M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen d’un projet de loi dont nous réclamions l’inscription à l’ordre du jour depuis plusieurs années.
Le conseil des ministres a adopté ce projet de loi le 11 décembre 2013, l’Assemblée nationale s’est prononcée le 10 février dernier en première lecture, puis le Sénat le 26 mai. Le Gouvernement a ensuite décidé de convoquer une commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 4 juin.
Dans un climat tout à fait consensuel, la commission mixte paritaire a abouti à un texte qui reprend de facto la rédaction du Sénat, puisque les dix modifications apportées sont, assez largement, d’ordre rédactionnel. Un seul sujet a véritablement fait l’objet de discussions - la politique d’évaluation - et, sur ce point également, c’est le texte du Sénat qui a prévalu.
La commission mixte paritaire a ainsi reconnu le très important travail que notre assemblée a collectivement réalisé sur ce texte. Je crois que nous pouvons nous en féliciter et ne pas bouder notre plaisir de voir le travail sénatorial ainsi reconnu.
C’est d’autant plus vrai que le Sénat avait sensiblement – pour ne pas dire profondément – modifié le texte tel qu’il nous avait été transmis par l’Assemblée nationale. En effet, 79 amendements avaient été adoptés en commission et 39 en séance publique. Ces chiffres illustrent notre volonté d’améliorer la qualité du texte, d’une part, en simplifiant et clarifiant sa rédaction, d’autre part, en l’enrichissant des dispositions normatives qui lui faisaient défaut.
Quelles sont les principales modifications adoptées par le Sénat et finalement approuvées par la commission mixte paritaire ?
Une première série de modifications visait à simplifier, clarifier ou conforter les dispositions du projet de loi.
Nous avons ainsi ajouté la composante culturelle du développement durable dans la mise en œuvre de la politique de développement.
Nous avons privilégié la notion de « responsabilité sociétale », pour élargir explicitement aux questions de droits de l’homme et de gouvernance la responsabilité sociale et environnementale.
Sur cette question, nous avons aussi clarifié les missions de l’Agence française de développement, l’AFD, en lui fixant des objectifs qu’elle est capable d’atteindre en toute légitimité vis-à-vis de nos partenaires étrangers.
Nous avons également demandé au Gouvernement de conduire une politique d’influence dans les enceintes internationales pour promouvoir le droit français en matière de transparence et de responsabilité.
Par ailleurs, nous avons souligné que l’action humanitaire était partie prenante de la politique de développement.
Nous avons tenté de mieux formaliser le pilotage de cette politique, notamment en ce qui concerne la nécessaire coordination entre les ministères et l’actualisation dans le temps de ses orientations.
Nous avons affirmé et reconnu le rôle et la complémentarité de l’ensemble des acteurs impliqués, notamment les collectivités territoriales, la société civile et les entreprises, et avons inscrit dans le texte l’existence du nouveau Conseil national du développement et de la solidarité internationale.
Nous avons estimé que le rapport rendu par le Gouvernement au Parlement tous les deux ans sur la politique de développement devait être enrichi, tout en fondant en un seul, par souci de simplification, les deux exercices initialement prévus.
Dans le rapport annexé au projet de loi, nous avons mis en avant, sur proposition des sénateurs écologistes, en particulier Leila Aïchi, la situation des pays en grande difficulté climatique.
Nous avons autorisé l’AFD à financer des projets de recherche dans le domaine des semences génétiquement modifiées.
Nous avons insisté sur la nécessité de mettre en place une approche globale et coordonnée pour les pays du Sahel.
Nous avons aussi affirmé le principe de la cohérence entre la politique de développement et la place des outre-mer dans leur environnement régional, ainsi que l’intérêt de s’appuyer sur les collectivités ultramarines pour bénéficier de leur expertise.
Toutefois, si l’idée générale est tout à fait intéressante, je souligne une difficulté, puisque cet alinéa du texte prévoit que les porteurs de projets devront informer la « collectivité ultramarine concernée », sans pour autant mentionner laquelle, ce qui peut poser des problèmes concrets de mise en œuvre du principe.
