Mme Danielle Michel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette mission commune d’information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales vise à permettre aux élus locaux de mieux répondre aux exigences des clubs sportifs et à réorienter le financement public du sport de manière plus ciblée.
Nous parlons ici, et j’attire votre attention sur ce point, des disciplines dont la professionnalisation est avérée.
Nous rejoignons les objectifs fixés en 2009 par la Cour des comptes dans son rapport public thématique intitulé Les Collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels, qui appelait à un projet de réforme destiné, il est vrai, à améliorer la compétitivité des clubs français sur la scène internationale, mais surtout à établir un cadre juridique plus fiable, sécurisant l’économie et les finances des collectivités.
L’implication des collectivités territoriales, notamment des communes, en faveur des pratiques sportives est en effet considérable. En 2007, l’effort financier des municipalités s’élevait à près de 9 milliards d’euros, sur un total de 13,5 milliards d’euros.
Aussi, face au modèle économique du « sport business », en pleine expansion, de nombreux élus souhaitent réexaminer les conditions de leur soutien.
Dès lors, par quelles mesures mettre en adéquation les politiques publiques avec les nouvelles réalités économiques du système professionnel ?
Plus le sport se rapproche, par ses règles de fonctionnement, du secteur marchand, moins il devient légitime pour les collectivités territoriales de le financer. Le reste de la population et le sport amateur en profitent de moins en moins. La privatisation des bénéfices et la socialisation des pertes ne sont plus acceptables.
Si les collectivités continuent de s’impliquer dans le soutien au sport professionnel, c’est avant tout parce que l’État lui reconnaît une mission de service public.
Pour aller plus loin, il paraît essentiel de réaffirmer la responsabilité sociale et territoriale des clubs professionnels. Plus puissants, plus autonomes, ceux-ci doivent également être plus présents dans la vie sociale des territoires pour mener davantage d’actions en matière d’éducation et d’insertion professionnelle.
Dans l’optique de rééquilibrer les relations partenariales entre territoires et clubs, il faut veiller à ce que les subventions publiques allouées servent bien l’intérêt général, et non les besoins financiers des structures privées.
Inévitablement, le désengagement des collectivités territoriales du financement du « sport business » est enclenché. On pourrait faire valoir que ces dernières ne sont pas obligées de financer les clubs et qu’elles le font librement en connaissance de cause, dans le respect du principe de libre administration ; mais ce serait sous-estimer le caractère déséquilibré des relations entre élus et dirigeants.
Je reprends les propos de M. Alain Serre, conseiller à la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon : « Le club tire sa puissance de l’opinion publique. La collectivité n’a d’autre choix que de le soutenir, sous l’œil des médias, et pour des raisons de notoriété. Elle est en situation de faiblesse et ne sait même pas précisément quelle utilisation est faite de ses concours financiers […]. »
Lors des auditions, la Direction nationale du contrôle de gestion a témoigné du manque et de transparence et d’un système comptable adapté, ce qui place les collectivités territoriales en position défavorable dans les négociations.
Par ailleurs, il est indispensable de tenir compte de la diversité des situations, en prévoyant un soutien différencié selon la discipline sportive et ses ressources commerciales.
Je voudrais insister ici sur un cas particulier qui me tient à cœur, celui du sport professionnel féminin, domaine dans lequel la France accuse un net retard.
M. Alain Néri. C’est vrai !
Mme Danielle Michel. Le nombre de disciplines et de ligues, ainsi que les rémunérations sont nettement moins élevés que chez les hommes. Et je ne parle pas de la très inégale couverture médiatique ni de l’insuffisance des infrastructures !
De telles conditions devraient justifier une démarche plus volontariste de la part des collectivités. Car ce sont bien le sport professionnel féminin, le sport amateur et le handisport qui ont besoin de l’intervention publique en premier lieu !
Revenons-en aux modalités de subventions que nous étudions.
Les collectivités territoriales ne versent pas seulement des aides directes aux clubs. La mise à disposition d’équipements sportifs est largement répandue. Il est temps que cessent ces subventions indirectes sans contrepartie et que des redevances soient versées.
J’en arrive à l’un des sujets cruciaux, que les élus territoriaux connaissent bien : la question récurrente de la réalisation des travaux d’équipements sportifs par les collectivités locales. On ne saurait attendre que ces dernières maîtrisent seules le risque financier encouru.
