Article 63 (précédemment réservé)
I. – (Non modifié)
II. – La communauté de communes ou la communauté d’agglomération existant à la date de publication de la présente loi et qui n’est pas compétente en matière de plan local d’urbanisme, de documents d’urbanisme en tenant lieu ou de carte communale le devient le premier jour de la troisième année suivant celui de la publication de la présente loi, sauf si un quart des communes représentant au moins 10 % de la population s’oppose à ce transfert de compétences dans les trois mois précédant le terme du délai de trois ans mentionné précédemment.
En cas de création de communauté de communes ou de communauté d’agglomération ou de fusion entre des communautés qui n’avaient pas la compétence en matière de plan local d’urbanisme, la communauté créée ou issue de la fusion intègre cette compétence, sauf opposition des communes dans les conditions et les délais prévus au premier alinéa du présent II.
Si, passé le délai de trois ans suivant la publication de la présente loi, la communauté de communes ou la communauté d’agglomération n’est pas devenue compétente en matière de plan local d’urbanisme, de documents d’urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale délibère dans les trois mois suivant l’élection de son président sur le transfert de cette compétence à la communauté. S’il se prononce en faveur du transfert, les communes membres peuvent s’y opposer dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II.
II bis. – (Supprimé)
III. – (Supprimé)
IV. – Si une commune membre de la communauté de communes ou de la communauté d’agglomération a engagé, avant la date de transfert de la compétence, une procédure d’élaboration, de révision, de modification ou de mise en compatibilité avec une déclaration de projet d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale, la communauté de communes ou la communauté d’agglomération devenue compétente peut décider, en accord avec cette commune, de poursuivre sur son périmètre initial ladite procédure.
V. – (Non modifié)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l'article.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes parvenus au point nodal de ce projet de loi : le transfert obligatoire de la compétence PLU aux intercommunalités.
Initialement formulées de manière inacceptable, puisque le transfert était automatique, les dispositions de l’article 63 ont évolué au cours des débats.
En octobre dernier, les convictions partagées par de nombreux sénateurs de différents groupes ont permis au Sénat de trouver un compromis, aux termes duquel le transfert de compétence ne pouvait être bloqué si un quart des communes représentant au moins 10 % de la population ne le souhaitaient pas.
Ce compromis, défendu par le rapporteur, nous l’avons jugé acceptable.
Pour autant, nous continuons de trouver contestable le fait que le transfert soit considéré comme la règle et le maintien de PLU communaux, l’exception. Nous aurions préféré que ce transfert reste une démarche positive des membres de l’établissement de coopération intercommunale.
En effet, nous pensons que, pour avoir des intercommunalités fortes, il faut des communes fortes et que, en ces temps troublés personne – et le Gouvernement moins que quiconque – ne gagnera à jeter le discrédit sur les élus locaux.
Sur le fond, nous regrettons que l’ensemble des projets de loi qui nous ont été soumis depuis plusieurs années aient engagé la dévitalisation des communes, au profit des intercommunalités. Le débat que nous venons d’avoir en est une nouvelle illustration.
À cet égard, l’article 63 apporte sa pierre à l’évaporation de nos communes puisqu’il signe la perte de leur capacité d’intervention dans un domaine fondamental, celui du droit des sols. Cette perte de compétence aura pour corollaire direct l’aggravation de l’asphyxie budgétaire dont elles souffrent déjà.
Comme mon collègue Gérard Le Cam vient de l’expliquer, si les membres du groupe CRC sont attachés aux communes, ce n’est pas par dogmatisme : c’est qu’elles sont le poumon de notre démocratie et parce que nos concitoyens y sont très attachés.
Toutefois, mes chers collègues, ne nous faites pas dire ce que nous ne disons pas ! Il n’y a pas, d’un côté, les modernes, les tenants de l’intercommunalité, et, de l’autre, les archaïques, dont nous serions, ceux qui voudraient que rien ne bouge.
Nous sommes favorables au changement, favorables au renforcement des coopérations intercommunales dans tous les domaines, à condition cependant que chacun soit respecté. Si les élus et les citoyens ont la volonté d’inscrire leur projet de développement dans une trajectoire élargie, ils doivent pouvoir le faire. Cela dit, nous savons tous que le temps démocratique, lequel permet une construction partagée, est long. Dès lors, rien ne sert de brutaliser les communes.