Enfin, nous avons affirmé la nécessité de réduire la fragmentation de l’aide internationale et de rationaliser le paysage multilatéral.
Avant de conclure, je tiens à rappeler que le projet de loi a été précédé d’une concertation exemplaire. Il permet ainsi de disposer d’un cadre législatif d’intervention de notre politique de développement. C’est pourquoi nous l’avions pleinement soutenu en première lecture, tant en commission qu’en séance publique.
Au terme de cette brève intervention, je laisse la parole à mon complice corapporteur, Christian Cambon, qui traitera du plus important, à savoir le renforcement du caractère normatif du texte, et ce notamment dans quatre domaines : la création d’un fonds multibailleurs, le transfert des fonds des diasporas, l’expertise internationale et l’évaluation. Il était, selon nous, nécessaire de rendre le texte véritablement efficace, alors qu’il se limitait à l’origine à un catalogue de bonnes intentions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon, corapporteur.
M. Christian Cambon, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà du premier objectif de simplification et de clarification, dont Jean-Claude Peyronnet vient de décrire les principaux éléments, nous avons surtout voulu, en tant que corapporteurs, renforcer le caractère normatif du projet de loi.
Le Sénat a ainsi adopté quatre mesures particulièrement structurantes.
Tout d’abord, sur l’initiative du Gouvernement, nous avons autorisé l’AFD à gérer des fonds multibailleurs et à déléguer certains crédits à ce type de fonds, lorsque le besoin s’en fait sentir.
Ces fonds sont un outil essentiel pour concentrer l’aide internationale et mieux la coordonner. Ils sont particulièrement opportuns dans les pays en crise, comme le Mali ou la Centrafrique.
Monsieur le secrétaire d’État, l’AFD nous a indiqué que, seule la Centrafrique, avec le projet de « fonds Bêkou » était concernée pour le moment. Il nous semble que nous devons aller plus loin dans la réflexion avec les principaux financeurs internationaux pour mettre plus largement en œuvre l’outil de ces fonds multibailleurs.
Ensuite, nous avons souhaité faciliter le transfert de fonds des migrants, en autorisant les banques des pays en développement à commercialiser en France des produits permettant de financer des projets dans leur pays d’origine.
Par ailleurs, sur l’initiative de notre excellent collègue Jacques Berthou, qui a travaillé de longues années sur ce sujet, et avec notre entier soutien, nous avons adopté une réforme profonde et ambitieuse du dispositif français d’expertise technique.
Nous avons en effet prévu de fusionner six organismes, et ce dès le 1er janvier 2015, avant une fusion plus large, au 1er janvier 2016. Depuis vingt ans en effet, tous les rapports font le constat d’un éclatement du dispositif français, qui n’est plus adapté pour répondre aux appels d’offres internationaux, car ceux-ci présentent de plus en plus des dimensions pluridisciplinaires. Or, si elle veut mettre en œuvre une diplomatie d’influence, la France doit absolument être présente, avec les meilleures chances de succès possible, pour répondre à la demande internationale d’expertise technique.
Pour autant, nous n’avons pas souhaité créer un organe bureaucratique et centralisé. La nouvelle agence doit être prise comme un holding faisant appel aux ressources humaines là où elles sont présentes, dans le public comme dans le privé. Elle doit représenter la France au niveau international, et non étouffer les métiers qui font justement la richesse et la valeur ajoutée de notre pays.
Comme je viens de l’indiquer, cette réforme est ambitieuse, en particulier en termes de calendrier, puisqu’une première fusion doit avoir lieu dans six mois et concerner six organismes... Dans ces conditions, nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement quant à la mise en œuvre de la réforme. Quand désignerez-vous le délégué interministériel qui doit préfigurer la nouvelle agence, monsieur le secrétaire d’État ?