Ainsi, la ville de Nanterre a su miser sur son club de basket, qui a été, rappelons-le, champion de France en 2013, en reconduisant une convention partenariale triennale mesurée et non abusive.
Et le projet d’agrandissement du stade Roland-Garros est véritablement celui de la Fédération française de tennis. De même, le Centre national du rugby à Marcoussis reste un projet essentiellement porté par la Fédération française de rugby. Bien entendu, ce qui rend cela possible, c’est l’absence d’aléa sportif dans le Tournoi des six nations ou à Roland-Garros. La propriété privée des grands équipements sportifs doit être encouragée.
Il est vrai que l’aléa sportif, cette « glorieuse incertitude du sport », peut mettre en danger le modèle économique du sport professionnel. L’exemple de la ville du Mans et de son club de football, qui paient encore la construction d’un stade liée au maintien de l’équipe en Ligue 1, prouve que les partenariats public-privé ne sont pas la panacée. On a trop souvent vu le loyer des baux emphytéotiques devenir une charge pesante pour les territoires.
Rénover la politique d’aide des collectivités territoriales en faveur des clubs professionnels nous paraît nécessaire. C’est même encore plus pertinent en période de crise.
Car, malgré la ferveur populaire pour le sport, malgré ses bénéfices en termes de retombées économiques, malgré ses bienfaits pour la santé et son importance pour le lien social, comment expliquer aux petits contribuables que leurs impôts participent au financement de grands clubs professionnels rémunérant leurs joueurs plus de 45 000 euros par mois ?
Alors, oui aux préconisations du rapport présenté par Stéphane Mazars quant à la fin programmée de certaines subventions et oui à son appel à plus de transparence dans les partenariats financiers ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est notre groupe, le RDSE, qui a sollicité cette mission, car nous étions convaincus de la nécessité de faire le point sur les relations entre le sport professionnel et les collectivités territoriales, ces collectivités dont notre Haute Assemblée assure la représentation, en tout cas pour l’instant… (Mouvements divers.)
Il ne s’agit évidemment pas de faire le procès de l’action sportive. Dans nos territoires, nous savons tous combien le sport est un élément important, et parfois fondamental de la vie en société. Des millions de Français pratiquent quotidiennement le sport dit « amateur ». Et, ne l’oublions pas, le sport professionnel amène nombre de nos concitoyens vers l’activité sportive.
Il me semblait donc utile de préciser le sens de mon propos. Je souhaite aborder les relations entre sport professionnel et collectivités locales, et non mettre le sport en accusation.
Il est vrai que le sport professionnel peut évoquer l’adage panem et circenses. Certains excès ont suscité un sentiment de rejet, au demeurant parfaitement justifié.
Notre demande s’inscrivait aussi dans un souci d’aménagement du territoire. La question du sport professionnel ne peut pas se concevoir de la même manière à Paris, Lyon, Marseille, ou à Rodez, Mende ou Brive-la-Gaillarde, même s’il y a des exceptions, et l’avenir dira si elles sont durables.
Si nous avons donc eu cette préoccupation de l’aménagement du territoire, c’est parce que, au fil des années, la puissance financière du sport professionnel n’a fait que croître, avec d’ailleurs le poids des médias. L’importance grandissante des chaînes de télévision dans le sport professionnel et ses conséquences financières ont des effets extrêmement graves et créent une distorsion considérable par rapport à la situation qui prévalait voilà seulement dix, quinze ou vingt ans. Nous devons en tirer les conclusions.
En outre, les exigences des fédérations et des ligues sportives sont de plus en plus difficiles à suivre pour nos collectivités. Certains abus doivent être soulignés. Les collectivités ne peuvent pas être durablement aux ordres des fédérations et des ligues professionnelles ou même, dans certains cas, non professionnelles.
M. Alain Néri. Bravo !
M. Jacques Mézard. Il me semble aujourd'hui indispensable que le Gouvernement fasse passer ce message.
Certes, avoir une belle équipe de football, de rugby ou de hand-ball, c’est à la fois un motif de fierté pour les habitants et un atout pour l’image, voire pour le développement économique de la ville concernée. Mais cela ne doit pas mener à des excès. Les abus que nous avons constatés au cours de ces dernières années doivent être combattus.
Le rôle du Gouvernement est précisément de faire en sorte que nos collectivités puissent, de manière beaucoup plus simple et beaucoup plus libre, lutter contre ces excès, que nous avons, les uns et les autres, constatés.
Comme notre collègue le souligne dans le rapport, il est parfois difficile de dire non à certains clubs, ou, à tout le moins cela demande un vrai courage politique. Si malheureusement on succombe et qu’on les suit sur le chemin qu’ils proposent, les conséquences financières sont importantes. Or, de nos jours, nos collectivités, confrontées à une diminution irréversible des dotations, ce quelle que soit la sensibilité politique du gouvernement, ne peuvent pas assumer l’augmentation des subventions et des dotations aux clubs, voire la construction d’équipements extrêmement coûteux.
M. Alain Néri. Et pas toujours justifiés !
M. Jacques Mézard. Selon moi, l’intérêt général commande, dans certains cas, de savoir dire non.
Pour en revenir aux propositions contenues dans le rapport, j’évoquerai tout d’abord la préservation du rôle des départements pour soutenir les événements sportifs. Vous pourrez passer le message au Premier ministre et au ministre de l’intérieur, monsieur le secrétaire d’État ! Dans la perspective de la réforme territoriale, une telle suggestion me paraît tout à fait bienvenue ! Je ne gloserai pas sur le Top 14 et les quatorze régions… Je ne pense pas en effet que le Gouvernement se soit « calé » sur le championnat de France de rugby à XV pour préparer sa réforme territoriale ! (Sourires.)
J’en profite cependant - vous me permettrez cette digression -, pour insister sur la volonté, dans le sport professionnel, de concentrer les moyens sur les métropoles. Et c’est bien naturel, si l’on considère les enjeux à la fois financiers et démographiques, sans parler du public et des entreprises. Quand on est dans la finance, on va chercher l’argent là où il est, c’est une réalité !
Toutefois, un tel choix ne peut avoir que des conséquences négatives sur l’aménagement du territoire. En effet, la quasi-totalité des villes et agglomérations moyennes seront coupées du sport professionnel de haut niveau. Certes, on préservera une ou deux villes par-ci par-là, pour montrer qu’il y a encore des agglomérations moyennes, mais, de toute façon, soyons clairs, il n’est pas possible de faire vivre durablement le sport professionnel de haut niveau dans des agglomérations moyennes. C’est une autre réalité, à l’origine d’une fracture territoriale d’autant plus gênante que le poids des activités sportives professionnelles est particulièrement important dans les médias.
En posant le principe de la fin des subventions des collectivités territoriales destinées aux sports professionnels arrivés à maturité, la mission commune délivre un bon message. À un moment donné, il faut dire stop, ce n’est plus possible.
La suppression, dès 2016, des subventions des collectivités territoriales pour les clubs de Ligue 1 et du Top 14 relève-t-elle du vœu pieux ? En tout cas, la proposition est extrêmement importante. Les élections municipales sont passées, le moment est donc propice ! Selon moi, le fait même d’inscrire une telle proposition dans un rapport est une bonne chose. Il faut en effet que certains entendent ce message fort.
Quant au renforcement de la transparence, nous y sommes bien évidemment favorables.
En revanche, je suis un peu plus réservé quant à permettre aux collectivités territoriales de mieux évaluer leurs dépenses en faveur du sport professionnel. En effet, les collectivités territoriales ne peuvent pas passer leur temps, tout au long de l’année, à réaliser des bilans. Nous avons maintenant une véritable collection de rapports à rendre, leur nombre ne cessant d’augmenter au fil des textes que nous adoptons ! Il n’est peut-être pas utile d’en ajouter systématiquement.
Au terme de cette rapide intervention, je souhaite insister sur la question des investissements. Lorsque nous construisons, avec nos petits moyens, pour nos équipes et que nous avons la chance d’avoir un club professionnel, il faut ensuite louer l’équipement. Cela nous conduit à bâtir des montages permettant de justifier la contrepartie de la location. Ces exercices d’équilibriste sont dignes de la gymnastique rythmique ! C’est ainsi que l’on voit un certain nombre de places ou de panneaux d’affichage distribués sans véritable transparence.
Monsieur le secrétaire d’État, vous rendriez service à tous en prévoyant des dispositions beaucoup plus simples et beaucoup plus claires. Vous trouverez dans le rapport un certain nombre de propositions, je pense notamment à des partenariats pour des projets d’intérêt général.
Je n’oublie pas non plus la proposition, à mes yeux très positive, sur la modification du régime des fonds de dotation visant à permettre des achats de prestations par nos collectivités pour conduire des actions d’intérêt général.
En conclusion, je veux remercier l’ensemble des membres de cette mission. Ils ont réalisé un travail important en formulant une série de propositions qui, certes, ne pourront pas toutes être mises en œuvre rapidement, mais qui permettent de montrer que le Sénat, représentant des collectivités locales, a un véritable message à faire passer à votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État. Je ne doute pas que vous saurez l’entendre ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC. – M. Jean-Claude Lenoir applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer le travail approfondi et consensuel mené par la mission commune d’information, même si je m’apprête à exprimer quelques nuances concernant certaines de ses conclusions.
Le sport représente 5 % environ du budget des communes. Toutefois, 70 % de son financement est assuré par les collectivités territoriales. Quel équilibre entre le sport spectacle, le sport de haut niveau et le sport pour toutes et tous ? Quelle équité entre les diverses disciplines sportives ? Comment favoriser la transparence dans les critères d’attribution des subventions ? Ce sont ces questions auxquelles répond en partie le rapport de la mission commune d’information.
Nous partageons le diagnostic selon lequel le financement du sport professionnel par les collectivités est aujourd’hui un « système à bout de souffle ». Ce financement important est diffus, parfois désordonné et délégitimé aux yeux de certains de nos concitoyens en période de crise budgétaire, même si la passion pour le sport professionnel reste vive.
Pour prendre un exemple local et pour le moins paradoxal de ces financements, la Mairie de Paris, sauf erreur de ma part ou changement récent, continue à verser chaque année des subventions importantes au PSG, au PSG Handball et à la Fondation PSG. J’ai également appris par la presse que le budget versé par un certain pays au PSG approcherait désormais le demi-milliard d’euros annuel.
Dans un tel contexte, on ne peut que se poser la question de la compatibilité entre certains financements et ceux qui émanent des collectivités territoriales.
Nous saluons plus particulièrement la proposition visant à cibler une collectivité de référence, probablement l’intercommunalité, pour le financement du sport professionnel. C’est un bon moyen de clarifier, de simplifier et, surtout, de rendre le financement plus transparent.
Toutes les mesures contenues dans le rapport qui sont de nature à favoriser la transparence, notamment via des bilans annuels exhaustifs publiés par les collectivités, inciteront également davantage au débat public et, sans doute, à un comportement plus responsable.
Par ailleurs, le rapport envisage la suppression des subventions pour les disciplines parvenues à maturité. Il s’agit d’une question de fond. Les structures professionnelles vivent-elles de leurs activités professionnelles ? Ont-elles encore besoin de subsides publics pour fonctionner ?
Enfin, la question du soutien aux fondations, dont le rapport ne fait pas l’économie, constitue une autre manière d’ouvrir le débat, même si nous nourrissons sur ce sujet un certain nombre de réserves.
La proposition visant à encourager l’acquisition des stades par les clubs professionnels, qui permettrait de trouver une sortie par le haut, est à double tranchant. Elle s’apparente selon nous à une fausse bonne idée.
D’un côté, on favorise l’autonomie des clubs, l’émergence d’un autre business plan pour le sport professionnel, et on réduit fortement, à terme, les dépenses des collectivités. À cet égard, la perspective est séduisante.
D’un autre côté, la collectivité perd la maîtrise d’un équipement public et les possibilités de réguler l’utilisation de l’enceinte, la politique tarifaire, la gestion énergétique du bâtiment et son partage entre les différents clubs du territoire.
Ainsi, si nous ne pouvons que saluer l’avancée apparente que constitue cette solution, nous constatons que, de fait, la collectivité risque de perdre ainsi la main sur de nombreux enjeux locaux importants. C’est sûr, on ne peut pas tout avoir !
Certes, il existe un modèle en apparence très réussi, celui des clubs de football allemands, qui s’inscrivent dans une dynamique vertueuse : propriétaires de leur stade, nombre de ces clubs ont réussi à consolider leurs finances sur des bases tout à fait saines et leurs résultats sportifs sont enviables. C’est toute la question de la poule et de l’œuf : nous envions ce modèle, mais avons-nous les moyens, ne serait-ce que sportifs, de l’adopter ?
Les premières initiatives en matière de construction de grands stades en France nous invitent d’ailleurs à la plus grande prudence: Je ne vous interrogerai pas de nouveau, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous avez fort bien répondu en commission, sur le stade du Mans, une très bonne initiative qui ne s’est pas forcément bien terminée.
Il n’est donc peut-être pas opportun de généraliser ce modèle de clubs propriétaires de leur terrain, qui témoigne d’un bon diagnostic, mais n’apporte pas une solution susceptible d’être dupliquée à l’infini.
Par ailleurs, nous, écologistes, qui sommes extrêmement défavorables aux partenariats public-privé, nous ne pouvons que saluer la proposition n° 18 du rapport. Ces contrats sont, à long terme, trop coûteux – Philippe Séguin parlait de « crédit revolving » de l’État et des collectivités territoriales –, ces collectivités étant responsables in fine de l’équilibre financier du projet.
Plusieurs propositions du rapport posent cependant réellement problème.
Je ne rallumerai pas ici la polémique sur la FFT et le stade de Roland-Garros, nous aimons tous le tennis. Je rappelle simplement que, si la Fédération française de tennis souhaite légitimement s’étendre, c’est au risque de buter sur le jardin des serres d’Auteuil, site classé à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.
Si la FFT nourrit un tel projet d’extension, pourquoi n’envisage-t-elle pas d’aller ailleurs, dans une zone où l’installation pourrait être concertée, afin de rééquilibrer, au sein de la région d’Île-de-France, les infrastructures, plutôt que de donner une grosse structure de plus à une capitale déjà richement dotée ?
Un autre point a appelé notre attention : la construction d’une salle de sport francilienne d’environ 10 000 places gagnerait également à être envisagée en périphérie, là où sont les spectateurs potentiels et les pratiquants.
Enfin, concernant l’organisation des jeux Olympiques à Paris, débat qui a animé une partie de la mission, nous considérons que c’est au mouvement sportif d’étudier la pertinence d’une candidature, via les ateliers qui viennent d’être constitués. Comme vous le savez, nous ne sommes pas fanatiques des grands travaux illimités et du BTP !
Enfin, j’aurais un regret très personnel à formuler : la question du sport professionnel féminin n’a absolument pas été abordée dans le rapport. Toutefois, nous avons pu constater au cours de votre audition, monsieur le secrétaire d’État, que vous accordiez à cette question une grande attention.
Nous espérons qu’une partie des conclusions de ce rapport pourront être suivies d’effet, même si, je le répète, celles qui concernent les grandes constructions, notamment d’un stade de rugby dans l’Essonne, ne recueillent pas notre aval, puisque nous pensons qu’il faut sortir d’une logique productiviste du BTP. Nous devrions réfléchir à des structures plus petites et, de ce fait, plus écologiques et mieux adaptées aux besoins des usagers. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer le travail de fond mené par notre ancien collègue Stéphane Mazars en tant que rapporteur de la mission commune d’information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales, par son président, Michel Savin, et par l’ensemble des collègues qui se sont impliqués dans cette mission.
Ce rapport souligne la nécessité de repenser les relations entre collectivités territoriales et sport professionnel, à un moment, vous l’avez dit, où nous sentons bien, sur le terrain, que diverses pressions s’exercent sur les pouvoirs publics en vue de rénover ou de renouveler les installations existantes.
Je veux revenir un instant sur un double constat.
Premièrement, la France accuse un net retard en termes de grandes infrastructures sportives, en comparaison de ses voisins européens.
Deuxièmement, les financements des infrastructures sportives proviennent pour l’essentiel des collectivités territoriales. Un rapide examen du statut des stades et des salles des clubs d’élite confirme la prédominance du « modèle public » en France : dix-neuf des vingt stades de Ligue 1, douze des quatorze stades du Top 14 et la totalité des dix-huit salles utilisées en pro A de basket appartiennent à une collectivité.
S’il existe une diversité un peu plus forte pour ce qui concerne les modes d’exploitation, le modèle dominant est celui de l’exploitation par la collectivité elle-même, le club résident n’étant, dans un tel schéma, qu’un simple « locataire » acquittant une redevance afin de se produire dans « son » stade ou dans « sa » salle.
J’ai présenté en octobre 2013, avec mon collègue Jean-Marc Todeschini, un rapport relatif au financement public des grandes infrastructures sportives françaises. Nous avions alors proposé de responsabiliser les clubs professionnels en les impliquant davantage dans l’exploitation du stade ou de la salle qu’ils utilisent quotidiennement et, si possible, jusque dans la propriété, mais on voit bien que cela soulève quelques questions. Je me félicite donc que cette proposition ait été reprise dans le rapport de la mission commune d’information. Il s’agit là, je pense, d’une nouvelle façon de remodeler le cadrage sportif professionnel français.
En ce qui concerne les modes d’exploitation, de nouvelles solutions ont déjà émergé telles qu’un bail emphytéotique, un BEA, ou des conventions d’occupation attribuant la gestion du stade ou de la salle au club professionnel.
À l’occasion de notre précédent rapport, avec Jean-Marc Todeschini, nous avons pu étudier un exemple intéressant que je souhaite évoquer ici cet après-midi. Il s’agit du modèle du Havre.
En effet, Le Havre Athletic Club, le club professionnel de football du Havre, a été associé dès l’origine au projet de nouveau stade, décidé et financé par l’agglomération havraise, qui en est donc toujours la propriétaire. Le HAC en assure l’exploitation au travers d’une filiale ad hoc, avec les mêmes associés que le club professionnel de football. Il a même, en amont, pendant la construction, payé quelques améliorations de type commercial dont il a souhaité disposer dans l’enceinte. Le HAC règle donc maintenant les charges d’entretien du locataire et verse une redevance de l’ordre de un million d’euros par an à la communauté d’agglomération du Havre, qui est propriétaire, et ce n’est pas négligeable. Le HAC essaie de dégager ce montant sur des revenus d’activités commerciales afin de ne pas dépendre de sa « fortune sportive », si je peux me permettre cette expression.
Aujourd’hui, Le Havre est en Ligue 2 : donc, ce modèle fonctionne, responsabilise le club et prend en compte l’aléa sportif. C’est pourquoi j’ai voulu vous faire part de cette expérience, qui me semble intéressante.
Je souhaite maintenant revenir sur quelques points du rapport qui ont fait débat lors de sa présentation en commission.
Il me semble nécessaire de préciser, après Michel Savin, que la remise en cause de la légitimité de l’aide financière des collectivités territoriales au sport professionnel ne s’applique essentiellement qu’au football et au rugby, en particulier à la Ligue 1 et au Top 14.
Il ne me paraît en effet pas concevable que les collectivités cessent de subventionner les sports en salle tels que le basket, le volley-ball ou encore le hand-ball. Je pense que ce serait difficile pour bon nombre de clubs qui ne relèvent pas du « sport business », tant décrié par certains intervenants.
J’ai aussi de sérieux doutes quant à l’opportunité de créer un conseil supérieur du sport professionnel ; on l’a évoqué. Je ne suis pas convaincu de l’efficacité supplémentaire qu’apporterait cette nouvelle autorité et je vois mal l’articulation entre la DNCG et l’ARJEL, mais c’est un point qui fait débat.
J’émets aussi des réserves sur la proposition n° 27, qui prévoit de confier au Comité national olympique et sportif français la mission et les moyens de favoriser l’accès au sport de haut niveau. Il s’agit actuellement d’une compétence de l’État, relayée par les fédérations sportives, avec le concours des collectivités territoriales et même de partenaires privés, lorsqu’on parle de « sport business » ou professionnel. Il me semble que ce dispositif fonctionne et qu’il est surtout important que les arbitrages continuent à relever de l’État et, pardonnez-moi de devoir le préciser, du politique. (M. le secrétaire d’État acquiesce.). Voilà pourquoi j’émets quelques réserves sur cette proposition.
Enfin, ce rapport désigne dans sa proposition n° 24 la métropole, ou l’intercommunalité, comme « partenaire de référence ». Je m’interroge, moi aussi, sur le choix de ces seuls échelons, et sur les limites qu’il comporte. En effet, certaines métropoles ou intercommunalités ne souhaitent pas s’investir dans le sport de haut niveau alors que d’autres collectivités, des communes par exemple, sont depuis toujours aux côtés des clubs sportifs professionnels. Ce sont des partenaires historiques des clubs et il serait peut-être dommage de les empêcher de poursuivre leur accompagnement, expression d’une volonté politique locale.
Malgré ces quelques remarques, je souhaite réitérer mon soutien aux travaux de cette mission commune d’information. Il était nécessaire, pour les faire évoluer, de dresser un nouveau bilan des relations entre les collectivités territoriales et le sport professionnel. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.