je comprends qu’il y ait des avis différents, mais rien ne justifie, à mon sens, de soumettre directement à l’approbation du peuple cette réforme. Dès lors, et puisque nous souhaitons que le débat sur ce texte s’engage au plus vite pour améliorer certaines de ses dispositions et, in fine, faire évoluer nos territoires, nous voterons contre cette motion. Tous les Français attendent une réforme des collectivités territoriales,…
M. Pierre-Yves Collombat. Mais ce n’est pas un sujet essentiel ! (Sourires sur les travées du RDSE.)
M. Philippe Kaltenbach. … plus d’efficacité, plus de clarté. Ne les décevons pas, faisons notre travail, et rejetons cette motion référendaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Karoutchi. Il va avoir du travail !
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toute chose, je tiens à remercier les différents orateurs qui se sont exprimés à l’occasion du début de l’examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Lors de mon audition devant la commission des lois du Sénat, j’ai indiqué que le Gouvernement se tenait à la disposition des sénateurs pour aborder l’ensemble des sujets qu’ils souhaitaient évoquer, afin que le débat soit de qualité et permette d’aller au fond des choses.
J’ai également signalé que le Gouvernement ferait preuve à l’égard du Sénat d’une exigence de rigueur intellectuelle, de précision et de recherche de compromis – les réformes sont plus belles, plus fortes et davantage acceptées lorsqu’il est possible de trouver ensemble un chemin commun –, qu’il lui doit particulièrement sur un texte qui relève de ses compétences premières.
C’est dans cet esprit que je suis venu participer aux débats sur l’examen de la présente motion, destinée à priver le Sénat de la possibilité d’examiner lui-même ce texte, relatif pourtant aux collectivités territoriales, et à le soumettre directement au référendum.
En écoutant les différentes interventions, je pensais à ce très joli distique d’Edgar Faure, rédigé à la fin de sa vie : « On ne vit que pour un instant ; le reste du temps, on attend. »
Joli distique, en effet, écrit par un homme politique de tout premier plan, à l’esprit élevé, à l’exigence intellectuelle grande et éminente, qui a été sénateur entre 1959 et 1966, c’est-à-dire à une époque où s’est forgée la réputation de sagesse du Sénat. Cette réputation conduisit les sénateurs de l’époque à faire en sorte que l’intérêt général – de nombreux orateurs se sont référés à cette notion il y a un instant – prévale systématiquement sur toute autre considération, notamment de nature politique et a fortiori politicienne, et les fit veiller à ce que le Sénat ne soit jamais dépouillé de ses prérogatives.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. C’est vrai !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je me souviens, pour avoir lu un certain nombre des discours prononcés alors par les plus éminents des membres de cette assemblée, que les sénateurs n’aimaient pas qu’on demandât au référendum de se substituer à eux pour traiter des questions qui relevaient de leurs compétences.
Dès lors, mesdames, messieurs les sénateurs, quand vous proposez que ce texte soit soumis à cette consultation, j’imagine que c’est dans cette tradition que vous vous inscrivez… C’est en tout cas dans cet esprit que je souhaite vous répondre, et ce de façon extrêmement précise. Je le ferai en reprenant chacun des arguments utilisés. Pour un membre d’un gouvernement qui vient défendre un texte, en effet, la meilleure manière de respecter le Parlement, c’est de ne pas répondre à côté des questions posées ; c’est donc de considérer chacun des arguments développés et de les décortiquer en séance afin d’en analyser, avec l’assemblée, la pertinence et la validité.
Les premiers arguments portent sur la réforme elle-même, sur l’utilité de procéder à la fusion des régions et à la suppression, à terme, des conseils départementaux, sur la pertinence de donner davantage de force aux intercommunalités et de renforcer l’administration déconcentrée de l’État à l’échelle départementale.
Je constate que, sur ces sujets, selon les configurations politiques, selon les majorités, selon qu’on soit en situation de mener à bien des réformes ou dans l’opposition, les mêmes qui, hier, ont défendu certaines thèses en défendent d’autres aujourd’hui, parfaitement inverses et symétriques.
M. Retailleau s’est livré tout à l’heure à un exercice extrêmement véloce sur le plan rhétorique,…
M. Bruno Sido. Et brillant !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … et brillant, en effet, sur le plan intellectuel. Je salue d’ailleurs cette prestation, qui a été de très grande qualité. J’y répondrai en tout point.
Monsieur Retailleau, vous critiquez la démarche du Gouvernement, en indiquant que la suppression des conseils départementaux serait un exercice funeste, qui accroîtrait considérablement la fracture territoriale dont notre pays serait la victime, et qui, couplée à la création de grandes régions, serait de nature à éloigner considérablement le citoyen des centres de décision. Pour ces raisons, selon vous, la réforme devrait être combattue absolument.
M. Bruno Sido. Vous avez tout compris !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cela, vous l’avancez – et je le comprends parfaitement – en tant que membre d’un groupe éminent de l’opposition, le groupe UMP, lequel est tout à fait en droit, à l’occasion de ces débats, de faire prévaloir son point de vue.
J’ai souri, c’est vrai, pendant votre intervention, monsieur le sénateur – je n’ai pas ri à gorge déployée pour ne pas vous compromettre…
M. Bruno Retailleau. Merci !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … et pour ne pas, non plus, donner le sentiment d’une trop grande complicité –, et je vais vous expliquer pourquoi.
Je vais vous faire passer un document : la une du magazine Le Parisien, publié il y a non pas quatre ou cinq ans, mais six mois. (M. le ministre brandit la couverture du magazine Le Parisien du 17 janvier 2014.)
Vous y voyez Jean-François Copé, « feu le président » – si j’ose dire ! – du parti dont votre groupe est l’émanation parlementaire (Exclamations sur les travées de l’UMP.),…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Il ne l’est plus !
M. Didier Guillaume. C’est la réalité politique !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … avec ce titre : « Jean-François Copé nous dévoile son projet : Une France sans département. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Larcher. Erreur !
M. Bruno Sido. Erreur fatale !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Lorsque Jean-François Copé, qui a été président du groupe parlementaire UMP à l’Assemblée nationale et président du parti auquel vous appartenez, propose une France sans département, c’est une délectation, un grand moment de clairvoyance et d’intelligence politique. Lorsque, six mois plus tard, alors que le texte qui est soumis à votre examen ne va pas aussi loin, alors que la réforme territoriale envisagée est cohérente et alors que votre parti avait émis des propositions identiques, vous vous dressez, oublieux de tout cela, et prétendez que ces mesures sont totalement inadéquates et scandaleuses ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-François Husson. Il y a quatre mois, François Hollande aussi pensait l’inverse !
M. Bruno Retailleau. On s’en fiche des partis ! Ce qui compte, c’est la France !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est cela, monsieur le sénateur, qui m’a beaucoup amusé tout à l’heure. Et pour que vous puissiez continuer à rire, lorsque je ne serai plus là – il n’y a pas de raison que cette complicité s’arrête au moment où le débat s’achèvera ! –, je vais vous faire passer la totalité de l’entretien que Jean-François Copé avait consenti à ce magazine. Cela vous permettra également, quand nos échanges sur ce texte seront tendus, de goûter à la délectation des débats parlementaires.
M. Jean-Pierre Raffarin. Voilà qui n’est pas faire preuve de l’élévation d’esprit d’Edgar Faure ! On descend bien bas…
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Non, monsieur le sénateur, ce qui abaisse la politique, ce qui la fait descendre très bas, c’est tenir des discours différents selon les circonstances et selon les lieux, dans le mépris absolu des citoyens. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste. – Vives exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-François Husson. Le Président de la République en est un bon exemple !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cela s’appelle un abaissement démagogique du débat politique ; et c’est parce qu’il existe que notre pays est incapable de faire les réformes dont nous avons besoin ! Le Gouvernement, pourtant, est déterminé à les mener.
M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous avez évoqué un deuxième argument : les fusions de régions, dont le pays n’aurait nul besoin, contribueraient à éloigner les citoyens des centres de décision politique.
Je veux là aussi vous répondre. Beaucoup de rapports ont été écrits sur ce sujet, de nombreuses études ont été conduites, parfois même par vous ! Je me souviens notamment d’un comité présidé par un homme à l’esprit élevé, très au fait de ces sujets, Édouard Balladur, lequel a conduit des concertations, sollicité des élus, auditionné des collectivités territoriales pour élaborer son rapport.
M. Bruno Retailleau. Et Jacques Attali ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Jacques Attali, aussi, a mené certaines missions sur la modernisation de notre pays et de nos institutions.
Mais la mission menée par le comité pour la réforme des collectivités locales était à ce point longue et ses concertations à ce point significatives que son président les a conclues par un rapport intitulé Il est temps de décider. Cela, c’était en 2009, mesdames, messieurs les sénateurs !
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Décider, oui, mais dans la concertation !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. L’opposition sénatoriale actuelle a dirigé le pays pendant dix ans. Quelles conclusions a-t-elle tirées de ces études, de ces rapports, de ces incitations à réformer ?
M. Gérard Larcher. Et la loi de 2010 ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Aucune, puisque nous sommes obligés de faire les réformes qu’elle n’a pas été capable de mener au cours de cette période ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Vives exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Rémy Pointereau. Vous avez supprimé le conseiller territorial ! Quelle mauvaise foi !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est la deuxième réponse que je voulais vous faire.
Je vous apporterai, enfin, une troisième réponse. Selon vous, notre réforme des territoires, fondée sur la réunion de régions, éloignerait les citoyens des lieux de décision politique, car les régions seraient à la fois trop peu nombreuses et trop larges pour être des instances de proximité.
