MM. Jacky Le Menn et Jean-Vincent Placé. En effet !
M. André Gattolin. Vous n’êtes pas maçon, mais ce que vous dites est béton ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Mais c’est maintenant que les plus grandes difficultés commencent ! (MM. André Gattolin et Jacky Le Menn s’exclament.)
Effectivement, je vais évoquer les difficultés d’orientation des chômeurs : les formations dépendant des branches, les dispositifs sont très nombreux et complexes. Lors de mes auditions, j’ai essayé de connaître précisément leur nombre, et les réponses que j’ai obtenues vont de « plusieurs dizaines » à « plus d’une centaine ». Même l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, dans son rapport du mois d’août 2013, ne parvient pas à chiffrer précisément ces dispositifs et vise seulement un système complexe, basé sur une addition de « logiques différentes selon les acteurs institutionnels ».
Cette complexité touche, en premier lieu, les conseillers de Pôle emploi, dont les missions principales consistent à indemniser les chômeurs et à les placer sur le marché du travail. Si l’intégration à leurs effectifs des conseillers-psychologues de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, a permis de faire progresser les thématiques de l’orientation et de la formation dans l’institution, les conseillers de Pôle emploi ne maîtrisent pas tous les outils et circuits de financement de la formation professionnelle. Ils s’y retrouvent difficilement, et cette illisibilité se répercute sur l’information donnée aux chômeurs, notamment via le site internet de Pôle emploi. La simplification de tous ces dispositifs semble nécessaire.
Mes chers collègues, j’ai essayé d’identifier les causes des emplois non pourvus. Cependant, je l’avoue, je suis incapable de connaître le poids de chacune d’entre elles dans les 400 000 postes non pourvus. Aujourd’hui, personne n’est en mesure de le dire précisément. Mais peut-être allez-vous me démentir tout à l'heure, monsieur le ministre…
Chacun a, sur le sujet, sa petite idée, des intuitions, parfois confortées par une expérience locale. Mais personne ne dispose de chiffres, de statistiques permettant d’orienter les politiques publiques. Autrement dit, nous n’avons aucune idée du bien-fondé et de la légitimité des moyens déployés pour la formation professionnelle vers ces postes.
La formation professionnelle est un outil puissant de reconversion, d’acquisition et d’approfondissement de compétences, tout en étant un vecteur de développement personnel. Elle permet aux chômeurs d’enrichir leurs savoir-faire et de proposer à leurs futurs employeurs des compétences en accord avec les besoins de ceux-ci. Elle est également une occasion de s’orienter vers des métiers d’avenir, comme ceux que favorise la transition énergétique, ou simplement un moyen de se réorienter vers des métiers plus adaptés à ses désirs propres.
Toutefois, la navigation à vue en la matière nous empêche d’avoir une vision à long terme des causes et des conséquences.
Au mois de juillet 2013, le Gouvernement a lancé le plan formations prioritaires pour l’emploi, en mettant 200 millions d’euros sur la table. L’objectif de délivrer 30 000 formations à la fin de l’année 2013 a été dépassé, puisque plus de 35 000 stagiaires étaient inscrits à une formation au mois de décembre dernier. L’État a alors décidé de se fixer un nouvel objectif : atteindre 100 000 formations. (M. le ministre le confirme.) C’est louable !
Mais en l’état, que sait-on de l’efficacité réelle de ces formations ? Les chômeurs vont-ils réellement intégrer les postes auxquels ils prétendent ? Monsieur le ministre, je suis curieux de savoir comment vous jugerez de l’efficacité de votre plan, en termes de résultats pour l’emploi et pas simplement en termes de moyens, c'est-à-dire de formations délivrées ! Au fond, la question que je vous pose aujourd'hui est celle de l’adéquation des dispositifs que l’on met en place aux postes à pourvoir.
Ce qui manque réellement à nos politiques de formation en direction des chômeurs, c’est un tableau de bord, un outil de gestion précis, mobilisé par les pouvoirs publics, nous permettant d’identifier précisément la cause de ces emplois non pourvus, avec des objectifs chiffrés et des moyens suffisants. Il nous faut une vision d’ensemble, pour déterminer les secteurs en tension, les leviers institutionnels devant être mobilisés, mais aussi les filières devant être soutenues.
J’en viens plus précisément à ma question : quelles mesures comptez-vous prendre pour que ce tableau de bord voie le jour, afin que nous puissions savoir pourquoi un poste n’est pas pourvu ? Est-ce en raison de l’activité économique qui a conduit à sa disparition ? Est-ce parce que l’image d’un métier est mauvaise et qu’il manque des candidats pour l’exercer ? Il faudra alors engager des campagnes de revalorisation des métiers concernés ! Est-ce en raison d’une inadéquation entre les attentes et les compétences des salariés et les conditions de travail et le montant du salaire ? En ce cas, une autre réponse devra être donnée ! Ou est-ce parce que, la formation professionnelle n’étant pas au rendez-vous, l’employeur ne trouve pas la personne qualifiée qu’il recherche ?
Monsieur le ministre, je le répète, nous avons besoin d’un tableau de bord ! Partagez-vous mon analyse et, si oui, comptez-vous mettre en place cet outil très prochainement ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe écologistes. – Les sénateurs du groupe UDI-UC applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier Jean Desessard d’avoir proposé l’inscription à l’ordre du jour de nos travaux de ce sujet essentiel qu’est la formation professionnelle. Je salue l’analyse qu’il a développée, avec beaucoup de conviction. Pour ma part, je consacrerai les quelques minutes que durera mon intervention à un point particulier : la formation des personnes en situation de handicap.
Voilà quelques semaines, nous avons examiné le projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer, par voie d’ordonnances, pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public et des transports aux personnes en situation de handicap. Cette discussion a été l’occasion de rappeler à quel point ces personnes peuvent être confrontées à de grandes difficultés dans tous les aspects de la vie quotidienne : accès à la culture, à la santé, aux transports, à l’éducation, à l’emploi et à la formation.
Je veux donc profiter de notre débat de ce jour pour insister sur ce dernier point, qui est un enjeu fondamental de notre société : la formation est l’une des conditions nécessaires à l’intégration des personnes en situation de handicap, et la situation en la matière est loin d’être satisfaisante.
Comme nous l’avions souligné lors de l’examen du projet de loi que je viens de citer, la plupart des lieux de formation initiale post-bac, en particulier les universités, ne sont pas accessibles aux personnes en situation de handicap, alors qu’ils auraient dû l’être depuis plusieurs années.
C’est l’une des raisons pour lesquelles les personnes handicapées sont moins diplômées que la moyenne : 51 % d’entre elles n’ont aucun diplôme ou ne sont titulaires que du BEPC, contre 31 % pour l’ensemble de la population. Elles connaissent un taux de chômage de 21 %, soit plus du double de celui de la population totale, et ce taux ne cesse d’augmenter dramatiquement depuis plusieurs années. Ainsi, selon l’Association des paralysés de France, le nombre de personnes en situation de handicap au chômage a bondi de 75 % en cinq ans.
Or, nous le savons bien, sans travail, le risque de tomber dans la grande pauvreté et le risque de désocialisation sont grands. Nous devons absolument trouver des solutions.
Depuis la fin des années quatre-vingt, les lois visant à favoriser l’insertion des travailleurs handicapés dans l’entreprise se sont succédé mais ont connu un succès qui, au vu des chiffres que je viens de rappeler, apparaît très relatif. Le manque de qualification, l’inadéquation des compétences auxquels s’ajoute, hélas !, encore trop souvent une représentation négative du handicap au sein des entreprises rendent les personnes handicapées particulièrement vulnérables sur le marché du travail, surtout dans un contexte de crise. On comprend bien alors tout l’enjeu de la formation professionnelle.
Afin que les compétences des demandeurs d’emploi soient le mieux adaptées à la demande des entreprises, la formation professionnelle est bien l’une des solutions clés, ainsi que Jean Desessard l’a rappelé. Elle passe par des dispositifs comme l’apprentissage ou l’insertion par le travail en milieu ordinaire ou protégé, à travers les établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, et les entreprises adaptées. Ces structures ont un rôle fondamental.
Elles présentent aussi un avantage, encore trop méconnu : permettre aux entreprises d’employer une partie de leurs travailleurs en situation de handicap par le recours à la sous-traitance. En 2013, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, a constaté un recours accru à l’emploi, direct comme indirect, par le biais de ce type de contrat. Elle préconise de développer des supports d’information et de mettre en place des campagnes de sensibilisation sur ce sujet pour permettre aux entreprises de prendre connaissance de l’existence de ces dispositifs. Le recours aux ESAT et aux entreprises adaptées pourrait alors s’inscrire sur la durée dans l’organisation des entreprises.
Cependant, pour que leur action soit la plus efficace et la plus complète possible, ces structures ont besoin de financement. L’année dernière, dans mon rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2014, j’avais pointé du doigt le gel des créations de places en ESAT. Les associations soulignent à quel point la situation devient alarmante. Malgré des contraintes budgétaires évidentes, un tel moratoire ne peut pas se prolonger longtemps, car il place certaines associations gestionnaires d’ESAT devant de très graves difficultés, sans répondre aux enjeux.
En 2013, le constat était déjà sans appel : selon l’Association nationale des directeurs et cadres d’ESAT, l’ANDICAT, 30 à 40 % des ESAT étaient déficitaires, du fait des réductions progressives des subventions publiques et des effets de la crise économique sur les activités de ces établissements, qui doivent sans cesse innover dans leur offre de services.
Nous devons absolument œuvrer à ce que ces structures puissent fonctionner correctement et se renforcer.
Concernant la formation au plan individuel, la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a permis deux avancées très intéressantes pour les personnes handicapées, avancées qui ont été saluées par la plupart des associations représentatives.
Je profite de votre présence, monsieur le ministre, pour les rappeler.
Il s’agit d’abord de l’application aux travailleurs des ESAT du compte personnel de formation. Les associations attendent toujours les propositions du Gouvernement sur les modalités spécifiques de mise en œuvre.
Il s’agit ensuite de la mise en œuvre du droit à formation pendant l’arrêt de travail, que l’arrêt soit lié à une maladie ou à un accident, qui doit prévenir la désinsertion professionnelle due à des périodes de convalescence. Il faudrait que la mise en œuvre de ces deux points soit opérationnelle et, à cet égard, je vous interpelle, monsieur le ministre.
Je veux enfin insister sur l’importance des actions menées en faveur du développement de l’apprentissage pour les personnes en situation de handicap.
Ces actions doivent se renforcer. Elles sont particulièrement adaptées aux personnes handicapées parce qu’elles associent une démarche traditionnelle de formation et l’expérience professionnelle en entreprise. C’est en général, selon les rapports de l’AGEFIPH, l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées, un facteur de réussite. Plus de 50 % des personnes sont en emploi au bout de six mois et majoritairement en CDI ! Donc, ce dispositif fonctionne, il faut continuer à travailler en ce sens.
Toutefois, mes chers collègues, l’enjeu de la formation professionnelle des travailleurs handicapés est fondamental. Il était d’ailleurs l’une des priorités du comité interministériel du handicap.
En juillet aura lieu la troisième conférence sociale. L’emploi des personnes handicapées constituera l’un des thèmes majeurs de la prochaine conférence nationale qui se déroulera en fin d’année. Nous espérons, monsieur le ministre, que le Gouvernement fixera des orientations permettant de concourir efficacement au renforcement de la qualification des personnes en situation de handicap. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Karine Claireaux applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues – je note la forte présence des représentants du groupe écologiste ! –, je vais reprendre un certain nombre de propos que j’ai déjà eu l’occasion de prononcer il y a quelque temps.
Les ministres changent, monsieur le ministre, mais les discours optimistes sur l’évolution de la courbe du chômage demeurent. (M. Jean Desessard rit.)
En reprenant les déclarations de votre prédécesseur et les vôtres, il est néanmoins possible de percevoir une certaine inflexion puisque M. Sapin voyait la courbe s’inverser à la fin de 2014, puis à la fin de 2015, alors que, plus prudent, vous retenez simplement un terme qualifié de « prochain ». Je retrouve bien là votre sagesse sénatoriale. (M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, sourit.)
En revanche, le Président de la République est constant dans ses affirmations concernant la formation des demandeurs d’emploi, depuis son intervention du 9 juillet 2012 pour l’ouverture de la grande conférence sociale, où, disait-il, « nous devons rendre notre système de formation professionnelle plus lisible et davantage accessible aux demandeurs d’emploi… », jusqu’à son propos du 28 avril 2014, dans lequel il faisait état de moyens exceptionnels dégagés pour les demandeurs d’emploi.
Alors, cher collègue Desessard, devant une telle constance dans l’optimisme sur l’inversion de la courbe du chômage, on pourrait penser que votre question était un peu superflue, voire décalée, surtout, Mme Archimbaud l’a rappelé, après l’adoption par le Sénat il y a quelque temps de cette fameuse loi sur la formation professionnelle qui devait résoudre l’essentiel des problèmes. Donc, trois mois après avoir discuté de cette formation professionnelle, surtout pour les demandeurs d’emploi, il semble surprenant qu’un sénateur repose le même problème devant la Haute Assemblée. En fait, tout au moins pour ce qui me concerne et ce qui concerne le groupe UMP, votre question, cher collègue, nous semble parfaitement fondée et tout à fait d’actualité.
Mme Corinne Bouchoux. Eh oui !
M. Jean-Noël Cardoux. En effet, ainsi que je l’avais exprimé devant M. Sapin, comme sur de nombreux textes – j’en citerai certains que j’avais déjà retenus à ce moment-là, les emplois d’avenir, le compte de pénibilité, les contrats de génération –, textes souvent adoptés suivant la procédure d’urgence, sans véritable évaluation, avec une concertation réduite à sa plus simple expression, je crains que, pour ce qui concerne la formation et l’accompagnement des demandeurs d’emploi, devant l’urgence de ce problème, le Gouvernement ne doive, dans un proche avenir, revoir sa copie.
Je me permettrai simplement, sans être exhaustif, de rappeler que, lors du débat sur la loi relative à la formation professionnelle, le groupe UMP avait multiplié les avertissements et les propositions en déposant de nombreux amendements, en vue d’améliorer les conditions de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi. Je reviendrai sur les principaux d’entre eux.
D’abord, nous avions à l’époque souligné l’insuffisance des fonds dédiés dans ce texte à la formation des demandeurs d’emploi. Si les 600 millions d’euros ont été portés à 900 millions d’euros au travers du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, on sait toutefois qu’en corollaire la baisse de la cotisation pour la formation professionnelle va priver les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, qui abondaient précisément ce FPSPP, d’une partie de leurs ressources. Dans ces conditions, il risque d’être difficile d’alimenter ces fonds dédiés aux demandeurs d’emploi.
Nous avions aussi proposé par voie d’amendement de porter de 150 à 250 heures le fameux compte personnel de formation, le CPF, pour les demandeurs d’emploi. Cet amendement a été refusé, le ministre nous ayant expliqué qu’au-delà de 150 heures la règle générale s’appliquait et qu’il était donc possible d’abonder le CPF au-delà de 150 heures.
Mais quand on sait que ce possible abondement trouverait sa source éventuelle auprès des régions, de Pôle emploi et des entreprises, que ces trois « structures, » pour les appeler ainsi, ont des difficultés financières et des budgets extrêmement contraints, pour des raisons diverses les unes et les autres, on peut craindre que cette possibilité d’abondement ne soit réduite à sa plus simple expression. À cette observation, M. Sapin avait alors répondu que la remarque pouvait évidemment être reçue, mais qu’il se fondait en fait sur un pari. Il est tout de même un peu gênant de se fonder sur un pari quand il s’agit de formation des demandeurs d’emploi !
Ensuite, nous avions demandé une simplification concernant les trois listes de formations qualifiantes. Ces listes, qui ont des origines différentes – État, Pôle emploi, région –, qui se croisent, se superposent, représentent un parcours du combattant pour un demandeur d’emploi – parfois un peu démuni, redoutant les refus, qui lui sont d'ailleurs souvent opposés – à la recherche de formations. Nous avions souhaité qu’elles soient réduites à deux, voire à une liste unique à l’échelon national de matière à simplifier l’approche. Amendement refusé !
Nous avions aussi, sur l’initiative de Jean-Claude Carle, proposé un amendement permettant qu’une formation socle des connaissances soit jumelée avec une formation qualifiante. Cela paraissait la moindre des choses puisqu’on sait qu’un des principaux freins à la reprise d’activité par des demandeurs d’emploi en précarité est bien souvent l’absence des savoirs de base : lecture, écriture, expression. On se rend compte que, dans le cadre d’une formation qualifiante qui peut aboutir à un métier, le demandeur d’emploi à qui on redonne ces savoirs de base reprend confiance en lui et voit ainsi augmenter ses chances de déboucher sur un emploi. Cet amendement, qui était de sagesse, a été repoussé.
J’ajouterai, comme Mme Archimbaud l’a souligné à propos des personnes handicapées, que l’apprentissage – même si M. Sapin affirme le contraire – a bien été sacrifié comme variable d’ajustement financière. Nous avons les plus grandes craintes quant au développement de l’apprentissage dans la mesure où, aux termes de cette loi sur la formation, le désengagement de l’État s’est traduit par le transfert de la compétence de la quasi-totalité de l’apprentissage aux régions, auquel s’est ajoutée la suppression des exonérations de charges sociales dont certaines entreprises bénéficiaient auparavant.
Cela fait beaucoup. Je rappelle que nous avions formulé toutes ces propositions lors du débat sur la loi relative à la formation professionnelle. Je suis persuadé que, si certaines d’entre elles avaient été adoptées, un petit plus aurait pu être constaté pour cette catégorie de demandeurs d’emploi.
Et puis il y a l’actualité plus récente.
J’évoquerai le conflit qui oppose l’État et les chambres de commerce et d’industrie – CCI –, sur fond de désengagement financier une fois de plus.
Je pense que les CCI ont écrit à la plupart des parlementaires dans le cadre du « bras de fer » qui les oppose à l’État pour signaler que, si le Gouvernement allait jusqu’au bout de sa résolution concernant les CCI, elles pourraient être contraintes de fermer un certain nombre de CFA, de réduire, sur trois ans, le nombre d’apprentis de 100 000 à 70 000, et surtout d’arrêter des actions de formation en direction des demandeurs d’emploi et des salariés en reconversion.
Et puis il y a la réforme des collectivités territoriales, dont nous avons d'ailleurs parlé cet après-midi dans le cadre des questions cribles.
Nous avons tous compris que cette réforme, dont on commence à deviner les contours, qui sera débattue au Sénat au début du mois de juillet, aboutirait à l’émergence de régions découpées sans cohérence – c’est un jugement personnel mais que partagent beaucoup de mes collègues. Ces collectivités, pour certaines tentaculaires – je me ferai quand même plaisir en citant la région Centre, qui sera la plus grande région de France si nous allons jusqu’au bout de cette réforme –, seront les seules compétentes en matière de formation professionnelle et d’apprentissage.
D’abord, il faudra gérer cette transition brutale ; ensuite, tout le monde le sait, M. Desessard l’a souligné, pour être efficace dans un domaine aussi sensible, il faut des actions de proximité, des actions d’accompagnement, d’autant plus simples à mettre en place que la circonscription territoriale est restreinte. Je crains que l’émergence de ces super-régions, sans relais en matière de formation et sans relais locaux, n’aboutisse à de véritables usines à gaz – expression que j’emploie beaucoup mais qui dit bien ce qu’elle veut dire ! – et n’éloigne encore plus les demandeurs d’emplois de la formation continue dont ils ont besoin.
Je ferai un autre commentaire, qui est aussi un corollaire des propos que je viens de tenir. Tout le monde reconnaît – et je plaide coupable puisque c’est l’ancienne majorité qui avait introduit ce dispositif – l’échec évident du revenu de solidarité active, le RSA, et plus précisément du RSA activité.
Des analyses récentes démontrent que 70 % des personnes éligibles au RSA activité ne sollicitent pas la prestation et qu’un très faible pourcentage des bénéficiaires du RSA socle a retrouvé un emploi en passant par le RSA activité. C’est quand même la traduction d’un échec.
Comment cela s’explique-t-il ?
Pourtant, l’intention était bonne. Avantager financièrement ceux qui décident de reprendre un emploi était un objectif tout à fait louable et souhaitable. Mais une fois de plus, les conseils généraux ont été contraints d’appliquer la procédure administrative. Les complications et les obstacles administratifs à l’instruction des dossiers étaient tels que beaucoup ont finalement renoncé à instruire ces dossiers.
En fait, cela n’a jamais vraiment été efficace, d’autant que les effets de seuils, dont on connaît la perversité, ont pu jouer. Dès lors qu’on dépasse un certain plafond, on perd un certain nombre d’avantages indirects, on le sait bien. Beaucoup disent, après avoir fait leurs calculs, additionné les plus et les moins, que in fine, même s’ils y gagnent un petit peu financièrement, il vaut mieux rester chez soi. Il n’y a pas de véritable incitation à la recherche d’emploi. Il faut donc revoir le problème.
D’autant que, parallèlement, on se rend compte que la prime pour l’emploi, qui continue de produire ses effets, n’a pas atteint véritablement son but.
Vous savez tous comment elle est distribuée : elle prend la forme d’un avoir fiscal. Habitant en face d’une recette perception, au moment du versement de la PPE, je vois arriver beaucoup de ses bénéficiaires munis de la lettre leur permettant de récupérer leur chèque. Le versement s’effectue sans contrepartie ; il n’y a pas de sensibilisation, un effet quasi mécanique s’attache à la perception de cette prime pour l’emploi, qui est à la limite d’un effet d’aubaine.
Il me paraît donc fondamental d’engager une réflexion sur la pertinence du maintien du RSA activité et de la prime pour l’emploi : si l’on récupérait une partie des fonds qui sont dédiés à ces deux politiques, on pourrait bâtir un dispositif cohérent, qui donnerait réellement des avantages financiers aux demandeurs d’emplois qui sont en recherche de formation.
Sur ces deux points, de nombreuses personnes sont d’accord avec moi, mais elles le disent tout bas. À un moment, il faut tout de même provoquer un déclic pour que certains aient le courage de dire qu’il convient d’arrêter. Majorité et opposition pourraient travailler ensemble, puisque nous en sommes les instigateurs, afin de faire avancer le dossier dans ce sens.
J’en ai fini avec ce qui n’est pas vraiment un réquisitoire, mais plutôt des observations. Avant de conclure, je vous ferai simplement observer, mes chers collègues, qu’il me reste treize minutes de temps de parole, que je n’utiliserai pas. J’avais sciemment fait laisser sur le dérouleur de séance les vingt-sept minutes initialement accordées au groupe UMP parce que je voulais faire à mes collègues qui avaient fait l’effort d’être présents aujourd'hui pour ce débat une bonne surprise : celle de gagner près d’un quart d’heure pour partir plus tôt et, surtout, ne pas être confrontés aux difficultés de circulation résultant des grèves ! (Mme Françoise Laborde sourit.)
Pour conclure, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, j’estime – et je pense que mon groupe est du même avis – que la question posée par M. Desessard est justifiée. Nous ne sommes pas toujours d’accord sur certaines de vos préconisations, monsieur Desessard, mais, sur le fond, votre question, au moment où vous la posez, est tout à fait pertinente. Aussi, j’y reviendrai, j’espère que votre sagesse sénatoriale, monsieur le ministre, vous conduira à retenir quelques-unes des orientations que j’ai eu la modestie de vous exposer, afin que nous puissions avancer en la matière.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en février dernier, le Gouvernement nous proposait d’examiner un projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. L’objectif principal de la réforme était justement de mieux cibler les financements de la formation professionnelle sur ceux qui en ont le plus besoin.
Aujourd’hui, le groupe écologiste, en particulier notre collègue Jean Desessard, vous interroge, monsieur le ministre, sur l’adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d’emploi. Le simple fait de poser cette question prouve, s’il en était besoin, que les interrogations et inquiétudes exprimées à l’occasion des débats qui ont eu lieu au début de l’année n’ont pas été levées.
Nous-mêmes n’avons cessé de répéter lors de l’examen de cette supposée grande réforme qu’elle n’allait en rien améliorer la situation des travailleurs peu qualifiés et des demandeurs d’emploi au regard de la formation professionnelle.
Alors que 32 milliards d’euros sont investis chaque année et nonobstant le fait que les grandes entreprises consacrent le double de leurs obligations légales à la formation professionnelle, les résultats sont malheureusement assez faibles pour les salariés les moins qualifiés.
Qu’en est-il de l’adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d’emploi ?
Pour répondre à cette problématique, le texte prévoyait de réduire de 70 % l’obligation de financement des plans de formation et d’augmenter de 0,1 point la mutualisation des fonds, en la portant de 0,8 % à 0,9 %. On traitait donc le problème d’un point de vue financier plutôt que de porter une attention plus particulière sur l’offre de formation.
Le texte ne comportait d’ailleurs aucune disposition relative au contrôle et à la certification des organismes de formation. À ce sujet, nombre d’entre nous se souviennent d’un reportage réalisé par le magazine télévisé Cash Investigation, qui montrait à juste titre l’insuffisance des contrôles. C'est la raison pour laquelle un certain nombre d’amendements avaient été déposés, mais ils n’ont malheureusement pas été retenus.
Aussi, mes chers collègues, des formations existent, mais certains – trop ! – profitent de ce système, au détriment de l’objectif premier de la formation professionnelle. C’est pourquoi nous avions défendu un amendement visant à proscrire le phénomène des formations fantaisistes ou approximatives, amendement qui répondait à deux difficultés.
D’une part, le foisonnement des organismes prestataires : il y en aurait près de 60 000 en France, contre 4 000 chez nos voisins allemands.