Concernant l’action extérieure des collectivités locales, nous avons adopté quatre mesures.
D’abord, nous avons voulu rendre facultatives les conventions avec les collectivités locales étrangères, pour ne pas entraver la coopération, notamment en matière humanitaire.
Ensuite, nous avons étendu la loi dite « Oudin - Santini » au secteur des déchets ménagers, qui constitue à la fois un domaine d’expertise de nos collectivités, mais aussi et surtout un enjeu essentiel pour la plupart des pays partenaires, qui font face à une prolifération dramatique de ces déchets.
Par ailleurs, nous avons inscrit une obligation de déclaration par les collectivités des actions qu’elles mènent à l’international. Il ne s’agit aucunement de limiter leur libre administration, mais plutôt de faire en sorte que chaque porteur de projet puisse disposer d’un état des lieux aussi exhaustif que possible, pour éviter les doublons et favoriser les coopérations entre acteurs français.
Enfin, nous avons demandé aux collectivités locales et au Gouvernement de mener des campagnes de sensibilisation dans les écoles, les collèges et les lycées, tant il nous semble important que, sur cette thématique de la coopération et du développement, l’opinion publique soit mieux informée des efforts que la France accomplit.
Tel est, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’essentiel des modifications apportées par le Sénat au projet de loi, puis finalement approuvées par la CMP.
Mais nous ne serions pas complets si nous n’évoquions pas la question de l’évaluation de la politique de développement, sujet qui a concentré – ô combien ! – l’essentiel des débats de la CMP.
Le Sénat a d’abord demandé que les évaluations prennent en compte les retours d’expérience des bénéficiaires de l’aide. Nous avons aussi affirmé que l’évaluation pouvait s’appuyer sur des indicateurs de résultats, qui ont une vertu pédagogique, mais qu’elle devait avant tout se fonder sur des appréciations plus qualitatives.
Ces deux points n’ont du reste pas posé de difficulté durant la CMP, contrairement à la question de l’organisation et à celle du pilotage de l’évaluation.
Le projet de loi initial ne prévoyait quasiment aucune évolution sur ce sujet, alors que l’éclatement de notre dispositif entre l’AFD, le ministère de l’économie et le ministère des affaires étrangères est souvent critiqué, et non pas seulement par les rapporteurs qui se succèdent à cette tribune depuis de nombreuses années. Il fallait, à notre sens, avancer et proposer, comme pour l’expertise, une réforme ambitieuse. C’est pourquoi le Sénat a prévu de fusionner les trois services d’évaluation existant aujourd’hui au sein d’un observatoire unique et indépendant des services qui mettent effectivement en œuvre la politique de développement.
Nous avions donc deux objectifs complémentaires : d’une part, mutualiser les moyens et rationaliser le programme d’évaluation ; d’autre part, séparer, selon la traditionnelle règle des finances publiques, l’ordonnateur du comptable, pour reprendre une analogie financière.
Ces deux objectifs ont été pleinement validés par la CMP, qui a même enrichi les travaux du Sénat, en fixant précisément la composition du futur observatoire chargé d’évaluer la politique de développement. Il sera ainsi composé de onze membres indépendants, dont deux députés et deux sénateurs désignés de manière à assurer une représentation pluraliste, et il sera présidé alternativement par un député et par un sénateur.
L’affirmation de ce principe d’indépendance de l’évaluation ne doit pas rester lettre morte. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement sur le texte de la CMP, ce dont nous nous réjouissons, et, même si nous connaissons vos réticences sur cette question de l’évaluation, le projet de loi deviendra, dans les prochains jours, une loi de la République. Dans ces conditions, nous aimerions connaître le calendrier de mise en œuvre par le Gouvernement d’une réforme qui repose à la fois sur la création d’un observatoire indépendant et sur le regroupement des services concernés.