Or, dans vos propres rangs, certains sénateurs ayant, eux aussi, conduit des réflexions intelligentes, proposaient jadis la réduction du nombre de régions, non pas à quinze ou à quatorze, mais à dix ! Je pense notamment à l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui, avec M. Krattinger, a remis un excellent rapport. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
MM. Éric Doligé et Bruno Retailleau. Prévoyant le maintien des départements !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Quant à l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, il proposait de faire quinze régions. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
En clair, lorsque l’actuelle majorité propose quatorze régions, ce n’est pas respectueux du citoyen et cela éloigne les citoyens des centres de décision politique ; mais lorsque vous en proposez dix ou quinze, là, c’est bien ! Où est la cohérence ? Où est la logique ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Francis Delattre. La cohérence n’est sûrement pas du côté de l’ancien président du conseil général de Corrèze !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je comprends que cela vous agace. Mais, dans les débats parlementaires, il y a tout de même un moment où la vérité doit être dite, où les choses doivent être nommées, les incohérences pointées et les propos tenus par le passé rappelés. Car la politique, c’est tout de même une cohérence dans le temps ! Permettez-moi donc de vous rappeler ce que vous avez dit ou fait, et ce qu’ont déclaré vos leaders ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Il est un autre point sur lequel j’aimerais m’exprimer pour rétablir des vérités.
Au cours des derniers mois, à l’occasion des débats budgétaires, j’ai participé dans cet hémicycle, et de manière assez roborative, à des discussions sur le niveau des économies qu’il fallait réaliser et sur les dépenses qu’il fallait cibler.
Lorsque j’ai proposé voilà six mois, en tant que ministre du budget, d’engager 50 milliards d’euros d’économies, selon les uns, c’était trop – au moins ceux-là sont-ils restés cohérents ! – et, pour les autres, ce n’était pas assez ! Et ces derniers de m’expliquer que les économies étaient à rechercher du côté des collectivités locales, là où il y avait, me disait-on, du gras, alors qu’au niveau de l’État et de son administration, nous étions à l’os ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Delattre. C’est votre discours qui est à l’os !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vais vous donner quelques chiffres sur la réalité de la gestion de l’État et des collectivités locales ; ils corrigent sensiblement les propos que vous avez tenus, monsieur Retailleau. Ils ne sont le fruit ni de mon imagination ni de ma volonté de faire des effets de manche à cette tribune. Je les tire tout simplement des rapports de la Cour des comptes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Delattre. Parlons-en, de la Cour des comptes !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. D’ailleurs, le Parlement – et singulièrement le Sénat – les cite abondamment dans ses publications, notamment lorsqu’il s’agit d’évoquer les questions budgétaires.
Selon vous, les collectivités locales n’ont pas d’économies à faire ; l’État aurait engagé trop de dépenses, tandis que lesdites collectivités auraient été vertueuses.
Pour moi, en revanche, il faut faire des économies partout, surtout lorsque nous connaissons une situation aussi dégradée de nos finances publiques !
Un sénateur du groupe UMP. Oui, partout !
M. Francis Delattre. Vos économies n’existent que dans les discours !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vous fais d’ailleurs observer que les déficits budgétaires n’ont, en moyenne, jamais été inférieurs à 5 % au cours des dix dernières années.
Nous avons donc décidé de réaliser des économies au niveau tant de l’État, des collectivités locales que de la protection sociale. La situation, qui appelle au sens des réalités et à la rigueur intellectuelle, nous oblige à dire la vérité aux Français. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Quel manque de pudeur !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. La vérité, c’est qu’il n’y aura pas de redressement des comptes sans économies ! Nous proposons d’en faire partout, faute de quoi nous n’en ferons nulle part, les déficits se dégraderont et nos comptes ne se redresseront pas !
Au cours des dix dernières années, les frais de fonctionnement de l’État ont augmenté de 2,8 %, contre 6,3 % pour ceux des collectivités locales, en neutralisant l’effet de la décentralisation. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Ces chiffres sont exacts, mesdames, messieurs les sénateurs ! Ils figurent dans les rapports de la Cour des comptes. Vous-mêmes les invoquez abondamment quand cela vous arrange, et vous les contestez lorsqu’on vous les met en face des yeux pour rétablir des vérités !
Ainsi, nonobstant les effets de la décentralisation, les frais de personnels des collectivités locales – et cela vaut pour toutes les collectivités locales – ont augmenté de 6,3 %…
M. Éric Doligé. Cela ne concerne pas les départements !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … quand l’augmentation a été de moitié moins pour l’État !
Monsieur Retailleau, on ne peut pas demander davantage d’économies aux collectivités locales lors d’un débat budgétaire, et affirmer qu’elles ont déjà beaucoup fait à l’occasion d’un autre relatif à l’organisation territoriale !
En matière de finances publiques, la responsabilité collective doit nous conduire à tout moment au même discours de vérité : le redressement de nos comptes appelle des efforts dans tous les domaines de la dépense !
M. Francis Delattre. Vous pourriez commencer par en faire !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Tout le reste n’est que démagogie. Voilà la réalité à laquelle nous sommes confrontés ! Voilà la contrainte à laquelle nous devons faire face !
Nous ne parviendrons pas à réaliser des économies sur les collectivités locales si nous ne modifions pas la structure de chacune d’elle, de chaque strate. En effet, il faut faire en sorte que ces économies soient soutenables et qu’elles ne privent pas les collectivités locales de la possibilité d’investir. Si nous voulons faire de la croissance, si nous voulons investir, il faut dépenser moins pour investir plus !
M. Aymeri de Montesquiou. Nous sommes d’accord !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Tel est l’objectif de la réforme. Nous voulons garantir la possibilité des collectivités locales d’investir massivement dans l’avenir !
J’aimerais reprendre chacun des arguments qui ont été développés pour motiver la demande de certains groupes, que je respecte, d’un référendum.
Premier argument : les études d’impact seraient insuffisantes. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé en indiquant qu’il ne partageait pas le sentiment de votre assemblée. Je pensais que l’autorité de la chose jugée pouvait également exister au Sénat ; manifestement, ce n’est pas pris en compte. Mais peu importe ! Je reprends votre argument.
Admettons que les études d’impact ne soient pas suffisantes et ne permettent pas l’examen du texte au Sénat ; nous n’aurions pas été assez loin dans l’analyse des choses pour que vous puissiez statuer. Mais alors, comment admettre que le peuple, lui, puisse se prononcer ? Où est la cohérence d’une telle démarche ? (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)
Si l’on considère que l’attention portée aux études d’impact a été insuffisante, que la réflexion n’a pas été assez loin pour permettre l’examen par votre assemblée, que le texte n’est pas digne du Sénat faute de travaux préparatoires satisfaisants,…
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas la question !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … comment admettre qu’il puisse être digne du peuple, si c’est le souci du peuple et de l’intérêt général qui préside au dépôt d’une motion référendaire ?
M. Didier Guillaume. C’est évident !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’ai, je l’avoue, énormément de mal à accéder à tel raisonnement. Je le trouve vicié...
Mme Éliane Assassi. C’est vous qui le viciez !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … et, pour tout dire, un peu pervers.
Quelle est cette logique qui consiste à soumettre au peuple, exactement dans la même mouture, le contenu d’un texte jugé indigne de la représentation nationale ?
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas bien ce que vous faites !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il y a là une forme d’incohérence absolue, de raisonnement faux. C’est comme une boussole qui indiquerait le sud.
Mme Éliane Assassi. C’est vous qui avez perdu le nord !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement ne peut pas souscrire à une telle logique dès lors qu’il s’agit de faire des réformes dont le pays a besoin.
Le deuxième argument développé est que les découpages ne seraient pas bons et que la carte serait absurde. Certains affirment même que les décisions auraient été prises sur un coin de table…
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. C’est exactement le cas !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … et que, comme cette carte ne conviendrait pas, il faudrait prendre le temps de la refaire. Et vous voudriez soumettre au peuple, qui n’aurait pas la possibilité de l’amender, une carte que, selon vous, il faudrait refaire ? Deuxième incohérence absolue de ceux qui présentent cette motion référendaire !
Si l’on considère que la carte n’est pas satisfaisante ou pas optimale, il faut l’amender ! Et où peut-elle être mieux amendée qu’au Sénat et à l’Assemblée nationale ? Comme je l’ai indiqué devant la commission des lois, nous sommes prêts à accepter des amendements tendant à modifier la carte des régions à condition de ne pas en augmenter le nombre et de préserver la cohérence globale du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Delebarre, rapporteur. Absolument !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si vous voulez que le projet de loi soit modifié pour avoir une carte plus cohérente, comme cela semble être votre souhait, n’empêchez pas que le texte soit amendé en réclamant un référendum !
M. René-Paul Savary. C’est votre majorité qui a déposé la motion référendaire !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Emparez-vous de ce texte ! Proposez des amendements ! Faites en sorte qu’une réforme optimale, conforme à vos objectifs, soit possible ! Vous aurez ainsi rempli votre rôle de sénateurs, conformément à l’article 39 de la Constitution,…
Un sénateur du groupe UMP. Ne jouez pas au donneur de leçons !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … au lieu de vous dessaisir d’une matière qui relève de votre cœur de compétence et de rendre vos propres objectifs inatteignables ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
J’en viens à un troisième argument, qui n’a pas été évoqué, mais que j’ai senti en creux. (Ah bon ? sur les travées de l'UMP.) Pour que les textes relatifs aux collectivités locales puissent aboutir, il faudrait que nous ayons une relation apaisée...
M. Francis Delattre. C’est mal parti…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Chez nous, c’est apaisé !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. C’est vous qui ne nous laissez pas le temps du débat !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous apporter toute garantie à cet égard. Pour notre part, nous sommes prêts à passer le temps qu’il faudra pour aboutir à un bon texte. À condition que vous le vouliez bien !
S’il s’agit de tout mettre en œuvre pour empêcher cela, s’il s’agit d’apporter une nouvelle fois à nos concitoyens et à l’Union européenne…
Mme Éliane Assassi. Ah ! Nous y voilà !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … la démonstration collective de notre incapacité à faire les réformes dont le pays a besoin,…
M. Éric Doligé. Il nous fait la morale, maintenant !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … s’il s’agit une fois de plus de faire en sorte que rien ne se passe, alors qu’il est urgent d’agir en utilisant toutes les procédures possibles et imaginables pour atteindre cet objectif, alors cela ne contribuera pas à rehausser l’image de la République, de ses assemblées et de ses élus ! Dans ce cas, allez-y, perdez-vous en arguties !
