M. Jean Desessard. Oui !
M. Hervé Marseille. Ce nombre important résulte des conditions initialement mises en place. En effet, depuis 1971, on considère que le jeu de marché suffirait à réguler l’offre de formation. Aussi, une simple déclaration, un simple enregistrement suffirait. Cette théorie ne résiste pas à l’épreuve des faits, comme l’ont démontré les différents rapports. Par ailleurs, la répartition de l’offre de formation n’est pas équitable, puisque 1 % des organismes prestataires cumulent 44 % du chiffre d’affaires.
D’autre part, la qualité des formations pose problème. Les services de l’État ont pu identifier des situations de conflit d’intérêts entre les organismes prestataires et les financeurs, dont les chefs d’entreprise. Cette dérive de la formation professionnelle résulte du manque de régulation provenant d’un encadrement juridique trop approximatif. De surcroît, aucune certification n’a réellement été mise en place, et les systèmes de labellisation ou de certification pullulent.
L’amendement présenté par le groupe UDI-UC avait été adopté, mais il a été supprimé par la commission mixte paritaire, laquelle a argué du fait que l’un des articles du texte, l’article 3 bis A, mettait en place un contrôle des organismes de formation. Nous estimons que cette disposition est insuffisante.
En effet, cet article a une portée beaucoup plus réduite que le dispositif prévu dans notre amendement, et nous le regrettons. Ce dernier aurait eu pour conséquence de supprimer les formations que j’évoquais à l’instant ; nous aurions pu également améliorer la qualité de l’offre de formation. Cela aurait constitué une première étape, en vue de mettre l’offre davantage en adéquation avec les besoins.
Par ailleurs, il est important de sortir de la logique des années passées qui laissait la formation professionnelle à la seule initiative des partenaires sociaux. À l’époque, le chômage constituait un phénomène plutôt marginal. Aujourd’hui, son taux est tel que la question de la formation professionnelle relève de l’intérêt général et, donc, du législateur.
Le constat que nous faisons de la déficience du système est corroboré par les travaux de l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, dans lesquels elle précise que la formation professionnelle ne bénéficie pas à ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les personnes sans qualification ou les moins qualifiées, ainsi que les demandeurs d’emploi. Le texte que nous avons examiné en début d’année ne concernait ces publics que de façon tout à fait marginale.
Le compte personnel de formation ne bénéficiera que très partiellement aux publics qui en ont le plus besoin. Pour avoir un véritable effet sur ces personnes, la réforme aurait dû prévoir l’abondement du compte personnel de formation de manière inversement proportionnelle au niveau de qualification initiale des personnes. Il aurait même fallu le surabonder pour les personnes en situation de chômage de longue durée. De même, il aurait fallu quasiment doubler les crédits octroyés au congé individuel de formation, qui est identifié dans de nombreux rapports comme le système le plus efficace pour les demandeurs d’emploi.
C'est pourquoi nous avions déposé une série d’amendements issus du rapport de l’IGAS, mais ils n’ont malheureusement pas été adoptés.
La gouvernance de la formation professionnelle pose également problème.
À l’occasion des débats de février dernier, notre collègue Chantal Jouanno avait attiré l’attention du Gouvernement sur ce point. En effet, nous sommes très attachés à la décentralisation et, en particulier, au principe de responsabilisation des régions. L’un de nos amendements avait été adopté : il visait à confier à la région la mission d’évaluer systématiquement l’efficacité des formations mises en œuvre par ses services sur la base d’une grille de critères nationaux harmonisés, grille définie par décret en Conseil d’État et destinée à effectuer une consolidation à l’échelon national des résultats régionaux.
Monsieur le ministre, au vu de l’actualité récente, nous aimerions connaître les réflexions que la nouvelle carte des régions vous inspire. Un nombre réduit de régions s’accompagnera-t-il d’une redistribution des compétences ? La gouvernance pleine et entière de la formation professionnelle pourrait-elle leur être attribuée, en s’appuyant, bien évidemment, sur les partenaires sociaux au moment de l’élaboration et de l’évaluation des plans et programmes de formation ? C’est, d’ailleurs, ce que vient de demander Jean-Noël Cardoux à l’instant.