Pourtant, la rédaction de cet article fait toujours du PLUI la règle. L’expression démocratique ne devient que l’outil de la dérogation, ce qui nous semble toujours contestable.
Malgré ces réserves, nous continuons de soutenir la rédaction du Sénat, que nous avons rétablie en commission. Nous ne prônons pas la politique du pire et nous estimons qu’il convient de souligner les points de convergence quand nous les trouvons. Pour cette raison, nous n’avons pas déposé d’amendements sur cet article.
Madame la ministre, vous vous étiez engagée à défendre cette rédaction à l’Assemblée nationale. Vous l’avez fait, et je tiens à vous en remercier. Toutefois, vous avez été mise en échec par les députés, qui n’ont pas voulu entendre la voix du Sénat.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Pas encore !
M. Jean-Pierre Caffet. Cela viendra !
Mme Mireille Schurch. Nous aurions pu être tentés d’entamer des discussions sans fin sur le niveau de minorité exigé pour bloquer le transfert de la compétence. Nous ne céderons pas à cette tentation, et soutiendrons la position du Sénat jusqu’en commission mixte paritaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Claude Dilain, rapporteur de la commission des affaires économiques. Bravo !
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, sur l'article.
Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à apporter mon soutien au rapporteur concernant le rétablissement, par amendement, de la rédaction du dispositif du PLUI que nous avions adoptée en première lecture et qui a été modifié à l’Assemblée nationale.
Si l’intercommunalité est une démarche ambitieuse et désormais généralisée sur le territoire, elle nécessite du temps et de la pédagogie.
Les modifications intervenues au 1er janvier 2014, à la suite de la mise en place des schémas départementaux de coopération intercommunale, conduisent à des regroupements qui perturbent le fonctionnement des intercommunalités.
Il faut du temps pour apprendre à travailler ensemble. Donnons donc du temps au temps et essayons de convaincre plutôt que de contraindre !
Nous avons tous entendu l’appel des maires des communes de nos territoires, dont la situation est très disparate : certaines sont dotées de PLU, d’autres de cartes communales, d’autres encore n’ont adopté aucun document d’urbanisme. Pour cette raison, s’ils reconnaissent la nécessité d’élaborer des PLU intercommunaux, les maires souhaitent prendre le temps d’une adhésion véritablement consentie et avoir la possibilité de s’opposer au PLUI, en cas d’absence de consensus, dans l’intérêt général de leur territoire.
C’est pourquoi je soutiens le rétablissement du principe, défendu par notre rapporteur, selon lequel 25 % des communes représentant 10 % de la population de l’intercommunalité peuvent s’opposer au transfert de compétence.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l'article.
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est vrai que l’article 63 constitue un point de crispation dans l’examen de ce texte ; nous en avons déjà longuement débattu lors de la première lecture.
Madame la ministre, vous avez choisi de déployer des PLU intercommunaux sur l’ensemble du territoire national. Pourquoi pas ? Ce choix témoigne d’une bonne vision, et le PLUI est un bon outil, à l’instar du SCOT.
Toutefois, vous le savez, nous ne sommes pas d’accord avec vous sur le fait de l’imposer à tous les maires : laisser entendre à nos édiles qu’il faut leur imposer des dispositions parce qu’ils ne seraient pas capables d’évoluer atteste un manque de considération à leur égard.
En outre, votre proposition arrive à un bien mauvais moment, puisque l’on constate, un peu partout sur le territoire, dans les nouvelles intercommunalités issues des fusions réalisées sur la base des schémas départementaux, qu’il est parfois compliqué de faire travailler des unités de taille différente.
Le Sénat a eu la sagesse d’amender votre texte. Je reconnais que le résultat est « moins pire », mais je pense que la minorité de blocage suscitera la discorde et favorisera l’apparition de clan au sein des intercommunalités, notamment dans celles qui sont en train de se mettre en place.
Notre collègue Daniel Dubois, dans la discussion générale, nous avait fait part de sa crainte, madame la ministre, de vous voir, à court terme, faire probablement disparaître ce droit de veto.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. D’où tient-il cela ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas parole d’évangile !
Mme Élisabeth Lamure. J’espère que ce ne sera pas le cas.
En tout état de cause, le groupe UMP reste sur la même ligne qu’en première lecture : nous demandons la suppression de la disposition rendant le PLUI obligatoire, ce qui ne doit pas nous empêcher d’inciter les maires à venir peu à peu au PLUI, qui, je le répète, est une bonne mesure !
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas obligatoire ! C’est « sauf si » ! Il faut savoir lire !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.
M. Pierre-Yves Collombat. On ne peut que soutenir la position de la commission et du Sénat, laquelle répond à l’attente du plus grand nombre des communes – je n’ai pas dit « des plus grosses communes –, qui n’acceptent pas d’être dépossédées contre leur gré du pouvoir de choisir librement leur modèle de développement.
Je rappelle quand même que la maîtrise de leur urbanisme est la principale disposition que les communes ont héritée des lois de décentralisation de 1982 et 1983.
La solution adoptée par le Sénat est une reconnaissance du caractère très particulier, symbole de liberté, de la compétence « urbanisme ». Elle est même, contrairement à ce que j’ai entendu, plus protectrice que la règle actuelle de la majorité qualifiée.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Exact !
M. Pierre-Yves Collombat. On ne peut aussi qu’apprécier la constance de la position de Mme la ministre – cela ne lui a pas valu que des amis ! –, pour avoir bien compris ce point essentiel.
Mais cela n’est pas compris de tout le monde, loin de là. Les zélotes les plus fervents du PLUI ne comprennent tout simplement pas – j’en ai fait l’expérience – l’attachement des petites communes à cette liberté de choisir leur mode de développement, leur refus de se voir imposer des décisions qui ne sont pas les leurs.
Constatons que nos libéraux ne savent plus ce que « liberté » signifie !
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Joli ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Alors, rappelons-leur quelques mots de leur lointain ancêtre, Tocqueville, qui, lui, était un grand homme : « C’est dans la commune que réside la force des peuples libres. […] Sans l’institution communale une nation peut se donner un gouvernement libre, elle n’a pas l’esprit de la liberté. »
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, même dans la patrie de la Révolution, il ne s’agit pas d’être libre, mais d’être compétitif ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et sur celles du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l'article.
M. Gérard Longuet. En termes excellents, Mme Schurch et, à l’instant, M. Collombat ont défendu une conviction qui est aussi la mienne. Dès lors, pourquoi intervenir ? Parce que, sous le quinquennat précédent, alors que je présidais le groupe UMP du Sénat, la majorité avait fait adopter un texte relatif aux collectivités locales généralisant l’intercommunalité, grâce à la création des schémas départementaux de coopération intercommunale. Il avait alors été difficile d’expliquer aux uns et aux autres, y compris à certains membres de mon propre groupe, que la généralisation de l’intercommunalité était une démarche pertinente et même un devoir, car ce travail collectif permettrait de rationaliser les services que les collectivités communales doivent organiser au bénéfice de leurs habitants.
Cela étant, nous n’avions aucunement prévu de faire du plan local d’urbanisme une compétence obligatoire des intercommunalités, et ce pour une raison simple.
M. Collombat citait à l’instant Tocqueville, un libéral, en effet, qui s’est nourri aux États-Unis de l’expérience de cette vie locale forte et structurée. En vérité, c’est dans la compétence « urbanisme » que se trouve le cœur de la légitimité d’une vie communale : choisir son développement, choisir la silhouette future de sa commune, choisir de rester ce que l’on a été ou, au contraire, décider d’évoluer. Ces choix doivent pouvoir être faits en toute responsabilité, sans supporter nécessairement l’avis d’un acteur extérieur qui décide en votre nom.
Sous l’empire de la nécessité, la France s’est couverte dans les années soixante de grands ensembles construits selon la technique dite du « chemin de grue ». On ne peut pas dire de cette forme d’urbanisme qu’elle ait été, sans même parler d’esthétique, la plus pertinente pour la solidité, la cohésion sinon de la société française, en tout cas de la société urbaine,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’étaient vos gouvernements !
M. Gérard Longuet. … même si, reconnaissons-le, elle a eu le mérite de régler partiellement, sur le plan quantitatif, les problèmes de logement.
La plupart de ces constructions – cet urbanisme de la Caisse des dépôts et consignations – ont été imposées aux collectivités locales. Certaines en ont fait le choix, mais la plupart d’entre elles les ont subies. Les hauts fonctionnaires responsables de ces programmes ont disparu, sont partis à la retraite, ont quitté les territoires où ils ont donné libre cours à leur vision démiurgique du monde nouveau qui devait s’imposer localement à nos compatriotes, laissant sur place des élus locaux, des habitants, des associations aux prises avec les difficultés d’un urbanisme qu’ils n’avaient pas choisi.
C’est la raison pour laquelle les élus locaux fondent aujourd’hui leur légitimité, leur passion dans l’engagement collectif non pas simplement sur d’évidentes prestations de services – l’assainissement, le balayage, l’éclairage des rues –, mais aussi sur une certaine idée de la communauté à laquelle ils appartiennent. Ils sont choisis pour cela et, lorsqu’ils sont en contradiction avec l’opinion locale, ils sont changés. Tel n’est évidemment pas le cas de ces fonctionnaires extérieurs qui ont modelé le territoire français sans aucune responsabilité et en général sans jamais habiter les constructions qu’ils imposaient aux autres…
Voilà pourquoi nous n’avons pas voulu, au moment de la généralisation de l’intercommunalité, priver les conseils municipaux de la possibilité de choisir librement l’image qu’ils se font de leur avenir.
En revanche, construire, dans le cadre de l’intercommunalité, un partenariat entre la ville bourg et les villes périphériques, c’est le bon sens, c’est une évidence que peu à peu les populations locales accepteront et c’est à cette fin qu’elles mandateront leurs conseils municipaux.
Faisons en sorte que cette initiative vienne des habitants eux-mêmes et non d’une décision extérieure qui priverait ainsi le conseil municipal de toute légitimité vis-à-vis de la population : nos concitoyens pourraient avoir le sentiment que leurs élus sont totalement irresponsables et ne peuvent justifier les choix qui s’imposeront à eux, alors qu’il est du devoir de l’élu de rendre compte à ses administrés.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. La République est garante de l’unité !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 63 est présenté par MM. Dubois, Tandonnet, Delahaye et Namy, Mme Férat et MM. Amoudry, Marseille, Merceron, J.L. Dupont et Maurey.
L'amendement n° 211 est présenté par Mme Lamure, MM. Lenoir, César, P. Leroy, Billard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Henri Tandonnet, pour présenter l’amendement n° 63.
M. Henri Tandonnet. Mes chers collègues, l’amendement que je vous soumets est très simple, puisqu’il vise à supprimer l’article 63, de manière à en revenir au droit actuel en matière de transfert de la compétence « urbanisme ». Mon collègue Daniel Dubois s’est longuement exprimé sur ce sujet dans la discussion générale.
Nous formulons deux objections principales à cet article, qui tiennent aux deux points de fracture de la disposition proposée. De fait, nous ne nous faisons pas la même idée de ce en quoi consiste l’exercice de la liberté communale.
Première objection, l’aspect obligatoire de ce transfert de compétence. C’est pour nous un point de blocage important. Pourquoi imposer aux EPCI cette compétence, pourquoi en dessaisir les communes ? Le transfert d’une compétence aussi importante doit être le fait d’un accord local entre les élus. C’est à eux qu’il faut faire confiance pour organiser au mieux le travail local. En imposant ce transfert, on va inévitablement créer des tensions là où il n’y en avait pas.
Vous le savez, cette mesure a suscité beaucoup de réticences – c’est peu dire – parmi les élus. Aussi, il serait nécessaire de revenir sur cet aspect obligatoire.
La seconde objection tient à la minorité de blocage inventée par la commission. Avec un quart des communes représentant 10 % de la population, il sera quasi impossible de créer des PLU intercommunaux.
On ne comprend pas la volonté de la majorité. En soufflant le chaud et le froid sur cette mesure, en la rendant obligatoire tout en la rendant impossible, chacun a l’impression de sauver la face. Malheureusement, au final, c’est l’action publique locale qui est pénalisée.
Pour des raisons politiques, le Sénat n’a vraiment pas trouvé la bonne solution avec cet article.
J’entends certains dire qu’avec cette minorité on n’imposera pas aux maires un transfert qu’ils ne voulaient pas, au prétexte que, auparavant, une moitié de maires représentant les deux tiers de la population imposaient leur vue à l’autre moitié.
MM. Pierre-Yves Collombat et Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Henri Tandonnet. Cet argument n’est pas recevable et il peut être renversé dans la formule ici proposée : un quart des communes pourraient imposer leur volonté aux trois quarts des autres.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est deux fois moins !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. C’est la moitié de la moitié !
M. Henri Tandonnet. Cela s’appelle la démocratie : les règles sont définies, ceux qui sont majoritaires prennent des décisions. Ce n’est pas du totalitarisme !
Au final, on essaie d’introduire des règles spécifiques pour cette compétence particulière, alors que toutes les autres compétences sont régies par des normes uniformes. Cela ne semble pas une bonne chose, et je parle d’expérience.
Sur mon territoire, ayant la responsabilité de l’urbanisme, j’ai élaboré un schéma de cohérence territoriale, un PLU intercommunal, approuvé récemment à l’unanimité, réunissant douze et sans doute bientôt vingt-neuf communes. Tout cela se fait en bonne intelligence, de façon unanime, mais cela reste facultatif.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh bien, il n’y aura pas de problème !
M. Henri Tandonnet. Quand ce sera bien parti, le résultat sera là ; en revanche, quand ce sera mal parti…
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l'amendement n° 211.
Mme Élisabeth Lamure. Pour les raisons que j’ai indiquées, nous demandons également la suppression de l’article 63.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. La commission émet bien évidemment un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.
Le Sénat, en proposant une minorité de blocage de 25 % des communes représentant 10 % de la population, a voulu faire en sorte que les maires puissent se faire entendre et donc que soit respecté le pouvoir des communes. Aussi, je ne comprends pas le raisonnement de notre collègue Henri Tandonnet. Celui-ci nous explique en effet qu’il serait préférable de renforcer cette minorité de blocage. Or, d’un point de vue arithmétique, 50 %, c’est deux fois 25 % !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est juste ! (Sourires.)
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Ensuite, vous pouvez dire ce que vous voulez, mais j’ignore comment vous entendez procéder.
Par ailleurs, comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale, dès lors que l’on entend permettre à une intercommunalité d’exercer une nouvelle compétence, le plus souvent, la décision est prise de façon consensuelle, à la quasi-unanimité. Pourquoi ce qui était possible jusqu’à présent ne le serait plus avec cette minorité de blocage de 25 % ?
Dans l’intercommunalité que je préside, nous nous sommes dotés successivement de nouvelles compétences et, chaque fois, alors même que la législation en vigueur nous permettait de prendre les décisions en la matière à la majorité qualifiée, nous avons toujours voté unanimement – sauf une fois, où une commune, une seule, a fait défaut.
Par conséquent, rien ne changera. En revanche, ce que propose le Sénat, qui fait aujourd’hui entendre sa voix, est beaucoup plus protecteur. Il serait quand même dramatique, mes chers collègues, que les représentants des collectivités territoriales que vous êtes votent ces deux amendements de suppression ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. L’avis du Gouvernement est désormais connu : celui-ci se range à la position adoptée par le Sénat en première lecture, que j’ai présentée sous forme d’un amendement à l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Par conséquent, je suis évidemment défavorable à la suppression de l’article 63.
Il s’agit là d’un premier pas, celui de la reconnaissance de l’intercommunalité comme cadre d’élaboration des documents d’urbanisme, cadre facultatif dès lors que le Sénat a posé la règle d’une minorité de blocage.
Cette question a fait débat à l’Assemblée nationale, mais le principe en a été accepté par les députés, exprimant ainsi leur volonté de faire un pas en direction des sénateurs, même si chacun considère toujours que le pas de l’autre est insuffisant…
Le discours que je tiens devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je l’ai tenu également devant les députés. Je crois tout autant à votre sincérité – j’ai défendu votre position devant l’Assemblée nationale – qu’à celle de vos collègues députés.
J’ai rappelé mon attachement au bicamérisme, lequel implique, comme l’a souligné le président Mézard, que les deux chambres adoptent in fine une position commune.
Ce qui m’importe, c’est le travail qui a été mené. À cet égard, je rends une nouvelle fois hommage au travail du rapporteur Claude Bérit-Débat, qui, sur un sujet brûlant, a su faire adopter une solution à une large majorité de suffrages du Sénat. Cela me paraît être une bonne méthode de travail.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. En préconisant la suppression de cet article, les auteurs de ces amendements pratiquent la politique du pire, avec un objectif à très courte vue. Il me serait facile, pour le démontrer, de reprendre les arguments qu’a développés tout à l’heure Pierre-Yves Collombat, qui expliquait que supprimer cet article, ce serait en revenir à la majorité qualifiée, qui est manifestement beaucoup plus pénalisante pour ce qui est du libre choix des communes.
La voie médiane qu’a proposée la commission, sous l’égide de notre collègue Claude Bérit-Débat, donne satisfaction au plus grand nombre, si j’en juge par les positions prises tant par l’Association des maires de France que par l’Association des maires ruraux de France.
C’est une position intéressante, parce qu’elle n’écarte pas brutalement la possibilité d’un PLUI, même dans les territoires où sa mise en œuvre serait difficile. Du reste, on verra bien dans les dix ans à venir que le PLUI est pour ainsi dire inévitable, presque une fatalité.
Au passage, madame Lamure, j’aimerais pouvoir vous exonérer de la responsabilité de l’accusation de procès d’intention formulée à l’encontre de Mme la ministre (Mme Élisabeth Lamure s’exclame.), mais vous nous avez tout de même expliqué que les dispositions de cet article n’étaient pas dénuées d’arrière-pensées et qu’elles constituaient la première étape d’une remise en cause plus générale. En tout cas, c’est ainsi que nous avons interprété vos propos, que j’ai trouvés pour ma part quelque peu cavaliers.
Quant à nous, notre ligne est constante, parce que, au-delà des débats de l’heure, nous pensons qu’il se passera quelque chose d’ici à l’examen en commission mixte paritaire. Au reste, même si vous obteniez satisfaction sur la suppression de cet article, vous pensez bien que, chassé par la fenêtre, il reviendrait par la porte ou par la cheminée à l’Assemblée nationale ou ailleurs…
Votre opposition est donc parfaitement vaine, et la satisfaction intellectuelle que vous vous accordez ainsi sera bien fugace mais aussi dépourvue de pertinence que d’efficacité.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Au risque de lasser,…
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est bien le mot !
M. André Reichardt. … je tiens à répéter que le transfert obligatoire de la compétence en matière de PLUI et de la carte communale à l’échelon intercommunal est une erreur.
Nous examinons le texte en deuxième lecture, et je m’abstiendrais donc de rappeler les raisons qui motivent cette position, celles-ci sont largement connues, n’y revenons pas.
Je voudrais en revanche insister sur une deuxième erreur, celle qui consiste à se satisfaire de la solution de compromis qui a été trouvée avec ce que l’on appelle « la minorité de blocage », formule qui, je le rappelle, permet à un quart des communes représentant 10 % de la population de s’opposer au transfert de la compétence.
Indépendamment du débat que nous venons d’avoir à l’instant sur les modalités de ce mécanisme de blocage, celui-ci conforte incontestablement le caractère obligatoire de ce transfert, qui, en l’absence d’opposition, devient ipso facto la règle. (M. le président de la commission des affaires économiques s’exclame.)
En outre, s’agissant d’une compétence qui est, pour bon nombre de maires, hautement symbolique, voire, pour certains, vitale et sur laquelle ils se sont engagés, ce transfert risque de faire se dresser les uns contre les autres les organes délibérant des collectivités membres de l’intercommunalité. Nous n’avons pas besoin de cela !
Enfin, cette minorité doit faire connaître son opposition dans les trois mois précédant le terme d’un délai de trois ans à compter de la publication de la loi. Pourquoi ce délai - presque trois ans -, à la fois si court et si long, et surtout si précis ? On voudrait faire oublier aux communes ce vote que l’on ne s’y prendrait pas autrement…
Non, mes chers collègues, ce transfert de compétence doit être choisi, et non subi. C’est pourquoi, quels que soient les arguments qui ont été avancés jusqu’à présent, je voterai ces deux amendements identiques de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 et 211.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 135 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 179 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Voilà qui est clair !