En conclusion, la commission mixte paritaire demande au Sénat de bien vouloir approuver le texte résultant de ses travaux, ce qui ne peut constituer qu’un exercice de cohérence avec le vote de première lecture, puisque les deux textes se ressemblent à s’y méprendre, comme l’indiquait à l’instant Jean-Claude Peyronnet, avec, et j’en suis particulièrement fier, la forte présence des améliorations que notre assemblée a apportées au texte. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de me retrouver parmi vous pour la présentation du texte définitif du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Je vous prie d’excuser ma collègue Annick Girardin, secrétaire d’État au développement et à la francophonie, qui ne peut malheureusement être présente aujourd’hui.
C’est la première fois depuis le début de la Ve République qu’un projet de loi sur le développement est présenté au Parlement, un domaine resté jusqu’ici l’apanage de l’exécutif. Ce texte marque donc un progrès démocratique important.
Voulu par le Président de la République dès le printemps 2013, lors des Assises du développement, il a été élaboré par Pascal Canfin, puis porté par Annick Girardin, avec le soutien constant de Laurent Fabius.
Ce projet de loi constitue une première étape dans la rénovation d’une politique de développement fondée sur la cohérence, l’efficacité et la transparence.
Cette rénovation, que votre assemblée a, comme le Gouvernement, souhaitée, vise à la fois un rôle renforcé du Parlement et des acteurs du développement – ONG, collectivités, entreprises – ; des objectifs clairs de la politique de développement, en particulier la promotion des droits de l’homme, la lutte contre la pauvreté et le changement climatique ; des cibles géographiques différenciées pour plus d’efficacité ; enfin, la création d’indicateurs de résultats annuels pour renforcer la visibilité des initiatives françaises et en mesurer l’efficacité et l’impact par l’évaluation.
Avec notre débat d’aujourd'hui, la procédure législative arrive donc à son terme.
Les 10 février et 26 mai derniers, l’Assemblée nationale et le Sénat ont respectivement adopté le projet de loi.
Après une réunion de la commission mixte paritaire le 4 juin, vous avez abouti à un accord.
Jeudi dernier, les députés ont adopté ce texte à une quasi-unanimité, avec une abstention.
Je tiens, au nom du Gouvernement, à saluer l’esprit constructif qui a présidé à ces débats. Avec Annick Girardin, je tiens tout particulièrement à remercier la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et plus particulièrement les deux rapporteurs, Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, ainsi que le président Jean-Louis Carrère. Je remercie également la commission du développement durable, en particulier Ronan Dantec et Raymond Vall. Il est en effet essentiel que cette politique, au cœur de l’identité et du rayonnement de notre pays dans le monde, puisse bénéficier d’un large soutien politique et dépasser les clivages partisans.
Dans cet esprit, l’examen approfondi que vous avez mené a permis d’enrichir ce texte aussi bien sur le fond que dans la forme, et les rapporteurs du Sénat ne sont effectivement pas étrangers à ce résultat.
Au-delà, le texte proposé résulte également d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs de la solidarité internationale : les ONG, du Nord comme du Sud, les entreprises, les syndicats, les universitaires, de nombreux élus locaux. Le Gouvernement les remercie de leur implication.
Permettez-moi de revenir sur les grandes lignes de ce projet de loi, tout en soulignant les apports du Parlement, en particulier ceux du Sénat.
Avec cette loi, la France se dotera d’un cadre d’action rénové et moderne dans le domaine du développement, en apportant des réponses aux enjeux du XXIe siècle et en promouvant un développement durable et solidaire, notamment dans le cadre des négociations de l’agenda post–2015.
Ce projet de loi répond à la mobilisation d’un nombre croissant d’acteurs non étatiques. Vous avez d’ailleurs souhaité qu’un article spécifique leur soit consacré pour valoriser leur action. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale jouera un rôle majeur pour permettre une consultation régulière entre les divers acteurs du développement.
Ce projet de loi donne également plus de place aux collectivités territoriales en reconnaissant leurs « actions extérieures ». Le rôle de coordination de la Commission nationale de la coopération décentralisée sera renforcé et, sur l’initiative de MM. Peyronnet et Cambon, la loi Oudin-Santini sera étendue aux déchets. Ainsi, comme pour l’eau, les collectivités pourront, si elles le souhaitent, dédier 1 % du produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères à leurs actions extérieures. C’est une mesure normative importante.
Votre Haute Assemblée a de même introduit une plus grande reconnaissance du rôle des collectivités d’outre-mer. Désormais, elles devront être informées des projets menés dans leur environnement régional. Notre politique de développement doit pouvoir en effet s’appuyer sur leur savoir-faire et sur leurs réseaux.
Ce projet de loi institue également plus de cohérence entre les politiques publiques qui ont des effets sur les pays en développement.
Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, qui rassemble tous les ministères concernés par la politique de développement, devra veiller à la cohérence de l’ensemble des politiques nationales. Pour renforcer cette cohérence, vous avez souhaité rationaliser l’expertise technique internationale, notamment grâce au regroupement des expertises aujourd’hui éparpillées dans plusieurs ministères.
Ce texte apporte aussi des réponses à la question de l’indispensable accroissement de la transparence.
C’est le cas au travers de son élaboration, réalisée dans la concertation, mais aussi par la mise en place d’une grille de trente indicateurs de résultats de l’action de la France, ainsi que par l’obligation de remettre au Parlement un rapport faisant la synthèse de la politique de développement tous les deux ans.
Le projet de loi prévoit également une évaluation indépendante de cette politique, vous y avez insisté. Sachez d’ailleurs que la présentation sur internet de tous les projets d’aide au développement de la France au Mali sera, d’ici à quelques mois, généralisée à l’ensemble des seize pays prioritaires.
Depuis de nombreuses années, vous interpelliez le Gouvernement sur le saupoudrage de l’aide. C’est pourquoi la France concentrera ses efforts en intervenant prioritairement dans seize pays et dans un nombre limité de secteurs définis conjointement avec le pays partenaire, en fonction de ses besoins.
Vous avez également souhaité préciser l’attention particulière portée par la France à la région du Sahel.
Le renforcement des partenariats différenciés permettra une meilleure prise en compte de la diversité des pays.
L’intervention dans les pays à revenu intermédiaire se concentrera avant tout sur la préservation des biens publics mondiaux, tout en veillant à un meilleur partage des richesses et à la lutte contre la corruption, qui est un obstacle majeur au développement.
Pour les pays en crise, il est désormais précisé, à votre demande, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’action de la France se fasse selon une logique de continuum entre urgence, reconstruction et développement.
L’AFD pourra également porter des fonds multibailleurs, traduisant ainsi la mobilisation de la communauté internationale autour de thèmes prioritaires qui nous sont chers.
Ce dispositif est aussi une avancée normative portée par le Sénat.
Vous le savez, quatre domaines sont prioritaires dans la politique française de développement : premièrement, la promotion de la paix, de la stabilité, des droits de l’homme et de l’égalité entre les femmes et les hommes ; deuxièmement, l’équité, la justice sociale et le développement humain ; troisièmement, le développement économique durable et riche en emplois ; quatrièmement, la préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux.
Nous avons aussi deux priorités transversales : le genre et le climat. Il semblait utile que, pour une première loi sur le développement, ces thèmes soient précisés et formulés avec rigueur.
Enfin, je voudrais évoquer le financement.
Certains ont pu regretter l’absence de programmation budgétaire. Je le rappelle, les lois de programmation ne doivent pas nécessairement comporter des éléments budgétaires. Dans le contexte actuel, il est apparu plus judicieux de s’appuyer sur les moyens inscrits dans les lois de finances, dans le cadre triennal, auxquels le texte soumis aujourd’hui à votre vote apporte un mode d’emploi.
Toutefois – c'est là une avancée notable –, sur l’initiative du Parlement, l’objectif international de 0,7 % du revenu national brut dédié à l’aide publique au développement a été repris. C'est absolument essentiel.
Comme l’a rappelé le Président de la République, la France reprendra une trajectoire ascendante vers ses engagements internationaux dès que la situation économique le permettra.
Mais nous devons encourager d’autres sources de financement. La France joue un rôle leader dans le domaine des financements innovants et, depuis 2012, une partie de la taxe sur les transactions financières est affectée au développement.
Le financement du développement passe aussi par la mobilisation des ressources nationales.
Notre pays soutient la lutte contre l’opacité financière et les flux illicites de capitaux. Les diasporas contribuent également au financement du développement et, encore une fois sur votre initiative, ces transferts d’argent seront facilités, pour éviter qu’une grande partie ne soit captée par des commissions bancaires exorbitantes. C’est un élément normatif qu’il ne faut pas négliger.
Enfin, il est crucial d’amener les entreprises à être plus responsables et à transformer le développement économique en progrès social. Ainsi, le texte rappelle que la France promeut le renforcement des critères de la responsabilité « sociétale » des entreprises, pour reprendre ce terme qui recouvre tout à la fois la responsabilité sociale et la responsabilité environnementale, auprès des pays partenaires et des autres bailleurs de fonds.
Il souligne la volonté de la France d’encourager les sociétés françaises à mettre en œuvre les principes directeurs de l’OCDE et ceux qui ont été adoptés par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Les entreprises doivent donc mettre en place des procédures de gestion des risques pour identifier, prévenir, empêcher et atténuer les dommages sur l’environnement et les atteintes aux droits de l’homme.
Grâce au Sénat, la possibilité existe désormais de soutenir les initiatives des entreprises dans les pays en développement dont la mission explicite est d’avoir un impact social ou environnemental.
Les entreprises se mobilisent de plus en plus pour le développement : nous devons innover pour les encourager et les accompagner dans cette démarche.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à votre approbation permet, dans toutes ses dimensions, de rendre notre politique de développement plus efficace, plus cohérente et plus transparente.
Cependant, gardons-nous d’oublier l’essentiel : notre soutien aux populations qui en ont le plus besoin. Pour être la plus utile possible auprès des pays que nous aidons, la France se devait de mettre de l’ordre dans sa politique de développement, de réaffirmer ses objectifs, d’identifier des priorités et de rationaliser certains dispositifs.
C’est ce que prévoit ce projet de loi.
Le Parlement a joué tout son rôle et, au nom du gouvernement de Manuel Valls, je vous en suis particulièrement reconnaissant. Car, à l’heure où la tentation du repli sur soi ne cesse de monter et où les égoïsmes nationaux peuvent parfois s’exprimer, il est indispensable que la Haute Assemblée réaffirme le rôle international de la France et sa solidarité dans un monde bien troublé.
Cette solidarité a construit notre République et contribué au rayonnement de notre pays : elle fait sa grandeur et sa fierté. Cette solidarité peut recueillir un large consensus dans cet hémicycle, à droite comme à gauche, parce qu’elle est universelle et qu’elle contribue à bâtir un monde où il fait mieux vivre, un monde plus humain. Voilà le message que la France veut porter aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen d’un projet de loi fondateur pour l’aide publique au développement.
Ce texte, bien que faiblement normatif – cela a été dit et ce sera répété –, consacrera dans notre droit la politique de solidarité internationale de la France. Il permet également, et nous sommes nombreux à l’avoir souligné, d’associer le Parlement à la définition du cadre général de l’aide publique au développement.
C’est une première très opportune, car ce sont près de 7 milliards d’euros qui sont engagés chaque année par l’État à ce titre. Ce projet de loi répond donc ainsi, monsieur le secrétaire d’État, à une exigence démocratique, celle du contrôle des dépenses publiques. J’y suis naturellement sensible en tant que rapporteur spécial du budget de l’aide publique au développement.
Le texte contient, bien sûr, de nombreuses autres avancées. Au-delà des grands principes et des enjeux majeurs de l’aide publique au développement, rappelés à l’article 1er et au sein du rapport annexé à l’article 2, plusieurs dispositifs adoptés permettront de mieux garantir l’efficacité et la transparence de l’aide publique au développement.
Je pense, notamment, à la logique de partenariats différenciés, qui aboutira à la concentration géographique mais aussi sectorielle tant attendue, et si nécessaire pour répondre à la fragmentation de l’aide. C’était une recommandation forte de la Cour des comptes, et je me réjouis qu’elle ait été entendue.
Le système actuel d’évaluation des politiques d’aide au développement est également critiqué pour sa dispersion et son manque d’indépendance. La commission des affaires étrangères du Sénat a fait preuve d’audace, et nous l’avons majoritairement suivie, en proposant le détachement du nouveau service d’évaluation des trois donneurs d’ordre principaux. La commission mixte paritaire a beaucoup discuté des nouvelles dispositions introduites à l’article 4 bis et dans le rapport annexé, en particulier en raison du statut juridique de l’AFD, mais la rédaction commune finalement adoptée devrait répondre aux attentes.
Les députés se sont également rangés à la volonté du Sénat de regrouper les divers organismes chargés de l’expertise internationale pour répondre, là encore, au problème de l’éclatement, source de gaspillages et de doublons inutiles. Je rejoins complètement, pour ma part, ce projet de mutualisation, qui rapprochera d’ailleurs notre dispositif de celui que connaissent plusieurs pays européens.
Concernant les autres grandes mesures du texte, je me félicite de l’accord presque parfait trouvé par la commission mixte paritaire.
Le texte final conserve ainsi les apports nets du Sénat, ce dont nous nous réjouissons, s’agissant notamment de la possibilité donnée à l’AFD de gérer des fonds multibailleurs, l’encouragement au migrant banking ou encore l’extension au secteur des déchets de la loi dite « Oudin-Santini ».
La commission mixte paritaire a conservé la notion de « responsabilité sociétale », voulue par les sénateurs en remplacement de celle de « responsabilité sociale et environnementale », un dispositif essentiel que l’Assemblée nationale avait d’ailleurs largement complété. Tous bouleversés par le drame du Rana Plaza, au Bangladesh, nous sommes nombreux à avoir manifesté un grand intérêt pour ce principe, qui doit, en effet, être au cœur de la politique de développement.
Nos collègues députés ont insisté pour que soient visés les acteurs publics et privés. Je partage ce souci, car, si les entreprises ne contribuent pas suffisamment au progrès social, il n’empêche qu’elles sont devenues le premier moteur du développement.
À cet égard, je rappellerai que le rapport sur les perspectives économiques en Afrique commandé par la Banque africaine, l’OCDE et le PNUD, publié le mois dernier, indique que les investissements directs étrangers seraient de l’ordre de 80 milliards de dollars cette année. Ces IDE devanceraient désormais les transferts monétaires officiels des migrants, estimés à 67,1 milliards de dollars, et l’aide publique au développement, qui est actuellement de 55,2 milliards de dollars. La question de la RSE, la responsabilité sociétale des entreprises, est donc très prégnante.
Enfin, mes chers collègues, les membres du RDSE sont satisfaits du sort réservé à plusieurs de leurs amendements, ces dispositions ayant été maintenues dans le texte de la commission mixte paritaire. Je pense, par exemple, à celui qui vise à soutenir les organisations procédant à des investissements dans des entreprises ou des projets de pays en développement avec la mission explicite d’avoir un impact sociétal. Je rappellerai aussi ceux qui avaient reçu l’avis éclairé du Gouvernement sur la prise en compte, dans la définition des politiques de développement concernant les outre-mer, de leur environnement régional.
Mes chers collègues, le RDSE a apporté son soutien au projet de loi en première lecture, un soutien largement partagé sur l’ensemble des travées. C’est donc sans surprise, et sans états d’âme, que nous l’approuverons aussi dans sa rédaction issue de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi.