M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Il s’agit d’une bonne idée, dont je comprends l’esprit, mais qui ne semble pas du tout opérationnelle. Cet amendement vise, je le rappelle, à instaurer deux nouvelles peines pénales complémentaires prononcées par un juge.
Si ces mesures semblent intéressantes, il y aura néanmoins un delta très grand entre leur adoption et leur mise en application effective ! En effet, il n’existe pas de circuit d’information adapté entre les organismes de recouvrement des cotisations sociales – je parle bien des cotisations et non du remboursement des aides –, les services gestionnaires des aides financières et les tribunaux correctionnels.
De plus, le code du travail et le code de la sécurité sociale comportent un certain nombre de dispositifs administratifs d’annulation des exonérations de cotisations, de refus du bénéfice des aides financières publiques et de remboursement de ces prestations. Si elles sont encore peu utilisées, ces dispositions existent bel et bien.
Je voudrais donc mettre en garde le Sénat : personne ne conteste l’intérêt ni les bonnes intentions de certaines mesures, mais leur non-application ne fera que compliquer, voire perturber, la loi existante qu’il est déjà parfois difficile de mettre en œuvre.
Le Gouvernement est donc défavorable aux deux parties de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. L’article 7 bis instaure une peine complémentaire pouvant être prononcée par le juge à l’encontre des entreprises condamnées pour travail dissimulé, emploi d’étrangers sans titre de travail, prêt illicite de main-d’œuvre et marchandage, et consistant en l’interdiction de percevoir toute aide publique pendant une durée maximale de cinq ans. Nous sommes préoccupés, monsieur le ministre, par cette durée qui pénaliserait les entreprises et pourrait aller à l’encontre du bien-être des salariés, en tout cas de leur emploi.
Se pose alors le problème de la reprise. On peut comprendre la logique visant à empêcher que l’argent public puisse soutenir des entreprises qui ne respectent ni leurs salariés ni leurs concurrents, mais la durée maximale de la peine – cinq ans – est particulièrement longue, au risque d’être contre-productive. En effet, faute d’être dissuasive, elle risque surtout de pousser les entreprises concernées à mettre la clé sous la porte et donc à procéder à des licenciements.
Il s’agit de nouveau d’une mesure initialement pleine de bonnes intentions mais qui risque de devenir préjudiciable aux salariés et de décourager les repreneurs. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à l’article 7 bis.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je comprends parfaitement l’argumentation développée conjointement par Mme la rapporteur et M. le ministre sur la première partie de cet amendement.
En revanche, l’obligation de reverser aux organismes concernés, pour une durée maximale de cinq ans, l’intégralité des sommes perçues au titre des aides publiques me semble être une bonne mesure.
Ces fraudes sont perçues comme une très grande injustice sociale. Voir des entreprises transgresser la loi en totale impunité est très mal vécu par nos concitoyens comme par les salariés de ces entreprises. Il s’agit d’une mesure intéressante, qui doit être défendue.
M. le président. Compte tenu de la position de la commission, nous allons procéder à un vote par division sur l’amendement n° 17.
Je mets aux voix le I de l’amendement n° 17.
(Le I de l'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le II de l'amendement n° 17.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte le II de l'amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de l'amendement n° 17, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 7 bis, modifié.
(L'article 7 bis est adopté.)
Article 7 ter
(Non modifié)
I. – Le livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 8224-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de méconnaître les interdictions définies aux 1° et 3° du même article L. 8221-1 en commettant les faits en bande organisée est puni de dix ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende. » ;
2° Après le premier alinéa des articles L. 8234-1 et L. 8243-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée. »
II. – Le titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le 19° de l’article 706-73, il est inséré un 20° ainsi rédigé :
« 20° Délits de dissimulation d’activités ou de salariés, de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé, de marchandage de main-d’œuvre, de prêt illicite de main-d’œuvre, d’emploi d’étrangers sans titre de travail prévus aux 1° et 3° de l’article L. 8221-1 et aux articles L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-2, L. 8231-1, L. 8234-1, L. 8234-2, L. 8241-1, L. 8243-1, L. 8243-2, L. 8251-1 et L. 8256-2 du code du travail. » ;
2° L’article 706-88 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux délits mentionnés au 20° de l’article 706-73. »
III. – Au VII de l’article 4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».
IV. – Au second alinéa de l’article 323-5 du code des douanes, la seconde occurrence du mot : « dernier » est remplacée par le mot : « huitième ».
V. – Au second alinéa de l’article 193-5 du code des douanes de Mayotte, la seconde occurrence du mot : « dernier » est remplacée par le mot : « huitième ». – (Adopté.)
Article 8
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article L. 241-1 du code des assurances est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Tout candidat à l’obtention d’un marché public doit être en mesure de justifier qu’il a souscrit un contrat d’assurance le couvrant pour cette responsabilité. » – (Adopté.)
Article 9
(Non modifié)
Le titre unique du livre III de la troisième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° Le chapitre III est complété par un article L. 3313-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 3313-3. – Il est interdit à tout conducteur routier de prendre à bord d’un véhicule le repos hebdomadaire normal défini au h de l’article 4 du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CEE) n° 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil.
« Tout employeur veille à ce que l’organisation du travail des conducteurs routiers soit conforme aux dispositions relatives au droit au repos hebdomadaire normal. » ;
2° Après l’article L. 3315-4, il est inséré un article L. 3315-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3315-4-1. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende :
« a) Le fait d’organiser le travail des conducteurs routiers employés par l’entreprise ou mis à sa disposition sans veiller à ce que ceux-ci prennent en dehors de leur véhicule leur temps de repos hebdomadaire normal défini au h de l’article 4 du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CEE) n° 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil ;
« b) Le fait de rémunérer, à quel titre et sous quelle forme que ce soit, des conducteurs routiers employés par l’entreprise ou mis à sa disposition, en fonction de la distance parcourue ou du volume des marchandises transportées, dès lors que ce mode de rémunération est de nature à compromettre la sécurité routière ou à encourager les infractions au règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, précité. » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 3315-6, après la référence : « L. 3315-4 », est insérée la référence : « , L. 3315-4-1 ». – (Adopté.)
Article 10
(Non modifié)
À la seconde phrase de l’article L. 3421-3 du code des transports, les mots : « et titulaire d’une licence communautaire » sont supprimés – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. La présente proposition de loi va bien évidemment dans le bon sens – je souscris pleinement à l’intervention de mon collègue Éric Bocquet – et comporte des avancées positives : encadrement du recours à la sous-traitance et aux travailleurs détachés, responsabilisation des donneurs d’ordre à l’égard du comportement des entreprises auxquelles ils délèguent une partie de leur activité… Elle marque incontestablement un progrès.
Il s’agit toutefois d’un progrès limité, tant le retard que nous avons malheureusement accumulé depuis des années est grand et tant le recours aux travailleurs détachés est devenu récurrent. On parle, cela a déjà été dit, de 200 000 à 300 000 travailleurs détachés en France, sans compter ceux qui ne sont pas déclarés.
Or cette pratique, autorisée par la directive européenne de 1996, répond dans la plupart des cas à une logique, à un fondement économique et politique que nous contestons et selon lequel il faudrait, au nom d’une certaine conception, laisser les intérêts financiers et marchands dicter leurs règles.
En réalité, cette logique libérale – nous en subissons malheureusement les effets – met en concurrence les peuples et les pays européens.
Soyons clairs : nous ne nous retrouvons nullement dans cette construction européenne-là, qui autorise le dumping social et la mise en concurrence des travailleurs entre eux. Cela a déjà été indiqué par d’autres intervenants : cette conception va à l’encontre de l’idéal européen.
À la différence d’autres groupes politiques, nous n’hésitons pas à affirmer de manière constante et régulière notre opposition non seulement à ce gâchis économique et social, mais aussi à cette dérive ultralibérale européenne qui conduit à des replis dangereux.
C’est pourquoi, au-delà de la conjoncture électorale actuelle, nous revendiquons de manière constante des mesures beaucoup plus fortes pour combattre toutes les formes de dumping social.
Sur le fond, nous pensons qu’il faut être beaucoup plus ferme pour protéger les salariés et les petites et moyennes entreprises victimes de cette concurrence déloyale. Nous le montrons d’ailleurs de manière constante : seuls les élus du groupe Gauche unitaire européenne-Gauche verte nordique, dont font partie les élus communistes et ceux du Front de gauche, se sont opposés à l’adoption de la directive d’exécution, laquelle, nous le savons tous dans cette enceinte, ne constitue en rien un changement fondamental par rapport au texte initial.
Monsieur le ministre, vous avez opté pour un discours volontariste et optimiste en disant que faire l’Europe, ce n’est pas laisser faire et qu’il n’y aura plus ni dumping ni exploitation. Mais vous savez tout aussi bien que nous que la directive européenne permet intrinsèquement ce dumping social, le différentiel de cotisations patronales suivant les pays pouvant impliquer un différentiel de coût de l’ordre de 30 à 40 %.
Beaucoup de chemin reste encore à parcourir. La vraie question, selon nous, est celle de l’harmonisation sociale européenne. Il s’agit de la seule voie efficace pour combattre à la racine et dans la durée le dumping social que chacun, semble-t-il, condamne dans cet hémicycle.
La présente proposition de loi constitue un petit pas ; elle apporte des garanties nouvelles, même modestes, pour protéger les salariés et nos entreprises. Nous resterons bien évidemment vigilants, mais aussi ambitieux pour faire avancer les choses encore plus. Nous voterons ce texte qui marque une étape intéressante. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Au moment de conclure ce débat, je souhaiterais revenir sur deux points particuliers.
Tout d’abord, face au dumping social et à l’explosion du nombre de travailleurs détachés au cours des cinq dernières années – nous avons noté les chiffres –, le législateur n’avait d’autre choix que de se saisir du problème sans attendre que la Commission européenne reprenne ses travaux, au risque d’accuser un certain retard.
La majorité, à travers ce gouvernement, a donc pris ses responsabilités en soumettant à notre examen cette proposition de loi.
Ensuite, le présent texte contient, parmi les dispositions euro-compatibles, les mesures les plus à même de limiter les abus et contournements des directives dites « Bolkestein » et « de détachement des travailleurs ».
Permettez-moi néanmoins, mes chers collègues, d’exprimer quelques réserves, d’ordre chronologique notamment. Légiférer sur ce sujet avant que la future Commission européenne ne soit formée ne me semble pas être un signe de défiance à son endroit. Les discussions, qu’elles aient lieu dans un cadre intergouvernemental ou communautaire, ont avancé depuis que la Commission européenne a présenté, le 21 mars 2012, une proposition de directive d’exécution de la directive. Nous sommes donc d’accord avec vous, monsieur le ministre, sur la question de l’opportunité de la présente proposition de loi.
Sur le fond, je rejoins la position exprimée par Jean Bizet lors de la discussion générale. Malgré les modifications souvent nécessaires que le Sénat a pu apporter, l’opérationnalité de certaines dispositions est, dans le meilleur des cas, contestable. Nous sommes toujours favorables au principe de responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-paiement des salaires ; cela est d’une redoutable évidence.
Cependant, et toujours sans la moindre ambiguïté, nous sommes opposés, je le répète, à l’article 1er ter, qui engage la responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-respect du noyau dur des obligations incombant aux employeurs qui détachent des salariés. M. le ministre l’a rappelé, l’inspection du travail n’est pas la seule habilitée à contrôler le respect des règles, mais les sous-traitants peuvent intervenir à tout moment sur un chantier. On voit donc bien la difficulté.
Nous sommes également perplexes quant aux conséquences de l’adoption de l’article 7 bis, je l’ai signalé lors de mon explication de vote sur cet article, qui instaure deux nouvelles peines pour les entreprises condamnées pour travail dissimulé : l’exclusion de toute aide publique pendant une durée de cinq ans, et l’exclusion de toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public. Songeons, mes chers collègues, aux entreprises qui feront l’objet d’une reprise, et qui seront ainsi pénalisées.
Enfin – et cette interrogation trouve un écho particulier avec l’adoption, hier, de la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié –, nous doutons du respect du principe constitutionnel selon lequel nul ne plaide par procureur, que semblent ignorer les articles 6 bis et 7, malgré les améliorations que le Sénat a apportées sur ce point.
Dès lors, parce que ce texte répond à une urgence sociale, les membres du groupe UMP ne s’y opposeront pas. Mais parce qu’il reste approximatif sur le plan constitutionnel et imprécis quand il aborde les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants, les sénateurs UMP s’abstiendront.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai évidemment pas sur l’analyse de ce texte, que j’ai déjà eu l’occasion de vous présenter lors de la discussion générale, pas plus que sur les motivations qui entraînent le groupe UDI-UC à voter en sa faveur.
Je profite de cette intervention pour remercier Mme la rapporteur et les fonctionnaires de la commission des affaires sociales, dont le travail a permis de clarifier le texte. C’est une question urgente, en effet ; le dumping social et la concurrence déloyale que représentent les travailleurs détachés nourrissent, il faut bien l’avouer, l’europhobie, à l’heure même où nous sommes en campagne pour les élections européennes.
Cet après-midi, c’est sans ambiguïté que nous allons voter une proposition de loi très importante. Je regrette seulement, je le signale une nouvelle fois, monsieur le ministre, que la directive et le présent texte ne puissent pas aller plus loin. La concurrence déloyale est aussi alimentée par les distorsions existant entre les niveaux de cotisations sociales. Une mesure de transition, simple, serait de faire payer les cotisations dans le pays d’accueil, sous réserve, bien sûr, qu’elle soit plus favorable pour le travailleur détaché. J’espère que vous pourrez défendre cette position à Bruxelles, monsieur le ministre, auprès de vos collègues européens, au cours des prochains mois.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Pour ce qui concerne la position du groupe écologiste, il n’y a aucun suspense : nous avions déjà annoncé que nous voterions en faveur de la présente proposition de loi, même si nous avions regretté, lors des travaux de la commission, que les textes de transposition des directives soient sous-traités aux parlementaires socialistes. (Sourires.) Néanmoins, cela nous permet d’aller vite, ce dont nous nous réjouissons. Cette proposition de loi, dès lors, nous satisfait malgré tout.
Une question se pose néanmoins. Lors de nos discussions, nous avons souligné qu’il fallait lutter contre les abus, promouvoir une harmonisation sociale – nous ne parlons pas, même si le point mériterait d’être soulevé, d’harmonisation fiscale – par le haut. Tout le monde partage ces bonnes intentions.
Dès lors, comment ne pas être étonné que nous nous engagions concomitamment dans la signature du traité transatlantique ? Les ambiguïtés, les contradictions vont se voir renforcées : d’un côté l’harmonisation sociale par le haut, voulue par M. le ministre et au moins la moitié des membres de cet hémicycle, de l’autre un traité signé avec les États-Unis visant à supprimer les barrières, aussi bien douanières – et donc financières – que non douanières. La concurrence devra être totale, et les garde-fous politiques et sociaux devront disparaître !
Nous nous trouverons donc en pleine contradiction : grâce aux efforts de MM. Sapin et Repentin, l’Europe sociale se construit petit à petit, même si c’est difficile, et à peine obtenues quelques avancées à l’échelle communautaire, on signe un traité qui remet tout à plat !
Je sais que, dans ce traité, dont nous ne sommes pas censés connaître les dispositions puisqu’il est normalement secret (Sourires.), il est affirmé qu’il faut défendre certaines valeurs. Mais, en réalité, nous n’aurons pas le droit d’interdire la libre concurrence avec les États-Unis.
Le débat de ce jour était donc souhaitable, et le groupe écologiste, je le répète, votera la présente proposition de loi avec détermination et enthousiasme. Mais cette dernière sera difficile à mettre en œuvre, d’une part, cela a été souligné par tout le monde, parce qu’elle est incomplète, et, d’autre part, parce qu’elle se heurte aux dispositions d’un traité qui laisse le champ libre à la concurrence, sans aucune garantie pour les droits sociaux.
Cette explication de vote sur l’ensemble me permet d’affirmer une nouvelle fois que les écologistes sont opposés à la signature du traité transatlantique. (M. Éric Bocquet applaudit.)
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souscris tout à fait aux arguments développés par René-Paul Savary, qui vous a expliqué que le groupe UMP allait s’abstenir sur ce texte.
À titre personnel, mon abstention doit être considérée comme positive. Il me semble, en effet, que l’on prend vraiment le problème à bras-le-corps. Le dumping social est la plaie de nos PME. Nous en entendons régulièrement parler, et il était temps que nous intervenions. Certes, M. Savary l’a souligné, la proposition de loi présente une fragilité, liée à des aspects constitutionnels et à des questions d’applicabilité. Nous verrons ce qu’il en est.
Je considère néanmoins que ce texte, sur un plan général, constitue un signal fort.
Je voulais également dire quelques mots sur un point plus particulier. Les articles 9 et 10, relatifs au transport routier, se sont greffés sur un texte avec lequel ils ont un lien presque évident.
Nos entreprises de transport routier constituent le trait d’union entre les PME et les clients, les fournisseurs. Nous savons le rôle qu’elles jouent dans nos territoires, et le nombre d’emplois important qui sont concernés.
Les dispositions qui figurent à l’article 9, en particulier, sont tout à fait opportunes. Il est temps de mettre de l’ordre dans la façon dont certains transporteurs étrangers se comportent avec leurs salariés.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Pas seulement étrangers !
M. Jean-Claude Lenoir. Je pense notamment aux conditions dans lesquelles les salariés prennent leur repos hebdomadaire et à la façon dont certains sont rémunérés : en fonction du rendement. Pour ces derniers, le salaire dépend du nombre de kilomètres parcourus, du temps mis pour les couvrir, ainsi que du tonnage des marchandises transportées.
Il arrive régulièrement, lorsque l’on se promène le week-end, de voir sur les aires de repos des autoroutes ou des stations-service des quantités impressionnantes de camions étrangers. En réalité, c’est là que les chauffeurs prennent leur repos hebdomadaire.
Au-delà du texte qui nous est soumis aujourd’hui, je pose donc la question, monsieur le ministre, des moyens que vous allez pouvoir mettre à la disposition des autorités départementales, représentant les services de l’État, pour veiller à l’application des règles applicables, soutenues par les professionnels,…
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Jean-Claude Lenoir. … notamment par les transporteurs routiers de mon département, qui m’ont interpellé à ce sujet, et dont je me fais ici le porte-parole.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Nous l’avons indiqué au cours de la discussion générale, le groupe socialiste, bien évidemment, votera en faveur de cette proposition de loi.
Grâce au travail fourni en commission, enrichi des éclairages de Mme la rapporteur et de M. le ministre lors de l’examen des amendements présentés, nous avons pu améliorer le texte, afin de faire de l’Europe un espace de coopération plutôt que de concurrence déloyale.
Nous l’avons dit de façon unanime : il s’agit d’un premier pas, certes fondamental mais encore insuffisant. On ne pourra pas supprimer le dumping social tant qu’on ne traitera pas le sujet de l’harmonisation sociale.
M. le ministre nous a montré la détermination du Gouvernement en la matière, pour lequel ce sujet est parfaitement d’actualité. Il l’est d’autant plus que l’échéance des élections européennes approche. À charge pour nous, dès lors, de poursuivre le débat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)