Mais, sachez-le, la volonté du Gouvernement est que le débat ait lieu et que la réforme se fasse,…
M. Roger Karoutchi. Au pas de charge !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … avec vous, par la présentation de vos amendements et dans le respect de ce que vous porterez. Mais pas dans les approximations, les raccourcis et les amalgames,…
M. Roger Karoutchi. Mais voyons !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … pas dans l’oubli de ce vous disiez hier, pas au travers de procédures destinées à faire diversion et à organiser l’enlisement pour empêcher les réformes urgentes dont le pays a besoin !
Vous aurez en face de vous un gouvernement déterminé à mener ces réformes dans le respect du Parlement, et à n’accompagner aucune mesure de diversion, aucun propos dilatoire oublieux des déclarations d’hier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique de la motion de renvoi au référendum.
Article unique
En application de l'article 11 de la Constitution et des articles 67 et suivants du règlement, le Sénat propose au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (n° 635, 2013-2014).
Explications de vote
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique de la motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre à référendum le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, je donne la parole à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, s’il y aujourd’hui débat sur la motion référendaire, c’est sur l’initiative de la majorité qu’a rassemblée M. François Hollande au mois de mai 2012. C’est le problème de votre majorité, pas celui de l’opposition ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Lorsque nous étions aux responsabilités, le groupe de travail présidé par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur et auquel participaient l’ancien Premier ministre Pierre Mauroy et M. André Vallini, qui est à présent secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale,…
Mme Isabelle Debré. Pourquoi n’est-il pas là ?
M. Gérard Longuet. … avait mené une réflexion pluripartite de plus d’un an. Un débat parlementaire avait été organisé au Sénat et à l’Assemblée nationale. L’architecture proposée était simple et profondément républicaine ; j’aurais d’ailleurs l’occasion de mieux la présenter au cours du débat, si toutefois il a lieu.
Fondée sur le conseiller municipal et le conseiller territorial, notre réforme était axée sur la coopération, d’une part, des communes et des intercommunalités et, d’autre part, des départements et des régions existants. Grâce aux possibilités de nouvelle commune ou de fusion de régions, nous avions un système équilibré, sous la responsabilité des élus locaux, femmes et hommes d’expérience.
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
M. Gérard Longuet. Or, aujourd’hui, ainsi que l’ont souligné avec beaucoup de talent nombre d’orateurs, en particulier Bruno Retailleau, vous nous proposez une mesure qui, très honnêtement, n’a ni queue ni tête !
Pourquoi acceptons-nous la motion référendaire ? Comme vous le soulignez, monsieur le ministre, ce n’est pas dans la tradition libérale à laquelle j’appartiens ; nous sommes pour le débat parlementaire. Sauf que le problème est non pas technique, mais bien politique.
Vous imposez au Parlement une réforme pour laquelle vous n’avez aucune majorité au Sénat. Quant à votre majorité à l’Assemblée nationale, force est de reconnaître qu’elle n’est plus très représentative de notre pays ; les élections municipales et européennes l’ont montré.
Naturellement, vous avez la légitimité pour faire adopter les textes que vous voulez à l’Assemblée nationale. Mais cette réforme, qui n’est pas d’une actualité absolue, concerne un sujet à la fois de raison et d’affection : le lien des Français avec leur territoire. Et vouloir forcer le destin en utilisant une majorité à l’Assemblée nationale dont nous savons qu’elle ne correspond plus aux souhaits de nos concitoyens…
M. Daniel Reiner. C’est faux !
M. Gérard Longuet. … est un coup de force qui ne répond à aucune nécessité !
Au fond, l’appel au référendum fait écho à la décision que le général de Gaulle avait eu le courage de prendre en 1969. Il n’était absolument pas tenu d’organiser un référendum ni de tirer les conséquences du résultat. Mais, sentant qu’il pouvait y avoir un décalage entre sa volonté de réforme et l’opinion, il avait choisi de s’en remettre au peuple.
Aujourd’hui, le Gouvernement n’a pas de majorité au Sénat, et n’a qu’une majorité contrainte à l’Assemblée nationale. Il en est de même pour cette réforme, qui n’est absolument pas comprise par l’opinion : des régions entières ont déjà manifesté, par sondage ou par l’intermédiaire de leurs élus, leur hostilité à des regroupements qui n’ont tout bonnement aucun sens. Certes, je le conçois aisément, l’appel au suffrage universel direct n’est pas la meilleure façon d’approfondir un texte (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),...
M. Philippe Kaltenbach. Quel aveu !
M. Gérard Longuet. ... mais le problème est profondément politique. Vous imposez une réforme que les responsables des collectivités locales, riches de leur expérience et fiers de leur engagement, refusent. Vous voulez un passage en force alors que, très raisonnablement, rien dans l’actualité ne l’impose. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP se rallie à une initiative de votre majorité.
Si vous avez des problèmes dans votre majorité, c’est à vous de les régler, pas à nous ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, en m’adressant à vous, c’est au Gouvernement tout entier que je m’adresse. Nous sommes un certain nombre à être en contact avec les élus locaux ; je vous dois la vérité, vous donnez le tournis à la France des territoires !
Vous nous aviez promis une grande loi. Dans les faits, nous n’avons rien vu de tel. Vous avez ensuite annoncé trois lois. L’une d’entre elles a été votée, rétablissant la clause de compétence générale. L’encre n’était pas encore sèche que vous déclariez vouloir la supprimer !
Nous avons entendu le Président de la République nous dire : « Jamais nous ne toucherons aux départements. » Et nous apprenons à présent que vous voulez les supprimer !
Ce qui est certain – et les élus locaux l’ont bien compris –, c’est que les dotations aux collectivités territoriales baisseront de 11 milliards d’euros, c’est-à-dire de 20 %.
Monsieur le ministre, je crois qu’il y a urgence à calmer le jeu. Or votre réponse relevait tout à l’heure plus de la polémique que de la volonté d’adopter une attitude responsable face à l’inquiétude des élus locaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Nous sommes très responsables ! Nous aussi sommes en contact avec les élus locaux, il n’y a pas que vous !
M. Dominique de Legge. Il ne s’agit pas d’une catégorie socioprofessionnelle particulière. Ce sont des concitoyens dévoués, au service des territoires. Pourtant, avec cette réforme à laquelle on ne comprend rien – en attendant que vous en annonciez une nouvelle, tout aussi contradictoire que les précédentes… –, vous les méprisez totalement. Il faut redonner la parole au peuple ! (Nouveaux applaudissements sur les travées de l'UMP. – Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, les talents que chacun s’accorde à vous reconnaître ne peuvent racheter ce mauvais texte, malgré les efforts méritoires qui ont été les vôtres. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Guillaume. Il était excellent !
M. Jean-Pierre Chevènement. Nous vous avons entendu avec intérêt rappeler le distique qu’Edgar Faure composa jadis – sous mes yeux, dois-je dire : il était président du conseil régional de Franche-Comté – : « On ne vit que pour un instant ; le reste du temps, on attend. » (M. le ministre acquiesce.)
Que le Gouvernement ne s’inspire-t-il pas de cette sage philosophie,…
M. Gérard Longuet. Qu’il attende !
M. Jean-Pierre Chevènement. … qui ne vous est pas revenue par hasard à l’esprit,...
M. Bruno Sido. C’est l’effet boomerang !
M. Jean-Pierre Caffet. Éloge de l’immobilisme…
M. Jean-Pierre Chevènement. ... en prenant le temps de la réflexion, du débat, pour parvenir à une réforme territoriale réussie, ce que nous souhaitons tous !
Pour qu’il en soit ainsi, il faut que cette réforme procède d’une vue d’ensemble et tienne compte de facteurs essentiels, au premier rang desquels se trouve l’histoire.
L’organisation du territoire n’est pas la même selon les pays, qu’il s’agisse de l’Allemagne, de l’Espagne, du Royaume-Uni, de l’Italie, de la France, etc. N’entrons pas dans ces considérations.
La démocratie constitue un autre de ces facteurs essentiels.
En France, la démocratie s’enracine dans le tissu très serré, très dense, des communes issues des anciennes paroisses que la Révolution a dotées d’un conseil municipal et d’un maire élu. Il a fallu attendre 1884 pour que l’élection des maires devienne définitivement la règle. La commune est la cellule de base de la démocratie, une petite République dans la grande, comme l’a rappelé le Président de la République lui-même.
C’est également de la Révolution que date la création des départements, auxquels la IIIe République naissante a donné les conseils généraux dans les tout premiers mois de l’année 1871, plus précisément au mois de janvier.
C’est sur ces bataillons d’élus représentatifs que la IIIe République naissante s’est appuyée. Ai-je besoin de rappeler les « couches nouvelles » de Gambetta ? Ce vivier d’élus est toujours là : il est pour le Gouvernement le meilleur recours contre les privilèges de l’argent. En effet – faut-il le rappeler ? –, ces élus si décriés sont l’émanation du suffrage universel.
Ne sacrifiez pas ce riche héritage à des impulsions venues de je ne sais où. Qui a eu l’idée de cette réforme ? Qui l’a pensée ? J’ai posé la question, je n’ai jamais eu la réponse. Pourtant, je l’ai posée à qui de droit (Murmures sur les travées de l'UMP.)…
Vous le savez bien, en dehors du sentiment d’appartenance, fondateur du civisme, la démocratie tient au besoin de proximité, qui doit être conciliée avec l’efficacité. En la matière, il n’y a pas de règle : il faut trouver les points d’équilibre. La France, par sa superficie, est le plus grand pays d’Europe. Elle compte donc beaucoup de communes et, pour lutter contre cet émiettement, la solution a été trouvée : c’est l’intercommunalité.
