M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ayant eu l’honneur de faire voter, en février 2011, une proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement, je suis particulièrement attentif à la mise en œuvre d’un droit d’accès à l’eau pour tous, et en particulier aux plus démunis.
Si nous devons nous battre, tous, pour faciliter l’accès à l’eau potable du milliard d’êtres humains qui n’en bénéficient pas encore, force est de constater que, dans notre pays, de plus en plus de familles rencontrent des difficultés, non pas à accéder à l’eau potable, mais à en assumer le coût.
Le constat est aujourd’hui largement partagé : il est nécessaire d’apporter, conformément aux recommandations de l’OCDE, une aide aux ménages dont la facture d’eau dépasse 3 % des revenus.
La question porte donc davantage sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer cet accès à l’eau pour tous. Comment cibler au mieux les usagers en difficulté ? Quel doit être le montant de l’aide ? Comment assurer une gestion efficace de cette aide tout en maîtrisant les coûts de gestion ?
En effet, il est essentiel de disposer d’une vision claire de l’efficacité et du coût de gestion des différents dispositifs qui pourront être mis en place par les collectivités et leurs groupements.
À la suite de la reconnaissance d’un droit à l’eau par la LEMA, deux lois prévoient différents types de dispositifs.
Je pense d’abord à la loi du 7 février 2011, issue de la proposition de loi que je viens d’évoquer. Entrée en vigueur le 1er janvier 2012, elle met en place un dispositif curatif et permet aux services d’eau et d’assainissement d’allouer 0,5 % de leurs recettes hors taxe aux fonds de solidarité pour le logement – FSL – départementaux, afin que ceux-ci puissent aider les foyers dont la facture d’eau excède 3 % des revenus à régler leurs impayés.
Je pense ensuite à la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, dite « loi Brottes ». Ce texte permet aux collectivités qui le souhaitent d’instituer une première tranche de consommation gratuite ou de moduler la progressivité du tarif en tenant compte des revenus ou du nombre de personnes composant le foyer. Là, on est plutôt dans le domaine préventif.
Une proposition de loi a été récemment déposée par le député Jean Glavany pour compléter ces textes.
Ces premières initiatives peuvent être distinguées selon qu’elles contiennent des mesures préventives ou des mesures curatives ; c’est toute l’importance de ce débat.
Je souhaiterais examiner le sujet à la lumière de l’expérience du syndicat des eaux d’Île-de-France, le SEDIF, dont j’assure une vice-présidence et qui est, avec 4,5 millions d’usagers et 1 milliard de litres d’eau fabriqués chaque jour, le plus important service d’eau d’Europe.
Avant d’adopter un dispositif curatif d’aide aux abonnés, nous avons examiné différentes solutions préventives en constatant qu’elles ne répondaient pas ou qu’elles répondaient mal aux objectifs visés.
Ainsi, la mise en œuvre d’une première tranche de consommation gratuite, dès lors qu’elle est applicable à tout abonné du service public, pose problème : elle bénéficie autant aux abonnés en difficulté financière qu’à ceux qui ne connaissent pas ce genre de problèmes.
En outre, la gratuité d’une première tranche de consommation d’eau applicable à tous a des conséquences sur l’équilibre économique du service ; de ce fait, elle peut rendre nécessaire l’augmentation du tarif d’autres catégories de consommateurs ou de celui des tranches de consommation supérieure. Dans cette hypothèse, l’augmentation du tarif pourrait, le cas échéant, pénaliser des abonnés vivant en immeuble ou en copropriété, mais aussi des familles nombreuses susceptibles de connaître des difficultés financières.
Par ailleurs, l’eau distribuée a un coût, qui doit être répercuté sur les usagers, même de manière réduite, afin de les responsabiliser.
La gratuité de l’eau est très difficile à envisager.
Nous vivons une période où les réflexions nationales et locales tendent plutôt vers des solutions pour financer le nécessaire renouvellement des installations et des réseaux des services publics d’eau. Or cela va représenter un poste de dépense considérable et croissant dans les années à venir.
Que faut-il alors penser d’une tarification progressive ? Elle n’est pas toujours adaptée et n’a pas systématiquement une vertu sociale. Certains services d’eau mettent en place des tarifs « grands consommateurs », dégressifs, dont les bénéficiaires sont notamment de grands ensembles sociaux, immeubles ou copropriétés, lorsque les abonnements ne sont pas individualisés.