Par ailleurs, une région aussi étendue et diverse que celle qui regrouperait les actuelles régions Centre, Poitou-Charentes et Limousin pourra-t-elle définir une stratégie de formation professionnelle cohérente ?
Je crains, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la réforme de la formation professionnelle n’ait pas permis de traiter en profondeur le problème de l’adéquation entre l’offre de formation et le besoin des demandeurs d’emploi, qui constitue pourtant le sujet central.
Nous aurions souhaité que l’on donne davantage de pouvoir et de faculté d’initiative au législateur sur ces différents sujets. Au sein de notre groupe, nous considérons la formation professionnelle comme une « seconde chance ». Or les enjeux essentiels résident aujourd’hui dans la correction des inégalités de formation, notamment de formation initiale, et dans la lutte contre le risque de relégation lié au chômage de masse et de longue durée. À nos yeux, le législateur doit bien sûr s’impliquer davantage. Ces questions ont été insuffisamment traitées, et nous le regrettons.
En conclusion, nous estimons que la réforme précédente n’est pas allée assez loin. Comme l’a dit Jean-Noël Cardoux, il serait peut-être opportun de profiter du débat sur la réforme territoriale et dans le cadre de la révision des délégations de compétence pour aller plus loin et apporter des modifications substantielles à ce texte relatif à la formation. La nouvelle carte des régions apportera de fortes modifications, et l’État devra lui aussi se modifier. L’examen des textes sur la réforme des collectivités territoriales, au mois de juillet ou d’octobre prochain, pourrait être l’occasion de revoir ces sujets et compléter le texte qui a été discuté en début d’année. (M. Jean-Noël Cardoux applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’échec patent de l’inversion de la courbe du chômage et au regard des prévisions économiques, tout nous porte à croire que la situation n’est pas prête de s’améliorer. Le taux de chômage, avec 9,7 %, atteint des proportions considérables. Toutes catégories confondues, la France métropolitaine compte aujourd’hui plus de 5 millions de demandeurs d’emploi.
Pour entrer dans le détail, les moins de vingt-cinq ans sont toujours les premières victimes du chômage, avec un taux de 23 %, malgré la mise en œuvre des emplois d’avenir et des contrats de génération. De l’autre côté du « marché du travail », qui s’apparente plus que jamais à une essoreuse, se trouvent les salariés de plus de cinquante ans. Mais, plus généralement, ce sont les plus précaires et les plus éloignés de l’emploi qui sont le plus touchés par le chômage.
Il faut d’ailleurs se demander pourquoi tant de contrats aidés à destination de ces publics jeunes ou précaires ne mènent pas à de l’emploi durable. Ces contrats précaires sont-ils suffisamment conditionnés à des exigences de formation ? C’est une question de fond, car les salariés les plus soumis aux aléas économiques et au chômage sont d’abord et avant tout les précaires.
Ces éléments me permettent une affirmation que nous serons certainement nombreux à formuler : le haut niveau de formation, initiale et continue, des salariés constitue le meilleur bouclier face au chômage. Soit il permet de ne pas subir une perte d’emploi, notamment en anticipant un certain nombre de mutations économiques, soit il facilite le retour à l’emploi des salariés qui en sont temporairement privés. Indiscutablement, la formation constitue un important levier contre le chômage.
Certes, comme l’indique l’intitulé de la question posée par notre collègue Jean Desessard, il y aurait un problème d’adéquation des formations des demandeurs d’emploi à leur recherche de travail ou aux emplois dits « en tension » – 400 000, dit-on, ne seraient pas pourvus. Cela est à vérifier, mais surtout à relativiser. Il faut également souligner la nature même de certains emplois, sous-payés, peu qualifiés et, donc, peu attractifs.
Par ailleurs, comme nous l’avions déjà dénoncé, le compte personnel de formation, qui se substitue au droit individuel à la formation, repose sur une même logique assurantielle selon laquelle les droits qui peuvent être cumulés par les salariés sont en rapport avec leur temps de travail effectif.