Mme Jacqueline Gourault. Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement. Bien entendu, il faut tenir compte des faits. La rigueur, le souci de réaliser des économies de gestion sont des considérations tout à fait respectables et pertinentes. Pourtant, très franchement, la réduction à 60 départements constituait une piste plus digne d’être explorée que la réduction du nombre des régions de 22 à 14. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
M. Didier Guillaume. Allons-y ! En avant !
M. Jean-Pierre Chevènement. Je veux insister sur ce qui me paraît tout à fait raisonnable. L’intercommunalité permet de répondre à l’urbanisation de la France, tout en offrant une organisation rationnelle des espaces ruraux. Notre pays compte désormais des métropoles, créées avec le soutien du groupe du RDSE.
Si l’intercommunalité est une bonne chose, il ne faut pas durcir excessivement ses règles. Monsieur le ministre, est-ce vraiment une bonne l’idée d’élever le seuil de la population de 5 000 à 20 000 ?
M. Gérard Longuet. Non !
M. Jean-Pierre Chevènement. Au-delà de 30 communes, nous le savons, il n’y a plus de démocratie possible. Par conséquent, c’est un seuil de nombre de communes qu’il faut fixer, et non un seuil démographique ; cela n’a pas de sens ! En revanche, regrouper les intercommunalités pour que, à l’échelon des départements, des conseils élus puissent exprimer la voix du peuple, c’est le bon sens !
Nous sommes fiers de la décentralisation réalisée par Gaston Defferre, Pierre Mauroy et François Mitterrand. Qu’en resterait-il si nous gardions les départements en nous privant des conseils élus ? Il en est de même pour les régions : elles gagneraient à procéder des départements. Nous pouvons recomposer notre démocratie à partir de la base.
Vous le savez, la fusion des régions est très problématique. Elle se fait sans aucun enthousiasme. Il me semble que la concertation et le débat devraient être partout la règle, et nous déminerions utilement le terrain de la réforme territoriale si nous organisions des assises. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de prendre le temps de la réflexion.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Chevènement. Cette motion référendaire répond au souci d’une réforme territoriale réussie. Il faut que le Gouvernement prenne le temps de revoir sa copie. C’est ce temps que nous voulons lui donner en présentant et en soutenant cette motion référendaire. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UMP. – M. Pierre Laurent applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Moi non plus, je ne suis pas un adepte des procédures, pas plus que des tergiversations du reste…
Monsieur le ministre, vous avez tenu des propos très provocateurs vis-à-vis de ceux qui ne pensent pas comme vous. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Un sénateur du groupe socialiste. Il vient de naître !
M. René-Paul Savary. Ce débat montre bien la conception que l’on peut avoir de la démocratie et du respect que l’on porte aux élus locaux, c’est-à-dire à ceux qui sont au service de nos concitoyens.
Certes, on peut appréhender de différentes façons l’organisation territoriale, mais on ne saurait en aucun cas partager votre vision, qui est celle d’une désorganisation !
Certains ont prôné une conception verticale, incarnée par le conseiller territorial. Celui-ci rapprochait départements et régions, maintenait la proximité et permettait que des avancées soient réalisées, notamment grâce aux départements chefs-lieux de région, souvent situés à quelques centaines de mètres des hôtels de département et de région. La préfecture, le conseil général, le conseil régional,…
M. Bruno Sido. Le rectorat !
M. René-Paul Savary. … quand ils sont proches, travaillent encore plus efficacement ensemble.
D’autres ont préféré une conception horizontale, avec de grandes régions, ce qui suppose une structure de mutualisation, de proximité, d’expertise. Pour contrebalancer l’éloignement induit par la taille des régions, le département est maintenu.
Votre système est bancal : il imprime un mouvement de recentralisation et non de décentralisation. C’est la raison pour laquelle on n’est pas enclin à y adhérer. Vous voulez construire la maison avant même de savoir combien de pièces seront nécessaires ou quelle famille l’occupera !
Il est bien difficile de donner une dimension aux régions sans connaître à l’avance les compétences qui lui seront dévolues. Si l’on décide de créer de grandes régions stratégiques, à l’instar de ce qui se passe chez certains de nos voisins, pour leur confier la gestion de bouts de routes départementales ou de collèges, ou pour leur affecter un nombre de collaborateurs trop important, cela entraînera inévitablement un coût supplémentaire.
Cette réforme est bancale. Elle l’est tant sur le plan financier qu’en termes de conception organisationnelle et de démocratie locale. C’est la raison pour laquelle, moi qui n’étais pas au départ favorable à cette procédure, je soutiens avec vigueur cette motion référendaire ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai pas relevé toutes les incohérences que j’ai entendues, parce qu’il y en a d’un côté comme de l’autre. J’avoue aussi ne pas être un religieux du référendum.
M. Jacques Legendre. Un religieux ?
M. François Fortassin. Il n’en reste pas moins que ce dispositif est inscrit dans la Constitution et qu’il est des moments dans la vie politique où celui-ci se révèle utile.
En l’occurrence, cette réforme est tout sauf anodine. Qui plus est, elle est très mal comprise.
Il n’est qu’à la comparer avec la décentralisation de Gaston Defferre, qui, elle, avait été très bien entendue. En effet, sa finalité était simple : il s’agissait de rapprocher les citoyens utilisateurs de l’élu décideur. Il y avait une colonne vertébrale. Dans cette réforme, on la cherche vainement.
Monsieur le ministre, j’entends bien que vous êtes prêt à accepter un certain nombre d’amendements, et nous reconnaissons sans réserve cette bonne volonté. Pour autant, cela ne suffira pas à donner une colonne vertébrale à ce texte.
Par ailleurs, il est normal que les habitants des Hautes-Pyrénées, qui sont enclavés par le département voisin des Pyrénées-Atlantiques et qui pourraient se retrouver, sans être consultés, rattachés à la région Languedoc-Roussillon, aient le sentiment d’être floués.
C’est la raison pour laquelle je voterai avec enthousiasme cette motion référendaire. Je peux admettre qu’un certain nombre de mes collègues n’aient pas le même point de vue que moi. Pour autant, en l’état actuel des choses, il est très difficile de considérer que les uns ont raison, quand les autres sont des passéistes ou des attardés … pour ne pas dire des attardés mentaux. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, vous venez de nous donner une leçon de cohérence. Pour ma part, j’ai combattu les réformes présentées par la droite sous les applaudissements, à l’époque, de mes camarades de gauche. Je combats aujourd’hui des réformes du même esprit, et je suis applaudi par la droite ! Est-ce moi qui suis incohérent ?
Finalement, ce qui me gêne peut-être le plus, c’est que j’ai contribué – certes modestement – à l’installation au pouvoir du Président de la République et du gouvernement actuels.
J’avais bien quelques doutes depuis un certain temps, mais ce fut tout de même un choc pour moi de découvrir que le nouveau gouvernement, malgré le changement, maintenait la même politique !
L’incohérence ne se situe donc peut-être pas là où vous pensez l’avoir trouvée, monsieur le ministre.
Quant à l’étude d’impact et aux arguments qui ont été avancés à son sujet, je crois d’abord que l’on confond études sérieuses et rapports, lesquels se caractérisent tous, depuis le rapport Pébereau jusqu’au rapport Attali – et j’en passe ! – par une même idéologie, qui se déroule tel un fil rouge.
De surcroît, lorsque l’on s’aperçoit que, zone euro aidant, la France ne respecte plus les critères de Maastricht, on nous dit qu’il faut faire des économies !
Mais quel est donc le résultat des économies que nous avons engagées ? Quelle est l’évolution du chômage ? Quelle est l’évolution du déficit, y compris encore le mois dernier ? Pour le moins, le remède ne semble pas très efficace. Dès lors, peut-être pourrait-on s’interroger sur l’intérêt de réaliser des économies qui bloquent toute la machine économique, et se poser la question du bien-fondé de cette fameuse politique de l’offre.
En outre, personne ne m’a expliqué comment calculer les économies potentielles à attendre de la réforme des collectivités territoriales, l’essentiel étant de répéter à l’envi qu’il faut faire des économies !
Je ne pense donc pas être incohérent quand je demande des explications.
Vous nous dites que notre démarche est farfelue, au motif que si le Sénat juge déjà qu’il n’est pas suffisamment informé et que les études d’impact sont insuffisantes, il est peu probable que le peuple puisse se prononcer en parfaite connaissance de cause.
Mais le peuple est souverain, monsieur le ministre ! Et c’est précisément à lui de juger des questions délicates quand on ne sait plus où l’on va. Qu’il juge bien ou mal, il a en tout cas l’autorité pour le faire !
Si le débat sur la présente réforme n’avait pas été enclenché à la va-vite, s’il avait eu lieu dans d’autres circonstances, peut-être les choses se seraient-elles passées différemment. Mais encore eût-il fallu que nous disposions de tous les éléments d’appréciation.
Sans doute y a-t-il des réformes à faire. Mais elles ne se justifient certainement pas pour les raisons que l’on avance aujourd’hui, et ce n’est pas de cette manière qu’il faut les engager.
Pour ma part, je pense avoir eu une attitude cohérente depuis que je siège sur ces travées, et il me semble que tout le monde ne peut pas en dire autant ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, nous vous en avons souvent fait part, vous connaissez notre respect pour votre personne et votre action.
Vous défendez aujourd’hui un projet de loi que nous n’apprécions pas. Malheureusement, un excellent ministre ne saurait être l’arbre qui cache la forêt d’un mauvais texte ! (Sourires.)
Vous souhaitez que nous trouvions ensemble un chemin. Mais, pour cela, il faut savoir d’où l’on part et où l’on va. C’est la définition d’un chemin ! Et le moins que l’on puisse dire, c’est que vous n’avez fait aucun effort pour que nous puissions cheminer ensemble.
Vous avez, par ailleurs, fait référence au président Edgar Faure. Pour les radicaux que nous sommes, l’évocation d’Edgar Faure, de Maurice Faure et de tant d’autres qui ont siégé dans cet hémicycle – je pense aussi au président François Mitterrand, qui fut membre de notre groupe – nous rappelle un temps où le Sénat résistait à la force brutale du gouvernement en place.
Il ne semble toutefois pas qu’Edgar Faure ait été totalement convaincu par la position du président Gaston Monnerville – j’ai relu tous les discours prononcés par ce dernier lorsqu’il s’opposait à juste titre au gouvernement de l’époque – puisqu’il a finalement succombé aux sirènes du pouvoir pour entrer dans le gouvernement du général de Gaulle.
