M. le président. L’amendement n° 254 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé
Le renoncement, le cas échéant, au bénéfice de la garantie universelle des loyers, telle que prévue à l’article 8 de la loi n°… du … pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, doit être expressément mentionné dans le contrat de location. À défaut, le bailleur s’engage à déclarer le contrat de location auprès de l’agence mentionnée au II de l’article précité.
II. – Alinéa 24, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Cette notice d’information précise également les droits, obligations et effets, pour les parties au contrat de location, de la mise en œuvre de la garantie universelle des loyers telle que prévue à l’article 8 de la loi n°… du … pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Si le présent amendement porte sur l’article 1er du projet de loi, il est étroitement lié à l’article 8, que nous examinerons par priorité juste après lui, et qui institue la garantie universelle des loyers.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, et comme Mme la ministre vient de le souligner, le dispositif de la GUL a évolué depuis sa version initiale, présentée par le Gouvernement. Il s’est en effet enrichi d’une grande partie des propositions faites par le groupe de travail constitué sur l’initiative du président de la commission des affaires économiques, M. Daniel Raoul, et dont j’ai été le rapporteur. Cela me semble très positif.
Néanmoins, deux préconisations importantes du groupe de travail, sur lesquelles nous aurons à donner des explications complémentaires, n’ont pas été retenues. Je pense au caractère obligatoire de la GUL, point sur lequel Mme la ministre vient de s’exprimer de manière préventive, et à la suppression de la possibilité du cautionnement. Ces deux propositions élaborées par le groupe de travail étaient d’ailleurs étroitement liées.
Lors des travaux du groupe de travail, j’avais indiqué que la suppression de la caution, si elle était pleinement cohérente avec la mise en place d’un dispositif universel, pouvait poser des problèmes de constitutionnalité. Je pense que vous pourrez nous confirmer les difficultés juridiques en la matière, madame la ministre.
Dans ce contexte, il ne m’a pas paru opportun de déposer un amendement visant à supprimer la caution.
D’une part, il ne faut pas courir le risque de voir l’ensemble du dispositif censuré par le Conseil constitutionnel. C’est un risque réel, sur lequel nous reviendrons.
D’autre part, ainsi que l’indiquait Marie-Noëlle Lienemann hier soir dans la discussion générale, le dispositif proposé par le Gouvernement permet une mise en œuvre progressive de la GUL. Le bailleur aura un intérêt objectif à choisir ce dispositif, gratuit et plus facilement mobilisable que la caution.
Pour autant, j’ai souhaité déposer le présent amendement, qui est pleinement cohérent avec les propositions faites par le groupe de travail.
L’amendement n° 254 rectifié vise à renforcer le caractère automatique de la GUL. En effet, il a pour objet de préciser, au sein des dispositions de la loi de 1989 relatives au « contrat type », que le contrat de location doit expressément mentionner le renoncement du bailleur au bénéfice de la GUL. S’il n’y renonce pas, le bailleur s’engage alors à déclarer le contrat de location auprès de l’Agence de la GUL, comme le prévoit l’article 8 du projet de loi.
Par ailleurs, l’amendement tend à ce que la notice d’information figurant dans le contrat de location précise les droits, obligations et effets, pour les parties au contrat de location – tant le bailleur que le locataire –, de la mise en œuvre de la GUL.
Je pense, madame la ministre, mes chers collègues, que cette rédaction complète utilement le dispositif du Gouvernement, et lui permet de fonctionner beaucoup plus facilement. Par conséquent, j’espère que cet amendement recueillera un large assentiment du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur de la commission des affaires économiques. Nous entamons la deuxième lecture de ce texte par un amendement extrêmement important.
Cet amendement reflète parfaitement la position majoritaire du groupe de travail créé sur l’initiative de M. Daniel Raoul, mais aussi de la commission des affaires économiques elle-même. Son dispositif peut répondre aux inquiétudes exprimées lors de la discussion générale : l’automaticité qu’il tend à introduire va permettre à la GUL de bien s’engager.
La commission ne peut donc qu’émettre un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Le groupe de travail, dont vous étiez le rapporteur, monsieur Mézard, préconisait la suppression de la caution. Nous avons travaillé sur cette hypothèse. Il est apparu qu’il n’était pas possible d’avancer de façon certaine que cette disposition était inconstitutionnelle.
La caution est un élément du droit de propriété. Dans son évaluation du dispositif, le Conseil constitutionnel aurait donc à se prononcer sur l’effet d’une telle mesure quant à l’intérêt général, notamment au regard de l’atteinte au droit de propriété. C’est là un équilibre que le Conseil constitutionnel peut juger.
La position du Conseil constitutionnel sur la suppression de la caution, prévue à l’article 8, apparaissant incertaine, c’était l’ensemble de cet article qui aurait été suspendu à sa décision.
C’est pourquoi votre proposition visant à renforcer l’automaticité de la GUL me paraît une très bonne réponse pour parer à cette éventuelle difficulté, monsieur Mézard.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, le débat constitutionnel autour du droit au logement et du droit de propriété est à mon avis un débat fondamental, dont notre pays ne pourra faire l’économie dans les années qui viennent.
M. Claude Dilain, rapporteur. Tout à fait !
Mme Cécile Duflot, ministre. Le dispositif de l’amendement permet de rendre la GUL plus automatique, et son utilisation plus simple. C’est aussi un bon moyen de contribuer à la faire connaître, notamment auprès de ceux qui, habitués depuis des années au système de la caution, préfèrent avoir recours à cette dernière plutôt qu’à un dispositif nouveau. La mention de la GUL sur le bail contribue à renforcer son automaticité.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Exactement !
Mme Cécile Duflot, ministre. C’est donc une excellente proposition, et l’avis du Gouvernement ne peut donc qu’être très favorable, lui aussi, sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je comprends tout à fait que l’on veuille voir la GUL utilisée le plus possible. Quoi qu’on pense du dispositif, on peut espérer qu’elle atteindra les objectifs que vous lui assignez, madame la ministre.
Cela étant dit, je suis toujours un peu étonné de voir inscrit dans la loi le principe de l’automaticité, même si, en l’espèce, la rédaction de l’amendement ne le mentionne pas expressément.
J’ai déposé un amendement sur l’article 8, dont l’objet est exactement inverse : il vise à ce que le bailleur indique de manière manuscrite qu’il souhaite souscrire à la GUL. Je préfère cette mesure à celle dont nous discutons, selon laquelle l’absence de précision entraîne l’application par défaut de la garantie.
Cette méthode me perturbe un peu, même si je partage l’objectif qu’elle vise. Au bout du compte, en effet, cette solution permet à certains locataires de trouver un propriétaire qui leur loue son bien. Simplement, on a l’impression que vous voulez l’imposer !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas du tout !
M. Philippe Dallier. C’est en tout cas le signal que vous donnez. Autant inscrire à l’article 8 que le propriétaire doit indiquer son souhait de voir son locataire bénéficier de la GUL.
M. le président. L’amendement n° 205 rectifié, présenté par MM. Husson, Milon et Longuet, Mmes Bruguière et Boog, MM. Pierre, Grignon, Houel, Cambon et Lefèvre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Alinéa 30, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La demande doit, à peine d’irrecevabilité, être formée dans les six mois de la prise d’effet du contrat de location.
La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Le projet de loi qui nous est soumis prévoit que le loyer puisse être réduit en fonction de la surface habitable. Le présent amendement tend, par parallélisme des formes, à soumettre cette possibilité aux mêmes conditions que celles qui sont fixées par la loi Carrez.
En effet, le dispositif proposé fait courir sur une durée beaucoup trop longue la possibilité de contester la surface habitable. Du temps peut s’écouler entre la prise d’effet du bail et le moment où le locataire a connaissance, ou pourrait l’avoir, du mauvais calcul de la superficie du bien loué. Cela fragilise forcément les relations entre le bailleur et le locataire !
Hier, lors de nos débats sur le projet de loi relatif à la consommation, j’ai cru entendre que le Gouvernement se prononçait contre la complexité, et pour la fluidité.
Cet amendement, s’il était adopté, éviterait que ne soit trop complexe le recours juridique prévu par le présent dispositif, en rendant plus claire la durée de contestation, qui courrait pendant six mois à compter de la prise d’effet du bail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat en première lecture. Je me contenterai donc de rappeler quelques éléments.
D’abord, et cela a été souligné hier à propos du projet de loi sur la consommation, six mois, ça passe très vite !
M. Jean-François Husson. Cela suffit pour connaître la taille du logement !
M. Claude Dilain, rapporteur. Ensuite, le dispositif retenu permettra au bailleur d’être très attentif à la surface. C’est, me semble-t-il, une bonne incitation.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Il n’y a aucune raison que la surface du logement change au bout d’un certain temps. Et il faut pouvoir remédier à tout moment à une inexactitude qui figurerait sur le contrat de bail.
En revanche, il est prévu que la rétroactivité du remboursement des loyers cesse au bout de six mois. Il n’est effectivement pas souhaitable qu’elle s’applique sur une période trop longue.
La solution retenue me paraît donc équilibrée. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 33, première phrase
Remplacer les mots :
à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire
par les mots :
aux frais du bailleur
II. – Alinéa 54
Remplacer les mots :
aux prestations mentionnées aux deuxième et troisième alinéas du présent I
par les mots :
à la rédaction du bail
III. – En conséquence, alinéas 55 et 56
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Cet amendement de bon sens vise à lutter contre les frais indus facturés aux locataires.
À nos yeux, seul le service de rédaction du bail profite aux deux parties et peut donc légitimement être facturé pour moitié au locataire.
C’est pourquoi nous proposons de modifier les alinéas 33 et 54 afin que les frais relatifs à l’état des lieux soient à la charge des seuls bailleurs. Nous proposons en conséquence la suppression des alinéas 55 et 56, qui maintiennent la facturation d’autres services pour partie au locataire.
Pour nous, mais aussi pour de nombreuses associations de défense des consommateurs et des locataires, il est impératif que l’état des lieux ne puisse pas être facturé au locataire, comme c’est le cas actuellement. En effet, il s’agit d’une prestation rendue par l’agence dans l’intérêt exclusif du bailleur. Il ne faut en effet pas se leurrer : l’agence est présente sur place afin de représenter le bailleur face au locataire, et non les intérêts des deux parties. Une telle facturation au locataire est donc injustifiée ; elle va à l’encontre des principes dégagés par la jurisprudence sur le fondement de l’article 5 de la loi de 1989.
En effet, grâce, entre autres, aux recours initiés par l’UFC-Que choisir, la jurisprudence dominante considère aujourd'hui que la recherche du locataire, les vérifications et autre actes obligatoires, comme la reconnaissance de la décence du logement ou le diagnostic de performance énergétique, le DPE, sont effectués par les agences dans le seul intérêt du bailleur. La facturation des honoraires de location ou la facturation d’un « forfait » est qualifiée d’illicite. Il n’est pas légitime de faire payer au locataire des services dont il n’est pas bénéficiaire.
Mes chers collègues, nous vous invitons à voter cet amendement, afin, d’une part, que l’article 1er du projet de loi ne marque pas un recul par rapport aux avancées jurisprudentielles et, d’autre part, qu’il n’y ait pas de divergence de jurisprudence selon le tribunal saisi, la Cour de cassation ne s’étant pas prononcée.
M. le président. L'amendement n° 92, présenté par M. Lenoir, Mme Lamure, M. César et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 54
Remplacer les mots :
à la charge exclusive du bailleur, à l’exception des honoraires liés aux prestations mentionnées aux deuxième et troisième alinéas du présent I
par les mots :
partagée entre le bailleur et le preneur
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Notre position est tout à fait différente.
De notre point de vue, les deux parties étant toutes deux bénéficiaires de la prestation rendue par le professionnel qui établit un état des lieux, il nous paraît équitable qu’elles se partagent les frais.
Au demeurant, si ce n’était pas le cas, ce serait un frein supplémentaire à la mise en location de logements par les bailleurs.
M. le président. L'amendement n° 136, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 54
Supprimer les mots :
, à l’exception des honoraires liés aux prestations mentionnées aux deuxième et troisième alinéas du présent I
II. – Alinéas 55 et 56
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 57
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le premier alinéa du présent I est reproduit, à peine de nullité, dans le contrat de bail lorsque celui-ci est conclu avec le concours d’une personne mandatée et rémunérée à cette fin.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Il est d’usage de faire payer une partie non négligeable des frais d’agence au locataire.
Or en quoi consiste en pratique le service de l’agence ? Très souvent à demander au « candidat » à la location une longue série de papiers à fournir, après lui avoir imposé une date et un horaire de visite, souvent à plusieurs, parfois même après lui avoir tout simplement remis les clés du bien à visiter en échange d’une pièce d’identité !
Concrètement, en dehors de la rédaction du bail, qui va d’ailleurs être simplifiée avec un bail type, l’action de l’agence pour le locataire est somme toute extrêmement réduite. C’est bien le propriétaire qui s’adjoint les services d’une agence pour qu’elle assure en son nom le rôle de recherche d’un locataire.
En outre, une confusion est entretenue dans le projet de loi entre le rôle d’agent immobilier et celui d’administrateur de biens. Les deux activités peuvent être accomplies par la même personne, mais elles sont distinctes. Seul le propriétaire, qui met son bien en location, est lié à l’administrateur de biens. Cette confusion ne fait que renforcer notre scepticisme et laisse craindre une confusion des genres ou un possible conflit d’intérêts.
Puisque seule la rédaction du bail devrait être susceptible de concerner le locataire et qu’il existera désormais, avec cette loi, un bail type simplifiant une partie du travail, autant exempter le locataire des frais d’agence ! (Mme Hélène Lipietz applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. À ce stade des travaux parlementaires, le texte prévoit que les honoraires sont à la charge du bailleur, à l’exception des prestations liées à la visite et à la constitution du dossier du locataire, à la rédaction du bail et à la réalisation de l’état des lieux, qui sont partagées.
Nous pensons qu’il s’agit d’une position équilibrée. J’en veux pour preuve ces trois amendements : pour le groupe CRC, seuls les frais liés à la rédaction du bail peuvent incomber au locataire ; pour le groupe UMP, l’ensemble des frais sont partagés entre le bailleur et le locataire ; pour le groupe écologiste, l’ensemble des frais d’agence sont à la charge du bailleur. (Mouvements divers.)
Il me paraît donc préférable d’en rester à la position d’équilibre trouvée. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Je partage la position de M. le rapporteur.
D’ailleurs, il est évident que le professionnel considérerait n’avoir qu’un seul client si seule l’une des parties payait les frais. Or son rôle d’intermédiaire nous semble utile.
L’enjeu essentiel, celui qui a beaucoup fait débat, est le plafonnement des frais. Je rejoins Mme Schurch sur la décorrélation avec le montant des loyers. Aujourd'hui, certains subissent une « triple peine » : difficultés d’accès au logement, loyers élevés, frais élevés. En revanche, il est prévu que ce soit corrélé à la taille du logement, avec un montant plafonné.
Comme je l’ai précisé lors de la discussion générale, l’objectif est de diviser les frais au moins par deux. Nous reviendrions ainsi à une situation bien antérieure à la période d’augmentation massive des loyers de ces dernières années – 40 % à la relocation –, dans les zones tendues.
Le choix que nous avons fait me semble équilibré. Permettez-moi de citer M. André Chassaigne, président du groupe GDR à l’Assemblée nationale, qui déclarait : « Qui paie les violons choisit la musique. » Nous sommes à peu près dans cet état d’esprit, puisque nous avons choisi un arbitrage d’équilibre. La position est peut-être inconfortable, mais elle me paraît juste.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 92.
M. Gérard Longuet. Je soutiens l’amendement n° 92, présenté par notre excellent collègue Jean-Claude Lenoir.
Le marché immobilier n’est pas homogène dans notre pays ; Mme la ministre vient d’ailleurs de le souligner en évoquant les zones tendues.
Si, dans certaines de ces zones tendues, le rôle d’intermédiaire de l’agence est sans doute extrêmement modeste – il consiste essentiellement, comme cela vient d’être rappelé, à faire remplir quelques documents administratifs, à prendre une pièce d’identité en caution et à donner des clés pour que les gens fassent eux-mêmes la visite –, telle n’est pas la situation dans l’immense majorité des cas, où le métier d’agent immobilier, parfaitement honorable, est très utile tant à celui qui recherche un logement qu’à celui qui cherche un locataire. Et je ne parle naturellement pas des transactions.
L’équilibre de l’offre et de la demande par régions rendant le métier d’agent immobilier tout à fait utile, il n’est pas anormal de procéder à un partage des frais.
Le coût de l’intermédiation soulève un second problème, plus technique. L’intermédiation est un métier ; cela prend du temps et exige de se déplacer. Or, s’il peut être possible, en milieu urbain, de faire visiter plusieurs logements dans une demi-journée, c’est moins le cas dans des zones à plus faible densité où les distances à parcourir sont plus grandes.
Réfléchissons à l’économie de la profession d’agent immobilier. De deux choses l’une : soit l’on considère que c’est un métier parfaitement inutile, ce qui serait une erreur manifeste ; soit l’on considère que c’est un métier utile, ce qui est le cas puisque que cela permet à une offre de rencontrer une demande et à une demande de rencontrer une offre, et il faut accepter l’idée que les conditions d’exercice ne soient pas tout à fait les mêmes partout. Gardons suffisamment de souplesse pour que le métier continue d’exister et de fonctionner sur l’ensemble du territoire.
Il y a des locaux plus faciles à vendre ou à louer. Mais, parfois, parce que les tensions du marché sont fortes et demandent de comprendre les besoins du locataire ou du bailleur, ou tout simplement parce que les conditions matérielles géographiques rendent l’accès à la connaissance du produit plus difficile, les coûts sont plus élevés. Il y a donc un équilibre qu’il serait dangereux de ne pas vouloir respecter.
C'est la raison pour laquelle je voterai cet amendement. Notre collègue Jean-Claude Lenoir exprime une réalité du terrain que certains de nos collègues siégeant sur la gauche de l’hémicycle semblent méconnaître… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Marc Daunis. On mettra ces propos sur le compte d’un moment d’égarement…
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote sur l'amendement n° 136.
M. Joël Labbé. J’ai pris bonne note du souci d’équilibre que Mme le ministre a exprimé, et l’amateur de bons mots que je suis est sensible à la belle expression d’André Chassaigne : « Qui paie les violons choisit la musique. » Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 136 est retiré.
L'amendement n° 89, présenté par M. Lenoir, Mme Lamure, M. César et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 35
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. La musique va être différente ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Marc Daunis. Mais pas forcément de meilleure qualité ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Lenoir. Nous proposons la suppression de l’alinéa 35, en vertu duquel le locataire dispose d’un délai de dix jours après avoir intégré le logement pour demander que l’état des lieux d’entrée puisse être complété.
Nous savons ce qui risque de se passer en pratique. Une fois installé dans le logement, le locataire a la responsabilité des lieux. Et si le propriétaire est amené au bout de dix jours à faire un état des lieux différent de celui qu’il avait fait pour les signatures, c’est peut-être tout simplement parce que le locataire, pour des raisons qu’on peut imaginer, a dégradé le logement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Afin de rassurer M. Lenoir, je lui rappelle une énième fois qu’il ne s’agit aucunement d’une obligation. La demande peut être refusée, et le locataire peut alors saisir la commission départementale de conciliation.
De toute manière, il appartient au locataire d’apporter la démonstration que les anomalies constatées étaient antérieures à son installation.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Je suis tout de même un peu étonné par l’argument qui vient de m’être opposé. M. le rapporteur laisse entendre que je ne comprends rien malgré des explications répétées.
M. Claude Dilain, rapporteur. Ce n’est pas ce que j’ai dit, monsieur Lenoir ! J’ai simplement rappelé que j’avais déjà répondu sur le sujet !
M. Jean-Claude Lenoir. Je confirme que le propriétaire peut se trouver dans la situation où le logement mis en location ne serait pas dans le même état qu’au moment de la remise des clés.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. L’amendement de mon collègue Lenoir me paraît extrêmement pertinent. Il vise à restituer ce moment très fort qu’est la transmission des clés.
Lorsque l’on vend un bien, il y a un moment où l’on n’est plus le propriétaire et où l’acquéreur devient responsable, en toute connaissance de cause, de ce qu’il a acheté. Il en va de même pour le preneur à bail. La remise des clés doit être le moment où celui-ci assume totalement ses responsabilités et reconnaît la bonne foi du bailleur.
Un délai de dix jours pour compléter l’état des lieux n’est certes pas la mort du petit cheval. Nul n’imagine que le preneur à bail, en dix jours, puisse se livrer à des turpitudes inavouables. Cependant, pourquoi diable remettre en cause le rendez-vous assez solennel de la remise des clés, qui oblige chacun à être rigoureux ? Le problème, en acceptant l’idée d’un délai, c’est que l’on admet dans le même temps que l’état des lieux est fait entre deux portes. On se dit : on s’arrangera ; s’il y a une difficulté, on pourra toujours se revoir, etc.
Je ne suis pas d’accord ! Faisons de la transmission des clés au locataire un accord formel afin qu’aucune ambiguïté ne subsiste. Aujourd'hui, c’est un délai de dix jours, demain on nous proposera des amendements visant à instaurer un délai plus long sous prétexte que de l’humidité peut apparaître longtemps après la remise des clés, qu’il faut du temps pour se rendre compte que le circuit électrique est dégradé ou que l’isolation est insuffisante.
Nous connaissons tous le droit civil, et nous savons tous que les tribunaux sont encombrés par ce type de contentieux. Si nous voulons les limiter, solennisons la prise de possession des clés et faisons en sorte que tout soit acté à ce moment-là.
J’ajoute qu’aujourd'hui la location ou la vente d’un bien s’accompagne impérativement de toute une pile d’expertises, allant du diagnostic termites au plan particulier d’intervention, en passant par les diagnostics amiante et plomb. Je souligne, même si c’est hors sujet, que la présence de plomb sur les murs, sauf à lécher les peintures à longueur de journée, ne présente aucun danger. Idem pour les canalisations, car la plupart d’entre elles sont entartrées par le calcaire et n’ont jamais empoisonné personne !
Je le répète, j’approuve l’amendement de mon collègue Lenoir. Selon moi, la prise de possession doit être un moment solennel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)