Le tarif dégressif avantage donc en priorité les familles résidentes dans ces grands ensembles, et le passage à une tarification progressive serait source de renchérissement, d’abord, pour ces usagers ou pour les établissements publics.
La tarification progressive est également susceptible de poser des difficultés d’application, comme le rappelait le rapport du Gouvernement au Parlement sur la mise en place d’une allocation de solidarité eau. En effet, en habitat collectif la répartition du bénéfice de l’aide dans le calcul des charges devient complexe à mettre en œuvre et très peu visible pour la plupart des ménages.
Quant à l’option de la tarification sociale, nous-mêmes n’avons pu la retenir eu égard à l’impossibilité de calibrer un tarif en fonction des revenus de centaines de milliers d’abonnés.
La mise en œuvre d’un tarif social est encore plus difficile pour les usagers précaires : quel montant de la facture d’eau peuvent-ils individuellement accepter compte tenu de leur maigre budget ?
Le message qu’il importe de retenir, c’est qu’il ne peut pas y avoir de réponse uniforme au niveau national en matière de tarification sociale. On doit se fonder sur la réalité locale : caractéristiques sociales et économiques de la population, types d’habitat, prix des services d’eau, état des ressources, etc....
Pour notre part, nous avons mis en place un programme d’aide essentiellement curatif, pour aller là où se situe la difficulté. En l’occurrence, l’objectif des élus du SEDIF était, et de manière unanime, d’assurer l’accès à l’eau de tous les usagers en difficulté, qu’ils soient directement abonnés ou consommateurs en immeuble collectif, notamment ceux qui n’ont pas de compteur, en mettant nos communes au cœur du dispositif. Aujourd'hui, 1 % des recettes de vente d’eau, soit 2 millions d’euros, est consacré à ce dispositif.
Plusieurs types d’aides financières sont alors proposés.
Il y a ainsi des chèques d’accompagnement, c'est-à-dire des chèques prépayés d’un montant de 10 euros, 20 euros ou 30 euros, qui permettent de payer la part eau de la facture dépassant les 3 % du revenu. Ces chèques dématérialisés sont mis à la disposition des centres communaux d’action sociale – CCAS –, pour être distribués aux abonnés confrontés à des difficultés.
Les communes doivent jouer un rôle important, car elles sont plus à même de juger la situation des ménages. Les CCAS attribuent souvent un montant d’aide lié au reste-à-vivre : entre 100 euros et 200 euros en moyenne.
À ce jour, le public visé est l’abonné au service public de l’eau dont la facture totale annuelle excède 3 % des ressources du foyer.
Ce dispositif permet d’apporter une aide immédiate aux abonnés en incapacité de régler leur facture d’eau. Souple et rapide, il paraît bien adapté aux besoins urgents des bénéficiaires.
Au total, entre 2011 et 2013, 6 000 dossiers auront été traités, pour près d’un million d’euros d’aides distribuées.
Une étude est en cours pour étendre le dispositif au bénéfice des usagers non abonnés.
Après trois ans de mise en œuvre, nous enregistrons une très forte montée en puissance de cette aide solidaire. Cela traduit une excellente appropriation du dispositif par les CCAS et son bien-fondé auprès des abonnés en difficulté des services de l’eau.
Ainsi, en trois ans, sur une population desservie de 4,5 millions d’habitants, ce sont déjà près de 16 000 familles qui ont été aidées par l’ensemble des dispositifs FSL et chèques services, pour un montant d’aide de plus de 2 millions d’euros.
Les leçons que nous pouvons tirer de cette expérience conduite à grande échelle nous le montrent : plutôt que d’imposer un système unique et compliqué de solidarité à toutes les communes et à toutes les populations, mieux vaut inciter les collectivités à choisir entre les dispositifs préventifs ou curatifs qui correspondent le mieux aux besoins de leur population.
La réalité sociale vécue dans les grands ensembles urbains est souvent différente des problèmes ressentis en milieu rural, ne serait-ce que par le prix de l’eau, qui n’est pas identique partout.
L’autre conclusion est qu’il convient de maintenir et de systématiser le principe d’une contribution des distributeurs d’eau à ces dispositifs d’aide. En effet, pour que la solidarité soit décisive, il faut qu’elle puisse reposer sur une collecte de fonds substantielle. Or la solidarité ne peut pas reposer que sur les seuls usagers.
Mes chers collègues, l’accès à l’eau est un droit imprescriptible, que nous avons tous le devoir de faire respecter. La coopération internationale et la coopération décentralisée sont un des moyens les plus efficaces pour le faire vivre dans les pays qui en sont privés. Mais nous avons aussi le devoir de prendre les mesures nécessaires pour que, sur notre territoire national, chaque famille puisse faire face à ses dépenses d’eau. C’est notre mission de mettre en œuvre les mécanismes d’entraide ; c’est notre honneur de faire vivre cette solidarité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, réuni à Stockholm à la fin du mois de septembre 2013, le GIEC, le groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, annonçait une hausse des températures comprise entre 0,3°degré Celsius et 4,8°degrés Celsius d’ici à 2100. Ses estimations prévoient également une hausse du niveau de la mer de 26 centimètres à 82 centimètres au cours de la même période.
Se fondant sur des scénarios du GIEC, un rapport de l’ONERC, l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, de 2009 avait déjà donné le ton. À supposer que la demande en eau reste stable, c'est-à-dire pour la satisfaction des besoins actuels de l’industrie, de l’agriculture pour l’irrigation et de l’alimentation en eau potable, on observerait en France un déficit de 2 milliards de mètres cubes par an à l’horizon 2050.
Cela se traduirait par une multiplication des conflits d’usage, par une dégradation de la qualité des eaux ou encore par la perturbation des écosystèmes aquatiques ou dépendants de la ressource en eau.
Le droit à l’eau devient donc une question primordiale, pour assurer la continuité de l’ensemble des activités humaines.
Ce droit est aujourd’hui reconnu par l’article L. 210-1 du code de l’environnement, qui dispose : « Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. »
Le droit à l’eau est, à mes yeux, un enjeu à plusieurs dimensions. Le temps qui m’est imparti m’oblige cependant à concentrer mon propos sur deux défis qui me paraissent essentiels.
Le premier défi est social et domestique : sur notre territoire, chacun doit pouvoir disposer du droit à l’eau, avec une attention particulière portée aux ménages les plus modestes ou en difficulté.
Le second défi est celui d’une politique de l’eau à long terme. Si nous voulons préserver le droit à l’eau, nous devrons répondre aux enjeux du réchauffement climatique, aux conséquences de celui-ci sur l’agriculture et, à plus large échelle, aux conflits d’usage que suscite la rareté de l’eau.
Je souhaite tout d’abord évoquer l’accès à l’eau sur notre territoire.
La facture « eau et assainissement » représente aujourd’hui environ 1,25 % du revenu disponible moyen d’un ménage, soit une facture annuelle de l’ordre de 430 euros pour une famille composée de deux adultes et de deux enfants.
Alors que le prix moyen de l’eau augmente, qu’il est fortement variable d’un département à l’autre, voire d’un service à l’autre, il convient de s’intéresser aux outils facilitant l’accès à l’eau pour les foyers les plus modestes.
À ce titre, le groupe UDI-UC s’est félicité de la mise en place d’une expérimentation, en vue de mettre en œuvre une tarification sociale de l’eau.
Engagée pour une période de cinq années, la mesure figure dans loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, adoptée sur l’initiative de M. Brottes ; nous nous souvenons tous qu’elle a été largement vidée de sa substance initiale !
Quoi qu'il en soit, cette loi a mis en place, jusqu’au mois d’avril 2018, une expérimentation sur la tarification sociale de l’eau dans les communes, régions et autres collectivités territoriales qui souhaitent participer au dispositif.
Les collectivités participantes seront autorisées à prévoir une facturation progressive de l’eau potable, avec possibilité d’instaurer une première tranche de consommation gratuite pour les abonnés en situation de précarité énergétique.
La définition des tarifs pourra être modulée en fonction du nombre de personnes ou des revenus du foyer, de l’attribution d’une aide au paiement des factures d’eau ou d’une aide octroyée pour l’accès à l’eau.
Je suis tout particulièrement attentif à ce sujet, étant membre du Comité national de l’eau, qui est chargé du suivi et de l’évaluation de l’expérimentation. Le Comité devra remettre au Gouvernement, avant la fin de l’année 2015, un rapport décrivant les actions engagées dans le cadre de l’expérimentation et, avant la fin de l’année 2017, un rapport d’évaluation et de proposition.
Le droit à l’eau passe également par plus de souplesse dans l’accessibilité aux services d’eau et d’assainissement.
Comme plusieurs études ont pu le démontrer, plus les clients sont en situation financière difficile, plus le coût de services essentiels tel celui de l’eau pèse lourd, par comparaison aux prix payés par les autres clients, compte tenu de la part de l’abonnement fixe, lequel a évidemment une incidence sur le prix moyen du mètre cube consommé.
En outre, les frais supplémentaires créés par l’utilisation de moyens de paiement de substitution au prélèvement automatique constituent un obstacle supplémentaire et ils sont mal vécus par les ménages précaires.
Très attaché au principe d’équité, le groupe UDI-UC a présenté et fait adopter un amendement sur ce sujet dans le cadre du projet de loi relatif à la consommation, amendement aux termes duquel le délégataire du service public d’eau et d’assainissement sera désormais obligé de proposer, parmi les modes de paiement utilisables, le chèque et une modalité de paiement en espèces. De plus, il sera tenu d’offrir gratuitement à tous ses clients la possibilité de payer ses factures par mandat compte.
Une telle mesure me semble intéressante en ce qu’elle contribue à renforcer le droit à l’eau. Je veillerai à ce qu’elle puisse être définitivement adoptée, demain matin, lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la consommation.
Les enjeux liés à l’eau ont considérablement évolué. À une échelle plus globale que l’aspect social que je viens d’évoquer, les défis sont immenses : disponibilité et qualité de l’eau – l’une ne saurait aller sans l’autre –, multiplicité des usages, réchauffement climatique, protection de la ressource et des milieux, sécheresse, inondations ou encore santé publique…
Le temps de l’eau abondante est révolu. L’eau est désormais une ressource fragile.
Comment garantir à chaque secteur d’activité une eau de qualité, en quantité suffisante ? C’est le défi auquel nous serons tous confrontés.
Comme a pu l’écrire M. Philippe Martin, lorsqu’il était député, dans son rapport sur la gestion quantitative de l’eau en agriculture de juin 2013, « une gestion équilibrée de la ressource en eau suppose de conjuguer la protection des milieux, les usages économiques et un partage équitable de l’eau ».
Il est donc primordial de ne pas opposer les usages agricoles aux autres usages et aux exigences des milieux naturels.
Je pense que les conflits d’usage peuvent être réglés par des approches territoriales à l’échelle du bassin hydrographique, car elles permettent à l’ensemble des acteurs de partager le diagnostic et d’établir des solutions durables, équitables entre tous les usages.
L’existence de tels projets territoriaux, s’appuyant sur une démarche de concertation associant tous les acteurs du territoire, permettrait de dépassionner le débat sur l’achèvement des évolutions réglementaires et sur les retenues de substitution, notamment dans le domaine agricole.
L’agriculture absorbe aujourd’hui plus de 70 % de l’eau consommée, à travers l’élevage, l’irrigation ou encore l’accroissement de la production de plus grandes quantités de denrées alimentaires.
Le droit à l’eau est donc essentiel pour sécuriser les activités des agriculteurs et relever le défi alimentaire dont il est question dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
De plus, le réchauffement climatique, tout particulièrement dans ma région du Sud-Ouest, fait craindre des conditions climatiques de plus en plus méditerranéennes, et donc des périodes de sécheresse plus longues. Dans une telle situation, comme certains spécialistes de la question l’ont souvent souligné, soit on subit, soit on anticipe !
La sécurisation des cultures spécialisées, mais aussi la contractualisation agricole et le maintien des exploitations ne peuvent s’opérer sans garantie de la ressource en eau.
Je reste convaincu que nous devons encourager la création de réserves de substitution gérées collectivement ; elles pourraient soulager la pression sur les fleuves tels que la Garonne.
Madame la ministre, cela fait vingt ans qu’il est question du projet de barrage de Charlas.
M. Henri Tandonnet. Le dossier est peut-être abandonné aujourd'hui, mais il faudra tout de même trouver une solution. La population de la métropole de Toulouse s’accroît de 15 000 personnes par an. Le problème monte donc en puissance : il serait bon d’anticiper sur la gestion des stocks, notamment par la création de réserves de substitution. Je ne pense pas forcément à la construction de barrages, car il existe d’autres moyens.
Nous devons en effet réfléchir aux manières de stocker de l’eau de pluie abondante en hiver et au printemps pour l’utiliser tous ensemble en été, quand les précipitations sont plus rares.
Dans le département de Lot-et-Garonne, les nappes de surface sont un vaste réservoir aujourd’hui insuffisamment exploité. Cette eau pourrait continuer à irriguer des champs et des cultures spécialisées sous contrat. En garantissant un revenu attractif, elle est de nature à maintenir une population rurale qui est indispensable à la vie de nos territoires, avec des exploitations de taille familiale liées aux productions contractualisées.
Pourquoi aller dans la seule direction de la réduction de l’usage agricole de l’eau en été et ne pas chercher une solution plus « méditerranéenne », qui satisferait davantage d’usagers ? Cela nous préserverait d’une accélération du réchauffement climatique : l’évaporation provoquée par le processus de photosynthèse est le meilleur moyen de faire baisser la température.
L’articulation entre les politiques, notamment en matière d’urbanisme, d’agriculture, d’énergie ou d’aménagement des territoires, est la question clé de la politique de l’eau de demain, pour un droit à l’eau préservé.
Sans un partenariat entre ces politiques, qui ont un impact sur l’eau et les milieux aquatiques, les progrès seront limités. Il est donc de notre devoir d’anticiper les effets du réchauffement climatique, de comprendre le lien étroit qui existe entre l’eau et l’adaptation à ce changement, et de favoriser une meilleure adéquation entre les besoins et les ressources. (MM. Ronan Dantec, François Fortassin et Jean-Jacques Lasserre applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre groupe, sur l’initiative de notre collègue Christian Favier, a souhaité débattre dans cet hémicycle du « droit à l’eau ».
Ce sujet, important pour la vie de nos concitoyens, constitue une préoccupation majeure des élus locaux.
L’eau, élément vital, devient malheureusement, de plus en plus, un poids dans le budget des familles, et ce de manière particulièrement inégalitaire puisque de fortes disparités territoriales font varier le prix de l’eau du simple au triple.
Alors que, selon l’OCDE, la facture d’eau ne doit pas représenter plus de 3 % du budget des ménages, cette limite est souvent franchie. L’émergence de cette question dans le débat public s’est traduite par la montée en puissance d’un « droit d’accès à l’eau ».
Je voudrais donc revenir sur ce que nous entendons concrètement par cette notion de « droit à l’eau », dont les contours sont aujourd’hui bien trop flous.
Lorsque l’accès à un service essentiel est rendu difficile parce qu’il ne se fait plus dans des conditions financièrement acceptables, comme cela se voit trop souvent, l’exigence d’un droit individuel émerge et semble constituer la meilleure garantie pour les usagers. Il en a été ainsi de l’énergie, du logement et, plus récemment, de l’eau.
La loi sur l’eau et les milieux aquatiques adoptée en 2006 a ainsi proclamé en son article 1er que « chaque personne […] a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ». C’est très bien ! Cependant, même si la définition d’un droit à l’eau à portée universelle est un progrès incontestable, nous estimons qu’elle reste fondamentalement insuffisante : aujourd’hui, ce principe est inopérant.
En individualisant la question de l’accès à un droit, on opère un raccourci qui permet d’éviter soigneusement le sujet des conditions de la réalisation de ce droit et de la responsabilité des pouvoirs publics en vue de le garantir.
Pour me faire comprendre, je prendrai l’exemple du logement.
Depuis les années soixante-dix, et à mesure que baissaient les aides à la pierre, les aides personnelles au logement ont pris une place de plus en plus importante dans le budget de l’État, comme dans celui des ménages : la responsabilité de la puissance publique n’a plus été de bâtir, mais d’apporter aux plus précaires une aide leur permettant d’être solvables sur un marché laissé aux mains du privé. De l’État acteur, nous avons progressivement glissé vers un État correcteur des dérives de marchés libéralisés.
Malheureusement, dans le contexte actuel de crise économique, la tâche s’avère de plus en plus difficile puisque les tarifs ont augmenté alors que le pouvoir d’achat de nos concitoyens baisse inexorablement.
Le même raisonnement s’applique au sujet de l’accès à l’eau.
Depuis plusieurs années, nous avons de grands débats pour savoir comment caractériser le droit à l’eau. Faut-il garantir financièrement les personnes dont les ressources ne leur permettent pas d’avoir un accès à l’eau dans des conditions acceptables ? Ne faut-il pas plutôt se poser la question de la responsabilité publique en la matière et garantir la définition au niveau national de l’intérêt général et d’un droit à l’eau ?
Nous avions déposé en 2009 une proposition de loi qui prévoyait l’instauration d’une allocation « eau » sur le modèle de l’aide personnalisée au logement, l’APL. Une telle proposition est partagée au plus haut niveau, au sein du Comité national de l’eau, mais elle n’a toujours pas vraiment abouti, ce que nous regrettons.
Nous défendons cette proposition parce qu’il s’agit d’une mesure d’urgence sociale. Toutefois, elle ne peut résumer à elle seule notre approche politique de cette problématique.
La nécessaire solvabilisation ne doit pas cacher l’importance d’une maîtrise publique du secteur. Nous le voyons aujourd'hui, beaucoup de collectivités, à l’approche des futures échéances électorales, se posent la question des modes de gestion de l’eau, témoignant d’une aspiration à un meilleur contrôle des prestations et à une meilleure protection de la ressource. Elles sont de plus en plus nombreuses à être tentées par l’idée de revenir sur les délégations de service public au profit de régies. Pour autant, le débat reste insuffisant.
En déléguant, comme c’est souvent le cas, le service public de l’eau, les communes, au motif d’économies budgétaires, ont supprimé les services municipaux correspondants, trouvant par ailleurs un intérêt fort et justifié dans la mutualisation intercommunale. Elles ont, par conséquent, perdu le savoir-faire technique et se sont placées en situation de dépendance devant les majors de ce secteur.
Les collectivités, notamment en milieu rural, disposent aujourd’hui d’un choix extrêmement limité au regard de la complexification des normes en matière environnementale. Elles n’ont plus ni les moyens ni les capacités d’expertise pour assumer de nouveau un mode de gestion public.
En outre, le plus souvent, l’état des infrastructures est dégradé. Dès lors, une telle réappropriation nécessiterait des investissements que les collectivités ne sont pas en mesure de consentir. Seront-elles obligées de socialiser les déficits après avoir subi une privatisation des profits ? Demain, au regard de la baisse dramatique des dotations qui impose aux communes de prendre des décisions extrêmement difficiles en matière de gestion, la marge de manœuvre des collectivités sera encore plus étroite qu’aujourd’hui.
Au final, le choix est souvent simple : soit le périmètre du service public est réduit, soit le service est confié intégralement au privé.
L’offre privée n’est pas porteuse, on le sait aujourd’hui, d’une concurrence bénéfique aux usagers puisque, en réalité, il s’agit d’un quasi-monopole partagé entre quelques majors, qui réalisent de confortables profits. Or ces grands groupes ne font aucun effort pour réinvestir ces profits dans le secteur économique, notamment dans les réseaux, préférant distribuer l’essentiel des bénéfices à leurs actionnaires.
Certes, les grands groupes ont accepté d’instituer « une tarification sociale », mais en faisant reposer cette solidarité uniquement sur les autres usagers. Cette tarification sociale leur permet, par ailleurs, de s’acquitter à bon compte de ce qu’ils qualifient de responsabilité sociale, tout en solvabilisant les plus précaires, ce qui limite les impayés.
Pour ces raisons et afin de sortir par le haut de ce débat, nous misons, pour notre part, sur la création d’un service public national de l’eau.
La mise en place d’un service public national décentralisé permettrait à l’État d’assurer son rôle de garant de la préservation de la ressource et rendrait possible le soutien technique et financier des collectivités, tout en garantissant une péréquation au niveau national, seul gage possible de solidarité et d’accès au droit à l’eau.
C’est d’ailleurs dans ce cadre que doit se poser la question de la gratuité des premiers mètres cubes d’eau. Une telle mesure de justice sociale n’a de sens que si elle relève de la solidarité nationale, justement parce qu’il s’agit d’un droit fondamental.
L’État, pour remplir auprès des élus des collectivités locales des missions de conseil et d’expertise, pour promouvoir une utilisation économe de la ressource, doit permettre la création d’un corps de fonctionnaires formés. Il est inacceptable que, aujourd’hui, la connaissance et l’expertise se situent quasi exclusivement au sein des entreprises privées de l’eau. Mon collègue Christian Favier a d’ailleurs soulevé très justement la question des laboratoires départementaux.
Non seulement il faut garantir à tous le droit d’accès à l’eau, mais il faut aussi permettre que s’exerce un contrôle citoyen. Pour cela, il est impératif de garantir aux collectivités les moyens techniques et humains de choisir réellement les politiques qu’elles mettront en œuvre et pour lesquelles elles seront élues.
À défaut, on pourra toujours évoquer un droit à l’eau sans que celui-ci soit jamais réellement garanti, et ces questions seront laissées, au fond, au bon vouloir des opérateurs privés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. – M. Ronan Dantec et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.)