M. Roger Karoutchi. Ce n’était pas indigne !
M. Jacques Mézard. Je vous l’accorde, mon cher collègue, mais nous connaissons tous les qualités comme les faiblesses d’Edgar Faure.
Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, je retiens surtout de cette référence historique qu’il s’agissait d’une époque où le Sénat savait résister. Je suis de ceux qui considèrent qu’il est nécessaire que la Haute Assemblée sache résister quand elle conclut que le gouvernement ne va pas dans le bon sens. C’est cela le courage politique, quelle que soit la sensibilité à laquelle on appartient. C’est justement ce que nous nous efforçons de faire, quel que soit le gouvernement en place.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Jacques Mézard. On me dit qu’il n’est pas très convenable de recourir à des manœuvres d’ordre procédural. Or nous ne nous livrons pas à des manœuvres. Mais si nous utilisons les moyens que la Constitution et le règlement du Sénat nous offrent, c’est d’abord pour vous signifier que la méthode employée ne nous semble pas être la bonne, parce qu’elle traduit un grand mépris du Gouvernement à l’égard de la démocratie parlementaire. Peut-être nous trompons-nous, car je connais vos idées républicaines et votre sens de la mesure, monsieur le ministre. Toujours est-il que c’est notre avis, et il est nécessaire que nous vous le fassions savoir.
On nous dit aussi qu’il n’est pas correct d’avoir déposé une motion référendaire. Le référendum doit être réservé à des questions essentielles, ai-je entendu. Mes chers collègues socialistes, je me souviens pourtant d’un temps pas si lointain où je signais avec vous une motion référendaire portant sur le projet de loi relatif à l’avenir de La Poste, sujet certes important…
Cela étant, quand on parle d’incohérences et de contradictions, monsieur le ministre, il faut faire attention. Nous incarnons pour notre part une tradition républicaine à laquelle nous sommes très attachés.
À propos d’incohérences, j’aurai le plaisir de vous rappeler lors de la discussion générale quelques citations extraites de discours que le Président de la République a prononcés à Dijon, Limoges ou Tulle, et de les mettre en relation avec le contenu du présent projet de loi. Je crois qu’il sera alors difficile de prétendre à une quelconque cohérence. C’est la réalité, et nous la connaissons.
Comment pouvez-vous nous inviter au débat alors que vous le verrouillez et que vous n’apportez aucune réponse aux questions légitimes que nous posons depuis quelques jours ?
Pour l’essentiel, le texte est à prendre ou à laisser. Je sais bien que vous accepterez in fine un amendement tendant au rapprochement du Limousin et de l’Aquitaine – on sait bien pourquoi ! –, et que vous consentirez peut-être à un ou deux autres efforts.
Mais, sur le fond, comme M. le Premier ministre l’a rappelé ce matin, la suppression des conseils généraux est programmée, sans aucune concertation possible. Or l’on ne peut pas traiter les territoires dotés de métropoles de la même manière que les territoires ruraux.
Les membres de mon groupe ne sauraient approuver un texte terriblement inquiétant, à la fois pour certains de nos territoires et pour la sensibilité que j’ai l’honneur de représenter. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à propos de cette fusée à deux étages qu’est la réforme territoriale – on parle du premier texte en pensant au second –, je voudrais livrer le regard d’un sénateur-maire rural sur les intentions du Gouvernement à l’endroit des structures qui font encore la force de la démocratie locale.
Je dois avouer avoir été, en qualité de membre de la commission spéciale, particulièrement stupéfait des arguments employés hier par les partisans de cette réforme.
Il y a, en premier lieu, la peur de tomber dans une sorte de « référendumite » aiguë en France, alors que le dernier référendum dans notre pays date de 2005, voilà neuf ans. Il concernait l’Europe et sa Constitution et ses résultats ont été foulés aux pieds, bafoués, anéantis. Quelle image de démocratie et de respect du peuple !
Il y a, en second lieu, la volonté de gagner du temps, alors que la réforme territoriale est bien trop importante pour n’en faire qu’une question de temps. Il s’agit bien, pour nous, d’une question de fond, qui remet en cause la démocratie de proximité gérée par les élus municipaux et départementaux.
En ma qualité de maire d’une commune rurale de 2 500 habitants, je sais que ce n’est pas la communauté de communes qui gérera correctement, à notre place, chaque heure et chaque jour, les questions touchant nos administrés, nos associations et notre patrimoine.
Depuis de nombreuses années, tout a été pensé pour supprimer nos communes au profit des communautés de communes ou des EPCI. Cela a commencé avec le coefficient d’intégration fiscale, dont la finalité était de transférer un maximum de compétences des communes vers les EPCI.
Aujourd’hui, le nouveau gadget s’appelle « mutualisation », et les menaces de réduction de la dotation globale de fonctionnement envers les récalcitrants doivent permettre de terminer le sale boulot.
Non, monsieur le ministre, nous ne voulons pas, nous les maires, devenir de simples administrateurs de politiques verticales, anti-décentralisatrices et décidées d’en haut. Nous voulons être des maires de plein exercice.
Le conseiller territorial était déjà une amorce de suppression homéopathique des départements. Le gouvernement actuel a supprimé le conseiller territorial, mais propose une mesure encore plus radicale en vidant les départements de leurs compétences d’ici à 2021.
À droite, comme au parti socialiste, il faut vite oublier et abandonner cette très mauvaise idée de supprimer les départements et les communes, que ce soit maintenant ou plus tard. En témoigne un sondage très récent réalisé dans les Côtes-d’Armor.
Même s’il s’agit du département du président de l’Assemblée des départements de France, il ne constitue certainement pas une exception. Quelques chiffres clés de cette étude doivent être retenus : 78 % des Costarmoricains se disent attachés à leur département et 84 % d’entre eux font avant tout confiance aux collectivités locales pour améliorer leur quotidien. Si 69 % pensent qu’une réforme de l’organisation administrative de la France est nécessaire – il faut donc faire quelque chose, mais pas ce qui est prévu dans la présente réforme –, 70 % sont opposés à la suppression de leur département et 75 % voudraient être consultés par référendum si le Gouvernement envisageait une telle suppression.
Voilà quelques semaines, Mme Marylise Lebranchu m’indiquait, à l’occasion d’une séance de questions d’actualité, que les communes n’allaient pas « tenir le coup ». Je suis désolé, mais elles en ont vu d’autres depuis la Révolution française, qu’il s’agisse des guerres ou des périodes de vaches maigres. Chaque fois, elles ont apporté la preuve que la meilleure des solidarités était bien celle qui était gérée dans la proximité immédiate.
Comment voulez-vous, monsieur le ministre, que, avec 11 milliards d’euros de moins demain, les collectivités locales investissent davantage ? Tournez-vous donc vers les prêteurs institutionnels et renégociez la dette de l’État si vous voulez trouver une bonne solution. Ne faites pas payer aux collectivités locales une addition dont elles ne sont pas responsables !
Enfin, à propos des regroupements autoritaires régionaux, de nombreux orateurs viennent de démontrer avec brio que ceux-ci relevaient davantage de l’amateurisme que de l’écoute des premiers concernés. Ces regroupements méritent à tout le moins un référendum pour respecter le peuple. Quant au second texte, qui entend décider du triste sort des communes et des départements, il mérite lui des milliers de référendums. Les maires que nous sommes et les présidents de conseil général ne manqueront pas de vous le rappeler, monsieur le ministre !
Telles sont les raisons pour lesquelles il faut voter la présente motion référendaire et montrer le chemin à l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. À mon tour, je vais tenter de convaincre mes collègues de la majorité de l’impératif démocratique qui commande de voter cette motion tendant à soumettre le présent projet de loi au référendum.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit qu’il fallait laisser le Parlement débattre. Certes, mais cela ne doit pas nous interdire de nous demander au nom de quelle légitimité nous légiférons. Ceux qui nous ont permis de détenir la majorité dans cet hémicycle ont placé la réforme territoriale au cœur de leur mandat. Je rappelle en effet que le débat de 2010 n’est pas pour rien dans le changement de majorité intervenu au Sénat. Il est donc important que nous respections tant la parole que nous avons donnée lorsque nous combattions la réforme de la droite que le mandat populaire dont nous sommes porteurs.
Évidemment, l’argument est réversible. Vous l’avez d’ailleurs utilisé pour répondre à M. Retailleau. Au moins ce débat aura-t-il permis à ce dernier de faire un discours dont nous conserverons le compte rendu, et nous ne manquerons pas de rappeler à notre collègue les arguments qu’il a invoqués lorsque nous examinerons concrètement les articles du projet de loi.
Nous devons également nous interroger : cette réforme répond-elle à une demande du pays ?
Chers collègues socialistes et écologistes, en votant contre la motion référendaire, ne prenez-vous pas le risque de provoquer des réveils très douloureux ? Si l’argument du millefeuille territorial, qui a été beaucoup avancé et dont il a beaucoup été question dans les médias, impressionne peut-être une partie des Français – les sondages montrent cependant que c’est bien plus compliqué que cela –, il est néanmoins en train de s’effondrer, comme le montrent toutes les études. In fine, cette réforme ne permettra pas de réaliser les économies que vous promettez aux Français. Elle risque même de coûter très cher et de créer une grande pagaille.
Êtes-vous certains que les Français ont réellement compris les conséquences, évoquées par notre collègue Jean-Pierre Chevènement tout à l’heure, du fait de porter à 20 000 le nombre d’habitants des intercommunalités ? Êtes-vous certains que les Français qui vous ont donné mandat pour siéger dans cet hémicycle ont mesuré ce que signifie concrètement la disparition de la clause de compétence générale ? Vos électeurs ont-ils compris que, demain, les financements croisés rendront impossible la réalisation de tous les engagements que vous avez pris devant eux, qui plus est dans un contexte d’austérité budgétaire ? Telles sont les questions que nous voulons soulever en vous soumettant cette motion référendaire.