En clair, les salariés à temps partiel sont soumis à la règle dite du prorata temporis, selon laquelle un salarié qui travaille « à mi-temps » toute l’année accumule deux fois moins de droits à la formation qu’un salarié à temps complet. Pourtant, les salariés à contrats précaires sont précisément ceux qui risquent le plus facilement de basculer dans le chômage, et qui, par conséquent, auraient besoin de davantage de formation.
Cette règle de la proratisation des droits à la formation professionnelle contribue donc à éloigner les plus précaires de la formation professionnelle, alors même qu’ils en ont sans doute le plus besoin. Les chiffres pour l’année 2012 sont significatifs : 66 % des diplômés à bac+2 ont suivi au moins une formation dans l’année, contre 25 % des personnes sans diplôme. Ce sont les cadres qui accèdent le plus à la formation.
Quant aux salariés privés d’emplois, ils sont peu nombreux à accéder à la formation professionnelle, alors même qu’elle constitue pour eux une chance réelle de quitter la spirale du chômage.
Bien entendu, la création du compte personnel de formation et la transférabilité partielle des droits acquis durant la carrière professionnelle participent à renforcer les capacités d’accès des salariés privés d’emploi à la formation.
Mais les délais d’entrée dans une formation sont unanimement considérés comme trop longs : sept mois en moyenne. De tels délais contribuent à fragiliser l’entrée des salariés privés d’emploi dans une formation.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Dominique Watrin. Certains demandeurs d’emploi proches de l’expiration de leurs droits à indemnisation renoncent à s’engager dans un projet de formation qui ne serait plus indemnisé par Pôle emploi.
En réalité, la faiblesse des fonds dédiés à la formation professionnelle des salariés privés d’emploi, qui atteint 900 millions d’euros seulement – malgré une progression de 300 millions d’euros – ne devrait pas permettre d’inverser une situation où seulement 12 % des fonds de la formation professionnelle bénéficient aujourd’hui aux demandeurs d’emploi.
À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que, lorsque l’on interroge les salariés privés d’emploi sur les raisons de leur renoncement à la formation professionnelle, 20 % d’entre eux estiment que la première barrière est le coût de ces formations.
Par ailleurs, les salariés privés d’emploi les moins formés ou les plus éloignés de l’emploi souffrent d’un manque de prérequis, qui complique leur formation, pour ne pas dire l’accès à la formation elle-même.
D’après un rapport de l’IGAS, « la complexité du parcours d’entrée en formation est telle qu’elle opère d’ores et déjà une sélection en faveur des plus qualifiés. Lors de l’élaboration de son projet de formation, le demandeur d’emploi peut bénéficier de l’assistance du service public de l’emploi, qui n’a cependant pas toujours les ressources nécessaires pour le conseiller adéquatement ».
Se pose donc la question légitime de l’accompagnement des salariés privés d’emplois et singulièrement des moyens financiers et humains consacrés à cet accompagnement, qui font aujourd’hui cruellement défaut à Pôle emploi.
Tout cela me conduit, monsieur le ministre, à vous interroger sur les observations formulées par la Cour des comptes dans son rapport de 2013 consacré aux politiques en faveur du marché du travail. La Cour « déplore la détérioration du ciblage des dispositifs réservés aux demandeurs d’emploi depuis le début de la crise de 2008 ». Les sages de la rue Cambon mettent en évidence que les contrats aidés et les dispositifs de reclassement, tels les contrats de transition professionnelle, ne bénéficient pas aux moins qualifiés et que les bénéficiaires des contrats de professionnalisation sont déjà diplômés. En particulier, pour reprendre les termes du rapport, « le remplacement en 2011 des conventions de reclassement professionnel, les CRP, et des contrats de transition professionnelle, les CTP, par le contrat de sécurisation professionnelle, le CSP, […] ne s’accompagne que de progrès modestes en termes de ciblage. Ainsi, le nouveau contrat demeure limité aux licenciés économiques. » Ces observations conduisent la Cour à formuler le constat suivant : « Compte tenu de la diversité des formes de rupture de contrats liées aux mutations économiques, c’est donc toujours un statut juridique qui reste le critère d’accès au contrat de sécurisation professionnelle et non une appréciation de la distance à l’emploi des bénéficiaires. »
Souhaitant renforcer la logique du compte personnel de formation, nous soutenons au contraire, pour notre part, l’idée que la transférabilité des droits doit être totale, et ce quel que soit le mode de rupture du contrat de travail, y compris en cas de démission.
Par ailleurs, vous le savez, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC nourrissent avec d’autres, des syndicalistes ou des économistes, le projet de création d’une sécurité sociale professionnelle, qui agirait simultanément sur deux leviers : la sécurisation de l’emploi et le renforcement du droit effectif à la formation initiale et professionnelle.
Nous militons donc pour un renforcement sans précédent des fonds dédiés à la formation professionnelle, à l’inverse de ce qui est prévu dans la dernière loi relative à la formation professionnelle, qui a supprimé partiellement l’obligation légale de financement qui pesait jusqu’alors sur les employeurs.
Aussi, dans l’attente d’une nouvelle stratégie, nous soutenons l’idée qu’il faut encore grandement améliorer la portabilité des droits pour les demandeurs d’emploi, en permettant notamment à ceux qui le souhaitent et qui remplissent les conditions d’obtention, lors de la rupture de leur contrat de travail, d’un compte personnel de formation de mobiliser leurs droits pour financer une formation ou compléter le financement d’une formation. Une telle mesure, monsieur le ministre, aurait pu ou plutôt aurait dû figurer au sein de l’accord sur l’assurance chômage.
En conclusion, puisque tout le monde, à gauche comme à droite, s’accorde à dire que notre régime d’indemnisation du chômage a joué son rôle d’amortisseur social lors de la crise financière de 2008–2009, c’est bien une politique beaucoup plus volontariste qu’il faudrait mettre en œuvre pour promouvoir la formation des demandeurs d’emplois. Puisse ce débat, que nous devons à M. Desessard en particulier, aider le Gouvernement à s’engager dans cette voie. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Karine Claireaux.
Mme Karine Claireaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rappelons-nous que la formation professionnelle figure parmi les principes politiques, économiques et sociaux « particulièrement nécessaires à notre temps » énoncés par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Ce préalable, tout comme le contexte de crise et de mutation dans lequel nous nous trouvons, renforce l’importance et la pertinence de l’interrogation posée ici. Aussi, je tiens à remercier son auteur, notre collègue Jean Desessard, de son initiative.
Chacun le sait, depuis deux décennies, la mondialisation des échanges tout comme la contraction du temps et des distances ont métamorphosé notre économie. Ce bouleversement de paradigme a considérablement modifié l’environnement des entreprises et des salariés. Chaque partie, à la fois en lien et distinctement, doit faire face aux mutations économiques, technologiques, organisationnelles et sociétales. Ces changements, du fait de leur ampleur et de leur complexité, ont engendré des défis nouveaux à relever. Dans ce contexte, la formation professionnelle est mécaniquement devenue une dimension essentielle, dans laquelle entreprises comme salariés doivent s’inscrire. À défaut, l’obsolescence des connaissances, du savoir et des savoir-faire pénalisera durablement l’entreprise et ses salariés.
Si la formation professionnelle est devenue une dimension essentielle et stratégique pour toutes les entreprises, gageons qu’elle l’est tout autant, voire plus encore, pour les demandeurs d’emploi. Ainsi, l’article L. 6111–1 du code du travail en fait une « obligation nationale », qui vise à « permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle ».
Nombreux sont les rapports qui, depuis des années, mettent en exergue le lien organique entre formation professionnelle et accès à l’emploi ou maintien dans l’emploi. Ainsi, celui de notre collègue Claude Jeannerot sur la loi du 5 mars 2014 mettait en exergue toute l’importance que revêt la formation professionnelle dans la stratégie de retour à l’emploi.
Certes, le développement de la recherche économique sur la formation démontre qu’elle « n’est pas le remède miracle à tous les problèmes du marché du travail ». Néanmoins, la DARES, la Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques, observe, toutes choses égales par ailleurs, que les demandeurs d’emploi ayant suivi des formations dans des domaines professionnels précis ou pour se perfectionner dans leur métier retrouvent plus rapidement que les autres un emploi après leur formation. La formation professionnelle reste bien un outil incontournable de sécurisation des parcours professionnels.
Néanmoins, force est de constater que si la formation des demandeurs d’emploi est depuis longtemps affichée par l’ensemble des acteurs comme une priorité, la part qui leur est dédiée n’a pas été à la hauteur des besoins. Ainsi, en janvier 2013, la Cour des comptes notait dans un rapport consacré au marché du travail que « les financements destinés à la formation des demandeurs d’emploi représentaient, en 2010, 13 % du total de la dépense de formation professionnelle continue. […] sa part dans les dépenses totales de formation professionnelle a reculé depuis le début des années 2000, les sommes correspondantes étant restées quasiment stables en valeur absolue entre 2001 et 2009 ». Quant à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, elle précisait au mois de septembre dernier que les chômeurs bénéficiaient peu de l’accès à la formation. Plus précisément, alors que, entre décembre 2005 et décembre 2011, le nombre de chômeurs a augmenté de 19,7 %, les entrées en formation de ces derniers ont, quant à elles, diminué de 8,67 %.
Une telle logique, en complet décalage avec les besoins de nos concitoyens et de nos entreprises, a été rompue par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, notamment avec le vote au mois de février dernier de la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.
Comme le disait l’auteur de la présente question orale avec débat lors de son explication de vote sur ce projet de loi, « ce texte comporte des avancées très positives, fruits d’un travail de plusieurs années : la création du compte personnel de formation – CPF –, l’affirmation du rôle de la région [...] ».
En effet, les avancées sont tout à fait remarquables. Il en va ainsi du CPF, désormais attaché à la personne et non plus au statut professionnel, de l’instauration d’un service public régional de formation, ainsi que d’un Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles et sa déclinaison au niveau régional, ce qui permet de remplacer un certain nombre de dispositifs pour le moins épars et d’être au plus près du terrain.
M. Jacky Le Menn. Très bien !
Mme Karine Claireaux. Au-delà de ces progrès se posent deux questions cruciales. La première a trait aux moyens dévolus à la formation professionnelle et la seconde, à la nature de l’offre. En mars 2013, le Président de la République annonçait une réforme de la formation professionnelle afin de permettre « qu’un chômeur sur deux se voie proposer une formation dans un délai de deux mois ». Par ailleurs, lors de la grande conférence sociale de juin 2013, il évoquait également 30 000 formations prioritaires destinées aux demandeurs d’emploi et correspondant à des emplois vacants.
L’État, les régions, les partenaires sociaux et le Fonds social européen ont été mis à contribution à hauteur de 185 millions d’euros pour financer ce plan d’urgence. En outre, rappelons que, dans le cadre de la loi de finances pour 2014, le Gouvernement s’est résolument engagé dans la voie de l’accroissement du nombre des personnels de Pôle emploi, la subvention accordée à cet organisme s’élevant à 1,537 milliard d’euros, soit 70 millions d’euros de plus qu’en 2013. Une telle hausse traduit la décision prise en juillet 2012 de renforcer les moyens de Pôle emploi par 2 000 CDI, soit un effort financier de l’État de 12,7 millions d’euros en 2012, et de 107 millions d’euros en 2013. S’ajoute une seconde vague de 2 000 équivalents temps plein supplémentaires à compter de septembre 2013, dont le financement est le fait de l’État pour deux tiers et de Pôle emploi pour un tiers. L’effort et la détermination sont donc bien présents.
L’effort ne peut pas être uniquement budgétaire, il doit être aussi qualitatif. Or la nature de la formation dépend du profil du demandeur d’emploi, de sa distance à l’emploi, de ses besoins en termes de compétences et de son projet personnel. Elle s’inscrit aussi dans l’objectif de renforcer l’autonomie des personnes dans leur recherche d’une meilleure sécurisation de leur parcours professionnel, de leur autonomie et, donc, de leur liberté.
Ainsi, si la distance à l’emploi est élevée, il paraît pertinent de viser l’acquisition de compétences transverses et générales avant celle de compétences plus techniques.
Dans cette stratégie, si la loi relative à la formation professionnelle a permis de simplifier le parcours institutionnel d’accès à la formation, force est de constater que les efforts doivent être soutenus pour que les personnes puissent facilement y accéder. À cet égard, l’IGAS a proposé la mise en place d’espaces personnels sur le site de Pôle emploi, afin que les démarches soient effectuées de matière dématérialisée et que l’accès aux formations soit visible en temps réel.
De même, des efforts doivent être effectués afin de permettre la prise en compte de la diversité des modalités de formation et ne pas privilégier quasiment exclusivement les formations en groupe et en salle. Il est nécessaire de favoriser les innovations telles que l’enseignement en situation de travail ou à distance. Il en va de même pour le travail en réseau des organismes de formation, qui permet de développer la modularité des formations tout au long de l’année, ou le développement des validations intermédiaires ou partielles des formations qualifiantes ou diplômantes, afin de faciliter l’individualisation des parcours. Le champ des innovations permettant de répondre le plus précisément possible aux besoins des demandeurs d’emploi en matière de formation est vaste, et la mise en œuvre des contrôles des organismes de formation permettra sans doute de renforcer cette indispensable dynamique.
Enfin, dans une société en pleine mutation frappée par le chômage de masse, alors que « 60 % des meilleurs métiers des dix années à venir n’ont pas encore été inventés », la formation doit s’inscrire dans une logique d’anticipation. Elle doit être un levier puissant, permettant de préparer les emplois de demain. Je pense à la transition énergétique et à la transition démographique, qui engendreront nécessairement de nouveaux métiers.
Je connais, monsieur le ministre, votre détermination à combattre le chômage. Lors de votre récent discours du 28 avril dernier, vous avez avec raison insisté sur le rôle de Pôle emploi, en souhaitant notamment améliorer la qualité du service rendu aux demandeurs d’emploi et aux entreprises, via notamment une offre modernisée et personnalisée, une concentration des efforts sur ceux qui en ont le plus besoin et une prise en compte des difficultés sociales rencontrées par les ayants droit.
M. Jacky Le Menn. Très bien !
Mme Karine Claireaux. Pouvez-vous nous informer sur la place que prend cette logique dans la négociation de la nouvelle convention tripartite entre l’État, l’UNEDIC et Pôle emploi, qui entrera en vigueur au début de l’année 2015 ? (MM. Jacky Le Menn et Jean Desessard applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte économique particulièrement dégradé, où le chômage ne cesse de progresser, la question de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi est d’une grande importance.
Pendant très longtemps, notre système de formation professionnelle, qui, je le rappelle, datait de 1971, s’est révélé insuffisant. Dans de très nombreux rapports, avait été mise en exergue la nécessité d’une profonde refonte du dispositif. Je pense au rapport d’un ancien sénateur du groupe du RDSE, Bernard Seillier, qui, en 2007, dressait déjà le tableau pessimiste d’un système marqué par la complexité, le cloisonnement et les corporatismes, les trois maux de la formation professionnelle en France. Je pense évidemment aussi au rapport de M. Gérard Larcher.
S’agissant plus particulièrement de la formation des demandeurs d’emploi, il est impossible de ne pas évoquer ici le rapport extrêmement critique de l’Inspection générale des affaires sociales d’août 2013. Le constat est effrayant : malgré un financement considérable, le système profite principalement aux salariés qui en ont finalement le moins besoin. Les autres sont laissés sur le « bord de la route ». Sur les 32 milliards d’euros affectés à la formation professionnelle, seuls près de 4 milliards sont dirigés vers les chômeurs, soit environ 12,5 % de l’ensemble des sommes allouées, ce qui est pour le moins paradoxal !
Pourtant, et je l’ai déjà dit dans cet hémicycle, le développement des compétences et des qualifications doit être considéré comme un outil majeur de l’accès et du retour à l’emploi des personnes et de la compétitivité des entreprises. Le potentiel humain est la principale richesse de nos entreprises et le valoriser en fait un véritable moteur de la croissance.
Depuis très longtemps, la formation des chômeurs est un échec. Acquérir de nouvelles compétences quand on est au chômage relève bien souvent du parcours du combattant : il faut réaliser un bilan de compétences, construire un budget professionnel, trouver la formation adéquate, identifier un prestataire puis, enfin, trouver le financement.
Aussi, je ne peux que me féliciter de la loi que nous avons adoptée, ici même, voilà quelques mois. Parce que seulement 20 % des chômeurs – contre 57 % des cadres – ont accès à une formation, le texte que nous avons voté était indispensable. Il fallait une réforme globale qui place la personne au cœur du dispositif ; il fallait rendre la formation plus accessible aux demandeurs d’emploi, pour leur permettre d’apprendre un nouveau métier et de développer des compétences nouvelles. C’est chose faite ! Désormais, chacun disposera, tout au long de sa vie active, d’un compte personnel de formation attaché à la personne et non plus au contrat de travail et sur lequel il accumulera des droits à la formation. Par ailleurs, les fonds consacrés à la formation des chômeurs passeront de 600 millions à 900 millions d’euros, soit une augmentation de 50 %.
Si la loi du 5 mars dernier offre aux demandeurs d’emploi les outils nécessaires pour accéder à une formation, il n’en reste pas moins que « la France souffre d’une inadéquation entre les compétences disponibles sur le marché du travail et les besoins nécessaires à la relance de son économie ». Ainsi, en 2013, 40 % des employeurs connaissaient des difficultés de recrutement et environ 500 000 offres n’ont toujours pas trouvé preneur. Selon une étude du cabinet McKinsey de mars 2012, cette inadéquation produirait, à l’horizon 2020, 2,3 millions d’actifs n’ayant pas les qualifications nécessaires alors que 2,2 millions d’emplois seront non pourvus faute de compétences disponibles, avec un risque élevé que cette pénurie n’entraîne une délocalisation des activités concernées. La grande majorité des employeurs qui rencontrent des difficultés d’embauche se trouve en fait confrontée à des candidats au profil inadéquat ou à une pénurie de candidats. Faute de candidats ayant les compétences adaptées, des offres ne sont pas pourvues.
Pourtant, depuis plusieurs années, Pôle emploi adresse un questionnaire à plus d’un million et demi d’établissements pour connaître leurs besoins en recrutement par secteur d’activité et par bassin d’emploi. Cette enquête, intitulée « Besoins en main-d’œuvre » et réalisée avec les directions régionales et le concours du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CRÉDOC, permet notamment d’améliorer l’orientation des demandeurs d’emploi vers des formations ou des métiers en adéquation avec les exigences du marché du travail.
Il est indispensable de combler le décalage entre les compétences attendues et les compétences disponibles. C’est dans cet esprit que, à la suite de la conférence sociale de juin 2013, l’État, les régions et les partenaires sociaux se sont entendus pour mettre en place un plan de formation professionnelle. Le plan « Formations prioritaires pour l’emploi » a ainsi été lancé par Michel Sapin, avec pour objectif de faire entrer 30 000 chômeurs supplémentaires en formation professionnelle avant la fin de l’année 2013. Il s’agissait d’aider les employeurs à trouver les 200 000 à 300 000 emplois qui leur manquent faute de candidats ayant les compétences requises, d’orienter les chômeurs vers des emplois qui ne trouvent pas preneur. Je sais que le bilan a été positif, puisqu’on a recensé plus de 35 000 entrées effectives en formation. Le Premier ministre avait alors annoncé la poursuite du plan, avec un objectif de 100 000 entrées en formation supplémentaires pour l’année 2014.
Monsieur le ministre, combien de chômeurs à ce jour ont pu bénéficier de ce plan depuis le début de l’année 2014, et les formations correspondent-elles véritablement aux attentes des entreprises, puisque là est en effet la vraie question ? Et merci à notre collègue Jean Desessard d’avoir posé cette question orale sans débat. (Mmes Karine Claireaux et Christiane Kammermann ainsi que M. Jean Desessard applaudissent.)