Nous souhaitons non pas bloquer le débat parlementaire, mais au contraire provoquer un réel débat de fond, démocratique, et nous donner du temps. Tel est le sens de cette motion.
Ce faisant, nous essayons une fois encore, et nous continuerons de le faire, de vous convaincre qu’il est grand temps d’entendre le pays. À ceux qui avancent l’argument du courage, je répondrai que le courage, c’est non pas d’aller droit dans le mur, mais de stopper le train fou de prétendues réformes, qui vont se solder par des échecs dramatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat a montré quels étaient les lourds enjeux de la réforme territoriale. Même si le premier volet de cette réforme que nous sommes appelés à examiner au cours de cette session extraordinaire constitue un élément clé, je pense que l’essentiel se trouvera dans le second texte, qu’il aurait fallu, en toute logique, étudier en premier.
Nous faisons face aujourd'hui à un gouvernement défaillant, sourd à tous les appels lancés par les élus de cette assemblée et, au-delà, par l’ensemble du pays. On voit partout monter le mécontentement en réaction à cette réforme. Face à cette surdité, il n’y a pas d’autre choix que de soumettre cette réforme au peuple par la voie du référendum. Tel est l’objet de la motion que nous avons déposée.
Cela étant, j’ai été un peu étonné par les propos du rapporteur de la commission spéciale. Je les ai même trouvés un peu déplacés. Au lieu de rappeler dignement et sobrement la position majoritaire de la commission en faveur de la motion référendaire, il a en effet préféré ironiser en début de séance sur les auteurs de cette motion et contester assez lourdement le bien-fondé de la procédure.
Sans doute a-t-il oublié que le groupe socialiste du Sénat a cosigné à plusieurs reprises avec le groupe CRC des motions référendaires relatives à des textes concernant les collectivités territoriales, comme en 2003 à propos du nouveau mode de scrutin régional ou en 2010 au sujet de la réforme territoriale voulue et mise en œuvre par Nicolas Sarkozy.
Nous l’avons déjà dit, un texte modifiant aussi profondément l’architecture territoriale de notre pays, et ce pour les décennies à venir, selon les propos mêmes du Président de la République, doit incontestablement être soumis au référendum. Or, depuis quelques jours, cette volonté, fondée historiquement, est raillée, décriée. Les accusations d’immobilisme et de conservatisme pleuvent de toutes parts. L’idée de consulter le peuple provoque chez certains une telle poussée d’urticaire qu’il faudrait l’enterrer au plus vite.
Si le Sénat adopte cette motion référendaire, ce qui est probable, la situation politique sera alors différente. Les accusations de manœuvre d’ordre procédural tomberont face à un fait politique majeur : l’une des deux chambres du Parlement, celle qui puise sa légitimité dans les territoires, aura décidé de transmettre solennellement son pouvoir législatif au peuple.
Monsieur le ministre, il serait alors inacceptable qu’une telle décision soit balayée d’un revers de la main. Il serait incompréhensible que l’Assemblée nationale soit saisie en urgence et doive statuer dans un délai si rapide que les députés n’auraient pas le temps de mener une réflexion sur leur responsabilité historique.
L’Assemblée nationale, issue du suffrage universel direct, va-t-elle décider de refuser le référendum et de transmettre son pouvoir législatif au peuple, comme viendrait de le faire le Sénat ? Les uns et les autres devront à cet instant bien peser leur responsabilité et mesurer l’incidence d’une décision antidémocratique majeure.
En tout état de cause, pour l’heure, nous appelons le Sénat à adopter cette motion référendaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a la forme et il y a le fond.
Sur la forme, ce n’est pas la première fois que, au nom d’un gouvernement, un ministre cherche à s’approprier la vérité, la cohérence, la réalité et la raison au service du projet de loi qu’il défend. Pour autant, il est abusif de dénier ces qualités à ceux qui viennent de présenter cette motion référendaire.
Ensuite, je ne partage pas le mépris qui est si souvent exprimé à l’égard de l’utilisation par les groupes parlementaires des moyens de procédure pour défendre leurs positions. La procédure, c’est la garantie d’un État de droit. Il n’y a pas d’État de droit sans respect des procédures.
D’ailleurs le Gouvernement lui-même n’a pas hésité à recourir à tous les artifices que lui offre la procédure en coupant en deux son projet de réforme, lequel forme en réalité un tout, parce que, pressé de retarder les élections, il craint de ne pas y parvenir. Qu’il ne nous reproche donc pas à nous de recourir à toutes les armes de la procédure parlementaire pour défendre notre point de vue !
Sur le fond, le présent projet de loi mérite-t-il un référendum ?
À vrai dire, il ne peut être répondu à cette question à l’emporte-pièce. Habituellement, quand on demande la tenue d’un référendum, c’est pour faire adopter de bonnes lois par le peuple français. Or, là, si nous soutenons cette motion référendaire, c’est pour faire rejeter par celui-ci un mauvais texte. Généralement, on souhaite obtenir un « oui », mais en l’espèce, on espère bien sûr un « non ». Nous nous trouvons donc dans une situation quelque peu paradoxale. Le Gouvernement, qui craint un « non » à la question qui serait posée, refuse le référendum et préfère passer par la voie parlementaire, sachant que, en donnant le dernier mot à l’Assemblée nationale, il a les meilleures chances de parvenir à ses fins, contre l’assentiment des Français.
J’ajoute que c’est la première fois, depuis 1982, alors que nous discutons de l’évolution des libertés locales, que nous sommes appelés à examiner un texte de recentralisation. Car que seraient ces grandes régions qui accapareraient les pouvoirs de gestion des services à la population des départements si ce n’est des entités recentralisatrices ? Pour la première fois, on éloigne les services des habitants. Ils seront désormais gérés depuis les capitales de région, lesquelles seront encore plus éloignées des habitants que les capitales actuelles puisque les régions seront plus grandes.
Ces grandes régions auront des semelles de plomb et ne pourront pas contribuer au développement économique des territoires en planifiant les infrastructures.
La réforme qui nous est proposée conduira donc à une recentralisation – le centralisme régional n’a rien à envier au centralisme d’État quand il est lesté de compétences de gestion très lourdes –, mais également, du fait du démantèlement des départements, à un éclatement des compétences de proximité et à la mise à mort de la seule collectivité importante qui assure aujourd'hui la mutualisation des moyens sur un territoire. Il s’agit aussi d’une réforme de « démutualisation », alors que l’on prétend le contraire. Et elle produira un effet sur toutes les compétences exercées par les conseils généraux. Cette incidence est très simple à imaginer : une inégalité entre les territoires, alors que le département assure à l’heure actuelle la plus grande harmonie possible grâce à son action péréquatrice. Il en résultera également une inégalité des citoyens en termes de droits sociaux.
Ces nombreuses raisons expliquent qu’il ne faille entamer la discussion ni du présent texte ni du second qui sera présenté ultérieurement. Il faut en réalité les réunir en un seul projet de loi et soumettre ce dernier au référendum. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le ministre, votre évocation d’Edgar Faure m’a inspiré l’observation suivante : sous la IVe République, il n’y avait pas d’institutions fortes, mais il y avait des hommes d’État ; sous la Ve République, c’est l’inverse...
Si aujourd'hui nous avons ce débat, c’est tout simplement parce que, après les élections, il fallait faire quelque chose et rebondir. C’est tout !
Par conséquent, les rapports, l’étude d’impact, l’avis du Conseil constitutionnel, tout cela est totalement accessoire. La réalité est très simple : elle est politique.
En observant la carte des régions, on y voit une région fourre-tout, qui part de la rive droite de la Gironde pour s’étendre jusqu’à cinq kilomètres de la commune du président de la commission spéciale, soit pratiquement la moitié du pays !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Absolument !
M. Nicolas Alfonsi. Dans ces conditions, peu importe que la motion tendant à soumettre le projet de loi à référendum soit un artifice de procédure ou non. Le fait est que l’on ne peut pas aller plus loin dans la discussion et qu’il faut y mettre un terme.
Le véritable problème est que le Gouvernement présente deux textes. Il propose de supprimer la clause de compétence générale. Mais il eût été préférable de prévoir l’interdiction pour les collectivités territoriales de procéder à de nouveaux recrutements pendant cinq ans, ainsi que la fixation à un certain niveau de leurs dépenses de fonctionnement, car il est vrai que de nombreux excès ont été commis. Nous aurions ainsi sans doute réalisé des économies bien plus élevées que celles qui sont envisagées aujourd'hui.
Pour toutes ces raisons, et je rejoins ce que vient de dire Philippe Bas, personnellement, je voterai la motion. Je le répète avec énergie et avec force : ces problèmes ne se posent qu’à cause de cette urgence à rebondir après le résultat des élections, alors qu’il y avait sans doute autre chose à faire pour le pays !
Enfin, Fernand Braudel parlait de « l’identité de la France »… Pourquoi comparer en permanence notre pays avec d’autres pays d’Europe ? La superficie du territoire italien est équivalente à la moitié de celle du territoire français et s’établit à 300 000 kilomètres carrés environ, et l’Italie compte vingt régions. Le produit intérieur brut de ces régions est néanmoins comparable à celui des nôtres. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Robert Navarro.
M. Robert Navarro. « En démocratie, on préside par le dialogue, pas par le monologue. » « Il n’y aura pas de perte de temps, mais il n’y aura pas non plus de précipitation. » Ces deux phrases sont extraites du discours prononcé par François Hollande à Dijon le 3 mars 2012…
Le 17 janvier 2007, la France a ratifié la Charte européenne de l’autonomie locale, vingt et un ans après l’avoir signée et au terme d’une procédure de trois années. Traité international, cette charte contraint les États signataires à respecter les principes qu’elle contient. Elle les oblige ainsi à appliquer tout un ensemble de règles fondamentales garantissant l’indépendance politique, administrative et financière des collectivités locales.
Elle établit le principe de l’autonomie locale qui doit être reconnu dans le droit national et protégé par la Constitution. Ainsi, l’article 5 de cette même charte dispose : « Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet. »
Un référendum est donc possible sans être obligatoire, mais une consultation préalable est obligatoire ! Cette consultation n’a pourtant pas eu lieu dans ma région, le Languedoc-Roussillon, ni dans plusieurs autres !
Mes collègues signataires de la motion référendaire ont donc eu raison de la déposer. Je voterai en faveur de celle-ci parce que je respecte la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. J’ai entendu dire tout à l’heure qu’il ne s’agirait pas d’une question « essentielle ». Je souhaite revenir sur cet adjectif, car nous sommes placés devant un problème justement essentiel, qui touche à l’essence même nos collectivités territoriales, qui a une incidence certaine sur nos concitoyens, ceux que nous côtoyons tous les jours, et une influence tout aussi importante sur l’organisation territoriale de notre pays et donc sur la modernisation de l’action publique.
Je voudrais rappeler, monsieur le ministre, un temps qui n’est pas si lointain : nous sommes parvenus ensemble, dans cet hémicycle, à faire adopter la loi qui a été promulguée le 27 janvier dernier, car nous avons voulu nous engager sur le chemin que vous avez évoqué tout à l’heure afin de parvenir à un consensus. Nous avons travaillé ce texte de façon à construire les bases d’une véritable réforme globale et cohérente, qui prenne en compte autant l’État que les collectivités territoriales. Cette loi devait être prolongée par d’autres textes. Toutefois, l’examen de ceux-ci aurait dû viser une véritable cohérence. Nous aurions dû prendre le temps et débattre tous ensemble !
Je voudrais vous assurer au nom de mon groupe – je crois pouvoir aussi parler pour le compte d’autres collègues – que nous n’avons l’intention ni de retarder systématiquement les débats ni de faire preuve de mauvaise volonté : nous avons simplement conscience d’être devant un problème essentiel que nous devons résoudre pour le bien de nos concitoyens et de nos collectivités territoriales. Les enjeux sont trop lourds pour que nous les négligions !
Nous voulons construire une France qui soit aménagée ! Toutefois, nous n’entendons plus prononcer les mots « aménagement du territoire ». Je me bats pour expliquer que la loi du 27 janvier dernier était non pas une loi de métropolisation, mais une loi destinée à assurer l’équilibre des territoires ! En effet, à côté des métropoles dont nous avons affirmé l’existence, les autres territoires qui mêlent l’urbain et le rural ont tout leur sens ! Or cette France-là a besoin que nous prenions le temps de la réflexion pour la réforme que nous voulons faire et qui aura du sens demain à travers la répartition des compétences !
Je crois pouvoir m’exprimer au nom de beaucoup d’entre nous : nous voulons travailler dans un climat apaisé pour trouver des solutions cohérentes et convenables, qui serviront l’intérêt de ce pays, et non pas suivre des procédures à la va-vite qui nous entraînent dans une impasse et non sur un chemin ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe CRC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Je crains, comme, je crois, un grand nombre de collègues, que, à la conception vivante de la décentralisation que nous connaissons et que nous avons tous contribué à mettre en œuvre depuis 1982, ne se substitue une conception beaucoup plus technocratique, bureaucratique et recentralisatrice de notre organisation administrative.
La majorité socialiste a choisi deux niveaux importants d’administration pour notre organisation de demain : l’intercommunalité et la région. Je crains d’abord que l’intercommunalité ne puisse prospérer qu’au détriment de la marginalisation – j’aurais pu parler de dévitalisation – de la commune. Je crains également que les régions ne puissent prospérer qu’au prix de la mise à l’écart – pour ne pas parler de la disparition ou de la mort – de nos départements.
Déjà, en lisant la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles adoptée récemment, on se rend compte que le système intermédiaire du fléchage pour désigner les conseillers communautaires ne survivra pas à l’élection de 2014 et que, dès 2020, nous aurons un système d’élection à un suffrage universel totalement direct, une représentation proportionnelle étendue à l’ensemble de l’intercommunalité.
Nous inaugurerons bientôt ce que j’appelle les « maires gagnants-perdants » : des maires réélus au sein de leur commune mais qui ne seront pas inscrits sur la bonne liste à l’échelon de l’intercommunalité risqueront de voir figurer parmi les élus de l’intercommunalité celui qu’ils ont battu ! Ils exerceront donc des pouvoirs dérisoires par rapport à ceux de leur adversaire qui aura été sanctionné par le suffrage universel local ! On « dérangera » un peu, pendant quelques années, le suffrage universel et ces maires n’auront plus le pouvoir que – pardonnez-moi la familiarité de l’expression – d’inaugurer les chrysanthèmes ! Et on supprimera ensuite la commune de base parce qu’on n’en verra plus l’utilité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. René-Paul Savary. Tout à fait !
M. Jean-René Lecerf. Cette tentation a d’ailleurs animé des courants très divers : Olivier Guichard ne disait pas autre chose en 1974…
Une fois supprimée la commune de base, il restera à remplacer les maires, les adjoints, les conseillers municipaux qui, pour l’essentiel, sont payés en reconnaissance sociale, par des fonctionnaires qui seront moins disponibles et dont la rémunération n’arrangera pas les problèmes financiers de notre pays.
À l’échelon de la région, nous prenons le même type de risques. Alors que je ne connais pas, mes chers collègues – mais peut-être n’en connais-je pas assez… – un seul conseiller régional qui tienne des permanences, je ne connais pas un seul conseiller général qui n’en tienne pas !
Moi aussi, j’ai lu avec beaucoup d’attention le rapport Raffarin-Krattinger ou Krattinger-Raffarin – chacun choisira l’ordre qu’il préfère ! Je n’en ai pas tiré les mêmes conclusions que le Gouvernement. Je ne suis pas hostile à des régions de taille beaucoup plus importante – d’ailleurs, Pierre Mauroy, dès 1982, pensait à des régions de plus grande dimension –, à la condition toutefois de laisser exister à côté d’elles, qui sont destinées à exercer des compétences prospectives, des départements voués à l’exercice des compétences du quotidien.
Je suis élu du département du Nord, que l’on dit urbain, et qui est pourtant l’un des plus grands départements ruraux de France puisque 600 000 personnes y vivent dans des zones rurales. Je n’ai pas encore compris qui pourra prendre la place du département, même si, demain, les intercommunalités doivent comporter au minimum 20 000 habitants. En effet, même là où existent de très grandes intercommunalités, comme à Dunkerque, monsieur le rapporteur, ou à Lille, je ne vois pas non plus quelle collectivité pourra prendre la mesure des secteurs les plus favorisés et de ceux qui le sont moins, de ceux qui sont riches et de ceux qui sont pauvres ! Il me semble que le département a sur ce point son mot à dire !
Enfin, nous venons de connaître des élections municipales et européennes qui ont montré la fragilité des formations républicaines par rapport à la tentation de l’extrémisme. En privant nos concitoyens de leurs interlocuteurs traditionnels, sur lesquels ils comptent le plus, c’est-à-dire les élus locaux, en particulier les élus communaux et départementaux, nous prenons, selon moi, un pari qui ressemble à celui d’un apprenti sorcier.
C’est la raison pour laquelle, sans être favorable au recours au référendum de manière systématique, je choisis aujourd’hui cette solution parce que, malheureusement, vous nous avez refusé toutes les autres ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Je poursuis mon apprentissage de sénateur et j’apprends beaucoup actuellement !
Je vais vous faire un aveu, monsieur le ministre, mes chers collègues : alors que j’étais professeur d’histoire-géographie, comme un certain nombre d’entre nous, j’ai beaucoup parlé de référendum, mais j’ignorais ce qu’était une motion référendaire !
À leur arrivée, on remet aux nouveaux élus le règlement du Sénat, mais ceux-ci ayant beaucoup à faire, je dois aussi avouer que, pour ma part, je ne l’ai pas lu entièrement ! J’ai donc appris, au cours de ces dernières heures, l’objet de la motion référendaire. Comme les membres de mon groupe, je vais voter celle qui nous est soumise, car le texte qui nous est présenté et celui qui doit suivre sont très mal perçus par les élus locaux ; ils soulèvent de nombreuses critiques émanant de tous les bords.
Je prendrai l’exemple du Lot, mon département. Le nouveau président du conseil général, Serge Rigal, qui a remplacé Gérard Miquel, lequel a renoncé à cette présidence pour prendre la mairie de Saint-Cirq-Lapopie, l’une des plus belles communes de France, s’inquiète de l’avenir du conseil général. Il est vrai qu’il avait l’espoir de gérer cette collectivité. Pensons aux futurs candidats qui se présenteront aux élections cantonales et qui auront comme seule perspective de fermer les portes et d’éteindre la lumière ! Un petit tour et puis s’en va : voilà comment se terminera le conseil général, devenu d’ailleurs conseil départemental.
Je citerai également les critiques du président socialiste du conseil général du Cher : « Je souhaite vous dire à quel point les élus du Cher ont été choqués par la méthodologie employée pour la réforme territoriale et par l’absence de concertation qui a présidé à ces annonces. Dans les départements ruraux comme le Cher, la suppression d’un échelon pertinent tout à la fois de niveau stratégique et par sa proximité suscite l’incompréhension générale : celle des maires, des entreprises, des associations, des agents de la collectivité et de la population. »
Quant au président UDI du conseil général du Loir-et-Cher, il a dénoncé « une méconnaissance totale de nos réalités de terrain, une carte des régions dénuée de logique historique, géographique, démographique, économique et culturelle ». « Inacceptable ! », dit-il.
Je pourrai multiplier les citations critiques. Mais, chacun le sait, la réforme est nécessaire, car les lignes doivent bouger !
En conclusion, Turgot, alors qu’il avait été nommé contrôleur général des finances au début du règne de Louis XVI et que les finances allaient mal – vous voyez, ce n’est pas nouveau ! –, avait choisi la réforme plutôt que la révolution.
M. Roger Karoutchi. Cela n’a pas marché !
M. Jean-Claude Requier. Comme lui, j’espère que la réforme aura lieu ; cependant, je crains que celle qui nous est proposée ne marche pas et que nous n’ayons la révolution ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Le présent projet de loi va de pair avec le second qui nous sera présenté ultérieurement. Ensemble, ils se résument à deux choses : créer de grandes régions en supprimant les départements et créer de grandes intercommunalités en supprimant les communes.
Pour tous les praticiens de la vie politique locale, qui connaissent le terrain, il est complètement farfelu de vouloir supprimer les communes rurales au profit d’intercommunalités de 30 000, 40 000, 50 000, 60 000 habitants. On peut créer des communautés d’agglomération de 100 000, 200 000, 400 000 habitants : cela ne pose pas de problème, puisqu’il s’agit de zones urbaines. En revanche, créer en zone rurale des intercommunalités tentaculaires qui s’étendent sur quarante ou cinquante kilomètres et comptent 30 000 ou 40 000 habitants, tout en supprimant les échelons inférieurs que sont les communes, c’est véritablement de la folie !
Le même raisonnement s’applique pour les régions. On peut peut-être supprimer les départements, mais alors il faut de petites régions. Si on crée de grandes régions, il faut conserver l’échelon intermédiaire qu’est le département.
On nous dit qu’il faut des régions de taille européenne. D'abord, l’Europe vaut ce qu’elle vaut. Il n’y a pas très longtemps, les Français ont assez clairement exprimé ce qu’ils en pensaient. Or je suis étonné que le Gouvernement n’en tienne pas compte. On peut toujours hurler contre les populismes, etc., mais les élections sont les élections. Pour ma part, je trouve que les Français ont très bien voté. Ils ont indiqué ce qu’ils pensaient d’un certain nombre de partis politiques, de droite comme de gauche. Les derniers événements, qu’ils concernent la droite ou la gauche, ne les inciteraient sans doute pas à modifier le sens de leur vote s’il y avait de nouvelles élections.
L’argument de la taille européenne ne veut rien dire. Les régions sont faites pour administrer la France, et non pour former des mastodontes à l’échelle européenne. Ce raisonnement est très dangereux : on disloque la notion d’État, les nations au profit de l’Europe. Plus on créera de grandes régions, plus on aura tendance à disloquer l’unité nationale. On voit déjà ce qui se passe en Espagne, en Belgique, ou encore en Grande-Bretagne, avec l’Écosse. C’est jouer avec le feu que de vouloir entrer dans cette logique européenne qui conduit à dissoudre petit à petit les nations, je le répète. C’est l’une des raisons pour lesquelles le choix de créer de grandes régions concentrant les attributions des régions et des départements actuels me paraît hautement regrettable.
Pour ma part, j’admettrais que, dans le souci de réduire le millefeuille territorial, on crée une dizaine de grandes régions en maintenant parallèlement les départements, quitte à réduire leur nombre à cinquante ou soixante, comme le proposait Michel Debré en 1957. On aurait ainsi des départements forts, avec au-dessus des régions qui s’occuperaient de la prospective, de la réflexion ; cela pourrait se concevoir.
Cependant, quelle que soit la solution retenue, la décision doit être prise dans la clarté et dans la démocratie. Or il n’est pas démocratique qu’une majorité qui n’a rien fait depuis deux ans qu’elle est au pouvoir décide soudainement qu’il est urgent de faire quelque chose. S’il y avait vraiment urgence, il fallait agir tout de suite après les élections présidentielle et législatives. Le problème n’est tout de même pas apparu comme un coup de fusil… On a l’impression que le pouvoir veut faire n’importe quoi n’importe comment, à la va-vite, à la hâte, parce que les électeurs l’ont massivement désavoué.
Je soutiens totalement la logique de la motion référendaire. Il vaudrait mieux discuter paisiblement, se donner quelques mois pour réfléchir à ce qu’il fallait faire, sans se contenter de l’avis des présidents de conseil régional. En effet, les uns ne veulent qu’une chose, c’est que la nouvelle configuration géographique préserve leurs chances d’être réélus présidents, tandis que les autres, qui savent qu’ils ont fort peu de chances d’être réélus présidents, ont pour principal souci de faire plaisir au pouvoir en place, qu’ils ont soutenu.
Pour toutes ces raisons, je voterai la motion référendaire, dont l’adoption nous permettrait de réfléchir davantage.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Je ne parlerai pas du fond, puisque beaucoup de choses ont été dites et que nous aurons vraisemblablement deux ou trois jours pour en débattre. Je souhaite réagir, monsieur le ministre, à la forme de votre réponse aux différentes interventions, car un certain nombre de points m’ont choqué.
Tout d'abord, vous avez fait un effet de séance intéressant en montrant la une d’un magazine. Si je vous montrais demain les unes de tous les magazines qui évoquent la majorité et le Président de la République, nous y passerions beaucoup de temps… En outre, c’est la une du Parisien que vous nous avez présentée. Je dois vous dire que ce journal n’est pas forcément la tasse de thé de la plupart des sénateurs de province : ces derniers ont d’autres soucis que les petites histoires parisiennes, qui les intéressent relativement peu.
J’en profite pour vous faire remarquer que Mme le maire de Paris – cette ville est également département et la proximité des habitants des deux entités est indéniable – a déclaré qu’elle tenait à son département. Vous le voyez, on a parfois quelques surprises…
Le deuxième point qui m’a choqué, monsieur le ministre, c’est que vous ayez rappelé qu’Édouard Balladur avait dit en 2009 qu’il était temps d’agir. Je vous rappelle pour ma part que, dès 2010, nous avons voté la création du conseiller territorial. Nous avons passé du temps à en débattre. Cette réforme représentait vraiment une révolution. La preuve, c’est que vous l’avez sans cesse évoquée sur le terrain pour essayer de nous combattre, soutenant qu’il était scandaleux de supprimer la clause de compétence générale des départements et des régions ; vous l’avez d'ailleurs rétablie.
Le troisième point qui me choque, c’est la citation à tort et à travers du rapport Krattinger-Raffarin. Il faudrait le lire avant de le citer ! Le Premier ministre l’a cité dans cette enceinte le 6 ou le 7 avril dernier, puis à la télévision et à la radio à plusieurs reprises. Or on voit bien qu’il ne l’a pas lu. En effet, à chaque fois, il parle uniquement des régions, sans mentionner les départements. Monsieur le ministre, je regrette que vous n’ayez pas participé aux travaux de la commission spéciale, car Yves Krattinger a dit hier ce qu’il pensait de la manière dont la majorité et le Gouvernement utilisaient son rapport.
Le dernier point qui m’a choqué concerne la liberté du Sénat. Vous avez quelque peu – je relirai vos propos – brocardé le Sénat, en reprochant aux sénateurs de recourir à un certain nombre de moyens pour essayer de gagner du temps, de faire traîner les débats. Non, nous utilisons simplement les moyens que la Constitution et le règlement du Sénat nous donnent. Nous n’allons pas au-delà. Si l’on ne nous permet pas, à nous sénateurs, d’utiliser les dispositions du règlement de la Haute Assemblée et de la Constitution, il faut nous le dire tout de suite, car cela signifierait que nous n’aurions plus beaucoup d’utilité. On n’aurait plus besoin de règlement, ni de Constitution, ni de Sénat. Peut-être est-ce là que l’on veut en venir ; peut-être est-ce l’échelon supplémentaire que le Président de la République veut gravir.
M. Jean Desessard. On attend que le Sénat passe à droite !
M. Éric Doligé. Je suis choqué que l’on conteste la liberté du Sénat d’intervenir comme il le souhaite. Quelqu’un a rappelé tout à l'heure que l’actuel président du Sénat, Jean-Pierre Bel, avait soutenu une motion référendaire lorsqu’il était simple sénateur. Manuel Valls n’hésitait pas davantage à utiliser les règles de procédure en vigueur à l’Assemblée nationale lorsqu’il était député. On ne peut donc pas nous reprocher de vouloir aller jusqu’au bout du débat !
Monsieur le ministre, j’espère que demain nous n’en resterons pas à la forme et que nous débattrons du fond de la réforme territoriale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique de la motion de renvoi au référendum.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 206 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 309 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 134 |
La motion est adoptée.
En conséquence, la discussion du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral est suspendue.
Je transmets sans délai cette motion au président de l’Assemblée nationale qui m’a indiqué que nos collègues députés l’examineront ce soir, à vingt et une heures trente.
Si cette motion est rejetée, la discussion du projet de loi reprendra au Sénat demain, à partir de seize heures quinze.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale chargée de l’examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Puisque l’examen du texte ne devrait reprendre qu’à seize heures quinze, j’indique d’ores et déjà que la commission spéciale se réunira demain matin, à neuf heures, pour examiner les amendements qui ont été déposés.
9
Nomination d’un membre d’une commission
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Didier Robert, membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Jacqueline Farreyrol, démissionnaire de son mandat de sénatrice.
10
Nomination de membres d’un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des finances et la commission des lois ont proposé quatre candidatures pour le Conseil national d’évaluation des normes.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Éric Doligé et Jean-Pierre Sueur comme membres titulaires, ainsi que M. Yannick Botrel et Mme Jacqueline Gourault comme membres suppléants du Conseil national d’évaluation des normes.
11
Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre Michel, Mmes Catherine Tasca, Cécile Cukierman, MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-René Lecerf et Yves Détraigne ;
Suppléants : Mme Esther Benbassa, MM. Vincent Capo-Canellas, Patrice Gélard, Philippe Kaltenbach, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi et Mme Catherine Troendlé.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
12
Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de deux projets de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen :
- du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer dans le droit interne le respect des principes du code mondial antidopage, déposé aujourd’hui sur le bureau du Sénat ;
- et du projet de loi autorisant la ratification de l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part, déposé aujourd’hui sur le bureau de l’Assemblée nationale.
13
Dépôt d'un rapport
M. le président. J’ai reçu le rapport sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales.
14
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 3 juillet 2014 :
À quinze heures :
1. Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir :
2. Prise d’acte de la décision de l’Assemblée nationale sur la motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
3. En cas de rejet de la motion par l’Assemblée nationale, projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (n° 635, 2013-2014) ;
Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission spéciale (n° 658, 2013-2014) ;
Résultat des travaux de la commission spéciale (n° 659, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART